2- Accords multilatéraux de sécurité
collective de la France avec les pays ouest-
africains
Les accords multilatéraux de sécurité
collective et de résolution des conflits qui lient la France aux
organisations sous régionales africaines et particulièrement la
CEDEAO, ont constitué l'un des mobiles pour lesquels la France s'est
déployée militairement au Mali. En effet, ces accords qui placent
la CEDEAO comme partenaire à part entière67 de la
France, permettent à celle-ci de « contribuer à la
consolidation des capacités de maintien de la paix (coopération,
expertise, financements) et à les promouvoir lors qu'elles n'existent
pas »68. Dès lors, le Quai d'Orsay exploite
pleinement69 ces accords pour la restauration de la
sécurité dans les sous-régions africaines. Les accords
multilatéraux franco-africains permettent, d'une part, à la
France d' « encourager, appuyer et soutenir l'ensemble des initiatives
africaines dans l'optique qu'à terme les conflits africains soient
résolus par les Africains eux-mêmes »70,
d'autre part à déployer sur le théâtre
d'opérations, son armée afin de maintenir la
sécurité, qui est le principe fondateur de ces accords
multilatéraux. De ce fait, la coopération multilatérale
entre la France et la sous-région de la CEDEAO constituait le pivot de
l'intervention militaire française au Mali. De manière
systématique, les accords multilatéraux France-CEDEAO
obéissent au respect des alliances déjà établis.
Cependant, de façon dissimulée, ces accords
66 A. Bourgi, Aux racines de la
françafrique : la dégradation de l'image de la France en
Afrique, centre Thucydide, volume X, 2009, p.1-14.
67 Le livre blanc, défense et
sécurité nationale, 2008, p.120.
68 Ibidem, p.120-121.
69 Ibidem, p.20.
70 H. Serequeberhan, Le réengagement
français dans les conflits africains et le défi ivoirien,
p.2.
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ont des enjeux symboliques71, notamment la
défense des intérêts sécuritaires72 et
économiques qui amènent le plus souvent « la France
à couvrir la totalité des zones stratégiques
d'intérêt majeur à travers toutes les composantes,
maritime, aérienne et terrestre de son outil militaire
»73 tel qu'elle l'a réalisé dans son
intervention au Mali.
Outre les accords multilatéraux, le système
international de défense collective de l'ONU a permis également
à la France de justifier légalement son intervention militaire au
Mali.
3- De la légitime défense collective de
l'ONU
Les accords internationaux et le développement des
alliances institués par l'Organisation des Nations-Unies, ont permis
à la France de mobiliser son armée au Mali. En effet, dans le
cadre du maintien de la paix et de la sécurité internationale, le
Conseil de sécurité de l'ONU, garant de la stabilité
internationale, recommande à l'ensemble des Etats appartenant à
l'institution, la légitime défense individuelle ou collective.
Dès lors, la France qui constatait la multiplication sans cesse des
attaques au Mali et les faiblesses de celui-ci à combattre les
différents groupes islamistes présents sur son sol, s'est servie
du principe du CS. Décidant unilatéralement d'intervenir
militairement au Mali, le Quai d'Orsay brandissait de ce fait l'article 51 de
la Charte de l'ONU qui statut sur la légitime défense et dont le
contenu stipule qu' « aucune disposition de la présente Charte
ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense,
individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations Unies
est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le CS ait pris
les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la
sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans
l'exercice de ce droit de légitime défense sont
immédiatement portées à la connaissance du CS et
n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu de la
présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il
juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la
sécurité internationales»74 . Ainsi,
à travers la légitime défense collective onusienne,
l'intervention militaire française se réclamait d'une couverture
juridique internationale.
Cependant, en mettant en exergue la légitime
défense collective, la France a délibérément
négligé les articles 24 sur la responsabilité du CS
à assurer l'action rapide et efficace, et à maintenir la paix et
la sécurité internationale, puis l'article 25 qui stipule que
« les membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer
les décisions du Conseil de sécurité
71 P-E. Batchom, La sécurité
collective en Afrique post-Guerre froide, Res militaris, vol 4,
n°2, 2014, p.1-16.
72 Le livre blanc, op.cit., p.197.
73Livre blanc, op. cit.,
74 Charte des Nations unies, chapitre VII, article
51
39
conformément à la présente Charte
».75 Dès lors, il convient de dire que la
légitime défense collective exprimée par la France cachait
les réelles motivations de son intervention militaire. Ainsi, si cette
légitime défense était conforme au jeu d'alliance sur le
plan international, il est clair qu'elle a camouflé les grands enjeux
aussi bien géopolitiques que géostratégiques de cette
intervention militaire. La mise en avant de la légitime défense
collective au détriment des décisions du Conseil de
sécurité ressemble à la manifestation d'une
ingérence militaire habillée de plusieurs « zones
d'ombres »76.
Les accords internationaux et ceux existants entre la France
et le Mali, donnaient certes une légitimité à
l'intervention militaire française, mais ce jeu d'alliance a permis
à la France de couvrir les réels enjeux de ce déploiement
militaire, notamment ceux qui sont en rapport avec son repositionnement
militaire au Mali et dans l'espace sahélo-saharien.
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