Conclusion
La contrebande des médicaments dopants dans la ville
de Maroua est un trafic en pleine expansion. Ce trafic est soutenu par un
certain nombre de facteurs qui favorisent son développement. Comme
facteurs facilitant la contrebande des médicaments dopants à
Maroua, on note la proximité et la porosité des frontières
entre le Cameroun et le Nigéria qui est le lieu d'approvisionnement,
l'utilisation limitée des voies principales et l'utilisation des voies
non officielles. Les contrebandiers bénéficient ainsi de ces
avantages pour mettre en place des méthodes dans le but d'acheminer
à bien les médicaments dopants à Maroua telles que la
corruption des agents de contrôle au niveau des frontières, le
camouflage de leurs produits dans les marchandises de nature licite et
l'emprunt régulier des pistes inconnues. Comme facteurs favorisant la
consommation des médicaments dopants dans la ville de Maroua, on a
principalement le faible niveau scolaire et le faible revenu des consommateurs,
le tout accompagné du non implication des autorités sanitaires
dans la lutte contre ce trafic. Cependant comment s'organisent le circuit et la
distribution de ces médicaments depuis l'Asie pour l'Afrique,
notamment au Cameroun et plus précisément dans la ville de Maroua
?
Chapitre 2. Distribution
des médicaments dopants de contrebande dans la ville de Maroua
Introduction
La contrebande des médicaments dans la ville de Maroua
est un phénomène concret qui déroule dans la ville de
Maroua. Ces médicaments qui sont entrés frauduleusement au
Cameroun viennent du Nigeria. Etant la principale source d'approvisionnement de
ses pays voisins, le Nigéria est un pays qui, au fil du temps à
développer le marché de l'industrie pharmaceutique. Cependant,
malgré la présence de quelques industries pharmaceutiques
locales, les médicaments retrouvés au Nigéria trouvent
leur origine principalement en Chine et en Inde car, ces deux pays sont
identifiés comme étant les sources d'approvisionnement des
médicaments frauduleux dans le monde. A cet effet, les importations de
médicaments en Afrique de l'Ouest ont augmenté de manière
spectaculaire ces dernières années, et leur valeur a plus que
triplé entre 2004 et 2010 (UNODC, 2010). Une fois sur le marché
Nigérian, ces médicaments sont aussi distribués dans de
nombreuses régions africaines telles qu'en Afrique Centrale, notamment
au Cameroun. Jadis, ces médicaments étaient en transit par la
frontière Banki-Amchidé ; mais aujourd'hui avec
l'insécurité causée par la secte Boko-Haram qui a
déstabilisée et même paralysée cette zone, les
contrebandiers utilisent désormais la frontière Garoua-Jimeta
pour amener leurs produits à Maroua. Dans ce chapitre donc, il sera
question de présenter le circuit et le flux des médicaments
dopants depuis l'Asie pour l'Afrique, notamment au Cameroun et plus
précisément dans la ville de Maroua. Nous allons également
présenter les facteurs et les acteurs de la vente illicite de ces
médicaments.
2.1.
Circuit et flux des médicaments dopants de contrebande de la ville de
Maroua
Il est important avant toute analyse de retracer l'origine
même de la vente des médicaments de la rue dans la ville de
Maroua. En effet, tout commence avec la crise économique des
années 1990 et la dévaluation du Franc CFA en 1994, qui ont
causé la baisse du pouvoir d'achat des populations au Cameroun en
général et à Maroua en particulier entrainant ainsi la
prolifération de l'informel dans le secteur pharmaceutique (Biena et
al., 2010). Ce secteur apparaît de nos jours comme le plus
sollicité par toutes les couches de la population. Quoi que cette
activité soit condamnée par les autorités administratives,
les lois et les règlements de chaque pays ; elle ne cesse de se
développer à un rythme sans précédent. Face
à cette situation où le gouvernement paraît impuissant, les
pharmaciens s'opposent de façon radicale à cette pratique
illicite qu'ils jugent dangereux pour la santé des populations. C'est
pourquoi, il n'est pas rare de nos jours de trouver dans les officines les
affichages portant le slogan « Les médicaments de la rue, ça
tuent ».
Les pharmaciens attirent ainsi l'attention des patients sur
les conséquences néfastes et parfois dramatiques que la vente des
médicaments dans la rue, à la sauvette etc., peuvent
entraîner. Les médicaments de la rue, un danger pour le
consommateur, cause de plusieurs paramètres dont les plus alarmants sont
d'origine douteuse de ces médicaments et l'analphabétisme des
vendeurs de ces médicaments qui, en générale n'ont subi
aucune formation dans le domaine de la médicine. Or la Loi n° 90-36
du 10 août 1990, relative à l'exercice et à l'organisation
de la profession de médecin, dans son art.17 (al.1er) du
IIIème chapitre stipule que toute personne reconnue coupable
d'exercice illégal de la profession de médecin est passible d'un
emprisonnement de six (6) jours à six (6) mois et d'une amende de 200
000 à 2.000.000 de FCFA ou de l'une de ces deux peines seulement (annexe
1). De ce fait, il est donc clair que les vendeurs des médicaments de la
rue transgressent la loi réglementant la profession de médecin.
De plus, selon les normes internationales et camerounaises des
prescriptions médicamenteuses, les médicaments doivent être
dispensés car ils sont prescrits après des consultations faites
par un médecin ou un infirmier ; or dans la rue les
médicaments sont plutôt vendus. Mais ce qui nous intéresse
dans ce travail est la vente ou l'origine des médicaments dopants de
contrebande. Parler des médicaments dopant revient à parler des
médicaments de la rue car le premier est un sous ensemble du
deuxième. La vente des médicaments dopants tout comme la vente
des médicaments de la rue est une activité condamnée par
les lois camerounaises.
Mais, compte tenu du contexte économique et des
différentes contraintes sus-évoquées, accompagnées
du manque d'emploi, il va alors se développer le marché des
médicaments dans le secteur informel. La véritable énigme
avec ces médicaments est souvent liée au nom du fabricant. A cet
effet, les enquêtes menées auprès des vendeurs de ces
médicaments d'origine douteuse nous permettent d'identifier avec
certitude que le Nigéria est la source d'approvisionnement des
médicaments de la rue dans la ville de Maroua.
2.1.1.
Nigéria principal lieu d'approvisionnement en Afrique de l'ouest et
centrale
Les enquêtes menées auprès des vendeurs
des médicaments dans la ville de Maroua nous révèlent que
88% des médicaments que l'on retrouve à Maroua viennent du
Nigeria. Cependant, le Nigéria importe également ces
médicaments vers les pays d'Asie du Sud et de l'Est (figure 2) tels que
la Chine et l'Inde (UNODC, 2010). Le Nigéria est donc une plateforme de
distribution des médicaments de contrefaçon et de contrebande
dans la sous-région Afrique de l'Ouest qui impacte négativement
sur le circuit des médicaments en Afrique centrale notamment au
Cameroun, et plus précisément dans la ville de Maroua.
Figure 2. Circuit
frauduleux des médicaments d'Asie pour l'Afrique
Réalisée et adaptée par Mohamed, avril
2016.
251557376
Source : UNODC, 2010
251556352
La figure 2 nous présente le circuit frauduleux des
médicaments de la contrebande entre l'Asie (Chine et l'Inde) et
l'Afrique. Cette carte nous retrace l'entrée frauduleuse des
médicaments depuis l'Asie vers l'Afrique notamment en Afrique de l'ouest
à partir de deux itinéraires : une partie de ces
médicaments partent de la chine et de l'inde directement à
destination de l'Afrique de l'ouest et l'autre partie part de l'Asie pour
l'Afrique de l'ouest en transitant par le moyen orient.
Parler de la contrebande des produits venant du
Nigéria, c'est aussi évoquer le peu de moyen mis sur pied par les
autorités administratives pour le contrôle de nos
frontières avec le Nigéria. Ainsi, en 1988, il y avait 17 postes
de douanes (Fodouop, 1988) et donc l'impuissance à surveiller une
frontière de 1600 km. Quant à l'Extrême-Nord, sa
perméabilité est illustrée par des centaines de
kilomètres carrossables permettant, à une population qui ne se
distingue en rien de celle du grand pays voisin, de traverser la
frontière à n'importe quel point (OCISCA, 1995). En effet, de
l'aveu des propres agents de douanes, la plus grande part du volume des
marchandises venant du Nigéria est introduite par les points de
contrôle douanier. En fait, les commerçants recherchent
systématiquement à entrer de manière clandestine par
d'autres chemins. Au contraire, en passant par les postes traditionnels de
contrôle, ils désirent obtenir, par la corruption des agents, les
documents qui leur permettront de faire entrer dans un semblant de
légalité des marchandises sous-évaluées ou de
nature différente à ce qui est déclaré. Il s'agit
donc moins de commerce clandestin de contrebande que de fraude douanière
(OCISCA, 1995). Toutefois, il est important de relever que la situation a
évolué car nous avons une augmentation considérable du
nombre de poste de douane entre le Cameroun et le Nigéria. Cependant,
les voies qui mènent au Cameroun à partir du Nigéria ne
sont pas toutes officielles ou légales (Jude Mefor, Commandant de
Subdivision Commerciale des Douanes en Service à Maroua). A cet effet,
plusieurs facteurs favorisent l'acheminement des marchandises du Nigéria
vers le Cameroun ; mais le plus important est la proximité entre le Nord
du Cameroun et le Nigéria.
De ce fait, un certain nombre de questions se
soulèvent, parmi ces questions la plus importante est celle de savoir
comment les contrebandiers font pour acheminer leurs marchandises du
Nigéria pour le Cameroun malgré, le contrôle
systématique de toutes les marchandises en direction du Cameroun. La
recherche de la réponse à cette question nous a conduit à
mener des enquêtes et des recherches supplémentaires. Du fait du
caractère illicite de cette activité, les contrebandiers
emploient plusieurs méthodes, afin d'éviter tout contrôle
douanier et policier. Les grossistes disent achetés leurs
médicaments à Kano et Mubi qui sont des villes situées au
nord du Nigéria et relativement proche du Nord Cameroun. De ce fait, les
contrebandiers empruntent les voies non officielles pour faire entrer leurs
produits au Cameroun. Cependant, c'est par hasard que certains produits sont
rarement découverts par les forces de l'ordre procédant ainsi
à des saisies et à l'amendement du propriétaire.
Toutefois, les contrebandiers ont des itinéraires bien
spécifiques qu'ils exploitent pour acheminer leurs marchandises à
Maroua.
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