MINISTERE DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE BURKINA
FASO
DE LA DECENTRALISATION ET DE LA SECURITE
Unité-Progrès-Justice
SECRETARIAT GENERAL
DIRECTION GENERALE DES ECOLES DE POLICE
DIRECTION DE L'ECOLE NATIONALE DE POLICE
La répression du grand banditisme au Burkina Faso : bilan
et perspectives
Présenté et soutenu publiquement le 12 mai 2015
par Marcel KAFANDO Pour l'obtention du
Diplôme de Commissaire de Police Mention : très
bien
Jury :
Blaise BAZIE, procureur du Faso (Fada N'gourma);
président de jury
Bibata NEBIE/OURDRAOGO,
magistrat ; Directrice de mémoire
Simon SOUBEIGA, Directeur des Unités
d'Interventions ; membre
Elvis OUATARA, DRPN-Centre-Nord ; membre
2013-2015
A
|
Mes parents
|
KAFANDO T. Ambroise et
|
NACOULMA P. Pauline
|
Et
|
A Mes amis
|
TIEMTORE Mahamadi,
|
OUEDRAOGO Pierre et
|
BIRBA Salmon,
|
Dont je suis pour toute ma vie l'ami fidèle !
|
II
III
REMERCIEMENTS
J'exprime ma profonde gratitude :
V' Au personnel de l'ENP pour son
dévouement et son abnégation au
travail pour nous donner une formation professionnelle de
qualité ; V' A ma Directrice de mémoire pour
l'accompagnement tout au long
de cette rédaction ;
V' A mes camarades de classe pour la chaleur
humaine que nous avons partagée durant ces deux années de
formation ;
V' A monsieur KAFANDO Adama, magistrat au
Ministère de la Justice, pour l'encadrement technique et les conseils
prodigués dans la réalisation du présent travail ;
V' Au procureur du Faso, monsieur Désiré
SAWADOGO dont la rencontre a été très
déterminante dans la réalisation de ce document ;
V' A mes frères et soeurs KAFANDO Pascaline,
KAFANDO
Bernadette et KAFANDO Paul,
pour leurs soutiens moral et financier au cours de ma formation ;
V' A la grande famille du Centre
International d'Evangélisation et
à Maman Suzane de Saria pour leurs enseignements qui
m'ont permis de vaincre de nombreuses adversités de la vie afin
d'atteindre ce niveau aujourd'hui ;
V' A mon ami et frère SOMA Ismaël
qui m'a guidé dans le choix de cette carrière ;
V' A mes amies Flore COMPAORE et Cécile KOUDA
pour leurs assistances, leurs soutiens divers tout au long de ma
formation;
V' A la famille ZOUNGRANA pour son soutien moral
et multidimensionnel m'ayant permis d'atteindre cet objectif ;
V' A Lucien BATCHO, Corinne W. OUEDRAOGO, Alexis NAGALO,
Osée OUEDRAOGO et tous ceux qui m'ont accompagné dans la
rédaction de ce document ;
V' A tous mes amis dont les noms n'ont pu être
cités, ceux qui m'ont tendu la perche quand je touchais le fond.
Puissent-ils trouver dans la présente page
l'expression de ma profonde gratitude !
IV
Sigles, abréviations et acronymes
§ : Paragraphe
AG-ONU : Assemblée
Générale de l'Organisation des
Nations Unies
AK47 : Automate de Kalachnikov, 1947
ALPC : Armes Légères de Protection Civile
AN : Assemblée Nationale
Art : Article
BAC : Brigade Anti criminalité
BF : Burkina Faso
BNSP : Brigade Nationale des Sapeurs-pompiers
CADHP : Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples
CEDEAO : Communauté Economique Des Etats de l'Afrique
de l'Ouest
CLS : Comité Local de Sécurité
CMAS : Compagnie Militaire d'Appui à la
Sécurité
CP : Code Pénal
CPP : code de procédure pénale
CRS : Compagnie Républicaine de
Sécurité
DIDH : Droit International des Droits de l'Homme
Dir : Direction
DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
ENP : Ecole Nationale de Police
FAN : Forces Armées Nationales
GAV : Garde à vue
GN : Gendarmerie Nationale
GSP : Garde de Sécurité Pénitentiaire
H : Hypothèse
ILS : Initiative Locale de Sécurité
: plus bas
Infra
LRAC : Lance-roquette Anti Char
Op.cit. : Opere Citato (déjà
cité)
OPJ : Officier de Police Judiciaire
P (p) : page
PG : Procureur Général
PIDCP : Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques
PIDESC : Pacte International relatif aux Droits Economiques
Sociaux et Culturels
PJ : Police Judiciaire
PN : Police Nationale
RSP : Régiment de Sécurité
Présidentielle
Supra : plus haut
TDH : Terre Des Hommes
UA : Union Africaine
UIP-PN : Unité d'Intervention Polyvalente de la Police
Nationale
V
SOMMAIRE
INTRODUCTION 1
PARTIE I : BILAN DE LA LUTTE CONTRE LE GRAND BANDITISME
AU BURKINA
FASO : DE 2009 A NOS JOURS 4
CHAPITRE I : Bilan de la lutte contre le grand banditisme au
plan de la prévention 5
Section I : Bilan normatif de la lutte contre le grand
banditisme 5
Section II : Bilan de la prévention au plan
institutionnel 12
CHAPITRE II : Bilan de la répression du grand
banditisme au Burkina Faso. 20
Section I : Le rôle des acteurs judiciaires dans la
répression du grand banditisme 20
Section II : L'impact de la répression sur le grand
banditisme. 28
PARTIE II : ANALYSE ET PERSPECTIVES DU SYSTEME DE
REPRESSION DU
GRAND BANDITISME 35
CHAPITRE I : Evaluation du système de répression
du grand banditisme 36
Section I : Les forces de la politique de répression du
grand banditisme 36
Section II : Les faiblesses de la politique de
répression du grand banditisme 43
CHAPITRE II : Perspectives pour une meilleure
répression du grand banditisme 50
Section I : Suggestions pour un renforcement du système
de répression actuel 50
Section II : Pour une innovation dans l'approche du
phénomène de grand banditisme 57
CONCLUSION 66
Bibliographie 68
TABLE DES MATIERES 70
1
INTRODUCTION
Six Décembre 2010. Monsieur Dénis quitte la
capitale. Il venait de rendre visite à ses enfants restés dans la
cour familiale pour des raisons d'étude. Il rejoint sa femme au
centre-sud à deux centaines de kilomètres. Il est 5 heures du
soir quand le car démarra. A bord, une soixantaine de passagers
composés essentiellement de commerçants en partance pour le
Ghana.
Après deux heures de route, aux environs de 08
heures du soir, et à l'entrée du parc d'Arly, alors que
Dénis et bien d'autres passagers se laissaient aller à
l'assoupissement, ils furent violemment extirpés de leurs torpeurs par
des tirs de sommation d'un gang lourdement armé qui essayait de stopper
le convoi. Le chauffeur ayant pris conscience du danger se mit à faire
marche-arrière en toute vitesse. Mais sitôt, une balle le faucha
mortellement avant de frôler l'oreille de Dénis alors
plaqué contre la paroi du véhicule. Perforé au
côté droit, gisant dans le sang et gémissant jusqu'à
l'aube, le chauffeur rendit l'âme après une lente agonie.
Dénis fut témoin de cette mort effroyable et des coups
portés à tous les passagers, desquels les fortunes furent
littéralement confisquées jusqu'aux centimes. L'opération
dura jusqu'au matin sans aucune intervention.1
Ce fait loin d'être isolé et propre au Burkina
Faso est omniprésent dans toutes les sociétés du monde
entier. Sous diverses qualifications, la criminalité reste un
défi majeur de la communauté internationale. Elle
représente aujourd'hui la menace non militaire la plus importante contre
la sécurité et la stabilité économique nationale et
internationale. Difficile à chiffrer, le produit global de la
criminalité organisée serait de l'ordre de mille milliards
d'euros annuels2. De nombreux instruments juridiques et de plans de
coopérations ont été adoptés à
l'échelle internationale pour, sinon conjurer le
phénomène, au moins, le contenir dans des proportions
acceptables. En effet, s'il faut convenir avec Emile DURKHEIM que « le
crime est un phénomène normal de société
»3, il faut admettre néanmoins que toute
société humaine, quelle qu'elle soit, a intérêt
à maîtriser sa criminalité et à la contenir dans des
limites acceptables. Nulle communauté humaine ne peut prospérer
dans la délinquance. C'est pourquoi une
1 Enquêtes personnelles : Témoignage
de Dénis, pasteur installé au centre-sud.
2 La France et la lutte contre la
criminalité organisée : criminalité
organisée-France-diplomatie-Ministère des affaires
étrangères et du développement international/ Mai
2013.
3 Émile Durkheim, «Le crime,
phénomène normal» (1894). [Source: Les
règles de la méthode sociologique (1894), Paris, P.U.F., 14e
édition, 1960, pp. 65-72].
2
politique criminelle adaptée à la
criminalité du moment est une nécessité constante dans
tout type de société.
Au Burkina Faso, un aspect particulier de criminalité
organisée sous le vocable d' « acte de grand banditisme » mine
notre économie, perturbe la quiétude de nos populations et
hypothèque l'avenir de notre nation. Il est en passe de devenir l'enjeu
majeur des politiques de sécurité. C'est dans cette perspective,
et conscient de l'impact du phénomène sur les fortes aspirations
du peuple à la sécurité sociale et à la
prospérité économique que les tenants du pouvoir
décisionnel ont pris à bras-le-corps la question et
l'ont posé sur la table des priorités. Ainsi, il a
été mis en place depuis peu une politique de répression
qui se veut sévère, pour répondre aux exigences de
sécurité du moment. Elle a consisté d'une part à
l'adoption d'une loi créant une infraction nouvelle4 avec une
procédure pénale particulière :la loi 017/AN du
05 Mai 2009 portant répression du grand banditisme qui constitue le
texte de base de la répression ; d'autre part, au renforcement des
moyens d'action dans les rangs des organes chargés de la
prévention et de la répression, au redéploiement du
personnel des officiers de police judiciaire, à la constitution de
nouvelles unités d'intervention rapides telles que la Brigade Anti
Criminalité (B.A.C.) et l'Unité Intervention Polyvalente de la
Police Nationale (U.I.P.-PN). Au sein des forces armées nationales,
d'autres unités telles que les unités mobiles de la gendarmerie
nationale ont été créées pour contribuer à
la lutte contre le grand banditisme. Mais en dépit de ce dispositif,
l'insécurité demeure une préoccupation. Et ce constat
appelle les interrogations suivantes :
La politique de répression actuelle en matière
de grand banditisme répond-t-elle aux attentes de la population en
matière de sécurité ? Il s'agit ici de juger de
l'efficacité du système de répression mis en place et de
juger de la nature des moyens employés dans la lutte contre le grand
banditisme. Cette question principale soulève d'autres
inquiétudes: les droits de la personne sont-ils suffisamment
protégés dans la politique de répression ? Quelles
perspectives sont envisageables en vue de concilier au mieux les besoins de
sécurité des peuples et les libertés fondamentales des
individus5? Quelles sont les correctifs qui pourraient
réaliser le meilleur équilibre entre les nécessités
de la répression et la protection des libertés individuelles?
Autant de questions à examiner dans la présente
réflexion.
4 L'avis des spécialistes et praticiens du
droit est mitigé là-dessus. D'aucuns pensent qu'il ne s'agit pas
d'une nouvelle incrimination et d'autres pensent que c'est le cas en se
référant à l'article 3 du texte de loi.
5 Nous ferons fi des éventuelles nuances qui
pourraient exister entre « droits de l'Homme », « droits
humains» « libertés individuelles » et «
libertés fondamentales », pour les considérer comme
étant rigoureusement identiques. Nous les emploierons
indifféremment pour désigner « les prérogatives
inhérentes à tout être humain » de sexe féminin
ou masculin.
3
Mesure-t-on suffisamment l'importance d'une telle
réflexion ? Le bilan donne une idée précise du niveau
réel de criminalité relative aux actes de grand banditisme et
permettra non seulement de juger de l'opportunité de redéployer
les stratégies et les moyens d'interventions, mais aussi de rectifier
certaines actions au regard de l'évolution du droit. La lutte contre le
grand banditisme remonte bien loin dans le temps. Mais la présente
réflexion porte sur la criminalité bien définie par la loi
017/AN du 05 Mai 2009 portant répression du grand banditisme. Elle se
limite au bilan de la lutte engagée sous cette loi. Néanmoins, la
répression du grand banditisme se faisant dans le cadre d'une
procédure soucieuse des libertés individuelles, il sera fait un
état des lieux en matière de respect de ces libertés.
La présente étude se subdivise en deux parties
essentielles.
La première présente le bilan de la lutte contre
le grand banditisme et se décline en deux chapitres dont le premier
aborde le cadre juridique de la lutte tandis que le deuxième traite de
l'organisation de la répression.
La deuxième partie qui se veut concrète comporte
aussi deux chapitres dont le premier fait une évaluation du
système de répression et le second fait des suggestions pour une
répression plus efficace.
4
PARTIE I : BILAN DE LA LUTTE CONTRE LE GRAND BANDITISME
AU BURKINA FASO : DE 2009 A NOS JOURS
Le problème de la criminalité vient de loin.
Depuis son accession à l'indépendance, le Burkina Faso a
été très vite confronté, à l'instar des
autres pays démocratiques, à des problèmes de
sécurité de type moderne. Outre les défis de
développement et de construction démocratique, il doit faire face
à de nouvelles formes de criminalité. Aussi, s'est-il très
vite doté d'instruments juridiques et d'institutions de type
démocratique pour lutter contre ce fléau. Mais en dépit
des efforts inlassables des politiques sur la question, la
sécurité est demeurée une préoccupation de premier
plan pour nos populations. En effet, les atteintes à la
propriété par voie de violence sont devenues monnaie courante
dans les cités et les campagnes. En particulier, les attaques à
mains armées font la une des journaux et leurs impacts
socio-économiques ne sont plus à peindre. Longtemps
réprimées sous la qualification de vols aggravés, les
attaques à mains armées connurent un tel essor qu'il obligea les
décideurs politiques à adopter une loi hautement
répressive pour, sinon anéantir le fléau, du moins le
contenir dans des proportions acceptables. Bien accueillie par les acteurs de
la lutte et une bonne marge de la population, cette politique de
répression est depuis lors en procès dans les instances des
défenseurs des droits de l'Homme. Aujourd'hui, à l'aune de cette
politique et des critiques dont elle fait l'objet, quel bilan peut-on faire de
la lutte contre le grand banditisme ? La réponse à cette question
se formule autour des deux axes principaux de la lutte que sont la
prévention et la répression.
5
CHAPITRE I : BILAN DE LA LUTTE CONTRE LE GRAND
BANDITISME AU PLAN DE LA PREVENTION.
Si la criminalité est un phénomène
congénital à la société, les tentatives politiques
pour la conjurer ne datent pas non plus de maintenant. La lutte contre la
criminalité a de tout temps été le souci permanant des
politiques qui ne peuvent gagner la confiance de leurs peuples qu'en leur
garantissant la sécurité. Les autorités burkinabè
n'ignorent pas cette vérité. C'est pourquoi, des initiatives sont
constamment prises pour contenir la criminalité. Aussi, loin de se
limiter à poursuivre la répression des auteurs d'infractions,
beaucoup d'actions ont été posées visant à
prévenir l'insécurité. La prévention est l'ensemble
des mesures politiques et sociales prises pour parer au crime. Il s'agit
d'actions législatives et institutionnelles qui visent à
empêcher la réalisation de l'infraction en s'attaquant aux causes
et aux facteurs de la criminalité. Au Burkina Faso, l'exécution
des mesures préventives mobilise de nombreux corps constitués
(section 2) ; mais elle se fonde avant tout sur la
connaissance des textes qui l'organisent (section 1).
Section I : Bilan normatif de la lutte contre le grand
banditisme
De nombreux instruments juridiques organisent la lutte contre
la criminalité au Burkina Faso. Ils sont le résultat d'une longue
tradition juridique héritée de la colonisation et enrichie, au
cours de la période postindépendance de pratiques de
souveraineté de l'Etat. Ces instruments dictent les grandes lignes de la
politique de l'Etat en matière de sécurité. Il s'agira
donc dans cette rubrique de faire le bilan des conventions internationales
adoptées par le Burkina Faso dans le domaine de la
sécurité (§1) et l'ensemble de la
législation interne applicable au grand banditisme
(§2).
Paragraphe I : L'encadrement juridique de sources
supranationales
La problématique de la lutte contre
l'insécurité est celle de la dualité apparente entre la
nécessité de construire une société de paix et de
quiétude et celle d'assurer à l'individu la protection des droits
inaliénables à tout être humain6. C'est pourquoi
les engagements internationaux auxquels
6 « Nous nous heurtons donc à une
contradiction: la sécurité de la personne est une valeur sociale
absolue, et la garantie de cette sécurité exige
l'élimination de la criminalité. Les droits de l'Homme reposent
sur le concept de sécurité de la personne, mais les mesures
prises pour combattre la criminalité peuvent menacer les droits de
l'Homme »La grande criminalité et les exigences du
respect des droits de l'Homme dans les démocraties
6
a souscrit le Burkina Faso comportent cette dichotomie
juridique de répression de la criminalité (A) et de protection de
libertés individuelles (B).
A. Les instruments juridiques internationaux de lutte
contre la criminalité Ces instruments juridiques sont
très nombreux et variés. Mais ils peuvent être
rangés en deux catégories : d'une part, les textes internationaux
qui se rapportent aux incriminations (1) et d'autre part les
conventions initiant des plans de coopération judiciaire et
policière (2).
1. Les textes d'incrimination transnationale
Dans sa politique de prévention de la
criminalité, le Burkina Faso est partie à des conventions qui
incriminent des faits, organisent et soutiennent la répression. Nombre
de ces textes s'appliquent à la criminalité organisée
telles que le terrorisme, la traite des êtres humains, le trafic de
stupéfiant, le blanchiment d'argent, etc. Le Burkina Faso est signataire
de plus d'une douzaine7 de conventions afférentes à la
criminalité transnationale, au titre desquelles on peut citer :
y' La Convention du 10 mars 1988 pour la répression
d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes
situées sur le plateau de 1988 ;
y' Convention sur le marquage des explosifs plastiques et en
feuilles aux fins de détection de 1997 ratifiée le 07 juillet
2004 ;
y' Convention internationale pour la répression des
attentats terroristes à l'explosif de 1997 ratifiée le
1er octobre 2003.
L'incrimination courante en droit international est connue
sous le nom de crime organisé qui est une qualification recouvrant
plusieurs situations infractionnelles :
- l'acte individuel accompli avec
préméditation, guet-apens ou tout moyen susceptible de procurer
le résultat escompté ;
- le "crime professionnel"
c'est-à-dire préparé et exécuté par
plusieurs individus, le plus souvent regroupés en bande et qui vivent en
marge de la société grâce aux profits tirés de leurs
activités criminelles ;
européennes, Actes du
Séminaire organisé par le Secrétariat
Général du Conseil de l'Europe en collaboration avec l'Inter
center de Messine (Italie), Taormina, 14-16 novembre 1996, p. 31
7 TARBANGDO Gérard, séminaire
sous régional de haut niveau sur la criminalité transnationale du
12 au 14 décembre 2013 à Bamako au Mali, communication du BURKINA
FASO.
7
- le "crime syndiqué"
c'est-à-dire l'association permanente de malfaiteurs parvenue
à un tel degré d'organisation qu'elle détient le monopole
d'un secteur de la criminalité sur un territoire
déterminé8.
Le droit burkinabè ne définit pas explicitement
la notion de "crime organisé". Toutefois, le code
pénal définit la circonstance de "bande organisée"
comme tout groupement formé ou toute entente établie en
vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs
faits matériels, d'une ou plusieurs infractions. Cette circonstance a
pour conséquence d'aggraver les peines encourues.
Le droit international ne connait pas la
spécificité des actes de grand banditisme. Mais sa
définition du crime organisé comme actes « commis à
plusieurs avec une hiérarchie au sein du groupe et souvent à
caractère international, générateurs de profits
considérables et ébranlant nos sociétés
»9couvre les actes de grand banditisme tels que définis
en droit interne.
A ces conventions d'incriminations s'ajoutent des
traités de coopération.
2. La coopération policière et judiciaire
Dans un pays à frontières multiples comme le
Burkina Faso, la sécurité ne peut être assurée sans
un minimum de coopération et de collaboration
transfrontalière.
Au plan régional, la Communauté Economique des
Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) dispose d'un mécanisme de
prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de
la paix et de la sécurité prévu par le Protocole de
Lomé du 10 décembre 199910. Au sein de l'Union
Africaine (UA), le volet sécuritaire est réglementé par le
Protocole de Durban du 9 juillet 2002 relatif à la création du
conseil de sécurité et de paix. Le Burkina est partie à
tous ces instruments qui viennent renforcer son dispositif sécuritaire
interne. Des rencontres périodiques sont également
organisées au niveau régional entre les responsables nationaux de
la police et de la gendarmerie pour leur permettre d'échanger des
expériences et renseignements.
En matière policière, Interpol (Police
International) est une forme achevée de coopération entre les
polices de nombreux pays, permettant la recherche et l'arrestation
internationale des délinquants opérant au-delà d'un seul
territoire.
8
http://www.police-nationale.interieur.gouv.fr/Organisation/Direction-Centrale-de-la-Police-Judiciaire/Lutte-contre-la-criminalite-organisee/mardi
04 novembre 2014 à 15H51mn.
9 PRADEL Jean, Les règles de fond sur la
lutte contre le crime organisé, vol. 11.3 ELECTRONIC JOURNAL OF
COMPARATIVE LAW, (Décembre 2007), <
http://www.ejcl.org/113/article113-32.pdf>.
10 CEDEAO, Code de conduite pour la mise en
oeuvre du moratoire sur l'importation, l'exportation et la fabrication des
armes légères en Afrique de l'Ouest, Lomé, 10
décembre 1999, art. 1.
8
B. Les textes internationaux protecteurs des droits de
l'Homme
Engagé à préserver ses acquis et
animé de la volonté d'édifier un Etat de droit
garantissant l'exercice des droits collectifs et individuels,
l'égalité et la justice comme valeurs fondamentales d'une
société pluraliste, le Burkina Faso a souscrit à la
plupart des conventions de promotion des droits de l'Homme. Certaines sont
universelles, d'autres régionales.
1. Les textes universels sur la protection des droits
de l'Homme
La convention mère des droits de l'Homme est la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 Décembre
1948, même si elle n'a pas vocation à s'imposer de façon
contraignante aux nations du monde. En effet, celle-ci n'a pas vocation
à s'imposer dans les politiques juridiques des Etats comme norme
contraignante. Elle n'a fait l'objet d'aucune ratification, mais constitue un
cadre juridique de référence morale, coutumière pour tous
les Etats démocratiques11. D'ailleurs, l'article 53 de la
convention de Vienne sur le droit des traités la désigne comme
une norme impérative. A sa suite, d'autres instruments seront
adoptés. Ce sont:
Le pacte relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et
ses deux protocoles facultatifs et le pacte relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels (PIDESC) adoptés le 16
décembre 1966 et auxquels le Burkina a adhéré le 04
janvier 1999.
Ces deux pactes internationaux constituent les instruments
juridiques fondamentaux dans le processus de garantie internationale des droits
de l'Homme. Ce sont eux qui viennent donner une force juridique contraignante
aux droits énoncés dans la Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme (DUDH)12.
Au titre des instruments juridiques non contraignants
encadrant la politique de sécurité burkinabè, on cite:
? La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
(DUDH) : elle impose d'une part
l'obligation pour les Etats de tout mettre en oeuvre pour
garantir aux individus la jouissance de leurs droits fondamentaux, d'autre part
l'obligation de s'abstenir de toute action politique qui entamerait ces droits,
fut-elle motivée par des raisons de sécurité13.
Son article 22 proclame que « Toute personne, en tant que membre de la
société, a droit à la sécurité sociale; elle
est fondée à obtenir la satisfaction des droits
économiques, sociaux et culturels indispensables à sa
dignité et au libre développement de sa
11 Elle a acquis de nos jours, une valeur
coutumière et s'impose à tous les Etats.
12 AG-NU, Résolution 217A (III) du 10
décembre 1948.
13
http://fr.wikipedia.org/static/apple-touch/wikipedia.png,
2 mai 2015.
9
personnalité, grâce à l'effort national et
à la coopération internationale, compte tenu de l'organisation et
des ressources de chaque pays ».
? Les textes à valeur plus politique que juridique : il
s'agit de résolutions, de déclarations, d'observations
générales, des avis et de recommandations, adoptées dans
le cadre de la DUDH. Tout comme la DUDH, ces textes ne sont pas contraignants
mais guident les législations internes en matière de protection
des droits de l'Homme14.
En dehors de ces textes d'envergure planétaire,
d'autres conventions ont vu le jour au plan régional.
2. Les textes régionaux de défense des droits
de l'Homme
Il s'agit de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples (CADHP)15 qui s'inspire tant des textes juridiques
internationaux et régionaux de protection des droits de l'Homme que des
traditions juridiques africaines. Sa conception du terme « droits de
l'Homme » est extensive, ce qui la différencie des autres
conventions: elle comprend non seulement les droits civils et politiques mais
également les droits économiques, sociaux et culturels ainsi que
les « droits des peuples ». La caractéristique essentielle est
qu'elle allie tradition et modernité. Cette alliance se perçoit
notamment à travers la variété des droits garantis :
à côté des droits individuels, la Charte africaine a
consacré les droits collectifs autrement appelés « droits
des peuples ». Il faut relever que la CADHP ne consacre pas que des
droits, mais aussi des devoirs.
En plus de la CADHP, d'autres instruments assurent la
protection spécifique des droits de l'Homme. Parmi ces instruments, on
peut citer la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant
ratifiée par le Burkina Faso le 08 juin 1992 et entrée en vigueur
le 19 novembre 1999 ; le Protocole de la CADHP relatif aux droits de la femme
en Afrique et qui a été ratifié par le Burkina le 09 juin
2006. Plusieurs instruments interviennent également en matière de
protection des réfugiés et des personnes déplacées,
de prévention et de lutte contre la corruption, le
terrorisme16... .
Ces différents textes internationaux encadrent l'adoption
des textes nationaux.
14 C'est le cas de l'avis consultatif de la Cour
Internationale de Justice du 8 juillet 1996 sur la licéité de
l'emploi ou de la menace d'armes nucléaires, de l'avis consultatif de
2004 sur la légalité de la construction d'un mur en territoire
palestinien occupé.
15 Adoptée par la Conférence des
chefs d'Etat et de gouvernement de l'Organisation de l'unité africaine
(OUA) le 27 juin 1981 à Nairobi (Kenya), ratifiée par le Burkina
Faso le 21 septembre 1984 et entrée en vigueur le 21 octobre 1986.
16 Convention de l'UA du 11 juillet 2003 sur la
prévention et la lutte contre la corruption, Convention de l'OUA du 03
juillet 1977 sur l'élimination du mercenariat en Afrique, Convention de
l'OUA du 10 septembre 1969 régissant les aspects propres aux
problèmes de réfugiés en Afrique, convention de l'UA du 06
décembre 2002 sur la prévention et la lutte contre le
terrorisme...
10
Paragraphe II : Le référentiel juridique
d'origine nationale
Réaffirmant solennellement son engagement
vis-à-vis de la DUDH et de la CADHP de 1981 et désireux de
promouvoir une société de paix et de sécurité
propices à l'épanouissement socio-économique des citoyens,
le Burkina Faso va procéder à l'adoption d'un ensemble de textes
législatifs ainsi que des documents cadres de
référence17.
A. Les textes généraux
Les textes généraux d'origine interne qui
garantissent la sécurité des personnes et des biens restent la
constitution et la loi 032-2003/AN du 14 mai 2003 relative à la
sécurité intérieure.
1. Les principes de protection des personnes et des
biens d'origine constitutionnelle
Cette loi fondamentale adoptée par
référendum le 02 juin 1991 et révisée
successivement en 1997, 2000, 2002, 2009, 2012 et 2013, demeure la pierre
angulaire de la lutte contre le grand banditisme. Consacrant dès son
préambule les fondements de l'Etat de droit qui garantissent l'exercice
des droits collectifs et individuels, la liberté, la dignité, la
sûreté et la justice18, la constitution érige en
valeur constitutionnelle, les principes contenus dans la DUDH et la Charte
Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples. Au titre des valeurs cardinales
propres à toute justice pénale, elle réaffirme le droit de
la défense et ses corollaires, le droit d'égal accès
à la justice, l'égalité devant la loi. Elle affirme entre
autres le droit à la vie, à la présomption d'innocence,
à la liberté, à l'inviolabilité du
domicile19, etc.
Plus loin, dans le cadre de la répartition des
pouvoirs, les articles 101 et 108 consacrent les domaines respectifs des lois
et des règlements en répartissant les pouvoirs d'incrimination
entre l'exécutif (le pouvoir d'incriminer des contraventions) et le
législatif (le crime et le délit relèvent du domaine de la
loi).
La constitution est riche en principes protecteurs des droits
et des libertés, mais le texte de référence en
matière de lutte contre la criminalité demeure la loi relative
à la sécurité intérieure.
17Le décret n°2010-335/PRES/PM/SECU du
17 juin 2010 portant adoption de la Stratégie Nationale de
Sécurité Intérieure est une référence en la
matière.
18 Paragraphe 1 du préambule de la Constitution
du 11 juin.
19 Chapitre I du titre I « Des droits et devoirs
fondamentaux ».
11
2. La loi relative à la sécurité
intérieure
La loi n°032-2003/AN du 14 mai 2003 relative à la
sécurité intérieure définit les principes
généraux de même que l'objet de la sécurité
intérieure. Selon l'article 2 de cette loi, la sécurité
intérieure relève de la défense civile et a pour objet
:
? d'assurer la protection permanente des personnes et des
biens sur toute l'étendue du territoire national ;
? de veiller à la sûreté des institutions de
l'Etat ;
? de veiller au respect des lois et au maintien de la paix et de
l'ordre public.
En son article 4, cette loi identifie les acteurs de la
sécurité intérieure comme « l'ensemble des forces de
police, de gendarmerie, les sapeurs-pompiers et les autres forces
paramilitaires qui interviennent dans le domaine de la sécurité
intérieure de manière permanente ». Elle précise que
« toutefois, les autres forces militaires peuvent être requises
à titre exceptionnel et ponctuel pour des missions de
sécurité intérieure ».
L'article 5 dispose que « les agents des
collectivités territoriales et des sociétés privées
qui interviennent dans le domaine de la sécurité sont
régis par les présentes dispositions ».
Ces nombreux textes sont les fondements juridiques de la lutte
contre l'insécurité sous toutes ses formes. Cependant, compte
tenu du développement galopant du grand banditisme et de ses
conséquences sur la stabilité économique, une loi
spécifique a été prise pour renforcer les textes
classiques encore en vigueur.
B. Les textes spécifiques propres au grand
banditisme
Avant 2009, la lutte contre le grand banditisme s'organisait
sous la répression du vol aggravé dont les textes de base restent
le code pénal (CP) et le code de procédure pénale (CPP)
(1). Mais ce cadre juridique de répression va subir une modification
substantielle avec la nouvelle loi portant répression du grand
banditisme (2).
1. Le référentiel classique de
prévention du grand banditisme
L'incrimination des faits de grand banditisme remonte bien
loin dans l'histoire pénale burkinabè. Les faits constitutifs
aujourd'hui d'actes de grand banditisme se réprimaient alors sous la
qualification de « vol aggravé ». La base juridique de cette
infraction se trouve aux articles 451 et suivants du Code Pénal (CP). et
la procédure de répression, dans le code de procédure
pénale. Il s'agit de faits d'origine délictuelle (vol à
l'article 449 CP) érigés en crime
12
au regard de certaines circonstances de fait ou de droit.
Aujourd'hui encore, ces textes continuent de recevoir application. En effet, en
présence des mêmes faits, le parquet a l'option entre des
poursuites pour vol aggravé ou pour actes de grand banditisme. Il devra
juste notifier au mis en cause son option.
Par ailleurs, les articles 64 et suivants du CP qui
définissent les auteurs, les coauteurs, les complices et les receleurs
des infractions à la loi pénale sont applicables aux actes de
grand banditisme.
Quant au Code de Procédure Pénale (CCP), il sert
de cadre de référence juridique au juge d'instruction qui
applique les articles 6 à 10 relatifs à la prescription des
actions civile et publique. Il se réfère davantage aux articles
175 à 180 relatifs aux ordonnances de clôture. Le recours contre
ces ordonnances est prévu à l'article 185.
2. La loi n°017/AN du 05 mai 2009 et la lutte
contre le grand banditisme
Le texte de référence en matière de lutte
contre le grand banditisme reste la loi n°017 AN-2009 du 05 mai 2009
portant répression du grand banditisme. Entrée en vigueur en 2009
dans un contexte social fortement marqué par une recrudescence des
attaques à main armée, cette loi est devenue la pièce
maîtresse de la répression du grand banditisme. C'est une loi de
procédure et de fond. Procédurale en ce sens qu'elle modifie
foncièrement le régime ordinaire des enquêtes et des
compétences. Loi de fond, parce qu'elle redéfinit la notion
d'acte de grand banditisme et aggrave la peine applicable. Les peines
d'emprisonnement sont des peines criminelles allant de cinq ans à
l'emprisonnement à vie et de peine d'amende de cinq cent mille (500 000)
à dix millions (10 000 000) de francs CFA20 avec la mention
que la moitié de cette peine est incompressible.
Son application est confiée à la justice qui a
pour mission le jugement et la sanction des personnes coupables d'atteinte
à la sécurité des biens et des personnes.
Section II : Bilan de la prévention au plan
institutionnel
L'évaluation des acquis de la lutte contre le grand
banditisme peut se faire à deux niveaux essentiels : Au niveau de la
prévention et au niveau de la répression. La prévention
est l'ensemble des mesures prises par les autorités pour lutter contre
l'insécurité en empêchant que le crime ait lieu. Alain ne
disait-il pas que tout homme est violent à l'occasion et que «
les
20 Article 16 de la loi n°017-2009/AN du 05 mai
2009 portant répression du grand banditisme.
13
institutions politiques ont pour fin d'éviter
l'occasion21 » ! Pour éviter cette occasion, le
Burkina Faso a mis en place un nombre important de dispositifs institutionnels
dotés de missions spécifiques. Il s'agit des corps militaires et
paramilitaires dont il faut faire le bilan des activités (§1). Mais
à côté de ces structures publiques, beaucoup d'autres
organismes s'impliquent activement dans les questions de sécurité
et contribuent de façon indéniable à contenir l'expansion
de la criminalité (§2).
Paragraphe I : L'appareil sécuritaire en charge
de la
prévention du grand banditisme.
De nombreux corps sont engagés dans la
prévention de la criminalité. Mais ceux qui interviennent dans la
lutte contre le grand banditisme et jouent un rôle de premier plan dans
la prévention sont quelques unités des forces armées
nationales (B) et les corps paramilitaires dont la principale
composante reste la Police Nationale (A).
A. Le bilan de l'activité des corps
paramilitaires
Les corps paramilitaires sont essentiellement composés
de la Police Nationale, de la Garde de Sécurité
Pénitentiaire, de la Douane et des Eaux et Forêts. Mais si tous
ces services sont plus ou moins impliqués dans la question de la lutte
contre le grand banditisme (2), la police nationale (PN) reste
le principal acteur de cette lutte (1).
1. La police nationale et la prévention du
grand banditisme
La police nationale, compétente en matière de
sécurité publique, est l'acteur principal de la lutte contre le
grand banditisme. L'article 2 de la loi portant statut particulier de la Police
Nationale (PN) dispose que « la police nationale est une force
paramilitaire. Elle concourt, sur l'ensemble du territoire national, à
la garantie des libertés, à la défense des institutions de
la République, au maintien de la paix et de l'ordre public et à
la protection des personnes et des biens ». Commise donc à cette
noble tâche et consciente de son rôle majeur dans
l'édification d'une société à criminalité
réduite, la police s'est engagée sans réserve dans le
combat contre l'expansion anormale du grand banditisme.
Plusieurs unités spécialisées ont
été créées et interviennent aux côtés
des services de commissariats pour appuyer les interventions. On cite à
ce titre la Brigade Anti Criminalité (BAC), l'Unité
d'Intervention Polyvalente (UIP-PN), la Compagnie républicaine de
Sécurité
21 Propos, 14 juillet 1934
14
(CRS). Au titre des activités de prévention, et en
vue d'apporter des solutions appropriées à la
recrudescence du grand banditisme, la Police Nationale
procède depuis 2009:
> à l'intensification des patrouilles dans les zones
à risque ;
> à l'organisation d'opérations de lutte contre
la criminalité dans les zones criminogènes ;
> à la recherche du renseignement opérationnel
;
> au déploiement en soutien aux autres services de
Police, des équipes de la CRS et de
l'UIP-PN ;
> à l'intensification de la collaboration avec les
populations.
Les statistiques-bilan des actions préventives de la PN se
présentent comme suit22 :mp
Années
|
2009
|
2010
|
2011
|
2012
|
2013
|
2014
|
Nombre de patrouilles
|
22506
|
24072
|
17092
|
21695
|
29726
|
31452
|
Nombre d'opérations de Ratissage
|
26
|
26
|
17
|
24
|
26
|
28
|
Source : Source : Données statistiques de la
DGPN/DPJ-2015
Commentaire : les actions de patrouilles et de
ratissages se sont accrues depuis 2009 ; ce qui peut être vu comme la
preuve d'une meilleure opérationnalisation de l'institution.
2. l'apport des autres forces paramilitaires dans la
prévention du grand banditisme
La stratégie nationale de sécurité
intérieure mentionne au titre des forces de sécurité
permanentes :
> la Brigade nationale de sapeurs-pompiers (B.N.S.P),
compétente en matière de protection civile, est mise à la
disposition du Ministère chargé de l'Administration du territoire
pour emploi ;
> les corps paramilitaires de la Garde de
sécurité pénitentiaire, de la Douane et des Eaux et
Forêts, compétentes dans les domaines spécifiques et
respectives de la sécurité pénitentiaire, de la
sécurité économique et de la sécurité
environnementale, sont respectivement rattachés au Ministère de
la Justice, à celui de l'Economie et des Finances, au département
chargé de l'Environnement.
Ces forces n'interviennent pas toutes dans la lutte contre le
grand banditisme mais certaines d'entre elles comme la Garde de la
Sécurité Pénitentiaire (GSP) occupent une place de premier
choix. En effet, l'apport de la GSP dans la lutte contre le grand banditisme
n'est plus à
22 Données statistiques de la Direction
générale de la Police Nationale/Direction de la Police Judiciaire
(DGPN/DPJ).
15
démontrer quand bien même l'adoption de la loi 017
rend sa mission plus difficile23. Elle
participe à l'exécution d'une mission de
prévention de la criminalité par :
? l'application rigoureuse en milieu carcéral des mesures
de détention ;
? l'application d'une politique de réinsertion sociale
soutenue et adaptée ;
? une contribution à la bonne exécution de la
sentence pénale.
B. L'apport des forces armées nationales.
Les Forces Armées Nationales (FAN) sont chargées
d'une mission de sécurité intérieure, en dehors de leur
mission première qui est la défense du territoire. Dans la lutte
contre le grand banditisme, c'est la gendarmerie nationale (1) qui est la force
armée chargée de la mission de sécurité. Toutefois,
dans certaines circonstances, les autres forces de l'armée peuvent
être habilitées à intervenir (2).
1. La gendarmerie nationale dans la prévention
du grand banditisme24
La gendarmerie nationale fait partie intégrante des
forces armées nationales. Outre ses missions de type militaire, elle
remplit presque les mêmes missions dévolues à la police
nationale. En effet, la Gendarmerie nationale, quoique rattachée au
Ministère de la Défense, relève du Ministre chargé
de la sécurité pour toutes les matières relevant de sa
compétence conformément aux dispositions du décret n°
2009-840 du 18 décembre 2009 portant organisation du Ministère de
la Défense25. L'organisation de la gendarmerie est
adaptée au découpage administratif et judiciaire du
pays26. Elle se subdivise en deux branches principales : la
gendarmerie territoriale et la gendarmerie mobile.
La gendarmerie nationale est chargée de missions de
police administrative et de missions de police judiciaire. A ce dernier titre,
elle est fortement engagée dans la lutte contre
l'insécurité en général et en particulier le grand
banditisme à travers les brigades territoriales et les unités
mobiles.
Gendarmerie et police nationale, quoiqu'ayant souvent une
cohabitation difficile, restent les deux forces de sécurité
résolument engagées dans la lutte contre le grand banditisme.
23 Des témoignages du DG
adjoint de la MACO, l'adoption de la loi portant répression du grand
banditisme n'a pas tenu compte des préoccupations de la GSP. En
conséquence, elle se trouve confronter au quotidien à la gestion
de la surpopulation carcérale et aux conséquences
résultant des longues peines.
24 Absence de données statistiques sur les
activités de prévention.
25 Décret n°2010-335/PRES/PM/SECU DU 17
JUIN 2010 portant adoption de la Stratégie nationale de
sécurité intérieure, op.cit.
26 Idem.
16
2. Le soutien des autres forces militaires dans la
lutte contre le grand banditisme
Les préoccupations liées à la
sécurité mobilisent au-delà des forces de première
catégorie. Dans l'armée, outre la force d'intervention
régulière qu'est la gendarmerie, d'autres composantes sont
souvent appelés à la rescousse. Il en est ainsi du
Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP) et de
l'armée de l'air. « En matière de lutte contre le grand
banditisme l'Armée de l'air et les Compagnies militaires d'appui
à la sécurité (C.M.A.S) de l'Armée de terre
interviennent à la requête des autorités compétentes
conformément à l'article 3 du décret n°95-203 du 1er
juin 1995 portant création des Compagnies militaires d'appui à la
sécurité.
Cependant, le Régiment de la sécurité
présidentielle (R.S.P.), unité de l'Armée de terre, qui a
en charge la sécurité du Président du Faso,
première institution du pays, n'est pas soumis au régime de la
réquisition classique »27. Institué par les
régimes d'exception, il a progressivement remplacé l'ensemble des
forces de sécurité autrefois responsables de cette tâche.
En raison de son efficacité opérationnelle et de ses
équipements, il est souvent sollicité pour appuyer les autres
forces de sécurité dans la lutte contre le terrorisme et le grand
banditisme. Il en est ainsi de l'appui de cette structure dans les zones
hautement criminogènes comme la région de l'Est. Quant à
l'armée de l'air, elle apporte son soutien lors de certaines
opérations spéciales comme la traque en aéronef. Ne
relevant pas de leurs missions ordinaires, les interventions de ces corps
n'offrent pas de statistiques, et par conséquent sont difficilement
quantifiables.
Les forces militaires et paramilitaires sont
accompagnées par certains organismes civils dont les missions
essentiellement sociales permettent une prévention assez efficace de la
délinquance juvénile, donc du grand banditisme.
Paragraphe II : L'apport des organismes civils dans
la
prévention du grand banditisme
La sécurité est l'affaire de tous. Aussi, du
côté des corps constitués pour la sécurité,
d'autres forces sociales sont-elles engagées dans la prévention.
Au titre de ces forces, on note la présence de diverses couches sociales
(A) mais aussi des organismes non gouvernementaux
(B).
27 Décret portant Stratégie nationale de
sécurité Intérieure, op.cit.
17
A. L'apport des diverses couches sociales dans la lutte
contre le grand banditisme. De nombreuses structures sociales se sont
impliquées dans les questions de sécurité en
général. Leurs actions ont une influence non négligeable
dans la lutte contre le grand banditisme. Ce sont d'une part, l'action sociale
publique et d'autre part, l'action sociale privée.
1. L'action sociale publique (police de
proximité)
La participation communautaire à la lutte contre
l'insécurité et à la préservation de la
sécurité des personnes et des biens constitue un enjeu important
et une nécessité impérieuse. L'accroissement de
l'insécurité et du sentiment d'insécurité exige un
élargissement de l'offre en service de sécurité et en
recherche de paix sociale. Dans la déclaration de politique
générale du gouvernement du 10 octobre 2002, la situation
sécuritaire du pays est décrite en ces termes : «
L'accroissement de la délinquance inquiète légitimement
nos concitoyens. L'insécurité se manifeste sous des formes de
plus en plus diversifiées. Dans les zones urbaines, la
délinquance reste importante et concerne les jeunes,
présentés de plus en plus souvent comme auteurs ou comme
victimes. La grande criminalité s'est organisée et s'est
internationalisée pour s'adapter aux évolutions
économiques et sociales. L'insécurité est un défi
pour notre société que nous devons relever tous ensemble.
»28 Cet appel a été suivi par la mise en place de
structures communautaires appelées « police de proximité
».
Partant du constat que c'est au sein des populations que
s'organisent les actes d'insécurité et qu'elles ont
vraisemblablement les moyens de les prévenir, de les détecter et
de contribuer à leur réduction, la police de proximité a
été introduite et basée sur la politique de promotion de
la sécurité par la participation communautaire. Les
Comités Locaux de Sécurité (CLS) et Initiatives Locales de
Sécurité (ILS) furent créés. Pour les CLS, en
décembre 2009, cinq mille huit cent vingt-deux (5822) ont
été nommés, trois mille quatre-vingt (3080)
installés et mille six cent soixante-trois (1663)
fonctionnels29.
Les initiatives locales de sécurité (I.L.S.)
identifiées à ce jour sont essentiellement constituées des
associations de chasseurs traditionnels appelés « Dozo » dans
la zone de l'ouest et les associations « Kolgwéogo » et «
Wendpanga » dans les régions du Nord et du Centre Nord. L'action de
toutes ces structures n'est pas quantifiable, faute de statistiques ; mais nul
n'ignore, combien leur implication dans les questions de sécurité
a largement contribué à faire reculer les limites de la
criminalité.
28 BAYALA. Jean-Pierre, Les défis de la
gouvernance du secteur de la sécurité en Afrique de l'Ouest -cas
du Burkina Faso, 2009, inédit.
29 Idem.
18
2. L'action sociale privée
C'est l'oeuvre des services de sécurité
privés (les sociétés de gardiennage).
La loi sur la sécurité intérieure
burkinabè autorise l'Etat à accorder à des
sociétés privées le droit d'exercer des activités
de sécurité publique à condition qu'elles portent
exclusivement sur la protection des personnes et des biens. Il leur est
interdit de bénéficier de prérogatives d'ordre public,
bien que leurs agents participent comme tout citoyen à la
dénonciation des crimes et délits et, au besoin, à
l'arrestation de leurs auteurs. En vertu de cette loi, plus d'une soixantaine
de sociétés privées de sécurité contribuent
au renforcement de la sécurité publique.
Le recours aux sociétés de
sécurité privées est une nécessité, qui
contraint des Etats comme le Burkina Faso à faire la politique de ses
moyens. Par conséquent, elles sont un outil pour renforcer l'action des
forces de sécurité dans la lutte contre
l'insécurité. En tout état de cause, leur multiplication
ne devrait en aucun cas créer un équilibre, encore moins un
déséquilibre, en leur faveur par rapport aux forces de
sécurité.
La sécurité est avant tout, comme
déjà indiqué, une mission régalienne de l'Etat. Au
Burkina Faso, même si les sociétés de
sécurité privées ne sont pas à la portée de
tout citoyen, elles permettent aux forces de sécurité de
concentrer leurs efforts sur les zones dangereuses où leur
présence est plus nécessaire. Malgré l'absence de
statistiques dûment établies sur les résultats
sécuritaires obtenus par les sociétés de
sécurité privées, il est permis d'avancer qu'elles ont un
impact globalement positif et encourageant pour les pouvoirs publics. En effet,
l'accroissement de leur nombre et le fait qu'aucune d'entre elles n'ait fait
l'objet de sanctions, constituent d'importants indicateurs de leur raison
d'être.
B. Les Organisations Non Gouvernementales
De nombreuses organisations apolitiques oeuvrent à la
prévention de la délinquance. Le fruit de leurs oeuvres dans les
secteurs d'interventions témoigne de leur efficacité dans la
prévention de la délinquance. On peut citer : TDH,
OXFAM30, ENFANCE EN DIFFICULTE, la fondation Hanns Seideil qui fait
de la formation des acteurs de la lutte contre le grand banditisme (notamment
les policiers) son cheval de bataille. La liste est longue mais,
l'aperçu de l'action d'une d'entre elles donne une idée
suffisamment soutenue de leurs contributions à la prévention de
la criminalité.
30 Oxfam est une confédération
internationale de 17 organisations travaillant en réseaux dans plus de
90 pays dont le B.F et contribuant ainsi à une action mondiale pour le
changement, en vue de bâtir un avenir prospère, sans cette
pauvreté que connaissent des millions de foyers et qui constitue une des
plus grandes injustices de notre temps.
19
Depuis 1987, Terre Des Hommes (TDH) oeuvre dans l'enfance en
difficulté. Partant du postulat que « la prison est l'école
du crime » Terre des Hommes s'est engagée à promouvoir des
alternatives à l'incarcération à travers le projet justice
juvénile. Depuis 2010, TDH assiste les acteurs du système
judiciaire à mettre en application les alternatives légales
à l'incarcération des mineurs : Travail d'Intérêt
Général, médiation pénale, probation, placement en
centre éducatif ouvert, etc. Elle fait particulièrement la
promotion du Travail d'Intérêt Général (TIG) qui est
la réalisation d'un travail non rémunéré au profit
de la communauté. Mais pour que la juridiction prononce un TIG, il faut
que de nombreuses conditions soient réunies : Terre des hommes travaille
donc à :
? Réunir toutes les conditions pour que les mineurs
condamnés soient placés en TIG en toute sécurité et
dans le souci de leur réhabilitation ;
? Rechercher des partenaires efficaces avec des structures
étatiques ou de la société civile
pour que les enfants exécutent correctement leur peine
et puissent se resocialiser ; ? Donner une assistance globale et permettre au
bénéficiaire de pouvoir jouir d'une justice
réparatrice efficace, où chacun apporte ses
compétences propres ;
? Orienter les mineurs vers de bonnes structures et les
accompagner sur le chemin de la réinsertion sociale, en surmontant leurs
difficultés.
Les résultats suivants ont été atteints :
? En 2010 et 2011, plus de 80 mineurs en conflit avec la loi
ont bénéficié des mesures alternatives à
l'emprisonnement ;
? Des dizaines de professionnels (magistrats, policiers,
travailleurs sociaux) ont été formés ;
? Plusieurs villes ont bénéficié des
actions de TDH : Bobo-Dioulasso, Oua0gadougou, Tougan, etc.
En conclusion, tous ces corps militaires, paramilitaires et
organismes civils interviennent en principe en amont de la chaîne de
répression et sécurisent les personnes et les biens. Leurs
missions premières sont de prévenir la criminalité, le
grand banditisme en particulier. Par ailleurs, en aval de la chaine, certaines
de ces forces de sécurité reviennent et ont à charge des
missions de police judiciaire. Elles appuient à ce titre, les
juridictions responsables de la répression.
20
CHAPITRE II : BILAN DE LA REPRESSION DU GRAND
BANDITISME AU BURKINA FASO.
Empêcher par tous les moyens le passage à l'acte,
c'est la principale tâche des forces de sécurité. Mais une
fois l'acte commis, il faut s'atteler à donner un traitement efficace
par l'action pénale qui aboutit en principe à l'application de la
peine. Cette oeuvre est celle des acteurs directs de la justice aidés en
cela par la police judiciaire. Après avoir défini leur rôle
(section I), nous évaluerons l'impact de la
répression sur le phénomène du grand banditisme
(section 2).
Section I : Le rôle des acteurs judiciaires dans la
répression du grand banditisme
Quelles que soient sa conception et la philosophie qui la
fonde, la justice demeure une nécessité absolue de la vie
sociale. Elle constitue un pilier fort dans la lutte contre
l'insécurité puisque c'est elle qui a en charge la
répression au sens strict du terme, c'est-à-dire la sanction des
fautes pénales. Dans la lutte contre le grand banditisme, la justice
comme institution politique joue un rôle de premier plan dans la
répression (§ I). Elle est appuyée par la
police judiciaire (§ I).
Paragraphe I : L'activité juridictionnelle dans
la répression du grand banditisme
Ce qui est aujourd'hui appelé acte de grand banditisme
a été longtemps une infraction classique réprimée
sous la qualification de vol aggravé et suivant la procédure
criminelle des assises (A). Mais la nouvelle loi portant
répression du grand banditisme va opérer de grands changements
dans la procédure (B).
A. La procédure classique et le rendement
judiciaire
La procédure de jugement applicable au crime est la
procédure criminelle. Or, le vol aggravé était un crime.
Donc la procédure des assises était applicable au vol
aggravé (1). Cependant, cette procédure a paru
trop lourde pour suivre l'évolution rapide de la criminalité du
grand banditisme (2).
1. La procédure pénale dans le crime de
vol aggravé
Au sens du droit pénal général, le crime
est l'infraction la plus grave dans l'ordre des sanctions. Elle se situe
au-dessus du délit et de la contravention qui sont moins graves. La
procédure pénale applicable au crime (elle a ceci de particulier)
est longue et fastidieuse ; une longueur due à la
21
lourdeur de la procédure propre au système des
jurés31. Mais la quête d'une justice plus juste
commandait ce sacrifice.
La justice idéale, justice divine, permettrait de punir
sur le champ les coupables tout en épargnant les innocents. Cet
idéal reste un idéal. La dure réalité, vécue
au quotidien par les policiers et magistrats et par certains mis en cause, en
témoigne. Notre justice est humaine, trop humaine car elle demande
lenteur, patience et réflexion. La justice véritable est
l'ennemie de la précipitation. Deux raisons nous en convainquent. Non
seulement, il faut se prévenir de punir un innocent mais tout jugement
hâtif commandé par la vengeance, se risque à l'injustice.
Entre la constatation de l'infraction et le jugement du délinquant, un
délai impératif et incompressible s'impose.
La procédure pénale dans le crime se
présente comme suit :
- La phase d'enquête (préliminaire ou de
flagrance
- L'instruction préparatoire menée par un juge
d'instruction
- Le second degré d'instruction qui est l'oeuvre de la
chambre d'accusation de la cour d'appel
- Le jugement qui a lieu lors des assises criminelles qui sont
des sessions annuelles lors desquelles étaient jugées les
affaires criminelles en fin d'instruction. Le jugement des affaires criminelles
a cette particularité d'être marqué par la présence
d'un jury qui au su des débats décide de la culpabilité ou
non du mis en cause.
Cette procédure était applicable à tout
crime. Or, le vol aggravé était un crime. En effet, le vol,
infraction la plus courante et la plus répandue est la soustraction
frauduleuse de la chose d'autrui. Définie comme tel, cette infraction
reste sanctionnée comme un délit. Mais il arrive que certaines
circonstances entourant la commission du vol l'aggravent et lui donnent une
autre coloration. Il devient alors un crime et est jugé comme
tel32.Mais la lourdeur procédurale propre au procès
criminel soulève de nombreuses difficultés.
31 Les assises se caractérisent par le
système des jurés qui sont invités à se prononcer
sur la culpabilité de l'accusé.
32 Cf. article 452 du code pénal
burkinabè.
22
2. Les difficultés procédurales
liées au grand banditisme
La procédure criminelle applicable au vol
aggravé soulève de nombreuses difficultés qui ne
facilitent pas la répression des actes de grand banditisme. En effet, il
y a une lenteur dans le traitement des dossiers sous le régime
procédural classique, et ce pour plusieurs raisons.
? D'abord, le caractère périodique des assises
criminelles. Les dossiers de vols aggravés étant des dossiers
criminels, ils étaient connus lors des assises criminelles. Or, les
assises criminelles se tenaient périodiquement, une fois par an. C'est
seulement en cette période que sont traités les dossiers en
état d'être jugés.
? Ensuite, l'insuffisance de structures judiciaires ainsi que
du personnel. En effet, en 2013, le Burkina Faso dispose de 24 TGI
fonctionnels, de deux cours d'appel (Ouagadougou et Bobo-Dioulasso)
animés par un corps magistral de 450 personnes pour une population
totale de 16 millions d'habitants33.
? Enfin, il y'a la lourdeur de la procédure criminelle
due à l'instruction et au double degré d'instruction. Le temps
moyen pour le traitement d'une affaire criminelle devient très long (05
ans34).
!.
La surcharge des maisons d'arrêt
: Le nombre de prévenus entrant est largement
supérieur à celui sortant, d'où une surpopulation dans ces
lieux de détention.
Cette surpopulation est à la base des libertés
provisoires fréquemment accordées aux demandeurs. Les exigences
du droit des prévenus jointes à la nécessité de
déconcentrer les maisons d'arrêt conduisaient à l'octroi
fréquent des libertés provisoires. Les détenus pour vol
simple subissaient parfaitement la peine tandis que les « grands bandits
» étaient en liberté35. Il apparaissait donc
presque préférable de poser des actes de grand banditisme que de
commettre des larcins, ce qui crée un sentiment d'impunité.
33 Ministère de la Justice-Tableau de Bord des
statistiques, 2013
34 Les cours d'appel connaissent entre 2004
à 2009 des affaires pénales nouvelles de l'ordre de 393 dont 253
affaires criminelles par an. Cependant, les décisions rendues
annuellement par les deux cours sont en moyenne de 193 durant 2007 à
2009 (avec la précision que les deux cours ont quadruplé leur
volume d'activité en 2009). Cependant, le phénomène des
vols aggravés prenait des proportions inquiétantes. Elles
s'élevaient à 1305 attaques en 2009. Il était donc naturel
que la procédure habituelle paraisse inadaptée à la
répression du phénomène de grand banditisme.
35 Témoignages recueillis des acteurs
judiciaires lors de nos enquêtes qualitatives.
23
Cette situation de dysfonctionnement général a
motivé la recherche d'une solution rapide et appropriée ayant
abouti à l'adoption de la loi. Pour les acteurs de lutte contre le grand
banditisme, l'adoption de la loi de 2009 sonne comme un instrument
salvateur.
B. Les innovations opérées par la loi 017
portant répression du grand banditisme
En 2009, à l'issue d'une concertation initiée
par le premier ministère entre les personnels magistrats et OPJ, il a
été suggéré, l'adoption d'une loi qui modifie la
procédure ordinaire afin de parer à la situation36.
Cette loi apporte des innovations par une définition légale des
actes de grand banditisme (1) et une modification substantielle de la
procédure et des compétences (2).
1. La notion d'actes de grand banditisme et leurs
sanctions
Aux termes de l'article 3 de la loi, les actes de grand
banditisme sont des vols commis dans des circonstances particulières.
Le vol est une infraction courante définie à
l'article 449 du CP : « est coupable de vol, quiconque soustrait
frauduleusement une chose appartenant à autrui». .Du point de vue
des éléments constitutifs, pour que le vol soit constitué,
il faut un acte matériel de soustraction, une chose objet de la
soustraction, et une intention frauduleuse. Commis dans certaines circonstances
de fait ou de droit, le vol devient une infraction aggravée punie de la
peine criminelle.
Partant de cette infraction classique, la nouvelle loi va
regrouper un ensemble de types de vol auxquels elle donne la qualification
d'actes de grand banditisme. L'article 3 en effet dispose que « les actes
de grand banditisme s'entendent des vols caractérisés par l'usage
d'armes quelconques, de toutes formes de violences sur les personnes ou de tous
autres procédés mécaniques ou chimiques
»37. Et sont notamment considérés comme actes de
grand banditisme,
? le vol, lorsqu'il a été commis sur les chemins
publics ou dans les véhicules particuliers ou servant de transport de
voyageurs, de correspondances ou de bagages, dans les circonstances
prévues à l'article 3 ;
? le vol, lorsqu'il a été
précédé, accompagné ou suivi d'autre crime ; ? le
vol commis avec usage d'arme ;
? le vol commis avec port d'arme apparente ou cachée ;
36 Témoignages recueillis des acteurs de la
justice sur enquête qualitative.
37 Article 3.
24
? le vol commis avec violence ou accompagné de tout
acte de barbarie ou de torture ; ? le vol commis en faisant usage de
procédés mécaniques ou chimiques.
Les peines prévues au grand banditisme vont de
l'emprisonnement de cinq ans avec amende à l'emprisonnement à
vie. Et la moitié de cette peine est nécessairement assortie
d'une période de sûreté tandis que le reste est
incompressible.38
2. La compétence juridictionnelle dans la
répression des actes de grand banditisme
Aux termes de l'article 58 du code pénal, les
infractions punies d'une peine minimale de cinq (05) ans d'emprisonnement et/ou
amende sont des crimes ; celles punies d'une peine, au moins égale
à un (01) an et/ou amende sont des délits et enfin celles dont
les peines se résumant en amende ne sauraient excéder 50 000 F
sont des contraventions.
Suivant cette classification tripartite, le tribunal
correctionnel est la juridiction compétente pour juger les
délits, le tribunal de simple police pour connaitre des contraventions.
Quant aux crimes, ils relèvent de la compétence de la chambre
criminelle de la cour. Au regard de cette répartition des
compétences, le vol aggravé ressortissait de la compétence
de la chambre criminelle eu égard à sa nature criminelle. Mais,
sous la loi 017, les actes de grand banditisme sont désormais
révolus à la connaissance de la chambre correctionnelle du TGI.
En effet, aux termes de l'article 9 de la loi portant répression du
grand banditisme, « le tribunal correctionnel est la juridiction
compétente pour connaître des infractions relevant de la
présente loi ». C'est donc dire que la compétence du
tribunal correctionnel pour juger les actes de grand banditisme constitue une
exception notable à la répartition habituelle des
compétences. Ce qui peut susciter des inquiétudes quant aux
garanties des droits des personnes poursuivies39.
Cet allègement procédural au plan juridictionnel
est doublé de l'accroissement des pouvoirs de la police judiciaire dans
la lutte contre le grand banditisme.
Paragraphe II : Le rôle de la police judiciaire
dans la
répression du grand banditisme
La police judiciaire constitue l'un des rouages indispensables
de la procédure pénale. Au Burkina Faso et dans la lutte contre
le grand banditisme, elle joue un rôle de premier plan. C'est d'ailleurs
au nom d'elle que la loi portant répression du grand banditisme a
été prise dans le but
38 Article 16 et suivants de la loi.
39 Infra (2ème partie)
25
de faciliter les opérations. La police judiciaire est
chargée des enquêtes de flagrance dans les actes de grand
banditisme (A) et à ce titre, opère sous le contrôle des
magistrats (B).
A. Les attributions de la police judiciaire dans la lutte
contre le grand banditisme
L'article 11 de la loi portant répression du grand
banditisme dispose que « lorsque le Procureur du Faso est saisi d'une
infraction relevant de la présente loi, il procède comme en
matière de flagrant délit ». Ainsi, commise à
l'enquête, la police judiciaire voit ses attributions habituelles
doublées de pouvoirs exceptionnels.
1. Les attributions de la Police Judiciaire dans
l'enquête de grand banditisme
Aux termes de l'article 14 du CPP, la police judiciaire est
chargée « de constater les infractions à la loi
pénale, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs tant
qu'une information n'est pas ouverte... ». L'enquête de police est
donc la mission de la Police Judiciaire dont les pouvoirs sont très
étendus en cas de flagrance. Toute flagrance permet en effet à
l'Officier de Police Judiciaire de :
? Procéder à des constations, perquisitions et
saisies, au besoin en utilisant la force ; ? Procéder à des
auditions de toute personne susceptible de fournir des renseignements
sur les circonstances de l'infraction ; empêcher toute
personne de s'éloigner des lieux
de l'infraction jusqu'à la fin des
opérations40 ;
? Procéder à des arrestations et garder à
vue (les simples témoins peuvent être gardés à
vue.)41
La loi portant répression du grand banditisme est venue
renforcer ces pouvoirs habituels en relevant la durée de la garde
à vue (GAV) à quinze jours (10 jours de principe plus 5 sur
prolongation) et en autorisant le recours à l'arme hors du cadre strict
de la légitime défense. Ainsi, en ce qui concerne la GAV,
l'article 5 autorise une durée de dix jours tandis que l'alinéa
2ème précise que « ce délai peut être
prolongé d'un nouveau délai de cinq jours sur autorisation du
Procureur du Faso ».
40 Art. 60 et 61 CPP
41 Art. 60, al. 1
26
En ce qui concerne le droit de recourir à l'arme à
feu, il est donné par l'article 9 qui dispose que « en cas
d'absolue nécessité, les officiers et les agents de police
judiciaire peuvent faire usage de leurs armes pour se défendre ou pour
neutraliser un délinquant. »
Ces pouvoirs ont permis à la police judiciaire d'atteindre
de meilleurs rendements.
2. Contribution de la police judiciaire à la
lutte contre le grand banditisme
Les actions de la Police Judiciaire (PJ) dans la
répression du grand banditisme sont essentiellement les constatations,
les investigations et les arrestations, et les procédures.
L'évolution de l'activité de la PJ en matière de
constations se présente comme suit42 :
Quatre ans avant l'adoption de la loi. Tableau
1
Année
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
Total des
attaques
|
137
|
312
|
598
|
513
|
Source : Ministère de la Justice, Tableau de bord
des statistiques, 2013.
Quatre ans après l'adoption de la loi. Tableau
2
Année
|
2010
|
2011
|
2012
|
2013
|
Total des
attaques
|
501
|
475
|
1050
|
2054
|
Source : Ministère de la Justice, Tableau de bord
des statistiques, 2013.
Observations. Les interpellations des
quatre années qui ont précédé l'adoption de la loi
sont relativement faibles. Cela peut s'expliquer entre autres par les
difficultés propres aux enquêtes de police dans le régime
classique de la flagrance ou des enquêtes préliminaires. La loi
ayant circonscrit l'enquête sur les actes de grand banditisme à la
flagrance et ayant étendu les pouvoirs des OPJ, elle explique une bonne
partie des données élevées dans le 2nd
tableau.
42 : Seul le tableau 2 contient des données
statistiques de la police et de la gendarmerie cumulées. Les
données statistiques de la gendarmerie avant 2009 ne sont pas
disponibles.
27
B. Le contrôle et la censure des activités
de la police judiciaire
La police judiciaire exerce son activité sous le
contrôle de quelques acteurs judiciaires que sont le Procureur du Faso et
la chambre d'accusation(1) qui peuvent être amenés à
censurer les actes de procédure accomplis au mépris des
règles de procédure (2).
1. Les autorités de tutelle de la police
judiciaire
Les autorités de tutelles de la Police Judiciaire sont
le Procureur du Faso et de la chambre d'accusation. Aux termes de l'article 13
du CPP « elle est placée sous la surveillance du procureur
général et sous le contrôle de la chambre d'accusation
».
Le procureur du Faso est le directeur de la police judiciaire.
C'est à lui que revient la direction des enquêtes et le pouvoir de
prescrire ou proscrire tel ou tel acte dans l'intérêt de
l'enquête.
La chambre d'accusation est la juridiction disciplinaire des
membres de la police judiciaire. L'article 224 CPP dispose en effet que «
La chambre d'accusation exerce un contrôle sur l'activité des
fonctionnaires civils et militaires, officiers de police judiciaire, pris en
cette qualité, à l'exclusion des magistrats
désignés à l'article 16, des maires et de leurs adjoints
».
Leur rôle de garant des libertés individuelles
explique cette mission à eux confiée. Etant donné la
fragilité des droits de l'Homme sous la répression des
actes de grand banditisme, leur responsabilité dans l'exécution
de cette mission est plus que jamais en jeu.
2. La censure des actes de la police
judiciaire
Les autorités hiérarchiques sont constamment
amenées à contrôler l'activité de la Police
Judiciaire pour éviter les débordements. Le pouvoir judiciaire
est, aux termes de l'article 125 de la Constitution, le gardien des
libertés individuelles et collectives. A ce titre, il veille au respect
des droits et libertés garantis par la Constitution. Il reçoit et
tranche les recours formulés par les citoyens et sanctionne les
violations de leurs droits.
En tant que garants des libertés fondamentales, le
procureur et le juge d'instruction doivent constamment veiller à ce que
ceux travaillant sous leurs ordres ne transgressent pas les principes
sacrés de la procédure. La répression du grand banditisme
offre de nombreux pouvoirs aux OPJ. Il y a donc constamment le risque
d'atteinte aux libertés. La garde à vue et le recours à
l'arme à feu en dehors du cadre strict de la légitime
défense sont des portes privilégiées des
débordements. C'est donc aux autorités de tutelle de veiller au
respect des délais de quinze jours de la GAV, de s'assurer que les
suspects interpelés jouissent de leurs droits civils tels que garantis
par les textes, etc. Ils doivent surtout surveiller de près, le recours
à l'arme qui débouche
28
sur, non seulement des atteintes au droit à la vie mais
aussi sur d'autres droits fondamentaux non négligeables comme le droit
à la présomption d'innocence, à un procès
équitable, etc.
Cette situation a conduit à des concertations
récentes entres acteurs des répressions qui a abouti à des
réformes. Désormais, l'OPJ a l'obligation de signifier à
l'individu interpellé dans le cadre des actes de grand banditisme son
droit à l'assistance d'un avocat. Le projet de réforme
prévoit également, la modification des délais de la GAV
dans le sens du rabais43.
Par ailleurs, le procureur peut intervenir afin de suspendre
une procédure déjà entamée. Cette intervention du
procureur est tout à fait discrétionnaire et peut même
intervenir pour des raisons qui peuvent être qualifiées de «
considérations politiques »44. Rien n'interdit donc au
procureur général d'ordonner un nolle
prosequi45 dans un dossier parce qu'il est insatisfait du
travail des policiers affectés à l'affaire.
Section II : L'impact de la répression sur le grand
banditisme.
La question que tout acteur de la répression est
amené à se poser est celle de l'efficacité de la lutte
organisée contre le grand banditisme. Quel impact a pu produire la
répression organisée depuis 2009 contre le fléau ? La
réponse semble évidente tant elle paraît la même chez
tous ceux qui donnent un point de vue là-dessus. Il s'agit donc, dans
cette rubrique de trouver une réponse à la question de
l'efficacité de la répression organisée en se basant sur
les données engrangées de la lutte (§ I)
avant d'analyser les nouvelles tendances du phénomène
(§ II).
Paragraphe I : Evaluation de l'impact de la lutte sur
le grand
banditisme
Cette évaluation ne peut se faire qu'à travers
une analyse des données sur le terrain d'une part et celles des prisons
d'autre part. Les données du terrain indiquent la fréquence du
phénomène dans les régions tandis que celles des prisons
parlent de l'efficience de la répression. L'étude des
données statistiques montre que la criminalité du grand
banditisme n'a guère reculé devant la répression
(A) et que les libertés individuelles sont fortement
entamées depuis lors (B).
43 Rapport de l'étude sur la réforme
de la GAV au Burkina Faso, étude réalisée par OUEDRAOGO
Arnaud, expert spécialiste, décembre 2014. Source DPJ/DGPN.
44 MATSOPOULOS Maritini, Les enquêtes de
polices, LGDJ. Tome32.
45 Expression latine dont la traduction juridique
correspond aux pratiques de classement sans suite du parquet.
29
A. L'effet de la loi sur l'évolution de la
criminalité
Cet effet ne peut être mesuré qu'à travers
une étude de la demande de sécurité comparée avec
l'offre.
1. Le besoin de sécurité
Le besoin de couverture sécuritaire contre le grand
banditisme s'évalue en termes de prise en charge d'une population
résidente de 18 450 494 habitants des villes et des
campagnes dont 9 546 238 femmes et 8 904 256
hommes46, répartie sur 270 764
km2 du territoire à travers treize (13)
régions, quarante-cinq (45) provinces et trois cent cinquante-un (351)
départements. L'offre de sécurité est constituée de
l'ensemble des acteurs de la sécurité et des services qui
interviennent dans la lutte contre la criminalité en
général. En effet, la réduction des distances par
l'implantation de services de police décentralisés à 60
kms de rayon environ les uns des autres, ainsi que l'abaissement du ratio de
surveillance sécuritaire passé de 3 386 habitants par policier
à 2 386 en 2010 grâce à l'appui des comités locaux
de sécurité, pourraient faire baisser les tensions dues à
l'insécurité. Encore faut-il signaler que, le ratio optimal de
surveillance sécuritaire est de 360 à 400 habitants par
policier47.
Comment ces populations vivent-elles la situation des attaques
à mains armées qui couvrent les actes de grand banditisme? Depuis
2009, avec l'adoption de la loi spécifique sur le grand banditisme, les
espoirs étaient de voir le phénomène mourir de sa belle
mort. Mais qu'en est-il de la situation aujourd'hui ?
2. L'effet de la loi sur le phénomène du
grand banditisme
Quels effets la loi portant répression du grand
banditisme a-t-elle pu produire sur le phénomène du grand
banditisme ? Contrairement à ce que l'on a pu espérer avec
l'avènement de la nouvelle loi, les actes de grand banditisme n'ont
guère reculé devant la sévérité de la
répression à eux opposée. En effet, les données
statistiques indiquent une augmentation fulgurante du niveau des attaques
à mains armées au lendemain de l'entrée en vigueur de la
loi. Cette augmentation est disproportionnelle à l'évolution
normale démographique. De l'ordre de deux (2) attaques à mains
armées par jour en 2010, le pays connaît en 2013, 6 attaques au
quotidien. Dans le même temps, le nombre de détenus pour actes de
grand banditisme connaît une hausse constante. C'est dire donc que
l'effet dissuasif de la loi et le niveau élevé de la
répression résultant de
46 Projections démographiques nationales
-données de 2015/INSD.
47 BAYALA Jean-Pierre, op.cit.
30
l'allègement des procédures n'ont guère
joué favorablement sur la tendance de la criminalité du grand
banditisme.
Courbe évolutive du niveau des attaques à
mains armées de 2009 à 201348
2500
2000
|
Evolution des attaques à mains armées
|
|
|
|
|
|
|
1500 1000 500 0
|
|
|
|
|
|
|
|
|
2010 2011 2012 2013
|
|
|
Total des attaques
|
|
Source : Ministère de la Justice, Tableau de bord
des statistiques, 2013.
Tableau des condamnés pour vols aggravés
(actes de grand banditisme) dans les maisons d'arrêt au
31/12/201349
Année
|
2006
|
2007
|
2008
|
2009
|
2010
|
2011
|
2012
|
2013
|
Nombre de détenus
|
07
|
06
|
12
|
42
|
100
|
104
|
202
|
263
|
Source : Ministère de la Justice, Tableau de bord
des statistiques, 2013.
Commentaire : le nombre de condamnation augmente chaque
année depuis 2009. Cela peut être attribué à
l'impact de la loi portant répression du grand banditisme sur les
procédures judiciaires.
Cependant, des objectifs spécifiques de la loi sont
atteints. En effet, la loi portant répression du grand banditisme a pu
résoudre la lourdeur de la procédure criminelle et a permis de
décongestionner les cabinets d'instruction et les cours d'appel,
même si de cet allègement procédural, il en est
résulté des atteintes à des droits fondamentaux.
B. Les libertés individuelles sous la loi
017
On arrive donc à la conclusion que la loi 017 portant
répression du grand banditisme qui est le texte de base de la
répression n'a pas produit les effets escomptés sur
l'évolution du grand
48 Données statistiques police/gendarmerie.
Sources archives des DGPN et GN.
49 Ministère de la justice, Annuaire
Statistiques 2013, p. 171.
31
banditisme. Cependant, c'est au prix de nombreuses
libertés fondamentales chères à l'éthique des Etats
démocratiques que ce système de répression est mis en
place. En effet, les exigences de l'Etat de droit veulent que les politiques
recherchent en permanence un équilibre entre les exigences de la
répression et l'épanouissement social de l'individu qui ne peut
avoir lieu que dans un environnement favorable à l'exercice des droits
individuels. Cependant, la loi portant répression du grand banditisme
sacrifie de nombreux droits de la personne au nom de l'intérêt
général. La célérité de la procédure
a sacrifié les droits de la défense. En effet, l'absence du
double degré d'instruction, du collège des jurés,
l'absence de l'avocat commis d'office, etc. ont largement contribué
à fragiliser les droits de la défense sous la loi 017.
D'autres droits du mis-en-cause subissent le même sort.
Du coup, l'enquête de personnalité qui permet d'individualiser la
peine par une meilleure connaissance du délinquant est
écartée dans la procédure. Or, comme le disait R.
SALLEILLES, « c'est le crime que l'on punit, mais c'est la
considération de l'individu qui détermine le genre de mesure qui
lui convient. La responsabilité, fondement de la peine, et
l'individualisation, critérium de son application : telle est la formule
du droit pénal moderne »50.
Le droit à la vie, à la présomption
d'innocence, le droit à la vie privée n'ont jamais
été si éprouvés que sous la loi 017.
On est alors tenté de se demander, pourquoi faut-il
consentir à une double perte quand le choix est possible entre une ou
même de sauver les deux ? Pourquoi maintenir un système inefficace
au prix des droits de l'Homme, valeurs universelles qui fondent l'orgueil des
nations civilisées ?
Dans tous les cas, les actes de grand banditisme triomphent
des méthodes très répressives et se complexifient au
lendemain de l'entrée en vigueur de la loi 017.
Paragraphe II : Le triomphe du phénomène
de grand
banditisme sur les méthodes
employées
La situation des attaques à mains armées sur le
terrain et les conséquences liées à la répression
témoignent de l'inadéquation du système de
répression. Le phénomène triomphe des stratégies
50 SALLEILLES Raymond, L'individualisation de la
peine, 1898.
32
employées et révèle davantage les limites
de la politique répressive. Non seulement le grand banditisme
continue de s'épandre (A) mais il utilise des modes opératoires
les plus évolués (B).
A. Le niveau actuel du grand banditisme
« Banditisme à l'Est : Nassougou et Tiasseri
dignes d'un Far West », titre le journal La vie
d'aujourd'hui51 peignant la flambée des attaques
à mains armées dans les régions de l'Est. Le journal va
plus loin en rapportant des témoignages relatant le calvaire des
populations qui cherchent refuge sur les arbres et dans la forêt, la nuit
tombée pour échapper aux délinquants. Cette situation
n'est pas propre à la région de l'Est qui fait partie des zones
rouges. Bien d'autres populations dans d'autres contrées comme dans les
cascades, le centre et le centre-nord vivent sous la menace constante des
attaques, qui de plus en plus, ont lieu en plein jour.
Ce tableau donne l'évolution des attaques à mains
armées au plan national depuis 200952.
N° d'ordre
|
Année
Région
|
2009
|
2010
|
2011
|
2012
|
2013
|
2014
|
01
|
BOUCLE DU MOUHOUN
|
07
|
08
|
04
|
10
|
759
|
21
|
02
|
CASCADES
|
03
|
03
|
04
|
04
|
343
|
11
|
03
|
CENTRE
|
147
|
97
|
81
|
162
|
249
|
188
|
04
|
CENTRE - EST
|
89
|
80
|
48
|
142
|
111
|
228
|
05
|
CENTRE - NORD
|
57
|
31
|
21
|
71
|
110
|
112
|
06
|
CENTRE - OUEST
|
34
|
07
|
13
|
60
|
42
|
45
|
07
|
CENTRE - SUD
|
14
|
19
|
13
|
24
|
37
|
45
|
08
|
EST
|
104
|
91
|
121
|
322
|
31
|
431
|
09
|
HAUTS-BASSINS
|
09
|
04
|
06
|
13
|
28
|
13
|
10
|
NORD
|
04
|
02
|
01
|
00
|
21
|
12
|
11
|
PLATEAU CENTRAL
|
19
|
15
|
18
|
10
|
15
|
38
|
12
|
SAHEL
|
17
|
22
|
15
|
22
|
12
|
38
|
13
|
SUD - OUEST
|
04
|
08
|
04
|
17
|
11
|
33
|
|
TOTAL
|
513
|
387
|
349
|
856
|
1769
|
1215
|
51 Aujourd'hui, N°139 du
vendredi 12 au dimanche 14 septembre 2014, p.6
52 Statistiques PN uniquement ; sources DPJ/DGPN
33
Commentaire : Comparativement à
l'année précédente, les attaques et agressions à
mains armées ont connu une baisse sur l'ensemble du territoire national
en 2014.
Cette baisse du niveau de l'insécurité pourrait
s'expliquer par les efforts conjugués des différents services de
police à travers l'intensification des patrouilles dans les zones
criminogènes et la collaboration de la population dans certaines
régions pour lutter contre cette délinquance.
B. Les nouveaux modes opératoires des
délinquants53
Les « modus opérandes » sont les
mécanismes ou procédés mis en oeuvre par les
délinquants pour atteindre leur but, celui de dépouiller les
victimes de leurs biens. Ils varient selon que l'on se situe sur une route
nationale, une route régionale, une route départementale ou une
piste rurale. Mais d'une manière générale, il faut retenir
que le mode opératoire des bandits sont les embuscades et le guet-apens
ou encore l'irruption sur la voie publique avec des tirs nourris.
1. Les Opérations par usage d'armes à feu
sur les grands axes routiers Les délinquants interviennent
généralement en groupes. Il s'agit d'associations très
diverses, allant de bandes organisées et professionnelles (type mafia)
à des groupements plus spontanés, liés à un certain
environnement social (bandits de grand chemin.)
La caractéristique première de ces sujets est la
rupture des liens avec la société environnante, donc avec la loi.
On retrouve aussi le besoin de réalisation immédiate des
désirs et, souvent, la fascination par la violence et par le plaisir de
la transgression. De tels éléments sont renforcés par la
déresponsabilisation, mais aussi le sentiment d'identité du
groupe, qui se renforce en s'opposant au milieu extérieur. Ces bandes
ont souvent leurs lois du milieu, parfois très rigoureuses.
La technique des bandits consiste en général
à cibler l'axe routier sur lequel ils vont perpétrer l'attaque.
Une fois le lieu choisi les délinquants se déportent sur le site
d'opération. Y étant, ils utilisent des objets pour obstruer la
voie et lorsqu'un automobiliste ou un motocycliste arrive à la hauteur
de leur barrage ou embuscade, une première équipe fait irruption
pour obliger les usagers de la route à marquer l'arrêt. Pendant
qu'une deuxième équipe se charge de fouiller les passagers et de
les dépouiller, une dernière équipe fait le guet dans les
deux sens pour alerter
53 Abou GUEL, Problématique de la lutte
contre l'insécurité dans la région de l'Est : cas des
attaques à main armée, p.5.
34
de tout danger éventuel. Il arrive parfois que
l'attaque se prépare dès le départ des transporteurs en
gare. En effet, généralement un des délinquants se tient
à la gare afin de communiquer à ses complices l'itinéraire
du véhicule et la position assise des victimes potentielles.
2. Les pratiques des bandes organisées des
délinquants
Une autre simulation est celle d'un blessé par accident
; une personne couchée sur la voie avec un air souffrant vous interpelle
en vous demandant de lui porter secours, si vous vous approchez pour l'aider,
il vous agresse ou ses complices sortent de leur cachette pour vous braquer. Il
y'a aussi la technique de la corde qui consiste à attacher un bout de
celle-ci à un arbre et de la faire traverser la voie. Les bandits se
cachent et à l'arrivée de la victime, ils tirent sur la corde et
la font tomber. Ils se ruent sur elle ensuite pour la piller.
La technique de la boule est une stratégie consistant
pour les bandits à se cacher et à guetter leur butin. Au passage
de la victime, ils lui jettent la boule et la font tomber, l'assomment, et lui
arrachent ses biens. Cette manière d'opérer des brigands, tout
comme la technique de la corde se fait généralement sur une
catégorie d'usagers de la route qui sont les cyclistes, les
cyclomotoristes et les motocyclistes. Elles sont surtout pratiquées de
nuit loin des habitants.
Une autre forme de technique se fait dans le cas des
cambriolages à domicile ou dans les institutions. Les bandits avant de
mener leurs opérations étudient le terrain. Ils se divisent en
plusieurs équipes dont l'une ira fréquenter les lieux et ramener
le plan des lieux à cambrioler. Une fois le terrain connu, l'autre
équipe se rend dans les lieux pour l'opération proprement dite.
Ils peuvent la faire à l'insu de témoin si les lieux ne sont pas
sous surveillance. Ils peuvent le faire même si le lieu est sous
surveillance.
Les bandits ont diverses techniques pour atteindre leur but.
Ils se servent aussi bien des armes à feu que des armes blanches si bien
qu'il est rare qu'ils échouent leur plan.
La volonté des dirigeants de relever les défis
de la sécurité s'est clairement exprimée à travers
les conventions internationales, régionales et sous régionales
auxquelles le pays a souscrit. Elle s'est davantage exprimée à
travers l'organisation juridique interne ingénieusement construite
à la lumière des libertés individuelles. La loi portant
répression du grand banditisme est l'expression de la volonté
d'un peuple qui n'en peut plus de sa criminalité de grand chemin. Mais
le résultat quinquennal montre que s'il faut maintenir la
répression pour sa valeur morale, il faudra imaginer d'autres voies
alternatives pour faire face à la montée inquiétante des
actes de grand banditisme.
PARTIE II : ANALYSE ET PERSPECTIVES DU SYSTEME DE
REPRESSION DU GRAND BANDITISME
« Le temps des atermoiements, des demi-mesures, des
remèdes lénifiants, des expédients de délais touche
à sa fin. Voici venu le temps des
conséquences»54.
Le système de répression du grand banditisme est
l'ensemble des mesures prises par l'Etat, tant au plan juridique qu'au plan
institutionnel pour combattre le phénomène. Ces mesures sont
très multiples, essentiellement coercitives. En effet, depuis
l'année 2009, beaucoup d'actions politiques ont été
menées pour résorber le phénomène. Les institutions
ont été renforcées dans leurs effectifs, leurs
équipements ; leurs organisations ont été
améliorées. Des actions communautaires ont été
menées. La plus forte des actions est l'adoption de la loi 017/AN du 05
mai 2009 portant répression du grand banditisme, qualifiée de loi
hautement répressive, censée fortifier les actions
juridictionnelles et fragiliser les capacités opérationnelles des
délinquants. En somme ; une guerre sans merci dont nous venons de
démontrer l'inefficacité a été lancée contre
le grand banditisme. D'où la nécessité de repenser le
système en envisageant autrement la répression. Mais avant de
passer à autre chose, il est important de trouver des réponses
aux questions présentes. Et ces questions portent d'une part, sur
l'organisation politique actuelle de la lutte contre le grand banditisme,
d'autre part, sur les raisons profondes du triomphe de la criminalité
propre au phénomène. C'est pourquoi, il est plus que jamais
nécessaire de faire une évaluation du système de
répression en relevant ses points positifs et négatifs
(chapitre 1er) afin de proposer des solutions
à même d'améliorer l'approche politique du fléau
(chapitre 2ème).
35
54 W. Churchill, cité par Al Gore dans «
une vérité qui dérange », film documentaire,
2008.
36
CHAPITRE I : EVALUATION DU SYSTEME DE REPRESSION DU
GRAND BANDITISME
L'évolution constante de l'environnement
sécuritaire suivant les bouleversements socio-politiques ainsi que les
progrès scientifiques et techniques confronte les Etats à la
nécessité de construire des politiques sécuritaires sans
faille et sans complaisance et d'innover régulièrement pour
garder une avance sur la délinquance. Dans le système de
répression actuel du grand banditisme, des insuffisances et failles du
dispositif sécuritaire influent négativement sur la
qualité de la sécurité attendue par les populations
(section I), même si de nombreuses réalisations
ont permis de faire des avancées énormes dans la quête de
la sécurité et qu'il convient de consolider (section
II).
Section I : Les forces de la politique de répression
du grand
banditisme
En vue d'éradiquer le phénomène du grand
banditisme, de nombreuses actions ont été entreprises par l'Etat
burkinabè. La mise en place d'un certain nombre d'unités
spécialisées dans les différents corps de
sécurité ayant pour mission l'éradication de la
criminalité spécifique du grand banditisme et le terrorisme est
déjà un progrès majeur (§ I). Mieux,
inscrire l'intervention de ces unités dans une légalité
absolue pour éviter l'arbitraire et ce, malgré l'animosité
des « bandits » agissant hors de tout cadre légal et moral est
une avancée significative dans la construction d'un Etat de droit
(§ II).
Paragraphe I : L'institutionnalisation de la lutte
contre le
grand banditisme
L'institutionnalisation de la lutte a donné lieu
à la mise en place de plusieurs composants militaires et paramilitaires
avec une allocation en matériels militaires pour faciliter
l'exécution des missions. Il s'agira dans cette rubrique de faire le
point de ces organes ainsi que de l'équipement mis à leur
disposition (A). Il s'agira aussi de relever comme
progrès majeur dans la lutte l'implication des populations à
travers la police de proximité (B).
37
A. L'existence d'organes spécialisés dans la
répression du grand banditisme
Plusieurs corps spécialisés au sein de la police
et de l'armée ont été créés dans le cadre de
la lutte contre le grand banditisme et le terrorisme avec des
équipements spécifiques de nature à rassurer les
populations
1. Les institutions publiques
De nombreuses mesures ont été prises dans le
cadre de la lutte contre le grand banditisme. Au sein des corps de
sécurité, les autorités ont soutenu la création de
plusieurs unités aux missions spécifiques pour l'appui à
la lutte contre le grand banditisme et le terrorisme. La police nationale
dispose à elle seule de trois corps constitués et
équipés pour ces missions. On peut citer :
? L'Unité d'Intervention Polyvalente de la Police
Nationale (UIP-PN) créée par arrêté
n°2013-038/MATS/DGPN portant création, organisation, attributions
et fonctionnement de l'Unité d'Intervention Polyvalente de la Police
Nationale. Sa devise est « Force reste à la loi », son logo
est un BUFFLE d'Afrique, symbole de force, de vigilance et de
ténacité55. Basée à Ouagadougou, elle
effectue des missions sur toute l'étendue du territoire national,
partout où des actes de banditisme ou des actes terroristes sont
signalés. « l'UIP-PN est une unité d'élite de la
Police Nationale ayant pour mission de lutter contre le grand banditisme et le
terrorisme. Elle intervient dans les situations d'extrême violence ou
à haut risque... »56 ;
? La Brigade Anticriminelle (BAC) créée en 2009,
elle est basée à Ouagadougou et est spécialisée
dans l'appui à la lutte contre l'insécurité en milieu
urbain ;
? Les Compagnies Républicaines de
Sécurité (CRS) est basée à Ouagadougou et dans de
nombreuses régions du Burkina Faso. Leur mission n'est pas
spécifiquement liée à la répression du grand
banditisme mais à la sécurité publique en
générale ;
? Les Services Régionaux de Police Judiciaire qui sont
les premières unités spécialisées dans la lutte
contre le grand banditisme.
Au niveau de l'armée, on a :
? L'Unité Mobile de la gendarmerie nationale...
55 Article 1 idem.
56 Article 2 décret n°2013-038/MATS/DGPN
portant création, organisation, attributions et fonctionnement de
l'Unité d'Intervention Polyvalente de la Police Nationale
38
? L'armée de l'air qui apporte de façon ponctuelle
son appui à la lutte contre le grand banditisme quand il s'agit de raid
aérien.
La constitution de ces corps permet une intervention plus rapide,
mieux orientée et plus efficace, quand on sait que ces corps sont des
unités d'élites formées et équipées pour des
missions de haut risque.
2. Equipement et moyen d'action
Face à la montée du grand banditisme et au besoin
du gouvernement de sécuriser les personnes, les biens et les
institutions de l'Etat, les investissements et les acquisitions en
matière de sécurité ont connu une nette
amélioration.
L'évolution de la dépense publique relative au
sous-secteur de la sécurité se présente comme
suit57 :
Année
|
|
2011
|
|
|
2012
|
|
|
2013
|
|
Prévision 2014
|
Dotation liée au
fonctionnement et à l'acquisition de biens et
services
|
4
|
064
|
993
|
710
|
42
|
785
|
863
|
613
|
34
|
491
|
406
|
001
|
29 556
|
07058
|
Volet Sécurité
|
2
|
797
|
382
|
013
|
15
|
578
|
480
|
303
|
13
|
239
|
066
|
750
|
16 085
|
512
|
Source : Ministère de la Justice, document de
diagnostic, politique sectorielle de l'Administration du territoire et de la
Sécurité (PSATS), 2013.
Commentaire : face au grand banditisme et
à l'insécurité de façon générale, des
moyens financiers et matériels sont mis à la disposition du
Ministère en charge de la Sécurité pour assurer la
prévention des infractions et au besoin réprimer. Force est de
reconnaitre cependant que malgré ces efforts, les équipements
destinés aux forces de sécurité restent insuffisants. Des
efforts continuent d'être menés.
57 Document de diagnostic du secteur de
l'administration du territoire et de la sécurité (PSATS), rapport
provisoire, décembre 2013, page 33.
58 En cours d'exécution au moment des
travaux.
39
La construction des commissariats de police, des brigades de
gendarmerie, l'acquisition de gyrocoptères, d'équipements
spécifiques sont autant de ressources acquises pour le volet
sécurité et la lutte contre le grand banditisme en
particulier.
Toutes ces ressources témoignent de
l'intérêt que les autorités accordent à la question
de la sécurité, surtout celle du grand banditisme. Ces moyens
sont sensés faciliter les interventions du personnel de
sécurité. Ils le sont encore plus quand on sait que les
délinquants sont porteurs d'armes, des fois, de même calibre que
ceux des forces républicaines. Un équipage suffisamment fourni
rassure moralement les intervenants et dissuade assez les délinquants.
C'est un signe assez dissuasif tant pour les populations qui ont besoin
d'être rassurées quant à leur sécurité, que
pour les adeptes à la délinquance qui sont sous la hantise
permanente des forces de sécurité.
B. La communautarisation de la lutte
L'adoption de la loi sur la sécurité
intérieure au Burkina Faso en 2003 a ouvert la voie institutionnelle
à une approche préventive de la lutte contre la
criminalité en général et contre le
phénomène du grand banditisme en particulier. Le document portant
stratégie nationale de la sécurité intérieure pose
les fondements du concept de politique urbaine de sécurité
intégrée en s'inspirant du concept de sécurité
humaine auquel le Burkina Faso a souscrit au titre de ses engagements
internationaux. Il fait la promotion de l'implication de la communauté
dans un processus de coproduction de la sécurité.
La mise en place de la police de proximité à
travers les initiatives locales de sécurité et les comités
locaux de sécurité est une avancée majeure dans la
problématisation des questions de sécurité. Ces structures
apportent un concours extrêmement appréciable à travers les
sensibilisations et le renseignement opérationnel. Elles permettent par
ailleurs aux populations de prendre conscience des enjeux sécuritaires
et de s'impliquer dans la prise en charge de leur propre
sécurité. Cette expérience est encore utilement
exploitée par les services de sécurité dans les
régions classées hautement criminogènes.59
Récemment, une mesure nouvelle de lutte contre le grand
banditisme, tendant à impliquer davantage les populations dans le
renseignement opérationnel a été prise. Il s'agira, pour
le gouvernement, d'encourager par des primes, les populations afin qu'elles
travaillent en
59 Les services de police de la province du
Bazèga font l'heureuse expérience de l'implication des chefs
coutumiers dans la lutte contre l'insécurité. Le pouvoir
communicationnel et de renseignement de ces derniers font oeuvre utile dans la
lutte contre le grand banditisme (Témoignages DPPN-Bazèga ; avril
2015).
40
collaboration avec les forces de sécurité dans
la lutte contre le fléau. Pour le ministre, « toute personne
ayant fourni des renseignements sûrs et vérifiés permettant
d'interpeller des bandits sera récompensés par une somme d'argent
allant de cent cinquante mille à deux cent mille Francs ; et cette somme
pourrait, ajoute le ministre en charge de la sécurité, être
revue à la hausse en fonction de l'enjeu »60.
Ces initiatives gouvernementales tendant à ouvrir la
voie de la collaboration avec les populations est une solution
irremplaçable dans la quête de la sécurité sociale
et, en particulier, dans la lutte contre le grand banditisme. Cette lutte
comporte encore l'avantage de s'inscrire dans la légalité,
proscrivant les exécutions sommaires et
extrajudiciaires61.
Paragraphe II : La légalité des
interventions et la rigueur de
la répression.
La loi portant répression du grand banditisme,
malgré son caractère hautement répressif, a l'avantage de
couvrir des comportements illégaux qui, compte tenu des exigences de la
situation du grand banditisme, pourraient devenir courants dans les pratiques.
La loi a le mérite d'étendre la légalité aux
manoeuvres des interventions et rendre rapide le traitement des dossiers dans
la procédure judiciaire.
A. La légalité des interventions et la
rigueur de la répression: force reste à la loi
L'idée est qu'il vaut mieux étendre la
légalité à des pratiques incommodes que de permettre des
actions en marge de la loi, fussent-elles motivées par
l'intérêt général. Par ailleurs, le maintien de la
répression est une nécessité à la sauvegarde des
valeurs sociales.
1. La légalité des
interventions
L'une des grandes difficultés des missions de
patrouille et d'intervention réside dans le fait que l'agent de
sécurité doit faire face à des brigands « sans foi,
ni loi » guidés uniquement par la recherche effrénée
du butin. Les délinquants en effet agissent hors de tout cadre
légal et c'est à cet effet que leur responsabilité
pénale est recherchée. La délinquance est un comportement
qui
60 Conférence de presse du Ministre de
l'Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la
Sécurité, BARRY Auguste Denise, le 16 Avril 2015.
61 En 2003, la lutte contre le grand banditisme au
Burkina Faso, avait conduit à mener une opération dite «
coups de poings » et avait conduit à des exécutions
sommaires, donc des violations flagrantes des droits de l'Homme.
41
s'inscrit en marge de la norme sociale, qu'elle soit morale,
légale ou religieuse. Il est donc ridicule de s'attendre à ce que
le délinquant soit diligent, moins violent et respectueux des lois dans
ses opérations. Toute la difficulté de la répression
apparaît quand il faut venir à bout de personnes pour lesquelles
tout est permis avec des moyens conventionnels. Alors, le recours à des
comportements, à des actes illégaux est tentant. Cette situation
conduit à des GAV au-delà des délais légaux,
à des exécutions extra judiciaires62, etc.
Mais ce défi est relevé par les organes de
répression du grand banditisme. En effet, toutes interventions,
fussent-elles violentes s'inscrivent dans la légalité. La loi
portant répression du grand banditisme serait adoptée en vue de
couvrir des pratiques qui en la légalité ordinaire serait
illégaux63 (les GAV se prolongeant au-delà des
délais légaux). Depuis 2009, grâce à l'extension de
la légalité et au professionnalisme des acteurs de la
sécurité, très peu de bavures lors des interventions
contre les grands bandits ont été signalées.
L'intérêt réside dans l'affermissement de
l'Etat de droit. Le souci constant de prioriser la légalité,
mène à l'érection d'une société où
l'arbitraire est proscrit et où le droit a le dernier mot.
Par ailleurs, cette obligation pour les acteurs d'inscrire
leurs actions dans la légalité qui peut être le
résultat de l'interprétation des textes internationaux (le
principe de légalité, et d'autre part les principes de
nécessité, proportionnalité et précaution en
matière d'usage de la force et des armes à feu) a un fondement
moral. En effet, le droit reste le fondement de la société. Les
artisans d'une telle société doivent donner l'exemple en
matière de légalité, quelles que soient les circonstances.
C'est la seule manière de fortifier l'Etat.
2. La rigueur de la répression
La sanction pénale est le seul moyen dans un Etat de
droit pour corriger les erreurs et les égarements des citoyens. Elle
permet d'assurer l'ordre et de faire régner la discipline par la force
légitime. Paul Valery disait que quand l'Etat est faible, nous
périssons de désordre. La sanction pénale n'est pas en
elle-même condamnable. C'est le mécanisme procédural par
lequel elle est infligée au citoyen qui peut pécher
contre les principes de l'Etat de droit. Un peu partout dans le monde, des
crimes dits crapuleux ont toujours été sanctionnés avec
sévérité, même dans les pays qui se prennent pour
l'achèvement de la civilisation humaine. En France, la
perpétuité
62 Cf. opération coup-de-poing des
années 2003.
63 Témoignages recueillis des acteurs
judiciaires lors des enquêtes qualitatives, ministère de la
justice, janvier 2015.
42
incompressible64 a été
instituée contre les crimes particulièrement graves. Cette peine
est applicable aux deux crimes suivants :
1. meurtre avec viol, tortures ou acte de barbarie d'un mineur
de moins de quinze ans ;
2. meurtre en bande organisée ou assassinat d'une
personne dépositaire de l'autorité publique (policier, magistrat,
etc.) à l'occasion ou en raison de ses fonctions.
Les Etats-Unis appliquent encore la peine capitale et la Chine
l'inflige même pour des crimes jugés ailleurs mineurs comme
l'évasion fiscale. En dépit du fait que la dernière
sentence au Burkina Faso remonte à 2011, la peine de mort a
été prononcée contre 2 700 délinquants dans le
monde en 2014, avec une croissance de 28% par rapport à
201365. Le Burkina Faso ne se met donc pas en marge de la
civilisation humaine en infligeant l'emprisonnement à vie à des
délinquants qui volent avec violences et qui surpassent le seuil de
l'intolérable en crevant le plafond de l'inacceptable. C'est la
procédure par laquelle de telles peines sont infligées, et leur
gestion qui peuvent poser problème.
La sévérité de la peine contre les actes
de grand banditisme est utile en ce sens qu'elle satisfait les populations,
décourage les adeptes du crime et satisfait la victime. Nul n'ignore que
la peine par son caractère vindicatif guérit la victime. Mais ce
but n'est atteint que quand le système pénal atteint les vrais
coupables et épargne les innocents.
B. L'allègement de la procédure
L'allègement de la procédure de
répression est une avancée majeure dans la lutte contre le grand
banditisme. Il a permis d'engranger des résultats non
négligeables dans le traitement des dossiers judiciaires. Cet
allègement procédural a permis en effet de résorber les
problèmes de lenteur des tribunaux et de faciliter la mission de l'OPJ.
En effet, comme il a été mentionné plus haut, la loi 017
portant répression du grand banditisme a facilité la tâche
des OPJ et allégé la procédure de jugement. Au niveau des
OPJ, la revue de leurs pouvoirs en hausse dans le cadre de l'enquête de
flagrance a contribué de façon significative à accroitre
les interpellations. Disposant des droits plus étendus dans le cadre des
perquisitions et saisies, du recours à l'arme
64 Elle a été instituée par la
loi 94-89 du 1er février 1994 à l'initiative du
ministre de la justice à l'époque de Pierre Méhaignerie,
membre du gouvernement Balladur.
65 Amnesty International, Rapport 2014 rendu public
au Journal télévisé de 19h 30 sur BF1 le lundi 06 Avril
2015.
43
à feu en dehors du cadre classique de la
légitime défense, du pouvoir de garder à vue pendant plus
de dix (10) jours, l'OPJ a vu son travail allégé sous cette
loi.
L'allègement de la procédure a beaucoup
amélioré la tâche des acteurs judiciaires et le rendement
des juridictions. En effet, il a optimisé le nombre de dossiers
traités par an. Cela est devenu possible grâce à la
possibilité offerte au parquet de passer par la simple citation à
comparaitre pour acte de grand banditisme, sans avoir à
déclencher la procédure la plus lourde qui est celle de
l'instruction. Il n'est plus besoin d'attendre la période des assises
pour qu'une affaire de grand banditisme soit traitée, celle-ci pouvant
avoir lieu à tout moment, la juridiction des chambres correctionnelles
fonctionnant en tout temps. Ainsi, le temps moyen pour le traitement d'une
affaire de grand banditisme devient en moyenne deux semaines contre trois (03)
ans en cas de poursuite pour vol aggravé66.
L'impact de cet allègement sur la justice sociale est
énorme. Il a permis en effet de traiter des dossiers au temps où
leur impact sur la conscience populaire est encore vif. Et pour cela, il a
contribué à accroitre un sentiment de justice
sociale67.
Aussi innombrables que soient les atouts de ce système,
le faible impact sur la criminalité du grand banditisme témoigne
des faiblesses à corriger.
Section II : Les faiblesses de la politique de
répression du grand banditisme
La lutte menée contre le phénomène du
grand banditisme a produit un impact non négligeable. Elle a permis
d'engranger de nombreux résultats. Beaucoup de zones ont
été sécurisées et des populations ont
été protégées. Des bandits de grands chemins ont
été mis hors d'état de nuire. Mais les résultats
escomptés au moment de l'adoption de la loi sont loin d'être
atteints car si la lutte est efficace, elle est menée au mépris
de certaines valeurs au nom desquelles une rectification mérite
d'être opérée si nous voulons optimiser les acquis tout en
restant un Etat démocratique, un Etat de droit. C'est pourquoi, il faut
procéder à un diagnostic du système afin de relever les
faiblesses à corriger. A priori, le système présente des
insuffisances aussi bien juridiques et qu'institutionnelles.
66 Témoignages des acteurs judiciaires,
recueillis lors de nos enquêtes qualitatives.
67 Idem.
44
Paragraphe I : Les insuffisances juridiques dans la
politique
de répression
La politique de répression des actes de grand
banditisme comporte de nombreuses insuffisances au plan juridique. Ces
insuffisances peuvent être regroupées sous deux rubriques
essentielles : les lacunes des textes et les insuffisances dans la protection
des droits humains.
A. L'imprécision des textes de base portant
répression du grand banditisme
En rappel, le texte de base qui organise la répression
des actes de grand banditisme reste la loi 017/AN du 05 mai 2009 portant
répression du grand banditisme. Ce texte qui est le
référentiel de principe (des fois, le parquet peut poursuivre sur
la base du vol aggravé) comporte des lacunes qui méritent
d'être comblées. Au titre de ces imprécisions, on
relève les circonstances autorisant le recours à l'arme par l'OPJ
et la mesure de la peine.
1. Le droit de recours à l'arme par
l'OPJ
L'article 9 de la loi n°017 dispose qu'« en cas
d'absolue nécessité, les officiers et les agents de police
judiciaire peuvent faire usage de leurs armes pour se défendre ou pour
neutraliser un délinquant ».
Certes, la loi ne précise pas la nature des armes dont
il est ici question ; ce qui laisse aux agents de sécurité la
latitude d'utiliser toute arme à leur disposition, y compris les armes
à feu. L'utilisation des armes à feu pose le problème de
la force létale et partant, celui de la protection du droit à la
vie. Notons que la force létale ou meurtrière s'entend non
seulement de la force ayant donné lieu à une perte en vie
humaine, mais aussi de toute force potentiellement meurtrière,
c'est-à-dire susceptible de tuer, même si finalement, la mort n'en
est pas résulté68. Eu égard au fait que l'usage
des armes à feu est susceptible de porter atteinte au droit à la
vie, le Droit International des Droits de l'Homme (DIDH) le soumet à un
régime juridique rigoureux qui conditionne la régularité
de l'autorisation d'usage des armes à feu.
En outre, le recours à l'arme à feu était
autorisé dans les cas d'« absolue nécessité »;
c'est-à-dire dans le cadre strict de la légitime défense.
Mais cet article ayant étendu le champ
68 CrEDH, Affaire Makaratzis c. Grèce,
requête n°46221/99, arrêt du 20 décembre 2004,
§49, où la Cour a estimé que l'article 2 CEDH trouvait
à s'appliquer à l'usage d'armes dans le but d'obliger Makaratzis
à immobiliser sa voiture même si en définitive, il n'en est
résulté que des blessures.
45
d'application au besoin de neutralisation du
délinquant, la « notion d'absolue » mérite une nouvelle
définition au risque d'être une porte ouverte à
l'arbitraire.
2. La difficile détermination de la
peine
L'article 18 de la loi dispose que « le tribunal qui
prononce une peine d'emprisonnement ferme doit l'assortir d'une peine de
sûreté au moins égale à la moitié de la peine
prononcée.
La peine de sûreté détermine une
période de détention maximale incompressible. » La
période de sûreté est, en droit
pénal français, une durée minimale assortie à une
peine de réclusion ou d'emprisonnement durant laquelle, le
condamné ne peut bénéficier d'aucun aménagement de
peine (tel qu'un placement en semi-liberté ou une libération
conditionnelle). Cette période de sûreté peut aller
jusqu'à deux tiers de la durée de la peine pour une peine
à temps, en France jusqu'à 22 ans dans le cas d'un emprisonnement
à perpétuité, et peut être illimitée dans le
cas des deux crimes passibles de la perpétuité
incompressible69
Or, le même texte de loi donne la possibilité au
juge de prononcer une peine d'emprisonnement à vie contre les auteurs,
coauteurs ou complices d'actes de grand banditisme. La question qui se pose est
alors celle de savoir comment déterminer la peine de sûreté
en cas de condamnation à l'emprisonnement à vie, manoeuvre
obligatoire pour le juge. Comment déterminer en effet, la moitié
du restant des années d'un homme encore en vie ? Cette situation
conduirait le juge à prononcer de très longue peine dans l'espoir
que la peine de sûreté corresponde au restant de la vie du
délinquant, ce qui n'est pas de nature à assurer une protection
suffisante des droits humains.
B. Les insuffisances dans la protection des droits
humains.
« Les principaux droits fondamentaux qui sont en jeu
lorsque les forces de l'ordre cherchent à assurer le respect de la loi
sont ceux touchant à la vie et à l'intégrité
physique des suspects, ainsi que le droit au respect de la vie privée
»70 A l'aune de cette déclaration, on peut
apprécier le niveau de protection du droit à la vie, de celui
relevant de l'intégrité physique et de la vie privée.
1. La répression du grand banditisme et le droit
à la vie
69
http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9riode_de_s%C3%BBret%C3%A9
(19 mars 2015).
70 International concil on human rights policy,
Criminalité, ordre public et droits humains, Versoix,
Genève, 2003, p. 5. Cité par KABRE Olivier, mémoire en
droits humains, ENAM.
46
Le droit à la vie est un droit fondamental
consacré par de nombreux instruments juridiques internationaux. Au plan
universel, l'article 6 alinéa 1 du PIDCP dispose que: « Le droit
à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit
être protégé par la loi. Nul ne peut être
arbitrairement privé de la vie ». Cette consécration
internationale du droit à la vie a été
entérinée au niveau régional, puis à l'interne.
Au plan régional, c'est l'article 4 de la CADHP qui, en
des termes similaires, consacre le droit à la vie71. Au plan
interne, ce droit est consacré par la constitution en son article 2 :
« la protection de la vie, la sureté et l'intégrité
physique sont garanties ». Droit insusceptible de
dérogation72, le droit à la vie est celui sans lequel
la jouissance des autres droits s'avère impossible.
Or, l'article 9 de la loi sur le grand banditisme ouvre une
porte à la violation du droit à la vie. En effet, si le
critère « d'absolue nécessité » ressort dans les
Principes de base sur le recours à la force et à l'usage des
armes à feu par les responsables de l'application des lois73,
il est employé pour désigner les situations où on a
recours à l'arme soit pour se défendre ou pour défendre
autrui. Mais en offrant la possibilité d'y recourir pour «
neutraliser le délinquant », cet article met à rude
épreuve la protection du droit à la vie.
2. Les autres droits menacés sous la
répression du grand banditisme.
Beaucoup de critiques faites à l'encontre de la
nouvelle loi font état de nombreuses violations des droits de
l'Homme74 qui ne sont pas de nature à assurer à notre
pays l'image de l'Etat de droit aux yeux de la communauté
internationale. Bon nombre d'entre eux découlent de l'article 9 de
ladite loi. En effet, le non-respect du droit à la vie emporte avec lui
beaucoup d'autres violations telles que la présomption d'innocence, le
droit à un procès équitable, etc.
Les droits de la défense sont mis à rude
épreuve sous la loi 017. Le caractère expéditif de cette
loi n'offre guère une bonne garantie à ces droits. En effet, le
souci de célérité qui a conduit à alléger la
procédure n'a pas manqué de fragiliser la défense. La
procédure correctionnelle n'offrant pas l'assistance judiciaire
systématique, les délinquants aux ressources limitées
71 Cet article stipule que « la personne
humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie et
à l'intégrité physique et morale de sa personne : Nul ne
peut être privé arbitrairement de ce droit ».
72 Article 4, alinéa 2 du PIDCP qui
énumère les dispositions insusceptibles de dérogations
dont l'article 6 consacrant le droit à la vie.
73 AG-NU, Principes de base sur le recours à
la force et à l'usage des armes à feu par les responsables de
l'application des lois, adoptés par le huitième congrès
des Nations Unies pour la prévention du crime et du traitement des
délinquants qui s'est tenu à la Havane (Cuba) du 27 août au
7 septembre 1990 .
74 Analyse de Mr KABRE Olivier, mémoire
précité.
47
assurent seuls leur défense devant un ministère
public qui les écrase de par son expérience professionnelle et sa
culture juridique sans égale. Ce droit est d'autant plus affaibli que le
double degré d'instruction et le système de jurés se
trouvent écarter.
On relève par ailleurs l'atteinte à la
liberté d'aller et de venir et le secret de la vie privée.
L'atteinte au premier résulte de l'allongement de la durée de la
GAV. La tendance des délais de GAV dans le monde est à la
réduction. En France, elle est passée de 72 à 24 heures.
Au Burkina Faso, elle est passée de 72 à 360 heures, ce qui
correspond à une peine.
L'atteinte au second, c'est-à-dire au secret de
correspondance résulte de l'étendue des pouvoirs des OPJ qui
peuvent opérer à toute heure de la journée chez toute
personne soupçonnée de détenir des informations relatives
aux actes de grand banditisme75.
A ces insuffisances juridiques s'ajoutent des faiblesses
institutionnelles rendant inefficace le système.
Paragraphe II : Les insuffisances institutionnelles de
la lutte
contre le grand banditisme.
Au plan institutionnel, beaucoup de dysfonctionnements sont
constamment relevés et de nature à entraver la quête de
sécurité durable pour tous. Ce sont entre autres, la
problématique des ressources disponibles et les difficultés de
coopération entre les différents acteurs de la
sécurité.
A. L'insuffisance des ressources
L'insuffisance des ressources se constate d'une part au niveau
du personnel et d'autre part au niveau des ressources matérielles
disponibles.
1. Le personnel.
La sécurité est avant tout l'oeuvre des acteurs
publics commis à cette tâche. La lutte contre le grand banditisme
exige une mobilisation grandiose des forces d'intervention compte tenu de
l'omniprésence du phénomène sur tout le territoire
national. Si c'est vrai qu'il y a des disparités dans les
fréquences des attaques à mains armées, aucune
région du Burkina Faso n'est à l'abri. C'est pourquoi il faut une
couverture conséquente des forces de sécurité sur le
terrain. Malheureusement, le manque de personnel rend difficile cette exigence.
En effet, les effectifs
75 Art. 6 al 2 de la loi n°017, op.cit.
48
des forces de sécurité paraissent
dérisoires devant le besoin de sécurité d'une population
estimée à plus de 18 millions d'habitants. A titre illustratif,
avec un effectif de cinq mille deux cent dix-neuf (5219) hommes dont cinq cent
(500) en formation au 31 août 2009, le ratio gendarmerie/population est
d'un (01) gendarme pour deux mille six cent quatre-vingt-cinq (2685) habitants.
Avec un effectif de sept mille trois cent soixante-huit (7368) fonctionnaires
de police au 31 août 2009 dont huit cent treize (813) en formation, le
ratio police/population est d'un (01) policier pour mille neuf cent deux (1902)
habitants. Cependant, le ratio optimum est de 300 à 400 habitants par
policier.
De nombreux efforts sont en train d'être faits en faveur
du renforcement des capacités des forces de sécurité en
vue de leur permettre de lutter efficacement contre le grand banditisme et les
autres formes de criminalité. . Depuis 2013, la police nationale a
lancé un programme biennal de recrutement spécial de 1300
policiers avec le recrutement ordinaire annuel qui porte l'effectif des
nouveaux recrus à 2400 policiers par an. Cette initiative pourrait bien
permettre une meilleure couverture sécuritaire du pays les années
à venir.
2. Le manque de ressources matérielles,
logistiques et financières.
Une chose est de recruter le personnel, une autre est de
l'équiper pour le travail du terrain. La répression du grand
banditisme comporte constamment le défi de faire face à des
délinquants souvent mieux armés que les agents
républicains. En effet, il est constamment ressorti des rapports que le
développement des attaques à mains armées a un lien avec
la fuite d'armes et de munitions provenant des pays en crise. En plus, quelques
crises socio-politiques qui ont secoué le Burkina Faso cette
dernière décennie ont favorisé l'expansion de la
criminalité. Il faut donc armer conséquemment les hommes sur le
terrain. Mais malheureusement, ce n'est pas toujours le cas. Les armes de
points sont en nombre insuffisant ; les mesures de protection sont
dérisoires, ce qui n'encourage pas les intervenants76;
véhicules de terrain et carburant sont en manque à tel point que
souvent les hommes interviennent avec des moyens personnels. Cette insuffisance
des ressources ne sont pas de nature à faciliter la répression.
Cependant, les équipements des agents de sécurité font
parties des exigences des conventions internationales de protection des droits
de l'Homme. En effet, pour éviter le recours systématique aux
armes pour se défendre, l'Etat a l'obligation de « munir les
responsables de l'application des lois d'équipements défensifs
tels que pare-balles, casques ou gilets anti balles et véhicules
blindés,
76 Les informations récoltées lors de
nos enquêtes font état de cas où des éléments
porteraient des cartons en guise de pare-balle, juste pour une protection
psychologique.
49
afin qu'il soit de moins en moins nécessaire d'utiliser
des armes de tout genre »77. Or, au Burkina Faso, les forces de
sécurité sont mal équipées en moyens
défensifs78 ; d'où le risque d'une
systématisation de l'usage des armes pour leur défense.
B. Le manque de coopération inter
corps
La quête d'un environnement sécuritaire est
l'oeuvre de tous, mais particulièrement celles des corps de
sécurité à qui la loi confie cette tâche. Elle est
précisément l'oeuvre de la gendarmerie et de la police nationale.
Ayant un ennemi commun, les acteurs de la sécurité devraient
coopérer en vue de multiplier leurs forces de frappe et décupler
leur efficacité dans la lutte contre l'insécurité.
Cependant, l'expérience révèle bien souvent des
rivalités résultant de complexes de supériorité
entre les corps, chose qui est de nature à nuire à la bonne
exécution des missions.
La coordination et la coopération entre les forces de
sécurité intérieure et la gendarmerie ne sauraient
constituer à elles seules des conditions suffisantes et
nécessaires pour créer un climat exempt de concurrence
contre-productive.
« Elles seraient même inopérantes sans la
relecture de la loi sur la sécurité intérieure et
l'adoption des différents textes juridiques évoqués
à maintes reprises. Ces textes devront comporter des dispositions
claires en ce qui concerne les attributions républicaines, les missions,
les circonstances et les périmètres d'intervention de chacune des
forces, en même temps qu'elles devront leur fixer les objectifs à
atteindre. Il faudra aussi leur fournir les moyens nécessaires et
adaptés à l'accomplissement de leurs missions afin de permettre
à chacune de s'affirmer sur le terrain sans complexe vis-à-vis
des autres. Au-delà de ces principes de précaution, demeurera
toujours cependant l'épineuse question de la confiance que les
décideurs politiques placent en chaque force, quand on sait que la
politique y a acquis droit de cité79».
77 Principes de base sur le recours à la
force et à l'usage des armes à feu par les responsables de
l'application des lois, précité, principe 2.
78 Voir réponse du Ministre de
l'Administration Territoriale, de la Décentralisation et de la
Sécurité à la question orale avec débat du
député Bendi OUOBA, précitée.
79BAYALA. Jean-Pierre. 2009. Les
défis de la gouvernance du secteur de la sécurité en
Afrique de l'Ouest -cas du Burkina Faso. Sus cité
50
CHAPITRE II : PERSPECTIVES POUR UNE MEILLEURE
REPRESSION DU GRAND BANDITISME
« Pacem in Terris I »80
Le système de répression actuelle du grand
banditisme comporte de nombreux atouts à consolider mais aussi des
faiblesses qu'il convient de relever pour un rendement optimum. On arrive
à la conclusion que le triomphe de la criminalité du grand
banditisme s'explique par des faiblesses inhérentes au système.
La correction de ces insuffisances permettra de consolider les acquis et de
vaincre une bonne partie de la criminalité. Mais au-delà de ces
correctifs et des acquis du système en vigueur, une véritable
politique criminelle intégrant des innovations doit être
introduite dans le paysage sécuritaire burkinabè. C'est ainsi que
dans les lignes qui suivent, des suggestions sont faites pour le renforcement
du système (section I) mais aussi pour une innovation
dans l'approche du phénomène (section II).
Section I : Suggestions pour un renforcement du
système de répression actuel
Après avoir analysé les forces et les faiblesses
de l'organisation de la lutte contre le grand banditisme, il apparait opportun
de proposer des solutions qui permettent de renforcer l'échafaudage.
L'essentiel de ces solutions visent à donner une priorité
à la prévention et à rétablir les libertés
individuelles en péril sous la nouvelle loi. Ainsi donc, pour optimiser
les rendements sous le système de répression actuel du grand
banditisme, il faudra prévenir plus qu'on ne réprime
(§ I) et procéder à une
reconsidération des aspects juridiques (§ II).
§ I. une redistribution des moyens de lutte
Les avantages de la prévention ne sont plus à
démontrer. Elle permet non seulement de prévenir les troubles
causés par l'infraction, mais aussi d'éviter le recours à
l'emprisonnement et son cortège de spoliation économique et de
dégradation humaine. La victoire sur le grand banditisme passe par une
priorisation de la prévention (A) et une
rationalisation de la répression (B).
80 « Paix sur Terre !», titre d'un livre de Pape
Jean XXIII publié au lendemain de l'explosion de la
1ère bombe atomique
51
A. Le renforcement de la prévention
La répression du grand banditisme est
caractérisée par son caractère hautement répressif.
Cependant, les limites de la répression conduisent à
préférer la prévention.
1. La répression et ses limites
La répression du grand banditisme est fortement
marquée par des textes hautement répressifs. L'action
policière et judiciaire régie par le code pénal et le code
de procédure pénale, renforcée par la loi 017 portant
répression du grand banditisme est le principal moyen de la
répression. Cette action conduit au prononcé de grandes peines
criminelles sans autres mesures alternatives. Les plus grandes peines sont de
50 ans, voire l'emprisonnement à vie. Or, il est constant que l'effet de
la répression est très limité. D'abord, elle ne permet pas
une véritable réparation du dommage causé par
l'infraction. «Ainsi, les conséquences physiques, psychologiques,
économiques et sociales de la criminalité sont vivement
ressenties, sans possibilité réelle pour le système
pénal de les réparer. Elle est presque sans effet sur le
caractère criminogène des délinquants et de certains
milieux spécifiques et par conséquent inefficace quant à
la réduction de la criminalité »81. C'est
pourquoi « même s'il est indiscutable que les méthodes
répressives doivent maintenir plus que jamais la pression sur la
criminalité, il importe désormais de faire une plus large place
à la prévention »82.
2. La prévention et ses avantages
La prévention est certainement le meilleur moyen dans
les démocraties pour vaincre la criminalité, donc le grand
banditisme. L'expérience au Burkina Faso montre que les zones où
le système de prévention est mis en oeuvre, la criminalité
a considérablement reculé. Le tableau des attaques à mains
armées indique l'influence positive des actions de patrouilles des corps
de sécurité. La criminalité des zones rouges répond
favorablement aux actions préventives qu'on y applique. Il faut
empêcher par tous les moyens le passage au crime. Aussi, faudra-t-il
démultiplier les services de sécurité et rendre les corps
de patrouilles et les postes de service de sécurité
omniprésents sur tout le territoire national. Il faut arriver à
un niveau de redéploiement du personnel de sécurité tel
qu'il est quasi impossible pour les auteurs d'une opération de grand
banditisme de parcourir plus de deux kilomètres sans être
arrêtés.
81 KABRE Olivier, op.cit.
82 Politique ministérielle en
prévention de la criminalité, pour des milieux de vie plus
sécuritaires, Québec, Novembre 2001, p.6.
52
L'intérêt de la prévention est multiple.
D'abord, elle permet le déroulement normal de la vie sociale et
économique qui n'est guère troublée par l'infraction.
Ensuite, elle permet d'économiser en évitant la procédure
judiciaire très coûteuse et longue. Elle permet enfin, de
réduire la population carcérale dont la gestion coûte
chère à l'Etat ; sans compter les questions morales
soulevées par l'emprisonnement. C'est pourquoi, la prévention
reste le meilleur moyen de lutte contre le grand banditisme.
B. Rationalisation de la répression.
La nécessité de rationaliser la
répression est liée aux problématiques soulevées
par les longues peines.
1. Problématique des longues peines
L'article 8 de la Déclaration Française des
Droits de l'Homme et du Citoyen (DDH) du 02 octobre 1789, 1er texte
à poser les principes fondamentaux du droit pénal, dispose que
« la loi ne doit établir que des peines strictement et
évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en
vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au
délit, et légalement appliquée ». Deux principes sont
ainsi énoncés : la légalité et la
nécessité. La nécessité veut que la peine
infligée soit le strict nécessaire et ne prenne pas d'autres
formes de torture.
Les peines applicables dans le cadre de la répression
du grand banditisme peuvent poser problème quant au principe de la
nécessité de la peine. En infligeant des peines hautement
criminelles à l'issue d'une procédure correctionnelle, la loi 017
pèche contre les principes fondamentaux de la proportionnalité et
de la nécessité du droit pénal classique.
Les longues peines sont souvent sources de problèmes
pour nos sociétés. Elles posent des problèmes
éthique et économique. Economique parce qu'elles coûtent
chères à l'Etat ; éthique parce qu'elle met en jeu la
capacité d'une société dite civilisée à
moderniser son système pénal.
Dans le contexte burkinabè, les bandits
condamnés à des longues peines allant de dix à cinquante
ans, et même à perpétuité sont souvent à
l'origine des mutineries, des tentatives d'évasions et de tous autres
troubles dans les maisons d'arrêt83. Conscient du
caractère incompressible de leurs peines, ces condamnés qui
réalisent qu'ils n'ont plus rien à perdre tentent le tout pour le
tout dans les centres de détention. La construction récente de la
prison de
83 Témoignages du personnel de la GSP,
recueillis lors des enquêtes qualitatives, mars 2015.
53
haute sécurité a été
réalisée pour permettre de résoudre au mieux certains de
ces difficultés pénitentiaires.
2. La nécessité de la
modération.
Il faut revoir le mécanisme de la répression du
grand banditisme dans le sens de l'allègement afin de se conformer aux
exigences de l'Etat moderne. Cette exigence de la révision s'invite
à un double niveau. Au plan de la durée de la garde à vue
et au niveau de la procédure qui conduit au prononcé de la
peine.
Les délais légaux de la garde à vue qui
sont de 15 jours maximum, méritent d'être revus à la
baisse. En rappel, la garde à vue est une « mesure par laquelle un
OPJ retient dans les locaux de la police, pendant une durée
légalement déterminée, toute personne qui, pour les
nécessités de l'enquête, doit rester à la
disposition des services de police »84. Cette mesure a lieu
dans du droit étroit car elle porte atteinte de façon
irréversible à la présomption d'innocence et au droit
d'aller et de venir. C'est pourquoi, sa durée doit être
réduite au maximum au juste nécessaire. L'efficacité de la
répression pourrait justifier le maintien de la quinzaine, mais
l'étude vient de révéler que les mesures
sévères ne font pas reculer la criminalité. Le maintien de
la quinzaine est donc sans objet. Cette exigence est commandée davantage
par la tendance internationale qui est la baisse. En France, le délai
légal de la GAV est passé de 72 heures à 24 heures. Il
serait donc convenable que le Burkina Faso ne se mette pas en marge de la
tendance internationale.
Les peines criminelles qui s'appliquent à l'issue des
procédures correctionnelles ne donnent pas l'idée d'une bonne
administration de la justice. Cet alliage nouveau qui chamboule un
ordonnancement juridique ingénieux hérité de pratiques
immémoriales de la science criminelle est source d'erreurs judiciaires.
Entre la constatation de l'infraction et le jugement du délinquant, un
délai impératif et incompressible s'impose. C'est une garantie de
la bonne administration de la justice. Sinon, comment être sûr que
le condamné à 50 ans d'emprisonnement ferme à l'issue
d'une procédure pénale qui n'a duré que deux semaines a
bénéficié d'une justice équitable ?
Il faut donc aménager le système, même au
prix d'une reconsidération des droits fondamentaux de l'individu.
84 Lexique des termes juridiques, Dalloz,
13ème édition
54
Paragraphe I : Une reconsidération des droits
fondamentaux
Les nécessités de la répression face aux
exigences des droits de l'Homme commandent la recherche permanente d'un
équilibre, lequel ne peut se réaliser qu'au prix d'un compromis
entre la teneur actuelle de la loi portant répression du grand
banditisme et une interprétation contextuelle des libertés
individuelles.
A. Une invite à la relecture de la loi portant
répression du grand banditisme
La loi 017 mérite une relecture dans sa teneur afin de
corriger ses lacunes et l'approcher au mieux des exigences des droits
humains.
1. Les lacunes de la loi portant répression du
grand banditisme
Les insuffisances dans la loi portant répression du
grand banditisme concernent les dispositions de l'article 9 et l'article 18
dudit texte.
L'article 9 qui comporte la notion d'absolue
nécessité est une ouverture vers l'arbitraire dans le
recours à l'arme à feu. L'absolue nécessité
telle que formulée dans le principe 9 des principes de
précaution internationale de l'usage de la force limite celui-ci
à la légitime défense. Mais l'article 9 va au-delà
pour autoriser son usage même là où il n'y a guère
nécessité, c'est-à-dire la neutralisation du
délinquant.
Quant à l'article 18, il pose le problème de la
détermination de la peine de sûreté dans une sanction
pénale d'emprisonnement à vie. Comment déterminer la
moitié du restant de la vie d'un délinquant pour une bonne
application de la loi ?
Il importe donc pour le législateur, de relire la loi
portant répression du grand banditisme en vue de corriger ses
contradictions et ses ouvertures imprudentes, dans un but de faciliter son
interprétation par les acteurs.
A ces correctifs textuels mérite d'être joint un
recadrage juridique compatible aux droits de l'Homme.
2. Un rapprochement de la loi avec les droits de
l'Homme
La relecture de la loi 017 qui est demandée depuis des
instances internationales85 devra permettre au système de
répression de se réconcilier avec les conventions
internationales
85A Genève, le comité contre la torture a
demandé en 2013 au Burkina Faso la relecture de la loi portant
répression du grand banditisme (témoignages recueillis
auprès du ministère de la justice et des droits humains).
55
promouvant les droits fondamentaux de l'individu. Loin de
faiblir dans la répression, la loi devra se conformer aux grands
principes classiques du droit pénal et s'efforcer de réaliser un
équilibre entre les exigences des droits de l'Homme et les
nécessités de la répression. Un début de relecture
est déjà certes entamé et concerne la durée de la
garde à vue et le droit de se faire assister d'un avocat dès la
phase de l'enquête86 ; mais cette relecture doit être
étendue à d'autres aspects juridiques comme ceux relatifs aux
droits de la défense, de la présomption d'innocence, du droit
à un procès équitable, etc. Cet objectif ne peut
être atteint sans une revue de la procédure pour la criminaliser
ou de la peine dans le sens de la correctionnalisation.
L'enquête de personnalité mérite
d'être rétablie dans la procédure de jugement des bandits.
En effet, la connaissance de la personnalité du délinquant permet
non seulement de garantir au mieux les droits de la personne accusée,
mais aussi d'assurer la défense de la société par le choix
de traitement approprié au degré de dangerosité de
l'individu.
En définitive, il faut corriger la loi portant
répression du grand banditisme afin d'éviter les excès
qu'elle pourra occasionner ; pour qu'elle respecte les droits humains et offrir
les garanties d'un procès équitable. « Car nul n'est
à l'abri. Aujourd'hui, c'est lui, le délinquant ; mais demain,
c'est peut-être nous, moi, ma soeur, mon frère, un ami, ou notre
enfant. Et alors, nous comprendrons à quel point la
société est injuste »87.
Mais l'atteinte de l'équilibre entre répression
et sauvegarde des droits fondamentaux passe par une adaptation de ces droits
aux réalités locales.
B. La nécessité d'adaptation des textes
aux réalités burkinabè.
Les droits consacrés par les différents
instruments juridiques internationaux ne sont pas tous des droits
?intouchables½. Le DIDH prévoit des possibilités de
restriction et de dérogation(1) qui méritent d'être
exploitées dans nos politiques de répression (2).
1. Le principe des restrictions et des
dérogations
La restriction est une ingérence de l'Etat dans
l'exercice d'un droit reconnu par un instrument juridique international. La
restriction est une limitation permanente de la jouissance d'un droit tandis
que la dérogation, elle, est une suspension temporaire de cette
jouissance. Elles sont
86 Cf. art 1 de la proposition d'un avant-projet de la
loi portant réforme du régime de la GAV au BF, op.cit.
87 Témoignage inédit de Mr BAMBARA
Paulin, secrétaire général du Ministère de la
Justice et des droits humains, recueilli le 29 janvier 2015.
56
l'expression du contraste qui semble exister entre deux
missions de l'Etat : l'obligation de respecter les droits reconnus aux citoyens
et celle d'assurer le maintien de l'ordre et la sécurité publics.
Le principe de la restriction fait l'unanimité au plan
international88. Pour être admise, la restriction doit
être prévue par une loi et poursuivre un but de
légitimité et de nécessité dans un Etat
démocratique.
Quant à la dérogation, elle est de principe
inadmissible et soulève l'épineuse question de jus
cogens89 en droit international. Mais certains instruments
l'admettent sous certaines conditions90. Trois conditions sont
exigées pour sa régularité :
V' L'existence d'un danger public officiellement
proclamé , ·
V' Les mesures dérogatoires doivent être
strictement exigées par la situation , ·
V' La notification de la dérogation aux autres
Etats partis à la convention..
Appliqué au cas spécifique du Burkina Faso, des
aménagements peuvent être faits au nom de l'intérêt
général.
2. Les droits de l'Homme et les réalités
locales
La recherche de la sécurité et la construction
d'une société sans actes de grand banditisme doivent se faire
avec la pleine conscience des réalités sociales propres aux
nations africaines comme le Burkina Faso. L'interprétation des droits de
l'Homme doit tenir compte des réalités africaines, de leurs
philosophies sociales. Les sociétés africaines connaissent des
réalités qui puisent leur essence dans une philosophie
fédérative. En effet, nos cultures sociales accordent un primat
absolu à la communauté sur l'individu. Il est donc difficile
d'avoir une interprétation égalitaire des droits humains avec
l'occident où l'individu passe avant la communauté. La situation
juridique burkinabè mérite donc un égard particulier qui
l'autorise à traiter ou à interpréter certains textes
internationaux selon ses réalités sociales. En occident, la
philosophie sociale est celle qui place l'individu sur la même
balance que le reste de la société. L'individu a plus de
droits que n'en a la société entière. Or, notre culture
sociale, sans sacrifier l'individu le considère comme un produit de la
société à laquelle il doit son existence toute
entière.
Cette lecture est d'ailleurs conforme à la philosophie
des droits de l'Homme qui autorise l'Etat à « y porter atteinte
quand cette liberté reconnue à l'individu devient criminelle
c'est-à-dire
88 Cf. art.6 du PIDCP et art.4 de la CADHP.
89 L'article 53 de la Convention de Vienne sur le
droit des traités du 23 mai 1969 définit la norme de jus cogens
comme « ...une norme acceptée et reconnue par la communauté
internationale des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle
aucune dérogation n'est permise... ».
90 Cf. L'article 4 du PIDCP.
57
porte atteinte à celle d'autrui »91.
C'est pourquoi dans la lutte contre le grand banditisme, il est important que
les acteurs judiciaires adoptent une interprétation relative
des instruments juridiques protecteurs des droits de l'Homme, en
conformité avec le contexte social africain. Les droits de la
société passent avant ceux de l'individu et de ce fait, la
sécurité publique importe plus que les libertés
individuelles. S'il faut risquer la liberté de quelques sujets afin que
la sécurité règne dans toute la cité, alors il faut
l'accepter. Il est préférable de punir onze coupables parmi
lesquels se trouve un innocent que de laisser dix coupables en liberté
au nom des droits d'un seul innocent. Dans nos contrées, il est
préférable qu'un seul homme meure pour tout le peuple.
Section II : Pour une innovation dans l'approche du
phénomène de grand banditisme
Il faut repenser le système de répression du
grand banditisme dans sa globalité pour parvenir à enrayer le
phénomène. Nous serons bientôt 20 244 080
de burkinabè92. Comment fonctionnera la
sécurité de la société complexe que nous formons ?
Quel avenir commun va naître de nos activités économiques
diversifiées et les mutations de la criminalité,
particulièrement le grand banditisme ?
Beaucoup de signes indiquent la fin de la criminalité
de type traditionnel et annoncent le printemps d'une insécurité
de type moderne particulièrement caractérisée par la
violence excessive, humiliante et dégradante. Cela commande que des
solutions novatrices soient trouvées pour y faire face. Et cela nous
invite à la connaissance des causes profondes du phénomène
(§1) pour l'adoption d'une politique criminelle efficace
(§2).
Paragraphe I : La nécessité d'une
maîtrise des causes du
phénomène de grand banditisme
Une meilleure approche du grand banditisme commande un
renforcement de la prévention. Pour cela, il faut apporter des solutions
aux causes qui génèrent où qui aggravent le fléau.
Ces causes qui soutiennent le grand banditisme sont aussi directes
qu'indirectes.
A. Les causes directes du phénomène de grand
banditisme
91 Guy HAARSCHER, philosophie des droits de
l'Homme, édition de l'Université de Bruxelles, 1993,
4ème édition revue.
92 Projections démographiques pour 2018/
INSD.
58
Les raisons du triomphe de la criminalité de grand
banditisme sont liées aux modes opératoires du fléau. Il
s'agit de la problématique des armes à laquelle il faut trouver
une solution durable.
1. La problématique de la circulation des armes
à feu.
Les armes à feu font la force des délinquants.
Or, depuis l'ouverture des frontières, depuis encore les crises
socio-politiques qui secouent les pays de l'Afrique occidentale, les armes
circulent autant que la monnaie au Burkina Faso. Aggravée par les
questions du chômage, des échecs scolaires, la circulation
anarchique des armes à feu en combinaison avec d'autres facteurs, tels
que des situations post-conflictuelles ou de sous-développement
socioéconomique, entraine leur utilisation abusive93. Cette
prolifération des armes à feu d'origines diverses pose le
problème de leur contrôle, de leur suivi et de leur
traçage. Lors de la rencontre avec la Commission nationale de lutte
contre la prolifération des armes légères, il a
été indiqué au Rapporteur spécial que la
médiocre sécurisation des frontières représentait
aussi un obstacle majeur à la répression du trafic d'armes. La
Commission estime qu'il y a quelque 2 millions d'armes légères
illicites en circulation sur le territoire du Burkina Faso, y compris des armes
automatiques et des missiles légers. Le Rapporteur spécial
considère que pour un pays d'un peu plus de 17 millions d'habitants,
c'est là une menace importante pour la sécurité et la
preuve de la poursuite d'un trafic d'armes transfrontalier. Avant le conflit au
Mali, la Commission estimait que le trafic entrant représentait un
problème important, 39 % des armes venant du Ghana, 19 % de Côte
d'Ivoire et 6 % du Mali. Une initiative récente visant à
contrôler et réprimer le trafic d'armes à travers la
frontière malienne depuis le début du conflit a dû
être abandonnée faute de financements94.
Cette situation favorise l'armement redoutable qui fait la
force des « grands bandits ». Il n'est d'ailleurs pas rare que lors
des opérations de ratissage, des fusils de guerre comme les AK47, les
LRAC soient trouvés en possession des délinquants. La lutte
contre le grand banditisme passe d'abord par le contrôle de ce qui fait
sa force : la prolifération des armes à feu.
2. La lutte contre le grand banditisme par le
contrôle des armes à feu
Le premier décembre 2000, la réunion
ministérielle des États membres de l'Organisation de
l'unité africaine a adopté la Déclaration de Bamako,
traduisant leur volonté d'agir contre la
93 THAI THIEN NGHIA Cindy (rapporteuse),
Réduire l'impact du trafic des armes légères sur le
développement : le rôle de la coopération
française, Paris, Haut-Conseil de la coopération
internationale, janvier 2006, p. 28.
94 AG-NU, Conseil des droits de l'Homme, Rapport du
Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de
l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste,
visite au B.F. 04 février 2014, EMMERSON Ben, inédit.
59
prolifération incontrôlée des ALPC en
Afrique et ayant pour objectif d'y apporter une réponse
commune95. Cette déclaration « met l'accent sur la
recherche d'une solution compréhensive, intégrée, durable
et pratique à la prolifération anarchique des armes
légères »96 dans le but de promouvoir la
paix et la sécurité, les droits de l'Homme et la
démocratie, la croissance économique et le développement
durable.
Elle incite également à associer la
société civile pour appuyer les gouvernements97.
Plusieurs conventions et recommandations ont été
prises au plan international et sous régional pour limiter la
prolifération des armes à feu. Mais si la communauté
internationale est préoccupée par la question, le Burkina Faso
l'est plus, car c'est à lui que revient le devoir d'adopter et
d'appliquer les textes. Il faut donc une action concertée au plan sous
régional contre la circulation des armes à feu.
Au plan interne, l'Etat burkinabè doit agir fortement
sur la conscience sociale en l'interpellant par des sensibilisations jointes
aux contrôles et à la répression, sur les effets
néfastes des armes à feu, fussent-elles civiles, et la menace
qu'elles représentent pour son droit à vivre en paix et en
sécurité98.
B. L'approche socio-politique ou causes exogènes
de la lutte contre le grand
banditisme
A l'étude du phénomène, la question que
l'on se pose fréquemment est celle de savoir pourquoi ce
phénomène jadis ignoré dans nos cités grandit avec
une telle ampleur ?
1. Les problématiques socio-politiques du grand
banditisme
« Un retour dans l'histoire montre que les
périodes pour lesquelles on parle d'insécurité et
d'accroissement de la délinquance correspondent toutes à des
périodes de profonds changements économiques ou sociaux, tels que
l'industrialisation, l'urbanisation accélérée, la crise
économique, les mutations politiques, voire guerres »99.
Ce constat révèle à quel point la criminalité est
liée aux mutations sociales. Pour le grand banditisme en particulier,
nul doute
95 KYTOMAKI Elli, « Les initiatives
régionales de contrôle des armes légères sont
indispensables à l'exécution du Programme d'action », in
VIGNARD Kerstin (dir.), Forum du désarmement, Genève,
UNIDIR, 2005, p. 60
96 DIALLO Mamadou Yaya, sous la direction du Pr.
BOURGI Albert, Les Nations Unies et la lutte contre la prolifération
des armes légères et de petit calibre : défis, enjeux et
perspectives, op. cit. p. 16
97 Organisation de l'unité africaine,
Déclaration de Bamako sur la position africaine commune sur la
prolifération, la circulation et le trafic illicites des armes
légères et de petit calibre, doc. cit. Chapitre 2,
alinéa 5.
98 Article 23, al.1 de la CADHP
99 La grande criminalité et les
exigences du respect des droits de l'Homme dans les démocraties
européennes, Actes du Séminaire organisé par le
Secrétariat Général du Conseil de l'Europe en
collaboration avec l'Intercenter de Messine (Italie), Taormina, 14-16 novembre
1996 p.86
60
qu'il tire ses racines dans des causes
socio-économiques : la pauvreté et la démographie
galopante aggravées par les clivages sociaux. Au Burkina Faso, la
pauvreté et l'inégalité visible sont sources de
frustration croissante parmi les groupes les plus pauvres de la population,
comme l'ont montré les troubles civils et la mutinerie de l'armée
en 2011. Les représentants de la société civile que le
Rapporteur spécial du Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies a
rencontrés lors de sa visite en février 2014 lui ont
expliqué que « pour les groupes sociaux défavorisés,
la richesse générée par l'exploitation minière
était de toute évidence injustement répartie, que les
différends fonciers avaient entraîné un sentiment de
frustration et qu'il existait des signes de plus en plus visibles de
mécontentement politique et d'agitation »100.
De plus en plus, beaucoup de jeunes ayant eu le bonheur
d'accéder à l'instruction sont très vite
désabusés de l'idée selon laquelle un minimum
d'instruction donne droit à une ascension sociale. Des rêves
d'ascension sociale inassouvis dans une période de chômage
prolongé et dans un Etat où les degrés de chance sont
disparates, poussent de plus en plus à la rébellion, au
goût du gain facile, et souvent au mépris du droit et de toute
autre valeur sociale.
Le Sahel constitue une zone de transit pour plusieurs produits
illicites. Parmi ces produits figurent la drogue, les armes, les cigarettes
etc., qui mettent en jeu des intérêts colossaux et
génèrent des revenus faramineux, très tentants dans un
environnement de chômage, de sous-emploi et de manque de perspectives,
surtout pour les jeunes. La tentation d'intégrer les réseaux
maffieux en qualité d'intermédiaires ou de soldats devient alors
très forte. Aussi, la porosité des frontières,
l'accroissement des activités de contrebande, la traite des personnes,
notamment des femmes et des enfants, le phénomène des «
coupeurs de route » avec tout le cortège des fléaux qui vont
avec, sont également d'importants défis, auxquels le pays est
confronté, et qui constituent des facteurs de
vulnérabilité pouvant être efficacement mis à
contribution par les bandes criminelles.
2. Vers la recherche de solutions durables : la
prévention sociale
Le combat contre le grand banditisme peut être
gagné au prix de la prévention. Et l'obtention de cette victoire
passe par la recherche de solution aux causes premières du
phénomène que sont la pauvreté, les
inégalités sociales, la crise des valeurs sociales. En effet, le
grand banditisme entretient un lien étroit avec ces maux sociaux.
Il faut donc trouver de solutions urgentes :
100 AG-NU, Conseil des droits de l'Homme, Rapport du
Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de
l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste,
op.cit.
61
? Aux inégalités sociales : il faut
réduire les écarts sociaux en offrant les mêmes
degrés de chance aux citoyens ;
? Aux disparités de développement des
régions. Ouagadougou et Bobo-Dioulasso concentrent l'essentiel du
progrès national, ce qui crée des frustrations dans les autres
localités du territoire national ;
? Au chômage : il faut réduire le taux du
chômage en favorisant l'auto-emploi qui ne peut se faire que par une
réorientation des modules de formation de base ;
? A la crise des valeurs sociales : les autorités
religieuses qui ont une très grande influence sur les
communautés, doivent s'impliquer dans la recherche de solution durable
au phénomène.
La prévention sociale implique l'adoption de plans de
développement économique surtout en faveur des
jeunes101 et pour le criminologue Denis Szabo, « un pays dont
la politique sociale est axée sur le respect des droits des personnes et
qui consent des efforts pour remplir les besoins élémentaires de
sécurité économique, sociale et sanitaire, a de ce fait
même une politique criminelle préventive »102
Paragraphe II : Lutte contre le grand banditisme
par
l'adoption d'une politique criminelle
renforcée
La politique criminelle est la traduction sous forme de
programme de la vision des gouvernants sur la lutte contre la
criminalité. Au Burkina Faso, la question de la sécurité
étant désormais une préoccupation de premier plan, il est
plus que jamais nécessaire de se doter d'une politique criminelle
achevée (A) incluant les nouvelles stratégies de
prévention du grand banditisme (B).
A. Notion et place de la politique criminelle dans la
lutte contre le grand banditisme Avant de relever l'importance de la
politique criminelle dans les questions de sécurité, il convient
d'éclaircir la notion.
1. Notion de politique criminelle
Initiée par le Pr allemand Feuerbach en 1803, la
politique criminelle se définit à l'origine comme l'ensemble des
procédés répressifs par lesquels, l'Etat réagit
contre le crime. Mais cette définition basique et limitée
à la répression va évoluer progressivement pour inclure
la
101 Voir Principes directeurs des Nations Unies pour la
prévention de la délinquance juvénile, adoptés
et proclamés par l'Assemblée générale dans sa
résolution 45/112 du 14 décembre 1990.
102 Denis Szabo, Criminologie et politique
criminelle, Les presses de l'université de Montréal,
Québec, 1978, p.248 cité par KABRE Olivier, op.cit.
62
prévention. Pour le professeur LAZERGES, la politique
criminelle est « une réflexion épistémologique sur le
phénomène criminel, un décryptage du
phénomène criminel et des moyens mis en oeuvre pour lutter contre
le comportement de déviance ou de délinquance ; elle est
également une stratégie juridique et sociale, fondée sur
des choix idéologiques pour répondre avec pragmatisme aux
problèmes par la prévention et la répression du
phénomène criminel entendu largement »103.
Entendue dans ce sens, la politique criminelle comprend
l'ensemble des procédés par lesquels le corps social organise les
réponses au phénomène criminel, soit par la
prévention, soit par la répression. Appliquée au contexte
burkinabè, la politique criminelle apparaît comme l'ensemble des
règles et institutions mises en place pour lutter contre la
criminalité. Il s'agit entre autres de la législation
pénale, des institutions sécuritaires et judiciaires. Mais
jusqu'à une époque récente, la politique criminelle
burkinabè est restée embryonnaire et non formelle, malgré
les avantages que présente un tel programme social.
2. Les avantages de la politique
criminelle
Comme le faisait remarquer M. YARGA Larba, ancien ministre de
la justice du Burkina Faso, « ... tant que notre pays n'aura pas
défini une politique criminelle claire, précise et efficace, et
mis en place les organes vitaux fonctionnels de cette politique criminelle,
redéfini une organisation judiciaire conséquente, la protection
de l'enfance et de la famille, la lutte contre la criminalité et le
grand banditisme resteront le cauchemar de notre peuple »104.
La politique criminelle est en effet une exigence de l'Etat de droit et une
passerelle incontournable dans la quête de sécurité
sociale.
Une planification scientifique du développement de la
législation criminelle et de la politique criminelle en
général rend nécessaire de prévoir, ne serait-ce
que dans leurs grandes lignes, les changements majeurs éventuels en
matière de délinquance : son niveau général et la
fréquence des divers délits ; la dangerosité sociale
objective, la motivation et la finalité de ces délits ; la
personnalité des délinquants et leurs caractéristiques
individuelles ; la proportionnalité des délinquants primaires et
des récidivistes, des délits individuels et des délits
collectifs, etc. En même temps, il faut prendre en considération
des facteurs tels que la conscience juridique de la population, son attitude
subjective (intolérance effective) vis-à-vis des délits et
des délinquants,
103 Cité par OUEDRAOGO Edouard dans Politique
criminelle du Burkina Faso, Université Montpellier I 'octobre 1998,
p.16.
104 Cité par NATAMA Djibril dans L'évolution
de la politique criminelle au Burkina Faso, mémoire de fin de
cycle, université de Ouagadougou, 1992, p.39.
63
le niveau des intentions répressives (attitude à
l'égard des différentes sanctions criminelles) et les autres
formes d'action anti délictueuses.105
Son existence est un critère de l'Etat de droit et un
gage de sécurité juridique du citoyen, une
nécessité politique des sociétés modernes où
le crime coopère avec le droit.
Elle permet en effet à la société
d'anticiper sur la réaction qu'elle opposera au crime. Et à cet
effet, elle laisse très peu de possibilité au passage à
l'acte. Parce qu'elle est un référentiel juridique de la
prévention et de la répression, elle est un gage de la protection
des libertés individuelles qui sont à l'abri de l'arbitraire. Par
ailleurs, parce qu'elle traduit la réaction du groupe social face au
phénomène criminel, elle est un étalon de mesure du niveau
de civilisation.
Axée sur des approches nouvelles de la
criminalité, la politique criminelle peut s'avérer utile pour
conjurer le phénomène du grand banditisme.
B. L'inclusion de nouvelles approches préventives
dans la lutte contre le grand
banditisme.
La politique criminelle du Burkina Faso a mis l'accent sur la
répression qui se révèle inefficace. Il est grand temps
qu'elle s'oriente vers la prévention.
1. La répression et ses limites
Le Burkina Faso a eu jusqu'alors une politique criminelle
essentiellement basée sur la répression. Or la répression
n'a pas encore permis d'atteindre les résultats escomptés. Son
impact est très peu limité sur le phénomène du
grand banditisme
En effet, l'action policière et judiciaire,
régie par le code pénal et le code de procédure
pénale, constitue le moyen principal de lutte contre la
criminalité au Burkina Faso. Cette action conduit au prononcé de
sanctions pénales sans autres mesures alternatives pour éradiquer
le comportement criminogène des délinquants. Certes, la
répression en elle-même revêt un certain caractère
préventif dans la mesure où elle décourage d'une certaine
manière les individus ayant l'intention de poser des actes criminels du
fait de la peur d'être punis. Il faut cependant reconnaître que les
moyens du système pénal interviennent a posteriori et
visent plutôt la dissuasion, la neutralisation et la réinsertion
sociale que la prévention à proprement parler. Ce constat, joint
à l'absence de mesures effectives de traitement psychiatrique et
psycho-social des délinquants dans la politique pénitentiaire
dénote de la prépondérance de la répression dans
la
105 ANCEL Marc et KOUDRIAVTSEV V.N., la planification des
mesures de lutte contre la délinquance travaux du Colloque de
politique criminelle et de défense sociale/Moscou du 13 au 19 octobre
1980.
64
politique criminelle burkinabé ; ce qui n'est pas sans
conséquence sur l'efficacité de la politique criminelle.
La répression classique qui consiste à
poursuivre le délinquant a ceci de pathétique : « être
toujours derrière le criminel », donc en retard sur le crime. La
répression est donc une stratégie d'approche de la
criminalité qui comporte en elle-même les causes de son
échec : le retard.
2. Place de la prévention dans la lutte contre
le grand banditisme
« Pour la défense sociale contre la
criminalité et pour l'élévation morale des populations, le
plus petit progrès dans les réformes de prévention sociale
vaut mieux cent fois plus et mieux que la publication de tout un code
pénal »106. Loin de négliger la
répression, la prévention est l'avenir de la lutte contre le
grand banditisme.
La répression ayant montré ses limites dans la
lutte contre le grand banditisme, il faut inscrire la prévention au
titre des grandes lignes de la politique criminelle. Cette nouvelle politique
criminelle doit inclure des techniques nouvelles comme la pro action et la
modernisation de la police dans son approche.
La pro action est une technique de prévention qui
consiste à imaginer le scénario de l'infraction et d'anticiper
sur la prévention en devançant le délinquant sur son
action. Mais comprendre le mécanisme de la délinquance,
prévoir le scénario de l'infraction et anticiper dans l'action
préventive.
La modernisation de la police nationale permettra de
résoudre une grande partie de la criminalité et, du grand
banditisme en particulier. La télésurveillance dans les zones
déclarées rouges est certes coûteuse mais devra permettre
de réduire le taux de la criminalité. L'expérience de
cette technique dans la zone urbaine de Ouagadougou état saluée
par tous, il importe de la mettre au bénéfice des citoyens qui
sont en mal de leurs droits élémentaires de
sécurité.
Les actions préventives dans la nouvelle politique
criminelle doivent inclure entre autres :
? Le renforcement de la police de proximité : impliquer
la population dans la lutte contre
le grand banditisme en leur proposant un rôle concret et
bien défini.
La création de ces nouvelles fonctions permettra d'une
part de valoriser et donc de mieux intégrer les volontaires en leur
donnant un rôle dans la société et, d'autre part de
seconder les forces de l'ordre dans la lutte contre la criminalité.
Ce phénomène n'est pas nouveau puisqu'en
Espagne, la population s'est déjà spontanément
portée volontaire pour épauler la Police Nationale via le compte
Twitter
106 ENRICO Ferry, Cité par NATAMA Djibril dans
L'évolution de la politique criminelle au Burkina Faso,
mémoire de fin de cycle, université de Ouagadougou, 1992,
p.39.
@policia qui a permis d'arrêter plus de 300 trafiquants
de drogue et de démanteler des dizaines de points de
vente107.
Ni policier, ni pompier, ces citoyens seront des individus en
veille, impliqués dans la défense de leur pays. Dispersés
sur tout le territoire et non autorisés à porter une arme, leur
rôle consistera à assurer un relais des forces de l'ordre. Les
citoyens pourront se porter spontanément volontaires pour aider les
forces de l'ordre et ne recevront aucune rémunération en
contrepartie.
? La sensibilisation de la population à l'utilisation de
la monnaie électronique ;
? La coopération sous régionale dans la lutte
contre la prolifération des armes légères; ? Une bonne
réinsertion des citoyens en conflit avec la loi ;
? L'utilisation des délinquants à des fins de
renseignements opérationnels.
On arrive donc à la conclusion que le système de
répression contre le grand banditisme comporte des acquis à
consolider et des faiblesses à corriger. Mais le plus important dans un
Etat démocratique comme le nôtre est de mettre l'accent sur la
prévention sans toutefois faiblir dans la répression. En effet,
au-delà de son impact direct sur le phénomène et son
caractère vindicatif, la répression joue un rôle de
dissuasion et d'éducation citoyenne. Cependant, en ce qui concerne le
phénomène du grand banditisme devenu une menace sérieuse
pour nos populations, il convient d'adopter une politique criminelle claire qui
intègre les stratégies préventives les plus
achevées.
65
107 HELLMAN Sylvie, vice-présidente de Think Tank
Impact, Lutter contre la délinquance à coût zéro,
http://www.huffingtonpost.fr/favicon.ico,
26 janvier 2015.
66
CONCLUSION
Le grand banditisme revient au rang des grandes obsessions de
notre société. Durant des années, le
phénomène a tiré profit d'un relâchement dans la
répression pour se développer et devenir une hydre qui
répand sa hantise sur toute une nation. Les autorités ont pris
conscience et ont entrepris une multitude d'actions hautement
répressives dont la première et la plus célèbre
fût « l'opération coup-de-poing » des années
2003. Plusieurs exécutions sommaires ont eu lieu et nul ne peut
contester l'impact que cette opération a produit dans le domaine de la
sécurité. Même si elle a été relativement
brève, la paix et la quiétude ont eu encore le droit de
régner dans les cités. Mais, peut-on établir la
sécurité à n'importe quel prix ? S'il faut autoriser
l'atteinte aux droits de l'Homme au nom de l'intérêt
général, jusqu'où peut-on aller dans cette «
illégalité » ? Aujourd'hui, les droits de l'Homme sont aussi
importants que la constitution et leur violation aussi
répréhensible que l'instauration d'un régime
dictatorial.
Le Burkina Faso a réajusté ses pendules pour
être au rendez-vous dans le concert des nations les plus
civilisées en adoptant en 2009 une loi censée encadrer
l'action des acteurs de la sécurité, tout en autorisant quelques
coups aux sacro-saints principes des droits humains. Une lutte jamais
engagée dans l'histoire de la sécurité du pays avec des
moyens démocratiques a été lancée contre le
phénomène du grand banditisme. Désormais sous une
qualification propre « d'actes de grand banditisme », et suivant une
procédure policière et judiciaire hautement
allégée, mais avec des peines fondamentalement criminelles, les
grands bandits ont été traqués. Mais au bout de cinq ans,
le constat est presqu'alarmant. Les prisons refusent des délinquants au
point qu'un établissement pénitentiaire de haute
sécurité fût construit. Mais les populations continuent de
vivre quotidiennement sous la terreur de l'imminence des actes de grand
banditisme. Des zones comme l'Est, la Boucle du Mouhoun, les Cascades sont
classées « zones rouges ». Les délinquants semblent se
moquer des actions politiques, ils perpètrent leurs forfaits en pleine
ville en plein jour.
Cela est un signal fort pour nous inviter à repenser le
système de la répression. Loin de faiblir dans la
répression au sens strict du terme, il faut réorienter l'action
vers la prévention qui semble produire mieux un impact positif.
Pour cela, il faut améliorer le système actuel et
apporter du nouveau dans la répression.
Dans le sens du renforcement du système actuel, il
convient d'entreprendre les actions suivantes :
67
> Renforcer la prévention en émaillant tout le
territoire national de services de sécurité ; > Moderniser les
services de sécurité en les dotant de moyens techniques,
matériels, humains et financiers pour la bonne exécution de leurs
missions ;
> Renforcer la participation communautaire en misant sur la
police de proximité ; > Maintenir la répression qui satisfait
l'opinion et soulage la victime ;
> Corriger les atteintes aux droits de l'Homme en
appliquant aux suspects une véritable procédure criminelle ou en
leur garantissant un procès équitable;
> Renforcer la coopération internationale et
régionale en rapprochant les incriminations et en favorisant la
prévention.
En vue d'une innovation, il convient de mettre en place une
politique criminelle suffisamment élaborée et clairement
définie.
Beaucoup d'écrits, de commentaires, de communications,
beaucoup de remarques et de critiques, seront réalisés en rapport
avec la loi 017 sur le grand banditisme. Mais les meilleurs qui retiendront
l'attention de l'Histoire seront sans doute ceux qui permettront de faire des
avancées significatives sur les questions de sécurité
publique durable, de quiétude de nos populations avec une meilleure
protection des droits fondamentaux de l'individu. Ces droits sont
inaliénables et reconnus à chaque homme du simple fait de son
appartenance à la race humaine. Ce sont également ceux qui
permettront aux sociétés modernes de concilier au mieux les
nécessités de la répression avec les exigences des droits
humains. Les droits de l'Homme doivent être protégés en
dehors de toutes confessions religieuses et politiques. Ils doivent en tout
temps et en tout lieu être élevés au-dessus de tout autre
intérêt car c'est la dignité humaine qui est en jeu. Mais
il faut à tout prix éviter que ces sacro-saints principes propres
à la communauté humaine ne s'abâtardissent au contact
d'acteurs sans scrupules interprétant de façon excessive ces
droits et aboutissant à des conclusions qui mettent en péril
l'avenir de l'humain. L'homme n'est rien en dehors de la société
qui le façonne. Il en est le produit et lui doit tout. Elle le nourrit
aussi bien spirituellement que physiquement. L'homme est à la
société ce que la pierre est à la
cathédrale108. Elle participe de la gloire de la
cathédrale et hors d'elle, elle n'est qu'une simple pierre. En
conséquence, il faut protéger la cathédrale pour
sauvegarder la « réputation » de la pierre. Il faut
protéger la société pour sauver l'Homme. Il est souvent
préférable qu'un seul homme meurt pour tout le peuple
!
108 Antoine de Saint-Exupéry, Pilote de guerre, Edition
Gallimard, 1942, p.221.
68
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2010 portant adoption de la Stratégie
Nationale de Sécurité Intérieure.
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SECU/DEF/MJ/MATD/MPDH du 18 mai 2005
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http://www.echr.coe.int
V' Site de la CrADHP :
http://www.african-court.org/fr/
V' Site de la CJ-CEDEAO :
http://ww.claiminghumanrights.org/ecowas.html
ARTICLES ET COMMUNICATIONS
V' PRADEL Jean, Règle de fond sur le crime
organisé, inédit.
V' SORGHO Léandre, Communication sur « la
police nationale du Burkina Faso : stratégie de prévention de la
criminalité », Cape Town, le 22 février 2012,
inédit.
V' Ministère de la Justice, Document de base
commun aux rapports présentés par le Burkina Faso a tous les
organes de contrôle des instruments internationaux relatifs aux droits de
l'Homme dans le cadre de l'organisation des nations unies ; mars 2012.
V' BAYALA Jean-Pierre, Les défis de la
gouvernance du secteur de la sécurité en Afrique de l'Ouest -cas
du Burkina Faso, 2009.
70
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 1
PARTIE I : BILAN DE LA LUTTE CONTRE LE GRAND BANDITISME AU
BURKINA
FASO : DE 2009 A NOS JOURS 4
CHAPITRE I : Bilan de la lutte contre le grand banditisme au plan
de la prévention. 5
Section I : Bilan normatif de la lutte contre le grand banditisme
5
Paragraphe I : L'encadrement juridique de sources supranationales
5
A. Les instruments juridiques internationaux de lutte contre la
criminalité 6
1. Les textes d'incrimination transnationale 6
2. La coopération policière et judiciaire 7
B. .Les textes internationaux protecteurs des droits de l'Homme
8
1. Les textes universels sur la protection des droits de l'Homme
8
2. Les textes régionaux de défense des droits de
l'Homme 9
Paragraphe II : Le référentiel juridique d'origine
nationale 10
A. Les textes généraux 10
1. Les principes de protection des personnes et des biens
d'origine
constitutionnelle 10
2. La loi relative à la sécurité
intérieure 11
B. Les textes spécifiques propres au grand banditisme
11
1. Le référentiel classique de prévention
du grand banditisme 11
2. La loi n°017/AN du 05 mai 2009 et la lutte contre le
grand banditisme 12
Section II : Bilan de la prévention au plan institutionnel
12
Paragraphe I : L'appareil sécuritaire en charge de la
prévention du grand banditisme. 13
A. Le bilan de l'activité des corps paramilitaires 13
1. La police nationale et la prévention du grand
banditisme 13
2. l'apport des autres forces paramilitaires dans la
prévention du grand
banditisme 14
B. L'apport des forces armées nationales. 15
1. La gendarmerie nationale dans la prévention du grand
banditisme 15
2. Le soutien des autres forces militaires dans la lutte contre
le grand banditisme
16
71
Paragraphe II : L'apport des organismes civils dans la
prévention du grand
banditisme 16
A. L'apport des diverses couches sociales dans la lutte contre le
grand banditisme. 17
1. L'action sociale publique (police de proximité) 17
2. L'action sociale privée 18
B. Les Organisations Non Gouvernementales 18
CHAPITRE II : Bilan de la répression du grand banditisme
au Burkina Faso. 20
Section I : Le rôle des acteurs judiciaires dans la
répression du grand banditisme 20
Paragraphe I : L'activité juridictionnelle dans la
répression du grand banditisme 20
A. La procédure classique et le rendement judiciaire 20
1. La procédure pénale dans le crime de vol
aggravé 20
2. Les difficultés procédurales liées au
grand banditisme 22
B. Les innovations opérées par la loi 017 portant
répression du grand banditisme 23
1. La notion d'actes de grand banditisme et leurs sanctions
23
2. La compétence juridictionnelle dans la
répression des actes de grand
banditisme 24
Paragraphe II : Le rôle de la police judiciaire dans la
répression du grand banditisme 24
A. Les attributions de la police judiciaire dans la lutte contre
le grand banditisme 25
1. Les attributions de la Police Judiciaire dans l'enquête
de grand banditisme . 25
2. Contribution de la police judiciaire à la lutte contre
le grand banditisme 26
B. Le contrôle et la censure des activités de la
police judiciaire 27
1. Les autorités de tutelle de la police judiciaire 27
2. La censure des actes de la police judiciaire 27
Section II : L'impact de la répression sur le grand
banditisme. 28
Paragraphe I : Evaluation de l'impact de la lutte sur le grand
banditisme 28
A. L'effet de la loi sur l'évolution de la
criminalité 29
1. Le besoin de sécurité 29
2. L'effet de la loi sur le phénomène du grand
banditisme 29
B. Les libertés individuelles sous la loi 017 30
Paragraphe II : Le triomphe du phénomène
de grand banditisme sur les méthodes
employées 31
A. Le niveau actuel du grand banditisme 32
B. Les nouveaux modes opératoires des délinquants
33
1. Les Opérations par usage d'armes à feu sur les
grands axes routiers 33
72
2. Les pratiques des bandes organisées des
délinquants 34
PARTIE II : ANALYSE ET PERSPECTIVES DU SYSTEME DE
REPRESSION DU
GRAND BANDITISME 35
CHAPITRE I : Evaluation du système de répression du
grand banditisme 36
Section I : Les forces de la politique de répression du
grand banditisme 36
Paragraphe I : L'institutionnalisation de la lutte contre le
grand banditisme 36
A. L'existence d'organes spécialisés dans la
répression du grand banditisme 37
1. Les institutions publiques 37
2. Equipement et moyen d'action 38
B. La communautarisation de la lutte 39
Paragraphe II : La légalité des interventions et la
célérité de la procédure. 40
A. La légalité des interventions et la rigueur de
la répression: force reste à la loi. 40
1. La légalité des interventions 40
2. La rigueur de la répression 41
B. L'allègement de la procédure 42
Section II : Les faiblesses de la politique de répression
du grand banditisme 43
Paragraphe I : Les insuffisances juridiques dans la politique de
répression 44
A. L'imprécision des textes de base portant
répression du grand banditisme 44
1. Le droit de recours à l'arme par l'OPJ 44
2. La difficile détermination de la peine 45
B. Les insuffisances dans la protection des droits humains 45
1. La répression du grand banditisme et le droit à
la vie 45
2. Les autres droits menacés sous la répression
du grand banditisme. 46 Paragraphe II : Les insuffisances institutionnelles
de la lutte contre le grand
banditisme. 47
A. L'insuffisance des ressources 47
1. Le personnel. 47
2. Le manque de ressources matérielles, logistiques et
financières. 48
B. Le manque de coopération inter corps 49
CHAPITRE II : Perspectives pour une meilleure répression
du grand banditisme 50
Section I : Suggestions pour un renforcement du système de
répression actuel 50
A. Le renforcement de la prévention 51
1. La répression et ses limites 51
2. La prévention et ses avantages 51
B. Rationalisation de la répression. 52
1. Problématique des longues peines 52
73
2. La nécessité de la modération. 53
Paragraphe I : Une reconsidération des droits fondamentaux
54
A. Une invite à la relecture de la loi portant
répression du grand banditisme 54
1. Les lacunes de la loi portant répression du grand
banditisme 54
2. Un rapprochement de la loi avec les droits de l'Homme 54
B. La nécessité d'adaptation des textes aux
réalités burkinabè. 55
1. Le principe des restrictions et des dérogations 55
2. Les droits de l'Homme et les réalités
locales 56 Section II : Pour une innovation dans l'approche du
phénomène de grand banditisme 57
Paragraphe I : La nécessité d'une
maîtrise des causes du phénomène de grand
banditisme 57
A. Les causes directes du phénomène de grand
banditisme 57
1. La problématique de la circulation des armes à
feu. 58
2. La lutte contre le grand banditisme par le contrôle des
armes à feu 58
B. L'approche socio-politique ou causes exogènes de la
lutte contre le grand
banditisme 59
1. Les problématiques socio-politiques du grand
banditisme 59
2. Vers la recherche de solutions durables : la
prévention sociale 60
Paragraphe II : Lutte contre le grand banditisme par
l'adoption d'une politique
criminelle renforcée 61
A. Notion et place de la politique criminelle dans la lutte
contre le grand
banditisme 61
1. Notion de politique criminelle 61
2. Les avantages de la politique criminelle 62
B. L'inclusion de nouvelles approches préventives dans la
lutte contre le grand
banditisme. 63
1. La répression et ses limites 63
2. Place de la prévention dans la lutte contre le grand
banditisme 64
CONCLUSION 66
Bibliographie 68
TABLE DES MATIERES 70
74
La répression du grand banditisme au
Burkina Faso: bilan et perspectives
Dans le cadre de la rédaction du mémoire de
fin de cycle pour l'obtention du diplôme de commissaire de police, nous
vous prions de bien vouloir nous apporter votre soutien en exprimant votre
point de vue sur les questions suivantes :
Fiche d»entretien :
1. Le phénomène de la criminalité
organisée constitue aujourd'hui une menace sérieuse dans nos
Etats. Quel commentaire faites-vous ?
2. Qu'est-ce qui explique la crise de la sécurité
sociale dans les sociétés
contemporaines ?
3. Au Burkina Faso, le phénomène de
l'insécurité a pris une ampleur telle que les décideurs
politiques se sont vus obliger de prendre une loi en 2009 créant une
infraction nouvelle avec une répression particulière, la loi 017
du 05 mai 2009 : Peut-on parler de politique criminelle au Burkina Faso ?
4.
75
Avant l'adoption de la loi 017 du 05 Mai 2009 portant
répression du grand banditisme, sous quelles qualifications
étaient réprimés les actes similaires ?
5. Quels rapports existe-t-il entre le crime organisé et
le grand banditisme ?
s
6. quel commentaire faites-vous de cette loi ?
7.
76
Quels sont les textes qui gouvernent aujourd'hui la
répression du grand banditisme ?
8. Quelles étaient les prévisions (les objectifs)
au temps de l'adoption de la loi ?
9. Après six ans de répressions, quels constat en
termes de bilan faites-vous de la répression du grand banditisme ?
10. Beaucoup reprochent la loi d'être attentatoire des
droits humains : quelle lecture personnelle faites-vous ?
11.
77
Quels amendements peut-on faire dans cette politique de
répression ?
12. Les populations ont-elles un rôle à jouer dans
la lutte contre le grand banditisme ?
13. Qu'est-ce qui entrave cette collaboration ?
14. Quelles sont aujourd'hui les forces de la politique
criminelle portant répression du grand banditisme ?
Les faiblesses du système ?
15.
78
Le phénomène de l'insécurité est-il
attribuable à une inefficacité des organes de prévention
(police, gendarmerie) ? Ou de répression (tribunaux, centres
pénitentiaires) ? Si oui, quelles suggestions faites-vous ? Sinon,
où se trouve le problème ?
16. Quelles corrections, suggestions ferez-vous pour contenir
le
phénomène ?
17. Autres commentaires :
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