Section III : MOOC1 sur la restructuration des
quartiers précaires en Afrique.
Ce cours nous a permis de comprendre la genèse des
villes et l'ampleur des quartiers précaires en Afrique (ii), les mesures
anciennes de lutte contre les quartiers précaires et les mesures
actuelles (ii), les acteurs financiers des programmes de lutte contre les
quartiers précaires (iii) et les exemples de mise en oeuvre de
programmes de lutte contre les quartiers précaires (iv).
iii. Genèse des villes et l'ampleur des quartiers
précaires en Afrique.
Les villes africaines ont histoire, laquelle permet aussi de
comprendre l'ampleur du phénomène de quartiers
précaires.
a) Genèse et évolution des villes en
Afrique.
Selon Catherine Coquery-Vidrovitch, l'urbanisation est un
processus spatial, « celui par lequel les hommes s'agglomèrent en
nombre important sur un espace relativement restreint », processus social
générateur de contradictions ethniques, linguistiques,
professionnelles, de classe, lieu de métissage des mémoires.
Trois conditions ont été nécessaires
à l'urbanisation en Afrique :
- La possibilité d'un surplus agricole servant à
nourrir les non- producteurs ;
- Le commerce impliquant la présence d'une classe de
marchands spécialisés dans la collecte et la redistribution des
vivres ;
- La présence d'un pouvoir politique (classe des
dirigeants contrôlant l'utilisation du surplus par les
non-producteurs).
La notion de hiérarchie a toujours été
inhérente aux villes africaines. La ville la plus forte incorporait les
autres dans son système en allant y recruter la main d'oeuvre
nécessaire. Ainsi, les villes africaines d'aujourd'hui ne sont pas
différentes de celles d'avant car
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peuplées par des Africaines, de peuples qui
réagissent en fonction d'un patrimoine historico-culturel
donné.
En effet, les villes en Afrique ne sont pas nées de la
colonisation. Les africaines n'étaient pas étrangers à la
ville. On décèle partout sur le continent un héritage
urbain complexe et profond. Les villes sont nées suivant un processus
cumulatif de la rencontre entre l'ancienne culture urbaine et la nouvelle.
Schématisation : Genèse des villes en
Afrique
1. Villes anciennes dont l'émergence correspond
à l'expansion agricole (Jenne-Jeno, Grand Zimbabwe) ;
2. Villes créées des contacts avec l'islam et
le monde arabe du commerce lointain (épanoui des cultures urbaines,
métissage entre influences arabes et autochtones, villes commerciales et
militaires) ;
3. Introduction des ports côtiers et l'architecture
portugaise, des autres modèles européens (15ème
siècle). Dès le début du 19ème
siècle, la pénétration occidentale a modifié le
cours de cette évolution urbaine ancienne. Entre le milieu du 18 et
19ème siècle, la plupart des villes africaines se sont
trouvées peu ou prou insérées dans le système
économique mondial ;
4. L'histoire coloniale se greffait sur des
éléments urbains antérieurs. La colonisation a
supprimé plus de villes qu'elle en a créées. Les villes de
la colonisation ont toujours été majoritairement noires et ont
joué un rôle de creuset économique, politique, culturel,
où s'est élaboré une société faite d'une
constante synthèse entre l'ancien et le nouveau ;
5. A l'indépendance, la ville a changé
d'échelle pour les citadins africains qui n'ont été que
très provisoirement exclus d'une citadinité supposée
européenne.
En bref, les vagues d'urbanisation font du citadin africain un
homme comme tous les autres. (Catherine Coquery-Vidrovitch).
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b) Genèse et l'ampleur des quartiers
précaires en Afrique.
La décennie 70, 80, est celle qui a vu les quartiers
précaires proliférer et se diffuser dans l'ensemble des grandes
villes d'Afrique. La plupart des pays subissaient en effet de grandes
difficultés, engendrées par la crise économique de ces
années-là, le choc pétrolier de 1973, et les politiques
néo-libérales des États-Unis d'Amérique et de la
Grande-Bretagne, sous la conduite de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher ont
abouti au ralentissement des échanges internationaux et ont mis à
mal les économies fragiles de nombreux pays. Ceux-ci ont alors vu leurs
ressources diminuer, et leur endettement s'envoler, et ont été
stoppés net dans leur élan économique et social
prometteur.
Une autre manifestation, conséquence de la crise
urbaine, a été l'imposition par les institutions de Bretton Woods
de plans d'ajustements structurels, plus communément appelés
P.A.S. Il s'agissait de plans draconiens qui visaient la limitation des
interventions directes des états, pour favoriser les investissements
privés, particulièrement dans le secteur urbain. Les institutions
de Bretton Woods conditionnaient les nouveaux prêts à la mise en
place de plans d'ajustements structurels dans le but de dégager des
ressources nouvelles, et de mieux assurer le remboursement de la dette.
La crise urbaine a également eu comme
conséquence la fragilisation de l'équilibre, ville campagne. Les
migrations en direction des villes se sont intensifiées car ce sont
elles qui créent les richesses. Et elles se comportent en période
de crise comme des soupapes de sécurité. L'accumulation des
difficultés aboutit ainsi à l'intensification de l'exclusion des
pauvres dans les villes africaines. La persistance des difficultés a
abouti au façonnement de villes duales. Par villes duales, nous
entendons la juxtaposition de plusieurs espaces qui correspondent à
différents niveaux d'intégration et de pratiques de la ville.
Cela se traduit souvent par la coexistence d'une ville légale, celle qui
correspond aux normes établies et qui regroupe les centres
administratifs les quartiers résidentiels et les quartiers populaires
centraux. À côté de cette ville légale, on trouve
souvent une ville illégale, qui est le résultat des
développements périphériques irréguliers,
illégaux, sous-équipés, celle où les habitants
parleront d'aller en ville, lorsqu'ils doivent quitter leur quartier.
Les quartiers précaires sont la manifestation la plus
flagrante du manque de planification et de contrôle de la croissance des
villes. Ces quartiers s'étendent en raison de l'urbanisation
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croissante, de la pénurie du logement abordable dans
les villes, mais également à cause de multiples autres raisons
telles que la pauvreté, les déplacements liés à des
conflits, à des catastrophes naturelles ou encore au changement
climatique, qui poussent de nombreuses populations à accepter et
supporter des conditions de logement et de vie misérables.
Le phénomène de quartier précaire est
devenu une particularité des pays d'Asie, d'Afrique, et
d'Amérique Latine. Ces trois sous-ensembles concentrent la
quasi-totalité du milliard d'habitants des quartiers précaires
dans le monde. Les pays développés concentrent environ 10
millions d'habitants dans les quartiers précaires, contre 550 dans les
pays d'Asie et du Pacifique, 250 dans les pays d'Afrique, ou encore 150
millions en Amérique Latine et dans les Caraïbes. Cette situation
est le résultat de la combinaison de plusieurs facteurs qui tiennent
à la fois aux situations démographiques, à la place des
villes, et aux différentes formes de gouvernance qu'on rencontre dans
les différents pays.
Ainsi, on parle de quartier informels, quartiers
spontanés, quartiers populaires, quartiers précaires, quartiers
illégaux, quartiers irréguliers, sous équipés, ou
encore non règlementaires; toutes les appellations utilisées pour
qualifier ce qui constitue aujourd'hui l'essentiel des villes africaines.
Les villes africaines évoluant à un rythme de
l'ordre de 3 % par an, c'est-à-dire un doublement de leur population
environ tous les 20 ans. La transition démographique, c'est la situation
qui fait passer les pays d'un régime démographique primitif
à un régime démographique moderne. Les taux bruts de
mortalité et les taux brut de natalité sont tout deux
élevés en partant d'une situation de 40 pour 1000 et du fait d'un
meilleur encadrement sanitaire, le taux brut de mortalité baisse
rapidement pendant que le taux brut de natalité reste
élevé avant de baisser à son tour. Cette période
où l'écart entre les deux courbes est le plus élevé
est celle où le taux de croissance naturel est le plus
élevé et c'est cette phase qu'on qualifie de régime
démographique transitoire. Auparavant les pays sont dans un
régime démographique que nous pouvons qualifier de primitif et en
sortant de cette phase, ils rentreront dans un régime
démographique que nous pouvons qualifier de moderne. Après la
transition démographique, la seconde explication est la forte
attractivité des villes. Les villes sont en effet les lieux de
modernité, les lieux de création de richesses, d'espoir et de
possibilité d'ascension sociale.
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iv. Les mesures anciennes de lutte contre les
quartiers précaires et les mesures actuelles.
Avant de parler des mesures de lutte contre les quartiers
précaires, il importe de faire d'abord une typologie des quartiers
précaires.
? Typologie de quartiers précaires.
Le bidonville stricto-sensu : Ce type de quartier
précaire concentre toutes les formes d'exclusions, c'est-à-dire
une exclusion sociale, une exclusion urbaine et une exclusion foncière.
Les populations qui y vivent subissent les contraintes d'une double
précarité ; celle physique des abris de fortune mais aussi celle
juridique des statuts d'occupation. Ce qui caractérise ce type de
quartiers tient à plusieurs facteurs. Le premier d'entre eux est
l'installation sur les zones à risque, c'est-à-dire que ces
quartiers s'installent souvent sur les plus mauvais terrains des villes.
La seconde caractéristique tient à la nature des
matériaux utilisés pour les constructions. Il s'agit souvent de
matériaux de récupération, qu'il s'agisse de tôle,
de toile ou de bois, qui sont utilisés pour la confection des
habitations précaires. La troisième caractéristique est
l'absence d'équipement et d'infrastructure de base. Ces quartiers en
sont totalement dépourvus, ce qui fait que dans ces quartiers, ce qui
fait la ville, est absent et les populations vivent en marge de ce qui fait
généralement la ville en Afrique. Une autre
caractéristique est la sous-intégration à la ville.
D'abord l'éloignement par rapport à la ville, mais
également la déconnexion par rapport aux structures formelles de
la ville ce qui se traduit par de mauvaises liaisons en terme de transport,
mais également en terme de service. Enfin, parce que ces quartiers
occupent souvent illégalement le terrain, ils restent sous la menace
d'éviction et cela empêche les populations dans la consolidation
de l'heure habitation.
Les quartiers irréguliers déjà
consolidés ou en voie de l'être : Il s'agit souvent de quartiers
anciens, qui finissent par être tolérés parce qu'ils
connaissent une consolidation de leur bâtit en dur et font l'objet d'une
amélioration d'un niveau d'équipement. Les autorités
finissent en effet, même si c'est timidement, à y consentir
quelques investissements ne serait-ce que pour assurer la
sécurité des biens des personnes. Parce qu'ils sont anciens, ces
quartiers atteignent également un niveau de mixité sociale par
l'arrivée progressive de populations diversifiées.
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Pratiques en aménagement du territoire
Les quartiers centraux laissés à l'abandon et
qui se taudifient : Ce sont des quartiers formels qui subissent un processus
avancé de dégradation au point de constituer des ghettos qui
cumulent plusieurs handicaps et ne retiennent que des populations captives,
celles qui n'ont pas une grande liberté en matière de choix de
leur lieu de résidence. De façon générale, il
s'agit de quartiers qui ont mal vieillis au point d'accuser également un
retard important dans l'adaptation des équipements et infrastructures
tels que la voirie, les approvisionnements en eau potable et en
électricité, mais aussi des services. La dégradation de
ces quartiers peut aussi être une conséquence d'un processus de
gentrification en cours qui affecte des portions entières des villes et
souvent des centres-villes.
? Mesures anciennes de lutte contre les quartiers
précaires.
- Le déguerpissement.
Jusqu'en 1960, la pauvreté se concentrait dans les
espaces très circonscrits des villes africaines. Les quartiers
précaires étaient alors considérés comme la
manifestation d'une transition urbaine, et devaient rapidement
disparaître. Et lorsqu'on s'est aperçu qu'il ne s'agissait pas
d'un phénomène passager, des réponses ont
été apportées souvent sous la forme de
déguerpissement, une façon d'affirmer l'autorité de la
puissance publique.
Les déguerpissements ont en effet montré leurs
limites. Ils induisaient des coûts élevés sur les plans,
social, économique et sécuritaire, et étaient souvent
à l'origine de troubles sociaux. C'est ce qui explique qu'à la
fin des années 60 des courants de pensée se sont affirmés.
John Turner en était la figure emblématique pour soutenir une
approche qui privilégie, plutôt que la démolition,
l'amélioration de l'environnement des pauvres et leur implication
directe dans les projets qui les concernent.
- La réhabilitation, restructuration.
Le consensus a été fait autour de la
réhabilitation, restructuration. Du point de vue des bailleurs de fonds,
il s'agit de la nécessité d'une intervention vigoureuse, dans ces
quartiers précaires, lieux de concentration de la pauvreté, dans
le but d'enclencher un cercle vertueux, qui conduira à
l'évolution, tant physique que sociale, des quartiers. Pour les
autorités, il s'agit d'intervenir pour éliminer les divers
risques sanitaires, environnementaux, sécuritaires et
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Pratiques en aménagement du territoire
sociaux auxquels sont exposées les populations, la
nécessité de soigner l'image de la ville en éliminant ce
qui pourrait l'entacher, vu de l'extérieur, lutter contre la
pauvreté, l'exclusion, et la recherche d'une amélioration des
conditions difficiles d'existence dans ces quartiers.
- La résorption intégrale des quartiers
précaires.
Comme dans les déguerpissements, le but
recherché dans la résorption intégrale est
l'élimination pure et simple du quartier. Dans cette situation les
quartiers précaires occupent soit des terrains publics, soit des
terrains privés. L'intervention peut avoir une légitimité
lorsqu'ils occupent des terrains privés alors que dans le cas du squat
des terrains publics, il est plus difficile de justifier les
déguerpissements. Dans tous les cas de figure, il s'agit d'interventions
risquées surtout lorsqu'aucune solution d'accompagnement n'est
proposée comme c'est malheureusement souvent le cas.
? Mesure actuelle de lutte contre les quartiers
précaires.
- La restructuration in situ.
C'est celle qui vise l'amélioration du quartier sur
place, en minimisant les déplacements de populations. Même si les
projets sont tous différents, les démarches conduisant à
la restructuration sont identiques.
Elles comprennent, dans une première phase, la
préparation et l'état des lieux ; dans une seconde phase, les
travaux de viabilisation ; et dans une troisième phase, les travaux
d'ingénierie sociale, sous forme d'accompagnement et de soutien des
populations à se réinstaller dans le nouveau quartier. La phase 1
est celle de l'état des lieux. C'est une étape cruciale, celle
qui conditionne le déroulement de toute l'opération ; il s'agit
de sa préparation. Cette phase consiste en la connaissance du quartier ;
c'est ici qu'on cherche à comprendre son fonctionnement interne, ainsi
que ses relations avec les autres quartiers. Cette connaissance est
renforcée par l'établissement du profil socio-économique
des populations, qui permettra d'apprécier leur niveau de revenus, ainsi
que leurs capacité et potentiel.
La restructuration in situ des quartiers précaires est
une opération complexe, qui imbrique plusieurs tâches et exige
souvent l'intervention coordonnée de plusieurs structures. Elle a
cependant l'avantage de maintenir le quartier et ses populations sur place,
pour un traitement parfois sur de longues années. Cela diffère
naturellement les résultats dans le temps, et rend
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Pratiques en aménagement du territoire
moins visible l'impact d'une action souvent lourde qui
nécessite une préparation minutieuse et des moyens importants
dont on n'a souvent pas l'entière maîtrise.
iii. L'acteur financier principal des programmes de
lutte contre les quartiers précaires.
La Banque Mondiale :
Parmi toutes les institutions internationales qui viennent en
aide aux pays pauvres, la banque mondiale est certainement celle qui s'est le
plus investie dans le développement urbain et la recherche de solutions
à la question des quartiers précaires. Pour la banque mondiale en
effet, les interventions n'ont de sens que si elles permettent de rendre les
villes plus compétitives et d'améliorer les conditions de vie des
plus pauvres. Autrement dit, il s'agit de cibler les actions dont la mise en
oeuvre permettra d'accroître la compétitivité des villes,
de dégager des ressources durables, qui donneront les moyens
d'équiper les quartiers précaires et de les intégrer dans
les structures des villes. Toujours pour la banque mondiale, la forte
concentration des populations, dans les grandes villes du Sud, est
inéluctable et peut constituer une chance de développement pour
les pays, même si elle se fait, dans un premier temps, de façon
désordonnée et incontrôlée.
La banque mondiale est une institution datant de
l'après-guerre, lorsqu'il a fallu reconstruire les économies
européennes. Elle dispose d'un instrument majeur qui est l'IDA,
l'Association Internationale pour le Développement, qui est un
instrument de prêts et de dons, aux pays les plus pauvres, et qui
prête des fonds à des conditions concessionnelles,
c'est-à-dire des intérêts très faibles ou nuls, des
remboursements étalés sur 25 à 40 ans, et un
différé d'amortissement de l'ordre de 5 à 10 ans. Pour la
banque mondiale, l'urbanisation est inévitable. Elle est essentielle
pour le maintien de la croissance économique, construite sur l'effet
d'agglomération. Les villes sont, en effet, le moteur de la croissance
économique. Elles se spécialisent et interagissent pour soutenir
l'économie nationale, et les quartiers précaires ne sont qu'une
conséquence du dysfonctionnement du marché foncier. Cette
idée maîtresse est lancée par la banque mondiale, et
renforcée par une succession de paradigmes, dans l'objectif d'assister
les pays, pour créer des richesses, qui seront équitablement
partagées. La banque mondiale considère en effet, que même
si la concentration urbaine peut constituer un atout, la non maîtrise des
flux de migration vers les villes peut constituer un danger, surtout lorsque
les demandes sociales ne sont pas satisfaites.
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Pratiques en aménagement du territoire
Depuis l'an 2000, la banque mondiale s'est engagée
énergiquement dans la lutte contre la pauvreté. Elle
reconnaît ainsi les insuffisances des stratégies fondées
sur les politiques d'ajustement structurel, credo des années 80-90. Sa
nouvelle stratégie, la réduction de la pauvreté doit tenir
compte des conditions économiques spécifiques, et de la situation
sociale de chaque pays. C'est cela qui aboutit à la définition
des stratégies nationales de réduction de la pauvreté,
élaborée par les différents groupes sociaux, dans le cadre
d'une démocratie participative. Les objectifs économiques et les
objectifs sociaux sont désormais placés sur un même plan.
Cet engagement nouveau de la banque mondiale s'est traduit par la
définition d'objectifs du millénaire pour le
développement. 8 objectifs, 18 cibles et 40 indicateurs ont ainsi
été retenus. Cela correspondait à un engagement de la
communauté internationale, pour améliorer la situation des
habitants des quartiers précaires, réduisant de moitié la
pauvreté à l'horizon 2015.
En dehors de la Banque mondiale, l'ONU-HABITAT, l'AFD sont
aussi des acteurs qui interviennent dans ce domaine.
iv. exemples de programme de lutte contre les quartiers
précaires.
- Programme d'amélioration des quartiers
précaires au Sénégal.
Le Sénégal multiplie les expériences
depuis la fin des années 1950, et vit donc une sorte d'éternel
recommencement avec, encore aujourd'hui, l'intervention à Pikine
Irrégulier Sud, le lieu même où il y a eu plus d'un
demi-siècle le recasement des premiers ménages déguerpis
du continent. Dès 1950, en effet, la densification de la médina
et l'apparition des premiers bidonvilles tout autour, à Colobane et
à Fass, avaient conduit les autorités à prendre la
décision de les éradiquer en les transférant à
l'extérieur de la ville, à Pikine, à 15 kilomètres
du Plateau, où des parcelles de 200 mètres carrés sont
distribuées aux ménages qui devaient s'occuper eux-mêmes de
construire leurs habitations.
À l'indépendance, en 1960, on assiste à
l'accentuation de la pression urbaine et à la diffusion des quartiers
précaires à Dakar. Les opérations de
déguerpissement s'intensifient cette fois vers de nouveaux lotissements
: Grand Yoff et Pikine, en 1965, puis Pikine-Extension en 1967, et vers
Guédiawaye en 1971. L'élaboration, en 1967, d'un plan de
développement urbain, dit plan Ecochard, tente une planification du
développement de Dakar, mais le manque de ressources conduit à
limiter les opérations de déguerpissement, et à s'orienter
vers la production de logements sociaux, par le biais de l'Office public de
l'HLM et la SICAP. La
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Pratiques en aménagement du territoire
crise des années 1970 et 1980 va stopper net les
programmes de logement et orienter l'action des pouvoirs publics vers la
production massive de parcelles assainies. Ainsi, près de 400 hectares
sont aménagés près du petit village de
Cambérène, dont les parcelles de 150 à 300 mètres
carrés sont distribuées aux ménages, payables à
crédit. Mais la plupart de ces parcelles échappe aux pauvres,
pour revenir aux catégories moyennes et solvables.
Le Sénégal est un pays peuplé de 14
millions d'habitants en 2014, et Dakar, sa capitale, abrite environ 3 millions
d'habitants, soit presque la moitié de sa population urbaine. Ce pays a
connu une urbanisation soutenue, puisqu'en 2013, on comptait environ 45 pour
100 d'urbains, contre 40 pour 100 en 2002. Il connaît également un
déficit important en logements d'environ 150 000 unités, ce qui
correspond à une forte demande d'environ 2 000 logements par an.
Naturellement, l'habitat précaire existe sous différentes formes,
entre les bidonvilles stricto sensu et les quartiers dont la consolidation est
en cours depuis plusieurs années.
les premières opérations sur la ville de Dakar
sont parties de la situation de développement des bidonvilles dans les
quartiers de Colobane et Fass, et les premiers relogements ont eu lieu ici,
à Pikine, à environ 15 kilomètres du Plateau de Dakar. Par
la suite, en 1957, les premières extensions de Pikine se feront,
à Pikine Dagoudane, et à Grand Yoff, en 1965. L'extension de
Pikine va se poursuivre en 1967, et par la suite, les opérations de
restructuration vont être reportées à la commune de
Guédiawaye.
À côté de ces principales interventions
qui ont structuré l'agglomération dakaroise, d'autres
opérations de restructuration de quartiers précaires ont eu lieu.
Il s'agit essentiellement des opérations Dalifort et de Fass Mbao.
La restructuration du quartier de Dalifort entre dans cette
perspective. Le quartier a accueilli, en 1987, le projet pilote de
restructuration quand l'État du Sénégal a
décidé de reconsidérer la politique du bulldozer. Avec
l'appui de la coopération technique allemande, il s'est engagé
dans l'aménagement de 700 parcelles d'habitation, pour accueillir
environ 7 000 habitants. Puis ce fut le tour de l'opération Fass Mbao,
en 1993 ; 10 000 habitants étaient concernés par un programme
conçu en 3 composantes. La première composante concernait la
régularisation foncière, c'est-à-dire l'identification des
bénéficiaires, l'indemnisation des ménages
décasés, l'attribution de titres fonciers, avec la
création d'un groupement d'intérêt économique des
habitants. La seconde composante concernait la restructuration physique : le
traitement des voiries, le drainage des eaux, la création
d'équipements. Enfin, une troisième
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Pratiques en aménagement du territoire
composante qui concernait la participation financière
des habitants au financement des équipements. C'est cette
dernière composante qui a, entre guillemets, plombé le projet,
puisque la contribution financière des ménages a
été très en-deçà de ce qui était
attendu. Par la suite, le gouvernement du Sénégal créera
la fondation Droit à la Ville, pour appuyer la restructuration des
quartiers précaires dans tout le Sénégal. La
dernière opération en cours est celle de Pikine Irrégulier
Sud. Cette opération se déroule à Pikine, plus
précisément à Pikine Irrégulier Sud, et concerne un
grand projet de restructuration à fort impact social, dans le but de
remédier à la précarité des constructions et au
déficit en infrastructures de base. C'est un programme qui concerne
environ 250 000 habitants installés sur 800 hectares, sur les 5 communes
d'arrondissement que sont Guinaw Rail, Guinaw Rail Nord, Tivaouane Diacksao,
Thiaroye Gare, et Diamageune Sicap Mbao. Le programme élaboré
concerne d'abord le drainage des eaux de pluie. Ensuite, il s'agit de
protéger les zones d'habitation des eaux de ruissellement : environ 5
200 mètres de réseau primaire sont prévus, ensuite 15
kilomètres de réseau secondaire qui concernent les voiries, les
aires de stationnement, le rétablissement des voies d'accès, et
l'aménagement de voies secondaires. Ce tableau fait ressortir que le
financement de ce programme est assuré, pratiquement à parts
égales, entre l'État du Sénégal, l'IDA et la
coopération française, l'AFD. Bien que les études
préliminaires soient achevées depuis 2012, et les avant-projets
détaillés en 2013, on est encore, à l'heure actuelle, dans
la validation du plan d'action de réinstallation qui donnera
véritablement le coup d'envoi des opérations de recasement. On le
voit, entre les premières estimations du projet, qui étaient
faites en 2007, et le démarrage des travaux, il se sera
écoulé presque . Le Sénégal est engagé dans
des opérations de restructuration, sans discontinuité, et sans
pour autant qu'il arrive à éradiquer totalement le
phénomène. Cela s'apparente donc à une sorte
d'impuissance, mais surtout à un manque manifeste de contrôle de
la croissance des villes, et particulièrement de celle de Dakar qui
rayonne sans relais sur tout le pays. Pourtant, le Sénégal est
l'un des pays d'Afrique qui fait le plus d'efforts en matière de
construction de logements et de fourniture de parcelles assainies, pour combler
le fossé entre l'offre publique de logement et la demande émanant
des diverses catégories de population.
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Pratiques en aménagement du territoire
- Programme d'amélioration des quartiers
précaires au Maroc.
Ce pays s'est en effet lancé, entre 2004 et 2010, dans
un programme appelé Villes sans Bidonvilles, avec un fort engagement
politique, la mobilisation de moyens importants et une stratégie claire
en matière d'intervention.
Le Maroc est un pays peuplé d'environ 33 millions
d'habitants en 2014. Il a connu une urbanisation soutenue qui situe son niveau
d'urbanisation à 62 pour 100 en 2011, et probablement aux environs de 75
pour 100 en 2030. Le pays connaît un déficit important en
logements, environ 800 000 unités de déficit, et une forte
demande qui s'établit aux alentours de 170 000 logements par an. Il
existe un habitat insalubre sous plusieurs formes : l'habitat non
réglementaire, l'habitat menaçant ruine, et les bidonvilles
stricto sensu.
Le point de départ du programme Villes sans Bidonvilles
est une directive royale, un discours du roi, le 20 août 2001, qui fait
de la lutte contre l'habitat insalubre une priorité nationale. En 2004
est lancé le programme Villes sans Bidonvilles, dont l'objectif est
d'éradiquer l'ensemble des bidonvilles, estimés alors à
environ 270 000 répartis dans 85 villes. Très rapidement, les
objectifs du programme sont revus à la hausse, et passent de 270 000
à 370 000 ménages et à 88 villes. Des moyens importants
sont prévus, environ 25 milliards de dirhams, dont 10 sous forme de
subventions de l'État marocain. L'originalité du programme
marocain résidait en 3 points, essentiellement. D'abord, l'adaptation du
contexte institutionnel et la révision des politiques d'habitat
publiques, par le biais, notamment, de la mobilisation du foncier, la conduite
d'une réforme fiscale, le renforcement du partenariat
public-privé, et la création d'un fonds d'habitat social et d'un
fonds de garantie.
En second lieu, le programme a retenu l'ensemble du
périmètre des villes comme zone d'intervention, avec
l'élaboration de programmes intégrés de résorption
et d'anticipation de nouvelles occupations. En troisième lieu, le
programme a défini, de manière précise, les
responsabilités des différents acteurs, responsabilités
consignées dans un contrat formel qui fixe les engagements de chacun et
les échéanciers de réalisation. Le bilan du programme peut
être établi comme suit :
y' Environ 400 000 ménages relogés, et ces
relogements concernent également les ménages dont l'habitation
menaçait ruine, c'est-à-dire environ 60 000 ménages ;
y' Ensuite, 51 villes sur 88 ont été
déclarées Villes sans bidonvilles ;
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Pratiques en aménagement du territoire
? Enfin, une reconnaissance internationale, avec l'attribution
du prix des Nations unies, Prix Habitat en 2010.
Le premier enseignement tiré de cette expérience
est l'importance de l'engagement politique. Dans le cas présent, c'est
au plus haut niveau que la décision a été
arrêtée d'accorder la plus grande attention aux programmes
d'intervention dans les quartiers précaires. En second lieu,
l'importance de définir des programmes intégrés qui sont
exécutés à l'échelle de la ville toute
entière, contrairement à ce qui se faisait par le passé,
où on intervenait sur des portions de ville, en notant ainsi la
cohérence au contenu et aux activités qui étaient
menées. L'accent a ensuite été mis sur le niveau
élevé de participation des populations et des divers acteurs,
ainsi que la nécessité d'accompagner les
bénéficiaires, et particulièrement les plus
vulnérables d'entre eux. Enfin, l'importance des contrats de partenariat
; des contrats qui précisent les engagements de chacun, les
responsabilités de chacun, ainsi que les échéances
à respecter pour donner toutes les chances de succès au programme
engagé.
L'exemple du Maroc est instructif à plus d'un titre.
D'abord, au niveau de l'engagement politique pour mobiliser l'ensemble des
acteurs, l'ensemble des services de l'État et l'ensemble des
partenaires. Ensuite, l'importance du choix de l'échelle d'intervention
qui a partout été celle du périmètre de la ville,
pour engager des actions intégrées les unes aux autres. Enfin, la
nécessité de formaliser les relations et les interventions des
différents acteurs dans des documents contractuels clairs, qui fixent
les prérogatives, mais qui fixent aussi les délais
d'intervention, pour des résultats sûrs et des résultats
concrets.
L'exemple du Sénégal et du Maroc nous
amène à comprendre la complexité des opérations et
programmes qui visent à éradiquer les bidonvilles, et la
nécessité de l'implication de tous les acteurs concernés
dans l'élaboration, la mise en oeuvre et le suivi de ces programmes.
L'initiative de ces programmes doit partir de l'Etat, qui doit assurer le
financement à travers des stratégies qui lui sont accessibles et
signer des contrats bien définis avec les différents
partenaires.
L'analyse de la déclaration de la politique urbaine au
Cameroun a permis de boucler les phases clés de notre stage.
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Pratiques en aménagement du
territoire
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