République Gabonaise Département de
Géographie
Ministère de l'Enseignement Supérieur Centre
d'études et de Recherches en Géosciences politiques et
prospectives
Université Omar Bongo Master Géosciences politiques
du Monde Contemporain
![](L-intervention-militaire-franaise-au-Mali-Essai-d-analyse-geopolitique1.png)
Libreville, Octobre 201
Mémoire de Master
Thème :
L'intervention militaire française au Mali.
Essai
d'analyse géopolitique
Option : géopolitique, espace continental
Présenté publiquement par :
Saturnin
NDONG-NDONG
Dirigé par :
M. Jean-François Owaye,
Maître de conférences d'Histoire contemporaine
Codirigé par :
M. Serge Loungou,
Maître-assistant en géographie politique
II
Dédicace
A ma mère Florentine Andeme Ndong qui n'a jamais
cessé de m'encourager et de m'exhorter à redoubler d'efforts dans
tout ce que j'entreprends dans ma vie. Sans son double rôle à la
fois de mère et de père qu'elle a su jouer depuis plusieurs
années, je n'en serai pas là aujourd'hui.
III
Remerciements
L'exercice de rédaction d'un mémoire de fin de
cycle nécessite un encadrement et une rigueur académique qui
commencent depuis les premières années de la faculté, sans
cela point de parcours universitaire véritable. Pour ce faire, je
remercie l'ensemble du corps enseignant du département géographie
de l'UOB pour tout le savoir qu'ils m'ont transmis.
Mes remerciements vont d'autant plus à l'endroit de mon
Directeur de mémoire le Pr. Jean-François Owaye et mon
co-directeur Dr. Serge Loungou, qui n'ont cessé de m'accorder de leur
temps pour me donner des orientations dans le cadre de cette étude.
Je ne saurais terminer sans remercier ceux et celles-là
qui n'ont cessé de m'apporter leur soutien. Je veux pour cela parler de
mes frères et soeurs Sima Matthieu ; Mebale Arnold ; Ayong Ronny ;
Ntoutoume Stéphane ; Nfoume Marie-Angèle ; Assiteme Mireille, et
de ma petite amie Monefoung Nadela pour toute sa patience et sa
compréhension tout au long de ce travail.
IV
Sigles et abréviation
AQMI : Al-Qaida au Maghreb Islamique
CEDEAO : Communauté Economique Des Etats de l'Afrique
de l'Ouest
CS : Conseil de Sécurité
GAD : Groupes Armés Djihadistes
MINUSMA : Mission Internationale des Nations-Unies au Mali
MISMA : Mission Internationale de Soutien au Mali
MNLA : Mouvement National de Libération de l'Azawad
MUJAO : Mouvement de l'Unicité et le Jihad en Afrique
de l'Ouest
OPEX : Opération extérieure
ONUDEC : Office des Nations-Unies contre la Drogue et le
Crime
ONU : Organisation des Nations-Unies
UE : Union Européenne
UA : Union Africaine
V
Sommaire
Introduction générale 6
I- Justification de l'étude 8
II- Problématique et cadre théorique 12
III- Méthode de recherche ...16
IV- Limites de l'étude 20
V- Articulation du travail .20
Première partie : Les fondements de l'intervention
militaire française au
Mali 22
Chapitre I- L'espace sahélo-saharien, une
sous-région sous tension et l'insécurisation du
Mali .24
Chapitre II- Le jeu d'alliance et les motivations «
inavouées » de l'intervention militaire
française 35
Chapitre III- La France, une alliée
intéressée 45
Deuxième partie : Du déploiement militaire
français aux stratégies de sortie de
crise ..57
Chapitre I- L'intervention militaire : prodromes et
manifestations 59
Chapitre II- Les effets de l'intervention militaire
française et ses limites 71
Chapitre III- Le désengagement de l'armée
française et les perspectives des nouveaux
rapports entre la France et le Mali 78
Conclusion générale ..89
Références bibliographiques 93
Table des illustrations 100
Annexes
Introduction générale
7
Afin de bâtir une analyse scientifique cohérente,
quatre points permettent d'éclairer les ressorts méthodologiques
et théoriques de cette étude consacrée à
l'intervention militaire française au Mali. Le premier point aborde la
justification de l'étude. Celle-ci met en exergue l'intérêt
du sujet, son objet et son champ d'étude. En effet, il s'agit d'apporter
les raisons fondamentales du choix de ce sujet et le recadrer dans son approche
définitionnelle. Le second point évoque la problématique
et le cadre théorique de l'étude. Il est ici question de mettre
en relief l'interrogation que pose cette intervention, les différentes
hypothèses de recherche et les théories qui s'associent
directement à ce sujet. Le troisième point qui traite de la
méthode de recherche développe les démarches entreprises
dans le cadre de ce travail et la collecte d'informations. Le quatrième
point expose les limites de cette étude, et enfin le cinquième
point traduit l'articulation du travail en parties et chapitres.
8
I- Justification de l'étude
1- Intérêt du sujet
Le continent africain connait depuis les années 1970
une escalade de conflits armés dans l'ensemble des grands blocs sous
régionaux. En effet, après les tensions perçues dans la
corne de l'Afrique dans les années 1970, et celles de l'Afrique australe
en 1980, l'Afrique de l'Ouest qui est longtemps restée une zone
faiblement affectée par les conflits armés rentre dans la
sphère des zones instables à la fin des années 1980
à partir de la guerre civile qui éclate au Libéria. Cette
guerre intra-étatique annonce une instabilité perpétuelle
dans la sous-région avec notamment les cas de la Sierra-Léone, de
la Guinée Conakry ou encore la Côte d'Ivoire. A partir de cet
ensemble de tensions, l'Afrique de l'ouest se place dans la zone de
tempête de feu à l'échelle mondiale. Les conflits
observés dans cet espace géographique sous régional sont
restés parfois latents, parce que leurs causes réelles ne sont
pas facilement perceptibles et déterminées. Elles
échappent souvent à la connaissance de la société
civile et de certains organismes internationaux. Or, de la description
historique de ces théâtres, il ressort que la plupart de ces
conflits intra-étatiques sont ponctués par des interventions
militaires des puissances occidentales, parmi lesquelles la France. Ces
interventions militaires hexagonales en Afrique résultent de la
théorie gaulliste qui répond à « une stratification
précise qui correspond aux intérêts économiques de
la France, et la qualité des liens entre la France et les
décideurs politiques de chaque Etat »1. Cette
forme d'interventionnisme a soulevé au sein de l'opinion africaine
d'importantes critiques vis-à-vis de la France. Mais, Avec
l'arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir et plus récemment celle
de François Hollande, la France s'engageait à inscrire sa
politique militaire en Afrique dans le sens d'un désengagement et de
responsabilisation des africains dans la gestion de leur propre
sécurité. Or, à la lecture des opérations
militaires de la France dans le continent africain durant ces cinq
dernières années, les faits sont totalement différents des
déclarations politiques de l'exécutif français.
L'intervention militaire française au Mali est l'une des plus
récentes de la France dans l'Ouest du continent africain, ainsi, son
étude est d'une importance capitale.
De ce fait, ce sujet présente deux
intérêts scientifiques : d'une part, il permet de comprendre
l'antinomie qui existe entre les discours officiels de la France sur son
désengagement militaire en Afrique et l'effectivité de ses
nouvelles interventions militaires dans ce même continent. Et d'autre
part, il aide à comprendre l'exception faite au Mali, un Etat apriori
pauvre dans la théorie gaulliste d'interventionnisme militaire
basée sur la primauté des intérêts.
1P. Chaigneau, La politique militaire de la France
en Afrique, Paris, Atelier de Pierre FANLAC, 1984, p.44.
9
Ainsi, le thème de recherche «
L'Interventions militaire française au Mali : essai d'une analyse
géopolitique », nous situe dans le cadre des conflits
africains qui, le plus souvent prennent des tournures de conflits militaires
internationaux généralisés, où les grandes
puissances internationales viennent mesurer la capacité de leur force.
En effet, bien que l'intensité de ce conflit impliquait plusieurs Etats
de la communauté internationale, notamment les grandes puissances
militaires occidentales, il est apriori un conflit intra-étatique qui
devrait au départ mobiliser des responsables politiques maliens dans la
recherche des solutions. L'intervention de la France dans cette crise vient une
fois de plus conforter son image comme `'gendarme de l'Afrique» et met en
perspective des anciens accords de défense et d'assistance militaires
technique2 signés par l'Etat malien avec l'hexagone.
Pourtant, à travers l'échelle élaborée par P.
Chaigneau (La politique militaire de la France en Afrique, 1984), qui
place le Mali en « marge du système militaire français
»3, celui-ci est de loin l'un des Etats africains dans lesquels
la France devait rapidement intervenir. De ce fait, le Mali devient un cas
d'étude spécifique qui permet de réexaminer la politique
militaire de la France en Afrique.
L'approche de cette thématique n'ayant pas encore
été faite particulièrement dans le département de
Géographie, et en générale dans l'Université Omar
Bongo, elle constitue une nouvelle étude qui revêt un
caractère original et complète les différentes recherches
de la conflictualité africaine qui ont déjà
été abordées dans les années antérieures en
master Géosciences Politiques du Monde Contemporain.
2- Objet et champs d'étude
Cette étude s'articule autour de deux concepts majeurs
: la géopolitique et l'intervention militaire.
La géopolitique dispose d'une pluralité
d'approches définitionnelles. Selon Yves Lacoste, la Géopolitique
peut se définir comme « une analyse des rivalités de
pouvoir étatiques et non-étatiques, opposant des acteurs internes
et externes sur un espace déterminé, en vue de maintenir ou de
modifier le rapport de force en présence(population, territoire
système politique, ressources religion, culture etc.) par la force ou la
négociation, selon leur représentation du
monde(idéologique, imaginaire collectif) »4 . Pour
Pierre George, il s'agit des «rapports de force entre Etats, ou entre
groupes nationaux ou ethniques à l'intérieur des
2R. Luckham, Le militarisme français en
Afrique, volume 2, Paris, Politique africaine, p.98.
3 P.Chaigneau, op.cit., p.44.
4 Y. Lacoste, Dictionnaire de
Géopolitique, Paris, Flammarion, 1993, p.3-4.
10
Etats »5. C'est donc une discipline
qui s'intéresse aux acteurs, leurs mobiles leurs objectifs et les
rapports de force qui s'instaurent dans un espace convoité. Ce dernier
pouvant être un territoire stratégique de par sa position
géographique ou un territoire doté de plusieurs ressources.
L'intervention militaire, quant à elle, est un concept
des relations internationales et du droit international dont un exercice
sémantique permet d'en saisir le sens. Il s'agit d'une part
d'intervention qui vient du verbe intervenir c'est-à-dire «
user de son influence »6, et de militaire qui concerne
l'armée, les soldats, la guerre. Ainsi, en relations internationales
l'intervention militaire désigne « l'utilisation de la force
armée en territoire étranger d'un Etat ou d'un groupe d'Etat dans
le but de prévenir ou de faire cesser des violations graves et massives
des droits fondamentaux touchant des individus qui ne sont pas des nationaux de
l'État (ou des États) intervenant(s), et ce sans l'autorisation
de l'Etat cible dans lequel ont lieu ces violations» 7. En
droit international public, l'intervention militaire est le « fait
d'un Etat qui cherche à pénétrer dans la sphère de
compétence exclusivement réservée à un autre Etat,
soit pour l'aider à régler ses affaires propres, soit pour les
régler à sa place ou l'obliger à les régler
conformément à ses voeux »8. De ce fait,
l'intervention militaire s'assimile à une ingérence militaire.
Cette dernière qui, se traduit également par l'usage d'une
intervention armée directe, est maquillée dans la Charte des
nations unies au chapitre 7 intitulé `'Action en cas de menace contre la
paix, de rupture de la paix et d'acte d'agression» , comme l'un des
mécanismes de la coercition qui vise à garantir le respect des
droits de l'homme, des peuples à disposer d'eux-mêmes et
d'empêcher l'aggravation d'une rupture de paix, des conditions de
violence et d'agression. Cette ingérence militaire qui vit de quelques
conflits intérieurs des Etats souverains et indépendants,
notamment ceux de l'Afrique, est orientée par le Conseil de
sécurité dans l'article 42 de la charte de l'ONU: « le
conseil de sécurité [...], peut entreprendre au moyen
des forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge
nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la
sécurité internationale»9. La mise en
exécution d'une ingérence militaire par une puissance
siégeant dans le Conseil de sécurité est ponctuée
par plusieurs mesures relevant du droit international public. Ainsi, les
ingérences militaires se confondent aux interventions militaires et
s'identifient comme des actions à vocation humanitaires et
sécuritaires dans les conflits intra-étatiques.
5 P. George, Dictionnaire de la
Géographie, Paris, puf, 1990, p.226.
6Petit Robert, Dictionnaire de langue,
p.256.
7Critique internationale, n° 39,
avril-juin 2008, p.161.
8P. Daillier, & A. Pellet, Droit international
public, Paris, 7e édition, LGDJ, 2002, p.47-48.
9Charte des nations unies, (juin 1945),
San Francisco
11
L'intervention militaire, a connu sur le plan
définitionnel une nouvelle orientation après les affrontements
par interposition des Etats-Unis et de l'URSS dans plusieurs Etats du monde. En
effet, s'appropriant les modalités de la gestion des crises
internationales, le Conseil de sécurité, organe régulateur
du maintien de la paix et de la sécurité internationale avait
ainsi recadré les interventions. Ces dernières qui se
pratiquaient unilatéralement, se font dorénavant de façon
« multilatérale en effectuant des interventions collectives
audacieuses»10. Cette évolution conceptuelle a
abouti en relations internationales à la classification des
interventions en dix modèles. Il s'agit particulièrement des
modèles d'interventions punitives et collectives, ceux des interventions
humanitaires, liées à la guerre froide, en légitime
défense et de l'autodétermination ; puis ceux de
l'idéologie, de la préservation de l'équilibre des forces,
de l'impérialisme et du colonialisme11. En effet,
ces deux derniers modèles intéressent notre étude. La
France, colonisateur de l'Etat malien et puissance internationale, exerce une
certaine influence, sur l'ensemble des pays qu'elle a colonisé et par de
suit protège ses intérêts. Cette influence qui date bien
avant les indépendances, est perceptible aussi bien sur les plans
diplomatiques, économiques que militaires.
Ce sujet qui s'inscrit particulièrement dans le champ
d'étude des géosciences politiques12, fait
également intervenir plusieurs concepts et théories d'autres
sciences sociales connexes. Ainsi, afin de comprendre cette intervention
militaire dans ses dimensions territoriale ; économique ; militaire et
stratégique, et de connaitre les acteurs, les enjeux le
théâtre, les intérêts et les dépenses
économiques qui sous-tendent, Il revient de mettre un accent sur la
géographie politique, la géopolitique la
géostratégie, la géoéconomie et les relations
internationales. Outre ces disciplines, ce sujet recommande de
s'intéresser à l'histoire pour retranscrire les faits et à
la sociologie pour mesurer l'impact de cette intervention militaire sur le
terrain.
L'étude que nous menons a un double objectif
scientifique. Elle vise d'une part à comprendre les fondements et les
enjeux de l'intervention militaire de la France au Mali. D'autre part, il
s'agit de permettre à la communauté scientifique notamment les
étudiants, de mieux analyser les interventions militaires des puissances
étrangères particulièrement celles de la France en
Afrique.
10M. Ortega, L'intervention militaire et
l'Union Européenne, Paris, Cahiers du Chaillot, n°45,
Mars 2001, p.2122.
11Modèle colonialiste : Les
intérêts nationaux des grandes puissances coloniales sont
imposés par la force à des Etats faibles nouvellement
indépendants.
12Terme développé par l'école
gabonaise de géographie politique pour désigner La filiation
entre géographie politique, géopolitique,
géostratégie, géoéconomie et aujourd'hui la
géoécologie
12
II- Problématique et cadre théorique
1- Problématique et hypothèses de la
recherche
Au lendemain des indépendances africaines, le
colonisateur français initie une autre forme de contact avec les
différents Etats du continent : il s'agit entre autres des relations
politique, économique et militaire. Cette dernière avait
été intensifiée depuis 1960 avec la multiplication des
accords de défense et d'assistance militaire entre l'Hexagone et les
Etats africains qui étaient sous le joug de l'Hexagone. En effet,
à travers ces accords, la France a véritablement manifesté
son activisme militaire dans le continent, au point où une quarantaine
d'interventions militaires sont dénombrées. L'objectif de
celles-ci étaient de venir en aide aux pays en difficulté
empreint à la dictature et aux violences ; maintenir l'essentiel de ses
positions stratégiques13en soutenant des régimes
politiques contestés ou défaillants14 qui
garantissaient la place de la France dans les domaines économiques et
politiques, et à sécuriser les ressortissants français
dans les Etats instables. Cette description de la logique des interventions
françaises en Afrique met en exergue trois constats :
Le premier constat relève du fait que sur les
quarante-huit15 interventions françaises en Afrique, le Mali
n'a nullement fait l'objet d'une quelconque préoccupation de la France,
malgré la dictature de Moussa Traoré et ses différentes
exactions, et malgré les différents affrontements armés
qui ont toujours opposés depuis les indépendances, l'armée
régulière de l'Etat malien aux différents groupes rebelles
du Nord.
Le deuxième constat est celui de la nouvelle
reformulation du mode d'intervention militaire française en Afrique. En
effet, après moult critiques des actions militaires françaises
sur le continent, la France avait opté à responsabiliser les
Etats africains « d'assurer progressivement eux-mêmes leur
sécurité»16 en mettant en place le Programme
de Renforcement des Capacités Africaines au Maintien de la paix RECAMP.
De ce fait, elle renonçait aux interventions militaires
directes17 et s'engageait dans la formation des unités
africaines qui devaient « mener elles-mêmes des
opérations de soutien de la paix sur leur continent, et d'en assumer le
rôle principal »18.
13P. Chaigneau, op.cit., p.43.
14Ibidem
15 M. Galy, La guerre au Mali, comprendre la
crise au Sahara et au sahel. Enjeux et zones d'ombres, Paris, la
découverte, 2013, p.18.
16Rapport de l'Assemblée Nationale
française (n°3308, n°3309 et n°3310), constitution du
4octobre 1958, treizième législature, Enregistré à
la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 avril 2011, p.25.
17 T-S. Possio, La France et la
sécurité collective en Afrique subsaharienne : de
l'interventionnisme militaire systématique au renforcement des
capacités africaines de maintien de la paix, Mémoire de
master, 2003, p.41. 18Rapport Assemblée Nationale
française, op. cit., p.26.
13
Le troisième constat tient au fait que le Mali fait
parti des Etats qui sont « en marge du système militaire
français »19. En effet, dans la théorie
gaulliste de stratification des Etats dans la défense française
en Afrique, le Mali est classé dans la catégorie des Etats les
plus défavorisés. Ce désintéressement de la France
vis-à-vis du Mali est perceptible sur le nombre de conseillers
militaires français sur le sol malien et sur le nombre d'officiers et
sous-officiers maliens formés en France. Ainsi, une étude
comparative montre bien qu'en 1980 le Gabon qui est cinq fois plus petit que le
Mali en termes de superficie, abritait un nombre largement supérieur de
conseillers militaires, soit 132 conseillers pour le Gabon et 5 conseillers
pour le Mali. On peut déduire sans risque de se tromper que la
supériorité du nombre de conseillers militaires français
au Gabon est due en grande partie aux intérêts économiques
de la France en terre gabonaise. Et le nombre insignifiant de conseillers
militaires français au Mali traduit un désintérêt
étant donné que le Mali est classé parmi les pays à
moindre valeur stratégique. Il en va du nombre d'officiers et de
sous-officiers formés sur le territoire français, ou l'on
remarque que le Gabon avait envoyé au cours de cette période 742
individus, le Cameroun 1222, alors que le Mali n'en avait que 88 officiers et
sous-officiers. Cette analyse comparative démontre que la position du
Mali est totalement périphérique dans l'élaboration du
système de défense française en Afrique. Le diagramme
ci-dessous illustre parfaitement cette périphéricité.
Diagrammes 1: Répartition des conseillers militaires en
fonction de la valeur stratégique des Etats en
![](L-intervention-militaire-franaise-au-Mali-Essai-d-analyse-geopolitique2.png)
Légende : importance en
nombre de conseillers
militaires français
Pays de grande valeur stratégique (plus de 100)
Pays moyennement stratégique (50-99)
Pays de moindre importance (0-49) Source : Chaigneau.,
la
politique militaire de la France en Afrique, p.45.
Réalisation : Saturnin Ndong
Haute
Volta Rwanda
Madagascar Tchad Niger Burundi
Mali (5conseillers militaires ; 88officiers et sous-officiers)
Sénégal R.C.A Mauritanie
Benin
Cameroun Togo
Djibouti Gabon Côte-d'Ivoire Zaïre
Congo
1989
19P. Chaigneau, op. cit., p44.
14
Le schéma ci-dessus montre que le Mali ne constitue pas
une priorité dans la stratégie militaire française en
Afrique. La position défavorable du Mali dans ce système
militaire traduit le reflux sécuritaire de l'Hexagone à l'endroit
de l'Etat malien.
Au regard de ces différentes observations, l'on se
demande:
Quels enjeux sous-tendent cette intervention
militaire française? Ainsi, il nous semble évident
que :
? La France recherche, à travers son intervention
militaire, de préserver ses intérêts économiques,
à maintenir le positionnement de son axe stratégique dans les
régions sahélo-saharienne et ouest-africaine.
? L'intervention militaire française vise à
créer une profondeur stratégique et à combattre le
terrorisme et les trafics mafieux qui sévissent particulièrement
le Mali et en général toute cette région d'Afrique.
En effet, l'intervention militaire française au Mali
répond à la volonté de la France de reprendre le
contrôle militaire de ces zones d'influence en Afrique, d'asseoir et de
consolider sa position stratégique dans la
sous-région20 . Dès lors, la France se doit
d'établir des liens aussi denses que possibles avec ses anciennes
colonies21, c'est son intérêt sur la scène
internationale, en ce sens, qu' elle a toujours perçu les bases
africaines comme la pierre angulaire de son système stratégique
mondial, phénomène qu'il convient d'approfondir22. Ce
système stratégique qui est tout aussi profond sur le plan
économique et sécuritaire a fait que la France, en intervenant
militairement visait à combattre l'extrémisme djihadiste et le
terrorisme qui sévissait en Afrique de l'Ouest, et dans la bande
sahélo-saharienne, puis à protéger ses acquis de cette
menace et de la concurrence dont la conséquence directe serait la
multiplication des partenariats de certains Etats de cette région avec
les Etats-Unis et la Chine23. De ce fait, « intervenir au
Mali apparaissait nécessaire pour protéger les
intérêts stratégiques de la France dans le pays et dans la
région notamment les nombreux ressortissants français au Mali et
dans le reste du Sahel, puis sécuriser des approvisionnements en
matières premières venant de toute la
région»24.
20S. Loungou, interview, Le correspondant,
n°005, Avril/Mai 2013, p.4-5.
21P. Chaigneau, op. cit., p.20.
22Idem, p.50.
23M-I. Kantô, L'intervention
française au Mali, Vol11, n°38, perspectives africaine, 2013,
p.16.
24Afrique Economie,
L'opération Serval : Quels sont les intérêts de la France
au Mali ?
http://politique.economie-
Afrique.com/politique/loperation-serval-quels-sont-les-interets-de-la-france-au-mali/,
consulté le 24/10/2014
15
Il est tout aussi vrai que l'intervention militaire de la
France au Mali est la conséquence du disfonctionnement
politico-militaire de l'Etat malien et de l'entremêlement des
différentes forces aussi bien internes qu'externes à ce conflit.
En effet, la puissance militaire hexagonale est justifiée par la
dégradation politique du Mali ;le disfonctionnement de l'appareil
militaire ; la résurgence des rebellions au Nord25 et
«un contrôle grandissant du Nord-Mali par des groupes islamistes
radicaux algériens ,
· une circulation accrue d'importantes
quantités d'armements provenant des stocks libyens qui a
créé un vortex sécuritaire permettant la militarisation
d'AQMI et ses groupes connexes ,
· et les velléités des
groupes touaregs nouvellement fédérés
»26.
2- Cadre théorique
Deux théories sont principalement
étudiées afin de donner une explication théorique au
thème de l'intervention militaire française au Mali, qui fait
l'objet de l'étude. Il s'agit de la théorie de la
sécurité, celle de l'offensive et de la défensive, et la
théorie réaliste.
La théorie de la sécurité permet de
donner une explication à l'intervention militaire française au
Mali. En effet, cette théorie se penche sur une double approche: d'une
part la sécurité collective, du fait que la
sécurité est une condition de l'existence de la communauté
internationale des Etats et est basée sur la coopération
interétatique et l'interdépendance dans les relations
internationales27, et d'autre part la sécurité
nationale, du fait même de l'existence de l'Etat. Elaboré par J-H.
Herz, A-D. Lasswell ou encore Wolfers, cette théorie a été
particulièrement développée par B. Buzan. Ce dernier
définit ainsi la sécurité comme « survie ou
libération à l'égard des menaces »28
et l'identifie comme un domaine élargie qui touche les secteurs
militaires, politiques et économiques. Cette identification
coïncide avec les différentes hypothèses émises dans
le cadre de l'étude de cette intervention militaire française.
Par ailleurs, l'idée de libération à l'égard des
menaces est aussi fondamentale dans la formulation de la seconde
hypothèse de l'étude en rapport avec le motif de la lutte contre
le terrorisme de cette opération armée.
25M. Galy, op. cit., p.85. 26M.
Galy, op. cit., p.67.
27 B. Delcourt, théorie de la
sécurité, 2007, p.23,
http://www.ulb.ac.be/students/bespo/documents/Cours/Theories_de_la%20securite_pdf.pdf,
consulté le 10/08/2015.
28 B. Bouzan, cité par A. Ceyhan, Analyser
la sécurité : Dillon, Waevers, William et les autres,
revue culture &conflits, 1998, n°31-32, p3,
http://conflits.revues.org/541
, consulté le 10/08/2015.
16
La théorie réaliste, quant à elle, se
rapporte également aux hypothèses de la recherche qui ont
été émises et permet d'évaluer les
différents rapports de force qui se structurent sur le
théâtre. Evoqué selon Morgenthau et Edward Hallett Carr
comme le fondement des relations internationales et de la politique
internationale des Etats, le réalisme permet de déceler les
enjeux de l'intervention militaire française. En effet, cette
théorie qui s'appuie sur l'étude de la puissance des Etats ;
l'intérêt de la nation ; les dynamiques de rivalité,
d'agressivité et d'hostilité génératrice de risques
potentiels ou activé de violence, permet d'analyser le comportement des
différents acteurs en guerre au Mali. La théorie réaliste
permettra en outre de démontrer si l'intervention militaire
française répond à l'idée de Jean Jacques Roche qui
pense en effet que « l'objectif principal du réalisme qui s'est
focalisé sur le contrôle de la violence interétatique, est
de préserver une paix fragilisée par les aspirations concurrentes
de la puissance »29.
En plus des théories évoquées ci-dessus,
l'approche prospectiviste est aussi déterminante dans l'analyse de la
thématique. Cette approche qui consiste à « imaginer des
scénarii bâtis sur des hypothèses fortes et explicites
»30, et à « construire des scenarii
»31qui auraient été imaginées, permettra
d'esquisser quelques solutions aux problèmes posées par la
problématique de l'intervention militaire française au Mali.
III- Méthode de recherche
1- Démarche
Pour analyser notre thématique, les méthodes de
la géographie et de la géopolitique servent de canevas. En effet,
la méthode hypothético-déductive qui s'appuie sur la
formulation d'une ou de plusieurs hypothèses pour rechercher la
démonstration des faits et qui « élabore une construction
théorique des processus qu'elle présume
explicatifs»32, permettra de vérifier si l'intervention
militaire française au Mali suit le canevas des
précédentes interventions françaises en Afrique, qui
étaient fondées sur les intérêts.
En outre, la méthode géopolitique fondée
sur le questionnement, « qui fait quoi ? Qui veut quoi ?avec qui ?
Comment ? Pourquoi ? »33, permet également de mieux
analyser le sujet. En effet, ces différentes interrogations permettront
de transcender les discours officiels
29J-J. Roche, Théories des relations
internationales, Paris, éditions Montchrestien, 7e
édition, 2008, p.30.
30H. Gumuchian, & C. Marois, Initiation
à la recherche en géographie, Paris, PUM, anthropos, PUM,
2001,
p.88.
31M-L. Ropivia, Géographie et politique en
Afrique au XXIe siècle, concepts opératoires et stratégies
d'insertion
dans l'espace mondial, Stratégie africaine,
n°80, ISC, 4/2000, p.13-35.
32Bailly& Béguin, 1994, cité par H.
Gumuchian, et C. Marois, op. cit., p.75.
33F. Thual, Méthode de la
géopolitique, apprendre à déchiffrer
l'actualité, Paris, ellipses Marketing, 1996.
17
qui ont couronnés cette intervention militaire, les
lectures apparentes ou des déclarations tous azimuts, pour
déchiffrer et identifier les intentions réelles de la France. Il
s'agit de desceller les réels enjeux qui gravitent autour de cette
intervention armée.
2- Collecte des données
Pour mieux élaborer ce travail, nous nous sommes
appuyés sur deux des principales méthodes de collectes
d'informations en géopolitique : le travail de terrain et la collecte en
bibliothèque.
? Travail de terrain
Il a consisté à recueillir des informations
auprès des représentations diplomatiques maliennes et
françaises installées en territoire gabonais. A cet effet, deux
méthodes ont essentiellement été employées : les
entretiens et les questionnaires.
Concernant l'ambassade du Mali, il s'agissait d'un entretien
fait avec Mr Drissa Mall, troisième conseiller diplomatique de
l'ambassade. Cet entretien portait essentiellement sur la perception malienne
de l'intervention militaire française au Mali et les conséquences
géopolitiques de cette intervention dans l'ensemble du territoire
malien.
A l'ambassade de France, un questionnaire avait
été déposé auprès de l'attaché
militaire de l'ambassade. Les questions portaient en effet sur les enjeux de
l'intervention française au Mali et les données statistiques
liées à l'investissement de cette guerre.
Outre les représentations diplomatiques, nous nous
sommes également adressés à un ancien adjudant de la
gendarmerie nationale qui a souhaité garder son anonymat. L'entretien
avec ce dernier visait à comprendre la finalité d'une telle
intervention (si elle a été une réussite ou non), et les
effets d'une telle opération sur l'armée et sur un territoire.
Ces informations recueillies ont été
sélectionnées et classifiées selon leur pertinence et leur
importance dans la démonstration qui doit être menée par
rapport à la compréhension du thème de l'étude.
? Travail en bibliothèque
Il s'agissait de faire un inventaire d'ouvrages ; d'articles ;
de revues et de magasines, qui permettent d'analyser la thématique
étudiée. En effet, la bibliothèque universitaire, celle de
l'Institut Français, et le Centre de Recherche en Géosciences
Politiques et Prospectives (CERGEP), ont permis de constituer une importante
revue documentaire qui a été scindée en en trois groupes
d'ouvrages : les ouvrages généraux, spécialisés et
méthodologiques.
18
Plusieurs ouvrages généraux permettent
d'analyser le thème étudié, mais nous n'en citons que
quelques-uns. L'ouvrage de Philippe Hugon intitulé
Géopolitique de l'Afrique (2009) retient notre attention. Cet
auteur présente d'une façon générale la situation
politique d'une Afrique victime de crises, de difficultés
socioéconomiques, et des interventions des puissances
étrangères. Nous citons également l'ouvrage de Philippe
Boulanger Géographie militaire et géostratégie, enjeux
du monde contemporain (2011). Dans cet ouvrage, l'auteur
présente les nouvelles menaces dans le monde, l'influence des groupes
terroristes, leur implantation géographique et les nouvelles
stratégies des acteurs. Aussi, les manuels de Diane Ethier,
Introduction aux Relations Internationales, et, Théories
des Relations Internationales (2008) de Jean Jacques Roche ont
été d'une grande utilité. En effet dans ces manuels, les
auteurs expliquent les différentes théories que les Etats
appliquent dans leur politique internationale. Ces mêmes auteurs
analysent les fondements de la puissance dans les relations internationales. Il
y a également l'ouvrage de Jean-François Owaye, la
sécurité nationale gabonaise, introduction par les textes
(2010). Dans cet ouvrage, l'auteur présente les fondements
juridiques de la coopération militaire franco-gabonaise et par extension
dans l'ensemble des pays colonisés par la France. On cite
également De la guerre de Carl Von Clausewitz (1984). Ce
dernier montre dans son ouvrage les modalités d'une guerre et les liens
entre le politique, l'économie et le militaire. Il y a aussi l'Atlas
Géostratégique, crises tensions et convergence de Jean
Touscoz (1988). Dans ce manuel, l'auteur présente la cartographie des
crises dans le monde et la situation militaire des Etats et leur dispositif. Il
montre également les différents Etats qui sont aptes à
s'engager dans une guerre et la financer convenablement
En ce qui concerne les ouvrages spécialisés, six
d'entre eux retiennent l'attention. Le premier intitulé la Guerre au
Mali, comprendre la crise au sahel et au Sahara, enjeux et zones d'ombre,
est de Michel Galy (2013). Ce dernier présente dans cet ouvrage les
multiples crises qui animent la région sahélo-saharienne et les
raisons officieuses et officielles qui ont amenées la France à
intervenir militairement au Mali. L'auteur expose les enjeux de cette
intervention militaire et s'interroge sur les activités des groupes
rebelles et terroristes au Mali et dans l'espace Sahara-Sahel. Le second
ouvrage, La politique militaire de la France en Afrique dont l'auteur
est Pascal Chaigneau (1984) présente la vision stratégique de la
France en Afrique. En effet, l'auteur évoque le fondement des accords
militaires franco-africains, la classification stratégique des Etats
africains selon leur ordre d'importance et en Afrique et les enjeux
géostratégiques des interventions militaires françaises en
Afrique. Le troisième ouvrage intitulé les évolutions
récentes de la coopération militaire française en Afrique
est de
19
Tibault Stéphène Possio (2010). Ce dernier
explique les nouvelles orientations de la coopération militaire
française avec les Etats africains. Il expose également la
nouvelle vision stratégique de la France face à la concurrence
que celle-ci subit dans ces zones d'influence. Le quatrième ouvrage
intitulé la guerre de la France au Mali (2014), est de
Jean-Christophe Notin. Dans cet ouvrage, l'auteur présente les grandes
phases de l'opération et les différentes actions menées
sur le théâtre par l'armée française. Le
cinquième ouvrage intitulé Monde rebelles, acteurs, conflits
et violences politiques(1996) est de Jean-Christophe Rufin. Ce dernier
présente les actions et les alliances des mouvements rebelles,
terroristes, des guérillas et des milices ethniques dans un territoire
donné. Et le dernier ouvrage, comment la France a perdu l'Afrique,
est de Antoine Glaser et Stephen Smith (2005). Ces deux auteurs
présentent les relations franco-africaines et l'introduction des
puissances émergentes dans les Etats autrefois dominés par la
France.
Venant à la méthodologie de la recherche, deux
ouvrages nous ont été d'une grande utilité. Il s'agit
d'une part de l'ouvrage d'Hervé Gumuchian et Claude Marois,
Initiation à la Recherche en Géographie (2001). En
effet, ces deux auteurs présentent les différentes approches
méthodologiques des sciences sociales et les outils d'analyse dont doit
se servir un géographe. Il élabore les différentes
théories et les démarches méthodologiques qui permettent
d'approfondir une analyse. D'autre part, nous nous sommes servis du manuel de
François Thual intitulé, Méthodes de la
Géopolitique (1996). Dans ce manuel, l'auteur
montre comment aborder une analyse géopolitique. Aussi,
présente-t-il au chercheur les différentes approches, sinon des
questions centrales qu'il doit se poser pour élaborer une analyse
scientifique des problématiques étudiées.
? Autres sources d'information
La collecte d'information s'est aussi faite à travers
les magazines, les médias numériques et certains sites internet
spécialisés. Parmi les magazines consultés, figure le
Monde n°37 intitulé dans sa une, Mali la France en guerre. En
plus, il y a plusieurs numéros de Jeune Afrique parmi lesquels
le n°2773 intitulé France-Afrique comment l'armée a pris le
pouvoir ; le n°2786 dont la une est titrée crimes rituel,
enquête sur la barbarie ordinaire et le n°2836 dont le titre est
Hollande l'Africain. Tous ces différents numéros évoquent
chacun l'intervention de la France dans la crise malienne et les
stratégies de sortie de crise. Aussi, le n°329 d'Afrique
magazine intitulé la grande guerre du Sahel, explique comment
l'intervention militaire française s'est préparée et les
enjeux de ladite intervention. Outre ces magazines, plusieurs sites
spécialisés ont été consulté, parmi lesquels
ceux de l'Assemblée nationale française, (
http://www.assemblee-nationale.fr/faq.asp),
le Sénat français (
http://www.senat.fr),
20
le ministère de la défense française (
http://www.defense.gouv.fr/),
et celui de l'institut des relations internationales et de stratégie de
France(
http://www.iris-france.org/).
Ces derniers nous ont permis d'obtenir les rapports des parlements dans
lesquels figurent les statistiques du contingent français ; le
financement de l'opération et les pertes. Ils nous ont également
permis d'obtenir des articles et les Livres blancs de la défense
française de 2011 à 2014. Les données ont également
été obtenues à travers des journaux numériques tels
que
MaliActu.net ;
Tunisie-secret.com ou encore
Maliweb.net.
IV- Limites de l'étude
Nous avons été confronté à
plusieurs difficultés dans la rédaction de ce travail. En effet,
plusieurs ouvrages qui auraient pu être exploités dans le cadre de
cette étude ne nous ont pas été accessibles, ils
manquaient en bibliothèque, et n'étaient pas disponibles en
librairie. Aussi, nous n'avons pas été reçu par le
Conseiller militaire de l'Ambassade de France au Gabon, et nous ne nous sommes
pas rendus sur le théâtre pour observer l'impact de cette
intervention militaire et recueillir les avis des populations. Dans l'analyse
des faits, de nombreuses controverses n'ont pas encore débouchés
sur des consensus, il nous a fallu procéder à des arbitrages
à partir d'une documentation éparse.
V- Articulation du travail
Notre recherche se structure en deux grandes parties,
subdivisées chacune en trois chapitres.
La première partie, intitulée les
fondements de l'intervention militaire française au Mali,
vise à donner une explication sur les réels enjeux du
déploiement de l'armée française au Mali. De ce fait, Le
premier chapitre, une région sous tension et l'insécurisation
du Mali porte sur l'instabilité géopolitique des Etats dans
l'espace sahélo-saharien et le basculement du Mali dans
l'instabilité sous régionale. Le deuxième chapitre
intitulé le jeu d'alliance et les motivations inavouées de
l'intervention, présente l'environnement juridique de
l'intervention et le repositionnement de la France au Mali et dans l'espace
sahélo-saharien. Et le troisième chapitre qui a pour titre la
France une alliée intéressée, se focalise
essentiellement sur la protection des ressources stratégiques et
économiques française dans la sous-région et la
sécurité extensive de la France.
21
La deuxième partie, titrée Du
déploiement militaire français, aux stratégies de sortie
de crise, étudie le déroulement de l'intervention
militaire française au Mali et la phase post-intervention. En effet, le
premier chapitre, l'intervention militaire : prodromes et manifestations
», explique les démarches de l'intervention militaire et le
déploiement de l'armée française. Le deuxième
chapitre intitulé les effets et les limites de l'intervention
militaire française au Mali, traite des effets
militaro-humanitaires et socio-spatiaux et les limites du déploiement.
Et le troisième chapitre, le désengagement de l'armée
française et les perspectives de nouveaux rapports entre la France et le
Mali, évoque le remplacement de la force militaire
française, l'engagement des troupes onusiennes, le retour à
l'ordre constitutionnel au Mali et les reformes de la coopération
militaire franco-malien.
22
Première partie : Les fondements de
l'intervention militaire française au Mali
23
Une quarantaine d'interventions couronnent l'activisme
militaire français en Afrique. Ces déploiements armés
français dont les raisons varient selon le contexte et l'Etat dans
lequel ils se déroulent, ont toujours voilé d'importants enjeux
géopolitiques, géoéconomiques et
géostratégiques. Cette logique amène alors à
s'interroger sur les causes profondes du déploiement militaire
français au Mali. De ce fait, la première partie de notre travail
analyse les fondements de l'intervention militaire française.
Dénommée Serval, celle-ci a marqué l'entrée en jeu
d'un nouvel acteur dans la crise que traversait le Mali qui, subissait une
période d'instabilité soldée par un enchainement de
conflits politiques auxquels se sont ajoutées, les actions armés
des insurgés rebelles et terroristes. Cette juxtaposition de facteurs
endogènes qui avait provoqué la déstabilisation du
territoire et croissait le risque d'un chaos, a suscité de vives
réactions de la France. A ces problèmes internes, se combinent
des facteurs exogènes, liés notamment à la situation
délétère des sous-régions ouest-africaine et
Sahélo-saharienne dans lesquelles la France a d'importants partenariats
économiques et sécuritaires. Dès lors, peut-on encore
affirmer que l'intervention militaire française ne se contentait que de
l'unique enjeu `'de la sécurité du Mali»?
Pour y répondre, deux hypothèses sont
émises dans cette partie. La première se penche sur une
éventuelle protection des intérêts de la France dans
l'ensemble des Etats de la région. La seconde est celle de l'extension
de la sécurité française dans les régions
sahélo-sahariennes et ouest-africaines.
A cet effet, trois chapitres permettent d'y voir plus clair.
Le premier intitulé, L'espace Sahélo-saharien, une
sous-région sous tension et l'insécurisation du Mali,
analyse d'une façon générale la géopolitique des
Etats au sein des espaces Sahara, Sahel et CEDEAO. Le deuxième chapitre,
titré Le jeu d'alliance et les motivations inavouées de
l'intervention, permet d'analyser le cadre juridique de cette intervention
et ses enjeux, et le troisième chapitre dont le titre est : La
France, une alliée intéressée, vise à
présenter les enjeux économiques, stratégiques et
sécuritaires de l'intervention française.
24
Chapitre I : L'espace sahélo-saharien, une
sous-région sous tension et l'insécurisation du Mali
La multiplication des tensions dans l'espace
sahélo-saharien et le rebondissement du conflit malien, constituaient
d'importants dangers qui ont amené les puissances occidentales,
notamment la France, à envisager d'importantes opérations dont le
but affiché était de stabiliser la région. Il nous importe
d'analyser les fondements de l'intervention militaire française au Mali
en s'appuyant sur deux facteurs : l'instabilité géopolitique des
Etats de l'espace sahélo-saharien et le basculement du Mali dans
l'instabilité sous régionale.
Section1 : L'instabilité géopolitique des
Etats dans l'espace sahélo-saharien
Trois éléments permettent d'expliquer
l'instabilité géopolitique des Etats : l'effondrement de la Libye
et ses conséquences(1) ; les problèmes sécuritaires de
la
Mauritanie, de l'Algérie et du Niger(2), et les effets
directs et collatéraux de la
déstabilisation de la
sous-région(3).
1- L'effondrement de la Libye et ses
conséquences
La déstabilisation de la Libye et ses
conséquences sécuritaires dans l'espace sahélo-saharien
ont constitué l'une des causes qui ont de prime abord entrainé
l'intervention militaire française au Mali. En effet, au cours de
l'année 2011, le régime de Mouammar Kadhafi faisait face aux
violents affrontements militaires de ses concitoyens devenus protestataires
rebelles. Cette protestation qui se transforme en guerre civile tout en mettant
en danger les intérêts occidentaux et leurs ressortissants, a
entrainé la mobilisation des acteurs internationaux parmi lesquelles la
France qui, au cours de cette période, lançait sur le sol libyen,
l'opération militaire « Harmattan » pour soutenir et armer les
mouvements rebelles du Conseil National de Transition(CNT). Cette
instabilité libyenne marque le développement des insurrections
sociopolitiques qui ont secoué les pays arabes de l'Afrique (printemps
arabe). Elle a provoqué la militarisation de plusieurs Etats de la
sous-région Sahélo-saharienne et particulièrement le Mali.
Ce pays a connu un afflux massif vers son territoire des combattants touaregs
qui s'étaient enrôlés dans les troupes militaires
libyennes. De ce fait, le retour de ces populations
25
touaregs eut pour effet d'entrainement, « la
dissémination de plusieurs armes »34 et la
remobilisation des centaines de mercenaires et anciens militaires touaregs
disposant d'armes lourdes dans les mouvements insurrectionnels du
Nord-Mali35. Profitant ainsi de la chute de Kadhafi, ces
expatriés maliens ont « relancé leur propre
rébellion »36, et ont repris leurs actions
militaires dans le septentrion malien. Selon L. Simon, ce chaos libyen a ainsi
entrainé, des « effets néfastes sur la
sécurité du Nord du Mali »37. Cette «
contagion »38 de la crise a amené la France
à organiser minutieusement son intervention militaire au Mali, en ce
sens qu'elle craignait paradoxalement que les armes qu'elle avait
distribué aux groupes insurgés rebelles libyens du CNT et celles
issues des stocks d'armes de Kadhafi ne se retrouvent dans l'ensemble de la
sous-région. De ce fait, il s'agissait pour l'Hexagone de limiter les
nombreuses conséquences qui découleraient de la
prolifération d'armes libyennes et d'éviter les « effets
dominos »39, qui conduiraient à la
vulnérabilité de l'ensemble des Etats voisins. L'effondrement de
la Libye ayant ainsi impacté la stabilité de toute la
région et particulièrement le Mali, il revenait à la
France de trouver une issue qui limiterait le déplacement des acteurs
rebelles et terroristes libyens vers le Mali et vers d'autres Etats pour
transformer la région en zone de non-droit. Cette influence de la crise
libyenne dont les retombées ont mouvementé la crise malienne, a
sans doute provoqué la décision de la France de s'engager
militairement sur le sol malien, afin de freiner les avancées
terroristes en provenance de la Libye. Cependant, l'insécurité
libyenne ne constitue pas le seul facteur de l'engagement militaire de la
France. Les problèmes sécuritaires régionaux, et
particulièrement ceux des pays comme l'Algérie, la Mauritanie ou
encore le Niger, ont également constitué l'une des nombreuses
motivations de cette opération militaire.
2- Les problèmes sécuritaires de la
Mauritanie, du Niger et de l'Algérie
La multiplication des conflits armés et les
déséquilibres sécuritaires de la sous-région
Sahélo-saharienne d'une manière générale et des
trois Etats frontaliers du Mali que sont la Mauritanie, l'Algérie et le
Niger ont de notre point de vue, également amené la France
à engager une action militaire au Mali afin de réduire non
seulement la dissémination des armes et des combattants rebelles et
terroristes de ces territoires dans l'ensemble du Sahel, mais
34 Rapport association Survie, les zones
d'ombre de l'intervention militaire française au Mali,
élément de contexte et d'explication, 2013, p.6.
35 Rapport Gorée Institute,
Systèmes de conflits et enjeux sécuritaires en Afrique de
l'Ouest, 2002, p.128.
36 Idem.
37 L. Simon, A. Mattelaer, & A. Adfield, Une
stratégie cohérente de l'UE pour le Sahel, Parlement
européen, 2012, p.20.
38P. Hugon, Géopolitique de l'Afrique,
Paris, éditions SEDES, 2009, p.144.
39Idem, p.244.
26
aussi d'empêcher une atteinte totale à la
sécurité de la sous-région d'une manière
générale. En effet, depuis plusieurs années, ces trois
Etats connaissent de multiples instabilités politiques qui
débouchent par des affrontements armés et quelques peu par des
guerres civiles ; des rebellions et du terrorisme. Ces différents
mouvements d'insurrections armées, s'étendent
régulièrement vers d'autres Etats de la région
sahélo-saharienne et provoquent un déséquilibre
sécuritaire.
En ce qui concerne la Mauritanie, plusieurs actions politiques
ont entrainé des insurrections, qui ont déstabilisé aussi
bien cet Etat que les territoires frontaliers tels que celui du Mali. En effet,
la situation sociopolitique qui avait entrainé le déplacement des
Negro-mauritaniens40 vers le Mali au cours des années 1990 a
favorisé la montée de la rébellion et la multiplication
des affrontements armés au sein de cet Etat. De ce fait, partant du
Fruidem (Front de résistance pour l'unité, l'indépendance
et la démocratie en Mauritanie), jusqu'au Fulam (Front unique de
libération armée Mauritanien), un rapport de force a
été instauré entre ces groupes et l'Etat mauritanien et a
provoqué une instabilité sécuritaire41 qui s'en
était étendue vers le Mali. Cette extension qui dénote de
« l'incapacité de l'Etat à exercer ses fonctions
régaliennes sur l'ensemble du territoire »42, a
entrainé la recrudescence d'une rébellion bi-étatique
composée de Maures sahraouis mauritaniens43 et maliens. Ce
groupe insurrectionnel armé qui déstabilise autant la Mauritanie
que le Mali, est une scission d'AQMI. Il est ainsi apparu en début de la
crise malienne sous l'appellation du MUJAO. Ce groupe terroriste en provenance
de la Mauritanie, a trouvé refuge dans la partie septentrionale du Mali
et a provoqué l'instabilité des territoires du Sahel à
travers des combats armés, des enlèvements des expatriés
occidentaux et des décapitations des populations des territoires
mauritaniens et maliens.
Outre la Mauritanie, l'Algérie constitue l'un des Etats
de la région Sahélo-saharienne où
l'insécurité grandissante provoque plusieurs inquiétudes
de la France. En effet, la fin de la guerre civile des années 1990 dans
ce pays a vu apparaître la multiplication des groupes armés
radicaux44 dans cet espace. Ces différentes armées
développent une instabilité aussi bien interne que dans toute la
partie du Sahara et du Sahel. Echappant ainsi au contrôle de l'Etat
algérien, ces groupes menacent la stabilité d'un ensemble d'Etats
et particulièrement la partie septentrionale du Mali dont la
porosité frontalière ne fait l'objet d'aucune contestation.
40 J-C. Rufin, Monde rebelles, acteurs conflit et
violence politique, Paris, éditions Michalon, 1996, p.260.
41 J-C. Rufin, op.cit., p.261.
42M. Taje, Enjeux Ouest-africain :
vulnérabilité et facteurs d'insécurité au
Sahel, sahel and Ouest africa club, p.3.
43M. Galy, La guerre au Mali, comprendre la crise
au sahel et au Sahara, enjeux et zone d'ombres, Paris, la
Découverte, p.51.
44Idem, p.65.
27
Cette menace sécuritaire qui débute en
Algérie et s'étend dans la majorité des pays sous
régionaux, évolue parallèlement au dynamisme des groupes
armés en présence qui ont changé d'échelle, allant
des simples rebellions au grands groupes terroristes. Le territoire
algérien se retrouve ainsi dans une évolution des bandes
armées, partant du GIA (Groupe Islamique Armé) au GSPC (Groupe
Salafiste pour la Prédication et le Combat) et du GSPC à AQMI.
C'est donc ce dernier qui aplatit les efforts sécuritaires de l'ensemble
des Etats sahélo-sahariens et, à travers son extension a
fragilisé davantage le Mali, provoquant ainsi son chaos
sécuritaire et géopolitique. Ce groupe qui opère dans
toutes les parties Ouest et Nord de l'Afrique, menace vigoureusement les
Occidentaux d'une manière générale et
particulièrement la France dont les populations et les
intérêts dans la région sont importants.
L'insécurité au Niger constitue aussi l'une des
questions géopolitiques les plus complexes de la région
sahélo-saharienne. La situation politique de cet Etat se résume
à ce que J-C. Rufin, qualifiait dans Monde rebelle de «
feu sous la cendre »45. En effet, le Niger, est l'un
des Etats qui a connu une vague de mouvements de déstabilisation , de
coups d'Etat et d'affrontements armés entre les factions rebelles et les
pouvoirs qui se sont succédés. Cet ensemble de mouvements
crée l'insécurité à l'intérieur de cet Etat.
De ce fait, plusieurs acteurs ont entretenu cette instabilité et ont
ainsi mis ce théâtre d'opération en ébullition. Il
s'agit des principaux mouvements touaregs anciennement regroupés autour
de l'ORA (Organisation de Résistance Armée) et du CRA
(Coordination de la Résistance Armée) qui communiquent avec des
groupes touaregs maliens et libyens. Ces groupes armés touaregs qui
déstabilisent parfois le Niger, ont projeté leurs actions dans la
crise malienne. L'insécurité du Niger est également
nourrie par des bandes terroristes et djihadistes qui opèrent dans les
frontières libyennes et algériennes, et qui ont aussi
contribué à la déstabilisation de l'Etat malien. La
déstabilisation du Niger provoque de réelles inquiétudes
pour les puissances étrangères de l'occident, notamment la France
dont la vitalité économique locale est sans conteste.
Dès lors, l'instabilité et
l'insécurité de ces différents Etats posent de
réelles inquiétudes au sein de l'UE et particulièrement en
France. En effet, craignant que toute la zone du Sahel ne bascule dans les
affrontements armés comme au Mali et que les dynamiques
géopolitiques qui caractérisent cette région ne
s'étendent aux frontières maritimes de l'UE (Espagne ; Italie ;
Portugal) de diverses façons qu'elles soient, il était
indispensable de mettre en place une action globale qui limiterait de
manière efficiente l'anarchie qui était sur le point de
s'enraciner dans toute cette partie de l'Afrique. De ce fait, l'intervention
militaire française
45J-C. Rufin, op.cit., p.239.
28
au Mali caractérisait la résorption de cette
dynamique insécuritaire aux multiples effets directs et
collatéraux dans le territoire malien et dans l'ensemble de la
sous-région.
3- Les effets directs et collatéraux de la
déstabilisation de la région
L'instabilité géopolitique des régions
sahélo-saharienne et ouest-africaine se caractérise par une
diversité de conséquences qui constituent des menaces aussi bien
pour les Etats de l'Afrique que pour ceux de l'Europe. La
déstabilisation de ces Etats provoque des effets directs et indirects au
sein de ces grands blocs régionaux. L'un des effets directs de cette
instabilité territoriale est la dissémination des groupes
rebelles et terroristes dans l'ensemble de cet espace géographique.
Cette répartition des groupes armés dont le Mali est devenu
« l'épicentre »46, est constituée
d'une dizaine de factions rebelles et terroristes dont les plus importantes et
les plus dangereuses sont AQMI, MOUJAO, Ansar-Eddine, Al Mourabitoun ; Ansar-
al-charia, et l'extension chebabs. Ces GAD organisent des enlèvements de
masse comme celui des trente-deux touristes organisé par AQMI (ancien
GSPC) en Algérie ou encore la séquestration des travailleurs
d'AREVA dans le site d'Uranium d'Arlit au Niger. Ils multiplient
également, au sein des territoires de ces pays, des attentats dans le
but de « créer un climat de peur et d'insécurité
»47 générale. En revanche, ces
opérations des GAD s'accompagnent de multiples actions dont les impacts
ne sont pas directement ressentis. De ce fait, les effets indirects de
l'insécurité de l'espace ouest-africain et sahélo-saharien
se rapportent à l'organisation des « économies
parallèles »48. En effet, les GAD participent
activement aux trafics de drogues, d'armes, et mettent en difficulté les
économies des Etats par le pillage des ressources stratégiques.
Ces différentes conséquences qui concernent apriori les Etats
africains des régions citées ci-dessus, engagent également
les Etats occidentaux. L'instabilité des régions ouest-africaine
et sahélo-saharienne devient un phénomène
géopolitique transfrontalier en ce sens que ces groupes qui
prônent un islamisme radical, «mènent une guerre sainte
dans le monde contre les intérêts des sociétés
occidentales »49. Dès lors,
l'insécurité et les effets néfastes de
déstabilisation de ces régions africaines préoccupent les
acteurs européens, au rang desquels la France. Cette dernière
ayant mis une « attention particulière sur cette région
depuis les années 2000 »50 et connaissant
parfaitement la précarité géopolitique qui prévaut
dans cette partie du continent et les impacts
46M. Galy, op. cit., p.41.
47P. Boulanger, Géographie militaire et
géostratégie, enjeux et crises du monde contemporain, Armand
colin,
2011, p.190.
48S. Loungou, « Economies parallèles
et pérennisation des conflits armés en Afrique subsaharienne
», Stratégies
africaines, n°80, ISC, p89-109.
49P. Boulanger, op. cit., p.192.
50 Rapport de l'assemblée nationale
française n° 1288, 18 juillet 2013, p.16.
29
qu'elle pourrait occasionner dans son voisinage proche et
lointain, s'est sans doute appuyée sur cette réalité de
déstabilisation pour projeter son intervention militaire au Mali. Ainsi,
du fait du déséquilibre sécuritaire de ces Etats de la
région sahélo-saharienne et ouest-africaine (carte 1), le
déploiement de l'armée française au Mali avait donc une
approche globale qui tient compte non seulement du Mali, mais également
de l'ensemble des pays environnants.
Carte 1 : La situation sécuritaire des Etats de la
région sahélo-saharienne
![](L-intervention-militaire-franaise-au-Mali-Essai-d-analyse-geopolitique3.png)
Cette carte illustre l'instabilité géopolitique
qui prévaut dans la région sahélo-saharienne. Elle
évoque, en effet, la territorialité des groupes armés
rebelles et terroristes dans la région et présente les circuits
de circulation et de trafics d'armes que la présence de ces groupes
djihadistes entraine à l'intérieur des différents
Etats.
Ce climat d'instabilité géopolitique aux seins
de ces Etats de la région sahélo-saharienne et ouest-africaine a
eu un double effet. Il a non seulement constitué l'une des motivations
de l'intervention militaire française au Mali, mais son extension au
Mali a entrainé le basculement de cet Etat dans une instabilité
grandissante.
30
Section 2 : Le basculement du Mali dans
l'instabilité sous régionale
Cette section présente les facteurs qui permettent
d'expliquer le basculement du Mali dans l'instabilité. Nous nous
préoccupons des conséquences de l'instabilité des Etats de
la sous-région sur le Mali(1), des faiblesses de l'Etat malien(2) et des
conséquences de celles-ci(3).
1- Les conséquences de l'instabilité des
Etats de la sous-région sur le Mali
L'environnement instable des Etats de la région
sahélo-saharienne a basculé le Mali dans un chaos
sécuritaire. En effet, victime du « caractère nomade des
conflits »51 africains, le Mali a été mis en
mouvement par la dynamique conflictuelle de ces Etats voisins et
particulièrement la Libye, l'Algérie et la Mauritanie. A partir
de ces Etats, le Mali a subi un mouvement de délocalisation des groupes
terroristes et un important transfert de stocks d'armes dont ils disposaient.
Ainsi, profitant des faiblesses des frontières maliennes et du
caractère no man's land de la partie septentrionale de cet Etat, ces GAD
particulièrement mobiles ont, non seulement organisé plusieurs
intrusions armées dans le territoire malien, mais aussi polarisé
la partie Nord de cet Etat et l'ont transformé en un important «
sanctuaire »52 terroriste. Instaurant ainsi un rapport
de force, ces groupes djihadistes ont exercé une puissance armée
qui leur a permis de contrôler les différentes villes
septentrionales du Mali. L'enjeu de ces factions rebelles et terroristes
étant le contrôle du territoire de l'Azawad et la maîtrise
du trafic de la partie septentrionale de l'Etat malien, ces bandes djihadistes
se sont reparties le territoire Nord en trois grands quartiers d'influences
terroristes. Le groupe Ançar-Eddine, fort de son contingent, occupait
les villes de Diabaly, Kidal, Douentza et Tessalit. Le MUJAO se retrouvait dans
la ville de Gao et AQMI s'appropriait les villes de Tombouctou, Aighaghar et
Aguelhok. Outre ces trois forces majeures, le MNLA et le MIA (Mouvement
Islamique de l'Azawad) se retrouvaient dans toute la partie Nord du pays. Cette
occupation des GAD qui a entrainé la défection des
autorités politico-militaires étatiques, constitue ce qu'A.
Bencherif qualifiait de «risque de Balkanisation et de Talibanisation
»53 au Mali. Dès lors, la multiplication des
actions terroristes de ces groupes transfrontaliers à l'intérieur
du territoire malien, a fondamentalement réduit les efforts de
stabilité de l'Etat, et conduit le Nord-mali dans la même
situation que celle de la Libye. Cette polarisation de la partie septentrionale
par les bandes armées (cf. tableau 1), constitue l'une des principales
causes de l'effondrement du Mali. Ainsi, la dissémination de ces
bandes
51P. Hugon, op.cit., p.146.
52N. Teneze, Les OPEX françaises au Sahel (2012-2013)
: une mutualisation américaine sous drapeau français, 2013,
p.4,
http://teneze-nrh.e-monsite.com/medias/files/mali-article-complet.pdf,
consulté le 24/06/2015 53A. Bencherif, Le nord du Mali,
Entre risques de balkanisation et talibanisation, programme et
sécurité internationale (PSI), 2012, p.2.
31
terroristes et rebelles dans le Nord-Mali, a
considérablement développé une insécurité
générale, du fait de leur extrémisme
caractérisé par des enlèvements et des
décapitations. Cette situation, a sans doute amené la France
à engager une action militaire au Mali pour stopper la campagne
militaire de ces mouvements terroristes d'origines algérienne,
mauritanienne et libyenne.
Tableau 1:Sanctuaire malien
Groupe
|
Ansar Eddine
(compagnons de
la religion ou
défenseur de l'islam) ou AAD
|
Mouvement pour l'unicité et
le jihad en
Afrique de l'Ouest
(Mujao)
|
Al-Qaida au
Maghreb islamique (AQMI)
|
Mouvement
national de
libération de
l'Azawad (MNLA)
|
Mouvement
islamique de l'Azawad (MIA)
|
Leaders
|
Iyag Ag-Ghali, ex baasiste de Tinariwen, de la légion
verte de Kadhafi, des guerres du Tchad et du Liban, du GSPC (1998) et du MPA
|
Hamada Ould Mohamed Kheirou dit Abou Ghoum-Ghoum Oumeïni
Ould Baba
Akhmed
|
Abdelmalek Droukdal alias Abdou Moussab Abdelwadoud
L'émir du Sahara et du Sahel Yahya Abdou El Hamame Yahia
Djouadi
|
Moussa Ag-Assarid Bilal ag Achérif
|
Alghabass ag Intallah
|
Effectif
|
5000 à 10000 indépendantistes touaregs maliens
|
500 Noirs
|
800 à 3000 arabes du Moyen-Orient et des
sahéliens
|
Touaregs ex pro- Kadhafi
|
Touaregs
|
Naissance et origine
|
Mars 2012 (scission avec le
MNLA)
|
2011
(scission avec
AQMI
|
Janvier 2007 (ex du GIA, du GSPC
|
16 octobre 2011 (fusion entre le
mouvement national de l'Azawad (novembre 2010) et l'Alliance
Touareg Nord-Mali pour le changement.
|
23 janvier 2013
(scission avec
l'Ansar Eddine)
|
Sanctuaire
|
Rectangle Diabaly, Douentza, Kidal et Tessalit
|
Autour de Gao
|
Autour de Tombouctou, Kidal, Aighaghar et Aguelhok
|
Eclaté dans l'Azawad
|
Nord Mali
|
Principes
|
Tablighisme (sunnite)
Imposition de la
charia au Mali
|
Salafisme Imposition de la
charia au Mali
|
Salafisme
|
Malékisme laïque Indépendance de l'Azawad
|
Indépendance de l'Azawad
|
Action
|
Exactions -Décapitation -Fusillade
|
Exactions Décapitation -Fusillade -enlèvements
|
Exaction -Décapitation -Fusillade -attentats
-enlèvement renversement du président malien Amadou Touamani
|
Proclame l'indépendance de l'Azawad le 6 avril 2012
|
|
Source : N. Ténèze (décembre
2013)
http://teneze-nrh.e-monsite.com/medias/files/mali-article-complet.pdf,
consulté le 22/07/2015
32
Ce tableau présente une vision panoramique des
différents groupes rebelles et terroristes qui ont
déstabilisé la partie septentrionale du Mali. En effet, ces
bandes armées qui ont occupé la partie septentrionale du Mali par
des actions pratiquement similaires, visaient chacun des objectifs
différents.
Bien que l'instabilité du Mali ait constitué
l'une des motivations majeures de l'intervention militaire française au
Mali, elle ne reste cependant pas l'unique facteur qui pourrait expliquer ce
déploiement militaire. La résurgence des faiblesses internes du
Mali est également un élément qui explique le basculement
de l'Etat malien dans l'instabilité, et constitue l'un des enjeux qui
préparent l'intervention militaire française.
2- Les faiblesses de l'Etat malien et leurs
conséquences
Le multiplication des actions armées des groupes
djihadistes au Nord a favorisé le rejaillissement des problèmes
géopolitiques internes qui fragilisent davantage l'Etat malien et
l'entraine vers une grande instabilité. Il s'agit, d'une part des
revendications politico-territoriales des groupes rebelles du Nord et, d'autre
part, de l'insurrection de l'armée régulière malienne.
En ce qui concerne les revendications politico-territoriales
des rebellions du Nord, il est à noter que celles-ci sont à
l'origine de la résurgence dès janvier 2012 des tensions
intra-étatiques causées par des groupes rebelles touaregs du
MNLA. En effet, ces derniers, qui occupent la partie septentrionale du pays,
réclament une action politique fondée sur
l'autodétermination et l'indépendance de l'Azawad
constitué par les trois régions maliennes de Kidal, Tombouctou et
Gao. Ces idées irrédentistes qui ne concordent pas avec celles
défendues par le pouvoir de Bamako du fait du principe de
l'indivisibilité du territoire malien, provoquent un rapport de force
entre le mouvement rebelle et les armées régulières. Ce
rapport de force qui se définit par un affrontement militaire entre les
deux groupes, alimente un malaise politique qui enfonçait davantage le
Mali dans la crise. Selon Drissa Malle, conseiller diplomatique de l'Ambassade
du Mali à Libreville, ces revendications apparaissent comme l'une des
plus anciennes contradictions politiques qui déstabilisent l'Etat depuis
les indépendances, et dont les enjeux sont la« prise de pouvoir
des peuples blancs touaregs aux autorités politiques noires du Sud et le
désir du contrôle de toute sorte de transactions
économiques des régions nord qui sont des no man's land
». Profitant de ce qu'Afrique Magasine appelle la «
fragilité des institutions maliennes »54 et des
difficultés auxquelles l'armée régulière fait face,
pour assurer pleinement la sécurité dans la partie Nord,
54R. Michel, la grande guerre du Sahel,
Afrique Magazine, n° 329, Février 2013, p.48.
33
l'insurrection spécifiquement touareg, a
cédé à plusieurs alliances qui ont, non seulement
entrainé le Mali dans la « zone rouge »55,
mais aussi ont permis aux groupes armés de se doter d'une puissance de
feu, qui leur permettait d'affronter directement le pouvoir malien au Nord.
Dès lors, le rapprochement tactique du MNLA, des groupes terroristes et
rebelles d'AQMI, du MUJAO et Ançar-Eddine qui provenaient de l'ensemble
des pays déstabilisés de la région
sahélo-saharienne, a conduit l'Etat dans une situation conflictuelle
irréversible. Usant de la violence, notamment des exactions sur les
populations et sur les forces armées, ces groupes djihadistes qui
étaient doté « d'un armement sophistiqué,
composé de canons antiaériens et de fusils mitrailleurs, puis des
pick-up et des blindés »56, échappaient
à la régulation et au contrôle du pouvoir
politico-militaire du Mali. Cette faiblesse de l'appareil étatique
malien a été le fondement de la proclamation de
l'indépendance de l'Azawad (région septentrionale du Mali) par le
MNLA. Elle a permis l'occupation du territoire par les groupes terroristes, le
développement des violences sur les populations et le massacre des
soldats dont le plus important a été celui
d'Aguelhok57, qui a provoqué l'assassinat par
décapitation et par fusillade de cent cinquante-trois soldats
maliens58. Ces pertes ont provoqué une insurrection militaire
au sud en maintenant plus longuement l'Etat dans une incertitude
sécuritaire.
L'insurrection militaire a également fragilisé
l'Etat ; elle a véritablement causé la déstabilisation de
l'Etat malien. En effet, le soulèvement de l'armée qui nait
après l'assassinat des soldats d'Aguelhok, a conduit à une crise
politique majeure qui se solda par la destitution en mars 2012, de
l'exécutif malien par un par putsch organisé par des soldats de
l'armée de terre sous la direction du capitaine Amadou Sanogo. Ce
dernier accusait l'exécutif malien d'être en « collusion
avec les djihadistes »59et les groupes rebelles lourdement
armés dans la partie septentrionale du pays. L'organisation de ce coup
d'Etat militaire ayant ainsi entrainé le déséquilibre
géopolitique territorial, il s'en est suivi un enlisement total de
l'Etat avec la démultiplication criarde d'actions terroristes et
rebelles d'une part, et l'avancée vers le centre et le sud du Mali de
ces différents combattants islamistes, d'autre part.
L'instabilité de l'Etat malien découlait, en
résumé d'une combinaison des forces centripètes et des
forces centrifuges. On peut affirmer qu'à partir des pressions externes
de déstabilisation des pays frontaliers, l'effet de « contagion
des conflits africains»60a entrainé la
résurgence des problèmes internes au Mali. Cette combinaison des
facteurs crisogènes a directement entrainé le Mali dans un chaos,
qui a suscité l'intervention militaire française.
55J-C. Notin, op.cit., p.55.
56Afrique Magazine, n° 329, op.
cit., p.49.
57Rapport de la Fédération
internationale des ligues des droits de l'Homme(FIDH), (Juillet 2012), p.12.
58Ibidem
59J-C. Notin, op. cit., p.57.
60P. Hugon, op. cit., p.146.
34
Pour conclure sur ce point, nous pouvons observer que
l'instabilité géopolitique des Etats frontaliers du Mali et la
déstabilisation de celui-ci, démontrent la fragilité,
l'instabilité des Etats et l'insécurité d'une
région placée sous tension. Cette insécurité, qui
constitue un enjeu majeur pour la France, est à l'origine du
déploiement militaire de la France au Mali. Cette intervention a fait
l'objet d'un jeu d'alliance, elle pose d'importantes questions sur les
réelles motivations de la France.
35
Chapitre II : Le jeu d'alliance et les motivations
« inavouées » de l'intervention militaire française
Le déploiement de l'armée française au
Mali a fait l'objet d'un jeu diplomatique tant entre les Etats qu'au niveau des
instances internationales. Cette diplomatie qui, manifestement, constitue une
couverture juridique à l'intervention, n'a-t-elle pas été
un des réels enjeux géopolitiques de l'Hexagone ? Pour examiner
cette question, ce chapitre revient sur l'environnement juridique de cette
intervention militaire française et sur le repositionnement de la France
au Mali, et par incidence, dans l'espace sahélo-saharien et
Ouest-africain.
Section1 : L'environnement juridique de l'intervention
militaire française
Trois facteurs expliquent l'environnement juridique de
l'intervention militaire française au Mali. Il s'agit des accords
militaires franco-maliens(1), des accords multilatéraux de la France
avec les pays de l'Afrique de l'Ouest(2) et la légitime défense
collective de l'ONU(3).
1- Les accords militaires franco-maliens
Les accords militaires signés entre la France et le
Mali ont constitué l'un des fondements de l'intervention militaire
française. En effet, ces accords qui sont signés au lendemain des
indépendances en 1960, puis revisités en 1985, et dont la logique
était d'assurer la sécurité des Etats signataires et celle
de la communauté dont ils faisaient partis, ont particulièrement
entrainé ce que J-F. Owaye a appelé la « la
défense communautaire afro-française »61.
Celle-ci permettait d'établir un système commun de
sécurité et de défense entre la fédération
malienne, et la République française.
L'établissement de ces accords d'assistance militaire entre les
deux Etats a donné lieu à la constitution d'une alliance
militaro-sécuritaire, qui permettait à la France de s'engager
durablement dans un conflit qui se déroule au Mali. Ainsi, en mettant en
exergue l'assertion selon laquelle la « France s'attache, autant que
possible, à ce que toute intervention de ses forces armées
à l'extérieur s'effectue dans le cadre d'un accord ou sous mandat
de durée d'exercice d'une fonction élective d'une
61J-F. Owaye, La sécurité
nationale gabonaise, Introduction par les textes (1958-2000), Libreville,
presse Universitaire du Gabon, 2010, p.195.
36
autorité internationale »62,
l'accord bilatéral franco-malien permettait à la France de
conduire à dessein, une intervention militaire au Mali. Cet accord, qui
se focalise sur plusieurs éléments dont les plus importants
demeurent l'assistance militaire technique, l'apport de la logistique et l'aide
en cas de menace, légitimait cette opération militaire
extérieure. Cette base juridique constituait, théoriquement, l'un
des mobiles des manoeuvres militaires de la France sur le théâtre
malien. Selon ces accords,
La République Française et la
fédération du Mali se prêtent mutuellement aide et
assistance pour leur défense contre toute menace. Un comité de
défense paritaire est constitué pour préparer le plan de
défense et de coopération entre la république
française et la fédération du Mali, notamment dans le
cadre de la défense extérieure. Une convention sera signée
entre la France et la fédération du Mali. Cette convention
déterminera notamment la participation des deux Etats à la
défense de la communauté et éventuellement d'autres Etats
africains63.
Le gouvernement de la République Française met,
dans la mesure de ses moyens, à la disposition du gouvernement de la
république du mali les personnels militaires français dont le
concours est demandé par le gouvernement de la République du
Mali64.
Les deux accords de 1960 et 1985 formalisent une alliance
militaire entre la France et le Mali et fondent le déploiement de la
force hexagonale sur le théâtre malien. Cependant, ces accords
militaires franco-maliens ne constituaient que la face cachée de
l'iceberg. Ainsi, au-delà des raisons juridiques avancées pour
justifier l'intervention militaire française, il ne faut pas minorer les
facteurs géopolitiques et géostratégiques. En effet, pour
suivre J. Chipman, « en matière de défense, les accords
contractés par le gouvernement français visaient essentiellement
un double objectif : le maintien de son influence en Afrique et la
préservation de la liberté d'action au niveau international
»65. On en conclut donc que, les accords militaires
franco-maliens, offrent un cadre légal à cette intervention. Il
n'en demeure pas
62Archives politiques publiques, La politique de
défense de la France jusqu'en 2008 : les engagements
extérieurs et internationaux, 2011,
http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/politique-
defense/engagements-exterieurs/
, consulté le 20/05/2015
63 Journal officiel, « Accords signés ou
paraphés entre le gouvernement de la république française,
et le gouvernement de la république du Sénégal, de la
république soudanaise et la fédération du Mali »,
4vril 1960, p.4.
64 Journal officiel, « accord de
coopération militaire technique entre le gouvernement de la
république française et le gouvernement de la république
du Mali de 1985 », n°14941, 5 décembre 1990, p.1.
65J. Chipman, cité par T-S. Possio, Les
évolutions récentes de la coopération militaire de la
France en Afrique, Paris, éditions publibook, p.55.
37
moins qu'ils aient surtout été une couverture
des enjeux politiques, économiques, et sécuritaires de la France
au Mali. C'est d'ailleurs ce que défend A. Bourgi quand il énonce
que : « en signant avec les Etats accédant à
l'indépendance des accords de coopération dans tous les domaines,
politique, militaire, économique, social et culturel, la France
s'engageait certes à conforter leur souveraineté nouvellement
acquise, comme en témoigne le parrainage apporté à
l'admission à l'ONU, mais dans le même temps, elle conserve son
emprise sur ses anciens colonisés»66. Dès
lors, on peut affirmer que les accords de coopération militaire de la
France avec certains Etats africains dépassent le simple aspect de la
consolidation de la souveraineté et de la sécurité de ces
Etats, ces accords permettent à la France de contrôler ses
intérêts en Afrique.
La France a également fondé son intervention
militaire au Mali à travers les accords multilatéraux
passés avec les pays de l'espace communautaire de la CEDEAO.
2- Accords multilatéraux de sécurité
collective de la France avec les pays ouest-
africains
Les accords multilatéraux de sécurité
collective et de résolution des conflits qui lient la France aux
organisations sous régionales africaines et particulièrement la
CEDEAO, ont constitué l'un des mobiles pour lesquels la France s'est
déployée militairement au Mali. En effet, ces accords qui placent
la CEDEAO comme partenaire à part entière67 de la
France, permettent à celle-ci de « contribuer à la
consolidation des capacités de maintien de la paix (coopération,
expertise, financements) et à les promouvoir lors qu'elles n'existent
pas »68. Dès lors, le Quai d'Orsay exploite
pleinement69 ces accords pour la restauration de la
sécurité dans les sous-régions africaines. Les accords
multilatéraux franco-africains permettent, d'une part, à la
France d' « encourager, appuyer et soutenir l'ensemble des initiatives
africaines dans l'optique qu'à terme les conflits africains soient
résolus par les Africains eux-mêmes »70,
d'autre part à déployer sur le théâtre
d'opérations, son armée afin de maintenir la
sécurité, qui est le principe fondateur de ces accords
multilatéraux. De ce fait, la coopération multilatérale
entre la France et la sous-région de la CEDEAO constituait le pivot de
l'intervention militaire française au Mali. De manière
systématique, les accords multilatéraux France-CEDEAO
obéissent au respect des alliances déjà établis.
Cependant, de façon dissimulée, ces accords
66 A. Bourgi, Aux racines de la
françafrique : la dégradation de l'image de la France en
Afrique, centre Thucydide, volume X, 2009, p.1-14.
67 Le livre blanc, défense et
sécurité nationale, 2008, p.120.
68 Ibidem, p.120-121.
69 Ibidem, p.20.
70 H. Serequeberhan, Le réengagement
français dans les conflits africains et le défi ivoirien,
p.2.
38
ont des enjeux symboliques71, notamment la
défense des intérêts sécuritaires72 et
économiques qui amènent le plus souvent « la France
à couvrir la totalité des zones stratégiques
d'intérêt majeur à travers toutes les composantes,
maritime, aérienne et terrestre de son outil militaire
»73 tel qu'elle l'a réalisé dans son
intervention au Mali.
Outre les accords multilatéraux, le système
international de défense collective de l'ONU a permis également
à la France de justifier légalement son intervention militaire au
Mali.
3- De la légitime défense collective de
l'ONU
Les accords internationaux et le développement des
alliances institués par l'Organisation des Nations-Unies, ont permis
à la France de mobiliser son armée au Mali. En effet, dans le
cadre du maintien de la paix et de la sécurité internationale, le
Conseil de sécurité de l'ONU, garant de la stabilité
internationale, recommande à l'ensemble des Etats appartenant à
l'institution, la légitime défense individuelle ou collective.
Dès lors, la France qui constatait la multiplication sans cesse des
attaques au Mali et les faiblesses de celui-ci à combattre les
différents groupes islamistes présents sur son sol, s'est servie
du principe du CS. Décidant unilatéralement d'intervenir
militairement au Mali, le Quai d'Orsay brandissait de ce fait l'article 51 de
la Charte de l'ONU qui statut sur la légitime défense et dont le
contenu stipule qu' « aucune disposition de la présente Charte
ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense,
individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations Unies
est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le CS ait pris
les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la
sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans
l'exercice de ce droit de légitime défense sont
immédiatement portées à la connaissance du CS et
n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu de la
présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il
juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la
sécurité internationales»74 . Ainsi,
à travers la légitime défense collective onusienne,
l'intervention militaire française se réclamait d'une couverture
juridique internationale.
Cependant, en mettant en exergue la légitime
défense collective, la France a délibérément
négligé les articles 24 sur la responsabilité du CS
à assurer l'action rapide et efficace, et à maintenir la paix et
la sécurité internationale, puis l'article 25 qui stipule que
« les membres de l'Organisation conviennent d'accepter et d'appliquer
les décisions du Conseil de sécurité
71 P-E. Batchom, La sécurité
collective en Afrique post-Guerre froide, Res militaris, vol 4,
n°2, 2014, p.1-16.
72 Le livre blanc, op.cit., p.197.
73Livre blanc, op. cit.,
74 Charte des Nations unies, chapitre VII, article
51
39
conformément à la présente Charte
».75 Dès lors, il convient de dire que la
légitime défense collective exprimée par la France cachait
les réelles motivations de son intervention militaire. Ainsi, si cette
légitime défense était conforme au jeu d'alliance sur le
plan international, il est clair qu'elle a camouflé les grands enjeux
aussi bien géopolitiques que géostratégiques de cette
intervention militaire. La mise en avant de la légitime défense
collective au détriment des décisions du Conseil de
sécurité ressemble à la manifestation d'une
ingérence militaire habillée de plusieurs « zones
d'ombres »76.
Les accords internationaux et ceux existants entre la France
et le Mali, donnaient certes une légitimité à
l'intervention militaire française, mais ce jeu d'alliance a permis
à la France de couvrir les réels enjeux de ce déploiement
militaire, notamment ceux qui sont en rapport avec son repositionnement
militaire au Mali et dans l'espace sahélo-saharien.
Section2 : Le repositionnement de la France au Mali,
dans l'espace sahélo-saharien et ouest-africain
Il s'agit dans cette section de présenter les enjeux
géopolitiques de l'intervention parmi lesquels la restitution de
l'intégrité territoriale du Mali et l'anéantissement des
djihadistes(1). Il convient tout aussi d'insister sur l'enjeu de la
présence militaire permanente au Mali et dans l'espace
sahélo-saharien(2) et le recadrage politico-diplomatique de la France au
Sahel et en Afrique de l'Ouest(3).
1- La restitution de l'intégrité
territoriale du Mali et l'anéantissement des djihadistes L'un
des enjeux majeurs qui a certainement précipité la France
à intervenir militairement dans le conflit malien, est la
préservation de l'intégrité territoriale du Mali. En
effet, l'occupation des groupes armés rebelles et terroristes du Nord
avait porté un coup d'arrêt sur l'existence du pouvoir
étatique dans la partie septentrionale du Mali. Cette invasion des GAD
qu'A. Bencherif qualifiait de « risque de balkanisation et de
talibanisation »77 entrainait peu à peu l'Etat
malien au bord de la situation des Etats instables. Cette situation
géopolitique que redoutait la France l'avait amené à
anticiper le « jeu de domino des groupes terroristes au Mali
»78 en mettant fin, non seulement à leurs
velléités d'occupation globale de l'Etat, mais également
en récupérant l'ensemble des villes qu'ils
75 Charte des Nations unies, op.cit
76 M. Galy, op.cit.
77 A. Bencherif, Le Nord Mali entre risques de
Balkanisation et talibanisation, PSI, 2013, p.1-6.
78 M-I. Kantô, L'intervention militaire
française, perspectives africaines, 2013, p.16-20.
40
occupaient et réinstaurer le pouvoir étatique de
Bamako au Nord. De ce fait, les objectifs politiques que dévoilait le
Quai d'Orsay dans le cadre de cette intervention, visaient d'une part à
« arrêter l'avancée des groupes terroristes vers Bamako
et préserver l'existence de l'État malien en lui permettant de
recouvrer son intégrité territoriale »79et,
d'autre part, à « détruire les bases arrière -
dépôts d'essence ou de munitions, centres d'entraînement,
infrastructures diverses - afin d'empêcher les groupes terroristes de se
reconstituer et à soutenir la stabilité du Mali et ses
institutions, notamment par une présence à Bamako
»80. L'enjeu de la conquête des territoires maliens
qui, étaient sous le joug des djihadistes, conditionnait la force
française à créer le déséquilibre des
groupes djihadistes en appliquant le schéma de C.V. Clausewitz : «
il faut détruire en premier les forces armées ennemies ;
ensuite le territoire devra être conquis»81. Cette
destruction des groupes rebelles et terroristes qui sévissaient dans
l'espace Nord, et qui tentaient de regagner le sud, les empêche de «
constituer une nouvelle force militaire »82 qui
pourrait reproduire les mêmes effets.
Cet enjeu de la restitution de l'intégrité
territoriale par les forces armées françaises procède
ainsi d'une approche globale de gestion de crise armée. En effet,
l'anéantissement des groupes armés djihadistes dans l'espace
malien empêche l'extension du conflit vers les Etats de la
sous-région sahélo-saharienne déjà fragiles, et
garantie l'intégrité territoriale et régionale de cet
espace. Usant ainsi, de la realpolitik83 dans cette approche globale
de protection de l'intégrité territoriale du Mali, la France
visait à sécuriser et contrôler un ensemble d'Etats contre
la menace qui pouvait s'étendre. Car, selon M.I. Kantô : «
si le Mali tombait aux mains des terroristes, d'autres Etats tomberaient
à leur tour »84, ce qui aurait créé
une instabilité généralisée aussi bien dans
l'espace sahélo-saharien que dans la région de l'Afrique de
l'Ouest.
Cependant, au-delà de la restitution intégrale
du territoire malien qui constituait un enjeu clairement identifié par
les acteurs français, cette intervention militaire visait aussi,
implicitement, la réorganisation de la présence militaire et
politique de l'Hexagone dans l'ensemble des espaces sahélo-sahariens et
ouest-africains. A l'analyse, la restitution du territoire malien n'apparait
plus comme le seul facteur déterminant du repositionnement de la France
au Mali et dans l'espace sahélo-saharien, la présence militaire
permanente au Mali est également un enjeu géopolitique
considérable de cette intervention militaire.
79 Rapport Assemblée nationale
française, n°1288, 18 juillet 2013, p.33.
80Idem
81 C-V, Clausewitz, De la guerre, Paris, les
éditions Minuit, 1984, p.71.
82Ibidem, p.70.
83N. Moulin, Qu'est-ce que la realpolitik,
Novembre 2013,
http://les-yeux-du-monde.fr/ressources/15722-quest-
ce-la-realpolitik
84 M-I. Kantô, op.cit., p.16-20.
41
2- L'enjeu de la présence militaire permanente au
Mali et dans l'espace sahélo-
saharien
La présence militaire permanente de l'armée
française au Mali et dans la région sahélo-saharienne
constituait l'un des objectifs non déclarés par le Quai d'Orsay
dans sa déclaration de guerre aux GAD. En effet, soucieux de ne voir
aucune menace émerger dans son voisinage immédiat, soutient le
livre blanc de la défense française85, la France
considère les parties sahélienne et saharienne comme des zones
d'intérêts prioritaires dans lesquelles il est nécessaire
de contrôler et de sécuriser de manière constante. Car, ces
régions ont la particularité d'abriter les Etats fragiles dont la
capacité de surveillance de leur territoire est souvent faible et dont
les dynamiques de circulation transnationale sont à l'origine
d'importants « flux criminels »86, parmi lesquels
les bandes armées terroristes. De ce fait, l'installation des bases
armées françaises à l'intérieur du territoire
malien et dans l'ensemble de l'espace sahélo-saharien constitue un enjeu
géopolitique et géostratégique majeur. Ces
différentes installations militaires françaises qui se font
progressivement, caractérisent la nouvelle réorganisation en
profondeur du dispositif militaire français dans la bande
sahélo-saharienne, si l'on en croit J.D. Merchet87. Ce
nouveau réseau militaire français comprend des pôles
principaux de dispositifs militaires et des bases avancées dont la
disposition géographique est axée sur quatre pays essentiellement
: le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Ces Etats disposeront de
quatre bases principales dont les fonctions diffèrent. Selon le
même auteur, la base de Ndjamena disposera de l'Etat-major de
commandement des opérations du sahel, des appareils de combats
aériens et de quelques forces terrestres ; la base de Niamey se
concentre sur le renseignement à travers l'utilisation des drones et
peut aussi accueillir des avions de combat et de patrouille maritime atlantique
2 ; la base de Gao dispose des forces terrestres avec un détachement
important d'hélicoptères, et la base de Ouagadougou compose le
groupement des forces spéciales Sabre, qui opèrent dans toute la
zone à partir de cette base arrière88. Ces
différentes bases sont accompagnées de deux points d'appui qui
sont installés dans des zones névralgiques, où la
présence des groupes terroristes est imminente. L'un est ainsi
situé dans la ville malienne de Tessalit et l'autre dans la zone de
Faya-Largeau au Tchad. Cette présence militaire française au
sahel (Carte n°2) consiste à « couper les Djihadistes de
leur base arrière en Libye »89 et à suivre
leurs itinéraires dans l'ensemble des
85 Le livre blanc, défense et
sécurité nationale, 2008, p.53.
86Ibidem
87J-D. Merchet, « La France réorganise son
dispositif militaire au Sahel autour de quatre bases »,
http://www.lopinion.fr/blog/secret-defense/france-reorganise-dispositif-militaire-sahel-autour-quatre-bases-8565,
consulté le 17/06/2015
88J-D. Merchet, op.cit.,
89Ibidem
régions du Sahel, du Sahara et dans la partie Maghreb.
Ce nouveau dispositif militaire français dans ces régions,
concorde avec le positionnement stratégique de la nouvelle
opération Barkhane90 dont l'arrière-cour se situe dans
trois pays: le Mali ; le Tchad et le Niger.
![](L-intervention-militaire-franaise-au-Mali-Essai-d-analyse-geopolitique4.png)
Carte 2: Réorganisation du dispositif militaire
français au Sahel
42
Cette carte de la réorganisation progressive des bases
militaires françaises traduit l'extension du dispositif militaire dans
l'ensemble de la région sahélo-saharienne et l'enjeu de
l'influence géopolitique de la France dans cette partie de l'Afrique.
Une telle permanence de la force française au Mali et
dans la région sahélo-saharienne, permet à l'Hexagone de
se repositionner durablement en tant que puissance dans cette partie de
l'Afrique. Ainsi, si l'on suit l'assertion de Y. Lacoste : « c'est par
les armées que les Etats exercent leur domination à
l'extérieur de leur frontières »91, et celle
de C.V.
90 Rapport ministère de la défense
française, Opération Barkhane, p.1-42.
91 Y. Lacoste, La géopolitique et les
rapports de l'armée et la nation, Paris, Hérodote,
n°116, 2005, p2.
43
Clausewitz : « la guerre n'est pas seulement un acte
politique, mais un véritable instrument politique, une poursuite des
relations politiques, une réalisation de celles-ci par d'autres
moyens»92, on peut affirmer que l'intervention militaire
française au Mali et par-dessus sa présence militaire permanente,
permettent à l'Hexagone de recadrer son influence politique dans ces
parties de l'Afrique.
3- Le recadrage de l'influence politico-diplomatique
française au Mali et dans la sous-région
Le repositionnement politique et diplomatique de la France au
Mali et dans l'ensemble des pays des régions sahélo-saharienne et
ouest-africaine, constitue également un enjeu géopolitique majeur
de l'intervention militaire française au Mali. En effet, à
travers cette intervention, la France recherche à rattraper son «
mauvais calcul stratégique »93,
conséquemment à son orientation géopolitique vers les pays
de l'Est et du Centre de l'Europe formés après de la dislocation
des blocs. Qualifié par A. Glaser et S. Smith94 sous
l'expression de désintéressement de l'Afrique par
l'Hexagone, ce détournement géopolitique de la France a
créé un vide qui a profité aux nouveaux pays en
quête d'une extension diplomatique. C'est ainsi que la Chine, l'Inde ou
encore le Brésil, se sont introduits dans les régions qui
constituaient les zones d'influence française, parmi lesquelles la
région sahélo-saharienne dont fait parti le Mali. Le vide
laissé par la France a ainsi favorisé, si l'on en croit P.
Guinant95, l'élargissement de la coopération de la
chine avec les Etats africains, notamment avec la multiplication des forums de
coopération Chine-Afrique F.O.C.A.C (Forum on China-Africa
Coopération). Ce rapprochement diplomatique dans les régions
autrefois dirigées par la France, s'accélère
également après les attentats du World Trade Center en 2001. Les
Etats-Unis ont, en effet, renforcé des relations diplomatiques avec
plusieurs Etats du Sahel, du Sahara et du Maghreb. De ce fait, les accords
sécuritaires des programmes Pan Sahel Initiative, Trans Sahara
Counter-Terrorism Initiative (TSCTI) ou encore l'USAFRICOM (commandement pour
l'Afrique) établit par Washington avec huit Etats de la région,
notamment l'Algérie, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger, le
Sénégal, le Tchad et la Tunisie, dénotent de la
pénétration d'une influence politico-diplomatique des Etats-Unis
dans ces territoires, qui étaient considérés comme des
fiefs diplomatiques de l'Hexagone. Les
92C-V, Clausewitz, De la guerre, Paris, les
éditions Minuit, 1984, p.67.
93 S. Loungou, Interview, op.cit.,
94 A. Glaser& S. Smith, Comment la France a
perdu l'Afrique, Paris, Hachette, 2006, p.111.
95 P. Guinant, La politique de la France en
Afrique Subsaharienne après les indépendances,
Mémoire de master, I.E.P Toulouse, 2013, p.44.
Etats-Unis développent, dans ces pays, une action
politique fondée sur la promotion de la démocratie et le
développement multiforme (économique, sécuritaire,
diplomatique et culturelle). Ce glissement diplomatique des Etats des
régions sahélo-saharienne, maghrébine et ouest-africaine
vers les Etats-Unis et les puissances émergentes, fragilise la
géopolitique française dans ces espaces africains. De ce fait,
l'enjeu du Quai d'Orsay à travers l'intervention militaire était
de réactiver et renforcer les relations diplomatiques, qui sont
restées un peu tièdes avec ces pays d'Afrique dont le Mali et le
reste d'Etats des trois régions citées ci-dessus ; il s'agit des
relations qui ont profité aux autres puissances. Ainsi, sur le plan
politique, la France recherchait, selon l'analyse de M-I. Kantô:«
à retracer le cercle de son influence face à l'influence
croissante américaine et chinoise »96. Dès
lors, le déploiement militaire français au Mali revêtait,
sur cet aspect, un double enjeu fondé non seulement sur le
repositionnement politico-diplomatique de la France dans cette partie de
l'Afrique, mais aussi sur la réduction de l'influence politique des
puissances émergentes et américaines. L'enjeu de l'intervention
tournait ainsi autour de la diplomatie française dans ces milieux et
à l'affaiblissement du glissement des puissances émergentes et
des Etats-Unis dans ces territoires africains autrefois dominés par la
France.
D'une façon générale, la France a
utilisé à sa guise le cadre juridique international et ses
accords militaires avec le Mali, pour assurer à son intervention
militaire, une couverture légale. Cependant, cette
`'légalité» ne dissimule pas assez les réels enjeux
de l'opération militaire française. En définitive, le jeu
d'alliance de l'intervention s'enchainait étroitement avec les
motivations non explicitement déclarées par les autorités
françaises lors de leur prise de décision d'intervenir
militairement. Ce flou entretenu avant, pendant et après cette
intervention, démontre que bien d'enjeux géopolitiques et
géostratégiques ceinturaient cette action militaire. On peut en
déduire que la France agissait, ainsi dans le conflit malien, en
alliée intéressée.
44
96 M-I. Kantô, op.cit., p.16-20.
45
Chapitre III : La France, une alliée
intéressée
Les territoires africains d'une manière
générale représentent depuis longtemps des espaces qui
démultiplient la puissance économique, politique et militaire de
la France. Afin de préserver ces acquis, les interventions militaires
sont devenues des modes opératoires de la France en Afrique. Ce
chapitre, qui s'appuie essentiellement sur la protection des ressources
stratégique et économique de la France dans la sous-région
et sa sécurité extensive, permet de comprendre cette logique.
Section1 : La protection des ressources
stratégique et économiques dans la sous-région
Cette section analyse trois facteurs qui permettent
d'expliquer la protection des ressources stratégiques par
l'opération Serval. Il s'agit de la sécurisation des
plates-formes pétrolières et minières(1), du maintien du
leadership économique de la France(2) dans la sous-région et de
la préservation du marché malien(3).
1- La sécurisation des plates-formes
pétrolières et minières françaises dans la
sous-
région
L'enjeu énergétique de la France dans la
région sahélo-saharienne a fortement influencé le
déploiement de la force militaire française au Mali. De ce fait,
le contrôle des lieux de productions d'hydrocarbures et minerais
constituait un enjeu majeur de l'intervention militaire française. En
effet, bien que la France n'ait apriori aucun intérêt au Mali sur
le plan énergétique, son intervention militaire ne tient pas
moins compte de cette problématique sur le plan de la sous-région
Sahélo-Saharienne. Cette sous-région dispose d'importantes
ressources pétrolières et minières qui sont sources de
profits des multinationales françaises et qui entrainent la convoitise
de plusieurs autres sociétés. Ainsi, au-delà de la lutte
contre les GAD qui déstabilisaient le Mali, l'enjeu de
l'opération Serval devenait également celui de prévenir
les enlèvements dans des multinationales d'exploitations minières
et pétrolières françaises, et surtout celui de
sécuriser les sites d'exploitations, qui sont éminemment
stratégiques pour la France. En effet, B. Van Auken97
soutient que, l'importance de l'uranium nigérien dans la production de
l'électricité et de l'énergie nucléaire
française amenait ainsi la France à mobiliser un important
dispositif militaire de l'opération Serval vers le Niger afin de
protéger
97B. Van Auken, la France envoie les troupes pour
sécuriser les mines d'uranium au Niger,
https://www.wsws.org/fr/articles/2013/jan2013/uran-j26.shtml,
consulté le 05/06/2015
46
les sites d'exploitation d'Areva à Imouraren, et Arlit.
Cet enjeu de l'Uranium fait dire à S. Lhomme, directeur de
l'observatoire du nucléaire français que, l'intervention «
n'était en rien une opération pour la démocratie au
Mali, mais il s'agissait plutôt de sécuriser l'approvisionnement
des centrales françaises en uranium »98 car,
l'extension du conflit au Niger serait un facteur de déstabilisation de
l'économie nucléaire de la France.
Outre la valeur stratégique du Niger, l'intervention
militaire française visait également la protection des sites
pétroliers et miniers de la Mauritanie, de l'Algérie et du Tchad.
En effet, ces pays abritent plusieurs entreprises d'exploitation
pétrolière dont la plus importante Total, se localise
particulièrement au Tchad et en Mauritanie. Les sites de minerais de Fer
de la Mauritanie et de gaz de l'Algérie étaient également
couverts par le déploiement de l'armée française. Cette
couverture militaire des ressources énergétiques indispensables
à la France démontre que l'intervention militaire
française allait au-delà des simples objectifs
énoncés par l'Hexagone. De ce fait, nonobstant les objectifs
humanitaires et sécuritaires du discours officiel français, il
peut être nécessaire d'affirmer que les enjeux de cette
intervention avaient une dominance énergétique, donc
stratégique.
Au-delà de la sécurisation des plates-formes
pétrolières et minières d'exploitation contre les actions
destructrices des groupes armés terroristes et djihadistes, la
préoccupation de la France est également celle du maintien de son
leadership économique dans une région sahélo-saharienne
convoitée par une diversité d'acteurs internationaux.
2- Le maintien du leadership économique dans les
régions sahélo-saharienne et ouest-africaine
Le positionnement économique de la France dans la
région sahélo-saharienne a également constitué l'un
des facteurs majeurs de l'intervention militaire française au Mali. En
effet, le Sahel devient l'une des régions de l'Afrique les plus
convoitées et qui aiguise les appétits économiques des
Etats-Unis et des nouvelles puissances naissantes parmi lesquelles la Chine,
l'Inde le Brésil et l'Afrique du Sud. Selon A. Glaser et S.
Smith99, ces différents pays mettent sous pression la France
dans cette région, où elle a quasiment évolué dans
une tranquillité absolue sans concurrence économique. De ce fait,
l'accès des nouveaux partenaires économiques des Etats se
trouvant dans les grands ensembles régionaux ouest-
98S. Lhomme, Une guerre au Mali et de l'Uranium au
Niger : des islamistes très utiles au pouvoir français,
observatoire du nucléaire, 2013,
http://observ.nucleaire.free.fr/guerre-mali-uranium-niger.htm
, consulté le 12/08/2015
99 A. Glaser& S. Smith, op cit.,
p.199.
103,
47
africain et sahélo-saharien, façonnent le
positionnement stratégique de la France dans cet espace, et
réduit considérablement les parts de marché qui
étaient facilement acquises à l'ancienne puissance colonisatrice.
En effet, en faisant une étude comparative sur les exportations et les
importations dans ces Etats, il ressort qu'en 2012, par exemple, l'influence
économique de la France a fortement chuté. Cette situation de
baisse d'influence se perçoit facilement en Côte-d'Ivoire
où le positionnement de la France en matière d'échange lui
a été défavorable. Cette question a fait l'objet d'un
rapport en 2013100. D'après celui-ci, la France, avec ses 6%
de taux d'exportation ivoirienne de cacao et de pétrole raffiné,
avait été supplantée par les Etats tels que les Pays-Bas
(8%), les Etats-Unis (7%) et le Nigéria (6.5%). Cette situation n'est
pas spécifique à la Côte-d'Ivoire car, au regard des
exportations de la filiale Fer de la Mauritanie101, la France a
également été reléguée en troisième
position soit 5% d'exportation derrière la Chine et l'Italie dont les
taux s'évaluent respectivement à 75% et 11%. Ce bouleversement
commercial dans la région Sahélo-saharien est également
palpable dans les pays qui, non seulement sont longtemps restés des
jardins de la France, mais aussi constituaient pour elle, des Etats à
haute valeur stratégique. C'est notamment le cas de l'Algérie
où, le rapport France-diplomatie démontrait que, la France a
perdu sa place de premier fournisseur (soit 11,4% de part de marché) au
profit de la Chine (12,4%)102. D'une manière
générale, les statistiques de l'économie françaises
ont été revues à la baisse en 2012 dans ces pays de
l'Afrique de l'Ouest et de la région sahélo-saharienne. Cette
situation économique de la France reflète les nouvelles relations
import-export entre les Etats de la CEDEAO et d'autres puissances depuis
quelques années. Selon S. Bio Garou et Y. Borgui
les exportations chinoises dans la CEDEAO
représentaient 130% de celles de la France en 2010. Le taux
d'exportations de l'empire du milieu s'élevait à 69% contre 26%
pour l'Hexagone, et les taux d'importation s'évaluaient à 68%
contre 25%. Cette nouvelle configuration géoéconomique de la
sous-région pose le problème de la perte du leadership de la
France dans ces régions.
Dès lors, en suivant l'affirmation de T. Routier :
« la guerre n'est pas totalement dissociée de l'économie
»104, l'intervention militaire devenait stratégique
pour maintenir,
100 Rapport économique France diplomatie, « Les
échanges commerciaux de la cote d'ivoire en 2013 »,
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-economique-et-commerce-exterieur/la-france-et-ses-partenaires/afrique-23517/article/niger-114224,
consulté le 08/08/2015
101 Rapport économique France diplomatie, « Les
échanges commerciaux de la cote d'ivoire en 2013 »,
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-economique-et-commerce-exterieur/la-france-et-ses-partenaires/afrique-23517/article/mauritanie-114224,
consulté le 08/08/2015 102Rapport économique France
diplomatie, « La France et l'Algérie »,
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/algerie/la-france-et-l-algerie/,
consulté le 07/08/2015 103S. Bio Garou & Y. Borgui,
L'état du commerce en Afrique de l'Ouest, rapport annuel Cacid,
2012, p70. 104 T. Routier, Guerre et économie : une relation
fusionnelle? »,
http://www.irenees.net/bdf_fiche-analyse-868_fr.html,
consulté le 01/08/2015
48
d'une part le leadership économique de la France dans
les sous-régions Ouest-africaines et sahélo-saharienne et,
d'autre part, renforcer les coopérations économiques, qui sont
fortement menacées par les pénétrations américaines
et chinoises dans ces milieux. Ainsi, au-delà de l'intérêt
sécuritaire tant clamé par la France, l'intervention militaire
avait également pour objectif, d'affaiblir particulièrement les
rivalités économiques des multinationales chinoises et
américaines. Car, affirme S. Berkouk : « Se maintenir sur le
continent s'avère nécessaire pour l'ancienne puissance coloniale,
qui voit ses liens historiques avec le continent
s'effilocher au profit d'autres puissances
économiques mondiales »105.
En plus du maintien
du leadership économique dans la région sahélo-saharienne,
la préservation du marché malien était également
l'un des enjeux importants de cette intervention militaire française.
3- L'enjeu du marché malien
Le Mali est devenu depuis ces dernières années,
l'un des Etats de la région sahélo-saharienne, qui suscite la
convoitise des puissances traditionnelles et émergentes du monde. En
effet, les nouvelles explorations pétrolières et minières
faites en 2010 par la compagnie pétrolière italienne ENI et
celles de 2011 réalisées par la société canadienne
PETROMA106, ont montré que le Mali possède d'immenses
gisements des ressources minières et pétrolières dans sa
partie septentrionale. Cette présence des ressources
énergétiques, a sans doute constitué l'un des enjeux
inavoués de l'engagement militaire français au Mali. Ce dernier
qui est longtemps resté en marge des grands enjeux économiques de
la France en Afrique (87e client de la France et 165e
fournisseur)107, devient l'un des Etats de la sous-région
à haute valeur stratégique. Dès lors, la France à
travers son intervention, rechercherait selon M-I. Kantô108
à se trouver une place dans la région du Sahel africain où
l'existence des grandes réserves a été confirmée et
se repositionner économiquement au Mali. De ce fait, affirmer que `'la
France n'a aucun intérêt économique au Mali», est
relatif en ce sens que le sous-sol malien (Tableau 2 ci-dessous) dispose
d'importantes ressources qui, non seulement intéressent la France, mais
aussi permettent à celle-ci de recadrer son économie, qui
périclite depuis ces dernières années. Ainsi, du fait de
la connaissance de ces multiples ressources
105S. Berkouk, Finances, intérêts
lutte d'influence: les enjeux économique de la Guerre au Mali, El
Watan, le 21/01/2013,
http://www.algeria-watch.org/fr/article/pol/mali/enjeux_economiques.htm,
consulté le 06/08/2015 106E. Studer, Mali un pays riche
en pétrole, en gaz et en mines d'or, 2013,
http://www.leblogfinance.com/2013/01/mali-un-pays-riche-en-petrole-en-gaz-et-en-mines-dor.html
, consulté le 20/07/2015
107E. Leveque, La France a-t-elle un
intérêt économique à intervenir au Mali ?,
janvier 2013, http/ /lexpansion.
lexpress.fr.outil/imprimer.asp
?id=1362313, consulté le 29/05/2015
108 M-I. Kantô, op.cit.,
49
minières et pétrolières, l'intervention
française devenait une nécessité en ce sens qu'elle aura
facilité la négociation des contrats d'exploitation de ces
ressources par les multinationales françaises. Dans ce sens,
l'intervention française au Mali apparait comme un type de soft
power dont la finalité serait de récompenser cette action
par des attributions de grandes parts d'exploitation de ces ressources.
Tableau 2:Le sous-sol malien
Ressources
|
Quantité estimable
|
Présence de la ressource
|
Situation
|
Or
|
|
Karan; Morilo; Yetala &Loulo
|
Sud& Ouest
|
Uranium
|
5000T; 200T
|
Falea
|
Nord
|
200T
|
Gao
|
Diamant
|
|
Kayes; Sikasso
|
Ouest; Sud
|
Minerais
|
|
|
|
Fer
|
2000000T
|
Djidian-Kenieba; Diamou& Bale
|
Nord & ouest
|
Bauxite
|
1500000T
|
kati &Bafing-Makan
|
Sud &Sud-ouest
|
Manganèse
|
|
Bafing-Makan; Tombidi &Tassiga
|
Ouest & Nord
|
Autres ressources
|
|
|
|
Diatomite
|
65000000T
|
Douna Behri
|
|
Pierre de Sel
|
53000000T
|
Taoudenni
|
Nord
|
Schiste de bitume
|
87000000T
|
Agamor; Almoustrat
|
Nord
|
Gypse
|
35000000T
|
Taoudenni
|
Nord
|
370000000
|
Tessalit
|
Plomb et Zinc
|
17000000T
|
Tessalit; Bafing Makan& Fafa
|
Nord & ouest
|
Cuivre
|
|
Bafing Makan& Outagouna
|
Ouest
|
Marbre
|
1600000T
|
Madibaya
|
Nord
|
Lignite
|
1300000T
|
Bourem
|
Nord
|
Zinc Kaolin
|
1000000T
|
Gao
|
Nord
|
Lithium
|
4000000T
|
Kayes
|
Ouest
|
Réalisation Ndong Saturnin ; Source :
Ministère des mines du Mali/
http://www.jmpmali.com/html/fourpagefive.html/,
2011, consulté le 20/08/2015
Ce tableau dresse les richesses du sous-sol malien. Ces
sources qui suscitent la convoitise de plusieurs multinationales
françaises ou autres, peuvent expliquer le déploiement militaire
français au Mali au moment où la France est confrontée
à la concurrence dans ses
50
zones d'influence. Les richesses mentionnées ci-dessus
notamment l'Uranium ; le pétrole et le Manganèse, ont une grande
valeur stratégique et économique pour la France.
D'après ce qui vient d'être dit, il est clair que
les enjeux de l'intervention militaire française au Mali étaient
pluriels. En effet, la protection des ressources stratégiques,
l'ouverture de la guerre économique vis-à-vis des puissances
émergentes, et le repositionnement de la France en tant que leader
économique de la sous-région, témoignent des ambitions
géoéconomiques non négligeables de cette intervention
militaire. Ces enjeux économiques sont couplés d'une dimension
géostratégique importante, notamment les enjeux de la
sécurité « extensive » de la France dans cette
sous-région.
Section2 : La sécurité extensive de la
France
Trois déterminants permettent de comprendre l'enjeu
sécuritaire de l'opération Serval. Il s'agit de la lutte contre
le terrorisme(1), la protection des ressortissants français(2) et
l'utilisation du Mali en tant que verrou stratégique(3).
1- La lutte contre le terrorisme et les trafics mafieux
La présence des groupes terroristes dans la
région sahélo-saharienne a constitué l'une des grandes
motivations du déploiement de l'armée française au Mali.
En effet, la France lutte depuis plusieurs années contre les groupes
terroristes et les trafics mafieux de tout genre, qui sont
perpétrés par ces différentes bandes armées
terroristes dans le monde et particulièrement au Sahel et au Sahara,
deux sous-régions qui constituent son proche voisinage. De ce fait, la
France craignant, à en croire le rapport de l'Assemblée
française de juillet 2014109, de voir se constituer un Etat
terroriste aux portes de l'Europe, a spontanément engagé une
intervention militaire au Mali dans le but d'empêcher ces groupes de
s'étendre dans son continent. Cette volonté de lutter directement
contre les groupes terroristes présents proche de la France et du
continent européen, trouve son essence dans le Livre Blanc de la
défense française de 2008 dans lequel il est inscrit que «
la France et l'Europe sont directement visées par le djihadisme et
ceux qui s'en réclament. Cette source de terrorisme demeurera pour de
longues années l'une des principales menaces physiques dirigées
contre l'Europe et ses ressortissants dans le monde»110.
Par conséquent, la question de la lutte contre le terrorisme dans
l'intervention militaire française au Mali répondait
d'après la description du nouveau Livre Blanc français
109Rapport Assemblée nationale
française, n°2114, 9 juillet 2014, p.112. 110 Livre blanc de la
défense française, 2008, p.49-63.
51
de 2013 à « une approche globale qui vise
à prévenir les risques en détectant et en neutralisant les
flux illicites en protégeant le territoire contre les intrusions
hostiles, et en développant le dispositif gouvernemental de lutte contre
la radicalisation ,
· protéger les espaces
particulièrement vulnérables, les réseaux de transport
aérien, terrestre et maritime ,
· et à anticiper les
évolutions de la menace en maintenant une avance technologique dans le
domaine de la détection des explosifs, des
télécommunications, »111 à travers
des réactions rapides d'intervention militaire. Car, la stratégie
de sécurité française embrasse aussi bien la
sécurité extérieure que la sécurité
intérieure112. Dès lors, les enjeux de
l'opération Serval étaient d'affronter efficacement les groupes
armés terroristes qui sillonnent l'arc de crise113 qui va de
la Mauritanie jusqu'en Somalie en passant par le Mali. Cette région
fortement militarisée par les groupes armés terroristes,
djihadistes et rebelles constituent une menace majeure114 pour la
sécurité de la France et l'Europe. Cette menace est non seulement
le fait de la mobilité de ces groupes terroristes entre pays et
même entre continent, mais aussi le fait du développement des
trafics multiformes allant de la drogue, aux trafics d'êtres humains.
En effet, selon A. Abdelkader115, le Sahel devient
une plaque tournante pour le trafic international de drogue. Cette vaste
sous-région dont le contrôle échappe souvent aux
autorités étatiques, est devenue depuis plusieurs années,
l'un des territoires de transit le plus importants du monde. Ainsi, selon
l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le Sahel et
l'Afrique de l'Ouest sont devenus des voix par excellence de flux de
stupéfiants en provenance de l'Amérique du Sud et de l'Asie vers
l'Europe116. Les Etats transitent majoritairement la cocaïne,
la marijuana et l'héroïne. Ces différents produits dont le
tonnage diffère, convergent dans plusieurs pays de l'Europe parmi
lesquels, la France. Cette dernière faisant de la lutte contre la
drogue, une priorité dans les livres blancs de la sécurité
et de la défense de 2008 et 2013, s'est employée à
réduire ces flux de transit à travers cette intervention. Avec le
basculement du Mali dans l'insécurité et le chaos de la Libye, le
trafic de stupéfiants à destination de l'Europe s'est accru.
Selon l'ONUDC, le transit en Afrique de l'Ouest est passé de 6,5tonnes
de cocaïne en 2009 à 18tonnes en 2012117. Cette
croissance du trafic fait des régions sahélo-saharienne et ouest
africaine, un « véritable `'hub» en matière
111 Livre blanc de la défense française, 2013,
p.104.
112 Livre blanc, 2008, p.63.
113 Idem, 2008, p.43.
114 Livre blanc, 2013, op.cit., p.43.
115 A. Abdelkader, Terrorisme et trafic de drogue au
Sahel, le monde, 2012,
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/07/19/terrorisme-et-trafic-de-drogues-au-sahel_1735046_3232.html
, consulté le 10/07/2015
116 G. Berghezan, Panorama du trafic de cocaïne en
Afrique de l'Ouest, GRIP, 2012, p.6.
117 Rapport du Sénat français, 3juillet 2012,
n°720
52
de trafics et de contrebande »118.
Ces régions deviennent des plates-formes commerciales de drogue en
provenance de l'Amérique du Sud, et de l'Asie. Cet état de fait,
qui constitue une source de menace pour les Etats européens et
particulièrement la France, était certainement inscrit dans les
priorités de l'intervention française, en ce sens qu'elle
permettait de réduire les flux de stupéfiants à
destination de l'Europe et de la France particulièrement.
Outre ce trafic de drogue, le Sahel est également
devenu un lieu idéal pour le trafic d'armes. En effet, selon M. Cuttier
: « 8millions d'armes, composées de fusils d'assaut, des
pistolets automatiques, des mitrailleuses, des canons anti-aériens et
des missiles antichars et sol-air circulent régulièrement chaque
année dans ce milieu»119. Ce trafic d'armes qui
s'est développé dans les régions du Sahel et du Sahara,
est entretenu par les bandes armées qui s'y trouvent et qui,
naturellement, échangent avec les groupes mafieux internationaux. Ce
trafic d'armes que combat la France, constituait sans doute l'une des
nombreuses zones d'ombres de cette intervention militaire. Car, la
réduction du trafic d'armes entraine inéluctablement
l'affaiblissement des groupes armés djihadistes au Mali et dans
l'ensemble de la région sahélo-saharienne.
Quant au trafic d'êtres humains, M.
Cuttier120 en identifie deux types régulièrement
pratiqués dans la région sahélo-saharienne. Le premier est
celui des migrants clandestins qui, passent par le Mali à Gao, le Niger
Agadez ou la Mauritanie. Cette forme de trafic fait transiter 120000 personnes
par an vers le continent européen. Le second type de trafic
d'êtres humains est celui des otages occidentaux détenus par les
groupes armés qui sévissent dans la région. Ces deux
formes de trafics menacent plusieurs Etats Occidentaux dont la France. La lutte
contre ses trafics d'êtres humains constituant un enjeu majeur de la
sécurité française dans cette sous-région, son
application dans cette intervention militaire constituait également l'un
des objectifs non déclarés par la France. Cette dernière,
visait sans doute, à briser stratégiquement à travers
cette OPEX, voire à fragiliser l'ensemble des réseaux de
contrebandes qui se sont déjà formés dans ces vastes
territoires. La carte ci-dessous présente les multiples formes de
trafics qui se pratiquent dans la région sahélo-saharienne,
à proximité des territoires européens.
118 Rapport Assemblée nationale, op.cit.,
p.25.
119 M. Cuttier, Les ressorts structurels de la crise au
Sahel, RES militaris, vol 3, n°3, 2013, p.4.
120 Ibidem,
53
Carte 3: Les trafics de drogue, d'armes et d'humains en Afrique
de l'Ouest et dans l'espace Sahélo-saharien.
![](L-intervention-militaire-franaise-au-Mali-Essai-d-analyse-geopolitique5.png)
Cette carte présente les réseaux de trafics
multiformes dans l'espace sahélo-saharien et en Afrique de l'Ouest. Les
flux de ces trafics sont de trois ordres : les trafics à destination de
la région, ceux en partance de la région vers les Etats
européens et, ceux qui se déroulent entre les Etats africains.
Ainsi cette carte montre une intense activité mafieuse dans la
région sahélo-saharienne, aux portes l'Europe.
Tous ces trafics qui ont un impact considérable sur la
France et l'Europe d'une manière générale, constituaient
l'un des problèmes auquel venait répondre l'intervention
54
militaire française au Mali. Ainsi, la lutte contre le
terrorisme et les trafics mafieux sous-tendait la nécessité de la
protection des ressortissants français au Mali et dans l'ensemble de la
région où, les prises d'otages étaient
récurrentes.
2- La protection des ressortissants français
L'espace sahélo-saharien, d'une manière
générale, et le Mali en particulier, constituent des foyers, qui
résorbent un effectif considérable des ressortissants
français. Cette importante implantation de la communauté
française au sein de cette sous-région étant
exposée aux représailles djihadistes, leur sécurité
a constitué l'un des mobiles de l'intervention militaire
française au Mali. En effet, dans le Livre blanc de la défense de
2008121, la protection de la population française aussi bien
interne que celle installée hors des frontières de la France,
constitue une priorité dans la stratégie de défense et de
sécurité de l'Hexagone. De ce fait, la présence des 6000
ressortissants français dans un territoire malien en proie à la
menace des groupes armés rebelles et terroristes, caractérisait
une grande préoccupation pour la France. Puisqu'ils sont devenus la
cible potentielle des actions des GAD, leur protection au Mali
représentait donc l'un des enjeux non négligeables de ce
déploiement militaire français. Cette défense des
ressortissants français allait au-delà du Mali et concernait
toute la région sahélo-saharienne (avec près de 70000
Français), qui constitue un espace fragile enregistrant, des prises
d'otages d'européens résidants ces pays. Ainsi, à travers
la Politique Européenne de Sécurité et de Défense
(PESD)122, l'intervention militaire française avait
également pour objet de défendre et de protéger les
communautés européennes présentes au Mali et dans la
sous-région.
Cette intervention militaire avait donc un caractère
géostratégique. Car, elle permettait de poursuivre la
stratégie dictée par le Rapport de l'Assemblée Nationale
Française de 2012 : « réduire le risque de nouvelles
prises d'otages au Sahel en mettant en place des outils de sécurisation
de la communauté française et de tous les Européens
» 123. Cependant, derrière la protection des
ressortissants français, se cachait la volonté de la France de
faire du Mali son verrou stratégique.
121 Livre blanc, 2008, op.cit., p.62.
122 Ibidem, p.84.
123 Rapport Assemblée nationale française,
n°4431, 6 mars 2012, p.60.
55
3- Le Mali comme verrou stratégique de la France
Le Mali fait parti d'un continuum d'Etats de la région
sahélo-saharienne dont les actions terroristes et djihadistes menacent
particulièrement la sécurité de la France et partant celle
de l'Europe toute entière, au regard de leur proximité. De ce
fait, le développement d'un islamisme radical dans ces territoires ; la
mise en réseau de ces groupes terroristes124 qui s'est
accompagnée depuis plusieurs années de la nouvelle
stratégie terroriste de déterritorialisation dont parle P.
Boulanger125, et la formation d'une base terroriste
sahélienne dans le proche voisinage de l'Europe, constituent
également autant d'éléments qui ont amenés la
défense française à se mobiliser sur le
théâtre malien. En effet, à travers cette intervention
militaire, la France visait à éviter ce que le Livre Blanc de la
défense française de 2008 qualifiait de « risque d'une
connexion d'attaques vers les territoires européens » 126 et
particulièrement le sien. Dès lors, l'enjeu du déploiement
militaire consistait à créer une profondeur stratégique
à la France. Il s'agissait pour la puissance hexagonale de concevoir un
intervalle conséquent à la menace terroriste, en empêchant
que ces différents groupes armés djihadistes du désert
sahélo-saharien se mettent aux portes de l'Europe. L'engagement des
troupes françaises au Mali, ambitionnait donc de faire du Mali un verrou
stratégique, en ce sens qu'en brisant le sanctuaire islamiste, qui se
constituait au Mali et en réduisant considérablement la
logistique (armes, véhicules etc.) dont disposaient les GAD, la France
aurait plus de facilité, non seulement à restreindre la
possibilité des terroristes à migrer vers les frontières
européennes, mais également la possibilité de
contrôler les réseaux djihadistes qui s'étaient
déjà implantés au Sahel et au Sahara. La construction d'un
verrou au Mali permet à la France de mettre son territoire hors de
portée des bandes terroristes du Sahel et de les combattre très
loin du territoire français.
Tout porte donc à croire que la France ne s'est pas
déployée au Mali pour des raisons diplomatiques, mais pour des
raisons à la fois économiques et stratégiques. Le Mali n'a
pas intéressé la France pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il
représente. En somme, cette intervention militaire ne
représentait qu'un camouflage des réelles motivations
géopolitiques et géostratégiques de la France.
124Livre blanc, 2008, p.43.
125 P. Boulanger, op. cit., p.205-206.
126 Livre blanc, op.cit., p.44.
56
Au terme de cette partie, nous retenons que l'engagement
militaire de la France dans le conflit malien a répondu à
plusieurs préoccupations, particulièrement la
déstabilisation du Mali et de la sous-région. Cependant, le cadre
juridique de cette intervention reste sujet à débat, en ce sens
que plusieurs contradictions y apparaissent. Il est clair que les motivations
de la France dépassaient le simple conflit malien et les simples
idées de sécurisation de l'Etat malien énoncés par
le président français, François Hollande. L'action
militaire française recherchait tout d'abord à sauvegarder les
intérêts de l'Hexagone au Mali et dans les régions
sahélo-saharienne et ouest-africaine, à étendre la lutte
de la France contre le terrorisme et, à sécuriser sa diaspora au
sahel. Ces différentes raisons ont amené la France à se
projeter sur le théâtre malien par une action militaire efficiente
et limitée dans le temps.
57
Deuxième partie : Du déploiement
militaire français aux stratégies de
sortie
de crise
58
Cette deuxième partie se penche sur le
déroulement de l'intervention française au Mali, qui était
menacé de tomber entre les mains des terroristes. Ceux-ci menaient leur
campagne militaire vers le sud du pays au niveau de la capitale Bamako. La
France décida de secourir militairement l'Etat malien, qui était
au bord d'un chaos. Ainsi, elle mit en place une opération armée
qui mobilisa les éléments de son armée, ainsi que ceux des
autres Etats de l'Occident. Il fut donc question de désorganiser et de
détruire les groupes rebelles et terroristes qui menaçaient le
Mali. La seconde préoccupation portait sur la réinstauration de
l'Etat de droit au Mali.
De ce fait, cette partie regroupe trois chapitres. Le premier
est consacré à l'intervention militaire : prodromes et
manifestations. Ce chapitre traite du déploiement de la France au Mali.
Le deuxième, les effets de l'intervention française et ses
limites. Il permet de cerner les conséquences et les insuffisances de
cette intervention. Le troisième chapitre examine Le
désengagement de l'armée française et les perspectives de
nouveaux rapports militaires entre la France et le Mali.
59
Chapitre I : L'intervention militaire : prodromes et
manifestations
La décision de la France de s'engager militairement
dans le théâtre malien a été
précédée de plusieurs procédures diplomatiques
complexes entre l'Etat malien, la France et les instances internationales. Ce
protocole diplomatique a vu apparaitre, à sa fin, la mobilisation d'un
dispositif militaire aussi bien de la France que ses pays alliés. De ce
fait, ce chapitre présente le déroulement de cette intervention
en évoquant deux principaux points: les démarches qui ont
présidées à l'intervention militaires et le
déploiement de l'armée française, en lui-même.
Section1 : Les démarches diplomatiques et
stratégiques
Cette partie situe les signes avant-coureurs de l'intervention
française au Mali. De ce fait, deux principaux éléments
permettent de l'analyser : la formulation de la demande malienne de
l'intervention militaire française(1) et vers l'opération
militaire(2).
1- La formulation de la demande malienne d'intervention
militaire française
La récupération des villes septentrionales du
Mali qui s'est accompagnée des exactions sommaires des militaires et des
populations, et la descente fulgurante des islamistes djihadistes au sud vers
la capitale Bamako, ont constitué des évènements majeurs
qui ont particulièrement inquiété les dirigeants maliens
et français quant à un éventuel chaos du pays. Fort de
cette crainte, le président intérimaire malien, Dioncounda
Traoré demanda à la France, à travers deux courriers
successifs datés du 9 janvier 2013, de procéder à des
frappes aériennes contre les rebelles et de «
dépêcher sur-le-champ des avions et des hélicoptères
afin de faciliter une contre-attaque de l'armée régulière
malienne contre les forces islamistes »127qui
menaçaient de prendre Mopti, située à quelques
kilomètres de la capitale Bamako et d'en utiliser l'aéroport.
Cette demande d'aide adressée à la France, annonçait
l'entrée en guerre de la France contre les GAD et un changement de
rapport de force sur le théâtre des opérations. Ainsi,
inquiète de la propagation des GAD dans l'ensemble du territoire malien
et de la généralisation du conflit dans tout le Sahel, la France
acceptait de déployer ces forces aériennes pour mettre un coup
d'arrêt à la campagne militaire des différents groupes
armés du Nord. Dans les faits, la France ne se contenta plus des
frappes
127V. Jauvert, &S. Halifa-Legrand, (février
2013), "Nouvel Observateur",
http://globe.blogs.nouvelobs.com/archive/2013/02/08/mali-histoire-secrete-d-une-guerre-surprise.html,
consulté le 20/05/15
60
aériennes telles que sollicitées par
l'autorité malienne, elle chercha également, témoigne M.
Galy128 à déployer des milliers d'hommes au sol, en
vue de mener un front direct avec les groupes terroristes. Cette sollicitation
du Mali démontre la faiblesse des Etats africains à
sécuriser totalement leur territoire, à se défendre contre
les éventuelles menaces et à résoudre eux-mêmes leur
propre crise. Pour certains spécialistes des questions de défense
comme J-F. Owaye, la demande malienne d'une intervention militaire
française révèle que, « la défense des
Etats africains est encore garantie par le parapluie militaire des
ex-puissances tutrices »129.
Cette interpellation malienne constituait l'une des voies
diplomatiques qui annonçaient les prémices d'une OPEX hexagonale
en terre malienne. En même temps, le Quai d'Orsay se préoccupait
de la résolution diplomatique de la crise auprès du conseil de
sécurité.
2- Vers l'opération militaire
Afin d'exclure toute idée d'ingérence militaire
dans son intervention au Malin, la France s'est d'abord engagée dans la
recherche d'une solution diplomation auprès de l'ONU et du Conseil de
sécurité(CS). En effet, usant de son poids diplomatique, le Quai
d'Orsay s'est engagé comme porte-voix du Mali, pour clarifier l'opinion
internationale sur l'agression armée dont fait l'objet cet Etat membre
de l'ONU, et démontrer la nécessité d'une intervention
militaire rapide du CS. A travers ces démarches, la France recherchait,
selon le Rapport de l'Assemblée Nationale française
rédigé en 2013130, une solution politique globale
à la crise malienne. De ce fait, se servant de sa posture de membre
permanent du conseil de sécurité, l'hexagone parvint à
faire passer trois résolutions, qui avaient pour but de normaliser la
situation du Mali. La première, qui est la résolution 2056,
adoptée en juillet 2012 par le CS, visait à trouver les moyens de
sortie de crise par une action politique. La seconde résolution 2071,
adoptée en Octobre de la même année, s'appuyait sur la
réflexion d'une opération militaire sous mandat du CS. Et la
troisième résolution 2085 de décembre 2012, autorisait,
pour une durée initiale d'une année, le déploiement de la
MISMA. Ces différentes résolutions adoptées par le CS
n'autorisaient en rien le déploiement d'un contingent militaire
français qui, pourtant, était sollicité par l'Etat malien,
confronté à une extrême violence des GAD.
'28M. Galy, (2013), op cit. p.78.
'29J-F. Owaye, Dynamique irénique et
convergence et convergence stratégique ou de l'essai d'une
cybernétique des défenses africaines, l'exemple de l'Afrique
subsaharienne post indépendantiste, in Revue de l'IRSH, vol.7,
2001
130Rapport Assemblée nationale
Française, (18 juillet 2013), n°1288, p.29.
En dépit de ces résolutions, aucune action
concrète ne fut décidée, et aucune mission d'interposition
ou de paix et de sécurité ne fut déployée sur le
théâtre d'opération, où le rapport de force penchait
en faveur des groupes armés djihadistes du Nord. Ces insuffisances de la
voix diplomatique à déployer rapidement un contingent militaire
pour stopper l'avancée des islamistes vers le Sud du Mali, ont
amené la France à organiser le déploiement de ses troupes,
en vue de répondre à la demande malienne d'intervenir
militairement. Cette position de la France outrepasse l'article 25 de Charte
des Nations-Unies qui exige aux membres « d'accepter et d'appliquer
les décisions du Conseil de sécurité
»131 et conforte l'idée de H.
Condurier132 selon laquelle, l'intervention française avait
été secrètement préparée.
Dès lors, la démarche diplomatique
française ne représentait qu'une voix qui amenait la France
à user de sa puissance militaire au Mali et à contourner toute
critique des grandes institutions mondiales. Ainsi, malgré les
décisions du conseil de sécurité, le déploiement de
l'armée française au Mali apparaissait irréversible.
Section2 : Le déploiement de l'armée
française
Trois éléments permettent d'analyser le
déploiement de l'armée française au Mali : la mobilisation
d'un contingent conséquent et le financement de l'opération (1),
l'intervention des pays alliés(2), et l'utilisation des territoires
africains comme base arrière de l'intervention militaire
française(3). La carte ci-dessous présente ce déploiement
militaire français.
61
131 Charte des Nations-Unies
132 H. Condurier, Les secrets d'une intervention,
Afrique magazine, n°329, 2013, p.51.
62
Carte 4: Déploiement de l'armée française au
Mali
![](L-intervention-militaire-franaise-au-Mali-Essai-d-analyse-geopolitique6.png)
La carte ci-contre illustre le déploiement des troupes
françaises sur les régions maliennes transformées en fiefs
des groupes armés djihadistes qui s'apprêtaient à
poursuivre
63
leurs actions vers le Sud. Elle évoque également
le coup d'arrêt que l'action française a apporté sur la
campagne militaire des différents GAD qui avaient déjà
colonisé le Nord.
1- La mobilisation d'un contingent conséquent et
le financement de l'opération L'intervention militaire
française au Mali a porté le nom de code de Serval. Il s'est agi
d'un important dispositif militaire comprenant plusieurs unités de
défense et de sécurité. La France l'a subdivisé par
ses propres moyens. Les missions l'opération de Serval qui consistaient,
à arrêter l'offensive islamique vers le Sud, chasser les groupes
djihadistes de toutes les villes du Mali et désorganiser en profondeur
leur structure de commandement et leur logistique, ont conduit la France
à opposer face aux groupes rebelles et terroristes en présence,
un « rapport des armes »133, dont les actions de
l'infanterie et l'artillerie français devaient facilement fragiliser
leur campagne armée.
? Les effectifs et les matériels militaires de Serval
En ce qui concerne l'infanterie, le dispositif de
l'opération Serval comptait les éléments à terre
des forces de défense française. La France a mobilisé des
forces spéciales, responsables du commandement des opérations
spéciales (COS), l'armée de terre issue du deuxième
régiment d'infanterie de la marine française, l'armée de
l'air, la marine nationale, les groupes de commandos parachutistes et de
groupes de commandos des montagnes. Ces différentes unités de
défense provenaient à la fois de la France et des forces de
pré-positionnement des pays africains, notamment des bases
opérationnelles avancées et des pôles opérationnels
de coopération à vocation régionale134. Cet
ensemble de soldats engendra un dispositif militaire conséquent. Si l'on
se réfère aux statistiques de l'Assemblée nationale
française135, le dispositif de l'opération Serval a
enregistré, 370 soldats de la marine nationale dont 120 marins en
moyenne avaient été mobilisés au combat à terre ;
250 autres travaillaient dans le ravitaillement de la logistique en mer ; 80
personnes composaient l'effectif de l'armée de l'air136 ;
5170 soldats composait le dispositif de l'armée de terre, parmi lesquels
12% provenaient des forces de pré-positionnement française en
Afrique. Le diagramme ci-dessous montre le dispositif de l'armée de
terre engagé dans l'opération Serval (Diagramme 2).
133C-V. Clausewitz, op.cit., 1984, p.311.
'34Rapport Assemblée nationale française
n°2114, 09 juin 2014, p16. '35Rapport Assemblée
nationale française n°1288,18 juillet 2013, p40. '36J-C.
Notin, op.cit., p.253.
64
Diagrammes 2: Effectif de l'armée de terre
française à l'opération serval
![](L-intervention-militaire-franaise-au-Mali-Essai-d-analyse-geopolitique7.png)
Les forces de défense de terre en provenance de la
France : Guépard et Génération force de France
Les forces de pré
positionnement de
l'opération Serval :
Epervier ; Licorne ;
FFG
(force françaises au Gabon
Source : Rapport Assemblée nationale
française n°1288_18juillet 2013, p.40 / Etat-major de
l'armée de terre
Ce diagramme présente la provenance des
éléments de l'armée de terre française
impliquée dans l'opération Serval et l'importance des bases de
pré-positionnement africaines dans le renforcement du dispositif de
l'armée de terre. Ces différentes forces disposaient d'une
importante logistique militaire.
En outre, l'artillerie déployée sur le
théâtre, les troupes françaises comptaient un important
matériel qui visait non seulement à supplanter la logistique des
GAD, mais également à imposer le rapport de force et des actions
robustes137, qui anéantissent les groupes terroristes. En
effet, la logistique militaire mise à disposition par la France se
composait d'un armement militaire puissant et sophistiqué 138
et des appareils déterminants pour le traitement de l'information.
L'opération serval disposait des véhicules et des camions
blindés d'infanterie, des engins blindés, des véhicules
logistiques pour le traitement de l'information, des pièces
d'artillerie, des engins du génie, des aéronefs et des drones.
Cet arsenal militaire mis à disposition par l'hexagone dans ce
théâtre d'opération où les affrontements
étaient d'une extrême violence, constituaient une base de
protection pour l'Etat malien dont l'armée présentait
véritablement des traits d'impuissance face aux groupes djihadistes.
Ainsi, près de 1400 appareils en rotation constituaient la base
logistique de l'opération Serval face aux insurgés djihadistes
préparés au combat et bien armé, affirme
137 Le monde, Comment la France est entrée en
guerre, n°37, février 2013, p.24-29. 138Rapport
Assemblée nationale française, n°2114, op. cit.,
65
Afrique Magasine139. Les détails de ce
dispositif militaire sont ainsi présentés dans le tableau
ci-dessous.
Tableau 3: Matériels majeurs déployés dans
le cadre de l'opération serval
Armée de
|
terre
|
|
Armée de l'air
|
|
Appareil
|
Type
|
Nombre
|
Appareil
|
Nombre
|
Véhicules blindés d'infanterie
|
VAB
|
252
|
Mirage 2000D
|
8
|
VBCI
|
Engins blindés
|
AMX 10 RC ERC 90
|
34
|
Boeing C135
|
7
|
Blindés légers
|
VBL
|
185
|
Hercules C130
|
2
|
PVP
|
Véhicules logistiques
|
PEB
|
173
|
C160 Transall
|
6
|
CLD
|
LOT7
|
KERAX
|
VTLR
|
TRM 10 000
|
Camions citernes et divers
|
CCP
|
376
|
Casa CN235
|
2
|
GBC 180
|
TRM 2 000
|
VLRA
|
Véhicules légers
|
P4
|
262
|
Rafale
|
6
|
SURF BLD
|
VLTT
|
Pièces d'artillerie
|
CAESAR
|
12
|
SA330 Puma
|
2
|
MO 120
|
Engins du génie
|
EGRAP
|
8
|
SIDM Harfang + GCS
|
3
|
Aéronefs
|
GAZELLE
|
17
|
JFACC AFCO
|
1
|
PUMA
|
TIGRE
|
PILATUS
|
Total
|
1319
|
|
37
|
Source : Rapport Assemblée nationale française
n°1288_18juillet 2013, p.40/Etat-major Armée de l'air de
terre
Ce tableau synoptique présente l'important dispositif
militaire qui avait été déployé dans
l'opération Serval au Mali. Il s'agit d'une logistique moderne de combat
terrestre et aérien fort de 1356 appareils militaires auxquels
s'ajoutent 58.000 munitions utilisées pendant les affrontements
terrestres.
139R. Michel, Afrique magazine, interview Jean
Yves Ledrian, n°329, 2013, p.48-50.
66
? Le financement de l'opération Serval
Au-delà du dispositif de combat, la France a
également engagé des ressources financières colossales
dans ce conflit. L'opération Serval a amené la France à
consentir d'importantes dépenses à hauteur de plusieurs millions
d'euros. Cet investissement qui permettait de supporter « les efforts
de l'arrière et du front »140, a augmenté
les dépenses militaires des opérations extérieures de la
France. En effet, selon J. Sotinel141, la dépense militaire
de l'opération Serval entre janvier 2013 et janvier 2014, a
été de l'ordre 646 millions d'euros sur les 1,25milliard d'euros
de dépense militaire extérieure de la France en 2013. Ce
financement de l'opération était destiné aux
indemnités du personnel, notamment les soldats ; aux frais de
fonctionnement courant (alimentation, télécommunications, soutien
au stationnement) ; aux coûts liés aux acheminements
stratégiques ; au transport ; et l'achat du carburant
opérationnel, et à l'achat des munitions.
Cet investissement français traduit ce que P-S.
Tibault142 appelle la perversion de la substitution de la
politique militaire française en Afrique. Car, la
sécurité des Etats africains comme le démontre le cas
malien, reste l'apanage des colonisateurs occidentaux au rang desquels la
France. Cette dernière démontre jusqu'alors qu'elle
représente un « parapluie militaire»143
qui garantisse la sécurité des Etats qu'elle a
colonisée. Pour autant, elle s'appuie sur ses alliés. Ces
derniers ont apporté un soutien à la France aussi bien
financièrement que logistiquement.
2- L'intervention des pays alliés à la
France
L'intervention militaire française au Mali a
entrainé la mobilisation de nombreux pays alliés à la
France et membre de l'ONU. En effet, après avoir informé le CS de
son action militaire, et mis ses partenaires devant le fait
accompli144, la France a bénéficié d'un
important soutien militaire et diplomatique de ses alliés. Plusieurs
Etats européens et américains, au départ retissants
à cette intervention militaire voire à l'idée d'un
déploiement des troupes au sol, se sont engagés aux
côtés de la France et lui y ont apporté un important
soutien logistique et financier qui lui a permis de renforcer son outil
militaire, puis d'alléger son investissement militaire.
L'opération Serval a reçu l'appui des Etats-Unis, du Canada,
de
140J. Lévi, Les sept traités de la
Guerre traduit du Chinois, Paris, Hachette littératures, 2008,
p.94.
141J. Sotinel, 1,25 milliard d'euros de
dépenses militaires extérieures en 2013,
http://bfmbusiness.bfmtv.com/france/1-25-milliard-deuros-depenses-militaires-exterieures-2013-640996.html,
consulté le 13/05/2015
142P-S. Tibault., Les évolutions
récentes de la coopération militaire française en
Afrique, Paris, publibook, 2007, p.52. 143J-F. Owaye,
Dynamique irénique et convergence et convergence stratégique
ou de l'essai d'une cybernétique des défenses africaines,
l'exemple de l'Afrique subsaharienne post indépendantiste, in Revue
de l'IRSH, vol.7, 2001
144Association Survie, (Janvier 2013), Les
zones d'ombre de l'intervention militaire française au Mali,
élément de contexte et d'explication », p.17.
67
l'Allemagne ; de Belgique ; de la Grande-Bretagne ; de
l'Espagne ; du Danemark ; de la Russie et des Emirats arabes unis. Ce dernier
allié ne figure pas dans les sources françaises du
ministère de la défense.
Ce déploiement de la communauté internationale
derrière l'opération Serval justifie de l'importance des enjeux
de cette intervention militaire française. Ainsi, profitant de cette
action française, les Etats occidentaux alliés,
particulièrement les Etats Unis et la Grande-Bretagne, se sont
mobilisés pour des raisons de lutte contre le terrorisme international
et sans doute pour préserver leurs intérêts dans l'ensemble
de la sous-région. Les Etats-Unis, « partenaire qui a depuis
longtemps laissé le soin à la France de restaurer l'ordre
occidental en Afrique »145, a particulièrement
fournis les données satellitaires et les renseignements146en
plus des avions, des drones et d'une subvention de l'ordre de 50 millions de
dollars. Le tableau ci-dessous indique le soutien des pays alliés
à la France.
Tableau 4: Apport logistique des pays alliés à
la France
Pays
|
Moyens
|
Disponibilité
|
Cadre de mise à
disposition
|
États- Unis
|
Soutien ISR (drones et avions de reconnaissance)
Transport aérien stratégique (trois C- 17
basés à Istres
Transport aérien tactique intra-théâtre
(deux C-130)
Ravitaillement en vol (trois KC 135)
|
Dès le 11 janvier
21/01 au 05/03 : 120 vols effectués entre Istres et
Bamako
Demande française Depuis le 25/01,
Etendu jusqu'au 31/08 (deux vols par jour en moyenne)
|
L'aide américaine fait l'objet d'une enveloppe
budgétaire
de 50 millions de dollars allouée par la Maison
blanche
le 11 février (Presidential draw down), qui
couvre les besoins français en transport
aérien et ravitaillement en vol. Le soutien ISR fait,
quant
à lui, partie de l'opération
JUNIPER MICRON,
conduite par AFRICOM au
Sahel sur une autre ligne budgétaire.
|
Canada
|
Transport stratégique (1 C-17 basé à
Istres)
|
du 13/01 au 03/04 : 79 vols effectués entre Istres et
Bamako Depuis 03/04, missions périodiques possibles selon besoin,
jusqu'au 15/06
|
Pas d'accord bilatéral
particulier. Soutien effectué à titre gratuit au
nom de la solidarité avec la France.
|
Allemagne
|
Transport aérien au profit de la
MISMA, puis élargi à l'opération Serval
(deux C160 puis trois a/c 18 février + un A310)
Ravitaillement en vol (un A310
MRTT).
Soutien indirect : prise en compte par l'Allemagne du soutien
aérien fourni par le détachement air de Douchanbé sur le
théâtre afghan (transport + MEDEVAC), afin de redéployer
les C160 français au profit de l'opération Serval.
|
À compter du 16 janvier
À compter du 4 mars
27 mars
|
C160 à titre gracieux, A310 via European Air
Transport Command (EATC)
Caveats: ni véhicules ou troupes
de combat, ni munitions, ni d'armement. Pas de
caveats.
NB : mandat voté au Bundestag
le 28 février (plafond de
150 hommes pour le soutien aux
opérations de transport aérien et
de ravitaillement en vol au Sahel
jusqu'à fin février 2014).
|
145N. Ténèse, les opérations
françaises au Sahel (2012-2013) : une mutualisation américaine
sous drapeau
français, p.12. 146 Ibidem
68
Belgique
|
Transport aérien tactique : deux C- 130
Moyen d'évacuation médicale : deux
hélicoptères Augusta 109
|
Du 18 janvier au 30 avril : 248 vols effectués
Du 29 janvier au 31 mai : EVASAN de blessés Maliens
|
Soutien bilatéral spontané, sans demande de
contrepartie financière
|
Danemark
|
Transport aérien tactique : un C-130J
|
Du 17 janvier au 15 mai 2013 : 208 vols effectués
|
Aucun caveat, hormis l'opt-
out PSDC (pas de participation à une
opération ou une mission UE).Soutien bilatéral spontané,
sans
demande de contrepartie financière.
|
Espagne
|
Transport aérien tactique et ravitaillement en vol (un
C130 stationné à Dakar) ;
|
Depuis fin janvier. Demande de prolongation en cours pour
disponibilité jusqu'à fin 2013.
|
Disponibilité au profit de
l'opération Serval, de la MISMA et EUTM, peut
être employé pour ravitaillement
en vol. Caveat : pas de missions de combat.
|
Pays-Bas
|
Transport aérien stratégique : un DC10
|
Du 08 au 14 février : 2 vols effectués.
|
Annonce initiale d'un financement via le mécanisme ATARES,
mais vols finalement pris en charge par les Pays Bas
|
Royaume- Uni
|
Transport aérien stratégique (deux C-
17 la première semaine puis un ensuite, basés
à Évreux) ISR (un avion Sentinel basé à
Dakar)
Transport maritime : un bâtiment Ro- Ro
|
Du 13/01 au 21/04 : 52 vols
effectués
du 22/01 au 24/05
1 mission effectuée
entre Toulon et Dakar
du 6/03 au 12/03
|
Pas d'accord bilatéral
particulier. Soutien effectué à titre gratuit au
nom de la solidarité avec la France.
|
Source : Assemblée nationale n°1288, 18juillet
2013(Ministère de la défense française)
Ce tableau décrit le déploiement l'arsenal
militaire étranger et témoigne de la contribution de plusieurs
acteurs occidentaux dans l'opération militaire menée au Mali par
la France.
Cette implication matérielle et financière des
pays alliés a favorisé le renforcement logistique de
l'intervention militaire française au Mali. En revanche, de nombreux
autres pays, notamment le Japon et le Maroc et les institutions internationales
dont l'Union européenne ; l'OTAN ; les Nations-Unies, l'UA etc.,
à défaut de financer ou d'apporter de la logistique à la
France, ont usé de la voie diplomatique pour la soutenir et l'encourager
au combat contre les djihadistes et les terroristes.
Bien qu'en ayant pas combattu sur le front de guerre, les
apports logistiques financiers et diplomatiques des alliés à
l'opération Serval ont permis une intensification de l'action militaire
française au sol et ont aidé la France à mener une
opération efficace.
Au-delà de l'implication des alliés
internationaux, la France a également impliqué les Etats
africains dans sa stratégie d'affrontement contre les rebelles et les
groupes terroristes au Mali : les pays africains ont servi d'appui aux actions
menées sur le sol malien et dans les airs par l'armée
française. Les territoires africains constituaient des
bases-arrière à l'opération Serval.
69
3- Les territoires africains comme base arrière de
l'intervention militaire française
L'opération militaire de la France s'est appuyée
sur plusieurs Etats frontaliers du Mali pour le transfert du matériel
militaire vers le théâtre. En effet, pour pallier l'enclavement de
l'Etat malien et l'exiguïté de son infrastructure
aéroportuaire, les Etats voisins, frontaliers ou non, ont
été transformé en plates-formes de transit de la
logistique, d'acheminement des troupes vers les lieux d'affrontement, de
ravitaillement du matériel militaire sur le front. Ces territoires
africains devenaient ainsi que le nomme J-F. Owaye147, des points
d'appui stratégiques pour accueillir les équipements militaires
français, qui arrivaient par voie maritime ou par voie aérienne.
Ainsi, le Sénégal, le Niger, le Burkina-Faso et le Tchad ont
été des bases stratégiques sur lesquelles la France s'est
appuyée pour relancer ses opérations sur le front.
S'agissant du transport de la logistique par voie maritime, le
Sénégal fut transformé en interface entre la France et le
théâtre malien. En effet, le port de Dakar recevait toute la
logistique que la France acheminait par la mer. Selon le Ministère de la
Défense française148, les trois affrètements
maritimes DIXMUDE ; MN EIDER et Louise RUSS, en provenance de l'Istres en
France, avaient stocké au port de Dakar, un dispositif militaire de 9170
tonnes, comprenant des véhicules, des engins de génies et des
munitions. C'est donc à partir de ce port que le matériel
militaire convoyait par voie terrestre vers la partie septentrionale du Mali,
où se déroulait l'opération Serval.
La France s'était également servie des bases
aéroportuaires des territoires voisins du Mali pour alimenter
l'opération Serval. En effet, en dépit de l'aéroport de
Bamako, les espaces aéroportuaires d'Ouagadougou, de Niamey, de Dakar et
de N'Djamena ont servi de tremplin à cette opération militaire.
Ces aéroports avaient permis à la France de réaliser un
« acheminement stratégique »149 en
provenance des bases aéroportuaires françaises de Pau et
d'Evreux. Ainsi, durant l'opération, 18500 tonnes de matériels
militaires transitaient par ces différents ports africains avant leur
utilisation sur le théâtre.
A cette utilisation des sites portuaires et
aéroportuaires, l'intervention française s'appuyait
également sur les Etats africains dotés des bases de
pré-positionnent. Ces dernières offraient une plus-value à
l'opération française. Ainsi, les bases situées en
Côte-d'Ivoire, au Tchad et au Gabon, ont fournis un important dispositif
militaire dans cette opération. Le matériel militaire en
provenance du Gabon et de la Côte-d'Ivoire se composait de trois avions
militaires parmi lesquels deux C160 Transall et un Casa CN235, et du Tchad, on
avait trois
147J-F. Owaye, La sécurité
nationale gabonaise, Introduction par les textes (1958-2000), Libreville,
Presses Universitaires du Gabon, 2010, p.222.
148Dossier de presse, ministère de la
Défense française, 2013, p.8.
149 Dossier de presse, ministère de la Défense
française, op.cit.,
70
mirages 2000D, deux mirages F1 CR, un avion Hercules C130 et
deux avions militaires de transports de type Boeing C135 et C160transall. Tous
ces appareils étaient utilisés, soit pour le transport de la
logistique et des soldats, soit pour le combat aérien. Cette
exploitation des espaces portuaires et aéroportuaires des pays voisins
du Mali et de l'utilisation des sites de pré-positionnement
français durant les premières phases de l'opération
Serval, démontre combien les territoires africains occupaient une
position stratégique dans l'aboutissement de cette action militaire. Ces
territoires servaient donc d'arrière-cour à l'armée
française en guerre au Mali.
Au regard de tout le dispositif militaire français
déployé sur le théâtre malien, il est clair que
l'objectif de l'armée française était de
déstabiliser les groupes armés rebelles et terroristes et
détruire leur implantation. Il reste à savoir si cet objectif
global a été atteint et quels ont été les autres
effets de l'intervention militaire française.
71
Chapitre II : les effets de l'intervention militaire
française et ses limites
Le déploiement de l'armée française au
Mali a occasionné plusieurs effets, aussi bien sur le
théâtre, que dans la socio-politique malienne. De ce fait, ce
chapitre analyse les conséquences de l'intervention militaire et ses
insuffisances en s'appuyant sur deux domaines illustratifs: le domaine
militaro-humanitaire et, le domaine socio-spatial. Cet examen, nous permettra
d'envisager les limites de cette intervention armée de la France au
Mali.
Section1 : Les effets militaro-humanitaires et
socio-spatiaux
Cette section se focalise essentiellement sur trois champs
pour comprendre les effets de l'intervention militaire française. Il
s'agit des champs militaire (1), humanitaire (2) et spatial(3).
1- Les effets militaires de l'intervention
L'intervention militaire française au Mali a
déstabilisé sur le front, l'ensemble des groupes armés
rebelles et terroristes de la partie septentrionale de l'Etat malien. En effet,
cette OPEX qui a stoppé les manoeuvres djihadistes et leurs
avancées vers le sud, se présente comme un succès
militaire de la France. A travers cette opération, la France avait ainsi
empêché la « contagion du conflit
»150 vers d'autres Etats de la région
sahélo-saharienne, et avait également anéanti le
dispositif militaire des groupes rebelles et terroristes installés dans
le septentrion. Cet anéantissement des insurgés avait permis
à la France d'empêcher la constitution d'un « djihad
globalisé »151 au sahel et l'instauration de la
charia voire le sécessionnisme de l'Azawad. L'action militaire
française avait entrainé ce que P. Gros, J-J. Patry et N.
Vilboux152 qualifiaient de mécanisme de défaite
des groupes armés djihadistes. Ce mécanisme consistait
à affecter les efforts des insurgés sur le théâtre
d'opération et au niveau tactique à travers le principe
d'attrition et de décapitation ; principe qui recommandait une action
française de destruction massive du matériel et
l'étouffement des différentes katibas.
Sur les plans récupératif et destructif, les
effets de l'intervention militaire française se résument à
la saisie et à la destruction du matériel des groupes
armés. En effet, selon les
150 P. Hugon, Géopolitique de l'Afrique,
2e édition, Paris, éditions SEDES, 2009, p.146.
151 J-C. Notin, op. cit., p.565.
152P. Gros, J-J. Patry, & N. Vilboux, Serval :
bilan et perspectives, Fondation pour la recherche stratégique,
n°16, 2013, p.10.
72
statistiques du ministère de la Défense
française153, environ 160 bâtiments et
dépôts logistiques et 120 véhicules appartenant aux groupes
terroristes ont été détruits. Cette destruction s'est
accompagnée d'importantes saisies de 220 tonnes de munitions (dont 30
tonnes reversées aux FAMA), 1 300 grenades , 1 000 roquettes , 7 700
obus, 500 mortiers, 200 mines et engins explosifs improvisés, 20 bombes,
100 fusils, 150 mitrailleuses, 30 roquettes, 20 mortiers, 20 canons et 3
missiles SA7 et des matières actives composées de 12 tonnes de
nitrate d'ammonium.
Cette saisie s'est accompagnée de la
récupération par les soldats français, de nombreuses
villes anciennement occupées par ces différentes factions
rebelles et terroristes. A cet effet, la perte de la totalité des
localités sous contrôle des groupes djihadistes et le «
fractionnement des katibas »154 ont également
constitué des victoires majeures de l'opération Serval. En effet,
le rapport de force et le rapport d'armes imposés par l'armée
française aux différents groupes du Nord, durant les
premières phases de l'opération serval avaient abouti à la
récupération des principales villes du Nord Mali, parmi
lesquelles Gao, Tombouctou et Kidal, et des villes secondaires dont Tessalit et
Aguelhok. Ces libérations qui se succèdent à la «
neutralisation de leaders clés »155 comme Abou
Zeid responsable du groupe AQMI, ont amené les factions armées du
Nord à se scinder en « groupuscules moins influents et moins
opérants sur le territoire»156.
Au regard de ce qui précède, il ressort que
l'intervention militaire française a véritablement diminué
la capacité de nuisance des groupes rebelles et terroristes, qui
dominaient le nord du Mali. Cet affaiblissement des GAD, qui s'est
matérialisé par la récupération des villes
occupées, traduit la victoire des soldats français car, à
en croire Clausewitz, « la destruction des forces armées de
l'ennemi est le principe suprême de la guerre, et la voie principale vers
le but pour tout ce qui concerne une action positive »157,
donc la victoire.
Au-delà de ces différentes actions militaires,
l'intervention française a occasionné des conséquences
humaines et humanitaires multiformes.
153 Dossier de presse, ministère de la défense
française, p.8.
154 P. Gros, J-J. Patry, & N. Vilboux, op.cit.,
p.10.
155 Ibidem
156 Ibidem
157 C-V. Clausewitz, op.cit., p.279.
73
2- Les effets humains et humanitaires de l'intervention
L'intervention française au Mali a été
marqué par un impact humanitaire considérable à la fois
sur les troupes françaises, les GAD et sur l'ensemble des populations de
la partie septentrionale du Mali.
Sur le premier point, plusieurs pertes en vies humaines et
d'importantes blessures ont été enregistrées lors des
affrontements. En effet, durant les trois phases de l'action militaire
française, 7 soldats français sont tombés sous les balles
des insurgés islamistes et 20 autres ont été
grièvement blessés158. Ces pertes traduisaient
l'importance du rapport de force sur le terrain. Rapportées à la
politique de « Zéro mort
»159développée par les Américains et
les Européens, pour épargner la vie des soldats et mener une
guerre technologique, les pertes enregistrées par l'armée
française au cours de l'opération Serval constituent, pour la
France, une importante catastrophe.
Outre les soldats français, l'impact humain de
l'intervention militaire française concerne également les
insurgés (rebelles et terroristes). Durant l'opération Serval,
plusieurs djihadistes ont perdu leur vie sur le théâtre de guerre.
Ces derniers ayant subi les frappes aériennes et les combats au sol,
sont tombés par centaine au cours de cette guerre. Selon les sources
officielles, 600 à 1000djihadistes160 ont été
tués ; 600 ont été neutralisés et 340 autres
combattants161 s'étaient faits prisonniers de guerre au cours
de cette intervention militaire. Ces différents chiffres qui, en
réalité, n'étalent pas toute la réalité de
ce terrain de guerre, démontrent néanmoins de la rugosité
des affrontements armés.
En plus des belligérants, les conséquences de
l'opération Serval sur le plan humanitaire tiennent aussi aux processus
migratoires des populations, qui se sont produits pendant les affrontements
militaires. En effet, ces derniers ont accéléré le
déplacement des populations qui avaient déjà
été entamé lors de l'occupation de la partie
septentrionale malienne par les GAD. Le Haut-Commissariat des refugiés
de l'ONU162, estimait que l'intervention française au Mali a
provoqué une importante vague de mobilisation des populations aussi bien
internes qu'externes. Craignant les raids aériens et les affrontements
au sol, les populations s'orientaient vers les pays frontaliers au Mali. Ainsi,
au cours des
158Dossier de presse, ministère de la
défense française, p.7.
159Capitane G. Dupire, Il faut achever le
zéro mort,
http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/04/13/il-faut-achever-le-zero-mort_1685470_3232.html,
consulté le 15/05/2015
160 J-C. Notin, op.cit., p.563.
161S. Legrand, &V.Jauvert, (2013), MALI. Les
secrets d'une guerre éclair
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130607.OBS2446/mali-les-secrets-d-une-guerre-eclair.html,
consulté le 19/05/2015
162H. Caux, &W. Spindler, (1er
février 2013), Les réfugiés continuent à fuir
l'offensive militaire au Mali ; perspectives mitigés pour le retour des
déplacés,
http://www.unhcr.fr/510bdf27c.html,
consulté le 28/06/2015
74
affrontements, le nombre de réfugiés maliens au
Burkina-Faso s'estimait à 5411 personnes163, contre 9904
individus en Mauritanie, au camp de réfugiés de M'béra.
Cette action militaire française dans le septentrion malien a
occasionné d'une manière générale, une
mobilité de 230000 déplacés à l'intérieur du
Mali et 150000 réfugiés maliens en Mauritanie, au Niger, au
Burkina-Faso et en Algérie. Le Haut-Commissariat aux
Réfugiés estime que cette vague migratoire des populations a
posé `'des problèmes d'alimentation et de logement chez les
déplacés et les réfugiés. Ces effets
caractérisent l'impact humanitaire négatif de cette intervention
militaire sur les populations.
En plus des conséquences humanitaires, le
déploiement militaire français a également
occasionné une importante modification de l'architecture
paysagère du territoire dans lequel se déroulaient les
affrontements.
3- Les effets socio-spatiaux
L'opération militaire française Serval a
fortement modifié l'architecture spatiale des villes et a
entrainé d'importantes pertes des civiles, ce que nous appelons `'effets
socio-spatiaux. Plusieurs bâtiments et habitats ont été
décimés pendant l'offensive française au Mali. De ce fait,
en ciblant les espaces occupés par les GAD, les frappes aériennes
et terrestres françaises ont causé d'importants
dégâts matériels dans les villes qui constituaient les
quartiers des groupes armés djihadistes. Ainsi, selon l'agence
française de presse, les premiers bombardements des forces militaires
françaises ont entièrement détruit le commissariat de Gao,
le port et l'usine de pêche de la ville de Kona, plusieurs bâtisses
administratives et des habitations. Ces, frappes aériennes de
l'armée française ont également entrainé la perte
en vies humaines des populations maliennes du Nord. Dès lors, la ville
de Kona dans laquelle les raids se sont multipliés et les affrontements
au sol s'intensifiaient, a payé d'un lourd tribut. Cette ville a perdu,
durant les premières phases de l'intervention, 11 civils164,
péris sous les tirs de Serval.
A travers toutes ces pertes, il ressort que l'intervention
militaire française a eu un impact considérable sur les villes du
Nord et sur les populations qui y vivaient.
163 H. Caux, &W. Spindler, op.cit.
164D. Thiénot, Mali : Dans la ville
libérée de Kona ; `'chacun cherche sa tête'', 2013,
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/mali-dans-la-ville-liberee-de-konna-chacun-cherche-sa-tete_1214125.html,
consulté le 24/05/2015
75
Ces différents effets, que présageaient les
opinions africaines et certains français ont suscité plusieurs
réticences à l'égard de cette intervention militaire. Ce
qui soulève la question des limites de cet engagement militaire de la
France.
Section 2 : Les limites de l'intervention militaire
française
Cette section examine les différentes insuffisances de
l'intervention militaire française au Mali. Pour y voir plus clair, nous
focalisons l'attention sur les polémiques nées de cette
intervention militaire(1) et l'approximation de la phase dite de
démilitarisation(2).
1- Une intervention non unanime et à charge de
contestation
Le déploiement militaire français a
entrainé de vives oppositions dans les sphères politiques
françaises et africaines. Cette intervention a fait l'objet de plusieurs
contestations du fait qu'elle ait été perçue comme une
nouvelle ingérence française en Afrique.
Du point de vue de l'opinion politique française,
plusieurs responsables se sont opposés à cette intervention
militaire. Cette dernière dont le débat a intégré
l'Assemblée Nationale cinq jours après les premières
frappes aériennes de l'opération Serval, a fait éclore une
division entre divers groupes de la première chambre parlementaire
française. Ainsi, tout en reconnaissant à l'exécutif le
droit de décision en matière d'interventions militaires, puisque
le chef de l'Etat est également le chef des armées165
et le seul garant de l'indépendance nationale, de
l'intégrité territoriale et du respect des
traités166, les partis politiques de l'opposition tels que
l'Europe Ecologiste des Verts et la Gauche Démocrate Républicain
(GDR), ont clairement rejeté cette intervention militaire
française. Ce refus de coopération à cette OPEX du Mali, a
été exprimé par le député écologiste
Noel Mamère comme un éventuel retour aux «
méthodes anciennes de Françafrique»167.
Cette thèse sur l'ambigüité de l'intervention
française, est partagée par plusieurs députés qui
voyaient en cette action militaire, la pire des solutions à envisager en
vue d'arrêter le conflit. De ce fait, le député GDR (Gauche
Démocrate et Républicain), François Asensin,
déclarait : « Soyons lucides : cette intervention n'apportera
pas à l'État malien la stabilité, pas plus que la
démocratie, elle n'en est qu'un préalable. La guerre est toujours
la pire des solutions, la plus incertaine. Rien ne nous assure que cette
intervention ne se termine pas par un échec, de
165Constitution française, article 15
166 Ibidem, article 5
167Libération,
L'intervention militaire française au Mali salué par
l'Opposition,
http://www.liberation.fr/monde/2013/01/11/les-politiques-reagissent-a-l-intervention-francaise-au-mali_873444
, consulté le 12/07/2015
76
lourdes pertes humaines et des déflagrations en
cascade dans l'ensemble du monde musulman»168.
En revanche, le Parti Socialiste (PS) au pouvoir, et plusieurs
groupes de l'opposition française, notamment le Front National(FN), les
Centristes et les Républicains (ancienne UMP), ont fermement soutenu
cette intervention militaire française tout en la considérant,
dans les termes de l'ancien président de l'UMP, J-F Copé, comme
« la défense des valeurs de la République
française et la lutte contre le terrorisme, le djihadisme et la
haine»169. Ces divergences d'idées, au sein de
l'Assemblée, ont fragilisé l'action militaire française.
Ainsi, le manque d'unanimité politique a réduit la
légitimité de cette opération militaire française
au Mali.
Outre les contestations françaises, le
déploiement hexagonal au Mali a également divisé l'opinion
politique africaine. Les dirigeants Ouest-africains, inquiets de la contagion
du conflit dans leurs différents Etats, ont tous soutenus l'action
militaire de la France. Cet indéfectible soutien qu'assurait le
président sénégalais Macky Sall en reconnaissant que
« Sans les Français, les islamistes seraient à Bamako et
menaceraient toutes les capitales de la région
»170, avait également été
prononcé par la présidente de la Commission de l'Union Africaine
Nkossana Dlamini-Zuma et l'ancien président de cette institution, le
Premier ministre éthiopien, Hailemarian Desalegn.
Malgré ce soutien majoritaire des Africains, l'Egypte
et la Tunisie avaient formellement rejeté cette intervention militaire.
En effet, les anciens dirigeants de ces deux Etats (Moncef Marzouki et Mohammed
Morsi), préconisaient une « solution politique
négociée »171 entre les acteurs du conflit.
De ce fait, s'insurgeant contre le déploiement du contingent militaire
français, l'ancien premier ministre tunisien, Rafik Abdelsallem
déclarait : « les problèmes en Afrique doivent
être résolus dans un cadre africain »172.
Dès lors, l'intervention militaire française apparaissait comme
une action qui avait pour seul effet, « d'attiser les conflits
»173 dans la sous-région.
Au regard de ces divergences, il en ressort clairement que
l'intervention militaire française au Mali n'avait pas été
perçue comme une solution objective, qui pouvait enrayer les actions
rebelles et terroristes, qui secouaient le Mali. Cette action militaire
apparait, ainsi,
168 Rapport Assemblée nationale française, janvier
2013, op.cit., p.18.
169Rapport Assemblée nationale
française, session ordinaire 2012-2013, compte rendu intégral,
p.8.
170P.Airault.,&G.Dougueli. , Union Africaine :
une leçon malienne,
http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2717p024_027.xml0/,
consulté le 10/04/2015, consulté le 18/05/2015
171G. Malbrunot, Tunisie Qatar et Egypte contre
l'action française au Mali 2013,
http://www.tunisie-secret.com/Tunisie-Qatar-et-Egypte-contre-l-action-francaise-au-Mali_a287.html
, consulté le 24/02/2015
172G. Malbrunot, op.cit., 173 G. Malbrunot,
op.cit.
77
comme un néocolonialisme de l'Hexagone en terre
africaine. Aux divergences enregistrées au cours de la mobilisation
militaire française au Mali, s'ajoutent les problèmes de
démilitarisation, qui constituaient également une
véritable difficulté de cette action militaire
française.
2- Une intervention à démilitarisation
approximative
L'une des insuffisances majeures de l'intervention militaire
française a été son incapacité à
éradiquer la circulation d'armes et des groupes terroristes au sein du
territoire malien. En effet, l'opération Serval avait entrainé la
dispersion des insurgés islamistes lourdement armés dans
l'ensemble des villes septentrionales. Ces derniers, après leur «
retrait tactique »174 dans les trois villes les plus
ciblées par l'armée françaises (Tombouctou, Gao, Kidal),
procédaient à un « transport des stocks d'armes les plus
importants vers les régions plus modestes et moins visibles
»175. Ce mode opératoire que J-P.
Rémy176 qualifiait de stratégie d'évitement
des groupes terroristes, a d'avantage entrainé une
dissémination d'armes que les militaires français n'ont pu
malheureusement contrôler. Ainsi, si l'on en croit aux estimations de
J-C. Notin177, 500 à 800 djihadistes sont restés en
état de nuire à la fin de l'opération Serval. Ces groupes
armés terroristes dont l'action militaire française n'a pu
définitivement éradiquer, traduit, corrélativement, une
importante présence d'armes qui circulent encore à
l'intérieur du Mali, malgré l'opération Serval.
Au regard de ce qui précède, l'opération
Serval apparait approximative, en ce sens qu'elle n'a pas détruit
l'ensemble des groupes terroristes, elle les a simplement anéanti. En
cela, ce déploiement militaire n'a pas totalement été une
réussite, dès lors que les mêmes causes peuvent produire
les mêmes effets. La liberté des centaines d'islamistes qui
détiennent toujours des armes, constitue l'une des limites de cette
intervention. Elle explique la non-effectivité de la
démilitarisation des groupes djihadistes par les troupes
françaises.
Au-delà de la libération des villes maliennes,
qui étaient sous le joug djihadiste, l'intervention militaire
française a été marquée par un lourd bilan
humanitaire et une incapacité à décimer totalement les GAD
qu'ils combattaient, du fait de la rugosité du théâtre des
opérations. Ces situations ont conduit la France à
précipiter l'arrêt de son action militaire, tout en faisant place
aux forces onusiennes.
174Le monde, n°37, op.cit.,
p29-30.
175 Ibidem
176 J-P. Remy, le monde diplomatique, n°37, 2013,
p.29-30.
177 J-C. Notin, op. cit., p.564.
78
Chapitre III : Le désengagement de
l'armée française et les perspectives de nouveaux rapports
militaires entre la France et le Mali
La mise en place d'une force internationale onusienne et le
recul significatif des actions terroristes dans l'espace septentrional du Mali,
ont amené la France à retirer du terrain ses militaires. Pour
mieux le comprendre, le présent chapitre analyse le remplacement de la
force militaire française par les troupes onusiennes, le retour à
l'ordre constitutionnel au Mali ainsi que les réformes de la
coopération militaire franco-malienne.
Section1 : Le remplacement de la force militaire
française et l'engagement des troupes onusiennes
La fin de l'intensification des affrontements et le retour de
la stabilité sur le territoire malien, ont amené la France
à annoncer la fin de son action militaire à travers la
démobilisation des soldats sur le théâtre et leur
retranchement du Mali. Pour mieux le comprendre, cette section analyse le
processus de remplacement des forces armées françaises(1) aux
forces onusiennes de paix et de sécurité, l'intervention de
l'ONU(2) dans le conflit, et la conversion de la force militaire
française de Serval à Barkhane(3).
1- Le processus d'évacuation des troupes
françaises
La récupération des villes, la
neutralisation178 des différents groupes armés
rebelles et terroristes et, le coût de l'opération serval (pertes
en vies humaines et dépenses financières) ont amené la
France à engager le processus de retrait des troupes du
théâtre des opérations. Ce désengagement militaire
de l'Hexagone, justifiait la logique française selon laquelle «
la France n'avait pas vocation à rester au Mali
»179, et marquait la stratégie française qui
consistait à mener une guerre rapide et efficace au Mali. A cet effet,
le Quai d'Orsay s'engageait à « réduire son empreinte au
sol »180 de manière progressive.
Concrètement, la France a réduit sa présence au sol
à la fin du mois d'avril à 4000 soldats sur les 5170, qui en
existaient. Ce retrait s'était poursuivi conformément à
l'objectif du désengagement total des forces françaises sur le
théâtre des opérations. Ainsi, en juin, le nombre de
soldats français
178Général T. Caspar, Prospectives
2013 du commandement de la défense aérienne et des
opérations aériennes, ministère de la défense
française, p.7.
179 Discours du président français à
Dubaï,
http://discours.vie-publique.fr/notices/137000095.html,
consulté le 29/05/2015
180 Rapport d'information du Sénat français
n°513, 2013, p.68.
79
présents au Mali n'était plus que de 3200, puis
3000 en juillet et 2000 en septembre181. C'est ce dernier effectif
qui avait pour mission d'assurer le relai avec les missions onusiennes et de
conduire les dernières opérations avec les soldats maliens.
Cependant, bien que la France ait laissé un effectif de
2000 soldats sur le terrain, elle a diminué ses actions avec
l'arrivée de différentes opérations de paix de
l'Organisation des Nations-Unies, lesquelles ont réduit la marge de
manouvre de Serval. Ainsi, l'intervention de l'ONU dans ce conflit, a
officiellement succédé à la force militaire
française qui se désengageait progressivement du Mali.
2- L'intervention de l'ONU dans le conflit
L'intervention de l'ONU dans le conflit malien fait suite
à plusieurs hésitations et à une diversité
d'incompréhensions entre les différents acteurs. Ces
incompréhensions, qui dénotaient de la longueur du processus de
décision182 de l'ONU ont retardé la mise en place
d'une mission de sécurité et de paix au Mali. Pourtant, à
travers le développement de l'agressivité des GAD et la menace
contre la sécurité et la paix au Mali, l'intervention de l'ONU
aurait pu se faire rapidement, puis que le but premier de l'Organisation est de
« maintenir la paix et la sécurité internationales et
à cette fin: prendre des mesures collectives efficaces en vue de
prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de
réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix
»183. Malgré cette responsabilité de
prévention et de gestion de crise, les interventions onusiennes ne se
sont pas réalisées avec promptitude. Toutefois, deux missions ont
été mises en place par l'institution pour assurer ce que J-B.
Duroselle184 appelle la sécurité collective.
La première, dénommée MISMA avait
été adoptée par le Conseil de sécurité de
l'ONU par la résolution 2085. Cette mission, qui avait été
autorisée par les Nations-Unies, était totalement
coordonnée par les instances africaines dont l'Union Africaine et la
CEDEAO. Ainsi, fixée pour une durée d'un an, cette
première opération à en croire T. Poulin185,
devait dans un premier temps reconstituer la capacité de l'armée
malienne, en étroite coordination avec les autres partenaires
internationaux. Dans un deuxième temps, elle devrait aider les
autorités maliennes à reprendre le contrôle du Nord et
à réduire les menaces
181 Rapport Assemblée française op.cit, p.100.
'82J-B. Duroselle, Histoire des relations
internationales de 1945 à nos jours, Paris, Armand colin Tome,
15e
édition, 2009, p.606.
183 Charte des Nations-Unies, op.cit.
'84J-B. Duroselle, op.cit., p.605.
185T. Poulin, (2013), Historique de
l'opération MISMA,
http://www.operationspaix.net/167-historique-
misma.html, consulté le 25/05/2015
80
des organisations terroristes qui s'y trouvaient. Cette force
onusienne, totalement africaine, composait un contingent de 6000 soldats
provenant des Etats de la CEDEAO et de la CEAC particulièrement le
Tchad. Ces différentes armées qui ont intégré la
coalition, ont, non seulement succédé aux premières
opérations des soldats français, mais étaient aussi
devenus leurs alliées du front. C'est notamment le cas de l'armée
tchadienne avec laquelle les forces françaises ont mené
d'importantes opérations, particulièrement celles du récif
de l'adrad des ifoghas. Ces armées africaines, qui se rendaient sur le
front malien, ont déployé plusieurs moyens logistiques et
financiers, variables selon le pays. L'effectivité de ce
déploiement de la mission africaine représentait une action, qui
annonçait le départ de l'armée française sur le
territoire malien et le début de la sécurité onusienne
dans la partie septentrionale. Le tableau ci-dessous présente l'ossature
du dispositif militaire de la mission africaine au Mali.
Tableau 5: Contingent africain de la MISMA dans le conflit
malien
Pays
|
Contingent militaire
|
Logistique
|
financement
|
déploiement
|
Ghana
|
130 militaires
|
20Véhicules
|
3 millions de dollars
|
26-jan
|
Guinée Conakry
|
148 militaires
|
10Camions
|
1 million de dollars
|
24-janv
|
Côte-d'Ivoire
|
175 militaires
|
Camions
|
2 millions de dollars
|
23-janv
|
Benin
|
321 militaires
|
10blindés 20véhicules
|
2 millions de dollars
|
23-janv
|
140 policiers
|
Sénégal
|
511 militaires
|
5canons 155 TRFI
|
2 millions de dollars
|
23-janv
|
144policiers
|
Burkina Faso Niger
|
660 militaires
|
10blindés
|
2 millions de dollars
|
23-janv
|
685 militaires
|
150véhicules
|
Togo
|
739 militaires
|
100 véhicules
|
|
24-janv
|
67 policiers
|
16 blindés
|
Nigéria
|
923 militaires
|
3 Alphajets
|
5millions de dollars
|
19-janv
|
77policiers
|
Tchad
|
2250 militaires
|
300 véhicules
|
1million de dollars
|
16-janv
|
100 blindés
|
Source : Assemblée nationale n°128, 18juillet
2013/Ministère de la défense française
Ce tableau illustre l'action des forces militaires africaines
sur le théâtre malien. Il en ressort que les Etats africains, en
plus des 6000 soldats déployés, ont fournis 800 engins
constitués de véhicules et avions et 18 millions de dollars pour
entretenir la mission MISMA.
Outre les moyens déployés par les Etats
africains dans le cadre de la première mission onusienne MISMA,
plusieurs membres des Nations-unies ont également contribué
81
financièrement à cette opération. Les
Etats-Unis, l'Inde, les pays de l'Union européenne et quelques Etats
africains dont le Gabon et l'Afrique du Sud, ont consenti 37 449 806
dollars186, pour mener cette opération.
La seconde mission onusienne, dénommée MINUSMA,
est celle qui remplace officiellement l'opération Serval.
Débutée dès le 1erJuillet 2013, cette mission
se substitue à la première, qui était totalement
dirigée par des instances africaines de la CEDEAO et de l'Union
Africaine. Cette opération, qui est sous la coordination des
Nations-unies, employait le même effectif militaire de la mission
africaine MISMA. Selon B. Daou187, les 6.000 soldats africains
présents au Mali dans le cadre de la MISMA intégrèrent la
nouvelle force de paix et de sécurité et devinrent des soldats
casques bleus onusiens. En effet, dotée des mêmes enjeux que la
première, cette mission visait particulièrement la
sécurisation de l'espace septentrional du Mali et la protection des
habitants contre les nouvelles attaques djihadistes, bien que n'étant
pas une « mission antiterroriste »188. Avec le
retrait progressif des forces françaises sur le théâtre des
opérations, la MINUSMA devenait la nouvelle unité dont la
responsabilité était de repousser les violences djihadistes et
terroristes qui pesaient sur les villes du Nord. La succession de
l'intervention militaire française au Mali par l'Organisation des
Nations-Unies, mobilisait ainsi plusieurs pays de la communauté
internationale à fournir d'importants moyens logistiques et financiers
pour pallier le retrait des troupes françaises. De ce fait, la France et
les États-Unis apportèrent le soutien logistique et financier
à la nouvelle mission onusienne qui remplaçait l'opération
Serval.
Bien que l'intervention des casques bleus de l'ONU ait
officiellement marqué l'arrêt de l'opération Serval, cette
présence onusienne ne signifiait, nullement, la fin de la
présence militaire française au Mali. En fait, la fin de Serval a
entrainé la naissance d'une nouvelle opération
dénommée Barkhane. Ainsi, ce qui apparaissait comme un
désengagement des troupes militaires françaises au Mali,
n'était en réalité, qu'une conversion de la force
militaire de Serval.
186Rapport d'information du Sénat
français n°513, 2013, p.83.
187B. Daou, De la MISMA à la MINUSMA : les
forces internationales de soutien au mali échangent les
bérets
aujourd'hui,
http://www.maliweb.net/la-situation-politique-et-securitaire-au-nord/de-la-misma-a-la-minusma,
consulté
le 25/05/2015
188D. Baché, 2013, Interview Rfi, MINUSMA au
Mali: Les troupes ont quatre mois pour se mettre aux normes de l'ONU,
http://www.rfi.fr/afrique/20130701-herve-ladsous-misma-devient-minusma-presidentielle-election-paix-/,
consulté le 10/04/2015
82
3- La conversion de la force militaire française :
de Serval à Barkhane
La fin de l'intervention militaire française au Mali a
également été marquée par l'apparition d'une
nouvelle opération appelée Barkhane. Celle-ci marque le
repositionnement stratégique de la France dans l'ensemble de l'espace
sahélo-saharien. En effet, cette nouvelle force, mise en place le
1er aout 2013 par l'Hexagone, un mois après l'arrêt
officiel des actions de Serval, est une vaste opération militaire dont
le but est de poursuivre les affrontements militaires de la France contre les
différents groupes armés djihadistes au Mali et dans l'ensemble
de l'espace sahélo-saharien. De ce fait, le remplacement de Serval par
Barkhane constituait pour la France une « nouvelle approche
stratégique dans la lutte contre les groupes armés terroristes
»189 présents sur les vastes déserts du
Sahara et du Sahel. L'avènement de Barkhane, qui est une action
militaire à caractère transfrontalier et dont la mission et les
enjeux sont ceux de combattre le terrorisme en profondeur en empêchant la
reconstitution des sanctuaires terroristes190, et de
démanteler les différentes factions qui sont dispersées au
sein des Etats du Sahel, constituait une forme de
désengagement-réengagement de la France dans le conflit malien.
Ainsi, l'extension de l'opération Barkhane dans le « groupe G5
Sahel »191 qui comprend la Mauritanie, le Burkina-Faso, le
Niger et le Mali, constitue ce que Carmen Cuesta Roca qualifiait de «
counter terrorist operation in Sahel »192, dont la
protection des Etats nécessitait une intervention
générale. Barkhane ayant marqué la fin officielle de
l'intervention militaire française au Mali, cette opération s'est
dotée du dispositif militaire de Serval. Son extension vers d'autres
Etats, justifie le désengagement de la France au Mali et
l'agrandissement de son rayon de surveillance et de lutte contre le terrorisme
au-delà des frontières maliennes.
Ainsi, si ce changement d'échelle a facilité le
désengagement militaire de la France au Mali, elle n'a cependant pas eu
un effet politique direct qui marque l'opération française. De ce
fait, la France, en recherchant la légitimité de cette action
militaire, s'est engagée dans la recherche d'une action qui devait
stabiliser, momentanément, la situation politique du Mali. Dès
lors, le retour à l'ordre constitutionnel devenait un enjeu majeur qui
permettait à la France de se désengager du conflit malien de
manière honorifique et élogieuse.
189Rapport du ministère de la défense
française, Opération Barkhane, déplacement du ministre de
la défense, nouvel an avec les forces, janvier 2015, p12.
190 Ibidem
191 Ibidem
192C-C. Roca, From operation Serval to Barkhane
,
http://jpinyu.com/wp-content/uploads/2015/05/3-Hollande.pdf,
p.5, consulté le 12/07/2015
83
Section2 : Le retour à l'ordre constitutionnel
au Mali et les réformes de la coopération militaire
franco-malienne
Dans cette section, trois déterminants sont
analysés : l'impératif de l'organisation des élections
présidentielles(1), le rétablissement de l'appareil
militaro-sécuritaire(2) et les réformes militaires
franco-maliens(3).
1- L'impératif de l'organisation des
élections
Afin de valoriser son action militaire, la France avait fait
de la restitution des valeurs démocratiques au Mali, l'un des
éléments déterminants du désengagement des troupes
françaises sur le théâtre. Pour l'Hexagone, l'organisation
des élections présidentielles constituait une action, qui
symbolisait la réussite de la diplomatie politico-militaire
française. Cette stratégie électorale post-intervention,
mise en place depuis quelques années par les occidentaux, en occurrence
la France et les Etats-Unis, consistait à légitimer une
intervention militaire extérieure à travers une organisation
rapide des élections présidentielles au pays dans lequel
l'opération armée s'était déroulée. En
effet, impulsée par les États-Unis sous la forme de la diffusion
universelle de démocratie, cette stratégie avait
été appliquée par la France au Mali sous la forme de
« la politique d'interventionnisme libéral
»193, qui répond au postulat selon lequel la
reconstruction et la restitution des valeurs démocratiques d'un Etat
peuvent être rendu possibles par l'entremise d'une coercition
militaire194. Cette dernière vise particulièrement
à éloigner la menace de la démocratie et à
restaurer les valeurs de celle-ci. De ce fait, la restitution de l'Etat de
droit au Mali, à travers une élection présidentielle
devenait ainsi un enjeu majeur qui devait couronner le succès de
l'opération Serval. Cela amenait impérativement la France
à projeter, à la fin de son intervention militaire, un
scénario électoral dont le déroulement n'a pas
été en marge de la fin de l'opération militaire. En
conséquence, la présidentielle malienne de juillet-août
2013, cadrait ainsi avec le calendrier de l'évacuation des troupes
françaises du théâtre des opérations. Dès
lors, l'organisation de ce scrutin sous l'impulsion française, avait
répondu aux enjeux de la politique africaine de la France. Cette
dernière a, d'une part, réhabilité le système
démocratique et politique du pays en installant une autorité
politique élue et un gouvernement reconnu, et d'autre part, elle a
assuré la légitimé de son l'intervention militaire et a
obtenu la reconnaissance de son action par les acteurs politiques des Etats de
la CEDEAO et de la région sahélo-saharienne.
193C. Lequesne, La politique extérieure de
François Hollande : entre interventionnisme libérale et
nécessité européenne, Sciences po Grenoble,
Working paper n°23,2014, p5.
194 Ibidem
84
En plus de la restitution des valeurs démocratiques au
Mali, le jeu de la France dans son désengagement consistait
également à accompagner l'Etat malien dans le processus de
rétablissement des pouvoirs politique, militaire et administratif dans
toute la partie septentrionale du Mali et particulièrement dans les
trois principales villes meurtries des actions djihadistes et terroristes.
2- Le rétablissement de l'appareil
militaro-sécuritaire et administratif
La fin de l'opération Serval et la recherche de la
stabilité au Mali ont amené la France à entamer aux
côtés de l'Etat malien, un processus de réhabilitation de
l'administration et des forces de sécurité et de défense
malienne sur l'ensemble du territoire et, particulièrement, dans la
partie septentrionale. En effet, devenu un « Etat failli
»195 par rapport à son incapacité à
assurer sa propre sécurité et le fonctionnement de ses
institutions, le Mali avait reçu un soutien international qui lui
permettait de mener progressivement ses missions régaliennes.
En ce qui concerne la réorganisation de l'appareil
militaro-sécuritaire, les opérations se focalisaient,
essentiellement, sur la formation militaire et l'accompagnement des soldats
maliens dans les territoires à haut-risque. De ce fait, l'UE, sous
l'impulsion de la France, s'était largement investie dans cette
opération de formation. En effet, le déploiement de la mission
EUTM de l'UE au Mali, permettait la formation des différents corps de
l'armée malienne qui était visiblement très affaiblis.
Devenu le principal organisme de la mission de formation des soldats au Mali,
l'EUTM (European Union Military Mission) disposait d'un contingent de 207
formateurs français196 dont la responsabilité
était de remettre les soldats dans les conditions de sécurisation
de territoire et de lutte contre le terrorisme. Cette opération, qui
était manoeuvrée par la France, a mobilisé vingt un des
vingt-sept Etats que compte l'UE, parmi lesquels figurait l'Allemagne, la
Grande-Bretagne, République Tchèque, la Belgique etc. L'EUTM
visait ainsi à corriger les immenses lacunes de l'armée malienne
sur le plan de l'équipement, de la logistique, de l'organisation du
commandement et de la motivation de l'ensemble de toute l'armée
malienne197. Ainsi, hormis les formateurs français, les 1000
soldats de l'opération Serval, qui restaient campés dans le
territoire malien après le processus de désengagement des forces
françaises, oeuvraient dans la mission de sécurisation des villes
septentrionales aux côtés de l'armée malienne.
195 P. Gourdin, Géopolitique du Mali : un Etat
failli?, septembre 2012,
http://www.diploweb.com/Geopolitique-du-Mali-un-Etat.html
, consulté le 30 avril 2014. 196P. Gros, J-J. Patry, & N.
Vilboux, op.cit., p16. 197 Notin, J-C., op cit., p.548.
85
Outre ce domaine militaire, la reconduction de
l'administration au Nord-Mali s'est également faite avec l'aide des
forces armées présentes sur le territoire. En effet, les forces
françaises et tchadiennes et la MINUSMA, ont permis la
réinstallation des services sociaux qui avaient été
détruits par les groupes terroristes. Ces différents services
militaires ont permis la réintégration des mairies de Tombouctou
et de Gao et le rétablissement d'autres services publics. Cependant, la
sécurisation de l'administration malienne, dans le septentrion, est
restée sous l'autorité de la MINUSMA et de l'armée
malienne.
Au regard de l'implication de la France dans le
rétablissement de l'appareil militaro-sécuritaire du Mali, il va
s'en dire que cette aide dévoilait d'autres préoccupations,
notamment la révision des accords militaires franco-maliens, qui
étaient non seulement vieillissants, mais aussi ne concernaient pas le
domaine de la défense.
3- Les réformes des accords militaires
franco-maliens
L'intervention militaire française au Mali a mis en
lumière la nécessité d'un renouvellement des accords
militaires franco-maliens. En effet, ce déploiement militaire a
constitué une opportunité pour l'Hexagone de consolider sa
coopération militaro-sécuritaire avec le Mali, recadrer son
« architecture militaire »198 et sa position
stratégique dans cet Etat. Dans cette optique, la France et le Mali qui
ont longtemps été liés par des accords d'assistance
militaire, ont signé un accord de défense qu'ils estimaient
être, non seulement « compatible avec les engagements de chaque
Etat dans le cadre de l'UA, de l'UE, et de l'ONU »199,
mais aussi « vise à concourir à une paix et une
sécurité durables »200. Cet accord de
défense marque une évolution relative de la coopération
militaire franco-malienne, et constitue, pour l'Hexagone, une nouvelle
réorientation de sa politique de défense au Mali après la
fermeture en 1961 des bases militaires françaises de Gao, de Tessalit,
de Kati et de Bamako, par Modibo Kéita. Ainsi, marquant une rupture avec
les anciens accords d'assistance militaire entre les deux Etats, l'accord de
défense post-Serval met en perspective la défense des
frontières des parties signataires, la lutte contre le terrorisme, le
renforcement de la formation des soldats, le transfert et le partage
d'information, de la logistique et du matériel militaire etc. Ce nouvel
accord de défense, qui confère à la France une profondeur
stratégique, a été signé par les deux Etats, en
juillet 2013, quelques jours après l'annonce de la fin de l'intervention
militaire
198 J-F. Owaye, op cit., p.222.
199D. Abdoulaye, L'accord de défense avec la
France enfin signé, juillet 2014,
http://www.courrierinternational.com/,
consulté le 11/02/ 2015. 200 Ibidem
86
française. A cet effet, trois des vingt-six articles
(2, 4 et 5) de cet accord de défense201
spécifient ses champs d'intervention.
Art.2. Par le présent traité, et dans le respect
de leurs engagements internationaux, les Parties s'engagent dans une
coopération en matière de défense, afin de concourir
à une paix et une sécurité durables sur leur territoire,
notamment par la sécurisation des espaces frontaliers et la lutte contre
le terrorisme, ainsi que dans leur environnement régional respectif.
Art.4. Par le présent traité, les Parties
mettent en oeuvre une coopération qui peut couvrir les domaines suivants
:Échanges de vues et d'informations relatifs aux
vulnérabilités, risques et menaces à
sécurité nationale et régionale ; Organisation,
équipement et entraînement des forces, le cas
échéant par un soutien logistique pouvant se concrétiser
par la cession gratuite ou onéreuse de matériels et
équipements militaires, ainsi que l'organisation d'exercices mixtes et
conjoints ; Organisation de transit, de stationnement temporaires, d'escales
aériennes ; Organisation et conseil aux forces par la mise en oeuvre
d'actions de formation et de soutien technique, et la mise à disposition
de coopérants militaires techniques français.
Art.25. Le présent traité abroge et remplace
l'Accord de coopération militaire technique entre le Gouvernement de la
République du Mali et le Gouvernement de la République
française signé à Bamako le 6 mai 1985 et les accords et
arrangements subséquents.
Ce nouvel accord de défense entre les deux Etats est
stratégique pour l'Hexagone. En effet, bien que consolidant l'engagement
sécuritaire entre les deux Etats, il offre au Quai d'Orsay la latitude
de contrôler les lignes de communications terrestres et aériennes
sur lesquelles circulent plusieurs flux (terroristes, narcotrafiquants,
rebelles, personnes etc.). Aussi, ce nouvel accord de défense permet-il
à la France, si l'on en croit P. Boulanger202, d'associer la
sécurité extérieure de la sécurité
intérieure. En d'autres termes, à travers ce nouveau pacte de
défense, la France se projette dans une défense bipartite avec le
Mali, tout en développant une sécurité globale dans
l'ensemble de la sous-région sahélo-saharienne. Elle assure de ce
fait, la sécurité du territoire malien, celle de son peuple et sa
propre sécurité. Cet
201L'accord de défense entre le Mali et la
France, (18 juillet 2014),
http://maliactu.net/exclusif-laccord-de-defense-entre-le-mali-et-la-france-texte-integral/
, consulté le 12 Mars 2015
202P. Boulanger, Géographie militaire et
Géostratégie, enjeux du Monde Contemporain, Paris, Armand
Colin, 2011, p.213.
accord était d'autant plus motivé par l'enjeu
français que J-F. Owaye203 appelait la mise en oeuvre
instantanée de la défense française au regard de la
position géographique du Mali qui est définie comme un carrefour
entre le Sahel, le Sahara et le Maghreb.
Au regard des actions post-intervention menées par
l'Hexagone, il ressort que le désengagement des troupes
françaises n'avait pas totalement arrêté l'implication de
la France dans la réorganisation politique et sécuritaire du
Mali. Cependant, cette aide qui succède à l'intervention,
n'était pas dénuée d'enjeux. Ainsi, l'apport de la France
dans le processus de réhabilitation de l'Etat de droit au Mali, visait
à donner une valeur diplomatique à cette opération et
à obtenir du Mali et des Etats africains en général, une
certaine reconnaissance.
87
203J-F Owaye, op. cit., p.222.
88
Pour conclure cette deuxième partie, nous dirions que
la décision française d'intervenir au Mali a
considérablement modifié le rapport de force sur le
théâtre des opérations. L'opération Serval a
freiné les velléités des groupes armés djihadistes
qui occupaient la partie septentrionale du Mali. Cette action militaire
française a mobilisé d'importants moyens aussi bien financiers,
matériels qu'humains. Cependant, cette guerre n'a pas été
sans conséquence pour la France. Plusieurs pertes ont été
enregistrées au cours de cette intervention militaire. Cette
dernière, qui prend fin avec le déploiement d'une mission
internationale des Nations-Unies, a entrainé une stabilité
relative au sein du territoire malien et a reconduit les valeurs
démocratiques dans cet Etat. En revanche, ce déploiement
militaire français a amené la France à recadrer ses
relations militaires avec le Mali et modifier son architecture de
défense dans un espace en proie d'une extrême violence terroriste
et rebelle.
89
Conclusion générale
90
La complexité de la question des interventions
militaires en Afrique constitue une préoccupation majeure, qui
amène à s'interroger sur l'essence de ces interventions. Le
thème, l'intervention militaire française au Mali. Essai
d'analyse géopolitique, qui a fait l'objet de nos
réflexions, vient une fois de plus montrer la difficulté de
cerner les véritables facteurs qui engendrent le déploiement des
forces Occidentales à l'intérieur des Etats africains.
Le but de ce travail était de répondre à
une question préjudicielle : quels enjeux sous-tendent l'intervention
militaire française au Mali ?
Nos hypothèses étaient les suivantes :
La France recherche, à travers son
intervention militaire, de préserver ses intérêts
économiques, à maintenir le positionnement de son axe
stratégique dans les régions sahélo-saharienne et
ouest-africaine.
L'analyse qui a été menée tout au long de
ce travail démontre que les objectifs fondamentaux de cette intervention
se focalisaient sur la préservation des intérêts
français, qui étaient menacés par les actions des groupes
terroristes. Il a également été démontré que
l'intervention avait une préoccupation géostratégique du
fait des projections militaires et diplomatique qui ont accompagné cette
intervention militaire française au Mali et dans l'ensemble de la
région. Dès lors, l'intervention au Mali avait ainsi un double
objectif. Le premier visait la sécurisation et le renforcement des liens
économique et politique dans une région, qui est plus que par le
passé convoitée par une pluralité d'acteurs
internationaux. Le second était la construction et le renforcement des
réseaux de défense et de diplomatie de la France dans l'espace
sahélo-saharien.
S'agissant de la deuxième hypothèse qui posait
que l'intervention militaire française a visé à
créer une profondeur stratégique et à combattre le
terrorisme et les trafics mafieux sévissant particulièrement au
Mali et en général dans toute cette sous-région
sahélo-saharienne, nous avons démontré qu'à
travers cette opération militaire, la France objectivait sa propre
défense à l'extérieur de ses frontières, notamment
au Mali, et luttait contre le `'grand banditisme» qui sévit dans
l'ensemble de la région. Aussi, l'analyse faite dans ce travail situe
également cette intervention dans la problématique de
fragmentation des réseaux, qui forment le marché des produits
illicites de stupéfiants, de démilitarisation de l'espace malien
et sous régional, et de repoussement de la menace à un intervalle
conséquent tout en protégeant ses ressortissants de toute action
nuisible.
En résumé, le déploiement militaire de la
France au Mali ne se distingue nullement de ces précédentes
interventions en Afrique. La logique des interventions françaises en
Afrique ne varie pas en réalité: seule la défense des
intérêts économique, politique et sécuritaire,
justifie l'engagement militaire de la France dans les Etats du continent.
Dès lors, les discours
91
de l'Hexagone sur l'obligation morale d'intervenir au Mali
afin de maintenir son intégrité territoriale sont à
relativiser. L'Etat malien qui était apriori sans enjeu, devient
stratégique pour la France et `'le temps de le dédaigner est
révolu», pour paraphraser S. Loungou204.
Au-delà du Mali et des intérêts sous
régionaux, les enjeux de cette intervention anticipaient aussi de la
lutte de leadership des Etats Occidentaux en Afrique. Ainsi, si la France
n'intervenait pas au Mali, elle aurait laissé la latitude à ses
concurrents directs dans la sous-région (Etats-Unis, pays
émergents) de s'y implanter.
Cet ensemble de facteurs permettent de répondre au
problème que posait ce travail et de comprendre le jeu de cette
intervention. Cette dernière confirme la pensée de P. Chaigneau
qui soutient que « la France, pays exigu en termes d'espace
géographique, placé à l'extrême Ouest de la masse
continentale, européenne, n'a d'autre choix dans la conception de ses
décideurs, pour maintenir son rôle de puissance mondiale, que de
solidifier ses positions dans le tiers monde. L'Afrique est le lieu
préférentiel de cette stratégie
»205.
Sur le terrain, l'armée française supplante les
armées régulières des Etats africains dont la mission
première est pourtant de garantir la sécurité de leur
territoire. En conséquence, les forces françaises s'arrogent la
responsabilité de la sécurisation des territoires des Etats
francophones d'Afrique ralliés.
Cependant, au regard de l'instabilité qui
prévaut dans la région sahélo-saharienne, il n'est pas
évident que cette région connaisse une stabilité totale et
que le Mali échappe à ces vagues de violence des groupes rebelles
et terroristes qui sévissent dans sa partie septentrionale.
L'apparition de ces nouvelles menaces en Afrique et d'autres
formes de conflictualité rend problématique la défense
assurée par la puissance extérieure hexagonale. Des pistes de
solutions existent:
? les Etats africains doivent se doter de véritables
instruments de politique de défense qui fixent des actions à
entreprendre en cas de menaces contre leur sécurité ;
? les Etats africains se doivent d'appliquer la logique de
« l'offensive-défense » élaborée par
l'américain Jervis dans le cadre de la sécurité. C'est une
logique de rééquilibrage des forces en fonction de l'adversaire,
ou de dissuasion par ses capacités militaires ;
? les instances inter-africaines (continentales ; sous
régionales ; et régionales), doivent anticiper les menaces
sécuritaires des Etats en procédant aux interventions rapides
et
204 S. Loungou, interview, op cit.
205 P. Chaigneau, op cit., p.49.
organisées sans attendre un soutien extérieur.
Pour cela, elles doivent s'empêcher d'être laxistes.
Sans cela, la France profitera toujours des conflits
armés africains pour mieux asseoir son étiquette de puissance
mondiale.
La réforme des systèmes de défenses
africaines, et le renforcement de la sécurité collective
continentale peuvent constituer des réponses à
l'instrumentalisation des faiblesses sécuritaires des Etats africains
par les grandes puissances. La prédiction de J-B.
Duroselle206 sur la mort des grandes puissances,
consécutivement à la diminution de leurs moyens, est trop
lointaine pour constituer une alternative à l'interventionnisme
militaire français en Afrique.
Dès lors, n'est-il pas temps pour les Etats africains
d'élaborer leurs propres systèmes de sécurité et de
défense, au lieu de se contenter d'un protectionnisme français
trompeur et qui peut s'avérer dangereux pour la sécurité
des Etats africains ?
92
206 J-B. Duroselle, Théorie des relations
internationales, Tout empire périra, Paris, Armand colin, 1992.
93
Références bibliographiques
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relation fusionnelle? »,
http://www.irenees.net/bdf_fiche-analyse-868_fr.html,
consulté le 01/08/2015
· V. Jauvert, &S. Halifa-Legrand, (février
2013), "Nouvel Observateur",
http://globe.blogs.nouvelobs.com/archive/2013/02/08/mali-histoire-secrete-d-une-guerre-surprise.html,
consulté le 20/05/15
100
Table des illustrations
1- Tableau
Tableau 1: Sanctuaire malien 31
Tableau 2: Le sous-sol malien 49
Tableau 3: Matériels majeurs déployés
dans le cadre de l'opération serval 65
Tableau 4: Apport logistique des pays alliés à
la France 67
Tableau 5: Contingent africain de la MISMA dans le conflit
malien 80
2- Diagrammes
Diagrammes 1: Répartition des conseillers militaires
en fonction de la valeur stratégique des Etats en
1989 13
Diagrammes 2: Effectif de l'armée de terre
française à l'opération serval 64
3- Carte
Carte 1 : Le déséquilibre sécuritaire des
Etats de la région sahélo-saharienne 29
Carte 2: Lrésence militaire permanente et
réorganisation du dispositif militaire français 42
Carte 3: Les trafics mafieux dans l'espace
sahélo-saharien et Ouest-africain 53
Carte 4: Le théâtre malien avant et pendant
l'opération Serval 62
Annexes
d) « matériel » désigne les
biens, équipements des forces, y compris les armes, les munitions,
véhicules militaires et tout autre moyen de ;
Annexe n°1
Exclusif - Nouvel accord de défense franco-malien
Par Malijet - Date: 19 Juillet 2014
L'accord de défense entre le Mali et la
France
La République du Mali, d'une part Et
La République française, d'autre part
Ci-après dénommées les « Parties
».
Considérant les liens d'amitié anciens et profonds
unissant le Mali et la France.
Rappelant leur commun attachement aux buts et principes
énoncés dans la charte des Nations unies, en particulier le
principe du règlement pacifique des différends internationaux,
l'égalité souveraine des Etats et de leur intégrité
territoriale, et dans Ce contexte l'engagement pris par les membres de l'Union
Africaine de respecter les frontières existantes au moment où ils
ont accédé à l'indépendance.
Résolues à inscrire leur coopération dans
le cadre du partenariat stratégique Afrique - Union européenne
adopté lors du Sommet de Lisbonne du 7-9 décembre 2007, afin de
construire une paix et une sécurité durables en Afrique et en
Europe,
Déterminées dans cette perspective à
rendre opérationnelle l'architecture africaine de paix et de
sécurité sous la conduite l'Union africaine, et soutenir les
mécanismes africains de sécurité collective et de maintien
de la paix dans leurs dimensions continentale el régionales, ainsi que
le rappelle la Déclaration finale du Sommet de l'Elysée pour la
Paix et la Sécurité en Afrique des 6 et 7 décembre
2013,
Désireuses d'approfondir leur coopération en
matière de défense, en établissant un partenariat
fondé sur les principes de respect mutuel de la souveraineté, de
l'indépendance et de l'intégrité territoriale des deux
Etats, et ayant à l'esprit les menaces pouvant peser sur ces
dernières.
Sont convenues de ce qui suit : Article 1er :
Définitions
Dans le présent traité, l'expression:
a) « forces » désigne tout corps, contingent
ou détachement constitué de personnels appartenant aux
armées de terre et de l'air, à la marine nationale, à la
gendarmerie nationale, à la garde nationale malienne, ainsi qu'aux
services de soutien interarmées;
b) « membres du personnel » désigne te
personnel appartenant aux forces de l' une des Parties ainsi que le personnel
civil de l'une des Parties employé par les ministères
compétents dans les domaines de la défense et de la
sécurité, présent sur le territoire de l'autre dans le
cadre du présent traité, à l'exclusion des ressortissants
et des résidents permanents de l'Etat d'accueil:
C) « personne à charge » signifie le conjoint
ou toute autre personne vivant maritalement avec un membre du personnel, ainsi
que ses enfants mineurs, conformément à la législation
respective des Parties:
e)
III
« Etat d'origine » signifie la Partie dont
relèvent les membres du personnel qui se trouvent sur le territoire de
l'autre Partie:
f) « Etat d'accueil » signifie la Partie sur le
territoire de laquelle se trouvent, en séjour ou en transit, les forces
ou les membres du personnel de l'Flat d'origine.
I. Principes généraux de la
coopération en matière de défense Article 2 : Objectifs de
la coopération
1. Par le présent traité, et dans le respect de
leurs engagements internationaux, les Parties s'engagent dans une
coopération en matière de défense, afin de concourir
à une paix et une sécurité durables sur leur territoire,
notamment par la sécurisation des espaces frontaliers et la lutte contre
le terrorisme, ainsi que dans leur environnement régional respectif
2. Dans la perspective de la constitution de la force
africaine en attente, les Parties peuvent décider d'un commun accord
d'associer les contingents nationaux d'autres Etats africains à
certaines activités initiées dans le cadre du présent
traité, en concertation avec les organisations régionales
concernées.
3. L'Union européenne et ses Etats membres peuvent
être invités par les Parties à s'associer aux
activités prévues par le présent traité. Les
modalités de cette participation sont précisées dans des
accords particuliers conclus par les Parties avec l'Union européenne et
toute organisation ou un Etat concerné.
Article 3 : Principes de la
coopération
1. Aucune disposition du présent traité ne
déroge aux droits et obligations qui seraient reconnus à une
force ou à un membre du personnel de l'une des Parties à raison
de sa participation à une opération de maintien de la paix sous
mandat de l'Organisation des Nations unies
2. Les forces et les membres du personnel de l'Etat d'origine
respectent les lois et règlements de l'Etat d'accueil et s'abstiennent
de tout comportement incompatible avec les objectifs du présent
traité.
Article 4 : Domaines et formes de la
coopération
1. Par le présent traité, les Parties mettent en
oeuvre une coopération qui peut couvrir les domaines suivants :
a) Échanges de vues et d'informations relatifs aux
vulnérabilités, risques et menaces à
sécurité nationale et régionale ;
b) Organisation, équipement et entraînement des
forces, le cas échéant par un soutien logistique pouvant se
concrétiser par la cession gratuite ou onéreuse de
matériels et équipements militaires, ainsi que l'organisation
d'exercices mixtes et conjoints :
c) Organisation de transit, de stationnement temporaires,
d'escales aériennes ;
d) Organisation et conseil aux forces par la mise en oeuvre
d'actions de formation et de soutien technique, et la mise à disposition
de coopérants militaires techniques français :
e) Formation des membres du personnel malien par leur accueil
ou leur admission en qualité d'élève ou de stagiaire dans
les écoles de formation militaires françaises ou soutenues par la
France:
f) Tome autre activité convenue d'un commun accord
entre les Parties en fonction de leurs intérêts communs.
IV
2. Les conditions d'application des domaines et formes de la
coopération définis Ci-dessus sont, au besoin,
précisées par voie d'accords ou d'arrangements techniques
spécifiques.
Article 5 : Facilité et soutien logistique
accordés aux forces
1. Chaque Partie s'engage à prendre les mesures
appropriées pour mettre à la disposition de l'autre Partie les
facilités nécessaires à l'accomplissement du
présent traité.
2. Les conditions d'utilisation des installations et
infrastructures ainsi que du soutien logistique fournis par l'Etat d'accueil,
à l'occasion des activités de coopération prévues
à l'article 4 du présent traité, sont
précisées par voie d'accords ou d'arrangements techniques
spécifiques.
Article 6 : Comité de suivi
Afin de donner une cohérence aux activités
prévues par le présent traité, il est créé
un comité de suivi co-présidé par un représentant
civil ou militaire de chaque Partie. Il peut faire appel, en tant que de
besoin, à des experts civils et militaires de chacune des Parties. Le
mandat et le fonctionnement du comité sont déterminés d'un
commun accord entre les Parties.
II. Statut des membres du personnel engagés dans
la coopération en matière de défense Article 7 :
Conditions d'entrée et de séjour des membres du
personnel
1. Les dispositions de la présente section
s'appliquent aux forces, aux membres du personnel et aux personnes à
charge d'une Partie qui séjournent sur le territoire de l'autre Partie
dans le cadre de la coopération en matière de défense.
2. Les membres du personnel de l'Etat d'origine et les
personnes à charge sont autorisés à entrer et sortir du
territoire de l'Etat d'accueil sous réserve de détenir un
passeport en cours de validité. Ils sollicitent, si nécessaire,
un visa et un titre séjour dont les autorités de l'Etat d'accueil
facilitent l'obtention en dispense de frais et dans les meilleurs délais
;
3. Les membres du personnel de l'Etat d'origine
présentent un ordre de mission individuel ou collectif ou un ordre de
mutation délivre par l'autorité compétente de l'Etat
d'origine.
4. La présente disposition ne peut être
interprétée comme conférant à un membre du
personnel et aux personnes à charge un droit de résidence
permanente ou au domicile dans l'Etat d'accueil.
5. Les membres du personnel peuvent, à l'occasion de
leur première arrivée prendre leur service sur le territoire de
l'Etat d'accueil, importer, dans les limites compatibles avec un usage familial
dûment apprécié par l'Etat d'accueil, leurs effets,
véhicules et mobiliers personnels, en franchise de droits de douane,
taxes et autres redevances, pour une durée de leur séjour.
6. Les membres du personnel participant pour une durée
de plus de 6 mois aux activités de formation mentionnées au 4.1.d
ainsi que les personnes à charge sont hébergés à
titre gratuit par l'Etat d'accueil dans des logements meublés.
Article 8 : Port de
l'uniforme
Les membres du personnel de l'Etat d'origine peuvent
revêtir l'uniforme et les insignes militaires et civils de leur force
conformément à la réglementation en vigueur dans leur
armée.
Article 9 : Permis de conduire des véhicules
d'engins militaires
1. Les membres du personnel de l'Etat d'origine
autorisés à conduire les véhicules et engin militaires
dans l'Etat d'origine sont également autorisés à conduire
dans l'Etat d'accueil.
V
2. Les véhicules d'une force employés sur le
territoire de l'Etat d'accueil portent, en plus de leur numéro
d'immatriculation, une marque distinctive de nationalité.
Article 10 : Port et utilisation d'armes
1. Pour les besoins du service, les membres du personnel
appartenant aux forces années peuvent détenir et porter une arme
de dotation sur le territoire de l'Etat d'accueil, conformément aux lois
et règlements en vigueur dans l'Etat d'accueil.
2. Pour les besoin du service, les membres du personnel de
l'Etat d'origine utilisent leur arme de dotation conformément à
la législation de l'Etat d'accueil, à moins que les
autorités compétentes de ce dernier n'acceptent l'application des
règles en vigueur dans l'Etat d'origine,
Article 11 : Discipline
Les autorités de l'Etat d'origine exercent une
compétence exclusive en matière de discipline sur leurs forces et
les membres du personnel. En cas de manquement à leurs obligations,
elles peuvent prendre toutes sanctions disciplinaires à leur encontre,
sans préjudice d'éventuelles poursuites judiciaires,
Article 12 : Santé
1. Les membres du personnel de l'Etat d'origine ainsi que les
personnes à charge sont exemptés des cotisations de
sécurité sociale en vigueur dans l'Etat d'accueil.
2. L'Etat d'accueil assure la prise en charge sanitaire,
à titre gratuit au sein du service de santé des armées,
des membres du personnel ainsi que les personnes à charge de l'Etat
d'origine , dans la mesure des moyens disponibles, au même titre et dans
mêmes conditions que pour les membres des forces de l'Etat d'accueil. A
ce titre, ils bénéficient des soins médicaux et dentaires,
y compris l'hospitalisation.
3. Les rapatriements sanitaires demeurent à la charge de
l'Etat d'origine. Article 13 : Décès d'un membre du
personnel
1. Le décès d'un membre du personnel de l'Etat
d'origine sur le territoire de l'Etat est constaté conformément
à la législation en vigueur dans l'Etal d'accueil par un
médecin habilité, qui en établit le certificat.
L'État d `accueil communique dans les meilleurs délais aux
autorités de l'Etat d'origine la copie certifiée conforme du
certificat de décès.
2. Si l'autorité Judiciaire de l'Etat d'accueil
ordonne l'autopsie du défunt, ou si l'Etat d'origine la demande,
celle-ci est effectuée par le médecin désigne par
l'autorité judiciaire de l'Etat d'accueil. Un médecin de l'Etat
d'origine peut assister à l'autopsie, lorsque la législation de
l'Etat d'accueil le permet.
3. Les autorités compétentes de l'Etat
d'accueil assurent la remise du corps du défunt aux autorités
militaires de l'Etat d'origine dès que possible aux de fins de
rapatriement.
Article l4 : Dispositions
fiscales
1. Pour l'application des impôts sur le revenu et sur
la fortune ainsi que des droits de succession et de donation, les membres du
personnel de l'Etat d'origine qui, à seule fin d'exercer leurs
fonctions, établissent leur résidence dans l'Etat d'accueil, sont
considérés, aux fins de l'application de la convention en vue
d'éviter les doubles impositions conclue entre l'Etat d'origine te
l'Etat d'accueil, comme conservant leur résidence fiscale dans l'Etat
d'origine qui leur verse les soldes, les traitements et autres
rémunérations similaires
2. Cette disposition s'applique également aux
personnes à charge dans la mesure où celles-ci n'exercent pas
d'activité professionnelle propre.
VI
3. Les soldes, traitements et rémunérations
similaires autres que les pensions payés par l'Etat d'origine aux
membres du personnel en cette qualité ne sont imposables que dans cet
Etat.
Article 15 : Infractions commises par des membres du
personnel ou des personnes à charge
1. Les infractions commises par un membre du personnel de
l'Etat d'origine ainsi que par les personnes à charge relèvent de
la compétence des juridictions de l'Etat d'accueil, sous réserve
des dispositions prévues au paragraphe 2 du présent article.
2. Les autorités compétentes de l'Etat d'origine
exercent par priorité leur droit de juridiction en cas d'infraction
résultant de tout acte ou négligence d'un membre du personnel
accompli dans l'exercice de ses fonctions officielles, ainsi que dans les cas
suivants :
a) lorsque l'infraction porte uniquement atteinte à la
sécurité de l'Etat d'origine ;
b) lorsque l'infraction porte uniquement atteinte à la
personne ou aux biens d'un autre membre du personnel de l'Etat d'origine ;
c) lorsque l'infraction porte uniquement atteinte aux biens
de l'Etat d'origine.
3. Lorsque l'Etat qui a le droit d'exercer par priorité
sa juridiction décide d'y renoncer, il le notifie immédiatement
aux autorités compétentes de l'autre Etat. Les autorités
compétentes de l'Etat qui bénéficient de la
priorité de juridiction examinent avec bienveillance les demandes de
renonciation à ce droit, lorsque les autorités compétentes
de l'autre Etat estiment que des considérations particulières
importantes le justifient.
4. L'Etat d'origine s'engage à présenter tout
membre du personnel ainsi que les personnes à charge devant les
autorités judiciaires compétentes de l'Etat d'accueil aux fins de
1'instrcution. Celles-ci portent une attention bienveillante aux demandes des
autorités de l'Etat d'origine visant à obtenir la garde de cette
personne sur le territoire de l'Etat d'accueil jusqu'à ce que les
poursuites aient été engagées contre elle par l'Etat
d'accueil.
5, Les autorités de l'Etat d'accueil avisent sans
délai les autorités de l'Etat d'origine de toute arrestation d'un
membre du personnel ainsi que des personnes à charge, en
précisant les motifs de l'arrestation.
6. Les Parties se prêtent mutuellement assistance pour
la conduite des enquêtes et pour la recherche de preuves, et s'informent
mutuellement des suites données à l'affaire par leurs
juridictions.
7. En cas de poursuite devant les juridictions de l'Etat
d'accueil, tout membre du personnel de l'Etat d'origine ainsi que les personnes
à charge ont droit à un procès équitable. A ce
titre, ils bénéficient notamment du droit:
- à être jugé dans un délai
raisonnable ;
- à être représenté selon son choix
ou à être assisté dans les conditions légales en
vigueur dans l'Etal d'accueil ;
- à bénéficier si nécessaire d'un
interprète compétent gracieusement fourni par l'Etat d'accueil
pour l'assister tout au long de la procédure et du procès;
- à communiquer avec un représentant de
l'Ambassade de l'Etat d'origine, et lorsque les règles de
procédure le permettent, à la présence de ce
représentant aux débats ;
- à être informé, avant l'audience, des
accusations portées contre lui; - à être confronté
avec les témoins à charge ;
VII
- à ne pas être poursuivi pour tout acte ou
négligence qui ne constitue pas une infraction à la
législation de l'Etat d'accueil au moment où cet acte ou
négligence a commis.
En outre, les membres du personnel et les personnes à
charge bénéficient, en cas de poursuite ou condamnation dans
l'Etat d'accueil, des dispositions pertinentes de l'Accord de
coopération en matière de justice entre la République du
Mali et la République française du 9 mars 1962.
8- Lorsqu'un membre du personnel de l'Etat d'origine ou une
personne à charge a été jugé conformément
aux disposition du présent article et a été
acquitté ou condamné, il ne peut être jugé une
nouvelle foi; pour la même infraction par les juridictions de l'autre
Etat.
9) Lorsqu'elles exercent leur compétence de juridiction
conformément aux dispositions du présent article, les Parties
s'engagent à se remettre mutuellement les membres respectifs du
personnel ainsi que les personnes à charge auteurs d'infractions,
quelles que soient la nature et la gravité de la faute commise. Si ces
infractions sont punies de la peine capitale par la Partie qui exerce sa
juridiction ou d'une peine contraire aux engagements résultants des
conventions internationales auxquelles l'un ou l'autre des Etats Parties est
Partie, la remise par l'autre Partie est subordonnée à
l'assurance que ces peines ne seront ni
requises, ni prononcées à leur encontre, on, si
elles sont
prononcées, qu'elles ne seront pas
exécutées.
10. Lorsqu'elles exercent leur compétence de
juridiction conformément aux dispositions du présent article, les
Parties s'engagent à ce que, dans les cas où elles seraient
prévues par la loi les peines mentionnées à
l'alinéa précédent ne soient ni requises ni
prononcées à l'égard du membre du personnel ainsi que des
personnes à charge de l'autre Partie, ou, si elles sont
prononcées, qu'elle ne seront pas exécutées.
Article 16 : Règlement des
dommages
1. Chaque Partie renonce à tout recours qu'elle
pourrait avoir contre l'autre Partie, les forces, ou un membre du personnel de
cette Partie pour les dommages causés à ses biens ou à son
personnel, y compris ceux ayant entraîné la mort, en raison
d'actes ou de négligences dans l'exercice des fonctions officielles qui
découlent du présent traité.
2. Les dispositions précédentes ne s'appliquent
pas en cas de faute lourde ou intentionnelle. Par faute lourde, il convient
d'entendre l'erreur grossière ou la négligence grave. Par faute
intentionnelle, il convient d'entendre la faute commise avec l'intention
délibérée de son auteur de causer un préjudice.
3, Pour les dommages causés aux biens ou à la
personne d'un tiers par les forces ou un membre du personnel de l'Etat
d'origine en service, l'Etat d'accueil se substitue dans l'instance à
l'Etat d'origine. Les Parties prennent conjointement en charge les
indemnités versées pour la réparation des dommages
causés aux tiers, selon la répartition suivante:
- lorsque le dommage est imputable à une seule des
Parties, cette Partie assure le règlement total du montant de
1'indemnité ;
- lorsque le dommage est imputable aux deux Parties, ou qu'il
ne peut être précisément attribué à l'une ou
l'autre des Parties, le montant des indemnités est réparti
à parts égales entre les Parties. L'imputabilité du
dommage et le montant subséquent de l'indemnisation sont
déterminés d'un commun accord entre les Parties.
4. Par dérogation aux dispositions des trois
paragraphes précédents, l'Etal d'accueil prend en charge la
réparation des dommages causés en service ou à l'occasion
du service par les membres du personnel participant, pour une durée de
plus six mois, aux activités de formation mentionnées à
l'article 4.1.d, que ces dommages soient causés au personnel ou au
matériel des forces armées de l'Etat d'accueil ou à des
tiers. L'Etat d'accueil s'engage à rembourser à l'Etat d'origine
les dépenses ayant résulté pour ce dernier des dommages
subis par les personnes visées ci-dessus en ou à l'occasion du
service, quelles qu'en soient les causes.
VIII
Article 17 : Echange d'informations
classifiées
Les Parties partagent la volonté de conclure un accord
bilatéral de sécurité qui régira l'échange
d'informations classifiées entre elles.
III- Dispositions relatives aux activités
organisées dans le cadre du présent traité Article 18
: Champ d'application
1. Les activités organisées sur le territoire
de l'une ou l'autre des deux Parties sont soumises au consentement de l'Etat
d'accueil et aux conditions agréés dans les accords et
arrangements prévus aux articles 4.2 et 5.2 du présent
traité.
2. Les autorités militaires de l'Etat d'accueil
apportent leur concours aux forces de l'Etat d'origine dans toutes les
démarches administratives et techniques nécessaires à la
mise en oeuvre du présent traité.
Article 19 : Déplacement et circulation des
forces
1. Les forces de l'Etat d'origine sont autorisées
à entrer sur le territoire de l'Etat d'accueil, y compris ses eaux
territoriales et son espace aérien, avec le consentement
préalable de ce dernier.
2. Chaque Partie est responsable des demandes d'autorisation
de survol et d'atterrissage de ses aéronefs militaires dans l'Etat
d'accueil dans le cadre de l'exécution des activités
prévues à l'article 4 du présent traité. Les
autorités compétentes de l'Etat d'accueil délivrent
à cette fin les autorisations nécessaires au cas par cas, dans le
respect de la réglementation nationale en vigueur. Toutefois, les
liaisons régulières ou périodiques font l'objet de
renouvellements annuels. Ces autorisations peuvent être suspendues par
l'Etat d'accueil si celui-ci estime que ces liaisons sont de nature à
porter atteinte à sa souveraineté ou à sa
sécurité.
Article 20 : Importation du matériel
1. L'Etat d'accueil prend les mesures utiles pour faciliter
l'entrée et la sortie de son territoire des matériels, ressources
financières, approvisionnement et d'autres marchandises
nécessaires à l'exécution des activités
prévues à l'article 4 du présent traité. La liste
de ces matériels, ressources financières, approvisionnements et
marchandises est communiquée à l'avance à l'Etat
d'accueil, lequel peut, en tant que de besoin, procéder à des
visites pour s'assurer de leur conformité.
2. Les forces de l'Etat d'origine peuvent importer sous le
régime de l'admission temporaire en exonération totale de droits
et taxes pour une durée de douze mois prorogeable, le matériel
destiné à leur usage exclusif. Les quantités raisonnables
d'approvisionnements destinés à leur usage exclusif sont
importées en franchise de droits et taxes. L'admission ainsi
prévue en franchise est subordonnée au dépôt
auprès des autorités douanières de l'Etat d'accueil des
documents de douane que les Parties auront convenu de fournir, d'une
attestation dont la forme aura été acceptée par les
Parties et signées par une personne habilitée à cet effet
par l'Etat d'origine. Les autorités compétentes de l'Etat
d'accueil peuvent demander que le nom des personnes habilitées à
signer les formulaires douaniers ainsi qu'un spécimen de leur nom
signature et des cachets utilisés leur soient adressés par
avance.
3. Les matériels, approvisionnements et marchandises
admis en franchise en application du présent article ne peuvent
être cédés à titre onéreux ou gratuit sur le
territoire de l'Etat d'accueil. Cependant, dans des cas particuliers, une
cession ou une destruction peut être autorisée, sous
réserve des conditions imposées par
les autorités
compétentes de l'Etat
d'accueil.
4 Les matériels, approvisionnements et marchandises
admis en franchise en application du présent article peuvent être
réexportés en exonération de tous droits et taxes,
à condition que soit remise aux autorités
IX
douanières de l'Etat d'accueil une attestation
délivrée dans les conditions prévues par le paragraphe 2
du présent article. Les autorités douanières de l'Etat
d'accueil conservent le droit de vérifier, s'il a lieu, que les biens
réexportés sont effectivement ceux décrits sur
l'attestation et ont été réellement importés dans
les conditions prévues au présent article.
5. Les autorités militaires de l'Etat d'accueil
apportent leur concours aux forces de l'Etat d'origine dans toutes
démarches administratives et techniques nécessaire à la
mise en oeuvre du présent article.
Article 21 : Entreposage des matériels et
approvisionnements
Le matériel et les approvisionnements, en particulier
les armes et munitions de sécurité, destinés aux forces de
l'Etat d'origine, sont entreposés et gardés sous leur
responsabilité dans le respect de la réglementation applicable
dans l'Etat d'accueil.
Article 22 : Echange de personnel
L'échange de membres du personnel entre les forces des
Parties est autorisé conjointement par leurs autorités militaires
compétentes. L'activité des membres du personnel et le soutien
logistique dont ils bénéficient sont soumis aux règles en
vigueur dans l'unité qui les accueille.
Article 23 : Communication
1. Toute installation de systèmes de communication des
forces armées de l'Etat d'origine est soumise à autorisation
préalable de l'Etat d'accueil. Les demandes d'installation sont
examinées avec bienveillance par les autorités compétentes
de l'Etal d'accueil. Leur construction, entretien et utilisation s'effectuent
dans les conditions agréées d'un commun accord entre les Parties
dans le cadre d'un arrangement technique spécifique au sens de l'article
4.2.
2. Les forces armées de l'Etat d'origine n'utilisent
que les fréquences qui leur sont attribuées par les
autorités de l'Etat d'accueil. Les procédures d'attribution et de
restitution des fréquences sont déterminées d'un commun
accord entre les Parties. Les Parties coopèrent pour l'utilisation des
fréquences qui leur sont attribuées ne perturbe pas les
transmissions locales.
3. Les installations de systèmes de communications
agréées par l'Etat d'accueil ne peuvent être
utilisées à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont
été autorisées.
IV. Dispositions finales
Article 24 : Règlement des
différends
Tout différend lié à
l'interprétation ou à l'application du présent
traité est réglé par voie de consultation au sein du
comité de suivi institué par l'article 6 du présent
traité ou de négociation par la voie diplomatique entre les
Parties.
Article 25: Combinaison avec les accords conclus
antérieurement dans le domaine de la défense
1. Le présent traité abroge et remplace
l'Accord de coopération militaire technique entre le Gouvernement de la
République du Mali et le Gouvernement de la République
française signé à Bamako le 6 mai 1985 et les accords et
arrangements subséquents, tels que précisés par la voie
d'un accord par échange de lettres entre les Parties établi
après l'entrée en vigueur du présent traité.
2. L'application du président traité est sans
préjudice de la mise en oeuvre d'autres accords conclus entre les
Parties, en particulier l'accord sous forme d'échange de lettres
signées les 7 et 8 mars 2013. Dans l'hypothèse ou des membres du
personnel de la Partie française présents sur le territoire
malien au titre du présent traité seraient amenés à
participer aux opérations visées par l'accord sous forme
d'échange de lettres du 7 et 8 mars 2013, la Partie française en
informerait la Partie malienne sans délai. Dans un tel cas,
X
les stipulations de ce dernier accord s'appliqueraient, y
compris rétroactivement aux forces françaises, à leurs
personnels et à leur matériels engagés dans lesdites
opérations.
Article 26 : Entrée en vigueur, amendements, et
dénonciation
1. Chaque Partie notifie à l'autre l'accomplissement
des procédures constitutionnelles requises en ce qui la concerne pour
l'entrée en vigueur du présent traité, qui prend effet le
premier jour du deuxième mois suivant le jour de réception de la
dernière notification.
2. Le présent traité est conclu pour une
durée de cinq ans est renouvelable par tacite reconduction pour de
nouvelles périodes de cinq ans, à moins que l'une des Parties
notifie à l'autre son intention de mettre fin au traité six mois
avant son expiration.
3, Les Parties peuvent, à tout moment et d'un commun
accord, amender par écrit le présent traité. Les
modalités d'entrée en vigueur des amendements sont celles
énoncées à l'alinéa 1er du présent
article.
4. Chaque Partie peut dénoncer le présent
traité par le biais d'une notification écrire. Cette
dénonciation prend effet six mois après réception de la
notification par l'autre Partie.
5. La dénonciation du présent traité
n'affecte pas les droits ou obligations résultant de son
exécution préalablement à cette dénonciation.
Source : Malijet
http://malijet.com/a_la_une_du_mali/107383-exclusif-%E2%80%93-l%E2%80%99accord-de-d%C3%A9fense-franco-malien-%5Btexte-int%C3%A9gral%5D.html
![](L-intervention-militaire-franaise-au-Mali-Essai-d-analyse-geopolitique8.png)
Annexe 2 : Dispositif militaire français
utilisé
Rafale B 113-HO de l'Escadron 2/92 "Aquitaine" Combat militaire
au solde l'armée de l'air française
Bateau BPC DIXMUD transport de la logistique française
Hélicoptère Gazelle en combat à Gao
Combat au sol de l'armée française Char
français en conquête à Tombouctou
Groupes terroristes en présence sur le
théâtre des opérations
![](L-intervention-militaire-franaise-au-Mali-Essai-d-analyse-geopolitique9.png)
Source :
https://www.google.com/search?q=Les+groupes+arm%C3%A9s+djihadistes&biw=1280&bih=689&source=lnm
s&tbm=isch&sa=X&ved=0CAgQ AUoA2oVChMI69T2up6xyAIVy7gaCh208QZH
Section 1 : L'environnement juridique de l'intervention militaire
française 35
Table des matières
Dédicace 2
Remerciements 3
Sigle et abréviations 4
Sommaire 5
Introduction générale
I- Justification de l'étude ;;;;
1- Intérêt du sujet
2- Objet et champ d'étude
II- Problématique et cadre théorique
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6
8
8
9
12
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1- Problématique et hypothèses de recherche
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12
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2-
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Cadre théorique
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..15
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III-
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Méthode de recherche
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...16
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1- Démarche
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16
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2-
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Collecte de données
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17
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IV-
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Limites de l'étude
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20
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V-
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Articulation du travail
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20
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Première partie : Les fondements de
l'intervention militaire française au
Mali 22
Chapitre I- L'espace sahélo-saharien, une
sous-région sous tension et l'insécurisation du
Mali .24
Section 1 : L'instabilité géopolitique des Etats
dans l'espace sahélo-saharien ...24
1- L'effondrement de Libye et ses conséquences 24
2- Les problèmes sécuritaires de la Mauritanie,
du Niger et de l'Algérie 25
3- Les effets directs et collatéraux de la
déstabilisation de la région ...28
Section 2 : Le basculement du Mali dans l'instabilité
sous régionale 30
1- Les conséquences de l'instabilité des Etats
de la sous-région sur le Mali ..30
2- Les faiblesses de l'Etat malien et leurs
conséquences 32
Chapitre II- Le jeu d'alliance et les motivations «
inavouées » de l'intervention militaire
française 35
1- 1- La mobilisation d'un contingent conséquent et le
financement de l'opération ...63
2- L'intervention des pays alliés à la France
66
Les accords militaires franco-maliens ..35
2- Accords multilatéraux de sécurité
collective de la France avec les pays ouest-
africains 37
3- De la légitime défense collective de l'ONU
38
Section 2 : Le repositionnement de la France au Mali, dans
l'espace sahélo-saharien et Ouest-
africain .39
1- La restitution de l'intégrité territoriale du
Mali et l'anéantissement des
djihadistes 39
2- L'enjeu de la présence militaire permanente au Mali et
dans l'espace sahélo-
saharien 41
3- Le recadrage de l'influence politico-diplomatique
française au Mali et dans la sous-
région ...43
Chapitre III- La France, une alliée
intéressée 45
Section 1 : La protection des ressources stratégiques et
économiques dans la sous-
région 45
1- La sécurisation des plates-formes
pétrolières et minières françaises dans la sous-
région 45
2- Le maintien du leadership économique dans les
régions sahélo-saharienne et ouest-
africaine 46
3- L'enjeu du marché malien 48
Section 2 : La sécurité extensive de la France
50
1- La lutte contre le terrorisme et les trafics mafieux ..50
2- La protection des ressortissants français .54
3- Le Mali comme verrou stratégique de la France .55
Deuxième partie : Du déploiement militaire
français aux stratégies de sortie de
crise ..57
Chapitre I- L'intervention militaire : prodromes et
manifestations 59
Section 1 : Les démarches diplomatiques et
stratégiques 59
1- La formulation de la demande malienne d'intervention
militaire française 59
2- Vers l'opération militaire 60
Section 2 : Le déploiement de l'armée
française .61
3- Les territoires africains comme base arrière de
l'intervention militaire française 69
Chapitre II- Les effets de l'intervention militaire
française et ses limites
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71
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Section 1 : Les effets militaro-humanitaires et socio-spatiaux
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71
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1- Les effets militaires de l'intervention
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..71
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2- Les effets humains et humanitaires de l'intervention
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..73
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3- Les effets socio-spatiaux
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.74
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Section 2 : Les limites de l'intervention militaire
française
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75
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1- Une intervention non unanime et à charge de
contestation
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75
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2- Une intervention à démilitarisation
approximative
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.77
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Chapitre III- Le désengagement de l'armée
française et les perspectives des nouveaux
rapports entre la France et le Mali 78
Section 1 : Le remplacement de la force militaire
française et l'engagement des troupes
onusiennes 78
1- Le processus d'évacuation des troupes
françaises
2- L'intervention de l'ONU dans le conflit
3- La conversion de la force militaire française : de
Serval à Barkhane
Section 2 : Le retour à l'ordre constitutionnel au Mali et
les réformes de la coopération
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...78
79
.82
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militaire franco-malienne
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83
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1- L'impératif de l'organisation des élections
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83
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2- Le rétablissement de l'appareil
militaro-sécuritaire et administratif
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3- Les réformes des accords militaires franco-maliens
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85
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Conclusion générale
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...89
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Références bibliographiques
93
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Table des illustrations
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..100
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Annexes
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