UNIVERSITE DE LOME FACULTE DE DROIT
I
MEMOIRE DE MASTER II DROIT PUBLIC FONDAMENTAL
LES PETITES CONSTITUTIONS EN AFRIQUE
ESSAI DE REFLEXION A PARTIR DES EXEMPLES DE LA COTE D'IVOIRE, DE
LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO, DE LA TUNISIE ET DU TOGO.
Présenté par
Kakéssiwa K. KOMLAN
DIRECTEUR DU MEMOIRE
Kossi SOMALI
Maître-assistant en Droit Public.
ANNEE UNIVERSITAIRE 2011-2013
II
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
AVERTISSEMENT
L'Université de Lomé n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans ce document ; ces
opinions doivent être considérées comme propres à
leur auteur.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
III
A mon frère ainé Robert Komlanvi EZIGO,
cette oeuvre t'est dédiée pour avoir façonné son
auteur ainsi que ses connaissances.
IV
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
REMERCIEMENTS
J'adresse mes sincères remerciements à
Monsieur Kossi SOMALI qui a répondu favorablement à la
curiosité intellectuelle d'un apprenant, en acceptant de diriger ce
travail et en dégageant un temps nécessaire toutes les fois qu'il
a été sollicité. Sa rigueur intellectuelle et sa passion
de la recherche scientifique m'ont grandement inspiré tout au long de
cette rédaction. Que ces mots traduisent toute mon admiration de la
personne.
Je tiens également à exprimer toute ma
gratitude à Messieurs les professeurs Adama KPODAR et Dodzi KOKOROKO,
dont les multiples sacrifices consentis ont abouti à la réussite
de notre Master. L'écoute attentive dont ils ont toujours fait preuve et
les précieux conseils prodigués ont été
déterminants dans la volonté d'entreprendre et de mener à
bien ce travail. Qu'ils veuillent bien trouver, dans le présent hommage,
l'expression de ma sincère et profonde reconnaissance.
Le corps enseignant de la Faculté de Droit de
l'Université de Lomé et le Centre de Droit Public de Lomé,
m'ont permis de bénéficier d'une ambiance de travail à la
fois sereine et motivante. Je voudrais ici leur adresser mes remerciements, de
même qu'aux documentalistes de la « salle de lecture » qui
m'ont apporté une aide précieuse dans mes travaux de
recherche.
Enfin, un grand remerciement à ma famille pour tout
le soutien moral et financier dont j'ai bénéficié, et
au-delà, tous ceux, collègues et amis, qui, chacun à sa
manière, ont contribué, par des aides et des encouragements
constants, à l'achèvement de ce document. Puisse Dieu Tout
Puissant vous donner la bénédiction nécessaire pour le
sain épanouissement de votre existence.
V
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
RESUME ET MOTS-CLES
VI
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
Résumé
Les petites constitutions, normes au caractère
juridique controversé, sont souvent édictées en
période de crise, et participent à un processus de renouvellement
constitutionnel, en permettant, lors du passage de la Constitution
révolue ou contestée, à la Constitution voulue ou
souhaitée, d'assurer un certain degré de formalisation de la
production normative et d'organiser les rapports entre les pouvoirs publics
pendant la période de la transition ou de crise. Elles se distinguent
ainsi d'une Constitution « normale » par leur caractère
provisoire, par le faible degré de formalisation qu'elles comportent
ainsi que par le fait qu'elles prévoient parfois les conditions de
production d'une future Constitution. Même si elles n'ont pas encore
intégré les catégories officiellement consacrées
par la doctrine constitutionnelle classique, les petites constitutions
projettent sur la réflexion en Afrique d'un « droit constitutionnel
de crise ».
Mots-clés
Constitution - Petite constitution - Constitutionnalisme -
Juridicité - Légitimité - Légalité -
Gouvernement de fait - Transition - Coup d'état - Révolution.
VII
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
SOMMAIRE
VIII
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
RESUME ET MOTS-CLES V
SOMMAIRE VII
LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES IX
INTRODUCTION 1
PARTIE I. LA CONCEPTION JURIDIQUE DES PETITES
CONSTITUTIONS 13
Chapitre I. La juridicité des petites
constitutions 15
Chapitre II. Les fonctions des petites constitutions
31
PARTIE II. LA TYPOLOGIE DES PETITES CONSTITUTIONS
44
Chapitre I. Les petites constitutions issues d'un pouvoir
constituant national 47
Chapitre II. Les petites constitutions issues d'un
pouvoir constituant
international 63
CONCLUSION 78
BIBLIOGRAPHIE 82
TABLE DES MATIERES 94
IX
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES
Y
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
A.F.D.I. Annuaire français de droit international
A.N.C. Assemblée nationale constituante tunisien
A.P.G. Accord politique global
C.C. Conseil constitutionnel
C.N.G. Congrès national général
C.N.T. Conseil national de transition
C.N.S Conférence Nationale Souveraine
C.S. Conseil de sécurité des Nations Unies
Cf. Confer
Concl. Conclusion
Déc. Décision
(Dir.) sous la direction de
H.C.R. Haut Conseil de la République
I.S.I.E. Instance supérieure indépendante pour
les élections
J.O.R.T. Journal officiel de la République
tunisienne
L.G.D.J. Librairie générale de droit et de
jurisprudence
N.E.A. Nouvelle édition africaine
O.N.U Organisation des Nations unies
Ord. Ordonnance
Pouvoirs Revue Pouvoirs
P.U.F. Presses universitaires de France
R.C.A.D.I. Recueil des cours de l'Académie de droit
international
R.D.C. République Démocratique du Congo
R.D.P. Revue du droit public et de la science politique en
France et à l'étranger
R.F.D.C. Revue française de droit constitutionnel
R.P.T. Rassemblement du peuple togolais
R.R.J. Revue de la recherche juridique
Rec. Recueil de décisions
T.D.C. Traité de droit constitutionnel
trad. Traduction
U.A. Union africaine
INTRODUCTION
2
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
S'il est, de nos jours, une interrogation qui traverse avec
constance et véhémence la science du droit constitutionnel dans
la résolution des conflits et crises
politiques1 en Afrique, comme partout ailleurs dans
le monde, sur fond d'incertitudes juridiques et institutionnelles, c'est bien
celle de la sortie de crise2 par la mise sur pied
d'un instrument, destiné à assurer la continuité des
pouvoirs publics et permettant la transition3 des
ordres juridiques. Cet instrument, c'est les dispositions à
prétention constitutionnelle, connues sous le vocable de « petites
constitutions »4.
Ces petites constitutions constituent un objet de recherche
théorique nouveau. En réalité, il y a
d'intéressants travaux réalisés récemment sur le
continent africain qui abordent cette question des petites constitutions, mais
la problématique n'est pas épuisée. En effet, les auteurs
qui se sont intéressés à la question, l'ont traité
de manière restrictive. D'où l'intérêt de la
présente contribution, qui se propose de revisiter la thématique
essentielle, en Afrique notamment, d'une normativité politique «
apprivoisée » par le droit.
Cependant, l'entreprise n'est pas sans écueil. Le sujet
est en effet difficile en raison des contours flous de la notion de «
petite constitution » qu'il importe de définir.
Le nom « petite constitution », attribué pour
la première fois à la Constitution polonaise de 1919, a dans un
premier temps été conceptualisé en France par Marcel
PRELOT, qui l'appliqua à la loi constitutionnelle du 2 novembre
19455 avant de développer le concept dans son
Précis d'institutions politiques et de droit constitutionnel
en1961. Limitée
1 Même si une crise politique est un
conflit qui naît entre la classe politique, et une crise juridique celle
liée soit à l'interprétation de la Constitution ou
à son silence, on voit mal la frontière entre les deux. Une crise
juridique est nécessairement politique et vice versa.
2 Voir en ce sens MANDJEM
(Y. P.), « Les Gouvernements de
transition comme site d'institutionnalisation de la politique dans les ordres
politiques en voie de sortie de crise en Afrique », Revue africaine
des relations internationales, Vol. 12, no1 & 2, 2009, p.
81.
3 La transition peut être
définie comme un processus, un mouvement qui permet de quitter un
état donné pour en atteindre un autre. L'intérêt de
la transition est la réalisation de ses objectifs à
l'achèvement du processus de passage. Cependant dans le cadre de la
présente étude, la transition s'entend de la période qui
se situe entre la fin d'un ordre juridique et l'instauration d'un nouvel
ordre.
4 L'adjectif « petite» ne se
rapporte pas à la dimension du texte, mais à son horizon
temporel. À titre d'exemple, la petite constitution Sud-africaine
comporte quinze chapitres, deux cent cinquante et une sections et sept
annexes.
5 Le Gouvernement Provisoire de la
République Française, formé à Alger le 3 Juin1943
prévoit, en dehors des formes prévues par les lois
constitutionnelles de 1875, la convocation du peuple français en vue de
choisir entre le rétablissement des lois constitutionnelles de 1875 et
l'investissement d'une Assemblée constituante élue le même
jour mais dont l'encadrement de la compétence est laissé au
peuple français avec le cas échéant du texte formellement
constitutionnel provisoire, promulgué le 2 Novembre 1945.
3
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
cependant par celui-ci, à des normes formellement
constitutionnelles investissant un gouvernement de
fait6 dans le cadre d'un « régime
semi-constitutionnel »7, la notion de
petite constitution fut élargie, plus tard, par le professeur PFERSMANN
aux normes « provisoires8, parfois
même formalisées, souvent uniquement matérielles,
intermédiaires entre la Constitution révolue et la Constitution
future encore au stade de projet »9. De
cette définition, s'impose une précision.
Très souvent les auteurs utilisent d'autres
appellations pour désigner les petites constitutions. Il s'agit entre
autres de « pré-constitution
»10, « Constitution provisoire
»11 « Constitution intérimaire
»12 ou « Constitution
transitoire »13. Il convient donc
d'opérer une distinction essentielle de ces termes qui peuvent
paraître des synonymes. A cet effet, la présente étude
considère les termes « pré-constitution » et
« Constitution provisoire » comme celles qui permettent de
décrire au mieux le phénomène des petites constitutions en
mettant en exergue leur fonction de relais14 entre
deux ordres juridiques. Quant aux
6 Selon la définition
généralement admise par la doctrine « on entend par
gouvernement de facto, un gouvernement créé soit en contradiction
avec la constitution existante, soit ipso facto dans le cas de non existence
d'un ordre Etatique préalable. L'originalité du gouvernement de
fait tient donc à ce qu'il exerce l'autorité gouvernementale en
l'absence de tout fondement constitutionnel. Il s'oppose au gouvernement de
jure où le pouvoir se trouve exercé conformément à
un statut préexistant ». BURDEAU
(G.), Traité de sciences politiques,
Paris, LGDJ 1969, T4, P. 610.
7 PRELOT (M.),
Précis de droit constitutionnel, Paris, Dalloz, 1949, p. 307 et
s. ; Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris,
Précis Dalloz, 1ère éd. ,1961 , 6e
éd. , 1975, pp. 290-291 et 523.
8 L'adjectif « provisoire » est une
évolution du terme juridique « provision », datant du XVe
siècle. Ce n'est qu'à l'époque de la révolution que
le terme provisoire est en entré dans le langage courante.
AMSELEK (P.), « Enquête sur la
notion de provisoire », RDP, n°1, 2009, pp. 7-9.
9 PFERSSMANN (O.), in
Louis FAVOREU et al., Droit constitutionnel,
Paris, Dalloz, coll. Précis Dalloz Droit public-Science politique, 2003,
p. 102 et s.
10 BEAUD (O.), La
puissance de l'Etat, Paris, PUF, 1994, p. 267 ; ZIMMER
(W.), « La loi du 3 juin 1958: contribution
à l'étude des actes pré-constituants », RDP,
1995, pp. 385 ; THUMEREL (I.), Les
périodes de transition constitutionnelle, Thèse de Doctorat
en Droit public, Université Lille 2- Droit et santé, 2008, p.
32.
11 En doctrine, cette appellation a
été utilisé par le Doyen VEDEL en 1949,
en se référant à la loi française du 2 novembre
1945 portant organisation provisoire des pouvoirs publics. Voir VEDEL
(G.), Droit constitutionnel, Paris, Sirey,
1949, pp. 273-275.
12 Emmanuel CARTIER utilise cette appellation
en désignant la petite constitution sud-africaine de 1993, voir
CARTIER (E.), « Les petites
Constitutions : contribution à l'analyse du droit constitutionnel
transitoire» Revue française de droit constitutionnel,
2007/3 n° 71, p. 518.
13 PECH (L.), « Les
dispositions transitoires en droit constitutionnel», RRJ, 1999,
p. 1412.
14 Emmanuel CARTIER parle d'un «
système juridique relais » qui « a comme fonction
première de définir un cadre normatif provisoire destiné
à assurer, dans l'attente de l'adoption d'une Constitution
définitive, la continuité de l'activité juridique de
l'Etat ». CARTIER (E.), « Les
petites Constitutions : contribution à l'analyse du droit
constitutionnel transitoire », op.cit., p. 523.
4
5
6
7
8
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
appellations « Constitution intérimaire
» et « Constitution transitoire », les termes ne
sont pas appropriés. D'une part le mot « intérimaire »
évoque l'idée d'assurer, pendant un temps prévu, une
fonction dont on n'est pas titulaire15.
L'intérim étant prévu par l'ordre juridique en vigueur, le
texte intérimaire assure donc la continuité de celui-ci alors que
les petites constitutions procèdent d'une rupture avec cet ordre.
D'autre part, les normes transitoires ont pour fonction d'aménager
progressivement l'entrée en vigueur d'un dispositif définitif
déjà édicté alors que, les petites constitutions
adoptées dans la phase de transition constitutionnelle ont justement
pour but d'organiser l'élaboration d'une Constitution définitive
qui n'existe pas encore. Ainsi les petites constitutions seront-elles
observées dans le cadre de cette étude comme des «
Constitutions de transition » et non des « Constitutions transitoires
». Les deux termes se recoupent largement mais ne se recouvrent
pas16.
Cette précision sur la notion de petite constitution
semble donc rejaillir sur le concept même de « Constitution »
qu'il convient malgré tout de définir.
Il faut dire que, l'unanimité est faite autour de la
reconnaissance de la Constitution comme étant « le fondement de
l'Etat, la base de l'ordre juridique »17.
Cependant le concept de Constitution est diversement apprécié par
les auteurs selon qu'on la conçoit formellement ou
matériellement. Ainsi Raymond CARRE DE MALBERG enseignait-il que la
Constitution au sens formelle désigne un instrument «
énoncé dans la forme constituante, par l'organe constituant
et qui par la suite ne peut être modifiée que par une
opération de puissance constituante et au moyen d'une procédure
spéciale de révision »18.
Aussi, Pierre PACTET écrivait-il que « la Constitution au sens
matériel encadre la dévolution et l'exercice du pouvoir public
»19. Cette distinction entre le formel et
le matériel est aussi fort observable au niveau des petites
constitutions.
15 Voir en ce sens VILLIER
(M.), Dictionnaire du Droit Constitutionnel, 4e
éd. Armand Collin.
16 Si toutes les « Constitutions
transitoires » sont des « Constitutions de transition »,
l'inverse n'est pas forcément vrai ; parce-que certaines normes de
transition sont adoptées dans l'attente d'une décision
définitive qui n'existe pas encore alors que les normes transitoires
sont adoptées pour assurer la mise en oeuvre progressive d'une norme
définitive qui existe déjà.
17 KELSEN (H.), « La
garantie juridictionnelle de la constitution», RDP 1928, p.
206.
18 CARRE DE MALBERG (R.),
Contribution à la théorie générale de
l'Etat, T.2, Paris, Sirey, 1922, p 571 et s.
19 PACTET (P.),
MELIN-SOUCRAMANIEN (F.), Institutions
politiques et droit constitutionnel, 27e éd., Paris,
Armand Colin, 2009, p. 63.
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
En effet formalisées, elles sont en règle
générale des Constitutions de sortie de crise
élaborées dans la perspective d'une Constitution
définitive respectant certains principes de base et adoptées par
une assemblée constituante20. Au sens
matériel, elles sont considérées comme un ensemble de
règles concernant l'organisation et le fonctionnement des pouvoirs
publics à la suite d'une rupture totale ou partielle avec l'ordre
juridique en vigueur. Les petites constitutions au sens matériel du
terme, ne réalisent cependant la
structuration21 de l'ordre juridique, qui est l'une
des fonctions essentielles de toute Constitution, que sur un plan
infra-constitutionnel et selon un faible degré de formalisation. Elles
sont donc par conséquent, facteur d'insécurité
juridique.
Or, la plupart des petites constitutions ne sont pas
édictées en la forme constitutionnelle, mais relèvent le
plus souvent de plusieurs actes de formes différentes. C'est pourquoi la
question de leur juridicité22 alimente une
vive controverse au sein de la doctrine23. C'est
donc à cette phase de leur définition qu'une idée sur leur
fonction doit être faite.
On distingue cependant trois catégories de petites
constitutions subdivisées en deux grands groupes du point de vue de leur
fonction.
D'abord, il y a le groupe des petites constitutions dont la
fonction est de préparer l'adoption d'une Constitution définitive
suite à l'abrogation de la Constitution en vigueur, le plus souvent
après une révolution24 ou un coup
d'Etat25. En effet le succès de
20 En Afrique du sud par exemple le processus
a consisté à dresser un ensemble de trente-quatre principes
intangibles annexés à la petite constitution adoptée en
1993, sur la base desquels la Constitution définitive, finalement
adoptée en 1996, fut élaborée, sous le contrôle de
la Cour constitutionnelle. Sur cette question et les problèmes
juridiques qu'elle pose, voir HOURQUEBIE
(F.), « La diffusion du constitutionnalisme en
Afrique du Sud: une analyse à travers la décision de la Cour
constitutionnelle du 6 juin 1995 portant inconstitutionnalité de la
peine de mort» p. 3 ; DREYFUS (F.),
« La Constitution
intérimaire d'Afrique du Sud », RFDC
no 19, 1994, p. 468.
21 Elle consiste en la détermination
de relations d'ordre entre les parties d'un tout qui justifie l'unité de
l'ensemble. L'unité procède ainsi du double rapport
qu'entretiennent les parties entre elles et avec le tout. En droit, elle
correspond à la forme des relations qu'entre- tiennent les normes
à l'intérieur d'un même système juridique. Du point
de vue positiviste, l'agencement hiérarchique de plusieurs types de
règles définit, indépendamment du contenu de ces
règles, l'existence d'une structure.
22 Cette problématique rejoint la
question classique de l'existence et de la nature du pouvoir constituant dit
« originaire » auquel l'école positiviste classique
dénie tout caractère juridiquement appréhendable.
23 La doctrine en général est
perçue comme l'ensemble de notions considérées comme
vraies et par lesquelles on prétend fournir une interprétation
des faits, orienter ou diriger l'action de l'homme dans différente
matière scientifique.
24 La révolution, selon le Lexique de
termes juridiques, est le soulèvement populaire contre le régime
en place.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
l'insurrection, du coup de force, du coup d'Etat ou de la
guerre subversive26 amène la disparition de
l'ordonnancement en vigueur. La Constitution est abrogée et tout acte
s'y rattachant est désormais sans valeur. On observe alors une situation
juridiquement curieuse où le régime régulier
antérieur est prolongé par un régime de fait. Ce dernier
édicte alors des petites constitutions en vue de l'adoption d'une
Constitution définitive. C'est le cas notamment des Constitutions de
crise (Chartes de transition et Actes de conférences nationales)
après les insurrections et les guerres subversives ; et des
déclarations unilatérales de nature martiale après les
coups d'Etat.
Ensuite, il y a le groupe des petites constitutions dont la
fonction est de pallier les insuffisances ou les lacunes de l'ordre
constitutionnel déjà existant. En effet les acteurs politiques
recourent assez fréquemment à des accords ou arrangements
politiques pour régler les problèmes juridiques ou politiques
nés de la Constitution en vigueur. Ces arrangements qui font partie de
ce que la doctrine a appelé le « conventionnalisme politique
», sont dans une perspective stratégique, devenus de
véritables instruments de résolution de crises et conflits
politiques en Afrique.
Au demeurant, quel que soit leur catégorie, les petites
constitutions remplissent une triple fonction étalée dans une
triple dimension (passé, présent et futur), qui rend
essentiellement compte de leur identité. D'abord par rapport au
passé, elles opèrent une rupture avec l'ordre juridique
précédent. Ensuite par rapport au présent, elles
organisent à titre provisoire les rapports entre les pouvoirs publics.
Enfin par rapport au futur, elles attribuent et organisent le pouvoir
constituant27. Un texte qui, seulement,
établit une rupture avec l'ordre juridique précédent et
organise à titre provisoire les rapports entre les pouvoirs publics,
n'est donc pas une petite constitution au vrai sens du
terme28. Ce dernier
25 Pour une étude du
phénomène de coup d'Etat en Afrique voir VIGNON
(Y. B.), « Le coup d'Etat en
Afrique noire francophone », in les voyages du droit,
Mélange en l'honneur de Dominique BREILLAT, Paris,
LGDJ, 2011, pp. 613-620.
26 La guerre subversive se définit
tout simplement comme un conflit armé qui renverse ou détruit
l'ordre établi.
27 Le pouvoir constituant, selon le Lexique
de termes juridiques, est le pouvoir qualifié pour établir ou
modifier la Constitution. Il y a ainsi le pouvoir constituant originaire (celui
qui s'exerce d'une manière inconditionnelle pour doter un Etat d'une
Constitution alors qu'il n'en possède pas), et le pouvoir constituant
dérivé (celui qui s'applique à la révision de la
Constitution déjà en vigueur, selon les règles
posées par elle.
28 C'est le cas par exemple de la Charte
Nationale de Transition adoptée le 16 novembre 2014 au Burkina-Faso.
Cette charte qui encadre la gestion du pouvoir politique pendant la
période de transition qui suit le
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
ne peut alors revendiquer que le titre moins prestigieux de
« petites constitution a minima
»29. Mais, dans la présente
étude, cette distinction « petite constitution » - «
petite constitution a minima », ne sera pas observée avec
rigueur.
Dès lors, l'usage de dispositions provisoires sous la
forme de petite constitution permettant le passage d'un ordre juridique
révolu ou contesté vers celui qui a vocation à être
mis en place de manière définitive, a pris depuis quelques temps
une part non négligeable dans la théorie constitutionnelle en
Afrique. En effet, Nées d'un fait grave dans l'histoire
constitutionnelle de la France30, ces petites
constitutions s'imposent comme une catégorie fonctionnelle du «
droit constitutionnel moderne africain ». Elles essayent, de
systématiser au fil du temps, l'approche conceptuelle d'un droit des
périodes de transition.
renversement du régime de Blaise COMPAORE
n'envisage pas expressément la construction d'un nouvel ordre
constitutionnel. C'est également le cas de l'Accord Politique Global du
20 août 2006 qu'on ne peut que considérer comme une feuille de
route constitutionnelle au service des acteurs politiques au Togo.
29 KPODAR (A.) et
KOKOROKO (D.), « Réflexion autour
d'une controverse politique : la nature
juridique de l'Accord Politique Global du 20 août 2006
», focus Info, no 126 du 28 janvier au 11 février 2015,
pp. 4-5.
30 Le 6 juillet 1789, l'Assemblée
nationale réunit un comité chargé de rédiger une
constitution et adopte le 3 septembre 1789 un décret concernant les
bases fondamentales de la constitution, destiné à assurer la
continuité des pouvoirs publics et à fixer les principes que doit
mettre en oeuvre la future constitution du royaume de France. Cet acte est
adopté en la forme d'un décret simple, en violation des
règles de production des lois fondamentales du royaume. Il
définit les conditions de production de la première constitution
formelle de la France, adoptée par l'Assemblée le 3 septembre
1791 et acceptée par le roi le 13.
De même, par le décret du 10 Août 1791,
l'Assemblée législative prononce, en dehors des formes
prévues par la constitution de 1791, la suspension du roi et du pouvoir
exécutif et prévoit la convocation d'une nouvelle convention
nationale. Le Sénat conservateur de l'empire établit le
1er Avril 1814 un gouvernement provisoire « chargé
de pourvoir aux besoins de l'Administration et de présenter au
Sénat un projet de constitution qui puisse convenir au peuple
français » et prononce avec le corps législatif, le 3
Avril, la déchéance de NAPOLEON et de sa famille
avant d'appeler LOUIS XVIII au trône par un
décret du 6 Avril.
C'est par un procédé similaire que les chambres
prévues par la Charte de 1814 proclament le 3 Août 1830 la vacance
du trône de CHARLES X et convoquent le Duc
d'Orléans, auquel est confié le gouvernement provisoire avec le
titre de « Lieutenant général du royaume » avant
d'adopter une nouvelle Charte à laquelle celui-ci prête serment,
en dehors de la Charte de 1830.
En 1848, la chambre des députés,
confrontée aux mouvements révolutionnaires et réformistes
ainsi qu'à l'abdication de Louis-Philippe en faveur du
jeune compte de Paris, nomme à la régence la Duchesse de NEMOUR.
Celle-ci doit accepter, sous la pression des événements, la
formation d'un gouvernement provisoire qui se présente au peuple de
Paris avant de dissoudre la chambre afin de permettre l'élection d'une
Assemblée constituante en dehors des formes prévues par la Charte
de 1830.
Selon la même logique mais cette fois à
l'initiative d'autorité de fait, le gouvernement provisoire de 1870,
formé par « acclamation » convoque le peuple français
à des élections générales dans le but de terminer
la guerre. L'Assemblée issue de ces élections s'auto-investira de
la compétence constituante en dehors de la procédure de
révision prévue par la constitution de l'Empire.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
Un droit matériellement constitutionnel pour la plupart
et procédant le plus souvent d'une rupture révolutionnaire ou
d'un heurt frontal avec l'ordre juridique en vigueur. Ce qui oblige à
légitimer les petites constitutions, en Afrique, en tant que mode
alternatif de projection vers un ordre juridique que l'on voudrait en parfaite
harmonie avec le temps et la réalité des forces
politiques31.
En effet, dans le cas spécifique des Etats africains,
l'observation des cycles constitutionnels débouche sur un constat. A de
rares exceptions près, les Constitutions ont une durée de vie
relativement courte. Le professeur Maurice AHANHANZO-GLELE, reconnaissait
à cet effet que : « l'Afrique adopte, remet en cause, suspend,
abroge puis renouvelle la Constitution
»32. Au demeurant, cette fluctuation est
symptomatique d'un tourbillon de crises qui semble remettre en cause les vertus
proclamées du nouveau constitutionnalisme33,
qui a pris son envol dans le cadre des transitions démocratiques des
années 199034.
L'Afrique est donc depuis quelques années
fragilisée par d'interminables antagonismes qui restent liés
à la démocratisation. Ils sont de plusieurs ordres et
d'intensités variables. Il s'agit parfois de crises politiques ou de
conflits armés provoquant simplement la déstabilisation du
système politique ou de l'Etat lui-même. Lorsqu'ils
éclatent, ces antagonismes remettent en cause la stabilité
politique des Etats et compromettent l'application de la Constitution en
vigueur. Les Constitutions qui doivent être en adéquation avec
l'ancrage de l'idée de droit qui fonde les valeurs d'une
société dans la durée, deviennent à leur tour,
source d'inquiétude de dysfonctionnement des institutions, et au pire
des cas, de véritables poudrières
dégénérant, au moindre mouvement, en crise
cristallisée par des conflits armées. Pour expliquer ce paradoxe,
Moussa ZAKI estime que « l'urgence et la nécessité qui
ont rythmé les Constitutions africaines de deuxième
31 ZAKI (M.), « Petite
constitution et droit transitoire en Afrique », RDP 2012-6-008,
no6, p 1667.
32 AHANHANZO-GLELE (M.),
« La Constitution ou loi fondamentale », Encyclopédie
juridique de l'Afrique, T 1, Abidjan, NEA, 1982, p. 33.
33 DU BOIS GAUDUSSON (J.),
« Défense et illustration du constitutionnalisme après
quinze ans de pratique du pouvoir », in le renouveau du droit
constitutionnel, Mélange en l'honneur de Louis
FAVOREU, Paris, Dalloz, 2007, p. 609.
34 La quasi-totalité des Etats
d'Afrique subsaharienne francophone a connu un processus de transition dans les
années 1990. Cette vague de démocratisation résulte d'une
conjonction de facteurs tant externes qu'internes tels que : l'effondrement du
bloc soviétique et le durcissement de la conditionnalité
démocratique perceptible dans le discours de la Baule.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
génération, sont incompatibles avec les
enjeux et les nouveaux défis auxquels devraient faire face des Etats en
proie à des crises souvent profondes : construction et consolidation
à la fois de l'Etat de droit, de la démocratie et de la paix,
enjeux qui nécessitent une stabilité juridique et
institutionnelle, avec des Constitutions qui s'inscrivent dans la durée
»35. Mais les études
consacrées aux périodes de crises induites par l'inadaptation des
textes constitutionnels (notamment les périodes des conférences
nationales des années 1990), et les changements anticonstitutionnels de
gouvernement (à travers les coups d'Etat), se sont d'avantage
penchées sur la transition
démocratique36 (le pluralisme politique et
l'amélioration des régimes de libertés) que sur la
transition des ordres juridiques. Le recours à un instrument «
relais », permettant d'organiser « une transition en douceur
»37, dans le cadre d'un processus
réfléchi et concerté, entre l'ordre juridique
révolu ou contesté, et l'ordre juridique attendu, s'avère
donc nécessaire. D'où l'importance des petites constitutions dans
la consolidation du nouveau constitutionnalisme en Afrique.
Cependant, la grille d'analyse des récentes pratiques
du droit constitutionnel en Afrique révèle des dérives
inquiétantes dans l'utilisation d'une catégorie de petite
constitution notamment les arrangements politiques ou accords politiques. En
effet, si ces derniers doivent avant tout, être interprétés
comme des actes politiques conjoncturels de sortie de crise, il n'en demeure
pas moins vrai qu'ils constituent en même temps une forme de menace au
constitutionnalisme en Afrique. Le professeur Jean DU BOIS DE GAUDUSSON ne
déclarait-il pas que « le constitutionnalisme africain est
victime de ces nouveaux usages »38? Pour
sa part, après avoir relevé que « la portée de
ces accords conclus entre acteurs politiques, en dehors du pouvoir constituant,
contraste fort bien avec la valeur constitutionnelle qui leur est
conférée dans la pratique
»39, le professeur Joël AIVO arrive
à la conclusion que « dans bien des cas, comme celui en
Côte d'Ivoire des accords de
Linas-Marcoussis40, d'Accra, de Pretoria
et de Ouagadougou, l'application de
35 ZAKI (M.), « Petite
constitution et droit transitoire en Afrique », op.cit., p.
1669.
36 CONAC (G.), L'Afrique en
transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993, 517 p.
37 ZAKI (M.), « Petite
constitution et droit transitoire en Afrique », p. 1669,
op.cit.
38 DU BOIS DE GAUDUSSON
(J.), « Défense et illustration du
constitutionnalisme en Afrique après quinze ans de pratique du
pouvoir», op.cit., p. 621.
39 AIVO (F.
J.), « La crise de normativité de la constitution
en Afrique », RDP 2012, no 1, op.cit., p
143.
40 KPODAR (A.), «
Politique et ordre juridique : les problèmes constitutionnels
posés par l'accord de Linas-Marcoussis du 23 janvier 2003 »,
RRJ-Droit prospectif, 2005, no 4-II, pp. 2503-2526.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
ces instruments prime sur la Constitution
»41, et par conséquent «
l'on se trouve en présence de textes neutralisant des dispositions
constitutionnelles ou prévoyant des révisions de
fond42 alors même qu'ils n'ont ni
force de loi ni valeur constitutionnelle
»43. Le complexe de la «
politique saisie par le droit »44
a-t-il cédé le pas à une revanche de celle-ci ?
C'est donc, à la tentation d'ouvrir une nouvelle
réflexion sur les voies et moyens de consolidation du
constitutionnalisme face aux crises multiformes que traversent les Etats
africains, du fait d'une approche contestable de la Constitution, qu'à
juste titre, notre modeste contribution se propose, à partir des
exemples concrets, d'analyser ces instruments.
Au regard de tout ce qui précède,
l'interrogation centrale de la présente étude sera celle de la
pertinence et de l'intérêt des petites constitutions dans la
recherche de solution durable à la crise de constitutionnalisme à
laquelle sont confrontés les Etats africains. Celle-ci n'est que la
résultante d'une série de questionnements qui peuvent être
résumés en ces termes : comment évaluer si ces
dispositions prescriptives qui consacrent la fin de l'ordre juridique
précédent et déterminent l'avènement de l'ordre
juridique futur, ou bien, qui modifient en profondeur l'ordre juridique
existant, ont bien une valeur juridique ? Cela revient à poser la
question préalable de savoir si les périodes d'interrègne,
situées entre la fin d'un ordre constitutionnel et l'entrée en
vigueur d'un nouvel ordre, peuvent donner lieu à un ordre juridique
globalement efficace et sanctionné ?
Il faut dire que la période d'interrègne est la
phase de structuration de la future Constitution. Elle correspond à une
phase a-constitutionnelle45 puisqu'elle est
pré-constitutionnelle, si l'on veut s'en tenir à la
théorie pure du droit46 de l'éminent
juriste
41 AIVO (F.
J.), « La crise de normativité de la constitution
en Afrique », p. 143, op.cit.
42 MELEDJE (F.
D.), « Les révisions des constitutions dans les
Etats africains francophones. Esquisse de bilan », RDP 1992,
no 1, pp. 111-134.
43 AIVO (F.
J.), « La crise de normativité de la constitution
en Afrique », op.cit., pp. 143-144.
44 DU BOIS DE GAUDUSSON (J.)
« Défense et illustration du constitutionnalisme en Afrique
après quinze ans de pratique du pouvoir », in Le renouveau du
constitutionnalisme, Mélange en l'honneur de Louis
FAVOREU, op.cit. pp. 609-627.
45 C'est-à-dire une phase
dépourvue d'une loi fondamentale servant de soubassement au pouvoir et
déterminant son organisation ainsi que les conditions de son
exercice.
46 KELSEN (H.),
Théorie pure du droit, Editions Bruylant, LGDJ, d'après
l'édition originale de 1962, 1999, pp. 224-237.
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
Hans KELSEN, qui a tant imprégné notre culture
juridique. Ce dernier avec certains auteurs dont Raymond CARRE DE MALBERG,
estiment en effet que le Droit n'existe que dans la norme et qu'il
répond à une logique propre fondée sur l'idée de
validité ; « chaque degré de l'ordre juridique
constituant un ensemble et une production de droit vis-à-vis du
degré inférieur, et une reproduction du droit vis-à-vis du
degré supérieur »47 Mais, aussi
attrayante soit-elle pour les juristes, cette « pureté
»48 du droit ne semble guère
satisfaisante pour toute la doctrine. En effet, selon d'autres auteurs comme le
Doyen DUGUIT, dans un contexte aussi spécifique que celui d'une
situation post révolutionnaire ou post conflictuelle (comme c'est le cas
des Etats objet de notre étude), il ne paraît convaincant ni de
ramener le Droit à la seule règle juridique comme le veut KELSEN,
ni de l'extraire de son contexte politique et social. Il paraît donc
essentiel de nourrir l'explication du Droit, d'éléments
contextuels, conduisant ainsi à une redéfinition du concept
même de droit constitutionnel et de son objet d'étude, afin de
mieux appréhender et comprendre le phénomène des
révolutions et par ricochet le phénomène des petites
constitutions49. C'est ainsi que DUGUIT et d'autres
auteurs ont émis des pistes permettant l'appréhension des petites
constitutions comme étant des normes juridiques.
Dès lors, face aux difficultés d'ancrage du
constitutionnalisme dans les Etats africains, l'utilisation des petites
constitutions peut constituer une solution dans la construction d'un ordre
juridique durable50. En effet comme l'illustrent
les cas des Etats témoins de la présente étude, les
petites constitutions assurent l'adéquation de la Constitution
définitive au contexte socio-politique des Etats. Cependant, le choix
des Etats consacrés à cette étude obéit à
des considérations relatives d'une part, à la diversité de
catégorie des petites constitutions existant sur le continent, et
d'autre part, à la diversité des vagues de processus de
transition51 déclenchées sur le
continent. Toutefois la présente étude essayera
d'établir
47 KELSEN (H.), « La
garantie juridictionnelle de la Constitution », RDP, 1928,
op.cit., p. 200.
48 Le mot « pureté » est
utilisé ici en faisant référence à l'expression
« théorie pure du droit » utilisée par
KELSEN.
49 Le Doyen DUGUIT avait une
conception sociale du « droit » que KELSEN n'avait
pas. Il est donc la clé, pour ramener les phénomènes
révolutionnaires, que KELSEN et CARRE DE
MALBERG rejetaient, dans la science du droit. La présente
étude se servira donc de DUGUIT comme la clé qui
permet l'appréhension des petites constitutions dans la science du
droit.
50 ZAKI (M.), « Petite
constitution et droit transitoire en Afrique », op.cit., p.
1671.
51 Il s'agit notamment de la vague des
transitions démocratiques des années 1990 et de la vague des
révolutions du monde arabe de 2011 appelées : « le printemps
arabe ».
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
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la Tunisie et du Togo.
des parallèles chaque fois que cela est
nécessaire avec d'autres Etats africains ayant adoptés des
petites constitutions.
L'étude des petites constitutions consacrée aux
Etats africains présente à cet effet un double
intérêt. Dans un premier temps, elle permet d'identifier et de
mesurer la capacité, des petites constitutions, à normaliser
l'ordre juridique des Etats en crise tout en enrichissant la théorie
constitutionnelle en Afrique. Dans un second temps, cette étude permet
d'illustrer les réflexions théoriques, en établissant,
à partir des cas étudiés, une typologie de ces textes,
pour mieux comprendre ce phénomène des petites constitutions.
Ce sont là, les idées essentielles que la
présente étude abordera pour relever la portée
réelle de ces instruments dans les Etats africains. Pour y parvenir,
cette étude mettra en orbite les caractéristiques de ces textes,
dans une approche théorique, à travers leur conception juridique
(Première partie), avant de s'appesantir sur leur aspect pratique dans
les Etats témoins, à travers l'étude de leur typologie
(Deuxième partie).
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
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PARTIE I.
LA CONCEPTION JURIDIQUE DES PETITES CONSTITUTIONS
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Les petites constitutions ont fait l'objet d'études
théoriques assez sporadiques par le
passé52. Pourtant, ces textes
soulèvent des questions multiples, interrogeant tout
particulièrement la théorie constitutionnelle.
Etudier un texte qui précède l'adoption de la
Constitution définitive, oblige tout d'abord à s'interroger sur
son caractère juridique. Cependant, la situation de rupture dans
l'ordonnancement juridique, à la suite de laquelle surviennent le plus
souvent les petites constitutions, laisse présager une contradiction
avec la notion même de juridisme.
En effet, vouloir appréhender le juridisme des petites
constitutions, supposerait de réintroduire leur effectivité dans
le domaine du droit en dehors de toute relation d'imputation, puisque la chaine
de validité, propre à déterminer leur caractère
juridique ou non, est rompue53. C'est ainsi que
l'appréhension des petites constitutions procédant le plus
souvent d'une rupture révolutionnaire ou d'un heurt frontal avec l'ordre
juridique en vigueur par la science du droit, alimente une vive controverse au
sein de la doctrine.
Par ailleurs, étant donné que ces textes se
distinguent de la Constitution définitive, il est inévitable, en
outre, de s'interroger sur leur fonction. En effet, l'incertitude qui
accompagne les ruptures juridiques, laisse poindre la nécessité
de création d'un nouvel ordre juridique dont un texte provisoire fixera
les modalités de production. Les petites constitutions constituent donc
un support de l'avènement d'un nouvel ordre juridique.
Il apparait, alors suffisamment important de déterminer
les caractéristiques juridiques des petites constitutions et de mesurer
leur rôle dans l'élaboration du nouvel ordre juridique à
travers leur juridicité (chapitre I) et leurs fonctions (chapitre
II).
52 BEAUD (O.), La
puissance de l'Etat, Paris, PUF, 1994, op.cit., pp. 267-302;
ZIMMER (W.), « La loi du 3 juin 1958 :
contribution à l'étude des actes pré-constituants »,
RDP, 1995, op.cit., pp. 383-411.
53 CARTIER (E.), « Les
petites Constitutions : contribution à l'analyse du droit
constitutionnel transitoire » op.cit., p. 521.
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
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Chapitre I.
La juridicité des petites constitutions
Traiter de la juridicité des petites constitutions
semble être une entreprise a priori osée voire illusoire
en raison de la contradiction, à tout le moins, de l'opposition
virtuelle entre le factuel et le juridique qui caractérise la
notion54.
Est-il donc possible, sans tomber dans une analyse vaine et
stérile, d'appréhender la juridicité d'un fait ? Car
à creuser l'analyse, la nature des petites constitutions supposerait la
détermination délicate d'une frontière entre le factuel et
le juridique55. Une telle réflexion n'est
donc pas aisée pour tout chercheur, animé de la plus belle des
passions qui soit56.
Cette difficulté est révélatrice d'un
débat doctrinal sur la nature juridique des petites constitutions
(section I). Cependant en prenant en compte le contexte particulier des
périodes de transition, elles constitueraient, de par leur objet, de
véritables Constitutions. D'où l'importance d'analyser leur
valeur constitutionnelle (section II).
SECTION I. UNE NATURE JURIDIQUE DISCUTEE
La question de la de la juridicité des petites
constitutions divise la doctrine. En effet les discussions sur la nature
juridique des petites constitutions opposent les contestataires d'une nature
juridique orthodoxe (§ 1) et les tenants d'une catégorie juridique
hétérodoxe (§ 2).
54 Voir EHUENI MANZAN
(I.), Les accords politiques dans la
résolution des conflits armés internes en Afrique, Thèse
de Doctorat en Droit, Université de Cocody-Abidjan, 07 décembre
2011, p. 252.
55 Emmanuel CARIER disait que : «
les petites Constitutions correspondent donc à ces deux
hypothèses, selon qu'elles adoptent ou non une forme constitutionnelle.
Elles supposent la détermination délicate d'une frontière
entre le factuel, ou la force, qui relève de la sociologie et de
l'histoire, et sa mise en forme juridique par un acte ». Voir
CARTIER (E.), « Les petites
Constitutions : contribution à l'analyse du droit constitutionnel
transitoire » op.cit., p. 522.
56 Nous adhérons entièrement
à la conception hégélienne qui résume que «
rien de grand ne s'est accompli dans ce monde sans passion »,
in leçon sur la philosophie de l'histoire, librairie
philosophique J. VRIN, 1837.
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
§ 1. LA CONTESTATION D'UNE NATURE JURIDIQUE
ORTHODOXE
Tout ordre juridique constitutionnel se définit
à partir de deux notions, lesquelles constituent les fondements majeurs
des arguments des contestataires d'une nature juridique orthodoxe des petites
constitutions : il s'agit de la légalité (A) et de la
légitimité (B).
A. Les arguments fondés sur la
légalité
S'interroger sur la juridicité d'une disposition,
impose à s'interroger au préalable sur son caractère
légal.
Olivier DUHAMEL et Yves MENY notaient dans leur
Dictionnaire constitutionnel que la légalité, c'est
« la conformité à la loi telle qu'elle est
établie par les organes habilités
»57. Notion de droit
administratif58, la légalité a
été étendue au champ constitutionnel et désigne la
conformité à l'ordre constitutionnel positif dans ses deux
aspects formel (procédural) et matériel (substantiel) : on parle
alors de légalité constitutionnelle ou
constitutionnalité59.
C'est donc ce principe de légalité qui explique
la vérité positiviste, selon laquelle le droit constitutionnel
présuppose toujours une Constitution en vigueur. En effet soucieux de
s'en tenir à la stricte description du droit
positif60, l'école
positiviste61, fonde l'appréhension de tout
autre droit sur la légalité constitutionnelle. D'après
donc Hans KELSEN, la disponibilité du droit n'a plus comme source des
contenus supra-positifs, comme c'était le cas du droit sacré,
mais, « le droit positif cultive son autonomie, en
57 DUHAMEL (O.) et MENY
(Y.), Dictionnaire constitutionnel, Paris,
PUF, 1992, p. 565.
58 En droit Administratif, la
légalité se définit comme la soumission de
l'Administration au droit. L'Administration impose son pouvoir à travers
les actes unilatéraux comme les lois, les décrets, les
arrêtés, etc. qui sont des actes de puissance publique par
excellence, dans ce sens qu'ils mettent en oeuvre le pouvoir d'Etat. La
légalité exige donc qu'une norme établie par
l'Administration, doive toujours être conforme à celles qui lui
sont supérieures.
59 FAVOREU (L.), cahier du
Conseil Constitutionnel, no 3, Novembre 1997.
60 Le droit positif est l'ensemble des
règles de droit en vigueur dans un pays à un moment donné.
Il est opposé au droit naturel et se réduit à une seule
dimension, occupant désormais la place de « moyen de gouvernance
». Voir MATEVA (M.),
Légitimité et légalité : considérations
(sur la Loi et la justice) à l'image de deux grands procès
politiques, Thèse de Doctorat en sciences économiques et
sociales, Université de Neuchâtel, 2006, p. 10.
61 « L'école positiviste »
désigne ici le positivisme juridique qui est une doctrine selon laquelle
le droit n'a pour source unique que la volonté du législateur
politique.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
puisant sa validité dans ses propres ressources,
suivant une hiérarchie de normes où la Constitution est au sommet
»62.
Or, la première caractéristique d'une petite
constitution est de se situer le plus souvent en rupture par rapport à
l'ordre constitutionnel en vigueur. En effet la plupart des petites
constitutions permet la violation des conditions de production du droit
constitutionnel établies par le système juridique en vigueur.
Elles ne sont donc pas formées sous l'empire du droit existant dans
l'Etat63. Elles procèdent le plus souvent
des phénomènes révolutionnaires. En conséquence, il
n'est pas possible de se référer à une norme
constitutionnelle pour les analyser. Comme le note le Maître
d'école de Strasbourg Raymond CARRE DE MALBERG : « les
mouvements révolutionnaires et les coups d'Etat offrent ceci de commun
que les uns et les autres constituent des actes de violence et
s'opèrent, par conséquent, en dehors du droit établi par
la Constitution en vigueur. A la suite d'un bouleversement politique
résultant de tels événements, il n'y a plus, ni principes
juridiques, ni règles constitutionnelles : on ne se trouve plus ici sur
le terrain du droit, mais en présence de la force
»64.
Le positivisme juridique invite donc le constitutionnaliste
à exclure de son champ d'analyse le pouvoir constituant d' « ordre
extra-juridique »65, puisqu'il ne peut porter
son regard, au-delà de la Constitution où il ne subsiste plus que
du fait66.
C'est donc ainsi que le positivisme classique dénie
tout caractère juridique aux petites constitutions procédant d'un
phénomène révolutionnaire : un « pure fait qui
n'est susceptible d'être classé dans aucune catégorie
juridique »67, écrivait CARRE DE
MALBERG lui-même. « Il n'y a point de place dans la science du
droit public pour un
62 KELSEN (H.),
Théorie générale du droit et de l'Etat, (trad. de
Béatrice LAROCHE et Valérie
FAURE), Bruxelles, Paris, Bruylant, LGDJ, 1997, p. 178.
63 CARRE DE MALBERG (R.),
Contribution à la théorie générale de
l'Etat, op.cit., p. 491.
64 Idem, p. 496.
65 Révolution et coups d'Etat «
sont des procédés constituants d'ordre extra-juridique
», ibid., p. 497. A contrario, le pouvoir constituant d'ordre
juridique, c'est-à-dire l'acte politique qui modifie la Constitution
conformément à la procédure de révision qu'elle
prévoit, peut être étudié par le juriste. On
constate ainsi que la future distinction doctrinale entre « pouvoir
constituant originaire » et « pouvoir constituant
dérivé » est présente en substance sous la plume du
Maître strasbourgeois.
66 CARRE DE MALBERG (R.),
Contribution à la théorie générale de
l'Etat, op.cit. p. 500.
67 Idem, p. 491.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
chapitre consacré à une théorie
juridique des coups d'Etat ou des révolutions et de leurs effets
»68 poursuit-il.
La théorie positiviste, semble donc empêcher
l'attribution du caractère juridique aux petites constitutions, sur le
fondement de la légalité. Cependant cette dernière
constitue l'un des arguments, au côté de celui fondé sur la
légitimité.
B. Les arguments fondés sur la
légitimité
Hans KELSEN disait que « le fait brut que quelqu'un
commande quelque chose n'est jamais une raison suffisante de considérer
le commandement en question comme une norme valable, c'est-à-dire
obligatoire pour son adressataire »69.
Autrement dit, un acte de volonté ne peut jamais par lui-même
poser une prescription objectivement obligatoire, c'est à dire produire
du droit positif. Il faut nécessairement qu'il soit accepté,
c'est à dire légitime. Ainsi l'ordre constitutionnel doit-il
être légitime.
La légitimité est donc liée à
l'acceptation volontaire de l'ordre normatif établi, par les membres
d'une société politiquement organisée. C'est sans doute la
qualité qui s'attache à l'ordre constitutionnel dont
l'idéologie et les sources d'inspiration font l'objet d'une
adhésion, du moins très majoritaire de la part du corps
social.
La notion de légitimité a cependant
été conceptualisée par certains grands maîtres de la
sociologie théorique et de la théorie de l'Etat, dont Max WEBER
représente incontestablement la figure de proue. Selon donc la
conception weberienne, la légitimité d'un ordre représente
le fondement de la relation sociale de domination et la garantie interne de sa
validité70. Ainsi pour que cet ordre
subsiste, WEBER estime que le corps social doit manifester une certaine
disposition à être dominé. La manifestation de cette
68 Ibid., p. 497.
69 KELSEN (H.), La
théorie pure du droit, 2ème éd., trad.
EISENMANN (C.), Paris, Dalloz, 1962 (1960),
p. 257.
70 Selon WEBER, la
validité de cette légitimité peut principalement
revêtir: un caractère rationnel reposant sur la croyance en la
légalité des règlements arrêtés et du droit
de donner des directives qu'ont ceux qui sont appelés à exercer
la domination par ces moyens (domination légale); ou un caractère
traditionnel reposant sur la croyance quotidienne en la sainteté de
traditions valables de tout temps et en la compétence de ceux qui sont
appelés à exercer l'autorité par ces moyens (domination
traditionnelle); ou encore un caractère charismatique reposant sur la
soumission extraordinaire au caractère sacré, à la vertu
héroïque ou à la valeur exemplaire d'une personne
(domination charismatique). Voir WEBER (M.),
Economie et société, tome1, Paris, Plon, 1971, p.
222.
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
volonté d'être dominé constitue donc le
« pacte social » dont l'ordre établi n'est que la
traduction.
En effet la Constitution est la traduction du « pacte
social par lequel les individus abandonnent l'état de nature pour fonder
la société politique »71.
Les clauses de ce pacte devaient donc être l'expression du consentement
de toutes les parties à la convention. Ainsi, la Constitution est-elle
l'expression de la volonté du souverain qui se trouve être le
corps social, qui l'approuve généralement par la voie
référendaire. Par conséquent, 'il ne peut y avoir de
Constitution que celle qui fait participer le peuple à sa
procédure d'adoption.
Cependant, l'on doit relever que la procédure
d'adoption des petites constitutions ne répond pas, dans la plupart des
cas, à ce formalisme qui veut que la Constitution soit adoptée
par le peuple. Le plus souvent, les petites constitutions sont
négociées et adoptées par des composantes et
entités qui ne sont pas formellement mandatées par le peuple,
mais par des forces politiques. Donc, ici, le peuple n'est pas le souverain
constituant des lors qu'il « n'a exprimé aucune volonté
normative », pour paraphraser Olivier
CAYLA72
Or, le pouvoir constituant, un pouvoir
générateur d'un nouvel ordre constitutionnel au sein de l'Etat,
doit être un pouvoir inconditionné et
illimité73. Il doit être, a
priori, omnipotent en ce qu'il ne peut, selon l'éminent
constitutionnaliste VEDEL, « être lui-même soumis à
aucune limitation juridique »74. C'est un
pouvoir que le peuple exerce en intervenant soit en amont, pour élaborer
le projet constitutionnel, directement ou indirectement par le biais des
représentants qu'il a
désignés75, soit en aval pour
approuver la Constitution.
71 MBODJ
(E-H.) « La constitution de
transition et la résolution des conflits en Afrique : l'exemple de la
République démocratique du Congo », RDP 2010,
no 2, p. 441.
72 CAYLA (O.), « Le
Conseil constitutionnel et la constitutionnalisation de la science du
droit», in Le Conseil constitutionnel a quarante ans, Paris,
LGDJ, 1998, p. 106.
73 MBODJ
(E-H.) « La constitution de
transition et la résolution des conflits en Afrique : l'exemple de la
République démocratique du Congo », op.cit. p. 448.
74 VEDEL (G.), Manuel
élémentaire de droit constitutionnel, 1984 pp. 114-115.
75 DUVERGER faisait remarquer qu' «
en pratique le mode normal d'établissement des Constitutions, c'est
donc l'élection d'une assemblée spéciale dite
assemblée constituante » Il considère en effet qu'une
Assemblée constituante qui établirait une Constitution niant la
souveraineté nationale et proclamant la légitimité
monarchique détruirait la source même de son pouvoir et rendrait
nulle, pour ainsi, sa Constitution. Il en est de même du monarque qui
octroierait à son peuple une charte reniant la légitimité
monarchique et proclamant la souveraineté nationale. DUVERGER
(M.), Droit constitutionnel et
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
C'est ainsi que la doctrine positiviste arrive à la
conclusion, qu'il ne peut avoir de Constitution que celle acceptée par
la nation. Les petites constitutions ne remplissant pas les
caractéristiques primaires d'une Constitution « normale »,
compte tenu de la mise à l'écart du peuple lors de leur processus
d'élaboration et d'adoption, les positivistes dénient donc toute
possibilité de leur conférer un caractère juridique.
Cependant, certains auteurs n'adhérant pas à la
théorie positiviste et s'intéressant à la
légitimité du phénomène révolutionnaire, ont
émis des pistes pouvant conduire à affirmer la juridicité
de ces actes en tant que catégorie juridique
hétérodoxe.
§ 2. L'AFFIRMATION D'UNE CATEGORIE JURIDIQUE
HETERODOXE
Selon une partie de la doctrine, les petites constitutions
pourraient être des normes juridiques particulière (A), dont la
force juridique doit être précisée (B).
A. La particularité de la nature juridique des
petites constitutions
Les périodes d'interrègne constitutionnel qui
surviennent la plupart du temps à la suite d'une révolution dans
l'ordonnancement juridique peuvent-elles donner lieu à un ordre
juridique ? Ou bien, le constitutionnaliste peut-il justifier par l'argument du
constat empirique l'existence du droit? Ou encore, peut-on affirmer l'existence
du droit au sein du phénomène social comme l'affirme le Doyen
Léon DUGUIT ?
D'après donc DUGUIT, le droit correspond à la
« solidarité sociale », qu'il observe comme la
véritable loi qui détermine le phénomène social.
Cette solidarité sociale, selon le Doyen, est produite
spontanément au sein du phénomène social en dehors de
toute autre volonté supérieure aux volontés individuelles,
mais en liaison avec ce qu'il appelle la « conscience juridique
»76. Il estime à cet effet que
« la conscience chez la masse des individus d'un groupe donné
que telle règle morale ou économique est essentielle pour le
maintien de la solidarité sociale, la conscience qu'il est juste de la
sanctionner, sont les
Institutions politiques, T1. Théorie
générale des régimes politiques, Paris, PUF, Coll.
Thémis, 4e éd. 1959, pp. 217-219.
76 « La force obligatoire de la
norme juridique n'implique aucunement l'existence d'une volonté
supérieure s'imposant à une volonté subordonnée ;
elle implique seulement dans la masse des esprits la conscience de son
caractère obligatoire, ce que j'ai appelé d'un mot la conscience
juridique », DUGUIT (L.),
Traité de Droit Constitutionnel, Tome 1, p. 191.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
éléments essentiels de la formation et de la
transformation de la règle de droit
»77. La solidarité sociale est
donc selon la doctrine réaliste de DUGUIT, le fondement de
validité de tout droit positif.
De ce point de vue, il serait évident que pour DUGUIT,
la révolution est dans beaucoup de ses aspects, non pas un pur
fait78, mais un phénomène juridique.
En effet comme le démontrait le professeur Yao Biova VIGNON, lors d'un
cours sur les « Libertés publiques » qu'il dispensait à
la Faculté de droit de l'Université de Lomé, : «
la révolution naît au moment où la conception sur
laquelle est basée l'organisation des pouvoirs publics d'un pays
donné, à un moment donné, ne rencontre plus d'écho
dans la conscience des citoyens et qu'une nouvelle conception du pouvoir
politique surgit dont le but est précisément de remplacer les
autorités établies pour introduire dans l'organisation sociale,
les principes directeurs qui correspondent à cette nouvelle conception
»79. L'éminent professeur
arrive ainsi à la conclusion que : « quand un peuple cesse de
trouver son droit et sa justice dans une vision du monde qu'il estime
périmée, et lorsque ses nouvelles aspirations se cristallisent
dans une doctrine qui le séduit, ce n'est pas seulement la force qui
s'introduit pour un temps dans la vie publique. Mais c'est un droit nouveau qui
s'affirme » 80.
Alors, il n'y a pas de vide juridique entre deux
Constitutions. HAURIOU disait à cet effet que « le mouvement du
droit va du discontinu au continu, chaque fois qu'un évènement le
rejette du côté de la discontinuité, il recommence
aussitôt à s'orienter vers la continuité qui n'est peut-
être, ici, qu'une forme de l'inertie
»81. Les petites constitutions
participent donc de ce processus dynamique. Elles contribuent à la
discontinuité constitutionnelle, établissant une rupture avec
l'ordre précédent, tout en représentant en même
temps la première manifestation formelle de cette inlassable
continuité du droit, qui
77 Idem, p 125.
78 Pour KELSEN : «
la révolution [juridique] (...) est toute modification de la
Constitution ou tout changement ou substitution de Constitution (...) qui ne
sont pas opérés conformément aux dispositions de la
constitution en vigueur ». En revanche, si le renversement de l'ordre
constitutionnel en vigueur s'opère conformément aux normes de
l'ordre constitutionnel précédent, il s'agit d'une «
révolution légale ».
79 Voir le cours du professeur Yao
Biova VIGNON intitulé « Libertés publiques et
Droits de l'Homme », dispensé à la Faculté de Droit
de l'Université de Lomé durant l'année académique
2007-2008.
80 Idem.
81 HAURIOU (M),
Précis de droit constitutionnel, Paris, Sirey, 2e éd,
1929, pp. 24-255.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
recherche sans arrêt un nouvel équilibre
là où l'ancien équilibre a été rompu,
d'où leur nature particulière.
La qualité de norme juridique des petites constitutions
aura permis de cerner les traits caractéristiques de ces instruments
dont la force juridique doit être précisée.
B. La force juridique des petites
constitutions
La question de la force juridique des petites constitutions
constitue une problématique polémique puisque bon nombre
d'auteurs leur dénient toute nature juridique et par voie de
conséquence toute force juridique. Or, tel qu'il a été
montré plus haut, une telle position recèle des insuffisances
évidentes. Il convient donc de relever le caractère obligatoire
des petites constitutions pour attester de leur force juridique.
Il faut dire que la lecture des dispositions des petites
constitutions laisse apparaître une adresse à l'attention des
différents acteurs impliqués dans le processus de transition,
à observer celles-ci. Cette adresse est assortie d'une obligation de ne
pas compromettre leur mise en oeuvre. En effet l'obligation de respect des
petites constitutions, à l'égard de tous les acteurs voire de
toutes les personnes physiques ou morales résidant ou non sur le
territoire, est de plus en plus exigée. Cette obligation implique, entre
autre, pour les autorités de la transition, l'obligation d'information
et de sensibilisation des populations afin de les amener à
adhérer pleinement au processus de sortie de crise et l'interdiction de
toute propagande notamment médiatique, tendant à nuire à
l'esprit de la cohésion et de l'unité nationale. Par ailleurs, le
devoir de respect des petites constitutions se décline en un engagement
des autorités de la transition à entretenir un esprit permanent
de conjugaison de leurs efforts en vue de renforcer l'éthique et la
moralité républicaines dans le respect de la dignité et
des droits fondamentaux. C'est ainsi que, comme pour toute norme juridique, des
sanctions sont envisagées en cas de leur violation.
Il faut d'abord relever que la notion de sanction a
été diversement magnifiée dans la théorie
juridique. En effet l'analyse de la doctrine révèle plusieurs
conceptions essentiellement basées sur son rapport avec le droit.
Certains auteurs estiment que la sanction est une condition d'existence du
droit, que le droit est « un ordre de contrainte
»82.
82 KELSEN (H.),
«Théorie générale du droit international public.
Problèmes choisis», RCADI, t. 42, 1932-
IV, p. 124. Il affirme à ce propos: « Le droit
est un ordre de contrainte. (...) Si la société ne
connaissait
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
« De ce point de vue, la sanction peut être
définie comme étant la contrainte matérielle
destinée à éviter la violation d'une règle de
conduite, une contrainte qui constitue le fondement du caractère
obligatoire de cette règle »83.
D'autres auteurs, par contre, considèrent la sanction comme la garantie
de l'effectivité du droit, un « moyen extérieur d'en assurer
la positivité »84. Selon cette
conception, la sanction ne se confond pas avec le droit et celui-ci existe
même sans une sanction organisée de sa violation.
Mais le plus souvent, la sanction apparaît comme le
critère de la règle de droit. Cependant, elle emporte une
portée réelle : c'est la responsabilité. La
responsabilité est donc l'institution par laquelle un sujet de droit est
appelé à répondre de ses éventuelles violations
d'une règle de droit. En droit interne, il existe deux types de
responsabilité : celle civile, qui entraîne l'obligation de
réparer, et celle pénale qui implique la punition du coupable. En
définitive, l'auteur d'une violation des dispositions de la
période de transition constitutionnelle sera donc tenu pour responsable,
faisant ainsi des petites constitutions, de véritable règle de
droit.
Une fois donc établie la nature juridique des petites
constitutions, il faut arguer de la valeur constitutionnelle qui leur est
conférée.
SECTION II. UNE VALEUR CONSTITUTIONNELLE AVEREE
Les petites constitutions s'avèrent des normes de
valeur constitutionnelle en période de crise. Il convient donc de
déterminer d'une part le fondement de cette valeur constitutionnelle
(§ 1) et de montrer d'autre part ses manifestations (§ 2).
plus la contrainte, le règlement des actions
humaines cesserait d'être du droit... Telle est en effet la forme
essentielle de toute règle de droit : unir deux faits, dont l'un est la
conduite socialement nuisible, et l'autre, la sanction». Il
précise que « Si on ne la rapporte pas ainsi à l'acte de
contrainte, à la sanction, la norme qui prescrit l'acte socialement
désirable peut encore avoir un sens moral : elle n'a certainement plus
le caractère juridique »; idem, p. 125.
83 EHUENI MANZAN (I.), Les
accords politiques dans la résolution des conflits armés internes
en Afrique, Thèse de Doctorat en Droit, Université de
Cocody-Abidjan, 07 décembre 2011, op.cit., p.301.
84 BOURQUIN (M.), «
Règles générales du droit de la paix »,
RCADI, t. 35, 1931-I, p. 202. Pour cet auteur, le rôle de la
sanction est plus large que la seule coercition tendant au retour de à
la légalité parce
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
§ 1. LE FONDEMENT DE LA VALEUR CONSTITUTIONNELLE
DES PETITES CONSTITUTIONS
En prenant en compte le contexte particulier de l'ordre
juridique de la transition, une valeur constitutionnelle des petites
constitutions s'avère, non sur le fondement de leur forme (A), mais de
leurs objets (B).
A. L'abandon de la forme dans la reconnaissance d'une
valeur constitutionnelle des petites constitutions
D'un point de vue formel, l'appellation « Constitution
» semble fort déplacée pour ces dispositions de
transition.
En effet, contrairement aux Constitutions normales dont
l'élaboration et l'adoption respectent un formalisme bien
défini85, les petites constitutions
revêtent des formes très différentes, constitutionnelles
mais aussi infra-constitutionnelles (lois, décrets, proclamations ou
simple déclarations86), adoptés
souvent, sans passer par une procédure spécifique.
Ainsi lorsque l'on considère les régimes de
transition institués à l'occasion des « Conférences
nationales »87 qui ont essentiellement
marqué les Etats africains francophones durant la dernière
décennie du vingtième siècle, et ceux institués
lors des récents renversements anticonstitutionnels de régime en
Afrique, l'on constate que les
85 L'élaboration des Constitution est
l'oeuvre du pouvoir constituant dit originaire. On distingue cependant deux
modes d'élaboration à savoir le mode autoritaire et le mode
démocratique qui est la plus répandue. Selon donc ce dernier
mode, le peuple étant souverain, le pouvoir constituant originaire lui
appartient. Il peut l'exercer par l'intermédiaire de ses
représentants et de façon plus exceptionnelle, en étant
consulté par référendum. Voir FOILLARD
(P.), Droit constitutionnel et Institutions
politiques, Centre de publication universitaire, 1999, pp 34-36.
86 Parfois elle est appelée «
Acte portant Loi constitutionnelle » (dans la plupart des pays qui ont
connu les transitions démocratique de 1990, dont le Togo), «
Constitution intérimaire » (en Afrique du Sud en 1993, au Burundi
en 2004), parfois « Déclaration constitutionnelle » (en Egypte
et au Lybie en 2011), ou « Constitution de la transition » (en
République démocratique du Congo en 2003, au Sud-Soudan en 2011),
ou encore « Feuille de route pour la fin de la transition » (en
Somalie en 2012), « Loi constituante » (en Tunisie en 2011), ou
encore « Charte constitutionnelle de transition » (en
République centrafricaine en 2013, et au Burkina Faso en 2014).
87 C'est l'ex-président
béninois Mathieu KEREKOU, qui inventa le terme et la
formule institutionnelle. Ces Conférences nationales ont permis
d'évacuer symboliquement les conflits et crises en Afrique, en offrant
un espace public de la parole ; ce qui conduit certains observateurs à
les comparer, à tort ou à raison, à la
célèbre palabre africaine. Voir en ce sens
BANEGAS (R.), La Démocratie
à pas de caméléon - Transition et imaginaires politiques
au Bénin, Karthala-CERI, Collection Recherches internationales,
2003, p. 164-171.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
dispositions organisant ces transitions ont souvent pris la
forme d'ordonnance88 ou de
charte89. L'on doit alors souligner que même
si les soubassements d'une Constitution normale ne sont pas remplis dans la
plupart des cas, toutes ces qualifications sont bien souvent avancées
pour tenir compte de la nécessité de doter la transition d'un
instrument juridique de valeur constitutionnelle.
Par ailleurs, l'adjectif « petite » apposé au
terme « Constitution » peut aussi sembler insolite. En effet, la
Constitution, entendue comme la norme ultime dont résulte le
critère de l'appartenance d'une norme donnée à un
système juridique, ne se caractérise pas a priori par un rapport
quantitatif mais qualitatif : c'est-à-dire non pas par rapport à
sa longueur ou au nombre de ses articles mais par rapport à sa fonction
objectivement importante puisqu'elle consiste à déterminer
à la fois l'autonomie du système juridique et la
normativité de ses composantes, c'est-à-dire leur
validité.
Alors, si bien que l'expression « grande constitution
» au sens qualitatif du terme, relèverait du pléonasme et
celle de « petite constitution » de l'antinomie, les petites
constitutions peuvent revendiquer une importance de taille, même si leur
forme ne permet pas une appréhension nette de leur valeur
constitutionnelle parce que ne respectant pas les caractéristiques
primaires d'une Constitution normale90.
En prenant donc en compte le contexte particulier de l'ordre
juridique transitionnel, l'on doit renoncer à appréhender la
valeur constitutionnelle des petites constitutions à partir de leur
forme et se résoudre à l'appréhender par rapport à
leurs objets.
88 C'est l'exemple du Décret-loi
constitutionnel no 003 du 27 mai 1997 relatif à
l'organisation et à l'exercice du pouvoir en République
Démocratique du Congo, pris par Président Laurent
Désiré KABILA lors de sa victoire sur le régime
de MOBUTU.
89 C'est également l'exemple des
chartes ou des déclarations adoptées par les régimes de
transition à la suite des récentes révolutions survenues
en Afrique, notamment en Tunisie, en Egypte, en Lybie, en Centrafrique et au
Burkina-Faso.
90 Voir en ce sens CARTIER
(E.), « Les petites Constitutions : contribution
à l'analyse du droit constitutionnel transitoire » Revue
française de droit constitutionnel, 2007/3 n° 71,
op.cit. p. 514.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
B. La prise en compte de l'objet des petites
constitutions dans la reconnaissance d'une valeur constitutionnelle
Un texte acquiert la valeur constitutionnelle dans trois cas
bien précis. Soit il est l'oeuvre du pouvoir constituant ou d'une
Assemblée constituante désignée par le
peuple91, soit il traite d'une matière qui
relève de la compétence du pouvoir
constituant92, ou soit, il a été
consacré par le juge constitutionnel comme
tel93. Hormis donc la troisième
hypothèse, les petites constitutions répondent largement aux deux
premières.
Cependant, pour que l'acte normatif adopté dans la
phase de transition puisse être considéré comme une
véritable Constitution, il faut qu'il formalise trois décisions
à la fois, à savoir : la décision dé-constituante,
la décision constituante, et la décision constitutive de l'ordre
juridique transitoire.
La décision dé-constituante met fin au
régime constitutionnel
précédent94, la décision
constituante attribue et organise le pouvoir
constituant95, et la décision constitutive
crée l'ordre juridique transitoire, en instituant et en
réglementant les pouvoirs publics provisoires et en établissant
les règles sur la production des normes96.
La présence des trois éléments est donc essentielle pour
attribuer à un texte ou à un ensemble de texte la valeur
constitutionnelle. En effet, un acte qui, seulement, établit le
changement de Constitution et
91 C'est-à-dire que, soit le texte est
mis en place par le constituant originaire, ou soit, il révise ou
modifie suivant une procédure consacrée, une norme
constitutionnelle déjà en vigueur. Voir en ce sens KPODAR
(A.) et KOKOROKO
(D.), « Réflexion autour d'une
controverse politique : la nature juridique de l'Accord Politique Global du 20
août 2006 », pp.4-5, op.cit.
92 Certains textes contiennent des
dispositions à caractère constitutionnel parce qu'ils abordent
des questions d'intérêt national, entre autres : le fonctionnement
régulier des institutions républicaines, le respect des droits
humains, le régime politique, la nomination et les prérogatives
du Premier ministre, les conditions d'éligibilité du
Président de la République, ou la durée du mandat
présidentiel.
93 Voir en ce sens la décision «
Liberté d'association » du 16 juillet 1971, par laquelle le Conseil
Constitutionnel français a reconnu valeur constitutionnelle à la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, et au préambule
de la Constitution de 1946.
94 Voir sur ce point BEAUD
(O.), La puissance de l'Etat, op.cit., p.
265
95 Olivier BEAUD appelle cette décision
« décision attributive du pouvoir constituant »,
Idem, p. 265.
96 Prenant en compte les trois objets
typiques de la Constitution provisoire, Emmanuel. CARTIER
inscrit ces textes dans une triple dimension temporelle : par rapport
au passé, dans une dynamique de rupture et continuité par rapport
à l'ordre juridique précédent ; par rapport au
présent : « elles organisent à titre provisoire les
rapports entre les pouvoirs publics » ; par rapport au futur : «
elles participent à la détermination du pouvoir constituant
originaire en définissant les modalités de production de la
Constitution définitive ». CARTIER
(E.), « Les petites Constitutions »,
op.cit., p. 517.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
pré- constituant »97,
qui participe à la création de la Constitution définitive
dans la phase de transition. Sinon cet acte serait réduit à une
simple « codification de la procédure constituante
»98.
Cependant, les petites constitutions formalisent, à la
fois, les trois décisions. D'abord elles établissent une rupture
avec l'ordre juridique précédent, ensuite réglementent les
conditions de dévolution et d'exercice du pouvoir dans la période
de transition, et enfin organise la procédure constituante en vue de
l'adoption d'une Constitution définitive.
Alors, selon qu'elles adoptent une forme constitutionnelle ou
matérielle, les petites constitutions organisent les pouvoirs et
structurent les rapports de production et de validité entre les
normes99. Elles constituent ainsi la norme
fondamentale de l'ordre juridique de la transition. Leur valeur
constitutionnelle dont la manifestation mérite une analyse
particulière dans la suite de ce développement, ne fait donc plus
de doute.
§ 2. LA MANIFESTATION DE LA VALEUR
CONSTITUTIONNELLE
Cette valeur constitutionnelle des petites constitutions se
manifeste à travers, d'une part leur suprématie normative dans la
période de crise (A), et d'autre part l'attitude du juge constitutionnel
à leur égard (B).
A. La suprématie normative des petites
constitutions
S'il est une tendance lourde dans l'ordre juridique des Etats
en crise, c'est que l'adoption des petites constitutions se fait soit au
détriment, soit en lieu et place du constitutionnalisme comme
l'illustrent nombre d'exemples sur le continent
africain100.
97 BEAUD (O.), La puissance
de l'Etat, op.cit., p. 267.
98 Idem, p. 273.
99 La formalisation est en effet
définie par Emmanuel CARTIER comme « un
processus normatif permettant la structuration d'un ordre juridique
donné en aménageant les rapports de production et de
validité entre ses différentes composantes »
(CARTIER, « Les petites Constitutions »,
op.cit., p. 523). V. aussi : PFERSMANN
(O.), in Louis. FAVOREU et
al., Droit constitutionnel, op.cit., p. 101.
100 Sans être exhaustif, il s'agit des
exemples du Rwanda avec les Accords d'Arusha du 15 août 1993, de la
République Démocratique du Congo avec l'Accord global et inclusif
de Sun City du 17 décembre 2002, de la Côte d'Ivoire avec les
Accords de Linas Marcoussis du 23 janvier 2003, du Madagascar avec l'Accord de
Maputo du 8 août 2009 et du Togo avec l'Accord politique global du 20
août 2006.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
En effet au Rwanda, en dehors du compromis qu'il
réalise entre la majorité et l'opposition, l'Accord de paix
d'Arusha, modifie la Constitution du 10 juin 1991 dont désormais le
domaine matériel est élargi à des règles
établies en dehors du pouvoir constituant et des modalités
appropriées: « les deux parties signataires acceptent que la
Constitution du 10juin 1991 et l'accord de paix d'Arusha constituent
indissolublement la loi fondamentale qui régit le pays durant la
période de transition »'0'. En
Côte d'Ivoire, l'application de l'accord de Marcoussis qui a
considérablement modifié la distribution des pouvoirs
organisés par la Constitution du 1er août 2000, a
généré des nouvelles règles
étrangères à la Constitution et eu pour
conséquence, au plan strictement juridique, le gel partiel de cette
dernière. En république Démocratique du Congo, la
Constitution de transition qui sort de l'Accord global et inclusif de Sun City
du 17 décembre 2002, même atypique au regard des théories
classiques, n'est pas moins une Constitution. Ce texte tient son rang de norme
fondamentale, d'un point de vue matériel. Ainsi, dans bien des cas, les
petites constitutions s'imposent102.
En effet, les dispositions de ces petites constitutions
affectent de manière substantielle l'organisation de l'Etat et la
répartition de ses pouvoirs comme une loi fondamentale, établie
selon l'orthodoxie constitutionnelle.
A la lumière de ces développements, il
apparaît que, les petites constitutions, qu'elles abrogent ou modifient
la Constitution, prennent un ascendant incontestable sur toute autre norme,
dans la période de crise. Cette suprématie normative en
période de crise témoigne de la manifestation de leur valeur
constitutionnelle dont l'attitude du juge constitutionnelle rend
également compte.
101 Article 3 des Accords de paix d'Arusha du 15
août 1993.
102 En réalité, dans certains
cas, ces petites constitutions doivent aussi s'interpréter comme «
un constitutionnalisme de crise ». Les accords de paix dans plusieurs
pays, parce qu'ils constituent le statut de l'Etat en crise ou en
reconstruction, s'appliquent en définitive comme des Constitutions
matérielles. En effet ces petites constitutions créent des
institutions de transition ou reconstituent les pouvoirs classiques de l'Etat,
ou encore érigent carrément de nouveaux principes fondamentaux,
modifient la forme de l'Etat en créant désormais comme ce fut le
cas au Soudan, un Etat fédéral par l'autonomisation d'une
région.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
B. L'attitude du juge constitutionnel à
l'égard des petites constitutions
La question de l'attitude du juge à l'égard des
petites constitutions mérite la réflexion. En effet, l'on doit
marquer un temps d'arrêt pour répondre à cette
interrogation qui mobilise tant l'attention des juristes : le juge peut-il
sanctionner la violation des petites constitutions ?
Il faut dire que dans les transitions, où la
Constitution en vigueur est révolue et une petite constitution est
élaborée en vue de l'adoption d'une Constitution
définitive, le problème ne se pose pas. Les Cours
constitutionnelles de ces transitions, si elles existent, appliquent les
nouveaux principes énoncés dans les petites constitutions, afin
de garantir la compréhension correcte et authentique du sens de leur
valeur constitutionnelle comme ce fut le cas dans la transition
sud-africaine103. Dans ce cas, le juge sanctionne
la violation des petites constitutions.
Cependant, dans les crises qui ont occasionné
l'adoption d'une petite constitution notamment un accord politique, en dehors
de la Constitution en vigueur, la question de la sanction de leur violation par
le juge, conduit à une réponse mitigée.
En effet, les accords politiques étant essentiellement
des normes politiques, le juge constitutionnel semble étranger à
ce corpus normatif qu'il considère comme des normes
internationales104. Ainsi les accords politiques
semblent-ils transcender sa compétence. Cependant, lorsque leurs
dispositions sont insérées dans l'ordonnancement juridique de
103 La situation sud-africaine est en effet
révélatrice en ce qui concerne l'attitude du juge constitutionnel
à l'égard des petites constitutions dans le processus de
transition. En Afrique du Sud, la Cour constitutionnelle avait fonction
à vérifier que la Constitution définitive (celle qui
deviendra la Constitution de 1996) n'était pas en contradiction avec les
34 principes constitutionnels fondamentaux qui compose la petite constitution
sud-africaine et qui devaient guider l'Assemblée constituante. Ce
contrôle a été exercé par la Cour de manière
très scrupuleuse. Les juges constitutionnels ont ainsi refusé la
validation du premier texte constitutionnel, en obligeant l'Assemblée
constituante à lui apporter de nombreuses modifications sur le fondement
des 34 principes.
104 C'est l'exemple du juge constitutionnel
ivoirien qui déclare que : « considérant que les normes
et dispositions internationales acceptées par les organes nationaux
compétents ont une autorité supérieur à celle des
lois et décisions juridictionnelles internes sous réserve de leur
application par l'autre partie ». Voir le Discours du 06 mai 2011, de
l'ancien Président du Conseil constitutionnel ivoirien, Paul Yao
N'DRE, lors de la cérémonie d'investiture du
Président OUATTARA.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
l'Etat en crise en tant que lois ou règlements
régulièrement adoptés, leur violation tombe sous le coup
de la loi105.
Par ailleurs, même si les dispositions des accords
politiques ne sont pas insérées dans l'ordonnancement juridique
des Etats en crise, ces derniers influent beaucoup l'action du juge
constitutionnel106. En effet dans la mise en oeuvre
de l'Etat de droit dans la période de crise, le juge a, à
affirmer, à défaut d'une constitutionnalité
irréprochable, une constitutionnalité pragmatique prise entre
deux tenants extrêmes : celle d'un « tout-au-constitutionnel »
qui suppose une légalité parfaite, mais abstraite car non
susceptible d'application à cause de la crise, et celle engendrée
par l'accord politique.
Dans tous les cas, la manifestation de la valeur
constitutionnelle des petites constitutions débouche sur un constat
d'évidence : à côté du droit constitutionnel commun,
existe un droit constitutionnel des circonstances exceptionnelles. Quelle sont
donc les fonctions de ce droit ?
105 EHUENI MANZAN (I.),
Les accords politiques dans la résolution des conflits armés
internes en Afrique, Thèse de Doctorat en Droit, Université
de Cocody-Abidjan, 07 décembre 2011, op.cit., p. 303.
106 Le juge constitutionnel togolais s'est
référé à l'Accord Politique Global (APG) en tant
qu'instrument devant guider son interprétation dans le règlement
de la crise politique que traversait le Togo. En effet le juge avait
considéré que : « Le choix des représentants des
partis politiques extra-parlementaires et des organisations de la
société civile au sein de la CENI nécessite une
référence à l'APG du 20 août 2006, accord qui fonde
le consensus national sur les questions d'intérêt national ».
Voir Décision noC-003/09 du 09 juillet 2009, Affaire saisine
des députés de l'Union des Forces de Changement (UFC).
31
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
Chapitre II.
Les fonctions des petites constitutions
Etant donné que les petites constitutions se
distinguent d'une Constitution normale, non seulement par rapport à leur
durée prédéterminée, mais également par
rapport aux objectifs qu'elles remplissent, il est inévitable de
s'interroger sur leur fonction.
En effet les objets qui caractérisent les petites
constitutions illustrent bien l'intention du pouvoir constituant provisoire,
d'établir un ordre juridique capable d'assurer la transition d'un ordre
constitutionnel donné à un nouvel ordre, dans un Etat en crise.
Les fonctions des petites constitutions sont donc particulières.
Cependant, les deux fonctions fondamentales d'une petite
constitution sont, d'une part, celle d'assurer la continuité de l'Etat
dans la période de transition suivant la rupture avec la Constitution
existante (Section 1), et d'autre part, celle de résoudre les crises
politiques (Section 2).
SECTION I. L'ASSURANCE DE LA CONTINUITE DE L'ETAT
En ce qu'il importe à la suite des ruptures juridiques,
d'éviter des vides qui créeraient un instant de non-droit ou de
négation de droit, pour peu qu'on les décortique, la raison
d'être des petites constitutions est d'assurer la continuité de
l'Etat tant au plan juridique (§ 1) que politique (§ 2).
§ 1. AU PLAN JURIDIQUE : L'ORGANISATION DE LA
TRANSITION CONSTITUTIONNELLE
Dans l'attente de l'adoption d'une Constitution
définitive, les petites constitutions ont comme fonction de formaliser
un ordre juridique provisoire destiné à assurer la
continuité de l'activité juridique de l'Etat (A), et d'encadrer
la procédure constituante en vue de l'élaboration d'une
Constitution définitive (B).
32
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
A. La formalisation de l'ordre juridique provisoire
La formalisation peut être définie en droit comme
un processus normatif permettant la structuration d'un ordre juridique
donné en aménageant les rapports de production et de
validité entre ses différentes
composantes107. La formalisation est donc
nécessaire à la cohérence de l'ordre juridique. Cependant,
le degré de structuration de l'ordre juridique dépend de la forme
adoptée par la petite constitution.
En effet adoptées en la forme infra-constitutionnelle
(cas des petites constitutions matérielles), les petites constitutions
comprennent un faible degré de formalisation. Ceci en raison des
circonstances qui bien souvent aboutissent à la concentration des
compétences normatives par un même organe. Ce faible degré
de formalisation favorise l'instabilité des contenus normatifs et se
traduit par une insécurité juridique propre à inciter les
autorités à clôturer le processus
transitoire108. Ainsi, les petites constitutions
matérielles ne permettent-elles qu'une structuration partielle de
l'ordre juridique auquel manque encore la détermination de la forme
constitutionnelle permettant la clôture du processus transitoire dans sa
dimension constituante.
Par contre, adoptées en la forme constitutionnelle (cas
des petites constitutions formelles), les petites constitutions opèrent
une différenciation formelle plus importante et suffisante entre les
normes infra-constitutionnelles109. En effet elles
déterminent les relations d'ordre entre les normes
infra-constitutionnelles d'un ensemble, justifiant ainsi l'unité de
l'ordre juridique. Cette unité procède alors du double rapport
qu'entretiennent les normes infra-constitutionnelles entre elles d'une part, et
avec l'ensemble d'autre part.
Cependant, du point de vue positiviste, l'agencement
hiérarchique de plusieurs types de règles, indépendamment
de leur contenu, est un mécanisme nécessaire de structuration
pré-
107 Selon Otto PFERSMANN, la
formalisation correspond à « une technique juridique qui
modifie la hiérarchie des normes et permet en même temps
d'organiser cette même hiérarchie », PFERSMANN
(O.), in Louis FAVOREU et al., Droit
constitutionnel, op.cit., p. 103.
108 Voir en ce sens JOUANJAN
(O.), « La suspension de la Constitution de 1793
», Droits n°17, La Révolution française et le
droit, 1993, p.125 et s.
109 Il en est ainsi des lois
constitutionnelles de 1875 ainsi que de la loi du 2 novembre 1945, mais pas des
actes édictés sur la base des actes constitutionnels du
maréchal PETAIN. Le maréchal
PETAIN, chef du gouvernement français de la
République, en s'autoproclamant « chef de l'Etat français
» par l'acte constitutionnel n°1 du 11 juillet 1940, s'investit de la
compétence constituante dont l'exercice ne nécessite pas d'autre
formalisme que sa propre signature selon la formule lapidaire
générique « Le chef de l'Etat décrète
».
33
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
constituante de l'ordre juridique naissant. Cette
intelligibilité pré-constituante est en effet nécessaire
à la compréhension du contenu et de la combinaison des
composantes de l'ordre juridique nouveau. Ainsi, parfois, de manière
à opérer rapidement une formalisation suffisante de l'ordre
juridique transitoire, gage de stabilité juridique, les organes au
pouvoir optent-ils pour la résurrection des textes constitutionnels
révolus, issus d'un régime considéré comme en
partie ou totalement légitime110. Les
petites constitutions formelles permettent donc la formalisation totale de
l'ordre juridique provisoire en déterminant de manière ultime les
modalités de production de ses composantes.
Cependant, qu'elles soient matérielles ou formelles,
les petites constitutions participent à la définition des
modalités de production de la Constitution définitive en
encadrant la procédure constituante.
B. L'encadrement de la procédure
constituante
L'adoption d'une nouvelle Constitution suppose toujours une
procédure constituante mettant en évidence l'intervention d'un
pouvoir constituant.
Par l'encadrement de la procédure constituante donc, la
petite constitution contribue en bonne partie à légitimer le
texte constitutionnel définitif. En effet par ses normes, elle
établit une procédure constituante, habilite le pouvoir
constituant, et parfois fixe des principes substantiels qui devront être
respectés par ce dernier. La petite constitution permet alors d'ancrer
la validation des actes du pouvoir constituant dans un système juridique
offrant une stabilité et une cohérence minimales propres à
assurer la confiance et l'ordre dans l'organisation des fonctions de l'Etat
dans la période de la transition.
Ainsi conformément à la petite constitution et
aux principes de légitimité sur lequel son action repose,
l'organe investi du pouvoir constituant complètera la structuration de
l'ordonnancement juridique en déterminant les conditions de production
de la Constitution définitive. La petite constitution est donc un
révélateur formidable de l'identité réelle du
110
|
C'est le cas par exemple de la transition constitutionnelle en
Grèce après la chute du régime des colonels où la
Constitution de 1952 est remise en vigueur, amputée de ses dispositions
relatives à la forme monarchique du régime, par l'article 1er de
l'acte constitutionnel « A », dit « statutaire », du 1er
août 1974.40 Il en est de même pour l'Afghanistan à la chute
du régime des Talibans où le « gouvernement islamiste de
transition » formé en juin 2002 conformément aux accords
inter-afghans de Bonn du 5 décembre 2001, fonctionna selon les principes
de la Constitution de 1964 remise en vigueur début février 2002,
à l'exception des passages faisant référence à la
monarchie.
|
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
pouvoir constituant et de « la nature plus ou moins
libérale de la future Constitution
»111. Elle dévoile à cet effet
les stratégies mises en place par les autorités de la transition
pour générer dans les citoyens la croyance en la
légalité de la procédure. Cependant, ces stratégies
sont multiples mais quelques-unes retiendront notre attention :
La première stratégie consiste à donner
l'apparence qu'une partie de la procédure constituante est fondée
sur les normes de l'ordre juridique précédent. Il s'agit d'une
fiction tendant assurer l'obéissance des citoyens et donc
l'effectivité de l'ordre juridique créé. Ainsi, la
procédure constituante régie par la petite constitution
acquière une légitimité qu'elle transmet par ricochet
à la Constitution définitive.
La deuxième stratégie consiste à
ressusciter des textes constitutionnels révolus, issus d'un ordre
juridique précédent considéré comme
légitime, et de les modifier. Le texte constitutionnel
ressuscité, constitue de fait un texte nouveau, et notamment, une
Constitution provisoire fondatrice d'un nouvel ordre juridique. La croyance en
la légalité du texte que cette stratégie induit, alimente
en revanche la légitimité de la procédure constituante et
donc de la Constitution définitive qui sera adoptée.
Par ailleurs dans le cadre de la fondation des régimes
démocratiques, les petites constitutions adoptent encore d'autres
stratégies. En effet, en démocratie, la légitimité
de la norme constitutionnelle passe par l'attribution au peuple du pouvoir
constituant. En ce sens, les petites constitutions organisent des
procédures constituantes prévoyant parfois l'organisation d'un
référendum. Cela permet au peuple de se saisir du pouvoir
constituant, et génère dans les citoyens la croyance de pouvoir
limiter les rédacteurs du texte constitutionnel.
En outre l'élection au suffrage universel, d'une
assemblée constituante accorde au peuple la possibilité de
choisir ses propres représentants pour l'élaboration de la
Constitution définitive. La participation à l'Assemblée
constituante contribue de façon déterminante à produire
« un mouvement d'adhésion des citoyens indissociable d'un sentiment
de valorisation d'eux-mêmes »112, gage
de légitimité et d'effectivité de l'ordre constitutionnel
définitif.
111 BEAUD (O.), La
puissance de l'Etat, op.cit., p. 264.
112 ROSANVALLON (P.), La
Légitimité démocratique, Paris, Seuil, 2010, p.
21.
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
En définitive l'encadrement de la procédure
constituante par les petites constitutions permet d'attribuer une apparence de
légalité démocratique à la procédure
constituante, et de pallier ainsi l'éventuel déficit de
légitimité113 du pouvoir politique
dont l'organisation est aussi assurée par la petite constitution.
§ 2. AU PLAN POLITIQUE : L'ORGANISATION DES
POUVOIRS POLITIQUES DE LA TRANSITION
Les petites constitutions assurent l'organisation des pouvoirs
politiques en période de transition en instituant un exécutif
régulier (A) et en déterminant l'organe législatif de la
transition (B).
A. L'institution d'un exécutif régulier de
transition
Conformément à la petite constitution, est
désigné, et formé, un Chef d'Etat de transition et un
gouvernement provisoire. Le Chef de l'Etat veille au respect de la Constitution
de transition, assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics
ainsi que la continuité de l'Etat. Il veille à la mise en oeuvre
de la feuille de route de la transition par le gouvernement provisoire
formé.
Cependant, l'organisation du pouvoir exécutif de la
transition démontre le souci de procéder à sa
légitimation. Suite donc à l'adoption de la petite constitution,
le gouvernement de la transition cesse d'être « de fait »
puisqu'il crée un ordre constitutionnel, qui devient le baromètre
de la légalité de ses actions114. Il
faut alors
113 Selon les théories de la
légitimité élaborées par Jürgen
HABERMAS et Bernard MANIN, « la norme n'est
légitime que si elle est fondée sur des raisons publiques
résultant d'un processus de délibération inclusif et
équitable, auquel tous les citoyens peuvent participer et dans lequel
ils sont amenés à coopérer librement »
(BLONDIAUX L.et SINTOMER Y. «
L'impératif délibératif », Politix,
n°57, p. 18). En ce sens, nous partageons la conviction de Bernard
MANIN selon laquelle « la décision légitime
n'est pas la volonté de tous, mais celle qui résulte de la
délibération de tous : c'est le processus de formation des
volontés qui confère sa légitimité au
résultat, non les volontés déjà formées
» (MANIN B., « Volonté
générale ou délibération ? Esquisse d'une
théorie de la délibération politique », Le
Débat, 1985, n° 33, p. 82).
114
Maurice DUVERGER dans son article sur les
gouvernements de fait parle de légitimité de ces gouvernements et
non pas de légalité, puisqu'il ne considère pas que le
gouvernement provisoire fonde un ordre juridique. S'il affirme que les «
principes affirmés par un gouvernement de fait (...) peuvent
s'analyser, juridiquement, comme une sorte de Constitution coutumière
provisoire et rigide », il n'arrive pas aux conséquences
ultimes de son analyse affirmant que ces principes sont bien créateurs
d'un ordre juridique intermédiaire. Ainsi, pour lui, « un
gouvernement est légal dans la mesure où il se conforme aux
principes juridiques régulièrement exprimés et
formulés dans une Constitution. Un
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
rappeler que dans les périodes incertaines de
transition, la légalité de l'action gouvernementale est une
condition essentielle pour que le gouvernement provisoire acquière la
légitimité indispensable à son action. Ainsi, la
légitimité de l'exécutif provisoire dépend
essentiellement de deux facteurs :
D'abord, puisque l'exécutif provisoire s'engage,
s'autolimite au travers de la norme constitutionnelle de la transition, sa
légitimité est fondée sur la légalité de ses
actions, c'est-à-dire sur la conformité de ses actes aux
règles qu'il a lui-même édictées.
Ensuite, plus la petite constitution est en adéquation
avec les aspirations du peuple, plus le pouvoir en place sera perçu
comme légitime, suscitant l'adhésion et donc l'obéissance
des citoyens.
Cependant l'étude attentive du processus de transition
des pays en crise laisse apparaître que l'implication de la
communauté internationale n'est pas à ignorer. Le processus
repose le plus souvent sur un certain nombre de fait qui rendent compte d'une
réelle emprise des instances internationales. Il est donc
intéressant de noter que l'organe qui conduit la transition, notamment
l'exécutif, est soumis à une légitimation internationale.
La légitimation internationale de l'exécutif de la transition est
donc nécessaire non seulement à sa viabilité, mais aussi
à sa validité.
L'exécutif n'étant pas le seul pouvoir politique
de la transition, il est important de souligner que la petite constitution
détermine également l'organe législatif.
B. La détermination de l'organe
législatif
Très souvent les coups d'Etat et les mouvements
révolutionnaires entrainent la suppression de la structure
législative existante. La décision de supprimer
l'Assemblée nationale est généralement portée
à la connaissance du peuple en même temps que lui est
annoncé le coup d'Etat contre les autorités légales ou
à l'aboutissement de la révolution. Ce faisant, la suppression de
la structure législative qui accompagne généralement les
autorités de fait répond à l'écho invariable de
rompre avec les logiques de l'ancien régime. Ces mesures radicales
touchant l'organe législatif bien qu'exceptionnellement
gouvernement de fait est légitime dans la mesure
où il se conforme à des principes juridiques non encore inscrits
dans une Constitution régulière », DUVERGER
(M.), « Contribution à l'étude de
la légitimité des gouvernements de fait », RDP,
n°61, 1945 p. 81.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
commandées par les exigences du moment n'en sont donc
pas moins révélatrices d'une volonté manifeste des
nouvelles autorités d'épouser une nouvelle conception du pouvoir
politique.
On assiste alors à l'élaboration d'une
assemblée provisoire qui, des fois, concentre en son sein le pouvoir
législatif et le pouvoir constituant.
En effet, dans la période de transition, la petite
constitution détermine l'organe législatif qui dans la plupart
des cas est en même temps investi du pouvoir constituant. Il faut dire
que non seulement cet organe est compétent pour connaitre des
matières qui sont du ressort de la loi dans la période
transitoire, il est le plus souvent aussi chargé d'élaborer la
future Constitution. C'est donc l'exemple de la Tunisie et de la Centrafrique,
pour ne citer que ceux-là, qui, conformément à leurs
petites constitutions, instituèrent chacune un organe
législatif-constituant dénommé : Conseil National de
Transition (CNT).
Cependant, même si l'organe
législatif-constituant de la transition n'agit pas au nom du peuple
souverain, mais au non d'un consensus national, le plus souvent une attribution
tout à fait spécifique lui est assignée : celle de
l'élection du Chef de l'Etat de la transition.
Dans tous les cas, il faut dire qu'en cas de rupture avec
l'ordre juridique existant, la petite constitution assure la continuité
de l'activité juridique de l'Etat, en organisant la transition
constitutionnelle ainsi que les pouvoirs politiques de la transition. A
côté donc de cette fonction, en existe une autre : c'est celle de
la résolution des crises politiques.
SECTION
II. LA RESOLUTION DES CRISES POLITIQUES
Dans la plupart des Etats africains, les désaccords
entre les acteurs politiques créent un climat de crises permanentes.
Ainsi, parce que les Constitutions existantes se sont
révélées incapables de juguler les crises politiques
(§ 1), les acteurs politiques recourent assez fréquemment à
des petites constitutions, notamment des accords politiques, pour
réadapter la Constitution existante à ces crises (§ 1).
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
§ 1. L'INCAPACITE DES CONSTITUTIONS EXISTANTES A
JUGULER LES CRISES POLITIQUES
Les manifestations de l'incapacité des Constitutions
africaines à juguler les crises politiques apparaissent au grand jour.
Elles se traduisent d'une part par les lacunes de ces dernières (A), et
d'autre part, par la perte de confiance des acteurs politiques à leur
égard (B).
A. Les lacunes des Constitutions existantes
La plupart des Constitutions africaines passent difficilement
l'épreuve de leur mise en application parce qu'elles ont
été élaborées à l'issue d'un processus mal
maîtrisé. A cet effet, elles caractérisent par tant de
lacunes et d'insuffisances. Les raisons tiennent, fondamentalement au fait que
ces dernières sont le plus souvent « rédigées sous
l'emprise de la nécessité pour tenter de relever sur le champ des
défis exceptionnels »115. Constitutions
de l'urgence, produites à coups de renforts, leur déconnexion des
réalités qu'elles sont pourtant censées régir est
patente116 et constitue sans doute la source de
leur ineffectivité et de leur incapacité à juguler les
crises.
On découvre alors matière à conflits
potentiels, derrière les insuffisances et les lacunes de ces textes,
d'autant plus qu'on observe, en Afrique, que la vie politique se détache
ou diffère bien souvent des principes posés dans les
Constitutions. En effet, loin de répondre à un souci de
modernisation de la vie sociale à travers les rapports du citoyen
à l'Etat et aux autorités qui le gouvernent, les Constitutions
africaines sont plutôt vécues comme des instruments au service
d'enjeux politiques et partisans. Elles ne tranchent donc véritablement
que des principes et des problèmes, assez théoriques et
abstraits, de la source du pouvoir mais se borne en ce qui concerne son
exercice à tracer des perspectives
115 Alioune SALL relève à cet
égard que « dès le début des années
quatre-vingt dix (...) les Constitutions ont été abrogées
ou modifiées en Côte d'Ivoire (avril 1991), au Rwanda (mai 1991)
au Burkina Faso (juin 1991), en Mauritanie (juillet 1991), au Mali (août
1991), au Sénégal (octobre 1991), au Congo (mars 1992), à
Madagascar (août 1992), à Djibouti (septembre 1992), au Niger
(décembre 1992) », in « Processus démocratique et
bicéphalisme du pouvoir exécutif en Afrique noire francophone: un
essai de bilan », RJPIC, 2006, pp. 412-460.
116 Elles sont plutôt vécues
comme des instruments au service d'enjeux politiques et partisans. Souvent les
calculs des acteurs déterminent, au moment de leur conception, la forme
du régime politique et l'équilibre des pouvoirs. Voir
ZAKI (M.), « Petite constitution et
droit transitoire en Afrique », RDP 2012-6-008, no 6,
op.cit. p 1699
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
d'avenir et à indiquer ce qui doit être. Par
conséquent, l'observation montre que la réalité de la
pratique politique ne correspond pas toujours, ni même souvent, à
l'optimisme des schémas
constitutionnels117.
Le caractère lacunaire des Constitutions africaines est
donc remarquable. C'est d'ailleurs ce qui explique largement ce que la doctrine
qualifie de « crise du constitutionnalisme africain ».
Cependant, lorsque la pratique politique ne correspond pas aux
schémas constitutionnels, la Constitution est indigne de confiance.
B. La perte de confiance des acteurs politiques à
l'égard des Constitutions existantes
La Constitution apparait comme une charte fondamentale
traduisant, au-delà de son contenu, l'état du consensus entre
gouvernants et gouvernés, et surtout entre les acteurs en charge de sa
gestion118
Mais, les arguments de cette thèse se heurtent
empiriquement à une objection fondée sur l'instrumentalisation
manifeste de la norme constitutionnelle dans la plupart des Etats africains. En
effet, la pratique constitutionnelle en Afrique remontre en majorité au
jugement des juristes, des révisions frauduleuses et impopulaires,
conduites en l'absence de tout consensus et obtenues parfois au
forceps119.
117 PACTET (P.),
Institutions politique : Droit constitutionnel, 20e
éd, Paris, Armand Collin, 2001, p 66.
118 Voir sur cette notion, REMOND
(R.), « La gestion des constitutions »,
Pouvoirs, 1989, no 50, pp. 43-51.
119 Comme celle que conduisent au Togo, avec
une vitesse inédite et un empressement suspect, les
députés du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT) en
février 2005 à la suite de l'annonce du décès du
président Eyadema GNASSINGBE. En effet, dans
l'exécution des manoeuvres politiques visant à corriger les
règles de dévolution du pouvoir en cas de vacance pour
décès du chef d'État en fonction, l'Assemblée
nationale convoquée précipitamment, procède en pleine nuit
à la modification des articles 65 et 144 de la Constitution du 14
octobre 1992. Ces révisions, pour le moins spectaculaires, eurent pour
conséquence directe d'empêcher Monsieur NATCHABA,
président de l'Assemblée nationale et successeur
désigné par les textes, d'accéder par intérim
à la tête de l'État et propulsent contre toute logique
Faure GNASSINGBE, fils du président défunt,
à la présidence ainsi laissée vacante. Mais face à
la réprobation nationale et internationale, notamment aux sanctions
prises par la Communauté Economique des États d'Afrique de
l'Ouest et confirmées par l'Union Africaine, Faure GNASSINGBE
dût démissionner. L'ordre constitutionnel fut alors
rétabli et permit l'organisation dans les délais prescrits
d'élections pluralistes au terme desquels Faure GNASSINGBE
fut proclamé élu. Cf. DIOP
(El-H. O.), «
Autopsie d'une crise de succession constitutionnelle du chef de l'Etat en
Afrique. L'expérience togolaise (5-26 février 2005) »,
Politeia, 2005, no 7, pp. 115-173.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
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la Tunisie et du Togo.
En effet la plupart des révisions constitutionnelles
opérées en Afrique depuis 1996, sont caractérisées
par leur aspect tendancieux et politiquement tactique. En majorité,
elles se particularisent par leur objet peu licite et controversé. Ainsi
la majorité des auteurs pensent-ils que la démarche peu
consensuelle de ces révisions dissimule à peine une logique de
passage en force et insistent sur les conditions « douteuses
»120 de ces révisions «facilitées
par la violation des règles prévues en la matière
»121. Cependant, « ces modifications
taillées sur mesure »122, ces « révisions
pirates »123, expriment la main basse du pouvoir politique
sur la procédure de révision ainsi que sa trop grande marge de
manoeuvre dans la reformulation des dispositions
constitutionnelles124.
Ce sont donc essentiellement ces genres de révisions
qui affadissent l'éclat de la Constitution et la présentent comme
une norme instrumentalisée et
manipulée125. En effet ces révisions
non seulement s'assimilent à la banalisation de la
Constitution126, mais contribuent surtout à
entretenir une crise de confiance des acteurs politiques à
l'égard de cette dernière. La Constitution indigne de confiance
ne peut donc plus juguler les crises.
C'est ainsi que l'adoption des petites constitutions
intervient pour pallier aux insuffisances des Constitutions en vue de les
réadapter aux crises.
§ 2. LA READAPTATION DES CONSTITUTIONS EXISTANTES
AUX CRISES POLITIQUES PAR LES PETITES CONSTITUTIONS
A y regarder de près, pour réadapter les
constitutions existantes aux crises, les petites constitutions contribuent
à créer un droit constitutionnel adapté à la
circonstance (A). Cependant dans les cas où la Constitution existante
n'est pas abrogée, la petites constitution assure donc la sauvegarde de
cette dernière (B).
120 AHADZI-NONOU (K.),
« Les nouvelles tendances du constitutionnalisme africain. Le cas des
Etats d'Afrique noire francophone », Afrique juridique et
politique, vol. 1, n0 2, 2002, p. 43.
121 Idem., p. 43.
122 Ibid., p. 44.
123 Ibid., p. 40
124 MELEDJE (F.
D.), « Les révisions des constitutions dans les
Etats africains francophones : esquisse de bilan », op.cit., pp.
111-134.
125 MOUANGUE KOBILA (J.),
« Peut-on parler d'un reflux du constitutionnalisme au Cameroun? »,
Recht in Afrika, 2010, p. 38.
126 AIVO (F.
J.), « La crise de normativité de la constitution
en Afrique », op.cit. p.148.
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Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
A. La création d'un droit constitutionnel
circonstanciel
A n'en point douter, les petites constitutions créent
un droit constitutionnel des situations de
crise127.
En effet, dans les cas où la Constitution en vigueur
est abrogée, la petite constitution devient la Loi fondamentale de la
période de transition. Cependant dans les cas où la Constitution
en vigueur est seulement contestée, comme ceux de la plupart des Etats
africains, la logique juridique aurait consisté à régler
les crises politiques dans le cadre de la normativité constitutionnelle.
Mais, les Constitutions africaines, pour la plupart se sont
révélées incapables. C'est ainsi que la défaillance
des mécanismes constitutionnels africains de résolution des
crises a déterminé la mobilisation de ressources
complètement étrangères à la Constitution : il
s'agit des accords politiques.
Selon une définition esquissée par Jean-Louis
ATANGANA-AMOUGOU, les accords politiques peuvent s'entendre de « tout
accord conclu entre les protagonistes d'une crise politique interne ayant pour
but de la résorber, quelle que soit sa dénomination
»128. Il faut ainsi
préciser qu'ils ont pour vocation de régir le fonctionnement des
institutions du moins jusqu'à la fin de la crise ou conflit politique.
Ils visent donc à réadapter le fonctionnement des
différents pouvoirs aux intérêts et aux forces en
présence afin de stabiliser les institutions. Ce qui semble les
consacrer comme de véritables droits pendant la période de crise.
En effet par leur fonction et leur répétition, les accords
politiques participent en Afrique à la naissance d'un processus de
formation d'un droit constitutionnel en devenir dont le résultat final
serait l'existence à côté du droit constitutionnel
général, d'un droit constitutionnel spécial de
circonstance. A titre illustratif, le professeur Jean DU BOIS DE GAUDUSSON fait
observer à propos de la crise ivoirienne que l'Accord de
Linas-Marcoussis « définit en réalité une
nouvelle Constitution et que son objectif est précisément de
réviser le dispositif institutionnel et de contenir des
recommandations
127 Voir en ce sens HOUNAKE
(K.), Les juridictions constitutionnelles dans
les Démocraties émergentes de l'Afrique noire francophone : les
cas du Bénin, du Gabon, du Niger, du Sénégal et du
Togo, Thèse de Doctorat en Droit public, Université de
Lomé-Université de Poitiers, 06 avril 2012, p. 481.
128 ATANGANA-AMOUGOU
(J.-L.), « Les accords de paix
dans l'ordre juridique interne en Afrique », Revue de la recherche
juridique, Droit prospectif, 2008, p. 1723.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
nouvelles non conformes à celle toujours en vigueur
»129. Il en est de même de l'Accord
Politique Global signé en 2006, entre les protagonistes de la crise
politique togolaise130.
La crise de la normativité en
Afrique131 a donc fait naître un droit
constitutionnel qu'il est permis de considérer comme un produit de
l'ingénierie constitutionnelle en oeuvre dans les Etats africains en
crise132.
Cependant si les accords politiques contribuent, en Afrique,
à reformuler les Constitutions existantes pour les réadapter aux
crises afin de préserver la légalité constitutionnelle
dans les Etats concernés, ils assurent par la même occasion la
sauvegarde de celles-ci.
B. La sauvegarde de la Constitution existante
Les accords politiques visent à sauver la Constitution
en période de crise. Ils sont conçus pour pallier les
insuffisances de la norme constitutionnelle qui ne peut ni tout prévoir,
ni tout régler. Leur conclusion participe donc de la
nécessité de régler les problèmes juridiques ou
politiques nés des Constitutions. Ainsi viennent-ils en période
de crise rendre l'atmosphère moins tendue, car ils conduisent à
un certain apaisement qui dénote d'un consensus trouvé favorisant
le retour à la vie normale de l'Etat et protégeant du coup
l'ordre constitutionnel.
Les accords politiques constituent donc une sorte de rempart
qui protège la Constitution et sur laquelle viennent s'écraser
toutes les menaces trimbalées par les crises. Cette protection de la
norme constitutionnelle par les arrangements politiques exprime finalement le
rôle positif que peuvent jouer les accords politiques lorsqu'ils sont
intégrés dans le dispositif constitutionnel de l'Etat. C'est le
cas en Côte d'Ivoire où, après le basculement du pays dans
une crise profonde dont les effets ne sont pas prêts d'être
oubliés
129 DU BOIS DEGAUDUSSON
(J.), «L'accord de Marcoussis, entre droit et
politique », Afrique Contemporaine, n0 206, 2003, p
46.
130 Cet accord est signé entre le RPT,
parti au pouvoir, d'une part et cinq partis de l'opposition
traditionnelle (le CAR, la CDPA, la CPP, le PDR et l'UFC) et
deux organisations de la société civile (GF2D et le REFAMP/T).
131 AIVO (F.
J.), « La crise de normativité de la Constitution
en Afrique », op.cit., p. 141.
132 ANDZOKA-ATSIMOU (S.),
L'ingénierie constitutionnelle, solution de sortie de crise en
Afrique :
les exemples de l'Afrique du Sud, de la République
démocratique du Congo, du Burundi et du Congo, Thèse de
Doctorat en Droit public, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, 2013,
712 p.
43
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
suite au concept d' « ivoirité
»133, le consensus fut retrouvé
plus tard à travers l'accord de Linas-Marcoussis dont la substance
essentielle est de nos jours intégrée dans le dispositif
constitutionnel en vigueur.
Au demeurant, puisque le droit ne peut à lui seul
régler tous les problèmes, il est souhaitable de recourir
à une petite constitution notamment un accord politique qui permet de
compléter et de sauvegarder la Constitution dans ces circonstances
exceptionnelles que constituent les périodes de crise, afin que cette
dernière reprenne force et vigueur après la crise.
En toute évidence, l'analyse de cette première
partie aura permis de cerner théoriquement les petites constitutions
à travers l'étude de leur nature et de leur fonction. Il convient
cependant d'illustrer et de vérifier ces réflexions
théoriques dans une approche plus concrète à travers leur
typologie.
.
133 TOULOU (L.), «
Election de la peur ou peur des élections : dilemme et contretemps de la
sortie de crise en Côte d'Ivoire », inédit, p 5.
44
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
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la Tunisie et du Togo.
PARTIE II.
LA TYPOLOGIE DES PETITES CONSTITUTIONS
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
Les petites constitutions constituent sans doute l'instrument
de légitimation des pouvoirs politiques en période de crise. Leur
adoption s'analyse à une technique que le pouvoir constituant
provisoire, dans le cadre d'une procédure constituante, met au service
des acteurs politiques pour la réalisation des objectifs de l'heure.
Dès lors, ce processus constituant obéit à un compromis
entre les acteurs politiques sur l'identité même du pouvoir
constituant provisoire ; les processus constituants dans le cadre du nouveau
constitutionnalisme africain134 n'échappent
cependant pas à cette pratique.
En effet, à partir des années 1990 en
Afrique135, la situation de crise dans certains
Etats a pour conséquence directe, de créer un vide juridique et
institutionnel de sorte que toute tentative de restauration de l'Etat passe
préalablement par l'adoption d'une petite constitution, dans le cadre de
procédure constituante interne. Mais dans d'autres Etats, la crise n'a
pas nécessairement provoqué la nécessité d'une
refonte totale du système juridique. Elle est simplement le
résultat de revendications et de luttes internes pour le pouvoir,
débouchant généralement sur un simple
réaménagement du texte fondamental ; et bien souvent, les acteurs
politiques s'accordent d'opérer ces modifications dans le cadre
d'accords conclus sous les auspices d'acteurs internationaux,
c'est-à-dire dans le cadre d'une procédure constituante
extérieure.
On peut donc relever l'existence de deux pouvoirs constituants
dans le cadre des procédures constituantes des Etats en crise en Afrique
: il s'agit du pouvoir constituant « interne » ou « national
» et du pouvoir constituant « extérieur » ou «
international ».
Cependant, l'identité du pouvoir constituant provisoire
étant fort révélatrice de la diversité des petites
constitutions adoptées sur le continent, la présente étude
souhaite établir une typologie de ces textes pour analyser de
façon pratique un cas de chaque catégorie.
134 République Démocratique du
Congo 2003, Burundi 2004, Madagascar 2009, Lybie 2011, Tunisie 2011,
Égypte 2011, Sud-Soudan 2011, Somalie 2012, ainsi que la plupart des
pays d'Afrique noire francophone, lors des transitions démocratiques de
1990.
135 Les années 1990-1991 resteront
pour l'Afrique, celles des grandes transformations politiques majeures.
Gérard CONAC parle lui « d'intense activité
volcanique », Parlement et Francophonie, Revue de l'Assemblée
internationale des parlements de langue française, 1991,
n°83-84, p. 34. Dans une analyse parue au journal Le Monde du
jeudi 20 juin 1991, Mme AVICE Edwige ancienne ministre
française de la Coopération et du Développement a
comparé le vent de démocratisation qui secoue l'Afrique de par
son ampleur et ses motivations « aux grandes mutations qui ont conduit
l'Afrique aux indépendances dans les années 1960 »,
Le Monde, 20 juin 1991.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
Ainsi peut-on distinguer, les petites constitutions issues
d'un pouvoir constituant national (Chapitre I) de celles issues d'un pouvoir
constituant international (Chapitre II).
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
Chapitre I.
Les petites constitutions issues d'un pouvoir
constituant
national
Le pouvoir constituant de la petite constitution, dans le
cadre d'une procédure interne, est, le plus souvent, une force politique
interne au pays, qui, suite à un conflit ou une crise, a réussi
à s'imposer et à établir un équilibre fondé
sur des nouvelles règles informelles. Cependant les petites
constitutions issues d'un pouvoir constituant national forment une
catégorie qui est loin d'être homogène.
En effet, le pouvoir constituant national peut prendre
différentes formes et agir dans la continuité ou non avec le
régime précédent. Ainsi, constate-t-on, d'une part,
l'existence de « petite constitutions de rupture » qui sont souvent
issues de révolutions violentes ou de coups d'Etat militaires, comme ce
fut le cas lors des récentes procédures constituantes
lancées par des mouvements révolutionnaires sur le continent
notamment au Burkina Faso136 en 2014, en
République Centrafricaine137 en 2013, en
Egypte138 et Lybie139
en
136 La révolution populaire des 30 et
31 octobre 2014 qui a poussé au départ le Président
Blaise COMPAORE a favorisé l'ouverture d'une transition
politique symbolisée par l'adoption d'une Charte dite de la transition
par les différentes composantes de la société
burkinabè. Cette petite constitution qui sert ainsi de cadre
constitutionnel à la gestion de la transition doit conduire à
l'organisation d'élections libres, démocratiques et transparentes
pour légitimer la transmission du pouvoir.
137 Les événements du 24 mars
2013 qui ont vu la prise de pouvoir par la coalition SELEKA en
République Centrafricaine, ont entrainé la suspension de la
Constitution du 27 décembre 2004 et par voie de conséquence, la
dissolution des Institutions Républicaines. Le Conseil National de
Transition, organe constituant et législatif qui fut créé
dans la foulée adopta le 05 juillet 2013 une Charte constitutionnelle de
transition, promulguée le promulguée le 18 juillet 2013 par le
Chef de l'Etat de la transition. Cette dernière constitue dès
lors la Loi Fondamentale de la République Centrafricaine pour la
période de la transition.
138 La Déclaration constitutionnelle
du 30 mars 2011 est la Constitution provisoire égyptienne adoptée
par le Conseil suprême des Forces armées suite à la cession
du pouvoir par le président Moubarak à ce même Conseil, en
février 2011. Après avoir adopté des amendements à
la Constitution de 1971, approuvés par référendum le 19
mars 2011, le Conseil suprême adopte un acte qui rompt de façon
nette avec le régime précédent. Cette déclaration
prévoit l'ouverture d'une procédure constituante et
réglemente la période de transition. Elle introduit ainsi un
nouvel ordre constitutionnel provisoire, en violation manifeste de l'ordre
précédent.
139 La procédure constituante
libyenne, déclenchée par la révolution de février
2011, mis fin au régime de Mouammar KADHAFI avec
l'adoption par le Conseil National de Transition, autorité constituante,
de la Déclaration constitutionnelle du 3 août 2011, dans le but de
régir la période transitoire post-KADHAFI. Cette
petite constitution satisfait alors sa mission de réglementation des
pouvoirs de la transition et de l'ouverture d'une procédure constituante
en vue de l'adoption de la future constitution.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
2011 ; et également comme ce fut le cas au Togo en 1991
dans la ferveur des transitions démocratiques des années 1990.
Cependant ce dernier cas fera l'objet d'une analyse approfondie (Section I).
D'autre part, existent des petites constitutions qui, tout en inaugurant un
nouvel ordre juridique, sont adoptées par un organe du régime
précédent, en passant par une procédure qui formellement
semble respecter l'ordre constitutionnel déchu. Ce fut le cas des
petites constitutions sud-africaines140 de 1993 et
celle tunisienne de 2011. Une analyse approfondie sera également
consacrée au cas tunisien (Section II).
SECTION I. LES PETITES CONSTITUTIONS DE RUPTURE : LE CAS DU
TOGO
L'Acte no7 du 23 Août 1991 portant Loi
constitutionnelle organisant les pouvoirs durant la période de
transition au lendemain de la Conférence Nationale
Souveraine141 (CNS) au Togo, représente un
cas de petite constitution de rupture en ce qu'il opère manifestement
une discontinuité tant au niveau des institutions (§ 1) qu'au
niveau des textes (§ 2).
§ 1. LA DISCONTINUITE AU NIVEAU DES
INSTITUTIONS
Sur le plan institutionnel, la rupture opérée
par la petite constitution togolaise de 1991 avec l'ancien régime, s'est
traduite d'une part, par la refondation de l'exécutif (A), et d'autre
part, par la restauration des pouvoirs de l'organe législatif (B).
140
141
L'Afrique du Sud est l'un des premiers pays africains à
avoir adopté une petite constitution pour mener à bien sa
transition constitutionnelle. Malgré le changement radical de la forme
d'Etat opéré par la Constitution intérimaire sud-africaine
par rapport à la Constitution de 1983, le texte de 1993 a
été adopté par le parlement de l'ordre juridique
précédent. Certes, l'élaboration de la Constitution
provisoire a été effectuée par une Convention
réunissant le gouvernement, les administrations des bantoustans et
toutes les formations politiques. Toutefois, formellement, il s'agit d'un texte
adopté conformément aux règles de l'ordre constitutionnel
précédent. Cette stratégie a contribué de
façon déterminante au déroulement paisible d'une
transition qui aurait pu être très violente et conflictuelle.
Pouvoir constituant provisoire, la Conférence nationale
fut perçue comme l'instrument de réussite de la transition
démocratique dans la quasi-totalité des Etats d'Afrique
subsaharienne francophone qui a connu un processus de transition dans les
années 1990. Organisée pour la première fois au
Bénin (19 au 28 février 1990), l'expérience sera reprise
au Gabon (27 mars au 19 avril 1990), au Congo (25 février au 10 juin
1991), au Niger (29 juillet au 3 novembre 1991), au Mali (29 juillet au 12
août 1991), au Togo (10 juillet au 28 août 1991), au Zaïre (7
août 1991 au 6 décembre 1992) et au Tchad (15 janvier au 7 avril
1993).
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
A. La refondation de l'exécutif
L'idée de refonder l'exécutif a
été émise lors de la Conférence Nationale
Souveraine et se résumait à l'adoption d'un exécutif
bicéphale142, considéré comme
un modèle plus démocratique, donc un signe de rupture avec
l'ancien régime. En effet selon l'élite politique togolaise
d'alors, seul le modèle bicéphale pourrait constituer un rempart
contre les dérives présidentialiste dont a été
victime le peuple togolais143. C'est donc cette
idée qui fut matérialisée dans l'acte no7 de la
Conférence Nationale Souveraine qui mettra alors en place un pouvoir
exécutif bicéphale dans lequel pour la première fois, un
Premier ministre, Chef du Gouvernement, disposait de l'essentiel du pouvoir
exécutif144, face à un
Président de la République qui assistait au dépouillement
de ses pouvoirs.
C'est ainsi que l'acte no7 du 23 août 1991
portant Loi constitutionnelle qui organisait les pouvoirs durant la
période de transition reconnaissait d'importants pouvoirs au Premier
ministre de transition togolaise Joseph Kokou KOFFIGOH. En effet, ce dernier
« dirige l'action du Gouvernement et assure l'exécution des
lois »145, lequel «
détermine et conduit la politique de la nation et dispose de
l'administration »146. Il ressort de
cette disposition que le Premier ministre de la transition togolaise
était non seulement un coordonnateur de l'action gouvernemental mais
aussi Chef de l'administration et de l'armée. Outre ces attributions, ce
dernier « préside le conseil des ministres et dispose de la
force armée»147 et exerçait
à titre exclusif le pouvoir réglementaire conformément
à l'article 36 de l'acte no7
142 Le régime parlementaire
apparaissait aux yeux de la nouvelle élite « comme un moyen pour
contenir un exécutif impérial », voir en ce sens
BOLLE (S.), Le nouveau régime
constitutionnel du Bénin : Essai sur la construction d'une
démocratie africaine par la Constitution, Thèse de Doctorat
en droit public, Université Montpellier I, 1997, p. 32.
143 KOUPOKPA (E.
T.), Le modèle constitutionnel des Etats d'Afrique
noire francophone dans le cadre
du renouveau constitutionnel : cas du Bénin, du
Niger et du Togo, Thèse de Doctorat en Droit public,
Université de Gand, 2011, p. 38.
144 Voir en ce sens, BOURGI
(A.), « Enfin les premiers ministres à
part entière ! », Jeune Afrique no1583 du
1er au 7 mai 1991, p. 26.
145 Article 37 de l'acte no7 du 23
août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la période de
transition au Togo.
146 Article 39 de l'acte no7 du 23
août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la période de
transition au Togo.
147 Article 35 de l'acte no7 du 23
août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la période de
transition au Togo.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
portant Loi constitutionnelle dans la période de
transition148. Il ressort donc de cette disposition
que le Premier ministre avait non seulement le monopole du pouvoir
réglementaire mais aussi celui du pouvoir de nomination. Aussi le
Premier ministre n'avait-il « pas de compte à rendre au
Président de la république
»149 qui était seulement «
informé des activités du Gouvernement
»150.
Ainsi la petite constitution togolaise de 1991 rompt-elle avec
l'ordre institutionnel du régime précédent en refondant
l'exécutif au moyen du bicéphalisme avec un Premier ministre qui
détenait la réalité du pouvoir, et un Président
dépouillé de ses prérogatives qui survivait à ses
côtés parce que n'ayant désormais que des pouvoirs
honorifiques. Toutefois l'ordre institutionnel consacré par cette petite
constitution inclut également dans son schéma l'organe
législatif dont les pouvoirs ont été restaurés,
qu'il importe d'analyser.
B. La restauration des pouvoirs de l'organe
législatif
Il faut dire qu'avant les transitions démocratiques de
1990, étaient reconnues, à l'institution parlementaire, des
compétences nécessaires à la production des normes et au
contrôle du pouvoir exécutif. Mais la situation du Chef de l'Etat,
faisant de lui chef unique de l'exécutif et chef du parti unique, lui
permettait de dominer l'institution parlementaire et de la transformer en
chambre d'enregistrement. Le parlement était donc cantonné dans
un rôle d'approbation. « Son droit d'initiative demeure
largement théorique et la prérogative qui lui est reconnue de
contrôler l'action du pouvoir exécutif n'a que valeur de symbole
»151.
148 Voir l'article 36 de l'acte
no7 du 23 août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la
période de transition au Togo.
149 Ces propos ont été tenus
par le Premier ministre de transition congolais, André
MILONGO. Interrogé par François SOUDAN
et Albert BOURGI à propos de ses rapports avec
le Président Sassou NGUESSO, il répond en ces
termes : « Il est là. Il incarne une institution qui doit
être respectée. La cohabitation se passe bien. Je le rencontre de
temps à autre, sans lui rendre de compte, car l'esprit de l'acte
fondamental ne l'exige guère. Par exemple je suis allé le voir,
lorsque j'ai formé mon Gouvernement, avant d'en annoncer officiellement
la composition. Il a fait des remarques, sans me demander de modifier quoi que
ce soit. Je ne l'aurais d'ailleurs pas accepté » ; Jeune
Afrique no1595-Du 24 au 30 juillet 1991, P 28.
150 Article 40 de l'acte no7 du 23
août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la période de
transition au Togo.
151 Voir, SOMALI
(K.), Le parlement dans le nouveau
constitutionnalisme en Afrique : Essai d'analyse
comparée à partir des exemples du
Bénin, du Burkina Faso et du Togo, Thèse de Doctorat en
Droit public, Université Lille 2- Droit et santé, 2008, p. 22.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
C'est ainsi que la restauration de l'organe législatif
a été rendue nécessaire par la Conférence Nationale
Souveraine de 1991, pour la période de transition. Cette restauration
s'est traduite par un renforcement théorique des pouvoirs de l'organe
législatif. En effet ce dernier est non seulement chargé de
légiférer mais aussi et surtout de contrôler
l'Exécutif en veillant à l'exécution du cahier des charges
de la transition.
Cette mission de contrôle se manifestait en amont lors
de la formation du Gouvernement, car le Haut Conseil de la République
(HCR), organe qui faisait office de parlement durant la période
transitoire de 1991 au Togo152, donnait son
avis153 sur la désignation des membres du
Gouvernement. En effet, conformément à l'acte no7 du
23 août 1991, le HCR était chargé de donner son avis sur la
désignation des membres du Gouvernement154.
L'article 34 de l'acte no7 était clair, puisqu'il faisait de
cet avis un avis conforme155. En application de
cette disposition, le Premier ministre Kokou KOFFIGOH a été
contraint par le HCR de revoir la première mouture de son Gouvernement
en décembre 1991156.
En aval, les moyens d'action du HCR sur le Gouvernement de
transition se manifestaient par des interpellations, des questions orales ou
écrites, des séances de concertation, voire la mise en jeu de la
responsabilité politique du Gouvernement. En effet
152 Aux termes de l'article 17 de l'acte du
23 août 1991, portant Loi constitutionnelle organisant les pouvoirs
durant la période de transition au Togo, « la Conférence
Nationale Souveraine élit en son sein un Haut Conseil de la
République qui est l'organe suprême de la République
» ; aux termes de l'article 19 du même acte, « le Haut
Conseil de la République est chargé : de contrôler
l'exécution des décisions de la Conférence Nationale
Souveraine, de contrôler l'exécutif, d'exercer la fonction
législative, de donner son avis sur la désignation des membres du
Gouvernement, d'approuver l'avant-projet de constitution, de prendre des
dispositions en vue d'assurer l'accès équitable des partis
politiques aux médias officiels et de veiller au respect de la
déontologie en matière d'information,... »
153 En droit administratif, l'avis est la
« dénomination générique donnée aux actes
des organes administratifs dans l'exercice de la fonction consultative ;
à la différence des voeux émis de façon
spontanée, les avis supposent donc une demande préalable de
l'autorité investie du pouvoir de décision. Comme acte
préliminaire à un acte administratif ou à un contrat,
l'avis est préparatoire à ceux-là. Dans ces conditions,
c'est un acte juridique qui n'est pas en principe normateur, mais
considéré comme un élément de la procédure
» ; voir KPODAR (A.),
Commentaire des grands avis et décisions de la Cour
constitutionnelle togolaise, Presse de l'UL. Lomé, 2007, p. 11
154 Voir l'article 19 de l'acte
no7 du 23 août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la
période de transition au Togo.
155 Article 34 de l'acte no7 du 23
août 1991 : « Le Premier ministre désigne chacun des
membres de son gouvernement après avis favorable du Haut Conseil de
République ».
156 KOUPOKPA (E.
T.), Le modèle constitutionnel des Etats d'Afrique
noire francophone dans le cadre du renouveau constitutionnel : cas du
Bénin, du Niger et du Togo, op.cit., p. 48.
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
aux termes de l'article 53 de l'acte no7, «
les membres du Gouvernement peuvent être entendus sur interpellation
par le haut Conseil de la République, sur des questions écrites
ou orales qui leur sont adressées ».
C'est ainsi qu'en rupture avec l'ordre institutionnel du
régime précédent, on assiste pour la première fois,
à la restauration de l'organe législatif disposant
désormais de moyens théoriques appropriés pour jouer
pleinement le rôle de législateur et de censeur du gouvernement.
Cependant cette rupture observée au niveau des institutions s'inscrit
dans une dynamique qui n'épargne pas les textes régissant
l'Etat.
§ 2. LA DISCONTINUITE AU NIVEAU DES TEXTES
Pour parvenir à la réelle
démocratisation, la conférence nationale souveraine, par le biais
de l'acte no7 du 23 août 1991, opéra une rupture avec
l'ancien régime, au niveau des textes qui régissent l'Etat, en
abrogeant d'abord, toutes les lois en vigueur (A) et en consacrant ensuite, de
nouveaux droits et libertés (B).
A. L'abrogation des lois en vigueur
D'un point de vue formel et substantiel, l'acte no7
du 23 août 1991 dévoile un changement radical et rend manifeste la
rupture avec l'ordre juridique précédent.
Cette volonté de rompre avec l'ordre juridique
précédent a été perceptible dès la
déclaration de souveraineté de la conférence
nationale157. Celle-ci amorça alors le
changement de régime, par le biais de l'acte no7 du 23
août 1991, en abrogeant la Constitution ainsi que tous les documents et
lois à valeur constitutionnelle en
vigueur158. Dès lors, même si,
certaines composantes de l'ordre juridique précédent, à
l'exception des normes constitutionnelles, ont fait l'objet d'une
réception sélective au sein de l'ordre juridique nouveau, la
petite constitution togolaise de 1991 marque, matériellement, une
discontinuité substantielle par rapport à l'ordre juridique
précédent.
157 Article 1er de l'acte
no1 de la Conférence Nationale Souveraine.
158 Voir l'article 4 de l'acte no1 de
la Conférence Nationale Souveraine considéré dans le
préambule de l'acte no7 portant Loi constitutionnelle durant
la période de transition.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
Par ailleurs, la référence au passé
étant considérée comme délégitimant, le
contenu de l'acte no7 du 23 août 1991 était donc
imprégné de la philosophie politique des forces de la transition.
C'est ainsi que la rupture avec le régime précédent a
été symbolisée, de façon particulièrement
marquante, par le changement de l'hymne et de la devise du
pays159 avec ceux de 1960. Ce changement symbolise
la volonté du constituant provisoire, de revenir aux origines de
l'indépendance du Togo. Il s'agit en quelque sorte de la manifestation
d'une volonté de renaître symboliquement en tant qu'Etat
indépendant et démocratique.
Cependant, l'acte no7 portant Loi constitutionnelle
de la période de transition consacra également un catalogue de
droits et libertés qui méritent d'être analyser.
B. La consécration des droits et
libertés
La petite constitution togolaise de 1991 est une sorte de pont
historique entre le passé d'un régime autoritaire,
caractérisé par des violations flagrantes des droits de l'homme,
et un futur construit sur la démocratie et la reconnaissance des droits
et libertés fondamentaux pour tous les togolais, sans distinction de
couleur, race, classe, croyance ou sexe160.
On peut donc relever que si l'acte no7 du 23
août 1991 est bien une Constitution de transition, elle n'établit
pas moins un nouvel ordre, dans lequel les droits de l'Homme et la
démocratie sont reconnus. Cette référence redondante
à la place des droits de l'Homme dans la nouvelle république qui
se profile à l'horizon, n'a d'autre fonction que d'insister sur la
conception que les autorités de la transition se font de ces droits. Ils
sont donc avant tout l'un des principes fondateurs de la nouvelle
république161.
C'est ainsi qu'à la lecture de ce texte, on trouve un
catalogue de libertés individuelles et collectives notamment les
libertés de circulations d'opinion de religion d'expression de presse,
de réunion et de manifestation162. En outre,
de nombreux droits consacrés par des instruments juridiques
internationaux ratifiés par le Togo, ont été repris par
l'acte no7 du
159 Article 2 et 3 de l'acte no 7
du 23 août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la période de
transition au Togo.
160 Article 8 de l'acte no7 du 23
août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la période de
transition au Togo.
161 Voir le préambule de l'acte
no7 du 23 août 1991.
162 Article 8 de l'acte du 23 août 1991
précité.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
23 août 1991163,
revêtant donc un sens particulièrement fort, dans la mesure
où leur affirmation s'oppose aux pratiques odieuses du régime
précédent. Il en va ainsi de la dignité humaine de
l'interdiction de la torture et des traitements
dégradants164, ou encore du droit à
l'intimité165.
C'est donc cette idée de droits de l'Homme en tant que
valeur qui sera parfaitement réaffirmée par la Constitution du 14
octobre 1992 dont l'acte de la transition a jeté les bases. Ces valeurs
sur lesquelles repose la nouvelle république togolaise sont entre autre
la dignité humaine, la mise en oeuvre du principe
d'égalité, le refus de la discrimination raciale, ethnique et
sexiste ; la suprématie de la Constitution et le respect du droit ; le
principe du suffrage universel, fondé sur des élections
régulières, et le principe du pluripartisme.
C'est ainsi que la petite constitution togolaise de 1991
opéra une rupture avec l'ancien régime, concrétisée
juridiquement par la mise en place de nouvelles institutions fondées sur
de nouvelles valeurs. Une Constitution définitive fut donc
adoptée166. Cependant, contrairement
à ce qu'ont laissé présager les premiers temps de la
transition, l'instauration d'un véritable Etat de droit ne fut pas
effective, même si la petite constitution aura réussi à
poser les bases d'un Togo démocratique. Il est vrai que ceci est
généralement le fruit d'un long cheminement. Mais aussi, la
volonté des acteurs politiques demeure un facteur décisif.
Comme annoncé donc un peu plus haut, à
côté des petites constitutions de rupture existent des petites
constitutions qui, bien qu'inaugurant un nouvel ordre juridique sont
adoptées par un organe du régime précédent. Ce sont
des petites constitutions de continuité à l'instar de celle
tunisienne de 2011.
163 Idem
164 Article 10 du de l'acte no7 du
23 août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la période de
transition au Togo.
165 Article 13 de l'acte no7 du 23
août 1991 portant Loi constitutionnelle durant la période de
transition au Togo.
166 Il s'agit de la Constitution togolaise du 14
octobre 1992.
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
SECTION II. LES PETITES CONSTITUTIONS DE CONTINUITE : LE
CAS DE LA TUNISIE
La particularité de l'expérience tunisienne
réside, dans l'adoption de deux petites constitutions, qui ont
donné vie à deux ordres juridiques distincts, au sein de la
même période transitoire : l'un de la continuité, l'autre
de la rupture. Cependant, le cas tunisien s'inscrit dans le cadre des petites
constitutions de continuité, puisque la première petite
constitution, adoptée par un organe de l'ancien ordre constitutionnel,
est bien celle qui ouvre au changement, créant les conditions pour que
le deuxième texte soit adopté par un organe intégralement
nouveau, expression directe du peuple révolutionnaire. Ainsi note-t-on,
dans une première phase, l'amorce d'une continuité avec l'ancien
régime (§ 1), dont l'avatar sera observé dans la seconde
phase (§ 2).
§ 1. PREMIERE PHASE DE LA TRANSITION : L'AMORCE DE
LA CONTINUITE
Le processus constituant tunisien, déclenché par
la révolution populaire du 14 janvier 2011 qui ouvrait le bal du «
printemps arabe »167, essaya dans sa
première phase, de s'attacher d'un fil d'araignée, à la
Constitution en vigueur depuis 1959. On assista alors à une
continuité de l'ordre constitutionnel en vigueur, avec la
première petite constitution (B), parce que adoptée par un
président investi des pouvoirs conformément à l'ancien
ordre constitutionnel (A).
A. La transmission des pouvoirs au président par
intérim
conformément à la Constitution de 1959 : le
recours à l'article 57
Les dispositions de l'article 57 de la Constitution favorisent
bien la continuité de la fonction présidentielle par l'usage de
la technique intérimaire. Il s'agit de remplacer un
167 Cette expression est utilisée pour
parler des révolutions qui ont lieu en 2011 dans les pays arabes, tels
que la Tunisie, l'Égypte, le Yémen ou encore la Libye. La
référence au printemps serait liée au fait que le
printemps est la saison du réveil de la nature : les plantes se mettent
à fleurir, et les animaux après avoir hiberné, sortent de
leur tanière. C'est justement parce que ces révolutions ont pour
but un « réveil », qu'on les compare au printemps. Les
manifestants tunisiens, égyptiens, yéménites et libyens
exprimaient le souhait d'un changement, d'une nouvelle vie politique. Cf.
FILIU (J-P.), La
Révolution arabe, dix leçons sur le soulèvement
démocratique, Paris, Fayard, 2011.
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
président sans nécessairement changer de
régime politique, et encore moins de république ou d'ordre
constitutionnel.
Juste après la fuite du Président BEN-ALI, les
tunisiens tentent de gérer la transition à la lumière de
la Constitution de 1959 en vigueur. Ils confient alors la présidence de
la République au président de la Chambre des
députés168 et s'interrogent sur le
fait d'organiser des élections présidentielles et
législatives anticipées, au terme de l'intérim de soixante
jours, comme prévu par l'article 57 de la
Constitution169. Ce choix inscrit donc la
transition tunisienne dans le cadre de l'ancien régime.
Cependant, le régime de l'article 57 était en
réalité peu adapté à la situation d'effervescence
révolutionnaire que traversait le pays. En effet, la Constitution de
1959 semblait entraver toute possibilité de sortir de la crise par un
changement légal. Elle interdisait au Chef de l'Etat par
intérim170 de prendre toute initiative
institutionnelle, à l'exclusion de l'organisation de nouvelles
élections présidentielles171 et
prohibait toute révision constitutionnelle. Elle empêchait
également le président par intérim de recourir au
référendum, de démettre le gouvernement, de dissoudre la
Chambre des députés et de prendre les mesures exceptionnelles
nécessitées par les circonstances (art.
46)172.
Il était donc clair et largement admis, en vertu d'un
accord tacite entre les différentes forces politiques, que l'article 57
ne pouvait pas être scrupuleusement respecté et surtout que, les
élections présidentielles ne pouvaient pas avoir lieu dans le
délai constitutionnel maximum de soixante jours.
168 L'investiture du Président de la
Chambre des députés, M. Foued MBAZAA, des
fonctions de Chef de l'Etat par intérim a reçu l'accord du
Conseil constitutionnel tunisien. Voir C.C. Avis n°1 du 15 janvier
2011.
169 L'article 57 de la Constitution de 1959
prévoit qu'en cas de vacance définitive du Président pour
cause de décès, de démission ou d'empêchement
absolu, la présidence de la République intérimaire est
confiée au Président de la Chambre des députés pour
une période allant de 45 à 60 jours. Au terme de cette
période, des nouvelles élections doivent être
organisées.
170 Ici, une légère nuance doit
être relevée par rapport au mot intérim : en effet le Chef
de l'Etat par intérim doit être distingué du Chef d'Etat de
transition. Le premier tire sa compétence de la Constitution toujours en
vigueur, alors que le second tire sa compétence d'une petite
constitution en rupture avec la Constitution en vigueur.
171 Ex article 46 de la Constitution
tunisienne de 1959, le Président de la République ne pouvait ni
recourir au référendum, ni démettre le gouvernement, ni
dissoudre la Chambre des députés, ni prendre les mesures
exceptionnelles nécessitées par les circonstances.
172 Le 14 janvier 2011, l'état
d'exception accompagné d'un couvre-feu a été
décrété.
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
Ainsi, afin de dépasser les règles limitant
l'action du Chef de l'Etat par intérim, la classe politique a eu
recours, par des mesures « d'ingénierie constitutionnelle
»173 garantissant une apparente
légalité et continuité constitutionnelles, à
l'article 28 de la Constitution de 1959 sur l'exercice du pouvoir
législatif. Le Conseil constitutionnel a été saisi pour
avis sur la délégation du pouvoir législatif au profit du
chef de l'Etat par intérim. C'est ainsi que par la loi n° 2011-05
du 9 février 2011 prise sur la base de l'article 28 de la Constitution,
à la suite de deux séances pathétiques de la Chambre des
députés et de la Chambre des conseillers, le Président de
la République par intérim recevait une délégation
quasi générale du pouvoir
législatif174, qui lui permettra d'adopter
un décret-loi le 23 mars 2011.
B. L'adoption du décret-loi du 23 mars 2011 par le
président
intérimaire : une première petite
constitution émanant d'un organe de l'ordre constitutionnel
précédent
La formation, le 17 janvier 2011, du nouveau gouvernement, dit
d'unité nationale, dans lequel figuraient plusieurs personnalités
ayant occupé auparavant des postes au sein du gouvernement ou du parti
au pouvoir provoqua la colère populaire et donna lieu, à partir
du 20 février, à un mouvement de contestation, avec occupation du
siège du gouvernement à Tunis, réclamant, entre autre,
l'élimination de tous les « destouriens
»175 et une nouvelle Constitution. Le 28
février, le Premier ministre démissionna.
C'est ainsi que face à la persistance des mouvements de
contestation, et répondant au voeu du peuple tunisien, qui exigeaient
une rupture radicale avec la dictature de BEN-ALI,
173 BEN ACHOUR (R.) et
BEN ACHOUR (S.), « La transition
démocratique en Tunisie : entre légalité constitutionnelle
et légitimité révolutionnaire », Revue
française de droit constitutionnel, 2012/4 n° 92, p. 720.
174 La loi habilitait le Chef de l'Etat par
intérim à prendre des décret-lois dans les domaines
suivants : - l'amnistie générale, les droits de l'homme et les
libertés fondamentales, - le système électoral, la presse,
l'organisation des partis politiques, les associations et les organisations non
gouvernementales, - la lutte contre le terrorisme, - le développement
économique, la promotion sociale, les finances et la fiscalité, -
la propriété, l'éducation et la culture, - la lutte contre
les fléaux et calamités, - les conventions internationales
relatives aux engagements financiers de l'État, les conventions
internationales dans les domaines du commerce, de la fiscalité, de
l'économie et des investissements, les conventions internationales
relatives au travail et au secteur social, les conventions internationales
relatives aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales.
175 Partisans de « DESTOUR », un
parti politique tunisien fondé en 1920. Parti présidentiel depuis
1957, qui prit le nom de Parti Socialiste Destourien (1964-1988), puis de
Rassemblement Constitutionnel Démocratique.
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la Tunisie et du Togo.
en passant par une procédure constituante capable de
refléter la nouvelle identité du pays, le Président de la
République par intérim, fort de ses nouveaux pouvoirs, adopte le
23 mars 2011 un décret-loi176 portant
organisation provisoire des pouvoirs publics, qui fonde le premier ordre
constitutionnel provisoire177.
Cette première petite constitution formalise l'exigence
d'un changement radical de la forme d'Etat et organise le passage vers un
régime démocratique attribuant la souveraineté au peuple.
Ainsi, si cette première petite constitution n'est pas issue des
citoyens tunisiens, sa légitimité est fondée sur sa
conformité à la volonté du peuple révolutionnaire
« d'exercer sa pleine souveraineté dans le cadre d'une nouvelle
Constitution »178.
Le décret-loi exerce donc sa fonction
dé-constituante, affirmant que désormais, « la pleine
application des dispositions de la Constitution de 1959 est devenue impossible
». L'ordre constitutionnel précédent est donc «
suspendu ». Autrement dit, le décret-loi a mis « hors de
vigueur provisoire » l'ensemble des dispositions constitutionnelles.
Faisant suite à cette suspension, le pouvoir constituant est libre de
dissoudre les deux chambres du Parlement, la Chambre des députés
et la Chambre des conseillers, ainsi que le Conseil constitutionnel et le
Conseil économique et social179.
La première petite constitution prévoit, en
outre, une réglementation institutionnelle a minima pour la
période transitoire, établissant que le Tribunal administratif,
la Cour des comptes (article 3), les collectivités locales (article 16)
et le pouvoir judiciaire (article 17)
176 Décret-loi n° 14 du 23 mars
2011, JORT n° 20 du 25 mars 2011, p. 363.
177 Rafaâ BEN ACHOUR et Sana
BEN ACHOUR affirment que le décret-loi du 23 mars 2011
« n'est en réalité ni momentanément un
décret ni ne sera ultérieurement une loi. N'ayant plus aucune
attache avec l'ancien ordonnancement de la Constitution du 1er juin 1959
devenue caduque, il est paradoxalement un acte constitutif,
générateur d'une nouvelle légalité, fondateur d'un
ordre nouveau constitutionnel », voir BEN ACHOUR
(R.) et BEN ACHOUR
(S.), « La transition démocratique en
Tunisie : entre légalité constitutionnelle et
légitimité révolutionnaire », Revue
française de droit constitutionnel, 2012/4 n° 92,
op.cit., p. 722.
178 Les trois premiers considérants du
décret-loi du 23 mars 2011 fondent la légitimité de l'acte
même : « Considérant que le peuple Tunisien est souverain
et exerce sa souveraineté par le biais de ses représentants
élus au suffrage direct, libre et équitable, Considérant
que le peuple a exprimé au cours de la révolution du 14 janvier
2011 sa volonté d'exercer sa pleine souveraineté dans le cadre
d'une nouvelle Constitution, Considérant que la situation actuelle de
l'Etat, après la vacance définitive de la Présidence de la
République le 14 janvier 2011, telle que constatée par le Conseil
constitutionnel dans sa déclaration publiée au Journal Officiel
de la République Tunisienne en date du 15 janvier 2011, ne permet plus
le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, et que la pleine
application des dispositions de la Constitution est devenue impossible
».
179 Article 2 du décret-loi du 23 mars
2011.
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60
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
continuent d'exercer leurs attributions conformément
aux lois et aux règlements en vigueur. Quant au pouvoir
législatif, il est désormais exercé sous forme de
décret-loi promulgué par le chef de l'Etat, après
délibération en conseil des ministres. Le pouvoir exécutif
est confié également au président de la République
par intérim, assisté d'un gouvernement
provisoire180. Ainsi, certains
éléments de l'ordre juridique précédent sont
intégrés au sein de l'ordre nouveau qui leur confère,
toutefois, un nouveau fondement de validité. Enfin, la première
Constitution provisoire remplit sa fonction constituante, en prévoyant
l'élection d'une Assemblée nationale constituante « au
suffrage universel, libre, direct et secret selon un régime
électoral pris à cet effet »181
L'ordre constitutionnel ainsi créé organise la
première phase de la transition. Comme prévu par l'article 1er du
décret-loi ; sa validité se termine avec l'élection de
l'Assemblée Nationale Constituante (ANC)182,
le 23 octobre 2011, ouvrant la deuxième phase de la transition.
§2. DEUXIEME PHASE DE LA TRANSITION : L'AVATAR DE
LA CONTINUITE
Cette deuxième période transitoire, en rupture
avec l'ordre précédent, débuta avec l'élection de
l'Assemblée Nationale Constituante (A), qui adoptera la deuxième
petite constitution (B).
A. L'élection de l'Assemblée Nationale
Constituante : la rupture avec l'ordre du 23 mars 2011
Un véritable chantier devait donc s'ouvrir devant
l'Instance Supérieur Indépendante pour les Elections (ISIE), pour
rompre définitivement avec l'ancien ordre.
180 Le décret-loi interdit au premier
ministre provisoire et au président de la République par
intérim de présenter leur candidature à l'Assemblée
nationale constituante.
181 Article 1er du décret-loi du 23
mars 2011. Le décret-loi n°35 du 10 mai 2011 réglemente par
la suite l'élection de l'Assemblée nationale constituante.
182 Article 1er du décret-loi : «
Jusqu'à ce qu'une Assemblée nationale constituante, (...)
prenne ses fonctions, les pouvoirs publics dans la République Tunisienne
sont organisés provisoirement conformément aux dispositions du
présent décret-loi ».
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
En effet, des élections honnêtes, transparentes
et pluralistes, organisées par l'Instance Supérieure
Indépendante pour les Elections, en présence d'observateurs
internationaux183, dépêchés par
différentes organisations internationales
intergouvernementales184 et non
gouvernementales185, ont donc eu lieu le 23 octobre
2011 et ont abouti à l'élection de l'ANC.
Les élections ont connu une participation populaire
exceptionnelle (54 %), aussi bien en Tunisie qu'à l'étranger. Une
fois les résultats des élections connus, une
coalition186 s'est formée pour constituer la
majorité gouvernementale : elle est constituée par le parti
Ennahdha, le CPR et Ettakattoul. Les trois partis se sont mis
d'accord, très tôt, sur une répartition des « trois
présidences » : au CPR la présidence de la
République, au Ettakattoul la présidence de l'ANC et
à Ennahdha la présidence du gouvernement.
Après l'installation de l'ANC le 22 novembre 2011,
l'élection de son président, de son bureau, une commission ad
hoc fut chargée de la rédaction de la deuxième petite
constitution. Ainsi, le 2 décembre 2011, la commission remet le projet
final de l'organisation provisoire des pouvoirs publics au président de
l'ANC, qui le soumet, à son tour, à l'Assemblée
plénière pour débat. Le 16 décembre est
adoptée la Loi constituante
n°2011-6187. Cette fois, le pouvoir
constituant est bien un organe élu au suffrage universel direct, qui
adopte la Loi constituante « au nom du Peuple tunisien
»188.
B. La Loi constituante n°2011-6 par l'ANC: une
deuxième petite constitution émanant d'un organe élu
directement par le peuple
La légitimité de la deuxième petite
constitution est donc fondée sur des bases plus solides par rapport
à la première. Elle prend appui, tout d'abord, sur la
conformité de la Loi à la Constitution matérielle, qui
dans le Préambule est exprimée par l'affirmation de
l'adhésion des constituants à la volonté des
révolutionnaires victorieux de changer de
183 Plus de 10 000 observateurs tunisiens et 500
observateurs internationaux ont veillé au bon déroulement du
processus électoral.
184 Union africaine, Union européenne,
Ligue des États arabes, OCI, Conseil de l'Europe, OSCE, etc.
185 Fondation Carter.
186 Totalisant 138 sièges sur 217.
187 J.O.R.T., n°97 des 20 et 23
décembre 2011.
188 Préambule de la Loi constituante du
16 décembre 2011.
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Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
régime189. Elle se fonde
également sur la fidélité du nouveau pouvoir à la
forme républicaine de l'Etat, choix qui a été
effectué en Tunisie par l'Assemblée Nationale Constituante le 25
juillet 1957190.
La Loi constituante tunisienne présente bien les
éléments permettant d'identifier une petite constitution. Tout
d'abord, elle met fin au régime précédent, qui n'est pas
l'ordre constitutionnel de 1959, mais l'ordre constitutionnel provisoire
créé par le décret-loi du 23 mars 2011. L'article 27
affirme clairement qu'« il est mis fin à l'application du
décret-loi n° 2011-14 du 23 mars 2011, relatif à
l'organisation provisoire des pouvoirs publics ». La Loi constituante
abroge aussi définitivement la Constitution du 1er juin
1959191, dont l'application avait été
suspendue par le décret-loi de mars. Ainsi, l'ordre constitutionnel
fondé par la Loi constituante succède directement à
l'ordre constitutionnel créé par la première petite
constitution et indirectement à l'ordre constitutionnel du régime
précédent.
En outre, la loi constituante organise de façon
détaillée les pouvoirs publics
provisoires192, faisant du gouvernement « la
figure centrale de l'échiquier politique » et marginalisant, en
revanche, le président de la République. L'ANC exerce la fonction
constituante et législative, élit le président de la
République et contrôle l'activité du gouvernement. La
procédure constituante est établie par l'article 3 de la Loi. La
sanction populaire, via un référendum constituant, est
prévue seulement au cas où le projet de la Constitution ne soit
pas voté par les deux tiers des membres de
l'Assemblée193.
Enfin, la Loi constituante explicite le caractère
provisoire de sa validité, prévoyant que « les pouvoirs
publics de la République tunisienne, sont organisés à
titre provisoire
189 Afin de concrétiser les principes
de la révolution glorieuse, de réaliser ses objectifs, par
fidélité aux
martyrs et aux sacrifices des tunisiens à travers les
générations, afin de faire aboutir le processus constituant
démocratique avec succès et garantir les libertés et les
droits de l'homme.
190 Voir la décision de
l'Assemblée nationale constituante du 25 juillet 1957 proclamant la
République de la Tunisie.
191 Article 27 de la Loi constituante
no2011-6.
192 Le premier chapitre incluant l'article 2
énumère les compétences de l'Assemblée nationale
constituante. Le chapitre 3 est relatif au pouvoir législatif (art.
4-8). Le chapitre 4 de la loi est consacré au pouvoir exécutif.
Il est divisé en quatre sections : la première relative au
président de la République, la deuxième se rapportant au
chef du gouvernement, la troisième relative aux « conflits de
compétences ». Quant à la quatrième section du
deuxième chapitre, elle est consacrée aux collectivités
publiques locales. Le chapitre 5 est réservé au pouvoir
judiciaire. Le chapitre 7 se rapporte à la justice transitionnelle alors
que les chapitres 8 et 9 traitent de la Banque Centrale et des dispositions
finales.
193 Il n'y a donc pas eu de referendum,
puisque l'ANC en janvier 2014 a adopté le projet de Constitution
à la majorité de 200 voix (12 contraires et 4 abstentions).
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
conformément à la présente loi, et ce
jusqu'à l'élaboration d'une nouvelle Constitution, son
entrée en vigueur et l'exercice par les institutions qui en seront
issues de leurs fonctions »194. En
d'autres termes, la Loi constituante est abrogée au moment où les
nouvelles institutions, issues de la Constitution définitive, entrent en
fonction. Cela signifie que pendant une période limitée, le texte
constitutionnel provisoire et celui définitif seront en vigueur en
même temps. C'est d'ailleurs ce qui a été prévu par
les Dispositions transitoires de la Constitution définitive,
adoptée le 26 janvier 2014, qui ont maintenu en vigueur certaines normes
de la Loi constituante jusqu'à l'élection de l'Assemblée
des représentants195.
A la lumière de tout ce qui a
précédé, il s'avère que la Tunisie a
jusque-là traversé avec succès les différentes
phases de sa transition. Le processus démocratique ne sera cependant
véritablement accompli seulement une fois qu'une Tunisie nouvelle
démocratique, libre, ouverte et pluraliste pourra envisager un avenir
radieux en conformité avec les objectifs de dignité et de
liberté qui ont déclenché sa révolution.
Par ailleurs, à côté des petites
constitutions issues d'un pouvoir constituant interne, l'octroi d'une petite
constitution par un pouvoir constituant extérieur reste une
hypothèse plausible. Ces dernières qui constituent en fait une
réalité dans certains Etats en crise en Afrique, feront donc
l'objet d'une étude dans la suite de ce développement.
62
194 Article 1er de la Loi
constituante no2011-6.
195 Article 148 de la Loi constituante
no2011-6.
63
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte
d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo,
de la Tunisie et du Togo.
Chapitre II.
Les petites constitutions issues d'un pouvoir
constituant
international
La procédure constituante extérieure est
généralement évoquée lorsqu'un Etat est
confronté à une crise aigüe, débouchant parfois sur
des confrontations armées très violentes comme c'est souvent le
cas des Etats en crise en Afrique. Une petite constitution est alors
élaborée, dans des procédures « internationalement
guidées », par des Etats étrangers ou par des organisations
internationales, dans le but de régler la crise.
En décidant donc d'agir en lieu et place du peuple et
d'exercer à sa place les pouvoirs souverains qui sont les siens,
l'organe constituant extérieur fournit à l'Etat en crise, une
petite constitution « clés en main ». Ces textes ont des
objectifs partiellement différents par rapports aux petites
constitutions adoptées dans le cadre de procédures internes. Ils
sont, en effet, des véritables modes opératoires pour pacifier et
démocratiser les Etats défaillants.
Cependant, les objectifs recherchés via ces petites
constitutions ne sont pas toujours si nobles. En effet, ces textes peuvent
être un moyen pour imposer des principes et des règles
étrangers dans un système donné, indépendamment de
toute prise en compte de sa culture juridique. On peut alors constater
l'existence de deux catégories de petite constitution issues d'un
pouvoir constituant étranger. D'une part, il y a les petites
constitutions qui sont simplement imposées à l'Etat en crise sans
qu'il soit nécessaire de solliciter l'approbation du peuple ou de ses
représentants. C'est le cas de la Côte d'Ivoire qui fera l'objet
de notre étude (Section I). D'autre part, il y a les petites
constitutions négociées qui sont le résultat de longues
négociations intervenues entre les autorités externes et les
autorités internes tout au long de la procédure
d'élaboration, avec cependant l'imposition du point de vue des
autorités externes. C'est le cas de la République
démocratique du Congo, objet de notre étude (Section II).
64
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
SECTION I. LES PETITES CONSTITUTIONS IMPOSEES : LE CAS DE
LA COTE D'IVOIRE
Pour répondre à la crise qui secoue la
Côte d'Ivoire depuis le 19 septembre 2002, le Conseil de
sécurité des Nations Unies (CS), par quelques résolutions,
va imposer au gouvernement en place, des obligations juridiques précises
dont le but est de permettre l'application intégrale et sans condition
de l'Accord de Linas-Marcoussis196, signé le
24 juin 2003. Ainsi, par l'intermédiaire de cet accord, le Conseil de
sécurité essaya d'abord de résoudre les problèmes
posés par la Constitution en vigueur (Paragraphe I), avant
d'opérer un renversement total de l'ordre institutionnel ivoirien pour
la circonstance (Paragraphe II).
§ 1. LA RESOLUTION DES PROBLEMES POSES PAR LA
CONSTITUTION EN VIGUEUR
Ces problèmes sont relatifs d'une part à
l'éligibilité à la fonction présidentielle (A) et
d'autre part à l'organisation de l'élection présidentielle
(B).
A. La question de l'éligibilité à la
fonction présidentielle
La principale question qui se posait donc en Côte
d'Ivoire, était celle relative aux règles
d'éligibilité à la fonction de Président de la
République197, lesquelles règles
n'ont pas reçu un écho favorable dans l'ensemble de la classe
politique ivoirienne.
En effet pour écarter l'ancien Premier Ministre,
Alassane OUATTARA de la candidature à la magistrature suprême, le
général Robert GUEI, alors Président de la
République, inséra in-extremis dans la Constitution,
l'article 35 qui prévoit que le candidat « doit être
exclusivement de nationalité ivoirienne né de père et de
mère ivoirien d'origine »198. A
l'occasion du Forum pour la réconciliation (octobre-décembre
2001), le Président Laurent GBAGBO confirma ces dispositions de
l'article 35.
196 Pour une étude de cet accord, voir
notamment KPODAR (A.), « Politique et
ordre juridique : les
problèmes constitutionnels posés par l'accord de
Linas- Marcoussis du 23 janvier 2003 », op.cit., pp. 2503-
2526.
197 Voir OBOU
(O.), Requiem pour un code électoral,
PU de Côte d'Ivoire, 2000, p. 60 et s.
198 Article 35 de la Constitution ivoirienne.
65
66
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
C'est donc cette disposition qui a fracturé la
Côte d'Ivoire et qui a empoisonné la situation, par son
caractère discriminatoire. Cependant, l'Accord de Linas-Marcoussis
complété en cela par les accords
d'Accra199 et de
Pretoria200, imposait une révision de cette
disposition comme base de règlement de la
crise201. Mais cette modification n'a pu être
faite pour deux raisons fondamentales : la première tient au fait qu'une
partie du territoire étant occupée par la rébellion, la
révision ne peut avoir lieu puisqu'il y a atteinte à
l'intégrité du territoire. La deuxième plus technique
tient à des contraintes tenant à la procédure de
révision. Comme le précise le professeur F. D. MELEDJE, «
ce dont il s'est agi en Côte d'Ivoire va bien au-delà de la
révision informelle. La situation qui prévaut dans ce pays nous
place devant deux exigences toutes à la fois forte et contradictoires :
d'un côté, une exigence d'ordre juridique liée à la
nécessité de se conformer à la procédure de
révision constitutionnelle et de se soumettre à la limite
à la révision de la Constitution ; de l'autre, une
préoccupation politique tenant à la nécessité de
règlement de la crise politique qui affecte non seulement le pays mais
également toute la région ouest-africaine
»202.
Face à cette situation, la communauté
internationale, à travers les instances onusiennes et de l'Union
Africaine (UA), a entrepris de mettre entre parenthèses la Constitution
ivoirienne en demandant notamment au Président GBAGBO d'user de la
faculté que lui réserve certaines dispositions de la Constitution
pour écarter l'application de celle-ci sur cette
question203. Cela n'ayant pas été
fait, on se retrouva très vite dans une impasse qui exacerba la
crise.
199 Accord d'Accra III, du 30 juillet 2004.
200 Accord de Pretoria, 6 avril 2005,
S/2005/279, Annexe 1.
201 A vrai dire, comme l'explique un auteur,
« il y a dans les accords une sorte de lecture imposée de la
Constitution parmi toutes celles que permettent évidemment ces textes
(...) bref, toute une série de conditions qui en rajoutent par rapport
au texte constitutionnel et qui, à l'évidence, relèvent
des choix de souveraineté ». Cf. notamment COTTEREAU
(G.), « Une licorne en Côte d'Ivoire au
service de la paix. Avant Marcoussis et jusqu'à la réconciliation
? », A.F.D.I., 2003, p. 197.
202 MELEDJE (D.
F.), « Faire, défaire et refaire la Constitution
en Côte d'Ivoire : un exemple d'instabilité
chronique », Communication à la Conférence
sur le constitutionnalisme en Afrique, Nairobi, Avril 2007, organisé par
le Réseau Africain de droit Constitutionnel.
203 Cette demande avait été
faite notamment par l'ancien Président sud-africain Thabo MBEKI
en sa qualité de médiateur dans une lettre
adressée aux signataires de l'Accord de Pretoria.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
C'est alors que le Conseil de Sécurité des
Nations Unies, dans une résolution prise en vertu du Chapitre VII de la
Charte204, notamment la résolution 1633 du
21 octobre 2005, imposa au gouvernement en place, le respect des dispositions
de l'accord de Linas-Marcoussis relatives à la révision du fameux
article 35. Ce qui a donc permis à l'ancien Premier ministre Alassane
OUATTARA, de se présenter à l'élection du Président
de la république, en dépit des conditions fixées par la
Constitution.
Cependant la résolution de la crise ivoirienne passe
non seulement par la révision de l'article 35 de la Constitution, mais
aussi, fondamentalement, par l'organisation d'élections
démocratiques.
B. La question de l'organisation des élections
présidentielles
L'utilisation par le Conseil de sécurité des
Nations Unies d'une résolution pour traiter d'une question relevant
principalement du domaine réservé des Etats, n'est pas contraire
au texte de la Charte des Nations Unies. Elle est parfaitement conforme au
droit de la Charte, dès lors que la situation dont il s'agit constitue
aux yeux du Conseil de sécurité lui-même, une menace contre
la paix et la sécurité internationales. On remarquera ainsi que
la résolution 1765 du 16 juillet 2007 constitue d'une certaine
façon un de ces actes unilatéraux par lesquels le Conseil de
sécurité des Nations Unies a entendu encadrer le processus
électoral en Côte d'Ivoire.
Le rôle de l'ONU dans la gestion de la crise ivoirienne
a donc été déterminant jusqu'aux élections
présidentielles.
Tout d'abord, face à l'impossibilité d'organiser
des élections présidentielles, alors que le mandat du
Président GBAGBO était arrivé à son terme, le
Conseil de sécurité des Nations Unies décida de maintenir
ce dernier en fonction. Mais ce faisant, il opère une limitation
temporelle d'une année à ce maintien, au bout de laquelle se
dérouleront les élections205. Ces
élections se déroulèrent finalement le 28 novembre 2010.
Cependant, pour
204 Le Chapitre VII de la Charte des Nations
Unies est relative à l'action du Conseil de sécurité en
cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression. Si
le Chapitre VII, laisse une large marge d'appréciation au Conseil de
sécurité en ce qui concerne la qualification d'une «
menace contre la paix », il n'en demeure pas moins que le Conseil
de sécurité agisse « pour maintenir ou rétablir
la paix et la sécurité internationales ». Voir Article
39 de la Charte des Nations Unies.
205 SALE (T.), « Le
principe de l'exclusivité de l'Etat dans la détermination de son
régime politique :
quelle actualité au regard des mutations de l'exception
terminale de l'article 2 §7 ? », in La pratique de
67
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte
d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo,
de la Tunisie et du Togo.
répondre aux exigences des différents
protagonistes de la crise ivoirienne, le Conseil de sécurité,
dans sa résolution 1765 a donné pouvoir au Représentant
spécial du Secrétaire Général des Nations Unies en
Côte d'Ivoire pour certifier lesdites élections. Cette
résolution affirme clairement que « les résultats des
élections seront certifiés d'une façon explicite. Une fois
certifiés, le Certificateur n'admettra donc pas que les résultats
fassent l'objet de contestations non démocratiques ou de compromissions
»206.
Ainsi, sous l'égide de l'ONU, la parole fut
donnée au peuple ivoirien pour choisir démocratiquement le
nouveau dirigeant de l'Etat. La réussite de ces élections
résulte donc du degré d'implication de l'ONU qui a piloté
du début jusqu'à la fin, le processus électoral. L'on doit
relever que cette mise sous tutelle du processus électoral ivoirien,
même si elle n'est pas inédite207
reste l'exemple le plus remarquable d'une imposition de la procédure
constituante par le modèle de la révision constitutionnelle dans
les Etats en crise en Afrique.
Par ailleurs, on relèvera en outre dans la
résolution de cette crise ivoirienne, un renversement de l'ordre
institutionnel imposé par le Conseil de sécurité.
§ 2. LE RENVERSEMENT DE L'ORDRE INSTITUTIONNEL
Le renversement de l'ordre institutionnel ivoirien
imposé par le Conseil de sécurité des Nation Unies est
manifeste. En effet les prérogatives du Président de la
République, Chef de l'exécutif selon la Constitution (A), ont
été transférées par l'accord de Marcoussis au
Premier ministre (B).
l'exception posée par l'article 2 §7 de la
Charte des Nations Unies : que reste- t- il de la clause de compétence
?, Civitas Europa, n° 17, décembre 2006, p. 176.
206 Résolution 1765 du 16 juillet
2007.
207 L'ONU a déjà
expérimenté l'organisation et le contrôle des
élections dans des situations presque
similaires à celle de la Cote d'Ivoire. On peut en
effet citer les exemples du Cambodge en 1995 et du Kossovo en 2003.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
A. Le Président de la république ivoirienne
: constitutionnellement Chef de l'exécutif
La Constitution ivoirienne répartit clairement les
compétences entre les deux têtes de l'exécutif à
savoir à savoir le Chef de l'Etat et le Premier ministre. Cependant les
pouvoirs du Chef de l'Etat ivoirien se présentent sous des formes
diverses et variées.
D'abord, il dispose de la totalité des
compétences exécutives. En étant «
détenteur exclusif du pouvoir exécutif
»208, il apparait également comme
le Chef de l'administration209. Dans ces conditions
il assure l'exécution des lois et des décisions de justice. Il
dispose du pouvoir réglementaire210. Ses
actes ne sont soumis à aucun
contreseing211.
Ensuite il dispose d'importantes compétences
politiques, diplomatiques et militaires. Il nomme aux fonctions politiques
(dont la nomination du Premier ministre et des autres
ministres)212 et aux emplois civils et
militaires213. En sa qualité du Chef
suprême des armées, il préside le Conseil Supérieur
de la Défense214.
Par ailleurs, en matière législative et
constitutionnelle, le Chef de l'Etat dispose de certains pouvoirs, dont,
l'initiative des lois215, le droit de demander une
seconde délibération, le droit de prendre des
ordonnances216, la défense de la
Constitution et l'initiative
référendaire217.
Enfin en matière judiciaire, il dispose du droit de
grâce218.
208 Article 41 de la Constitution ivoirienne.
209 Article 46 de la Constitution ivoirienne.
210 Art. 44 de la Constitution ivoirienne.
211 Le contreseing est
généralement défini comme la signature apposée
à coté de celle de l'auteur d'un acte, par une autorité
qui authentifie la signature dudit auteur et joue ainsi le rôle de
témoin de l'acte.
212 Article 41 al. 1er de la
Constitution ivoirienne.
213 Article 46, précité.
214 Article 47 de la constitution ivoirienne.
215 Il partage néanmoins cette
initiative avec les membres de l'Assemblée nationale, article 42 de la
Constitution ivoirienne.
216 Article 75 de la Constitution ivoirienne.
217 Article 43 de la Constitution ivoirienne.
218 Article 49 de la Constitution ivoirienne.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
Face à ces nombreuses compétences du
Président de la République, la Constitution, s'agissant des
compétences du Premier ministre, n'a prévu qu'une seule
disposition : « Le Premier ministre anime et coordonne l'action
gouvernementale »219. Cette disposition
est donc évocatrice d'une réalité, celle de la situation
d'infériorité ou de l'état de soumission du Premier
ministre au Président de la République. Cela apparaît
d'ailleurs clairement à l'article 41. En effet, aux termes de cet
article, le chef de l'Etat nomme le Premier ministre et les autres ministres
librement. Il met tout aussi librement fin à leurs
fonctions220. C'est d'ailleurs ce qui fait dire que
le Premier ministre ivoirien est un Premier ministre de «
déconcentration »221. Il n'est
qu'un simple collaborateur chargé d'assurer l'unité
gouvernementale en vue de réaliser, la politique du chef de l'Etat.
Mais avec l'accord de Marcoussis dont le respect a
été imposé par le Conseil de sécurité des
nations Unies, il y a bien un renversement de la situation.
B. Le Premier ministre ivoirien : conventionnellement
Chef de l'exécutif
Il y a, bel et bien un renversement des prérogatives du
chef de l'exécutif au profit du Premier ministre, avec l'application de
l'accord de Marcoussis.
Alors que la Constitution prévoit que le premier
ministre tout comme les autres ministres sont nommés par le
Président de la République, en sa qualité de
détenteur exclusif du pouvoir exécutif, le Conseil de
sécurité, par la résolution 1633, maintient ce dernier
dans sa compétence de nomination, mais subordonne celle-ci aux
consultations organisées par le président de la CEDEAO et le
médiateur de l'Union Africaine.222. La
résolution 1633 opère donc un renversement des
prérogatives, en confiant l'essentiel de
219 Article 41 al. 1er
précité.
220 « Il nomme le Premier ministre
chef du gouvernement, qui est responsable devant lui. Il met fin à ses
fonctions (...) Sur proposition du premier ministre, le Président de la
République nomme les autres membres du gouvernement et détermine
leurs attributions. Il met fin à leurs fonctions dans les mêmes
conditions ».
221 DU BOIS DE GAUDUSSON
(J.), « Quel statut pour le Chef d'Etat en
Afrique ? » in le nouveau constitutionnalisme, Mélanges
Gérard CONAC, p. 334.
222 Résolution. 1633, §5. Ainsi
le Conseil « Priait instamment le Président de l'Union
Africaine, le Président de la CEDEAO et le médiateur de l'Union
africaine de consulter immédiatement tous les partis ivoiriens en vue de
la nomination (...) d'un nouveau premier ministre acceptable pour tous les
partis signataires de l'Accord de Marcoussis, conformément à
l'article ii du paragraphe 10 de la décision du Conseil de paix et de
sécurité (...) ».
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
tous les pouvoirs et de toutes les ressources au premier
ministre internationalement choisi et en confinant le Président de la
République dans un rôle
presqu'honorifique223.
Cependant, ce renforcement des prérogatives va
d'ailleurs s'accentuer dans le cadre d'une autre résolution du Conseil
de sécurité prise le 1er novembre 2006 en vertu du Chapitre VII,
sur la situation en Côte d'Ivoire : il s'agit de la résolution
1721. Reprenant donc presque de manière mécanique certaines
dispositions de la résolution 1633, cette résolution impose que
le premier ministre « dispose de tous les pouvoirs nécessaires,
de toutes les ressources financières, matérielles et humaines
requises et d'une autorité totale et sans entraves
»224. Mais elle semble aller
au-delà tant de la résolution 1633 que même de l'Accord de
Marcoussis auxquels elle fait expressément référence.
Comme le montre avec une certaine pertinence un analyste de la situation
ivoirienne, « contrairement à l'accord parisien et à la
résolution 1633 qui y fait renvoi à ce sujet, l'ambition
clairement affichée de donner au premier ministre la
prééminence au sein de l'exécutif justifia que la
résolution 1721 lui octroya d'immenses pouvoirs
»225. Ce faisant, le Conseil de
sécurité fait du premier ministre le véritable Chef de
l'exécutif, en le dégageant de sa responsabilité
vis-à-vis du Président de la République tout en lui
soumettant celle des ministres226
On est alors, indiscutablement dans cette dérive
parlementariste par laquelle, s'affranchissant des dispositions du texte
constitutionnel, des instances internationales réaménagent la
hiérarchie des pouvoirs dans l'Etat au profit d'une autorité en
principe inférieure, en l'occurrence ici le premier ministre. Et on ne
peut qu'être d'accord avec
223 Idem. § 8 : souligne que le
Premier ministre doit disposer de tous les pouvoirs nécessaires,
conformément à l'Accord de Marcoussis, ainsi que
de toutes les ressources financières, matérielles et humaines
voulues (...).
224 Résolution 1721, §8.
225 AGNERO
(P.M.), « La réalité du
bicéphalisme du pouvoir exécutif ivoirien »,
R.F.D.C., n° 75, juillet 2008, p. 547.
226
|
Résolution 1721, § 6 et 7. Le Conseil «
Appuie pleinement l'article iii) du paragraphe 10 de la décision du
Conseil de paix et de sécurité, dans lequel il est
souligné que les ministres rendront compte au Premier ministre, qui
exercera pleinement son autorité sur son cabinet », et «
Réaffirme combien il importe que les ministres participent pleinement au
Gouvernement de réconciliation nationale, comme il ressort clairement
des déclarations de son président (...), considère donc
que, si un ministre ne participe pas pleinement audit Gouvernement, son
portefeuille doit être repris par le Premier ministre (...)
».
|
71
72
73
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
certains lorsqu'ils évoquent à ce sujet une
sorte de « parlementarisation » d'un régime pourtant
présidentiel227.
Globalement, on retiendra donc que, ayant été
appliqué dans le cadre des résolutions du Conseil de
sécurité des Nations Unies, l'accord de Marcoussis adopte le
principe des petites constitutions imposées aux Etats en crise.
Cependant, si ces petites constitutions sont des fois imposées aux Etats
en crise comme la Côte d'Ivoire, elles peuvent être
également le résultat de longues négociations comme ce fut
le cas en République Démocratique du Congo.
SECTION II. LES PETITES CONSTITUTIONS NEGOCIEES : LE CAS DE
LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
Le règlement de la crise congolaise a contribué
à mettre en relief la notion de petite constitution
négociée, dans la résolution des crises politiques en
Afrique. Inspiré de la logique d'un accord politique qui constitue le
point de départ du processus constituant congolais, la Constitution de
la transition congolaise apparait donc comme l'instrument juridique par lequel
sera, d'une part, constitutionnaliser l'équilibre négocié
à l'accord (Paragraphe 1), et d'autre part, réaliser les
objectifs de la transition (Paragraphe 2).
§ 1. LA CONSTITUTIONNALISATION D'UN EQUILIBRE
NEGOCIE
La Constitution de la transition de la République
démocratique du Congo (RDC) est élaborée sur la base de
l'Accord global et inclusif signé à Pretoria. Cet accord
constitue donc la source (A) qui a inspiré les principes fondateurs et
organisationnels contenus dans la Constitution de transition (B).
A. Les sources de la Constitution de transition de la
RDC
Tout au long de son existence, la République
Démocratique du Congo aura traversé des crises politiques
très graves. Ces crises vont de la remise en cause du pouvoir politique
jusqu'à de longs et sanglants conflits qui débouchent quelques
fois sur le démembrement et
227 SALE (T.), « Le
principe de l'exclusivité de l'Etat dans la détermination de son
régime politique : quelle actualité au regard des mutations de
l'exception terminale de l'article 2 §7 ? », op.cit., p.
177.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
l'occupation de larges portions de son territoire par des
troupes, souvent entretenues par des puissances étrangères.
C'est dans ce contexte d'instabilité chronique qui
caractérise ce « géant au pied d'argile
»228, que suite à une seconde
guerre civile, l'Accord de Lusaka pour un cessez-le-feu en République
Démocratique du Congo fut signé le 19 septembre 1999.
Au-delà du cessez-le-feu et du retrait des forces armées
étrangères du territoire de la RDC, l'Accord de Lusaka
envisageait, en son chapitre V, la convocation d'un dialogue inter-congolais en
vue de l'instauration d'un nouvel ordre politique et d'une véritable
réconciliation nationale en RDC.
Le Président Joseph KABILA, qui a accédé
à la présidence de la République en janvier 2001, donna un
sérieux coup accélérateur aux négociations
politiques dont les premières assises se tinrent à Addis-Abeba
(Ethiopie) en octobre 2001. Par la suite, l'implication décisive de
l'Afrique du Sud qui invitera l'ensemble des acteurs de la négociation
à venir poursuivre le dialogue inter-congolais à Sun City va
donner un élan décisif au processus des
négociations229.
Après l'échec des premières assises de
Sun City (25 février au 18 avril 2002), une Co médiation de l'ONU
et de l'Union Africaine, assurée conjointement par l'Envoyé
spécial du Secrétaire général des Nations unies
pour le Dialogue inter-congolais, l'ancien Premier ministre du
Sénégal, Moustapha NIASSE, et le Président Thabo MBEKI de
l'Afrique du Sud, alors Président en exercice de l'Union Africaine,
débouchera sur la signature à Pretoria, le 17 décembre
2002, d'un Accord global et inclusif qui devait inscrire dans son agenda
l'élaboration et l'adoption d'une Constitution de transition pour
organiser le processus d'une transition devant instaurer un nouvel ordre
constitutionnel démocratique en RDC.
228 MBODJ
(E-H.) « La constitution de
transition et la résolution des conflits en Afrique : l'exemple de la
République démocratique du Congo », op.cit., p.
442.
229 Pour des développements plus
substantiels sur les négociations, voir « Dialogue Inter-congolais
», Rapport du Facilitateur, décembre 2001.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
B. Les principes fondateurs et organisationnels de la
transition
Les principes fondateurs de la transition font l'objet du
point III de l'Accord global et inclusif. Ces principes sont nombreux et
variés. Ils portent sur les conditions d'organisation du pouvoir et de
répartition équitable des responsabilités. Il convient de
relever dans ces principes, la volonté de stabiliser les institutions de
la transition à travers la consécration du principe de
l'irresponsabilité des principaux animateurs de la transition, à
savoir le Président de la République, les Vice-présidents,
le Président de l'Assemblée nationale et le Président du
Sénat, qui restent en fonction pendant toute la durée de la
transition
Les principes organisationnels sous-tendant la logique des
institutions de la transition, trouvent leur source immédiate dans le
point V de l'Accord. Cependant, la grande innovation dans cette petite
constitution reste, toutefois, le partage du pouvoir à tous les niveaux
de l'appareil d'Etat, conformément à l'Annexe I de l'Accord
global et inclusif qui détermine les modalités pratiques de
répartition des responsabilités publiques. En effet l'Annexe I de
l'Accord procède à une répartition des
responsabilités au sein du gouvernement230
dont tous les départements ministériels ont été
déterminés dans l'Accord, et les postes affectés
conformément au tableau dressé à cet effet. Le partage
s'étend également au Parlement dont la structure est
bicamérale231 et devrait logiquement se
prolonger dans l'Administration provinciale, la diplomatie et les entreprises
publiques.
La logique de la répartition des responsabilités
au sein des institutions de la transition et à tous les niveaux de
l'Etat232qui s'est faite sur la base du principe de
l'« inclusivité » et du partage équitable entre toutes
les composantes et entités du Dialogue inter-congolais, instaure
cependant un régime inconnu des systèmes constitutionnels
contemporains.
230 Il a été attribué 7
ministères et 4 postes de Vice-ministre au RCD, au MLC et à
l'opposition politique, 2 ministères et 3 postes de Vice-ministre
à la composante Forces vives en plus de la présidence du
Sénat et des 5 institutions d'appui à la démocratie, et 2
ministères et 2 postes de Vice-ministre au RCD-ML, au RCD-N et aux
Maï-Maï.
231 Les 500 sièges de
l'Assemblée nationale étaient ainsi répartis: 94 à
chacune des 5 composantes, 15 au RCD-ML en proie à des scissions, 5 au
RCD-N et 10 aux Maï-Maï. Au Sénat composé de 120
sénateurs, la répartition était de 22 sénateurs
pour chacune des 5 composantes, 4 au RCD-ML, 2 au RCD-N et 4 aux
Maï-Maï. La composition des bureaux de l'Assemblée nationale
-- présidée par le MLC -- et du Sénat --
présidé par la Société civile -- était
égalitaire car les 5 composantes et les 3 entités avaient chacune
une responsabilité.
232 Seuls les cours et tribunaux avaient
échappé à la logique du partage pour préserver la
stabilité des situations juridiques même si le point V.3.b. de
l'Accord global et inclusif stipulait que l'organisation du pouvoir judiciaire
sera déterminée dans la Constitution de la transition et dans une
loi.
74
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
L'originalité du système constitutionnel de la
transition résidait toutefois dans l'aménagement institutionnel
de la formule du 1+4 employée pour rendre compte de la structuration de
la présidence de la République composée d'un
Président de la République et de quatre
Vice-présidents233. A côté de
la sphère présidentielle évolue un gouvernement de la
transition composé de membres nommés par le président de
la République sur proposition des composantes et entités dont ils
sont les représentants au sein de l'exécutif.
Le gouvernement est une institution collégiale
composée de ministres et de vice-ministres émanant des
composantes et entités du dialogue inter-congolais. Cette institution
collégiale n'est formellement pas placée sous l'autorité
d'un chef de gouvernement. Le Président de la République est bien
le chef de l'Etat, mais la Constitution de transition ne fait pas de lui le
chef du Gouvernement même si, virtuellement, il l'est du fait des
pouvoirs d'exécution qui lui sont confiés par la Constitution.
§ 2. LA REALISATION DES OBJECTIFS DE LA
TRANSITION
L'Accord global et inclusif dont la Constitution de transition
fait partie intégrante, a fixé comme objectif primordial,
l'adoption des lois essentielles à l'organisation des élections
(A), devant permettre à la RDC de sortir de la crise (B).
A. L'adoption des lois essentielles à l'organisation
des élections
Les institutions de la transition sont assujetties à
des objectifs visant à restaurer la paix et l'ordre constitutionnel
normal. La Constitution de la transition de la RDC n'en fait pas exception.
Traduction et instrument juridiques d'un accord politique sur
la base duquel elle a été élaborée, cette
Constitution vise à concrétiser les objectifs assignés aux
institutions de la
233 Les 4 commissions gouvernementales sont:
-- La Commission politique, défense et sécurité,
présidée par RUBERWA Azarias, le
Secrétaire général du RCD, s'occupe de toutes les
questions politiques et celles relatives à la défense du
territoire national et à la sécurité des personnes et des
biens; -- La Commission Economique et Financière placée sous
l'autorité de BEMBA Jean Pierre (MLC) assume la
responsabilité des problèmes relatifs à l'économie,
aux finances et à la monnaie nationale; -- La Commission pour la
Reconstruction et le développement dirigée par Abdoulaye
Yerodia NDOMBASI (PPRD) nommé par la composante «
Gouvernement» veille sur les infrastructures; -- La Commission sociale et
culturelle présidée par Zahidi NGOMA de la
composante « Opposition politique» s'occupe de tous les affaires
afférentes au développement éducatif, sanitaire, social et
culturel de la RDC.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
transition notamment la mise en place de conditions juridiques
et matérielles permettant l'organisation d'élections
transparentes et sincères. La feuille de route imposait donc à
ces institutions de la transition, l'adoption de lois essentielles devant
être mises en oeuvre durant la transition afin d'éviter un vide
constitutionnel à l'expiration de cette période.
Au terme du processus, les institutions de la transition se
sont révélées performantes dans leur ensemble en ce sens
que toutes les lois essentielles234, à
l'opposé d'autres lois non essentielles à l'organisation des
élections 235 ont été
laborieusement votées par le Parlement et promulguées par le
Président de la République.
Toutes ces lois participent à la mise en place d'un
dispositif permettant à la République Démocratique du
Congo de faire un grand bond en avant en direction de la modernisation de son
système politique.
L'autre objectif primordial de la Constitution de la
transition portait sur la durée même de la transition. Cette
question est vitale car l'Accord global et inclusif et la Constitution de la
transition avaient prévu une période à l'expiration de
laquelle toutes les dispositions arrêtées devraient logiquement
tomber caduques.
B. La sortie de crise
La durée de la transition est fixée par l'Accord
global et inclusif et l'article 196 de la Constitution de la transition qui
posent un principe assorti d'une exception.
Conformément aux stipulations combinées du point
IV de l'Accord de Pretoria et l'article 196, alinéa 1er de la
Constitution de la transition, la durée de la transition est
fixée à 24 mois. Elle court à compter de l'investiture du
gouvernement de la transition et prend
234 Ces lois essentielles sont: la loi
organique no 04/009 du 5 juin 2004 portant organisation,
attributions et fonctionnement de la Commission Électorale
Indépendante, la loi organique no 04/24 du 12 novembre 2004
relative à la nationalité congolaise, la Loi no 04/028
du 24 décembre 2004. portant identification et enrôlement des
électeurs, le projet de Constitution, la loi no 05/010 du 22
juin 2005 portant organisation du Référendum constitutionnel en
République Démocratique du Congo, la loi no 006 du 9
mars 2006 portant organisation des élections présidentielle,
législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales en
République Démocratique du Congo.
235 Ainsi, en dehors de la Haute
Autorité des Médias qui intervient dans la régulation de
la couverture médiatique des campagnes référendaires et
électorales, les autres institutions d'appui à la
démocratie ont été quasiment marginalisées et
d'ailleurs elles n'ont pas été reconduites dans la nouvelle
Constitution.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
fin à l'investiture du Président de la
République élu à l'issue des élections marquant la
fin de la période transitoire en RDC.
Ces stipulations appellent un certain nombre de remarques
concernant la computation du délai de la transition. Le délai
court à compter du 30 juin 2003, correspondant à l'installation
du gouvernement de la transition236, et expire le
30 juin 2005. Seulement, la date d'expiration n'était pas rigide en ce
sens que les négociateurs avaient prévu une possibilité de
prolongation dans les conditions fixées par l'article 196, alinéa
2 de la Constitution de la transition.
Tout l'édifice de la transition s'écroule alors
si, après trente-six mois de transition au maximum, le nouvel ordre
constitutionnel n'est pas installé. Il en résulterait un vide
juridique. Cependant, toutes les parties étaient conscientes que le
calendrier prévisionnel de tenue des élections ne pouvait
être rigoureusement respecté pour sortir le pays de la transition
à la date du 30 juin 2005. Il fallait alors faire « avaler la
pilule» de la prolongation à une population sceptique par une
série d'actes posés en direction des élections de sortie
de crise. La confiance au processus de sortie de crise tel qu'il se
déroulait avec le soutien de la communauté internationale a
amené l'Assemblée nationale et le Sénat à voter une
décision conjointe de prolongeant la transition jusqu'au 30 juin
2006.
D'ailleurs, la Constitution de transition avait
aménagé elle-même les conditions de son
dépérissement en son article 205 au terme duquel « la
Constitution de la Transition cesse de produire ses effets à
l'entrée en vigueur de la Constitution adoptée à l'issue
de la transition ». La transition a définitivement pris fin avec
l'installation des sénateurs, après celle de l'assemblée
nationale et celle du Président de la République, contrairement
au scénario envisagé par l'Accord global et inclusif et la
Constitution de la transition.
236 Si la désignation des 3
Vice-présidents émanant des formations combattantes n'avaient pas
soulevé de difficultés particulières majeures, même
si au RCD le Secrétaire général RUBERWA
avait été désigné Vice-président
à la place du Docteur ONUSUMBA qui était en ce
moment le président du RCD, il en fut autrement de l'opposition civique
où face au refus de TSHISEKEDI d'intégrer le
processus de transition, Arthur Zaïdi NGOMA fut
porté à la Vice-présidence. Les 500 députés
et les 120 sénateurs furent cooptés par leurs composantes
conformément au tableau de répartition figurant à l'Annexe
I de l'AGI. Après moult tractations, le gouvernement de la transition
fut nommé et investi le 30 juin 2003 marquant l'entrée en vigueur
du régime de la transition en RDC.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
La petite constitution de la RDC a donc permis de
résoudre un problème en prescrivant une thérapie
très efficace, à savoir le recours au droit
considéré par les signataires d'un accord politique comme une
valeur refuge pour sortir le pays de ses crises récurrentes. La
Constitution de la transition « légalise en quelque sorte un
état de fait qui résulte de l'équilibre existant à
un moment donné »237 entre les
forces combattantes et non combattantes de la RDC.
237 Cf. BURDEAU
(G.), « Une survivance: la notion de
Constitution », in L'évolution du droit public, Etudes en
l'honneur d'Achille MESTRE, Sirey 1956, p. 53.
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
CONCLUSION
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
Toute analyse des petites constitutions révèle
à coup sûr une évidence essentielle : quelle que soit leur
forme, elles participent à la détermination d'un droit
constitutionnel des circonstances exceptionnelles. Mais, constituent-elles pour
autant des normes juridiques à part entière ?
La première partie de la présente étude a
le mérite de saisir le coeur de la question dans une vision
théorique, c'est-à-dire en s'attachant à décrire,
l'instrument que constituent les petites constitutions, à travers leur
nature et leurs fonctions. Ainsi est-il paru important, dans cette analyse
théorique, d'insister sur leur aspect normatif. L'étude de cet
aspect a donc montré que celles-ci conservent une nature juridique
controversée due à leur déficit de légalité
parce que défiant toute logique des mécanismes du positivisme
classique238. Cependant, cette controverse ne cache
pas pour autant la singularité qui leur est attachée faisant
d'eux une norme « sui generis
»239.
Aussi est-il clairement apparu que, quelque pertinentes
qu'elles soient dans les processus de transition constitutionnelle et de
résolution des crises en Afrique, les petites constitutions assurent
lors du passage entre deux ordres juridiques, un certain degré de
formalisation de la production normative, et organisent les rapports entre les
pouvoirs publics pendant les périodes de transition ou de la crise.
Cependant, toute étude sur les petites constitutions,
pour utile qu'elle soit, reste handicapée si elle est uniquement
consacrée à une analyse théorique. Il faut
nécessairement dépasser cette analyse théorique pour
s'intéresser à la pratique qui en est faite par les acteurs
politiques, afin de mesurer leur efficacité.
La deuxième partie relative à la typologie des
petites constitutions, s'est donc appesantie sur leur aspect pratique à
partir des cas congolais, ivoirien, tunisien et togolais. Cette analyse
pratique a donc, l'avantage d'établir une classification de ces textes
sur un critère fondé sur l'identité du pouvoir constituant
provisoire qui peut être « national » ou « international
». En effet, l'élaboration des petites constitutions, si elle
n'intervient pas
238 Nous nous référons
principalement à la théorie de KELSEN et
précisément au normativisme juridique pour qui, la
création d'une norme doit être déterminée par une
autre norme pour faire partie de l'ordre juridique, ce qui ne correspond pas a
la nature des petites constitutions.
239 Terme latin qui signifie : « de son
propre genre ».
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
dans le cadre d'une procédure constituante interne,
reste marquée du sceau de la communauté internationale dans le
cadre d'une procédure constituante extérieure.
Cependant, comme nous l'avons montré tout au long de
cette étude, les processus constituants des Etats en crise en Afrique
cherchent leur légitimité soit, dans la continuité avec
l'ordre juridique précédent (cas de la Tunisie), soit dans la
rupture avec ce dernier (cas du Togo), ou soit, dans l'extranéité
supranationale à travers la quête de crédibilité du
processus mais aussi de son acceptabilité par la communauté
internationale (cas de la Côte d'Ivoire et de la République
Démocratique du Congo).
Toutefois, les Etats objet de cette étude permettent de
voir que le « renouveau du constitutionnalisme a besoin d'être
enraciné »240. Ceci passe
inéluctablement par des Constitutions dont les dispositions sont
acceptables par tous. Certes, à l'instar du cas togolais, les
transitions africaines durant la période dite « d'inflation
démocratique» ou « d'euphorie constitutionnelle
»241, n'ont pas été d'une
grande réussite, parce que, ayant accouché des Constitutions qui
aujourd'hui passent difficilement l'épreuve de leur mise en application
: des « Constitution de l'urgence
»242, le plus souvent «
influencées par des modèles à la pertinence
insuffisamment expertisée et rédigées sous l'emprise de la
nécessité pour tenter de relever sur-le-champ des défis
exceptionnels »243.
Mais, l'approche par les petites constitutions s'avère
toujours pertinente, en ce sens que ces dernières facilitent la
compréhension des enjeux juridiques et politiques par une
majorité de citoyens et assurent l'adéquation de la Constitution
définitive au contexte socio-politique et historique des
Etats244. Le cas tunisien en est une illustration
de fierté245.
240 KPODAR (A.), «
Politique et ordre juridique : les problèmes constitutionnels
posés par l'accord de Linas-Marcoussis du 23 janvier 2003 »,
op.cit.
241 DU BOIS DE GAUDUSSON
(J.), « Défense et illustration du
constitutionnalisme en Afrique après
quinze ans de pratique du pouvoir », in le renouveau
du droit constitutionnel, Mélanges en l'honneur de Louis
FAVOREU, Paris, Dalloz 2007, op.cit., p. 623.
242 ZAKI (M.), « Petite
constitution et droit transitoire en Afrique », p. 1669,
op.cit.
243 Alioune SALL relève à cet
égard que « dès le début des années
quatre-vingt-dix (...) les constitutions ont été abrogées
ou modifiées en Côte d'Ivoire (avril 1991), au Rwanda (mai 1991)
au Burkina Faso (juin 1991), en Mauritanie (juillet 1991), au Mali (août
1991), au Sénégal (octobre 1991), au Congo (mars 1992), à
Madagascar (août 1992), à Djibouti (septembre 1992), au Niger
(décembre 1992) », in « Processus démocratique et
bicéphalisme du pouvoir exécutif en Afrique noire francophone: un
essai de bilan», Nouvelles Annales Africaines, no2-2008, p.
210.
244 Voir en ce sens ZAKI
(M.), « Petite constitution et droit transitoire
en Afrique », op.cit., p. 1672.
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
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la Tunisie et du Togo.
Au surplus, on retiendra de cette étude, que le
phénomène des petites constitutions en Afrique, notamment avec
les accords politiques, doit être pris au sérieux. En effet ces
derniers déconstruisent l'ordre juridique existant en créant en
période de crise, un nouveau droit constitutionnel, en marge de la norme
officielle246. Ainsi, les petites constitutions
sont-elles des vraies Constitutions247.
Cependant, même si le fait que ces petites constitutions
en principe exceptionnelles soient devenues si courantes sur le continent
constituerait un phénomène propre à inquiéter
l'observateur averti248, elles participent à
l'ouverture d'une nouvelle réflexion sur la théorie
constitutionnelle africaine avec en toile de fond la problématique de
savoir si en Afrique la Constitution n'est pas en dehors de la
Constitution249. La présente étude
n'a pas la prétention d'y répondre, mais de prolonger la
réflexion.
245 La Tunisie a réussi par le biais
de la Loi constituante no2011-6, à adopter une constitution
démocratique très progressiste et surtout à organiser la
première élection présidentielle libre et
démocratique de son histoire.
246
Sur ce point, il faut relever que le débat sur la
valeur respective des normes constitutionnelles et des normes internationales,
ou celles adoptées sous les auspices de la communauté
internationale, revient assurément sur le devant de la scène
doctrinale. Certains considèrent que la Constitution doit
prévaloir parce qu'elle n'est pas abrogée. D'autres au contraire
soutiennent que le Chef de l'Etat ou ses représentants, en signant des
conventions politiques anticonstitutionnelles par certaines de leurs
dispositions, reconnaissent par conséquent le déclassement de la
norme constitutionnelle au profit de normes politiques adoptées sur la
base du consensus. Cette controverse traduit, en arrière-plan, la
polémique qui enfle dans l'opinion publique à ce sujet. En
Côte d'Ivoire par exemple, le président Laurent GBAGBO
et ses partisans estimaient que force devait rester à la
Constitution, réaffirmant ainsi sa prépondérance sur les
normes internationales, ou celles marquées du sceau des instances
internationales. En revanche, les adversaires du président
GBAGBO récusaient cette position et
considéraient plutôt les accords politiques comme
prépondérants sur les normes internes ivoiriennes, par
référence à l'intervention de la communauté
internationale dans la procédure d'élaboration de ceux-ci. Mieux,
les différentes résolutions onusiennes qui ont été
prises dans le cadre de cette crise ont été davantage
perçues comme des normes supra-constitutionnelles.
247 C'est la véritable conclusion de la
présente étude.
248 C'est tout simplement parce que la
logique juridique aurait consisté plutôt à régler
les crises dans le cadre de la normativité constitutionnelle que dans le
cadre des compromis politiques.
249 En Afrique, les règles de
fonctionnement et d'exercice du pouvoir politique sont, des fois, en dehors de
la norme fondamentale, parce que gérées par des accords
politiques. D'où la problématique.
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
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Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
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accords de sortie de crises politiques et constitutionnelles en Afrique : Les
cas de la République Démocratique du Congo et de la Côte
d'ivoire », inédit, 39 p.
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- ZAKI (M.), « Petite
constitution et droit transitoire en Afrique », RDP, 2012,
no6, 29 p.
III- LES TEXTES
A- Textes juridiques
1- Les textes constitutionnels des Etats
- Constitution française du 4 octobre
1958
- Constitution ivoirienne du 24 octobre 2000
- Constitution togolaise du 14 octobre 1992
modifié le 31 décembre 2002
- Charte constitutionnelle de la transition
centrafricaine du 18 juillet 2013
92
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
- Acte no7 du 23 août 1991
portant Loi constitutionnelle organisant les pouvoirs durant la période
de transition au Togo.
2- Les documents officiels des Nations Unies
- A/RES/60/164 du 2 mars 2006, Respect des
principes de la souveraineté nationale et de la diversité des
systèmes démocratiques en ce qui concerne les processus
électoraux en tant qu'élément important de la promotion et
de la protection des droits de l'homme.
- A/RES/60/253 du 2 mai 2006, Appui du
système des Nations Unies aux efforts
déployés par les gouvernements pour promouvoir
et consolider les démocraties nouvelles ou rétablies.
- A/RES/61/226 du 22 décembre 2006, Appui
du système des Nations Unies aux
efforts déployés par les gouvernements pour
promouvoir et consolider les démocraties nouvelles ou
rétablies.
- A/RES/64/116 du 15 janvier 2010,
L'état de droit aux niveaux national et international.
- S/RES/1763 (2007) du 29 juin 2007.
- S/RES/1721 (2006) du 1er novembre 2006.
- S/RES/1633 (2005) du 21 octobre 2005.
- S/RES/1584 (2005) du 1er Février
2005.
- S/RES/1572 (2004) du 15 novembre 2004.
- S/RES/1528 (2004) du 27 février
2004.
- S/RES/1527 (2004) du 4 février 2004.
- S/RES/1514 (2003) du 13 novembre 2003.
- S/RES/1498 (2003) du 4 août 2003.
- S/RES/1592 (2005) du 30 mars 2005.
- S/RES/1565 (2004) du 1er octobre 2004.
- S/RES/1493 (2003) du 28 juillet 2003.
93
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
- S/RES/1304 (2000) du 16 juin 2000.
- S/RES/1291 (2000) du 24 février 2000.
- S/RES/1234 (1999) du 9 avril 1999.
- S/2003/99 du 27 janvier 2003, Lettre
datée du 27 janvier 2003, adressée au Président du Conseil
de sécurité par le Représentant permanent de la France
auprès de l'Organisation des Nations Unies accompagnée de
l'Accord de Linas-Marcoussis sur la Côte d'Ivoire.
B- Textes politiques
- Accord de Linas-Marcoussis du 23 janvier 2003
(Côte d'ivoire)
- Accord d'Accra III du 30 juillet 2004 sur la
Côte d'Ivoire
- Accord politique global du 20 Août 2006
(Togo)
- Accord de paix de Ouagadougou du 04 mars 2007
sur la crise ivoirienne
- Accord de Pretoria du 17 décembre 2002
(RDC)
- Accord global et inclusif de Pretoria
signé le 16 décembre 2002 entre le gouvernement congolais, les
différentes factions rebelles en République Démocratique
du Congo, l'Opinion politique et les Forces vives
- Accords de Libreville du 11 janvier 2013
(République centrafricaine)
IV- AUTRES DOCUMENTS
- DUHAMEL (O.) et
MENY (Y.), Dictionnaire de droit
constitutionnel, Paris, PUF, 1992, 1112 p.
- GUILLIEN (R.) et
VINCENT (J.), Lexique des termes
juridiques, 18ème édition, Paris, Dalloz, 2011, 858 p.
- DE VILLIERS (M.) et
LE DIVELLEC (A), Dictionnaire du droit
constitutionnel, 7e édition, Dalloz, Paris, 2009.
94
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
TABLE DES MATIERES
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Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
RESUME ET MOTS-CLES V
SOMMAIRE VII
LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES IX
INTRODUCTION 1
PARTIE I. LA CONCEPTION JURIDIQUE DES PETITES
CONSTITUTIONS 13
Chapitre I. La juridicité des petites
constitutions 15
Section I. Une nature juridique discutée 15
§ 1. La contestation d'une nature juridique
orthodoxe 16
A. Les arguments fondés sur la légalité
16
B. Les arguments fondés sur la légitimité
18
§ 2. L'affirmation d'une catégorie juridique
hétérodoxe 20
A. La particularité de la nature juridique des petites
constitutions 20
B. La force juridique des petites constitutions 22
Section II. Une valeur constitutionnelle avérée
23
§ 1. Le fondement de la valeur constitutionnelle des
petites constitutions 24
A. L'abandon de la forme dans la reconnaissance d'une valeur
constitutionnelle
des petites constitutions 24
B. La prise en compte de l'objet des petites constitutions dans
la reconnaissance
d'une valeur constitutionnelle 26
§ 2. La manifestation de la valeur constitutionnelle
27
A. La suprématie normative des petites constitutions
27
B. L'attitude du juge constitutionnel à l'égard
des petites constitutions 29
Chapitre II. Les fonctions des petites constitutions
31
Section I. L'assurance de la continuité de l'Etat 31
§ 1. Au plan juridique : l'organisation de la
transition constitutionnelle 31
A. La formalisation de l'ordre juridique provisoire 32
B. L'encadrement de la procédure constituante 33
§ 2. Au plan politique : l'organisation des pouvoirs
politiques de la transition 35
A. L'institution d'un exécutif régulier de
transition 35
B. La détermination de l'organe législatif 36
Section II. La résolution des crises politiques 37
§ 1. L'incapacité des Constitutions
existantes à juguler les crises politiques 38
A. Les lacunes des Constitutions existantes 38
B. La perte de confiance des acteurs politiques à
l'égard des Constitutions
existantes 39
§ 2. La réadaptation des constitutions
existantes aux crises politiques par les
petites constitutions 40
A. La création d'un droit constitutionnel circonstanciel
41
B. La sauvegarde de la Constitution existante 42
PARTIE II. LA TYPOLOGIE DES PETITES CONSTITUTIONS
44
Chapitre I. Les petites constitutions issues d'un pouvoir
constituant national 47
Section I. Les petites constitutions de rupture : le cas du Togo
48
96
Mémoire Master II - Les petites constitutions en
Afrique : essai de réflexion à partir des exemples de la
Côte d'Ivoire, de la République Démocratique du Congo, de
la Tunisie et du Togo.
§ 1. La discontinuité au niveau des
institutions 48
A. La refondation de l'exécutif 49
B. La restauration des pouvoirs de l'organe législatif
50
§ 2. La discontinuité au niveau des textes
52
A. L'abrogation des lois en vigueur 52
B. La consécration des droits et libertés 53
Section II. Les petites constitutions de continuité : le
cas de la Tunisie 55
§ 1. Première phase de la transition :
l'amorce de la continuité 55
A. La transmission des pouvoirs au président par
intérim conformément à la
Constitution de 1959 : le recours à l'article 57 55
B. L'adoption du décret-loi du 23 mars 2011 par le
président intérimaire : une première petite constitution
émanant d'un organe de l'ordre constitutionnel
précédent 57
§2. Deuxième phase de la transition :
l'avatar de la continuité 59
A. L'élection de l'Assemblée Nationale
Constituante : la rupture avec l'ordre du
23 mars 2011 59
B. La Loi constituante n°2011-6 par l'ANC: une
deuxième petite constitution
émanant d'un organe élu directement par le peuple
60
Chapitre II. Les petites constitutions issues d'un
pouvoir constituant
international 63
Section I. Les petites constitutions imposées : le cas de
la Cote d'ivoire 64
§ 1. La résolution des problèmes
posés par la Constitution en vigueur 64
A. La question de l'éligibilité à la
fonction présidentielle 64
B. La question de l'organisation des élections
présidentielles 66
§ 2. Le renversement de l'ordre institutionnel
67
A. Le Président de la république ivoirienne :
constitutionnellement Chef de
l'exécutif 68
B. Le Premier ministre ivoirien : conventionnellement Chef de
l'exécutif 69
Section II. Les petites constitutions négociées :
le cas de la république démocratique
du Congo 71
§ 1. La constitutionnalisation d'un équilibre
négocié 71
A. Les sources de la Constitution de transition de la RDC 71
B. Les principes fondateurs et organisationnels de la transition
73
§ 2. La réalisation des objectifs de la
transition 74
A. L'adoption des lois essentielles à l'organisation des
élections 74
B. La sortie de crise 75
CONCLUSION 78
BIBLIOGRAPHIE 82
TABLE DES MATIERES 94