6.3. Détermination des mécanismes
potentiels de déformation et de rupture et
modélisation : calculs de stabilité et calculs en
déformation
L'analyse des structures géologiques et des
paramètres géotechniques des matériaux concernés
ainsi que des sollicitations mécaniques générées
par le projet d'excavation, permet d'identifier les mécanismes
potentiels de déformation et de rupture les plus critiques.
Pour étudier ces mécanismes critiques, il faut
généralement les simplifier (démarche
d'homogénéisation et de généralisation) pour
construire ou rechercher les modèles physiques, puis numériques,
qui permettront la quantification du risque de rupture. Cette démarche
de simplification, inhérente à 1'utilisation de modèles de
calculs, ne doit pas être sous-
Ir. Sabu Munung
111
estimée. Dans chaque situation, il faut être
capable d'apprécier la distance qui peut séparer le modèle
de la réalité physique.
À ce stade, on dispose d'un modèle
géotechnique du massif ainsi que des outils de calcul adaptés. Il
faut alors contextualiser l'étude en précisant les points
suivants :
L'échelle géométrique du problème
posé : s'intéresse-t-on à la stabilité de gradins
élémentaires, d'ensembles de trois, quatre, cinq gradins (talus
entre piste), ou d'un talus de fosse tout entier (talus global) de l00 m, 300
m, 600 m ou plus de hauteur ? En pratique, il faudra généralement
considérer ces différentes échelles
géométriques et les processus de déformation et rupture
associés.
Le type de sollicitations mécaniques à
considérer : s'intéresse-t-on à la stabilité de
talus en cours d'exploitation : stabilité à court et moyen terme,
pour laquelle on peut admettre certains taux de déformation ou certaines
ruptures localisées, à condition que celles-ci ne portent pas
atteinte à la sécurité du personnel, ni ne contrarient la
rentabilité de l'exploitation ? S'intéresse-t-on à la
stabilité des talus finaux en fin d'exploitation et après les
procédures d'abandon : stabilité à long terme, pour
laquelle il faut être plus exigeant quant aux conditions de
stabilité et considérer certains scénarios
d'évolution des propriétés géotechniques des
matériaux au cours du temps (altération des épontes de
discontinuités, modifications du contexte hydraulique du massif etc.).
S'intéresse-t-on à la stabilité en situations
extrêmes (études de danger) conduisant à considérer
des sollicitations hydriques et hydrauliques exceptionnelles (niveaux de nappes
d'eau souterraines élevées) ou des sollicitations dynamiques
particulières (séismes) ?
Le degré de précision des informations
géologiques, géomécaniques et hydrogéologiques
rassemblées pour l'étude : le niveau de connaissances acquises
restera toujours limité par rapport à la complexité du
milieu naturel. Il faut donc toujours garder présent à l'esprit
:
? La variabilité dans l'espace des matériaux
géologiques : lithofaciès, épaisseurs,
propriétés pétrophysiques et mécaniques;
? La complexité des champs de fractures affectant les
massifs rocheux qu'il faut simplifier pour la mise en oeuvre des modèles
de calcul existants;
Ir. Sabu Munung
112
? Les connaissances imparfaites des niveaux hydrauliques dans
les massifs de sols et plus encore dans les massifs rocheux.
Pour pallier ce manque de précision de certaines
données, il faudra généralement réaliser des
analyses intégrant la variabilité des paramètres. Une
première approche consiste à réaliser des analyses
paramétriques en considérant des plages de variation
réalistes des paramètres moins bien connus, et mettant en rapport
les réponses en déformation et rupture qu'il faut attendre des
massifs rocheux. Une seconde approche consiste à réaliser des
analyses probabilistes en considérant une distribution de
probabilité réaliste des paramètres incertains.
Le problème étant alors bien posé, des
calculs de stabilité peuvent être réalisés selon
deux grands types d'analyse : les calculs à la rupture et les
études en déformation.
6.3.1. Calculs à la rupture
Se basant sur la théorie des équilibres limites,
on peut simplifier le problème mécanique posé et
caractériser l'état de stabilité d'un massif par la notion
de facteur de sécurité. Par exemple, pour un mécanisme de
glissement suivant une surface potentielle de rupture plane, on compare une
force résistante (résistance au cisaillement maximum mobilisable
dans le matériau au moment de la rupture) à une force motrice.
Celle-ci est équilibrée par la sollicitation de cisaillement
existant réellement sur la surface potentielle de rupture
analysée dans l'état actuel du massif, d'où l'expression
du facteur de sécurité défini dans ce cas comme le rapport
entre la force de résistance maximum et la force motrice. Il en
résulte que la stabilité est acquise pour une valeur du facteur
de sécurité supérieure à 1.
Les temps de calcul étant très réduits
pour ce type d'approche, les logiciels permettent d'étudier de multiples
situations afin de réaliser des analyses paramétriques. De plus,
il est possible de prendre en compte la présence de renforcements
mécaniques. Par ailleurs, il reste nécessaire d'adapter le niveau
théorique de sécurité recherché à la
précision des données entrées dans les modèles. II
est judicieux de faire ces calculs pour les valeurs moyennes des
paramètres mécaniques, mais aussi pour les valeurs
réalistes inférieures. Ces dernières valeurs doivent
être à la base du dimensionnement.
Ir. Sabu Munung
113
La pratique actuelle des analyses se basant sur les
équilibres limites consiste à réaliser des analyses
probabilistes en attribuant des valeurs fixes aux paramètres connus et
une distribution de probabilités aux paramètres incertains. La
stabilité d'un talus est ainsi décrite par un facteur de
sécurité (FS) et une probabilité de rupture (PF). Sur la
base de ce type d'analyse, des critères ont récemment
été proposés dans la littérature pour les pentes
minières. Ces critères tiennent compte de l'échelle du
talus étudié et de la conséquence d'une rupture (Tableau
1).
Tableau 1- Critères de conception typiques (FS et PF)
Echelle
|
Conséquence de la rupture
|
FS (min)
statique
|
FS (min)
dynamique
|
PF (max) P (FS=1)
|
Banc
|
Faible-Elevée
|
1.1
|
NA
|
25-50 %
|
Inter-rampe
|
Faible
|
1.15-1.2
|
1.0
|
25 %
|
|
Moyenne
|
1.2
|
1.0
|
20 %
|
|
Élevée
|
1.2-1.3
|
1.1
|
10 %
|
Globale
|
Faible
|
1.2-1.3
|
1.0
|
15-20 %
|
|
Moyenne
|
1.3
|
1.05
|
10 %
|
|
Élevée
|
1.3-1.5
|
1.1
|
5 %
|
Une autre approche permettant d'intégrer la
variabilité structurale inhérente au massif rocheux
fracturé est la modélisation des réseaux de fractures
(DFN). Toujours sur la base des équilibres limites, l'utilisation de ce
type d'approche pour analyser la stabilité structurale des talus rocheux
à l'échelle des gradins miniers et des talus entre piste est de
plus en plus courante dans l'industrie minière. Cette approche offre, en
plus de la détermination des facteurs de sécurité et des
probabilités de rupture associées aux approches probabilistes, la
possibilité de déterminer de manière réaliste la
taille et la probabilité d'occurrence des instabilités
structurales.
Jr. Sabu Munung
114
Pour l'ensemble des approches présentées, il
faut cependant prendre garde à la simplicité apparente de la
notion de facteur de sécurité et ne pas oublier la
schématisation brutale des processus de déformation et de rupture
étudiés par ces méthodes. En particulier, la notion de
déformation progressive limitée ou de rupture progressive n'est
pas du tout prise en compte.
|