CHAPITRE I. INTRODUCTION GENERALE
1.1. Cadre scientifique de l'étude
Les équilibres séculaires entre l'homme et la
nature semblent aujourd'hui bouleversés: le changement climatique
s'emballe sous l'influence des quantités critiques des gaz à
effet de serre, la biodiversité diminue à un taux jamais
égal auparavant, les populations des pays du sud ont de plus en plus du
mal à se nourrir et à trouver un cadre de vie adapté. Le
défi qui nous attend demain est de pouvoir garantir à 8 milliards
d'habitants de la planète, à commencer par les plus pauvres, des
conditions de vie décentes, tout en n'hypothéquant pas le
bien-être des générations futures par une exploitation des
ressources naturelles (De Wasseige et al, 2012).
Dans cette perspective, personne ne peut encore douter de
l'importance des forêts tropicales dans la résolution de ces
grandes crises écologiques et économiques. Selon le CIFOR, la
couverture forestière mondiale représente environ 4 milliard
d'hectares, soit à peu près de 30% de la surface terrestre.
Près de 56% de ces forêts sont situées dans les zones
tropicales et subtropicales. Les forêts du bassin du Congo forment le
second bloc continu des forêts tropicales humides de la planète
après le massif Amazonien. Ces forêts sont très
réputées pour leur diversité tant animale que
végétale (De Wasseige et al, 2008).
En République Démocratique du Congo, les
forêts couvrent plus de la moitié de l'ensemble du territoire
national (Forafri, 1999 in Badjoko, 2009). Elles jouent un rôle capital
dans la régulation de l'effet de serre, dans les grands
équilibres climatiques et constituent le plus grand réservoir de
la biodiversité de la planète (Forafri, 1999 in Badjoko,
2009).
Mais ces forêts ne sont pas suffisamment connues et il
n'existe généralement pas de plan de production et
d'aménagement préalable (Lokombe, 2004). D'où, il faut
étudier comment les forêts sont organisées,
c'est-à-dire, comment elles sont construites, quelle est leur
architecture et leur dynamique et quelles sont les structures et le processus
sous-jacents présents dans le mélange apparemment anarchique des
arbres et des espèces (Fournier et Sasson, 1983 in Badjoko, 2004).
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Dynamique de la régénération
des espèces abondantes des forêts de l'Ituri : Cas des dispositifs
permanents de
la Réserve de faune à
Okapi
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1.2. Problématique
Toutes les solutions envisagées actuellement pour la
conservation des forêts tropicales humides, comme la mise en place des
réservoirs biologiques, l'exploitation forestière durable, la
restauration des forêts dégradées ou la création des
plantations forestières, nécessitent un approfondissement des
connaissances sur l'écologie et les paramètres de la dynamique de
la régénération des espèces communes dans ces
écosystèmes (Scheil et Van Heist, 2000 ; Picard et Gourlet,
2009).
La régénération naturelle, la base du
renouvellement des peuplements forestiers, est au coeur des
préoccupations des gestionnaires forestiers. Elle se fait par le biais
des graines issues des arbres semenciers présents dans la forêt.
L'un des problèmes majeurs est que cette
régénération peut être bloquée, parfois
pendant plusieurs dizaines d'années (Vanessa, 2012). Ce blocage peut
avoir des causes multiples. En effet, divers facteurs peuvent jouer un
rôle important comme la chute des graines, qui est dépendante du
couvert forestier; la banque de graines dans le sol, qui est petite en
comparaison avec celle des espèces herbacées mais importante pour
les espèces ligneuses pérennes et souvent
représentée par des espèces pionnières, la
prédation, la disponibilité des ressources (lumière,
nutriments) et la compétition entre espèces pour les ressources
(Clark et al., 1999). La disponibilité des ressources et la
compétition entre espèces pour ces dernières paraissent
des facteurs les plus importants dans l'appréciation de la
régénération dans les milieux forestiers.
L'évaluation de l'impact des tempéraments sur la
performance des espèces végétales intéresse
également des études de la dynamique des espèces dans les
forêts tropicales en général et celles de notre
région en particulier (Mbindule, 2014 ; Omvibho, 2014).
Néanmoins, d'autres facteurs comme les
paramètres du milieu et la composition floristique du couvert de sous
étage doivent être pris en considération afin
d'améliorer la gestion forestière ; les paramètres du
milieu apparaissant comme des éléments clés dans la
régénération naturelle de la forêt (Vanessa, 2012 ;
Enzinga, 2013). En effet, d'après Heithecker et Halpern (2006)
cités par Vanessa (2012), la canopée peut influencer la
quantité et la qualité de la lumière disponible, de l'air,
de la température et de l'humidité du sol.
Les conditions d'éclairement évoluent en
fonction de la variation de la canopée de la forêt et la
régénération dépend de la capacité des
jeunes plants de survivre à l'ombre (Messier et al. 1999). Il existe des
espèces ligneuses tolérantes à l'ombre qui peuvent se
régénérer sous le
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Dynamique de la régénération
des espèces abondantes des forêts de l'Ituri : Cas des dispositifs
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couvert des adultes et des espèces intolérantes
à l'ombre qui ne peuvent se régénérer qu'en
condition lumineuse (trouée, chablis, etc.).
La connaissance en matière de la dynamique des
populations d'arbres est peu développée en RDC, pendant que le
pays vient de s'engager sur la voie de valorisation de ses ressources,
d'où un plan d'aménagement forestier s'avère très
important. La gestion des peuplements exige de pouvoir prédire à
long terme le renouvellement et la qualité du stock exploitable. Pour ce
faire, il est important et d'une grande nécessité de mieux cerner
les processus écologiques qui déterminent la dynamique de la
régénération des espèces (Lubini, 1982 ; Reitsma,
1988 ; Pierlot, 1996 ; Bibani & al., 1998; Jesel, 2005 ).
Les différentes études menées dans les
dispositifs permanents de la Réserve de Faune à Okapi (RFO)
montrent que les espèces appartenant à la famille desFabaceae
sont les plus abondantes et les plus dominantes (Hart, 1985 ; Makana et
Thomas, 2006; Mbusa, 2015). Parmi ces espèces on peut citer
Gilbertiodendron dewevrei, Cynometra alexandri, Julbernardia seretii,
Erythrophleum suaveolens, Albizia gummifera, etc. D'autres espèces
sont abondantes dans la région sont Strombosia pustulata,
Strombosiopsis tetrandra, Zanthoxylum gilletii, Alstonia boonei, Klainedoxa
gabonensis, etc. Parmi ces espèces, certaines sont sciaphiles et
d'autres strictement héliophiles.
Quelles stratégies ces espèces adoptent-elles pour
assurer la croissance de leurs populations?
C'est pour répondre à cette question que cette
étude se propose d'analyser la dynamique de la
régénération des espèces arborescentes dominantes
à l'échelle locale. Les 40 espèces les plus abondantes
dans les parcelles permanentes de la Réserve de Faune à Okapi
seront utilisées dans le cadre de cette étude qui sera
basée sur les données d'inventaires réalisés en
1996 et 2007.
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Dynamique de la régénération des
espèces abondantes des forêts de l'Ituri : Cas des dispositifs
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