I
MINISTERE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
ET UNIVERSITAIRE
INSTITUT SUPERIEUR PEDAGOGIQUE DE BUKAVU
Travail pratique du cours de commerce international
LA PLACE DE LA CHINE DANS LE COMMERCE
INTERNATIONAL
Présenté par :
1. MATABARO MASUMBUKO Hope
2. MATABARO SAFARI
3. MALOANI MUSAFIRI
4. KITUMAINI MIRINDI
5. CIRIMWAMI BUHENDWA
6. BULONZA NDEKO
7. AKILIMALI LUMUKA
8. BARUTI NSIMIRE
9. BYEKA MUSA
10. KULONDWA NDAGANO
Promotion : L2 IG
1
I. INTRODUCTION
La chine est un pays situé dans le continent d'Asie. Elle
est aujourd'hui appelée République populaire de Chine car elle
regorge l'un tiers de la population mondiale. La République populaire de
Chine (RPC) Prononciation du titre dans sa version originale Écouter),
couramment appelée Chine et parfois Chine populaire, est un pays d'Asie
de l'Est. Avec plus de 1,3 milliard d'habitants, soit environ un sixième
de la population mondiale, c'est le pays le plus peuplé du monde2. Elle
compte huit agglomérations de plus de dix millions d'habitants, dont la
capitale Pékin (Beijing), Shanghai, Canton, Shenzhen et Chongqing, ainsi
que plus de trente villes d'au moins deux millions d'habitants. Avec 9 641 144
km2 de superficie3 ou 9 596 961 km2 selon les chiffres de l'ONU, la Chine est
également le plus grand pays d'Asie orientale et le troisième ou
quatrième plus grand pays du monde par superficie4. La Chine
s'étend des côtes de l'océan Pacifique au Pamir et aux Tian
Shan, et du désert de Gobi à l'Himalaya et aux confins de la
péninsule indochinoise, couvrant 9 677 009 kilomètres
carrés.
On estime que la Chine a été la première
puissance économique mondiale durant la majeure partie des vingt
derniers siècles45,46,47,48. Jusqu'au 18ème
siècle et la révolution industrielle, c'est
également en Chine qu'on trouvait le niveau de vie le plus
élevé de la planète. La Chine, première
civilisation à utiliser le papier monnaie, a une longue histoire de
relations économiques internationales. On retiendra quelques points de
repères utiles :
La dynastie des Yuan a organisé un système de
routes et de poste efficaces, contribuant à la modernisation de
l'économie chinoise. Au début de l'ère Ming, les flottes
de l'amiral Zheng He ont renforcé les liens existant déjà
sur la route des épices, entre l'Inde, la côte africaine
orientale, l'Indonésie et supposément l'Australie ainsi que les
Amériques (avant les Européens, cf. cartes de l'Amiral de cette
époque). À la suite d'une période de repli sous les Ming,
la dynastie Qing a vu son déficit économique s'accroître
avec l'arrivée des colonisateurs occidentaux. Au milieu du xixe
siècle, l'économie chinoise a été dans sa plus
grande partie asservie au commerce de l'opium pour les intérêts
des colonisateurs, précipitant le pays dans un chaos économique
et politique.
Le règne de Mao Zedong a été synonyme d'une
nouvelle période de quasi-autarcie économique, en dehors de
certains échanges avec les pays de la sphère communiste. La
croissance de l'économie chinoise s'est encore ralentie en 2015. Ce
résultat constitue une deuxième baisse consécutive du taux
de croissance de l'économie du pays. En effet, la croissance du produit
intérieur brut (PIB) de la Chine est passée de 7,8 % en 2013
à 7,4 % en 2014 et à 6,8 % en 2015. Après avoir
enregistré l'une des expansions les plus rapides et les plus formidables
de l'histoire, l'économie chinoise amorce une nouvelle dynamique : celle
d'une transition vers une croissance moins accélérée
peut-être, mais plus durable. Cette transition peut se décliner en
différents volets : du passage du rural à l'urbain, de
l'investissement à la consommation, des activités de production
manufacturière à des activités de plus en plus
productrices de services. Ces mutations vont exiger des réformes
structurelles importantes. À court terme, cette dynamique devrait
permettre de réduire les déséquilibres économiques.
À long terme, le privé devra avoir un accès plus important
aux secteurs à forte présence étatique afin de favoriser
l'innovation et la productivité.
En 2015, la Chine a enregistré les résultats
économiques suivants :
? une croissance du PIB réel de 6,8 %, selon les
données du FMI; ? une inflation de 1,7 %;
? un taux de chômage de 4,1 %;
? un solde budgétaire déficitaire correspondant
à 1 % du PIB.
2
Selon les données de la Banque mondiale, en 2014, le PIB 1
de la Chine se situait au 1er rang mondial, devant celui des États-Unis.
Nous n'allons pas nous limiter à cette année finale qui risque de
nous ralentir dans les pensées. Il nous est difficile de confirmer que
la chine est aujourd'hui la première puissance mondiale après les
états unis d'Amérique. Ainsi, pour pouvoir déterminer nous
allons interroger beaucoup plus l'histoire politico-économique de la
chine.
1. DE L'HISTOIRE POLITICO-ECONOMIQUE DE LA CHINE
POPULAIRE.
Le Parti communiste chinois définit l'économie de
la Chine comme une « économie socialiste de marché »,
une « forme de socialisme aux caractéristiques chinoises ». De
1978 à 1989, le gouvernement chinois a réformé en
profondeur l'économie du pays, la faisant passer d'une économie
planifiée de type soviétique à un « socialisme de
marché », conservant la structure rigide de contrôle par le
Parti communiste chinois, ce qui l'a fait appeler « l'atelier du monde
». Dans ce but, la collectivisation de l'agriculture a laissé place
à un système de responsabilisation individuelle des terres. Les
cadres locaux ont acquis plus de marge de manoeuvre, des gérants ont
été introduits dans les secteurs industriels, permettant l'essor
de nombreuses petites entreprises, alors nommées Gétihu. Cette
politique a permis d'attirer de nombreux commerçants et investisseurs
étrangers. Le contrôle des prix a été
relâché, à l'exception notable de produits de
première nécessité pour les paysans.
En 1992, l'appellation officielle du système devient
« économie de marché socialiste » et le changement
d'adjectifs marque le début du changement de nature de classe de
l'État. Le secteur public commence à se noyer dans l'océan
de l'économie marchande et passe de 73 % de la production industrielle
en 1988 à 35 % en 1992. Cela a permis le passage d'une économie
planifiée à une économie mixte et la redécouverte
des fondements du libéralisme économique, tout en sauvegardant le
communisme officiel du régime. Dans ce nouveau système
économique, les entreprises publiques ou dan Wei ont du mal à
trouver leur place et rencontrent de plus en plus de difficultés. Leurs
pertes ont atteint le chiffre record de 102,6 milliards de yuans (12,75
milliards de dollars américains) en 2005, soit une augmentation de 56,7
% en base annuelle, selon les chiffres du Bureau d'État des statistiques
(BES). Sur les deux premiers mois de 2006, les pertes des entreprises publiques
ou contrôlées par l'État atteignent déjà 26,2
milliards de yuans, soit 3,25 milliards de dollars américain.
L'augmentation des coûts de production, un système de fixation des
prix inefficace, la surcapacité et d'importantes lacunes d'ordre
technologique sont les principales causes de cette situation, selon Jiang Yuan,
statisticien au Bureau d'État des statistiques.
Le gouvernement a résolument mis entre parenthèses
l'égalité des classes durant cette période, menée
par le mot d'ordre de Deng Xiaoping : « Enrichissez-vous ! »
L'enrichissement personnel (individualisme) et la consommation (soutenue par
des politiques néokeynésiennes dès 1997) sont devenus de
nouveaux moteurs économiques, accompagnés par une
professionnalisation progressive des techniques de gestion, destinées
à améliorer la productivité (division du travail). Le
gouvernement a également oeuvré pour attirer des capitaux
étrangers, sources cruciales de développement économique :
les zones économiques spéciales (ZES), exemptes de taxes, ont
été créées à cet effet, étendues peu
à peu à tout le littoral. Grâce à l'introduction du
libre-échange, on observe qu'un quadruplement du produit
intérieur brut (PIB) s'est produit depuis 1978. Les incitations par
taxes préférentielles sont également à l'origine
d'incitations fiscales à produire en Chine, que ce soit pour l'export ou
pour le marché intérieur d'un milliard trois cent millions
d'individus. La République populaire de Chine tente d'harmoniser le
système de taxes et règlements pratiqués sur les
entreprises, aussi bien chinoises qu'étrangères. Ainsi, les taxes
préférentielles dont bénéficient les exportateurs
dans les zones économiques spéciales et les villes
côtières sont l'objet d'une révision. Les exportations
chinoises vers les États-Unis représentaient 125 milliards de
dollars américains en 2002, tandis que les
3
importations américaines atteignaient 19 milliards. Ce
déséquilibre est attribué de façon
récurrente par les États-Unis à un taux de change
jugé défavorable entre le yuan et le dollar américain. En
revanche, pour la Chine, une réévaluation du yuan telle que la
souhaitent les États-Unis créerait une inflation très
importante, elle-même génératrice de tensions sociales
internes. Le 21 juillet 2005, la Banque populaire de Chine a annoncé
qu'elle mettait en oeuvre un système de fluctuation du yuan dans les
limites de 0,3 % par jour par rapport au dollar américain, contre 3 %
maximum par rapport à un panier de devises étrangères,
dont le yen et l'euro. Rattrapage du retard économique
Représentation graphique des exportations en provenance de
Chine dans 28 catégories de couleurs.
On estime que la Chine a été la première
puissance économique mondiale durant la majeure partie des vingt
derniers siècles45,51,47,48. Jusqu'au xviiie siècle et la
révolution industrielle, c'est également en Chine que l'on
trouvait le niveau de vie le plus élevé de la planète52.
C'est sous la dynastie Qing que le développement économique de la
Chine commença à ralentir, alors que les pays occidentaux
passaient lentement d'une société à dominante agraire
à une société industrielle. En 1820, la Chine comptait
pour 33 % du PIB mondial, contre 9 % aujourd'hui53.
En 2010, la Chine est devenue la seconde puissance mondiale : le
PIB de la Chine s'est élevé à 5 878,6 milliards de dollars
en 2010, contre 5472 milliards au Japon54. Ce développement
effréné des activités économiques est davantage
dû aux investissements et aux exportations qu'à la consommation
intérieure55. Début décembre 2014, le site
américain MarketWatch annonce que la Chine devient officiellement la
première puissance économique mondiale, sur la base d'un rapport
du FMI d'octobre 2014 comparant le produit intérieur brut à
parité de pouvoir d'achat. En effet, sur cette base, le PIB chinois, de
17 632 milliards de dollars, devrait dépasser celui de
l'Amérique, de 17 416 milliards de dollars56. Le FMI prévoit
qu'elle atteindra 27 000 milliards de dollars de PIB en 2019, quand les
États-Unis ne seront qu'à 22 000 milliards.
Le développement économique actuel de la Chine est
l'un des plus rapides du monde, puisque l'on y enregistre une croissance dont
la moyenne, en 25 ans, est de 9,8 % par an. Entre 1980 et 2007, le PIB a
été multiplié par 12,757. En 2013, la croissance en Chine
a atteint 7,7% 58. La République
populaire de Chine est depuis 2001 membre de l'Organisation
mondiale du commerce (OMC)59. La croissance de la Chine est essentiellement
tirée par les exportations. Leur montant a plus que doublé en
quatre ans, pour atteindre plus de 1000 milliards de US$ en 2009, ce qui fait
de la Chine le premier exportateur mondial. L'essentiel de ce commerce se fait
avec l'Union européenne (20,4 %), les États-Unis (17,7 %), Hong
Kong (13,4 %) et le Japon (8,1 %). La balance commerciale de la Chine est
excédentaire avec un grand nombre de pays. Les points forts des
exportations chinoises sont le textile, les tracteurs, les montres et les
jouets (85 % du marché mondial), les appareils photographiques et les
ordinateurs portables (55 % du marché), les téléviseurs et
les machines à laver (30 %), 15 % pour l'acier60.
Shanghai, ville dynamique et moderne.
La présence des entreprises étrangères sur
le sol chinois est en grande partie à l'origine de la forte
accélération de la croissance des exportations. Elles ont
attiré la main-d'oeuvre qualifiée dans les zones
côtières où elles se sont implantées. Seulement 41 %
des exportations chinoises proviennent d'entreprises intégralement
chinoises. Aujourd'hui, 39 % des exportations en provenance de Chine sont
réalisées par des entreprises dont le capital est à cent
pour cent étranger et 20 % sont le fait de partenariat entre les
sociétés étrangères et les sociétés
chinoises61. La Chine continentale entretient son attractivité pour les
entreprises avec une main-d'oeuvre bon marché et non syndiquée.
Cependant le prix de la main-d'oeuvre croît rapidement, en 2010, il a
progressé de 24 %.
4
De plus, il faut ajouter que le pays possède la plus
grande force de travail au monde avec 813.5 millions de travailleurs
disponibles62. La non-organisation des ouvriers chinois représente un
bénéfice substantiel pour les employeurs, qui y trouvent une
flexibilité d'emploi impossible à mettre en oeuvre dans les
démocraties libérales. Un autre aspect de l'économie
chinoise à relever : les bas prix d'éléments non issus de
la force de travail. Cela est dû en partie à l'existence du
contrôle des prix et de la garantie des sources d'approvisionnement
hérités de la précédente économie de type
soviétique : les entreprises d'État continuant à
être démantelées et leurs ouvriers renvoyés dans des
secteurs de compétitivité accrus, l'effet déflationniste
induit continue à mettre la pression sur les prix pratiqués au
sein de l'économie.
Les conséquences de cette croissance économique
sont nombreuses. Le revenu moyen annuel d'un ouvrier chinois est de mille trois
cents dollars américains. Les salaires augmentent
régulièrement sur le littoral pacifique. La Chine a
accumulé la plus confortable réserve de devises de tous les
temps: 2 200 milliards d'euros selon la Banque populaire de Chine.
En 2014, la Chine fonde la Banque asiatique d'investissement pour
les infrastructures (AIIB) pour contrebalancer le poids des institutions
financières issues du monde occidental (et ce alors que plusieurs pays
occidentaux acceptent toutefois d'en devenir membre). Dotée de plusieurs
dizaines milliards de dollars, elle a pour but d'asseoir la nouvelle diplomatie
économique chinoise afin de financer les besoins massifs en
infrastructure en Asie (autoroutes, chemins de fer,
télécommunications, etc.), à partir de réseaux
financiers convergeant vers la Chine.
2. LES PRODUITS « MADE IN CHINA » DE LA PERIODE
1980-2007
Depuis les années 1980, le monde a connu de profonds
bouleversements économiques, technologiques, politiques et sociaux.
« Mondialisation », « globalisation », «
internationalisation » sont autant de termes qui tentent d'isoler les
traits saillants de cette évolution complexe et contradictoire du monde.
Selon le FMI, la mondialisation signifie « l'interdépendance de
l'économie croissante des pays du monde via le volume et la
variété croissants des transactions frontalières en
marchandises et en services, de mouvements de capitaux internationaux libres,
et de diffusion plus rapide et plus répandue de la technologie ».
Près de 300 ans plus tôt, deux illustres économistes, Adam
Smith et David Ricardo, prônaient déjà les échanges
et la division internationale du travail entre pays susceptibles de
générer, selon eux, une situation « gagnant-gagnant »
sous certaines conditions. Les deux guerres mondiales ainsi que la
bipolarisation de la planète au cours de la Guerre froide du
siècle dernier ont considérablement limité le commerce
mondial. Cependant, au cours de ces dernières années, deux
phénomènes ont été observés dans le contexte
de la mondialisation : on a pu constater, d'une part, l'internationalisation de
l'activité économique et de la mobilité des facteurs de
production dans un monde de plus en plus dépourvu de frontières,
à tel point que certains n'hésitent plus à annoncer une
prochaine disparition de l'État souverain classique. D'autre part, on a
assisté à l'intensification de la croissance économique
d'un certain nombre de pays, notamment des pays qualifiés d'«
émergents », reconnus comme les moteurs de la
prospérité mondiale et qui donnent lieu à une
recomposition de la hiérarchie des espaces productifs (Ohmae,1996). En
effet, sur le plan international, on assiste depuis les années 1980
à une forte mutation des conditions de production, de compétition
et d'interdépendance qui est caractérisée avant tout par
le développement d'une nouvelle division internationale du travail.
Selon Anil K. Gupta et al. (2008), la mondialisation désigne une
nouvelle configuration qui marque une rupture par rapport aux étapes
précédentes de l'économie internationale : « ...
autrefois la mondialisation pouvait être considérée comme
des échanges transfrontaliers de matières premières ou de
produits finis - c'est-à-dire de biens situés à chaque
5
extrémité de la chaîne de valeur. Au
contraire, ... la mondialisation d'aujourd'hui est caractérisée
par la dispersion géographique des activités de la chaîne
de valeur de la compagnie, avec l'objectif de localiser chaque activité
(ou sous-activité) de la manière la plus optimale. Par
conséquent, on constate aujourd'hui une importante proportion
grandissante d'échanges transfrontaliers qui est composée de
marchandises et de services intermédiaires - c'est-à-dire, de
composants et de services situés au milieu de la chaîne de valeur
» (voir la Figure 1). Suzanne Berger (2006) constate que « dans le
monde de la production fragmentaire, les enjeux sont ce qu'ils ont toujours
été: bénéfices, pouvoir, sécurité et
nouvelles opportunités. Ce qui a changé, c'est qu'il est
désormais possible d'atteindre ces objectifs en se positionnant à
n'importe quel point de la chaîne de valeur. Il y a vingt ans, les
entreprises intégrées dominaient encore. Aujourd'hui, un
fabricant de composants, une entreprise de design, une marque sans fabrication,
un fabricant sans marque, et bien d'autres combinaisons encore, proposent de
nouvelles manières de rester compétitif ».
Ainsi, à la différence de la division
internationale du travail classique, la nouvelle division internationale du
travail repose essentiellement sur la notion de chaine de valeur (Porter,
1985). Elle se réalise non seulement entre les différentes
industries, mais surtout entre les différents produits d'une même
industrie et entre les différentes étapes et activités de
la chaine de valeur d'un même produit. Autrement dit, dans le contexte
actuel de la mondialisation, la définition classique de l'industrie
intensive en main d'oeuvre, de l'industrie intensive en capitaux et de celle
intensive en savoir n'est plus la seule référence pour appliquer
la division internationale du travail. Cette dernière se fait de plus en
plus en fonction de la valeur ajoutée générée par
les différentes étapes et activités (qui sont soit
intensives en main d'oeuvre, en capitaux ou en savoir) de la chaine de valeur
d'un même produit. De ce fait, la situation des produits « made in
China » doit être examinée sous l'angle de cette nouvelle
réalité. Il convient de constater d'abord que, bien que la Chine
ait réalisé une percée spectaculaire sur le marché
international au cours de ces trente dernières années (voir le
Tableau 1 et la Figure 2), les produits « made in China » sont, dans
bien des cas, le résultat d'une production organisée globalement,
faisant intervenir des éléments réalisés dans
différents pays. Pensons par exemple aux 12 millions de portatifs vendus
en 2005 par la Chine aux États-Unis : la majorité des
pièces clés (écrans, logiciels, cartes son, disques durs,
etc.) sont en réalité importées de partout dans le monde
pour être assemblées en Chine. La véritable contribution
chinoise dans ce cas ne dépasse même pas 30% de la valeur finale
du produit transigé. La Chine est aujourd'hui un grand fabricant du
6
téléphone mobile dans le monde. Cependant, le
processus manufacturier du téléphone mobile dans le monde est
complètement désintégré : le design est souvent
assumé par les firmes coréennes et japonaises, la production de
pièces clés par des multinationales telles que TI et
Philips, les normes techniques et les logiciels sont fournis par les
firmes américaines comme Qualcomm, la distribution par
Bird, alors que seul l'assemblage est réalisé en
général en Chine. Il en va de même pour ce nouveau produit
technologique américain qu'est l'iPhone qui porte
également l'étiquette « made in China ».
Exceptés le design et le logiciel, la compagnie Apple s'est
contentée en fait de jouer un rôle de chef d'orchestre visant
l'intégration des innovations réalisées dans d'autres pays
: l'écran du iPhone est japonais, la mémoire flash,
coréenne et l'assemblage, chinois2.
Une analyse plus poussée nous permet de constater que la
majorité des productions destinées à l'exportation sont
des opérations d'assemblage et de réexportations. En fait, depuis
le milieu des années 1990, plus de 50% de l'exportation chinoise a
été réalisée sous forme de « perfectionnement
passif » pour le compte d'entreprises étrangères : 50% en
1995, 55% en 2000, 53% en 20063, alors que les achats nécessaires
à l'assemblage ont dépassé 50% des importations de la
Chine4. La Figure 3 illustre la place actuelle des produits « made in
China » dans la nouvelle division internationale du travail. Cette
célèbre « courbe sourire » indique que les pays
développés maîtrisent les étapes les plus
valorisantes, telles que la conception et la distribution des produits, alors
que les produits « made in China » sont essentiellement situés
au niveau des opérations d'assemblage à faible valeur
ajoutée.
7
Il est vrai que la place des produits « made in China »
sur cette « courbe sourire » a connu une amélioration
constante au cours de ces trente dernières années : la part des
produits finis et semi-finis est passée de 46% à 93,6% pour
l'ensemble des exportations chinoises et celle des produits de haute
technologie, de moins de 1% à 29%5. En fait, la Chine est même
officiellement devenue en 2005 le plus important pays exportateur de produits
de haute technologie (voir le Tableau 2). Force est de constater, cependant,
qu'une forte majorité de ces produits de haute technologie
exportés par la Chine sont soit le résultat du travail
d'assemblage, soit les produits considérés comme les moins
intensifs en savoir dans la chaine de valeur du secteur technologique. Par
ailleurs, il s'agit avant tout de la production des multinationales
étrangères implantées en Chine : globalement, leur part
est passée de 59% en 1996 à 81% en 2000, et a même atteint
91% pour le cas des exportations des équipements électroniques de
la Chine (Zhang et ali., 2008). En 2006, la Chine a enregistré un
surplus commercial de 41 milliards USD dans ses échanges de produits de
haute technologie avec les États-Unis. Cependant, les entreprises
à capitaux étrangers en Chine ont contribué pour 90% de
ces exportations et 97% des exportations chinoises de produits de haute
technologie vers les États-Unis ont été
réalisées sous forme de « perfectionnement passif ».
Tableau 2. La Chine mène la barque dans
l'exportation de produits de haute technologie
Top 10 des exportateurs de produits de haute technologie
- 1996 En million USD 1997
|
Top 10 des exportateurs de produits de haute technologie
- 2005 En million USD 1997
|
1. États-Unis : 65$
|
1. Chine : 406$
|
2. Japon : 53$
|
2. États-Unis : 284$
|
3. Allemagne : 31$
|
3. Japon : 212$
|
|
4. Royaume-Uni : 24$
|
4. Allemagne : 183$
|
5. France : 14$
|
5. Corée du sud : 167$
|
6. Pays-Bas : 9$
|
6. Hong Kong : 157$
|
7. Italie : 8$
|
7. Taiwan : 145$
|
8. Suisse : 8$
|
8. Singapour : 126$
|
9. Taiwan : 7$
|
9. Malaisie : 99$
|
10. Corée du sud : 7$
|
10. Royaume-Uni : 95$
|
Source : Global Insight, Inc., 2007.
En fait, bien que cela puisse paraitre contradictoire, la Chine
n'est pas le principal maître des produits « made in China ».
À cet égard, il convient de faire une distinction entre les
produits des entreprises chinoises (made by China) et ceux des
filiales des entreprises étrangères implantées en Chine
(made in
8
China). En fait, l'ouverture vers l'extérieur est un
élément majeur de la réorientation idéologique
chinoise depuis 1978. Auparavant, comptant essentiellement sur elle-même,
la Chine a décidé de multiplier ses partenaires commerciaux et de
créer un climat propice aux affaires. Par le biais des investissements
directs étrangers, la Chine recherche avant tout des capitaux, des
marchés extérieurs, des technologies et un savoir-faire
managérial étranger. Ainsi, les gouvernements chinois locaux se
font concurrence pour attirer les investisseurs étrangers en offrant des
installations et des ressources à un coût parfois
dérisoire. Au cours de ces trente dernières années, la
Chine a absorbé plus de 800 milliards USD d'investissements directs
étrangers, ce qui la place en deuxième position mondiale, juste
derrière les États-Unis. Les investissements directs
étrangers ont tout autant permis à la Chine de se
développer que d'accéder aux marchés mondiaux. Comme le
soulignent Julien Chaisse et Philippe Gugler dans ce cahier, malgré
leurs excédents courants, les pays émergents continuent
d'importer massivement des capitaux étrangers pour assurer leur
croissance. La Chine en est le parangon. En ayant un intérêt pour
ce pays comme lieu de transformation et de fabrication à des fins de
réexportation, les investissements directs étrangers contribuent
aussi grandement à la forte croissance des exportations chinoises. Selon
les statistiques du gouvernement chinois, 635 000 entreprises à capitaux
étrangers se sont implantées en Chine et 480 des 500 plus grandes
compagnies du monde ont réalisé des investissements importants
dans ce pays depuis trente ans. Ces entreprises contribuent aujourd'hui
à plus de 33,4% de la production industrielle chinoise et à
environ 60% des exportations de la Chine (voir la Figure 4). En 2006, parmi les
500 entreprises les plus importantes dans le commerce international de la
Chine, 60,8% étaient des entreprises à capitaux étrangers;
parmi les 200 plus grandes entreprises exportatrices en Chine, les entreprises
à capitaux étrangers représentaient 62,5% (Zhang et ali.,
2008).
Le développement des produits « made in China »
a été, à bien des égards, très
bénéfique pour la Chine où la pauvreté et la
pression pour l'emploi sont particulièrement importantes. L'exportation
est depuis longtemps un moteur majeur de la croissance économique
chinoise, au même titre que l'investissement et la consommation. En fait,
elle est responsable de 20% de la croissance économique, contribue
à 17% de la recette fiscale de l'État et crée plus de 100
millions d'emplois 7 . Selon le vice-ministre du commerce du gouvernement
chinois, Jianguo Wei, il y aurait aujourd'hui entre 30 et 40 millions d'emplois
en Chine qui sont directement reliés aux activités de la
sous-traitance internationale et 50 à 60 millions de manière
indirecte8. Par ailleurs, le travail de sous-
9
traitance pour le compte d'entreprises des pays
développés a permis à plusieurs entreprises chinoises de
réaliser un apprentissage technologique et managérial. Il faut
souligner que la participation active de la Chine à la nouvelle division
internationale du travail a grandement contribué à l'ouverture du
pays, à l'avancement de la réforme et au changement de la
mentalité des Chinois (Zou, 2008). Cependant, il convient de
préciser que les Chinois ne sont pas les seuls
bénéficiaires des produits « made in China ». Au
contraire, ils ne retiennent souvent qu'une faible partie des valeurs
créées. Bien que la quantité exportée soit
importante, la Chine perd en réalité énormément en
termes d'échange (voir le Tableau 3), car 90% des « made in China
» sont destinés à des marques étrangères.
Ainsi, pour acheter un Airbus 380, la Chine doit exporter 800 millions de
chemises et une poupée Barbie, produite à 2 USD en Chine, sera
vendue en moyenne à 16 USD aux États-Unis. La Chine a
exporté en 2005 plus de 60 milliards USD de portatifs. Elle n'a
cependant retiré qu'une faible part de 5% de l'ensemble du profit
réalisé, une forte majorité du profit étant
attribuée aux designers, aux développeurs de logiciels ainsi
qu'aux distributeurs occidentaux tels qu'Intel, AMD,
Microsoft, etc.
La Chine occupe aujourd'hui une place importante dans
l'économie mondiale, cela tient tant à son poids
économique relatif qu'aux impacts engendrés par son essor rapide.
Toutefois, il est exagéré de la qualifier déjà d'
« usine mondiale » au même titre que les quelques empires
industriels du passé et du présent (Angleterre,
États-Unis, Japon). En fait, la capacité chinoise à
alimenter le marché international demeure plutôt limitée.
Selon M. Anderson du cabinet Godman, afin de comprendre l'importance de
l'industrie manufacturière chinoise sur le marché mondial, il
faut mesurer son excédent net par rapport à la capacité
manufacturière mondiale. Alors que la part de la production industrielle
chinoise est passée de 2,4% à 5% entre 1993 et 2002, celle de ses
importations dans le même secteur atteignait 4,6 %. L'excédent net
de la Chine dans l'industrie manufacturière a été de
l'ordre de 50 milliards USD, soit seulement 0,18% de la capacité de
production industrielle mondiale. Cette position chinoise, assez faible par
rapport au statut d'une usine mondiale, demeure quasiment inchangée
depuis 199710. Ainsi, il convient de reconnaitre que la Chine est
présente sur le marché à la fois en tant que producteur,
exportateur et consommateur. Si tout le monde redoute aujourd'hui la
montée en flèche des exportations chinoises, il faut garder
à l'esprit que les importations chinoises augmentent dans les
quasi-mêmes proportions. Globalement, la Chine n'occupe pas aujourd'hui
une place dominante dans l'industrie manufacturière mondiale. En effet,
bien que la Chine soit actuellement le premier producteur d'une centaine de
produits dont 80 biens manufacturiers répartis dans plus de 10 secteurs,
elle ne réalise que 5% de la production industrielle mondiale, loin
derrière
10
les États-Unis (20%), le Japon (15%) et l'Allemagne (Lu,
2003). La Chine est particulièrement faible dans les industries
liées aux équipements où la valeur ajoutée est
beaucoup plus importante (une part de 30% de l'ensemble des industries
manufacturières chinoises contre 42% aux États-Unis, 44% au Japon
et 46% en Allemagne). Par ailleurs, la Chine n'a actuellement pas le niveau
technologique nécessaire pour devenir un centre manufacturier mondial
car elle est très dépendante des technologies avancées
provenant de l'étranger, et ce, dans la quasi-totalité de ses
industries. Par ailleurs, « l'usine mondiale » est une terminologie
inventée par le passé afin de désigner les pays
considérés comme des empires industriels. L'Angleterre, dans le
courant du 19e siècle, méritait tout particulièrement
cette appellation. En effet, ne représentant que 2% de la population
mondiale, l'Angleterre produisait 53% de la production mondiale de fer et 50%
de la production mondiale de charbon ; elle réalisait, entre 1800 et
1870, 53% de la production manufacturière mondiale et 1/3 des
exportations de la planète (Hudson, 2001). De même, à
compter des années 1880 et ce, pour une longue période, les
États-Unis ont été considérés comme «
une usine mondiale » et « un centre de gravité
économique mondial », résultat de leur domination et de leur
leadership dans les industries manufacturières. Par la suite, au cours
des années 1970 et 1980, le Japon a, lui aussi, été
désigné par certains sous le terme d'« usine mondiale
», occupant une place importante dans plusieurs secteurs industriels sur
la scène internationale. Cependant, de la désignation de la
domination absolue anglaise à la description de l'essor chinois en
passant par la démonstration de la puissance des Américains et de
l'importance relative des Japonais, le terme d'« usine mondiale »
apparaît comme une notion très relative, très
imprécise et donc, non scientifique. Aussi, dans le contexte actuel de
la mondialisation où aucun pays ne peut se targuer d'être aussi
puissant que l'ont été l'Angleterre ou les États-Unis dans
leur temps, ainsi qu'en l'absence d'un ensemble de critères susceptibles
d'être universellement acceptés, ce terme ne peut servir
aujourd'hui que pour souligner l'importance relative d'un pays dans son
intégration au marché international et plus
particulièrement, pour signaler les bouleversements importants qui se
produisent dans le monde du fait du développement économique
rapide d'un pays. La croissance rapide des produits « made in China »
a grandement contribué au développement du commerce mondial et
ce, avec un taux de contribution actuel de 11%11. Pourtant, elle a
créé sur son chemin des bouleversements majeurs sur la structure
et l'ordre économique mondial et ce, aussi bien au niveau de l'emploi et
des prix des produits qu'au niveau de la dynamique de la compétition
internationale. Ainsi, bien que la Chine demeure encore davantage un atelier
d'assemblage mondial dans la nouvelle division internationale du travail, le
« facteur chinois » est aujourd'hui incontestablement devenu un des
éléments fondamentaux à considérer par tous dans le
développement et la compétition sur le marché
international.
3. DU « PRIX CHINOIS » A LA « VALEUR CHINOISE
», DEFIS DE LA « REMONTEE EN GAMME » POUR LA CHINE
La montée en flèche des produits « made in
China » sur le marché international n'est pas le résultat
d'un hasard. A bien des égards, la Chine est un pays, certes en voie de
développement, mais atypique, car elle possède en même
temps des avantages absolus en matière de coûts, des avantages
comparatifs en termes de productivité et même des avantages
compétitifs dans plusieurs segments du secteur technologique. En plus
d'un bassin de main d'oeuvre gigantesque, bon marché et de plus en plus
qualifié (sur l'ensemble des étudiants diplômés
chaque année en Chine, 1,2 à 1,35 millions sont des
ingénieurs), elle a su développer une productivité
manufacturière de plus en plus élevée. En fait, la
compétitivité des entreprises chinoises ne se limite plus
aujourd'hui uniquement au faible coût de la main d'oeuvre chinoise. Selon
une étude réalisée par McKinsey en 2004, dans plusieurs
branches manufacturières, la productivité chinoise est
déjà plus élevée que celle des pays
européens et elle est globalement bien supérieure à celle
des autres pays en développement. Douze minutes suffisent à un
11
ouvrier chinois pour fabriquer une chemise, alors qu'il faut 22
minutes pour un Indien et 30 minutes pour un Mexicain. Ainsi, un tissu
industriel de plus en plus complet et efficace pour faciliter les
activités économiques, un réservoir de capital humain
rural, peu qualifié mais enclin à travailler pour un salaire bas,
une domination de plus en plus forte des entreprises privées chinoises
dans les industries, une présence importante des firmes
étrangères, une monnaie sous- évaluée et
l'existence d'une infrastructure importante et relativement peu coûteuse
sont autant de facteurs qui ont contribué à l'ascension des
produits « made in China » sur le marché international.
Pourtant, il faut souligner le rôle particulier de l'autorité
chinoise dans ce développement. En 1978, le gouvernement chinois a
entamé une série de réformes économiques à
la suite, d'une part d'un changement « idéologique » du Parti
communiste chinois qui met désormais le développement
économique du pays au coeur de sa mission et, d'autre part, d'une
transformation du rôle de l'État chinois qui, d'État
producteur, programmeur et protecteur, est devenu avant tout un État
promoteur. L'autorité chinoise qui, après avoir accordé
tant d'attention aux mouvements politiques, considère désormais
que « seul un développement économique permettrait au Parti
Communiste de rester au pouvoir ». Selon l'autorité chinoise, ce
processus de réformes et la stabilité politique interne sont
intimement liés dans le pays. En effet, alors que la stabilité
politique assurée par le Parti Communiste chinois était une
condition sine qua non pour de telles réformes, le
succès de ces réformes et un réel développement
économique étaient les conditions pouvant assurer le maintien du
Parti Communiste chinois au pouvoir. Quoiqu'il en soit, depuis 1978, la
transformation de l'État s'est traduite par une importante mobilisation
des ressources afin de créer un environnement propice au
développement économique. Sous l'impulsion des gouvernements
chinois à différentes échelles, les exportations tout
comme les investissements ont constitué un moteur clé de la
croissance chinoise. L'obtention d'un taux de croissance élevé
est devenue une obsession pour bien des responsables chinois dont la
carrière politique en est souvent dépendante. Un
régimetotalitaire leur a donné une efficacité d'action
contre tous les obstacles à la croissance. Ainsi, pour soutenir les
exportations des produits « made in China », les autorités
chinoises ont multiplié les incitations fiscales, maintenu de
façon artificielle les bas coûts de capitaux et d'infrastructures,
subventionné le prix des ressources énergétiques,
adopté une attitude laxiste envers les activités polluantes, et
se sont contentées pendant longtemps de réglementations
très rudimentaires en matière de conditions sociales des
travailleurs chinois. Il est clair que la Chine possède aujourd'hui
plusieurs atouts incontestables pour continuer sa lancée sur le
marché international avec les produits « made in China ». La
véritable question est cependant de savoir si la Chine a vraiment
intérêt à poursuivre ce mode de développement
à tout prix et si elle pourra le réaliser sans heurts. Le
modèle de développement chinois est basé sur une forte
consommation d'inputs, ou entrants, avec des outputs, ou
produits finis et semi-finis, mais dont le succès sur les marchés
internationaux repose sur sa compétitivité en matière de
prix. De ce fait, l'usine ou l'atelier mondial que la Chine constitue n'est
jusqu'aujourd'hui pas tout à fait synonyme d'enrichissement réel
du pays. L'avantage absolu de la Chine réside, jusqu'ici, dans son
potentiel de main d'oeuvre bon marché, sans cesse renouvelé. Il
est par ailleurs à noter que la stratégie stérile de prix
bas suivie par les entreprises chinoises s'est faite dans bien des cas au
détriment des intérêts des ouvriers. C'est souvent la
réduction des salaires et la détérioration des conditions
de travail de ces derniers qui ont permis de réaliser une telle
compétitivité, car le niveau de bénéfices des
entreprises manufacturières chinoises est déjà
extrêmement bas (3 à 5% dans la plupart des cas). Selon les
statistiques officielles du gouvernement chinois, entre 1990 et 2005, le poids
de la masse salariale globale des travailleurs chinois par rapport au PNB a
été réduit de 53% à 41,4% et le rapport entre la
masse salariale des travailleurs des entreprises industrielles et le montant
global du profit de ces entreprises est passé de 2,4 à 0,43. Les
nombreux accidents qui se sont produits au cours de ces dernières
années dans le secteur minier chinois sont, à cet égard,
très illustratifs : avec seulement 35% de la production mondiale de
charbon, la Chine a enregistré 80% des accidents mortels. Par ailleurs,
le développement
12
des produits « made in China » est de plus en plus
confronté à des résistances et ce, malgré plusieurs
avantages que ces produits représentent (économie pour les
consommateurs, amélioration de la compétitivité de
certaines entreprises grâce à une délocalisation partielle
des activités vers la Chine, etc.) (Su, 2006). Pour soutenir sa
croissance et le développement de sa production, la Chine a
énormément besoin de ressources. Elle ne compte que 7% de la
terre cultivable mondiale, 6% de l'eau potable, 4% des forêts, 2% des
réserves pétrolières et 12% des réserves
minérales de la planète12. De pays exportateur de pétrole,
elle en est aujourd'hui devenue le second importateur (environ 50% de sa
consommation est importée). Depuis 2000, la Chine est responsable d'une
augmentation de 40% de la demande mondiale de pétrole et, en 2003, d'une
augmentation de 60% de la demande mondiale en métaux non ferreux. Avec
5% de la production manufacturière mondiale, la Chine a consommé
20% de la production mondiale d'aluminium, 35% de la production mondiale
d'acier et 45% de celle de ciment en 2004. Il en ressort aujourd'hui que la
Chine apparaît comme le principal responsable de la hausse des cours des
matières premières, et ceci n'est pas sans incidence, puisque, si
la Chine continue à croître à ce rythme, l'ensemble des
ressources mondiales ne suffira plus13. Jusqu'à maintenant, le charbon
reste la plus importante ressource énergétique de la Chine (75%).
Toutefois, ce type d'énergie, même s'il est peu cher, est
très polluant et les effets de la croissance chinoise sur son
environnement se font sentir. La volonté du gouvernement de
développer l'utilisation du pétrole et du gaz se heurte aux
coûts d'exploitation. De plus, le développement industriel, ne
s'intéressant que peu aux retours sur investissement mais plus aux
coûts, s'est fait au travers de gaspillages énormes. Pour
fabriquer un même produit, la Chine utilise 7 fois plus d'énergie
que le Japon et 5 fois plus que l'Europe. Les entreprises chinoises de
sidérurgie consomment 40% de ressources énergétiques de
plus ; le secteur de l'électricité, 50%. 10 000 yuans de PIB
réalisés coûtent à la Chine 5 fois plus d'eau et 3
fois plus d'énergie que pour les pays développés. Il en
résulte qu'aujourd'hui, en plus d'être le premier pays
émetteur de CO2 dans le monde, la Chine compte 20 des 30 villes les plus
polluées de la planète (Banque Mondiale, 2008). Le pays souffre
aussi d'une érosion des sols et d'un réel problème de
pollution globale : pollution atmosphérique, pollution des eaux, pluies
acides, etc. Selon le gouvernement chinois, en 2004, par exemple, la perte
économique directe causée par la pollution représentait
3,05% du PIB chinois et une somme équivalente à 8,6% du PIB
devrait être déboursée pour réparer les
dégâts écologiques. Au niveau de l'emploi, le
bouleversement suscité par l'ascension des produits « made in China
» est très brutal partout dans le monde et ce, aussi bien dans les
pays développés que dans les pays en développement. Ainsi,
depuis le milieu des années 1990, la Chine est devenue la principale
cible des mesures antidumping : 37 cas en 1994, 53 en 2001, 57 en 2005, 68 en
2006 et 62 en 2007. Entre 1995 et 2006, la Chine a totalisé 19% de
l'ensemble des cas d'antidumping initiés par les pays membres de
l'Organisation Mondiale du Commerce et ce, loin avant les autres pays
visés (voir le Tableau 4). Il est à noter, par ailleurs, que 65%
des cas ont été initiés par les pays en
développement.
Source : OMC Dans une telle situation, il apparaît
clairement que, même si les résultats liés au modèle
actuel de la croissance chinoise sont, à plusieurs égards,
extraordinaires, ce modèle de développement
13
ne semble pas soutenable. Néanmoins, il est
compréhensible qu'un pays en transition comme la Chine ait besoin d'une
forte croissance. En fait, tant et aussi longtemps que la croissance sera au
rendezvous, tous les problèmes et conflits internes resteront relatifs.
Cependant, l'obsession pour une croissance forte sur le marché
international à tout prix est indéniablement nuisible aux
intérêts de tous. La recherche d'une plus grande efficacité
économique, sociale, environnementale ainsi que d'un équilibre
dans les échanges commerciaux avec les autres pays du monde serait une
condition primordiale pour la Chine si elle souhaitait poursuivre son ascension
au sein de l'économie internationale. Une « remontée en
gamme » de la Chine dans la nouvelle division internationale du travail
s'impose : la Chine devrait désormais miser davantage sur le
développement de la « Valeur chinoise » (Cai et al., 2008) au
lieu de se concentrer uniquement sur le « Prix chinois » (Engardio et
al., 2004). Tout indique que ce passage ne pourra se faire sans heurts et que
de nombreuses conditions fondamentales s'imposent au préalable à
la Chine. Cependant, il serait très hasardeux de conclure à un
« effondrement prochain » de la Chine (Chang, 2001) ou à une
« crise imminente » dans ce pays (Shirk, 2007). En effet,
étant un pays en voie de développement et surtout un pays en
transition, ce dont la Chine ne manque pas aujourd'hui sont des «
problèmes ». Pourtant, le fort potentiel du marché
intérieur de la Chine, la grande compétitivité de
plusieurs de ses facteurs de production, le désir profond de mieux vivre
de la population chinoise et l'important pouvoir de mobilisation des ressources
de son gouvernement sont des éléments majeurs qui relativisent la
gravité de la situation. Pour anticiper l'évolution future de la
Chine, il faudrait être capable d'analyser la situation de ce pays non
seulement horizontalement, c'est-à-dire par rapport à la
situation des pays les plus performants dans le monde d'aujourd'hui, mais
aussi, et même surtout, verticalement, soit par rapport à son
passé récent - parcours réalisé depuis ces trente
dernières années. En fait, l'ouverture de la Chine et sa
participation à la nouvelle division internationale du travail ont connu
une évolution constante durant cette période. Globalement, quatre
périodes pourraient être identifiées, lesquelles sont : 1.
la période d'expérimentation (1978-1991), qui est
caractérisée essentiellement par l'ouverture des régions
côtières ; par l'introduction de capitaux internationaux provenant
principalement des Chinois d'outre-mer ; par le développement de la
sous-traitance internationale essentiellement dans les secteurs de biens de
consommation intensifs en main d'oeuvre. 2. la période
d'approfondissement (1992-2001), qui est marquée par le grand
élan de la réforme et de l'ouverture de la Chine que Deng
Xiaoping a donné en 1992, trois ans après
l'événement de la Place de Tian An Men : la plupart des
régions sont devenues ouvertes, le système du commerce
extérieur chinois a fait l'objet d'une réforme importante, les
capitaux occidentaux sont entrés massivement dans le pays, la structure
de l'exportation chinoise s'est significativement transformée en faveur
des produits de haute technologie, etc. 3. la période de l'essor des
produits « made in China » (2002-2006), qui a
bénéficié des effets de l'adhésion de la Chine
à l'OMC en décembre 2001. Plusieurs réformes majeures ont
été réalisées pour que la Chine s'adapte aux normes
internationales : les produits « made in China » ont pris une place
incontournable dans la structure de la nouvelle division internationale du
travail. Par ailleurs, la Chine a tenté d'amorcer une stratégie
de « remontée en gamme » en faveur de l'innovation et de
l'efficacité économique, sociale et environnementale ; des
mesures ont été prises pour encourager les entreprises chinoises
à investir dans les pays étrangers afin de contrôler
l'approvisionnement et la distribution mais également dans le but
d'acquérir certains savoirs et de nouvelles technologies. 4. la
période du rééquilibrage qui a débuté
officiellement en octobre 2007 lors de l'adoption de la résolution du
17e Congrès du Parti communiste chinois qui vise désormais un
développement « harmonieux » mais également un
développement « bon et rapide » plutôt que « rapide
et bon », tel qu'il l'était auparavant 17. Cette période est
notamment ponctuée par l'entrée en vigueur de plusieurs lois
importantes, telles que la Loi sur le contrat de travail, la Loi sur le
régime fiscal des entreprises en Chine, la Loi anti-monopole, la Loi sur
la création de l'emploi, etc. Celles-ci forcent les entreprises
exportatrices, chinoises comme étrangères, à
redéfinir leur positionnement dans la structure de la division
14
internationale du travail et à réaliser plus
d'innovations technologiques. Bien qu'il soit encore tôt pour
évaluer les impacts réels de la nouvelle stratégie de
développement adoptée par le gouvernement chinois, il semble que
la Chine possède quelques atouts pour poursuivre une «
remontée en gamme ». En fait, au cours de ces dernières
années, la Chine a multiplié ses efforts pour favoriser le
développement des innovations « indigènes ». Depuis
1995, elle est même devenue la championne en termes de croissance
annuelle des investissements en R&D (voir la Figure 5). Fruit de la
nouvelle politique d'incitation envers les entreprises étrangères
de haute technologie, plus de 1000 centres de R&D ont été
implantés en Chine par des multinationales occidentales. Selon certains
sondages, la Chine est aujourd'hui un des pays les plus attrayants en termes
d'installations en R&D (voir la Figure 6).
4. L'EXPANSION ECONOMIQUE DE 2007 A 2015
Cette expansion chinoise a suivi des étapes que nous
pouvons retrouver dans ce point ci-dessous :
4.1.Le développement « en vol d'oies sauvages
»
Cette théorisation du processus de développement
des pays émergents a été présentée par
15
l'économiste japonais Kaname Akamatsu dans les
années trente. Il met en évidence la dynamique du processus de
spécialisation internationale, que le Japon appliquera et qui
caractérise le mode de développement des premiers pays d'Asie
à décoller : Hong-Kong, Taïwan, la Corée du Sud.
Partant de l'observation de l'industrie textile, Akamatsu
décrit un processus dit « en vol d'oies sauvages »,
c'est-à-dire en vagues successives de vols groupés en forme de V
qui consiste dans la séquence suivante :
· exportation initiale de produits bruts contre importation
de produits finis ;
· montée en puissance de la production domestique,
acquisition de la technologie de production, amélioration des techniques
de production et élévation du niveau qualification de la main
d'oeuvre, substitution des importations ;
· développement des exportations, augmentation des
salaires ;
· montée en gamme dans les secteurs de production de
plus en plus sophistiqués alors que le pays dispose désormais
d'un avantage comparatif dans ces nouveaux domaines ;
· abandon progressif des anciens domaines de production
dont l'avantage comparatif se réduit au profit de nouveaux pays en cours
d'industrialisation (par exemple, abandon progressif du textile, puis de la
construction navale japonaise et passage à la production à plus
forte valeur ajoutée, telles que l'optique, l'électronique ou,
aujourd'hui, la robotique).
Ainsi la Chine a mené une politique économique
combinant ouverture aux investissements directs étrangers et abaissement
progressif des droits de douane. Ceci s'est traduit par une industrialisation
et une urbanisation rapides, notamment des zones côtières, faisant
passer la population urbaine à près de 50 % de la population
totale ; une accélération des échanges extérieurs
et une croissance et un enrichissement général importants. La
Chine applique clairement le principe de substitution des importations par la
maîtrise progressive de technologies initialement importées en
s'appuyant sur sa compétitivité-prix. Le secteur du textile a
été une fois de plus l'illustration la plus spectaculaire de ce
processus de développement.
Actuellement, le ferroviaire, ou même
l'aéronautique, est en passe de connaître le même processus
de montée en gamme et d'appropriation progressive par « transfert
» de la technologie dans un secteur considéré comme
souverain. De ce point de vue, il ne fait aucun doute aux acteurs
concernés que la Chine sera, d'ici dix à quinze ans, le 3e
producteur mondial d'avions aux côtés de Boeing et Airbus.
En revanche, le modèle chinois se distingue du
modèle d'Akamatsu quand on prend en compte tant la taille de son
marché domestique que ses impératifs
géostratégiques :
· la Chine a d'énormes besoins en énergie et
en matières premières. Cela va au-delà de
l'intégration dans le processus de division internationale du travail ;
· elle entend construire une industrie dite de «
souveraineté » - énergie, aéronautique,
défense - en étant présente sur toute la chaîne de
production et non dans une logique de spécialisation industrielle
clairement indentifiable ;
· la politique d'ouverture aux investissements
étrangers est ambiguë : limitée et contrainte par les
autorités (via notamment l'imposition de constitution des «
joint-ventures » pour pénétrer le marché
chinois), elle repose encore sur des « zones économiques
spéciales » uniquement sous contrôle
étranger et à destination de la
réexportation.
4.2. STRATEGIE DE PUISSANCE
16
Ce processus de développement a permis depuis le
début des années quatre-vingt une intégrations
accélérées de la Chine dans le commerce mondial. Dans
cette première phase on a assisté à une croissance
significative des ratios de mesure du commerce intra-branche. En revanche
depuis le début des années 2000 - et comme on le constate pour le
Japon ou la Corée on note, d'une part, une progression plus ralentie et,
d'autre part, un niveau d'ouverture qui reste largement inférieur aux
autres pays (voir le complément B). En cela, la Chine suit bien le
modèle asiatique de développement, qui s'oppose de manière
de plus en plus radicale au modèle à la française qui se
caractérise par une moindre spécialisation verticale et un fort
développement des échanges intra-branche.
? Cependant, le résumé courant caractérisant
la spécialisation internationale de la Chine - importatrice de
matières premières, exportatrice de produits à fort
contenu technologique - semble aussi largement biaisé du fait de la
structure de ce commerce qui est pour l'essentiel le fait d'entreprises
étrangères présentes sur le sol chinois. En
réalité, et selon l'OCDE, la contribution de la valeur
ajoutée chinoise dans les exportations de produits de l'informatique ne
serait que de 4 %(*). Ceci s'explique par le fait que la plupart des
entreprises de haute technologie en Chine ne sont en fait que des lignes
d'assemblage, le pays bénéficiant encore principalement de son
avantage comparatif en matière de coûts salariaux. Il faut donc
faire preuve d'une certaine prudence. Il y a des succès spectaculaires
(par exemple, dans le domaine de l'espace) mais la montée en gamme est
plus lente que ce que les chiffres laissent croire au premier abord. Le
processus de rattrapage technologique est en cours, la volonté de
progrès est claire mais il semble encore loin d'être abouti dans
les secteurs de pointe, ne serait-ce que parce que des facteurs de blocage
apparaissent aussi : la réforme agraire reste incomplète en Chine
- alors qu'elle fut réalisée dès 1946 au Japon, sous
l'impulsion américaine, par un partage généralisé
des terres. Le creusement des inégalités villes/campagnes est
devenu une préoccupation majeure de l'État. Depuis 2008, le plan
de réforme du secteur rural prévoit bien la possibilité
d'étendre le droit d'usage de la terre (elle appartient à
l'État et est concédée sous forme de bail pour une
durée de trente ans depuis la réforme de 1978), en permettant
notamment la location et la prise d'hypothèque. Le recensement entrepris
fin 2010 fait apparaître que la moitié de la population
réside encore en zone rurale - le niveau de productivité y est
encore très faible. L'extension urbaine s'est faite au prix de
l'accaparement des terres sans juste compensation ;
? le maintien du passeport intérieur (hukou) et la
difficulté consécutive de changer de résidence pour les
travailleurs migrants et leurs familles font peser le coût de
l'éducation et de la santé sur les zones rurales. La
réforme du hukou est perçue comme le moyen économique de
réduire les écarts de revenus entre ville et campagne - en
transférant le coût de l'éducation et de la santé
des migrants travailleurs temporaires des villes sur celles-ci et non comme
c'est le cas actuellement sur les campagnes (terre d'origine). Mais
l'État se heurte au problème de l'extension - déjà
rapide - des infrastructures urbaines pour faire face à cet afflux
migratoire accéléré. La solution choisie est d'amener la
ville à la campagne et notamment le développement du « grand
ouest » pour rapprocher les centres urbains des zones rurales les plus
défavorisées et accroître le potentiel de revenus annexes
pour les paysans. Mais, là encore, le dilemme politique est de taille,
car ces transferts d'activité risquent d'accélérer le
tarissement des flux de main d'oeuvre à bas coût vers les centres
exportateurs et de réduire trop brutalement pour les régions
côtières l'avantage compétitif dont elles disposent encore,
sans leur laisser le temps de changer de braquet technologique ;
? les SOE (State Owned Entreprises) se taillent encore
la part du lion de l'économie du pays (financements publics, prêts
bancaires, production).
Les entreprises nées des collectivités locales -
communes provinces (TVE, Town and Villages
17
Entreprises) - sont souvent nées d'initiatives
privées et ont été « récupérées
» par les collectivités locales. L'absence de protection et de
reconnaissance de l'initiative privée dans un cadre de droit
stabilisé réduit l'initiative privée. L'entreprise
privée proprement dite reste en fait plus marginale qu'on pourrait le
penser et peut rencontrer des difficultés importantes dans son
développement (accès au crédit plus difficile, secteurs
protégés et réservés aux SOE, concurrence d'autres
entités). La forte dépendance de la Chine vis-à-vis de ses
clients extérieurs et la difficulté de distinguer entre la
réalité du développement proprement endogène dans
le domaine industriel et celui qui s'appuie en fait sur le savoir-faire et la
technologie comme de l'infrastructure juridique des services extérieurs
(voir le rôle important de Hong-Kong), distingue la Chine de ses voisins
asiatiques et notamment du Japon ou de la Corée ;
? l'absence d'un système juridique stable et transparent,
réglant notamment les rapports publics/privés et
protégeant la validité des contrats, crée une grande
incertitude pour les investisseurs potentiels. N'importe qui peut être
exproprié à n'importe quel moment - l'expérience de Danone
est de ce point de vue la plus emblématique, mais des entreprises
nationales ont aussi
connu des sorts semblables ;
? les inégalités de revenu se creusent alors que le
coût de la vie augmente (nourriture, logement) bien plus rapidement que
les revenus moyens. La contagion des mouvements de revendications salariales
à la fin de l'année 2010 reflète ce malaise croissant. La
formation croissante des étudiants et l'exode rural d'une main d'oeuvre
encore sous-qualifiée mais plus exigeante en matière de salaires,
pourraient conduire à des problèmes d'ajustement de l'offre et de
la demande de travail. Si la hausse des salaires se justifie largement dans un
contexte de rattrapage économique nécessaire, elle peut faire
craindre une érosion trop rapide de la compétitivité-prix
qui jusqu'à présent fondait le développement industriel du
pays.
Au total, il est utile, en étudiant la dynamique de la
croissance chinoise, de faire référence aux
précédents asiatiques tels qu'ils ont été
résumés par le modèle d'Akamatsu. Mais si la Corée
a, par exemple, exactement dupliqué la stratégie japonaise,
portant ses entreprises comme Hyundaï au Samsung au niveau de Toyota ou
Sony, la stratégie de la Chine ne se réduit pas à cette
transposition. Les réalités politiques et géopolitiques en
font un modèle sui generis ; et c'est un modèle qui
change parce que les défis auxquels est confronté le pays se
modifient, à la fois en interne et à l'international. L'avenir de
la Chine ne se réduira pas à la duplication d'expériences
antérieures pas plus qu'à l'extrapolation de la dynamique que
l'on a observée jusqu'ici.
4.3 LA DOUBLE REORIENTATION DE LA CROISSANCE CHINOISE
Le développement économique de la Chine est en tout
cas spectaculaire. Son émergence comme puissance économique aura
d'immenses conséquences sur le reste du monde. Elles sont
discutées depuis des années aux États-Unis alors que la
prise de conscience est plus récente en Europe. Une seule chose est
sûre, nous n'en sommes qu'aux débuts. Mais le plus important,
c'est que la stratégie chinoise est en train de changer, c'est ce que
nous analysons maintenant.
La Chine a été sévèrement
frappée par la récession qui a suivi la faillite de Lehmann
Brothers en septembre 2008. Il n'y a pas eu découplage, l'effondrement
du commerce mondial (30 % entre le début de 2008 et le début de
2009) a frappé la Chine de plein fouet. Officiellement, et a
posteriori, la croissance a été ramenée à 8 %
; en réalité le choc a été bien plus violent : fin
2008, début 2009, on observe un recul de la production
d'électricité ou d'acier, de la consommation de pétrole,
un arrêt des
18
migrations des campagnes vers les villes et même un retour
des migrants vers les campagnes. Face à ces risques, le gouvernent
chinois a précocement mis en oeuvre un plan de relance de très
grande ampleur. Des mesures en faveur de la consommation des ménages et
des dépenses d'infrastructures massives (du gouvernement central et des
collectivités locales) ont été rapidement engagées
et financées non pas sur crédits budgétaires mais par une
très forte expansion du crédit bancaire (l'encours de
crédit a augmenté d'un tiers en 2009, voir le complément
A). La réponse de l'activité a été foudroyante dans
tous les domaines (construction et travaux publics, consommation des
ménages, investissements des entreprises...).
Résultat : la croissance est de l'ordre de 11 % en rythme
annuel au premier semestre de 2010, elle est encore proche de 10 % sur un an au
1er trimestre 2011 ;
Les perspectives à court terme pour l'économie
chinoise sont donc rassurantes, mais au-delà ? Les documents politiques
publiés durant les douze derniers mois, en particulier à
l'occasion de la réunion de l'Assemblée nationale populaire en
mars 2010 et celle de 2011, permettent de saisir la vision qu'ont les
autorités chinoises des défis et dilemmes auxquels elles font
face. La première caractéristique de ces discours et documents,
c'est, par rapport à un environnement international en crise, d'exprimer
un sentiment de fierté quant à la façon dont a
été menée la politique économique anticrise : les
actions qui ont été menées et leurs résultats sont
autant de justifications en faveur de l'organisation économique du pays
et de ses choix stratégiques. Mais, par ailleurs, ils établissent
un constat sans concession des résultats insuffisants atteints par
rapport aux objectifs stratégiques définis en 2004 qui
consistaient à « rééquilibrer la croissance
économique » en matière de demande intérieure,
d'innovation et d'environnement, en particulier. L'occident
célèbre fréquemment le succès du plan de relance de
2009 mais on ne trouve pas, à Pékin, d'autosatisfaction
excessive, on y voit plutôt la perception d'un environnement
économique désormais plus complexe et plus incertain que la Chine
aborde avec des marges de manoeuvre réduites. Les objectifs
stratégiques poursuivis en matière économique par
Pékin sont au nombre de deux, la stabilité sociale et le
rattrapage technologique.
L'idée première, c'est naturellement de trouver de
nouveaux moteurs de croissance au sein d'une stratégie inchangée
puisqu'elle a fait ses preuves !
Le mode de croissance traditionnel conserve des partisans
très influents : il faut évidemment compter avec le poids des
lobbies exportateurs, celui des industriels, celui des régions
côtières. Mais il ne s'agit évidemment pas de laisser les
choses aller simplement sur leur lancée : la Chine n'a aucunement
l'intention de voir sa place dans la division internationale du travail
définie en tout et pour tout par de bas coûts de main d'oeuvre. Le
modèle « en vol d'oies sauvages » est une vraie
stratégie parce qu'il incorpore un principe de changement permanent,
l'évolution vers des productions à plus forte valeur
ajoutée, la montée en gamme.
Cette idée correspond manifestement à l'ambition
que peut nourrir le pays, elle a clairement le vent en poupe. Il faut donc
s'attendre en Occident, très vite, à cette concurrence nouvelle
sur les productions que l'on considérait encore, il y a peu de temps,
comme l'expression d'avantages comparatifs solidement établis. C'est
terminé : comme le Japon et comme la Corée avant elle, la Chine
s'apprête à rivaliser avec les pays plus avancés sur les
productions à plus haute technologie : trains à grande vitesse,
matériel de télécommunications, lanceurs de satellites et,
dans un futur peut-être pas très éloigné,
l'aéronautique, le nucléaire...
L'enjeu est de taille et présente pour la Chine
elle-même de nombreux défis. Car le poids de l'industrie en Chine
est extrêmement élevé, ce qui a de nombreuses
conséquences défavorables : caractère très cyclique
de l'économie, consommation excessive de matières
premières, problèmes d'environnement. Mais le poids
élevé de l'industrie est aussi la conséquence des biais
des politiques économiques menées en Chine :
19
+ coût du travail (salaires) trop bas, ce qui dope la
compétitivité de l'industrie ;
+ subventionnement des prix de l'énergie ;
+ allocation du crédit vers les grandes entreprises ;
+ absence de pénalisation des coûts environnementaux
;
+ taux d'intérêt trop bas, ce qui subventionne les
secteurs capitalistiques.
On voit cependant les débuts en Chine des politiques
économiques visant à corriger ces biais :
hausse plus rapide des salaires, réduction des subventions
à l'énergie et objectif de réduction
de l'intensité énergétique, efforts pour
canaliser davantage de crédit vers les petites
entreprises privées. Le régime de change implique
cependant le maintien de taux d'intérêt très
bas par rapport au taux de croissance.
Les conséquences négatives de cette hypertrophie de
l'industrie sont connues :
+ variabilité excessive de l'économie chinoise,
puisque l'activité industrielle est
structurellement plus cyclique (cf. graphique 46) que
l'activité des services ;
+ consommation excessive de matières premières;
+ pollution (eau, air...).
L'hypertrophie de l'industrie chinoise est endogène, elle
est liée à divers biais de politique
économique :
+ les salaires sont trop bas par rapport à la
productivité (la part des salaires dans le PIB est
extrêmement faible, cf. graphique 50), ce qui
accroît la compétitivité-prix de l'industrie et lui
permet de gagner rapidement des parts de marché.
Il est clair que la remontée de la part des revenus des
ménages dans le PIB vers un niveau
normal (60 à 70 %) aurait comme effet une perte de parts
de marché de la Chine.
La Chine, les États-Unis et l'Allemagne sont les trois
principaux importateurs et exportateurs de marchandises.
- En 2013, la Chine est devenue le premier importateur et
exportateur mondial de marchandises, ses importations et ses exportations
s'élevant au total à 4 159 milliards de dollars EU. Elle a
enregistré un excédent commercial de 259 milliards de dollars EU,
soit 2,8% de son PIB.
- Les États-Unis viennent en deuxième position,
avec des importations et des exportations d'un montant total de 3 909 milliards
de dollars EU en 2013. Leur déficit commercial a été de
750 milliards de dollars EU (4,5% du PIB).
- L'Allemagne occupe la troisième place, avec un
excédent commercial de 264 milliards de dollars EU en 2013, soit 7,3% de
son PIB.
- Le Japon arrive en quatrième position, avec un commerce
de marchandises de 1 548 milliards de dollars EU en 2013. Il a
enregistré un déficit commercial de 118 milliards de dollars EU,
soit 2,4% de son PIB.
20
Augmentation de la part du matériel de bureau et de
télécommunication dans les exportations
mondiales
- Les exportations mondiales de matériel de bureau et de
télécommunication ont augmenté de 4% en 2013. Leur part
dans les exportations mondiales totales a légèrement
progressé, à 9,6% en 2013 contre 9.3% l'année
précédente. Six des dix principaux exportateurs ont
enregistré une augmentation en 2013, allant de 14% (Corée,
Rép. de) à 0,5% (Etats-Unis). Quatre exportateurs ont
enregistré des taux négatifs: Japon (-15%) ;
- Taipei chinois (-3%), Union européenne (-2%) et Mexique
(-1%).
- La part de la Chine dans les exportations mondiales de
matériel de télécommunication est passée à
38% en 2013, contre 36% en 2012. Celle de l'UE a reculé, de 26% à
25% pendant la même période.
21
Il est clair qu'étant donné la particularité
du système politique et économique chinois, les investissements
en R&D ne garantissent pas, à eux seuls, le succès de la
Chine dans la poursuite de sa stratégie de la « remontée en
gamme ». Pour atteindre l'objectif d'être parmi les 20 premiers pays
innovateurs en 2020, la Chine devrait restaurer son système de
gouvernance corporative, réformer son système d'éducation,
améliorer la protection de la propriété intellectuelle,
développer l'esprit entrepreneurial orienté vers la technologie,
faciliter le transfert des connaissances et technologies avancées des
multinationales occidentales vers les entreprises chinoises. De même, la
Chine devrait accélérer le développement d'un
système de marché juste et efficace et accorder plus d'espace
à l'expression et à la créativité des individus.
Sur le marché international, la Chine devrait assumer plus de
responsabilités en tant que grand joueur afin de favoriser une division
internationale du travail « gagnant-gagnant ». Par ailleurs, si en
1978, la Chine n'avait pas d'autre choix que de se lancer dans l'exploitation
de ses avantages comparatifs en termes de coûts et de ressources pour
conquérir le marché international, le temps est venu pour elle
d'intégrer les ressources internationales pour développer son
marché intérieur. Voici autant de défis qui conditionnent
l'avenir de l'économie chinoise.
22
II. CONCLUSION
La Chine est aujourd'hui un pays dont l'économie et
l'importance ne peuvent être ignorées. Le développement
rapide de la Chine a créé une situation inédite dans le
monde et défie quasiment tous les modèles et théories de
développement existants. La montée en puissance des produits
« made in China » a été pendant longtemps très
bénéfique pour le développement de la Chine et
s'étend sur le plan économique que politique. Cependant, les
changements en cours dans le commerce extérieur chinois sont
dictés par le nouvel environnement international, où la demande
mondiale se recentre vers les pays en développement, mais aussi par les
transformations internes de la Chine et l'évolution de son modèle
de développement.
L'augmentation des coûts salariaux depuis le milieu des
années 2000 est une tendance durable liée à
l'évolution démographique et à la politique
gouvernementale en faveur d'un régime de croissance axé sur
l'augmentation de la demande intérieure (relèvement des salaires
minima et généralisation de la couverture sociale des
travailleurs).
L'analyse des quatre composantes du commerce extérieur
chinois met en évidence quelques tendances significatives du changement
de modèle. Les échanges de processing ralentissent et se
dégagent du bas de gamme technologique ; les échanges des
entreprises à capitaux étrangers révèlent leur
intégration accrue dans le tissu économique et productif chinois
; les entreprises privées chinoises émergent comme des acteurs
puissants, même si elles accusent encore en moyenne un retard
technologique.
Dans ce contexte, les thèmes des discussions commerciales
entre la Chine et ses grands partenaires se déplacent de la politique de
change et de la concurrence des exportations chinoises, vers les questions de
règlementation de la concurrence sur le marché intérieur
et les conditions d'accès des entreprises étrangères
à ce marché
Les effets négatifs retentissants de la stratégie
de développement des produits « made in China » adoptée
depuis 1978 deviennent aujourd'hui, dans une certaine mesure, un frein au
développement de la Chine et même à celui de plusieurs
autres pays. À cet égard, les problèmes que la Chine
rencontre aujourd'hui sont d'ordre économique, social, environnemental,
et, en réalité, également politique. Depuis 2007, le
gouvernement chinois a adopté une nouvelle stratégie
économique qui vise un développement plus efficace, plus social
et plus écologique. Bien qu'il soit encore tôt pour évaluer
les impacts réels, elle semble amorcer une nouvelle phase du
développement chinois.
Ainsi, en 2013, la Chine est devenue la première puissance
commerciale du monde. La progression des échanges extérieurs du
pays continue à être plus rapide que celle du commerce
international, mais ses ressorts sont différents de ceux qui
prévalaient avant la crise globale. La participation de
l'économie chinoise aux chaînes mondiales de production, à
travers les activités de processing, n'est plus le moteur principal de
ses performances commerciales. Le nouveau moteur des échanges
réside dans le commerce ordinaire émanant d'une offre
fondée principalement sur les intrants locaux, et d'une demande
intérieure chinoise.
En 2014, la Chine est la deuxième puissance
économique mondiale. Elle est également l'un des cinq membres
permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, le premier
exportateur mondial et elle dispose de l'arme nucléaire, de la plus
grande armée du monde et du deuxième plus grand budget militaire.
Gouvernée par le Parti communiste chinois, la Chine a adopté une
« économie socialiste de marché » où capitalisme
et contrôle politique autoritaire se côtoient en une formule
spécifique.
23
III. BIBLIOGRAPHIE
1. Françoise Lemoine & Deniz Ünal, «
Mutation du commerce chinois » CEPII, PARIS, 2015
2. Organisation Mondiale de Commerce, « Statistiques
du commerce international 2014 » 154, rue de Lausanne CH 1211
Genève 21 Suisse, 2014 ;
3. « Calendrier des programmes de commerce
international Avril 2015 à mars 2016 » Ontario, 2015 ;
4. Patrick Artus, Jacques Mistral et Valérie
Plagnol, « L'émergence de la Chine : impact
économique et implications de politique économique »
Paris, 2011 ;
5. Jacques el Alami, « HISTOIRE TERMES »2016
;
6. Organisation Mondiale de Commerce, « Statistiques
du commerce international 2015 » 154, rue de Lausanne CH 1211
Genève 21 Suisse, 2014 ;
7. ZHAN SU « participation de la chine a la nouvelle
division internationale du travail : défis et perspectives »
volume 67, no. 1, Suisse, 2009 ;
IV. Table de matière
I. INTRODUCTION 1
1. DE L'HISTOIRE POLITICO-ECONOMIQUE DE LA CHINE POPULAIRE.
2
2. LES PRODUITS « MADE IN CHINA », RESULTATS DE LA
NOUVELLE DIVISION INTERNATIONALE DU
TRAVAIL 4
3. DU « PRIX CHINOIS » A LA « VALEUR CHINOISE
», DEFIS DE LA « REMONTEE EN GAMME » POUR
LA CHINE 10
4. L'EXPANSION ECONOMIQUE DE 2007 A 2015 14
4.1. Le développement « en vol d'oies sauvages »
14
4.2. STRATEGIE DE PUISSANCE 15
4.3 LA DOUBLE REORIENTATION DE LA CROISSANCE CHINOISE 17
II. CONCLUSION 22
III. BIBLIOGRAPHIE 23
IV. Table de matière 23
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