INTRODUCTION GENERALE
IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES REFUGIES AUTOUR DES ZONES
CONFLICTUELLES EN AFRIQUE DE L'OUEST
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Le rapport d'activité du CICR (Comité
International de la Croix Rouge), volume 51, 1969 montre que le monde a
assisté à des changements spectaculaires sur de nombreux fronts :
politique, économique et social. Par contre, les conséquences des
conflits armés n'ont hélas pas changé. Entre 1960 et 2005,
les conflits armés interétatiques ont fait environ 6.6 millions
de morts dans le monde. En juin 2013, l'ONU a publié ses
dernières statistiques relevant que le nombre de personnes
déracinées de leurs foyers par les conflits s'élevaient
à 45.2 millions. L'immense majorité de ces migrations
forcées a lieu dans les pays dits « du Sud », notamment en
Afrique où leur prise en charge n'est pas une priorité pour les
pays d'accueil (BLACK R, 2001).
L'Afrique compte un tiers des réfugiés
recensés sur la planète, abstraction faite des «
déplacés » qui n'ont pas franchi de frontières
internationales. Les migrations forcées de ce type ont pris tant
d'importance qu'elles ont pu devenir des éléments de
structuration du champ politique, économique et social sur le continent
(CORDELL D.D, 2002). La vulnérabilité géographique,
l'immensité territoriale, les richesses naturelles et minières
abondantes ont fait de l'Afrique un terrain plus favorable à la
production de réfugiés que tout autre continent de la
planète.
A l'instar d'autres régions du continent, l'Afrique de
l'Ouest compte environ 884 000 personnes relevant de la compétence du
HCR (rapport global UNHCR, 2012). Privés de protection originelle de
leurs Etats, ces réfugiés espèrent, grâce à
l'internationalisation des droits de l'homme trouver une seconde patrie de
survie et voir leur calvaire prendre fin. La grande majorité des
réfugiés de la sous-région est regroupée dans les
camps du HCR qui présentent des aspects et des tailles variables en
fonction de l'origine des migrants, des conditions environnementales et du
volume de l'aide. (AGIER M, 2008) rappelle que les camps sont autant un outil
d'aide que de contrôle pour les acteurs humanitaires car très
souvent, les réfugiés sont considérés comme
corrupteurs, impurs et dangereux. Ils sont gardés dans les camps afin de
ne pas déséquilibrer l'environnement, l'économie nationale
et la culture « unique » du pays d'accueil (LEACH M, 1995). Les
réfugiés peuvent autant être un « fardeau »,
selon une expression employée de façon récurrente par le
HCR et les Etats, qu'une valeur ajoutée pour leurs hôtes. Ainsi,
les géographes ont rappelé
l'hétérogénéité sociale de certains
réfugiés, observant qu'avec davantage de capital
économique et social, ils pouvaient
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s'appuyer sur leurs compatriotes pour développer avec
succès des projets agricoles (BASCOM J, 1998).
Aujourd'hui, l'impact de l'humanité sur son
environnement est probablement la question la plus importante à laquelle
nous ayons à répondre. Bien qu'à court terme, cette
question puisse paraître triviale, elle peut être décisive
sur le long terme. Selon JACOBSEN.K (1997), les thèmes sur
l'environnement peuvent être abordés suivants quatre angles :
problématique ; systèmes de production et environnement ;
santé et environnement ; ville, espace de vie et environnement. De
même, du fait de leur caractère transversal, les problèmes
environnementaux ne peuvent pas être traités de manière
isolée. En effet, les directives en matière d'environnement qui
se rapportent à un secteur donné doivent être suivies en
tenant compte de celles établies pour les autres secteurs. Les questions
liées à l'environnement doivent être abordées dans
une perspective globale tout en précisant les contextes : temporel,
spatial et culturel dans lesquels elles s'insèrent. Une approche
sectorielle sépare souvent les causes des effets et ne prend pas en
compte les interactions entre les différentes composantes
environnementales (PNUE/HCR, 2000). Toutefois, sans remettre en cause ces
directives infaillibles et enrichissantes, notre étude traite du milieu
physique et humain, particulièrement les impacts directs des
réfugiés sur les ressources naturelles renouvelables (le bois, la
faune, l'eau et les pâturages) avec une exploration de quelques
problèmes de santé, d'hygiène, sociaux et d'érosion
du sol dus à la présence des réfugiés. De
façon spécifique, il sera question dans ce mémoire,
d'analyser les effets générés par la présence des
réfugiés de conflits sur les milieux biophysique et humain en
Afrique de l'Ouest. Et pour une meilleure analyse de l'étude, c'est
l'environnement défini comme l'ensemble des ressources naturelles et
humaines dont la conservation est primordiale à moyen et long termes qui
sera le cadre d'investigation de notre travail.
En outre, la volonté de consacrer ce mémoire
à l'analyse des travaux menés sur l'impact des
réfugiés de conflits sur les ressources naturelles renouvelables
et humaines se veut une contribution à la mise en lumière des
effets néfastes des concentrations rapides de populations sur les
écosystèmes et les sociétés ouest africaines. Et
l'impact environnemental des réfugiés se produisant dans un
« territoire » donné, « territoire » qui permet
à un individu ou à un groupe d'affirmer son identité et de
poser des actes d'existence identifiables et localisables, le géographe
a son mot à dire dans cette étude.
Afin d'illustrer efficacement la problématique
formulée, l'identification de trois pays ouest africains accueillant ces
populations de longues dates a été nécessaire : la
Guinée
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Conakry, le Ghana et le Burkina Faso. Dans ces trois pays, il
sera question de présenter l'état des lieux fait par certains
chercheurs sur le thème abordé. Et à partir de cet
état des lieux, il sera plus aisé d'analyser l'impact de ces
réfugiés sur les ressources naturelles renouvelables et les
communautés hôtes.
Ce présent document qui fait la synthèse de la
revue de littérature exploitée est scindé en deux parties.
La première pose la problématique du thème, expose la
méthodologie adoptée pour appréhender la question et
présente l'Afrique de l'Ouest. La seconde plus critique, accorde une
place de choix à l'analyse des travaux déjà
réalisés sur le sujet.
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PREMIERE PARTIE : LE CADRE THEORIQUE ET LES CARACTERISTIQUES DE
L'ENVIRONNEMENT
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PHYSIQUE ET HUMAIN EN AFRIQUE DE L'OUEST
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Cette première partie aborde la problématique de
la dégradation des ressources naturelles renouvelables et humaines par
les réfugiés de conflits à une échelle micro
régionale des sites d'accueil, présente l'Afrique de l'Ouest et
expose la méthodologie d'étude du mémoire.
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CHAPITRE I : CADRE THEORIQUE ET PRESENTATION DE LA
ZONE D'ETUDE
I-1 PROBLEMATIQUE
L'Afrique de l'Ouest comprend l'ensemble des pays de l'espace
CEDEAO (15 pays), auquel, compte tenu des liens historiques,
géographiques et culturels a été adjoint la Mauritanie qui
a quitté l'organisation en 1999 pour l'Union du Maghreb Arabe (UMA). A
l'horizon 2030, l'Afrique de l'Ouest comptera 480 millions d'habitants
répartis sur une superficie 7.800.000 km2 soit
1/5e du continent africain (CSAO/SWAC, 2007). Cela représente
d'énormes défis à relever pour ces pays au regard de la
forte jeunesse de la population (65%), de la recrudescence des conflits
armés et de l'insécurité dans la sous-région. Ces
conflits impliquent des coûts socio-économiques importants et
surtout des mouvements de populations au-delà des limites territoriales.
Cette affluence à travers les frontières est favorisée en
grande partie par les liens culturels et les relations d'affinités
linguistiques et ethniques que les populations ouest africaines entretiennent.
Et très souvent, ces réfugiés arrivent à
s'installer sans grande difficulté avant l'arrivée des ONG
humanitaires. Toutefois, cette augmentation spontanée de populations,
même de courtes durées dans certains cas constitue un risque de
détérioration de l'environnement car les intérêts et
priorités des populations autochtones et des nouveaux arrivants sont
souvent divergents. En effet, selon les recherches de BLACK R et SESSAY M,
(1995) ; BLACK R et LASSAILLY-JACOB V, (1996) ; JACOBSEN K, (1997) ; GIBERT F,
(2009) ; SIMON-LORIERE H, (2013) ; BARRY S et al, (2013) ; consacrées
aux zones d'accueil de réfugiés en Guinée, au
Sénégal, au Libéria, au Ghana et au Burkina Faso : les
ressources fauniques, végétales et hydriques environnant les
sites d'accueil de réfugiés sont souvent dégradées.
De plus, le déplacement ayant globalement tendance à s'allonger
dans la durée, la population a besoin de mener des activités dans
la région d'accueil dont l'équilibre socio-économique et
surtout écologique peut être complètement
dévasté. Ainsi, à l'heure où la région ouest
africaine doit nourrir, loger, soigner, former une population en forte
croissance, où elle doit s'insérer dans une mondialisation
multipolaire, où elle fait face à la résurgence de
conflits et à l'apparition de crises de types nouveaux, où les
migrations forcées s'affichent à la une des médias,
où les écosystèmes sont dans l'impasse, la question sur le
devenir des ressources naturelles et humaines, sur son capital de
développement dans certains pays est primordiale et d'actualité
(OCDE, 2009). Et dans ce cadre, nous proposons de réfléchir sur
le thème : « impacts environnementaux des
réfugiés autour des zones conflictuelles en Afrique de l'Ouest
».
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Le choix de ce thème s'appuie également sur
quelques indicateurs écologiques qui révèlent la
dégradation progressive des ressources naturelles en Afrique de l'Ouest
car soumises à un climat instable (pluies violentes, fortes chaleurs) et
à une pression anthropique croissante. Parmi ces ressources, l'eau, la
végétation et la faune sauvage méritent notre attention
parce qu'elles jouent un rôle essentiel dans l'équilibre
écologique du milieu et suscitent un grand intérêt
socio-économique pour les populations riveraines (UICN, 2012).
Ainsi, à l'issue de cette problématique, un
certain nombre de questions s'imposent à
nous :
Quelles sont la nature et l'ampleur de la dégradation
des ressources naturelles renouvelables autour des sites d'accueil de
réfugiés?
- Quelle est la part de responsabilité des
réfugiés de conflits dans la dégradation de ces ressources
?
- Quelles sont les conséquences à long terme de
l'installation des réfugiés sur les communautés et pays
hôtes ?
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