Haute Ecole en Hainaut
Campus Pédagogique - Tournai
Rue des Carmes, 19b 7500 Tournai
Tél. : +32 (0) 69 22 55 12
Fax : +32 (0) 69 22 51 03 Section Educateur
Spécialisé en
E-mail :
peda-tournai@heh.be
Accompagnement Psycho-Educatif
Travail de fin d'études :
Quel
est l'impact de la précarité sur la
famille, et sur l'enfant ?
EDUCATEUR
FAMILLE
Promotrice : Pascale DURIEUX Lectrice :
Bénédicte WANTIER
Année Académique : 2014-2015 ? Session de Juin
Romain CORDIER
«
ous savons bien ce que nos enfants nous doivent, mais
pensons-nous à ce que nous leur devons ? Si nous sommes la
sécurité de leur existence, ils sont la grâce de la
nôtre ».
Marie d'Agoult, Esquisses morales (1849).
2
REMERCIEMENTS :
Je souhaite remercier tout particulièrement Kévin
FARINEAU, et l'ensemble de l'équipe éducative de la Maison de
Jeunes « Port'Ouverte » pour l'intérêt qu'ils m'ont
porté, mais aussi les parents et enfants qui ont su me faire
confiance.
Je remercie aussi très chaleureusement Madame Pascale
DURIEUX, ma promotrice, et Madame Bénédicte WANTIER, ma
lectrice, pour leurs conseils et leur patience.
Enfin, j'ai une pensée profonde pour ma mère,
Orthophoniste du Monde, qui a consacré sa carrière à
venir en aide aux plus démunis, et sans qui mon désir
d'accompagner les enfants, n'aurait probablement jamais abouti au
métier d'éducateur spécialisé.
3
TABLE DES MATIERES
Introduction :
A. Présentation de ma démarche :
|
6
8
|
|
I.
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Quelle institution ?
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8
|
|
II.
|
|
Quelles valeurs ?
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8
|
|
III.
|
|
Qu'ai-je mis en place ?
|
10
|
|
B.
|
|
Précarité et Pauvreté, la spirale
infernale :
|
22
|
|
I.
|
|
Définitions générales et
spécifiques des deux termes :
|
22
|
|
|
1.
|
Précarité :
|
23
|
|
|
2.
|
Pauvreté : absolue ou relative ?
|
24
|
|
II.
|
|
Chiffres Récents :
|
26
|
|
III. Impact global sur le corps social :
|
28
|
|
|
1.
|
Qui sont les familles concernées ?
|
29
|
|
|
2.
|
Chômage et exclusion sociale :
|
30
|
|
|
3.
|
La santé, en général :
|
34
|
C.
|
|
La famille comme premier lieu d'apprentissage :
|
39
|
|
I.
|
|
Rappel historique de la place de l'enfant dans la cellule
familiale :
|
40
|
|
II.
|
|
La vision du rôle parental dans les moeurs :
|
43
|
|
|
1.
|
Le devoir de transmission des connaissances :
|
43
|
|
|
2.
|
Le devoir d'assurer un équilibre physique et
psychologique :
|
45
|
|
|
3.
|
Quelle distribution des rôles parentaux ?
|
47
|
|
|
III. Réalité du terrain :
|
50
|
|
|
1.
|
Des difficultés liées à l'éducation
des parents eux-mêmes :
|
50
|
4
2. Leur propre vision du rôle de parent : 51
D. L'impact de la précarité sur l'enfant :
54
I. Représentation négative d'eux-mêmes :
54
II. Comportements : 56
III. Santé/hygiène : 57
1. Sur le plan psychologique : 57
2. Sur le plan physique : 61
3. Des difficultés dans le parcours scolaire : 65
E. Les outils de l'éducateur ou
l'éducateur-outil en Maison de Jeunes : 67
I. Sur le plan familial : 67
1. Etre à l'écoute des situations familiales :
67
2. Fixer des objectifs à court et à long terme :
69
II. Sur le plan scolaire : 70
1. Renforcer l'importance de l'Ecole des devoirs : 70
2. Sensibiliser l'établissement scolaire sur les
difficultés de l'enfant : 72
III. Sur le plan culturel et citoyen : 74
1. Ouverture culturelle : 74
2. Ouverture citoyenne : 75
IV. Etre en relation avec les institutions d'aides : 77
Conclusion : 79
Table des Sources : 81
Annexe : 83
5
INTRODUCTION :
Avant même le début de mes études
d'éducateur spécialisé, j'avais déjà la
volonté de vouloir travailler dans le milieu du social, et notamment
avec les enfants. Mon stage de première année, centré sur
les problèmes de délinquances et de décrochages scolaires,
m'a véritablement conforté dans ce choix. C'est pourquoi j'avais
la réelle ambition d'effectuer mon dernier stage dans ce même type
de structure. Cependant, mes recherches en la matière n'ayant pas
abouties, je me suis tourné vers les Maisons de Jeunes, et il se trouve
que « Port'Ouverte » a été favorable à ma
venue.
Très vite, les comportements, les attitudes, mais aussi
les tenues et l'hygiène de vie des enfants qui fréquentent cette
Maison de Jeunes, m'ont interpelé. Pantalon trop grand, nervosité
quotidienne, chaussures trouées, agressivité, ongles longs et
sales, carence affective, tant de signes témoignant d'une
détresse sociale manifeste. J'ai remarqué que, souvent en
déshérences, ces jeunes bénéficiaient de peu de
moyens pour relever la tête et affronter la dureté du milieu dans
lequel ils tentent d'évoluer. Et je me suis rendu compte que nous ne
connaissions pas vraiment les familles de ces enfants, que nous n'avions qu'un
point de vue extérieur de ce qu'elles vivent réellement. En
effet, les parents prennent très rarement le temps de discuter avec
l'équipe, soit parce que leur logement se trouve à
proximité des locaux et que les enfants rentrent seuls, soit parce
qu'ils n'ont pas le temps, soit parce qu'ils n'en n'ont pas l'envie ou le
besoin. Et la finalité première de l'association n'est pas de
régler les problèmes de pauvreté de ces gens, mais j'ai
pensé que connaître leur chemin pourrait permettre à
l'équipe d'ouvrir de nouveaux horizons éducatifs, et, à
long terme, de laisser une trace, aussi mince soit-elle, dans le paysage terni
de ces enfants et de ces familles.
En ce sens, qui sont ces familles ? Comment en sont-elles
arrivées là ? Qu'en est-il de leur intégration sociale ?
Et les enfants, comment vivent-ils cette situation ? La précarité
et la pauvreté n'ont-t-elles pas aussi une influence sur leurs parcours
et leur développement ? Et comment l'éducateur peut-il intervenir
sur ces situations en Maison de Jeunes ?
6
Toutes ces questions ont peu à peu dessiné les
contours d'une problématique qui m'a semblé évidente :
quel est l'impact de la précarité sur la famille et sur
l'enfant, et comment, au sein d'une Maison de Jeunes, l'éducateur
spécialisé peut-il intervenir ? Evidemment, un premier
postulat voudrait que cet impact influe à tous les niveaux de
l'existence, sur la sphère publique et sociale comme sur la
sphère privée et familiale. Je peux aussi imaginer que les
domaines de l'emploi et de la santé sont notamment affectés. Mais
si je ne me contentais que de ces hypothèses, je n'entrerais jamais dans
le vif du sujet, et ne comprendrais jamais les rouages et les
conséquences que ces situations particulièrement difficiles
peuvent engendrer, et notamment si les rencontres avec les parents sont
compliquées, voire inexistantes.
C'est pourquoi il m'a semblé essentiel de créer
un questionnaire dans le but de recenser un maximum d'informations sur les
conditions de vie des familles et des enfants, mais aussi sur leur vision de
l'éducation, leurs relations familiales, leurs parcours de vie en somme.
Les résultats de ce questionnaire seront donc le support et la
justification de tout mon Travail de Fin d'Etudes, en plus de mes observations,
de mes ateliers, de mes activités, et de mes recherches
théoriques sur le sujet.
Mon développement sera le suivant : je commencerai par
expliquer l'engrenage de la précarité et de la pauvreté,
et notamment l'impact global sur le corps familial. Puis j'évoquerai la
façon dont la famille est perçue comme le premier lieu des
apprentissages de l'enfant, et surtout comment l'enfant hérite du
parcours de ses parents. Ensuite, je tâcherai de prouver à quel
point la précarité et la pauvreté affectent tous les
domaines de la vie de l'enfant, et portent atteintes à ses droits les
plus fondamentaux. Et enfin, j'apporterai des pistes de réflexions en
évoquant les outils de l'éducateur, ou l'éducateur-outil
en Maison de Jeunes.
7
A. PRESENTATION DE MA DEMARCHE :
I. QUELLE INSTITUTION ?
La Maison de Jeunes Port'Ouverte est une Association à
But non Lucratif dont l'histoire débute en 1971 dans la ville de
Tournai, à l'initiative d'un groupe de personnes soucieuses du devenir
de certains jeunes du quartier. Mais ce n'est qu'en janvier 1998, après
de multiples changements de noms et d'adresses, que Port'Ouverte sera reconnue
en tant que Maison de Jeunes en milieu spécifique de Catégorie 1.
L'entretien, l'aménagement et le financement des locaux seront alors
assurés par les jeunes eux-mêmes et par les partenaires financiers
(Subsides, Lion's Club, Loterie Nationale, et particuliers).
En janvier 2013, l'ASBL et Ecole des Devoirs « Du Pains
sur la Planche » est dissoute, Port'Ouverte reprend alors
l'activité de cette dernière, et ce, dans les mêmes
conditions et dans les mêmes locaux, c'est-à-dire dans le quartier
du Luchet d'Antoing, diversifiant ainsi son plan d'action communal.
L'association est constituée d'une équipe
pluridisciplinaire de 7 personnes. On y retrouve les métiers
d'éducateurs spécialisés, d'animateurs socio-culturels,
d'un coordinateur, et d'ouvriers polyvalents. Tous concourent au même
objectif : assurer la bonne application du plan d'action et diversifier le plus
possible les ateliers et activités proposées.
II. QUELLES VALEURS ?
Port'Ouverte, comme son nom l'indique est une Maison de Jeunes
ouverte à tous, avec cependant une limite d'âge qui est de 12
à 26 ans. Ses principaux membres sont issus des quartiers avoisinants,
à savoir le Vert-Bocage, Carbonnelle et le quartier de la Culture. Ce
qui témoigne d'un bon ancrage de la maison de jeunes dans son
environnement local. Le nombre total de jeunes bénéficiant d'une
carte membre s'élevait à 165 en octobre 2014. Il est
évident
8
que ce chiffre représente une globalité, et non
une réalité en termes de fréquentation journalière.
Certains souscrivent pour un atelier en particulier, d'autres ne viennent que
pour y passer du bon temps.
Du côté du quartier du Luchet d'Antoing, sur les
rives de l'Escaut, se trouve « Luch'Ouverte ». Implantée au
pied des immeubles, la tranche d'âge acceptée y est plus large
qu'à Port'Ouverte, allant de 4 à 21 ans. L'équipe compte
trois éducateurs spécialisés, et une moyenne de deux
à trois stagiaires en permanence. La fréquentation y est moins
importante (environ une trentaine d'inscrits), mais plus
régulière. En effet, j'ai pu remarquer qu'il existait un noyau
central constitué d'une quinzaine d'enfants et de jeunes adolescents.
La finalité principale de l'association est de
favoriser l'épanouissement des enfants et des jeunes, en les inscrivant
dans une démarche de citoyenneté active, critique et responsable,
et ce, au travers d'un vecteur essentiel : la culture. En favorisant
l'accès à la connaissance pour les jeunes, Port'Ouverte facilite
l'ouverture au monde qui les entoure, et tente ainsi de développer chez
eux un esprit critique et objectif.
Afin d'atteindre ces finalités, et de préparer
les jeunes à leur émancipation, l'association propose un panel
d'activités et d'ateliers culturels tels que la cuisine, la photo, le
bricolage, le RAP, le sport, l'informatique, le cinéma, les
séjours culturels, les spectacles, le tout en créant des liens
avec de nombreux partenaires (Infor Jeunes, Masure 14, Canal J, le CJWAPI, ou
encore le Service d'Aide à l'Intégration Sociale). De plus, face
aux difficultés d'apprentissages, à l'absentéisme
récurrent et au problème du décrochage scolaire,
l'association se veut Ecole Des Devoirs, et incite ainsi les jeunes à
être acteurs de leur scolarité. Une aide particulière
concernant la recherche de formations et la rédaction de CV et lettres
de motivations est notamment dispensée.
9
III. QU'AI-JE MIS EN PLACE ?
Comme je l'ai précisé dans l'introduction, les
enfants et les jeunes adolescents qui ont fréquenté la Maison de
Jeunes durant la période de mon stage sont, pour la plupart, issus de
familles monoparentales ou recomposées vivant dans des situations de
précarité et de pauvreté. Je ne parle pas ici
d'extrême pauvreté, mais plutôt de cette nouvelle
misère qui gagne peu à peu les foyers partout en Europe. Ces
familles qui ne trouvent plus d'emploi stable, et qui peinent à boucler
les fins de mois. C'est une réalité qui ne cesse d'augmenter face
à la crise sociale et économique que nous connaissons depuis
plusieurs années.
Mais qui sont-elles vraiment ? Quels sont leurs parcours ?
Comment éduquent-elles leurs enfants ? Comment les enfants
perçoivent-ils leur situation ? Qui sont ces parents aux multiples
difficultés ?
Outre les différentes activités et ateliers que
j'ai pu mettre en place, et au vu des questions que j'ai pu me poser sur le
terrain, j'ai alors décidé de réaliser un questionnaire
adressé à ces enfants et à leurs parents, et de consacrer
mon TFE au thème de la précarité et de la pauvreté,
et notamment leurs impacts sur l'enfant.
Pour le questionnaire aux parents, la première partie
est consacrée aux informations générales des
répondants, à savoir : le statut du répondant, le niveau
d'étude, s'il bénéficie d'une aide financière ou
non, etc. Le but étant de concentrer un maximum de renseignements pour
dresser le portrait socio-économique de ces adultes. La seconde partie
consiste en une série de phrases auxquelles il faut répondre si
l'on est d'accord ou non, portant sur la vision qu'ont les parents de
l'éducation de leurs enfants en général, et de leurs
relations entre eux en particulier. Enfin, la troisième partie est une
évaluation de l'Ecole des Devoirs permettant de mettre en lumière
les remarques des parents, et éventuellement, de modifier certains
points.
10
11
En voici un exemplaire :
QUESTIONNAIRE D'INFORMATIONS SUR LA FAMILLE
Dans le cadre d'un travail de fin d'étude portant sur
les relations entre parents et enfants, je vous propose de répondre
à quelques questions sur vous-même et sur votre famille.
Tous les renseignements fournis sont soumis au secret
professionnel et seront exclusivement utilisés sous forme anonyme.
Chère madame, cher monsieur,
Je vous remercie pour le temps que vous accorderez à
cette étude et je vous prie de croire à l'expression de mes
meilleurs sentiments.
1. INFORMATIONS SUR LES REPONDANTS (PARENTS OU
SUBSTITUTS)
1.1 Statut(s) du (de la) répondant(e) :
mère 11 belle-mère (1) 11 tutrice
11
père 11 beau-père (1) 11 tuteur 11
Les deux parents ensembles
|
11
|
11
1.2 Êtes-vous actuellement?
- marié(e) ou en union libre stable (conjoint de fait
depuis 1 an et plus)
- parent seul (famille monoparentale) 11
1.3 Lorsque vous avez quitté l'école, à quel
niveau scolaire étiez-vous? Si vous avez repris des études par la
suite, indiquez la dernière année achevée.
1.4 Quel est le diplôme le plus élevé que
vous ayez obtenu?
1.5 Que faites-vous actuellement (ou faisiez-vous) comme
travail (ou dernier travail)? Indiquez la profession (le métier).
1. Je n'ai jamais occupé d'emploi
rémunéré régulier. 11
2. Je n'ai pas actuellement d'emploi
rémunéré régulier 11
3. J'ai actuellement un emploi rémunéré
régulier 11 Si 3, veuillez indiquer la profession exercée :
1.6 Êtes-vous actuellement bénéficiaire du
chômage ou du Revenu Insertion Sociale (R.I.S) ?
- n'est pas bénéficiaire du chômage ou du
R.I.S. 11
- bénéficiaire du chômage 11
- bénéficiaire du R.I.S. 11
2. INFORMATIONS SUR VOTRE(VOS) ENFANT(S) :
2.1 Veuillez indiquer combien d'enfant(s) à votre charge
vivent à la maison?
2.2 Veuillez indiquer dans quel groupe d'âge se situe(nt)
votre(vos) enfant(s) :
de la naissance à 4 ans 11 de 4 à 6 ans 11 de 6
à 9 ans 11 de 9 à 12 ans 11
Plus de 12 ans 11
12
2.3 Veuillez précisez si votre enfant a du retard à
l'école :
2.4 Avez-vous des enfants qui vivent à l'extérieur
du domicile familial ?
Oui 11 Non 11
2.5 Votre(vos) enfant(s) participe(nt)-t-il(s) à une ou
plusieurs activités extra-scolaire (sportive, culturelle, etc.) Si oui,
laquelle/lesquelles ?
QESTIONNAIRE SUR LE(S) ROLE(S) DU/DES
PARENT(S)
Dans ce questionnaire, je vous demande de m'indiquer votre
accord ou votre désaccord par rapport à chacune de ces phrases.
Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, il s'agit seulement
d'opinions.
Je vous remercie pour le temps que vous accorderez à
cette étude et je vous prie de croire à l'expression de mes
meilleurs sentiments.
Chère madame, cher monsieur
Les énoncés qui vous sont soumis comportent deux
possibilités de réponse. Si vous êtes d'accord
avec l'énoncé, veuillez écrire 1
dans la case de gauche. Si vous êtes en désaccord
avec l'énoncé, veuillez écrire
2.
? Un jeune éduqué librement réussira mieux
qu'un jeune éduqué sévèrement. 11
? Un parent doit le plus souvent dire «oui» que
«non» à son enfant. 11
? Etre parent, c'est être à l'écoute des
besoins de son enfant. 11
13
ri
· Je suis conscient que mon enfant a besoin d'un cadre
stable pour se développer convenablement (sécurité,
hygiène, amour, etc).
· Lorsque mon enfant est près de moi, je lui montre
que je fais attention à lui. ri
· Le père a le rôle de l'autorité, et
la mère a le rôle de l'affectivité. ri
· Un parent qui a dit «non» à son enfant
ne doit jamais revenir sur sa décision. ri
· J'ai souvent l'impression que je n'ai pas assez
d'influence sur mon enfant. ri
· Je laisse rarement mon enfant libre de faire ce qu'il
veut. ri
· En tant que parent, je dois impérativement
transmettre des connaissances à mon ri enfant.
· Le plus souvent, lorsque mon enfant fait quelque chose de
bien, je le souligne et ri l'encourage à continuer dans ce sens.
· Je suis inquiet du devenir de mon enfant. ri
· Je démontre à mon enfant que je l'aime,
même s'il fait des bêtises. ri
· J'ai souvent de la difficulté à comprendre
pourquoi mon enfant agit comme il le ri fait.
· Je préfère laisser mon enfant faire ce
qu'il veut plutôt que de provoquer sa colère. ri
· Lorsque mon enfant me décrit ce qu'il a fait
à l'école, je le félicite. ri
14
? Mon enfant se comporte rarement comme j'aimerais qu'il le
fasse. ri
? Lorsque mon enfant a des devoirs (en dehors de l'EDD), je
les fais avec lui. ri
? Si mon enfant vit dans une situation précaire, il y a
des chances que cela se ri
répercute sur son développement (affectif,
social, scolaire, etc).
? Je dois absolument avoir une vie saine pour bien
éduquer mon enfant. ri
? Je me laisse rarement décourager par les agissements
de mon enfant, même si je ri
les trouve inacceptables.
QUESTIONNAIRE D'EVALUATION
DE L'ECOLE DES DEVOIRS
Il s'agit d'un questionnaire strictement
anonyme, vos remarques sont donc les bienvenues !
1. Les méthodes proposées pour aider votre
enfant vous semblent :
Très appropriées ri Inappropriée ri
Appropriées ri Très Inappropriée ri
2. En général les impressions de votre
enfant envers l'ensemble des actions proposées par l'EDD
sont:
Très bonnes ri Moyennes ri
Bonnes ri Mauvaises ri
15
3. Avez-vous remarqué des progrès dans
les résultats de votre enfant depuis son inscription à l'EDD
?
Fortement 11 Probablement pas 11
Assez 11 Pas du tout 11
4. Recommanderiez-vous l'EDD à un(e) ami(e) ou
à un membre de votre famille dont l'enfant en aurait besoin
?
Fortement 11 Probablement pas 11
Assez 11 Pas du tout 11
5. Avez-vous des remarques particulières à
faire concernant l'EDD ?
Merci de votre collaboration, et à bientôt !
Enfin, le questionnaire destiné aux enfants se
présente de la même façon : une première partie sur
les informations générales (l'âge, le nombre de
frères et soeurs, avec qui il vit, etc), une deuxième partie avec
des phrases auxquelles il doit répondre s'il est d'accord ou non
(relation avec ses parents, à l'école, ses conditions de vie,
etc), et enfin une dernière partie sur l'évaluation de l'Ecole
des Devoirs (savoir s'il voit des progrès, s'il aimerait que ses parents
participent, etc.).
16
En voici un exemple :
QUESTIONNAIRE AUX ENFANTS n°1
Dans le cadre d'un travail de fin d'étude portant sur
les relations entre parents et enfants, je te propose de répondre
à quelques questions sur toi et ta famille.
Tous les renseignements donnés sont soumis au secret
professionnel et seront exclusivement utilisés sous forme anonyme. Tu
dois donc répondre le plus honnêtement possible.
Je te remercie pour le temps que tu accorderas à ce
questionnaire !
1. INFORMATIONS SUR LE/LA REPONDANT(E) :
1.4 Dans ma famille, je suis :
L'aîné(e) 11 Le/la cadet(e) 11 , et nous sommes 11
enfant(s).
1.5 Mon âge se situe entre :
6 et 9 ans 11 9 et 12 ans 11 12 et 14 ans 11 14 et 18 ans 11 18
ans et plus 11
1.6 A la maison, je vis avec :
Papa et Maman 11 Que Maman 11 Que Papa 11 Mon tuteur/tutrice 11
Autre (précise en dessous) 11
1.7 A l'école, je suis en (indique ton année
d'étude) :
1.8 A l'école, j'ai une ou plusieurs années de
retard. Si oui, indique combien :
Oui 11 Combien ? Non 11
17
1.9 En dehors de l'école, je fais une activité :
Sport 11 Musique 11 Danse 11 Cuisine 11 Aucune 11 Autre
(Précise) 11
QESTIONNAIRE n°2
Dans ce questionnaire, je te demande de m'indiquer ton accord
ou ton désaccord par rapport à chacune de ces phrases. Il n'y a
pas de bonne ou de mauvaise réponse, il s'agit seulement d'opinions.
Je te remercie pour le temps que tu accorderas à ce
questionnaire !
Les phrases que tu vas lire nécessitent deux types de
réponse :
- Si tu es d'accord avec ce qui est
écrit, mets un 1 dans la case. - Si tu n'es pas
d'accord avec ce qui est écrit, mets un 2.
Exemple : Je dois toujours obéir à mes
parents (Tu n'es pas d'accord, donc tu dois mettre un 2) -* 11 2
? Un enfant peut faire ce qu'il veut à la maison. 11
? A la maison, je peux faire mes devoirs dans le calme. 11
? J'ai une chambre pour moi tout seul. 11
11
? Le matin, le midi et le soir, je mange toujours à la
même heure.
? Quand je ne suis pas d'accord avec mes parents, je leur dis
calmement. 11
18
· Quand je fais une bêtise, c'est souvent papa qui
me dispute. 11
· L'hiver j'ai suffisamment chaud dans la maison. 11
· Je me sens en sécurité chez moi. 11
· Un parent a le droit de lever la main sur son enfant
pour le punir. 11
· A la maison, il m'arrive parfois d'entendre parler de
drogue. 11
· Le plus souvent, c'est moi qui m'occupe de mes
frères et soeurs. 11
· Je préfère être dehors avec les
copains plutôt que de rester à la maison. 11
· Mes parents me montrent souvent qu'ils m'aiment. 11
· A l'école, on peut m'aider si je suis en
difficulté pour faire mes devoirs. 11
· Si on me fait du mal, il y a des adultes en dehors de ma
famille, avec lesquels je pourrais parler librement.
|
11
|
|
· Je fais des sorties avec mes parents. 11
· Etre propre (du corps et des vêtements), c'est
important pour moi. 11
· Mes parents m'aident à faire mes devoirs quand
l'EDD est fermée. 11
· Tous les enfants ont les mêmes chances de
réussir dans la vie. 11
· Mes parents s'intéressent à ce que je
fais à l'école. 11
19
? Ce n'est pas parce que j'ai des difficultés que je ne
vais pas réussir. 11
? J'ai des vêtements à ma taille et en bon
état. 11
? Je comprends l'importance d'aller à l'école.
11
QUESTIONNAIRE n°3
Il s'agit d'un questionnaire strictement
anonyme, tes remarques sont donc les bienvenues !
1. Les méthodes proposées pour m'aider me
semblent :
Très appropriées 11 Inappropriée 11
Appropriées 11 Très Inappropriée 11
2. En général, mes parents sont satisfaits
du travail que je fais à l'EDD :
Absolument 11 Pas du tout 11
Assez 11 Ils ne m'en parlent pas 11
3. As-tu remarqué des progrès dans tes
résultats depuis ton inscription à l'EDD ?
Fortement 11 Probablement pas 11
Assez 11 Pas du tout 11
20
4. Recommanderais-tu l'EDD à un ou une ami(e) qui
en aurait besoin ?
Fortement 11 Probablement pas 11
Assez 11 Pas du tout 11
5. Aimerais-tu que tes parents participent à
l'EDD avec toi ?
Oui 11 Oui, mais pas tout le temps 11 Non 11
6. As-tu des remarques particulières à
faire concernant l'EDD, un(e) animateur(trice), en général
?
Merci de ta collaboration, et à bientôt !
Au total, dix parents et seize enfants ont
accepté de répondre au questionnaire. Pour les autres, je ne les
ai soit, pas rencontrés, soit, pas convaincus. Mais les
résultats1 de cette recherche m'ont permis de mettre en
relief bien des aspects que je ne pouvais percevoir autrement, tant les
familles s'enferment dans leur mutisme, et les enfants dans leur enfance
égarée.
Comme précisé dans l'introduction, cette
recherche, ce recueil de témoignages, sera le support de mon
développement.
1 CF : Annexe pour les résultats des
questionnaires.
21
B. PRECARITE ET PAUVRETE, LA SPIRALE INFERNALE :
Face à l'état de crise sociale dans
laquelle se trouve l'Europe toute entière, un constat visible et
prévisible est à faire : les pauvres sont de plus en plus
pauvres, et le seront de plus en plus. Alors que l'année 2010
était, pour l'Union Européenne, l'année de la lutte contre
la pauvreté et l'exclusion sociale, on observe partout des politiques de
rigueurs et des coupes budgétaires dans les domaines de la santé,
du logement et de l'aide sociale.
Cette crise d'ampleur générale affecte
particulièrement les familles pauvres, et leur dignité, en tant
que personne à part entière, est souvent mise à mal.
L'état de précarité dans lequel elles se trouvaient
déjà, ne cesse alors de s'accroître. C'est un fait. Mais
qu'est réellement la pauvreté ? Repose-t-elle sur des
critères particuliers ? Comment est-elle définie ? La
pauvreté et la précarité sont-elles indissociables l'une
de l'autre ?
I. DEFINITIONS GENERALES ET SPECIFIQUES DES DEUX TERMES :
|
Dans cette partie, je tâcherai de recenser les
différentes définitions qui englobent les termes de
pauvreté et de précarité. Je partirai
des définitions les plus communément admises par la
société, pour arriver à celles qui, sur le plan
sociologique, sont les plus illustratrices du point de vue du sujet qui
m'intéresse.
22
1. PRECARITE :
Si l'on se penche sur les définitions du dictionnaire
« Larousse », on peut lire :
? Précarité : État,
caractère de ce qui est précaire : La
précarité des moyens d'existence.
Ce qui nous amène à :
? Précaire : Qui n'offre nulle
garantie de durée, de stabilité, qui peut toujours être
remis en cause : Santé précaire. Emploi précaire.
Qui est d'une sécurité douteuse : Un abri
précaire.
La précarité est donc ici synonyme d'état
instable, où lorsqu'une personne ou une famille toute entière se
trouve amputée d'une ou plusieurs des sécurités qui leur
permette de pouvoir bénéficier de leurs droits les plus
fondamentaux. Ces sécurités sont nombreuses et englobent le
travail, les revenus, le logement, l'accès aux soins, à
l'école et à l'instruction, l'accès à la culture,
le lien familial, le lien social en somme.
Cependant, la précarité la plus
récurrente est encore et toujours celle de l'emploi. Il est donc
important de préciser le lien étroit qui unit la
précarité de l'emploi à la pauvreté et aux autres
difficultés qui en découlent. Patrick Cingolani l'explique
d'ailleurs très bien : « la précarité, traduite
en revenus insuffisants et aléatoires, est l'antichambre de la
pauvreté, le début de la désocialisation,
l'impossibilité de faire des projets, le début d'un parcours
où il devient possible de passer de tout à rien, parce que la
maladie ou la séparation ajoutent leur lot de problèmes à
celui des difficultés monétaires d'existence. »2
Ainsi, c'est le cumul des diverses situations de
précarité vécues par une personne ou une famille toute
entière qui peut conduire à un état de pauvreté
latent. On peut donc vivre dans une société pauvre sans
précarité comme on peut vivre précaire dans une
société riche. La précarité serait plus à
considérer comme un facteur
2 CINGOLANI Patrick, Coll. Que Sais-Je ?, éd. PUF,
2005.
23
de risque de pauvreté. Pour le Père
Wrésinski3, la
précarité est « l'absence d'une ou plusieurs
des sécurités, notamment celle de l'emploi, permettant aux
personnes et familles d'assumer leurs obligations professionnelles, familiales
et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux.
L'insécurité qui en résulte peut être plus ou moins
étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et
définitives. Elle conduit à la grande pauvreté, quand elle
affecte plusieurs domaines de l'existence, qu'elle devient persistante, qu'elle
compromet les chances de réassumer ses responsabilités et de
reconquérir ses droits par soi-même, dans un avenir
prévisible ».
Ainsi, la précarité peut engendrer la
pauvreté, et la pauvreté peut engendrer la
précarité.
2. PAUVRETE : ABSOLUE OU RELATIVE ?
La vision de la pauvreté dans les moeurs est souvent
directement liée à l'insuffisance de revenu monétaire.
Ainsi, une personne est considérée comme pauvre lorsqu'elle n'a
pas de ressources suffisantes pour vivre dignement dans la
société dans laquelle elle se trouve. Il s'agit ici de vivre dans
un état de pauvreté, c'est d'ailleurs la façon dont
le dictionnaire français Larousse définit ce terme :
? « Pauvreté, nom féminin (latin
paupertas,-is). État de quelqu'un qui est pauvre : Vivre
dans la pauvreté. »
Aujourd'hui, les économistes et les sociologues
affinent cette définition et répertorient, deux types
particuliers de pauvreté : la pauvreté « absolue », et
la pauvreté « relative ».
La pauvreté dite « absolue », ou «
grande pauvreté » désigne la difficulté totale ou
partielle d'accéder aux besoins les plus fondamentaux : se nourrir
convenablement, avoir accès à l'eau potable, avoir un logement
décent, etc. Ces personnes sont dans une lutte continue pour survivre.
Et si ce type de pauvreté touche plus particulièrement les pays
en voie
3 WRESINSKI Joseph, fondateur d'ATD Quart Monde, Rapport :
Grande pauvreté et précarité économique et
sociale, 1987.
24
de développement, l'Union Européenne n'est pas
en reste : c'est le cas par exemple des sans-abris ou des populations Roms.
En revanche, si l'on poursuit, dans ce même
dictionnaire, la recherche à partir de l'adjectif « pauvre »,
on retrouve, en première position, une vision directement liée au
principe de richesse :
? « Pauvre, adjectif (latin pauper, -eris). Qui
a peu de ressources financières, peu de biens : Ses parents
étaient trop pauvres pour qu'il fasse des études.
C'est sur base de ce type de définition, qui
considère qu'une personne n'est pauvre qu'à partir de son revenu,
qu'Eurostat, statisticien en chef de l'Union Européenne, mesure le seuil
de pauvreté dans les pays de l'UE. Celui-ci part du principe qu'il y a
pauvreté lorsqu'une personne se trouve en dessous de 60% du revenu
médian européen (revenu séparant la population en deux,
c'est-à-dire que la moitié de la population a un revenu plus
élevé, et l'autre moitié, un revenu inférieur). La
gravité du problème varie donc fortement d'un pays à
l'autre en fonction du niveau de vie de la majorité des citoyens. C'est
ce que l'on appelle la « pauvreté relative ».
Enfin, une définition officielle a été
retenue par l'Union Européenne : sont pauvres « les personnes dont
les ressources matérielles, culturelles et sociales sont si faibles
qu'elles sont exclues des modes de vie minimaux acceptables dans l'État
membre où elles vivent ».
Néanmoins, ces définitions «
officielles » ne reflètent pas la réalité quotidienne
des personnes en situation de pauvreté, et se limitent à l'aspect
purement économique en omettant les difficultés humaines et
sociales qui en découlent. Il est donc très important de cumuler
les indicateurs de logements, d'emplois, de santé, et
d'intégration sociale, qui ensemble, peuvent alors donner une
idée précise des caractéristiques des familles
touchées par la pauvreté.
25
II. CHIFFRES RECENTS :
Nota Bene : L'utilisation des chiffres et
statistiques ne sert ici que d'illustration, et ne sauraient en
eux-mêmes, résumer les difficultés présentées
plus haut puisqu'ils ne sont basés que sur trois critères : la
pauvreté monétaire, la privation matérielle grave et la
faible intensité de travail. Les données utilisées tant au
niveau belge qu'européen, permettant de mesurer la pauvreté et
l'exclusion sociale, proviennent de l'enquête EU-SILC (European Union
Statistics on Income and Living Conditions) et d'EuroStat
réalisée en 2013.
Taux de pauvreté basé : sur le revenu,
la privation matérielle grave, et la faible intensité de travail.
Réalisé par : l'Indicateur Européen de Pauvreté,
Belgique, EU-SILC 2013.
|
Personnes à risque
de pauvreté monétaire (%)
|
Personnes appartenant à un ménage
confronté à une privation matérielle
grave
|
Personnes (0-59) appartenant à un ménage
à faible intensité de travail
(%)
|
|
|
(%)
|
|
Total
|
|
|
|
|
15,1
|
5,1
|
14,0
|
Homme
|
|
|
|
|
14,6
|
5,5
|
14,0
|
Femme
|
|
|
|
|
15,5
|
4,7
|
14,0
|
26
Taux de risque de pauvreté (<60% du revenu
net médian) par type de ménage, la Belgique, SILC 2013
(revenus 2012)
Ménage d'une personne total
|
24,5
|
Ménage d'une personne 65homme
|
27,0
|
Ménage d'une personne 65- femme
|
18,4
|
Ménage d'une personne 65+ homme
|
25,5
|
Ménage d'une personne 65+ femme
|
22,3
|
2 Adultes pas d'enfant dépend. (au moins une pers.
65+)
|
16,9
|
2 Adultes, pas d'enfant dépend. (tous les deux
-65)
|
8,7
|
Autre ménage pas d'enfant
dépend.
|
6,0
|
Tous les ménages sans enfant
dépendants
|
15,3
|
Ménage monoparental avec enfants
dépendants
|
34,2
|
2 Adultes, 1 enfant dépend.
|
10,6
|
2 Adultes, 2 enfants dépend.
|
7,8
|
2 Adultes, 3 enfants dépend. ou
plus
|
19,9
|
Autre ménage avec enfants
|
11,9
|
Tous les ménages avec enfants
dépendants
|
14,9
|
La case surlignée en rouge est celle qui illustre de la
façon la plus pertinente la réalité de la situation du
public auquel j'ai été confronté durant mon stage à
la Maison de Jeunes « Port'Ouverte ». En effet, les résultats
des questionnaires que j'ai réalisé ont mis en valeur le fait que
la plupart des familles des jeunes concernés étaient
monoparentales, et que les situations de pauvreté et de
précarités dans lesquelles elles se trouvaient, étaient
alors plus fortes que celles des familles entières.
27
Taux de risque de pauvreté (<60% du revenu
net médian) selon l'âge, la Belgique, SILC 2013 (revenus
2012)
|
Risque de pauvreté
|
Total
|
15,1
|
0-15
|
16,8
|
16-24
|
17,0
|
25-49
|
13,8
|
50-64
|
11,8
|
65 et +
|
18,4
|
Les cases surlignées ici représentent les
chiffres les plus important du point de vue qui m'intéresse,
c'est-à-dire les enfants et les jeunes entre 4 et 21 ans, tranche
d'âge la plus représentée à la Maison de Jeune
« Port'Ouverte », et qui avec les 65 ans et plus, est la plus sujette
aux situations de pauvreté et de précarité.
III. IMPACT GLOBAL SUR LE CORPS SOCIAL :
Comme je viens de l'expliquer, la pauvreté et
la précarité des familles engendrent des difficultés
à plusieurs niveaux, et englobent dans la plupart des cas la
totalité de la sphère sociale : l'emploi, le logement,
l'exclusion, la santé, l'éducation, la stabilité du foyer
familial en général, etc. Il est important de retenir que chacune
de ces problématiques sont intimement liées, et que l'une
entraine l'autre, et inversement.
28
1. QUI SONT LES FAMILLES CONCERNEES ?
Avant de poursuivre le développement, il est
nécessaire de faire un point rapide sur les types de familles
concernées. Comme j'ai pu le dire auparavant, j'ai réalisé
un questionnaire aux parents et aux enfants, afin de récolter un grand
nombre d'informations importantes pour mon Travail de Fin d'Etudes. Les
familles dont je vais parler ici, sont toutes issues d'un milieu
précaire situé dans le quartier du Quai d'Antoing à
Tournai. Je mettrai en parallèle de la théorie, les
données recensées via les questionnaires.
i. Les familles monoparentales en première ligne :
De toutes les recherches effectuées sur le thème
de la précarité des familles, je peux tirer une conclusion : les
familles monoparentales sont les plus fragilisées. Ce constat s'explique
simplement par le fait que ces parents seuls n'ont, de fait, qu'un salaire pour
survivre, mais aussi moins de temps à consacrer à leur emploi,
puisque l'éducation des enfants monopolise la quasi-totalité de
leur temps libre. Bien que les Allocations Familiales existent, les fins de
mois sont toujours difficiles à vivre, et les revenus d'aide ne
permettent souvent que de payer les soins médicaux des enfants, ou de se
permettre un « extra » en termes d'alimentation.
Selon l'Entretien de la Petite Enfance 2011,
réalisé par Dominique VERSINI4, ancienne
défenseure des enfants : « (...) les familles monoparentales,
en augmentation, sont particulièrement vulnérable. 32,6 %
des familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté, 85 % de
ces familles sont des mères qui élèvent seules leurs
enfants ».
Une réalité que j'ai pu constater sur le
terrain, puisque sur les 10 parents interrogés, 8 sont des mères,
dont 6 sont des mères seules. Les 2 dernières
sont pour l'une, en union libre depuis au moins un an, et pour l'autre,
mariée. Les deux hommes restant sont un père seul, et
4 VERSINI Dominique, Entretien de la Petite Enfance,
2011.
29
un beau-père en union libre depuis au moins un an. Sur
les 6 mères seules, 2 ont un emploi
rémunéré régulier, les 4 autres n'en n'ont pas
actuellement, ou n'en n'ont même jamais eu, et 4 ont plus de deux enfants
à charge.
|
ii. Les familles nucléaires s'en sortent mieux :
Qu'elles soient liées par un contrat de mariage, ou en
union libre, ces familles ont moins de difficultés à affronter le
quotidien. Cela va de pair avec l'opportunité de pouvoir combiner deux
salaires, ou encore de parvenir à diviser les tâches
élémentaires : par exemple, l'un s'occupe des enfants, l'autre
s'occupe de l'emploi. Une division ancestrale certes, mais qui permet d'assumer
plus paisiblement la garde des enfants, qui peut s'avérer parfois
couteuse (à mettre en parallèle avec la pénurie de places
en crèches et pouponnières).
Dans ce sens, parmi les 10 parents interrogés, 5
ont un emploi, et de ces cinq, 3 sont des familles nucléaires, et ont
toutes un niveau d'étude plus élevé que les autres
parents.
2. CHOMAGE ET EXCLUSION SOCIALE :
Dans notre société occidentale
développée, le travail a acquis une valeur sociale
indéniable. Il est devenu une nécessité, car on ne
travaille pas quand on veut, mais on doit travailler pour se nourrir, avoir un
logement, payer l'éducation de ses enfants, etc.
De plus, il n'est pas seulement un moyen
nécessaire pour vivre, il permet aussi d'avoir une identité, des
liens avec le groupe socialisant secondaire, c'est-à-dire l'ensemble des
personnes ne faisant pas parties du cercle familial. Il permet ainsi
de
30
s'inscrire dans la société et d'y
trouver sa place. Avoir un emploi est aussi un facteur important de limitation
du risque de pauvreté, ce qui signifie inéluctablement que ne pas
en avoir, place la personne concernée dans un état de
précarité, où le lendemain est toujours
incertain.
Comment donc joindre les deux bouts lorsqu'au sein
d'une famille, aucun des deux parents n'a d'emploi ? Et quand bien même
un des deux parents travaille, cela reste encore insuffisant pour viser une
autonomie financière totale et assurer paisiblement l'avenir de sa
progéniture.
i. Sur le terrain :
Si l'on prend en plus en considération les faibles
niveaux d'études des parents qui ne permettent pas d'occuper des emplois
à forte rémunération, ni à temps complet, la
spirale précarisante devient alors infernale. D'ailleurs, sur
les 10 parents interrogés, 2 n'ont aucun diplôme et ont
arrêté leurs études à la 5ème
année Primaire, 6 ont obtenu le diplôme de secondaire
inférieur, 1 est diplômé en couture et le dernier en
boulangerie-pâtisserie.
Au travers du questionnaire que j'ai réalisé,
j'ai pu constater que sur les 10 parents interrogés, 4 n'ont
jamais occupés d'emploi rémunéré
régulier, 1 n'a actuellement pas d'emploi
rémunéré, et 5 ont un emploi rémunéré
régulier. Sur les 5 parents qui n'ont pas d'emploi, 4 sont
bénéficiaires du RIS, et 1 est bénéficiaire du
chômage, et du Revenu d'Insertion Sociale (R.I.S.). La
réalité du terrain est là, en dehors des données
officielles, les familles vivent pour la plupart, bien en dessous du seuil de
pauvreté, avec comme seul revenu, une aide externe. Et ce n'est
certainement pas la tendance économique de ces dernières
années qui inversera la courbe du chômage. Au vu de l'explosion
des Contrats à Durées Déterminées, la
stabilité de l'emploi est de plus en plus mise à mal. Ces
changements économiques entraînent un sentiment grandissant
d'insécurité, et dans bien des cas, une augmentation du
degré de pauvreté.
31
Lors des entretiens que j'ai pu avoir avec eux après
qu'ils aient complété le questionnaire, beaucoup m'ont fait part
de leur peur de ne pas trouver de travail, se rappelant avec nostalgie
l'époque où ils étaient à l'école, et
où ils avaient un cercle d'amis bien plus important
qu'aujourd'hui. Ce qui m'amène à évoquer le
phénomène d'exclusion sociale, provoqué par la situation
de chômage de longue durée.
ii. Le phénomène d'exclusion sociale par le travail
:
C'est à partir de la crise énergétique et
pétrolière des années 70, qui entraîna une
transformation radicale du monde du travail dans l'Europe Occidentale (passant
de 50 000 à 600 000 chômeurs en Belgique), que le chômage
s'est installé de façon permanente et structurelle dans la
société, c'est-à-dire qu'il fait, à présent,
partie intégrante de la structure sociale du pays. Et être au
chômage aujourd'hui, signifie n'avoir de relations sociales qu'avec la
sphère familiale et avoisinante au domicile conjugal. Bon nombre de
personnes sans emploi ne sont ainsi plus intégrées socialement,
une intégration sociale qui se fait d'ailleurs à deux niveaux
:
4 au niveau de l'ensemble de la
société : c'est la cohésion sociale,
c'est-à-dire la modalité du lien qui existe entre les membres
d'une société. Elle s'oppose au concept d'anomie (nomos
= valeurs, et a- sens privatif, c'est donc l'absence de valeurs)
d'Emile DURKHEIM5. Ce concept désigne une
société qui n'intègre pas ces individus car il n'y a pas
assez de règles, de normes, de valeurs ou parce qu'elles changent trop
vite. Ainsi, lors de périodes de crises ou de changements,
l'intégration sociale ne fonctionne pas.
4 Au niveau individuel : c'est la
socialisation, l'individu est intégré et socialisé. Cela
s'oppose à l'exclusion sociale, c'est-à-dire au processus par
lequel un individu occupe progressivement une position socialement reconnue
comme extérieure. Ce n'est pas un
5 DURKHEIM Émile, De la division du travail social,
1893.
32
état mais un processus progressif dans le temps, comme
par exemple l'accumulation de situations de précarité par
exemple.
L'exclusion sociale par le travail dont je parle ici est donc
marquée par une extériorité, où la personne est
perçue comme différente, mais aussi comme inférieure. La
perte d'emploi affecte donc l'intégration de l'individu dans la
société de manière nuancé. C'est ainsi que
Dominique SCHNAPPER6 le décrit suivant 3 types de rapport au
chômage :
4 le chômage total : qui est la
perte du statut social, un repli sur soi et une rupture du principe de
solidarité (honte d'eux-mêmes et honteux d'être au
chômage).
4 Le chômage inversé :
où la personne au chômage s'investie dans des activités
autres que le travail (le milieu associatif, le bénévolat, etc).
Ici, l'exclusion n'est pas vraiment vécue.
4 Le chômage
différé : c'est lorsque la personne passe un temps complet
à chercher du travail en gardant le même rythme qu'auparavant (se
lever à la même heure, s'habiller de la même manière,
etc). La personne essaie de résister à la perte du statut de
travailleur.
iii. L'intériorisation de la situation d'exclusion :
Cette exclusion, provoquée par le chômage, induit
inévitablement que la personne exclue soit reconnue comme telle par ses
pairs, mais cela passe aussi par l'acceptation personnelle de cette
situation perçue comme dégradante. L'approche de Serge
PAUGAM7 illustre très bien cette prise de
conscience stigmatisante en analysant les processus d'exclusion au travers de
ce qu'il appelle « l'étiquetage » :
" (...) les exclus s'inscrivent dans un processus de
disqualification sociale à partir du moment où ils admettent
d'être désignés comme pauvres par des institutions
officielles et leurs représentants (travailleurs sociaux, élus,
etc..), la dépendance vis à vis des services d'actions
6 SCHNAPPER Dominique, L'épreuve du
chômage, 1981.
7 PAUGAM Serge, La disqualification sociale: essai sur la
nouvelle pauvreté, 1991.
33
sociales et les intérêts réciproques
des travailleurs sociaux qui désignent, et des assistés qui sont
désignés ".
3. LA SANTE, EN GENERAL :
Comme je viens de l'expliquer plus haut, les familles
aux situations économiques difficiles, ont souvent perdu le soutien de
leur entourage immédiat et parfois se sentent plus
généralement « exclues » que les autres. C'est ainsi
que l'on retrouve un taux de morbidité important, et de nombreux
problèmes de santé chez cette population. Et sur l'ensemble de
l'échelle sociale, un constat général peut être
fait, toutes pathologies confondues : la mortalité est plus
élevée en bas qu'en haut de l'échelle, et la
quasi-totalité des maladies y sont plus fréquentes chez les
populations en situation de pauvreté que chez celles qui sont plus
aisées.
Et s'il n'existe pas de « pathologie des pauvres
», il y a cependant des risques bien plus grands de contracter des
maladies physiques et psychologiques, de souffrir d'un manque d'hygiène,
d'avoir une plus grande propension d'adopter des conduites à risques, ou
encore d'avoir des difficultés à se nourrir convenablement
lorsque l'on bénéficie d'un bas revenu. Autant de
problèmes qui compliquent davantage le quotidien de ces personnes. Et
dans le sens de l'engrenage de la précarité : plus elles sont
fragilisées, plus elles ont du mal à se soigner, plus elles ont
du mal à retrouver un emploi, et donc une place dans la
société.
i. Des difficultés d'accès aux soins :
Il est évident que les personnes les plus pauvres ont
plus de mal à accéder aux soins médicaux que les plus
riches, bien que le système de santé en Belgique soit
relativement
34
efficace. Cela s'explique notamment par les faibles revenus
des ménages, largement amputés par la déduction des
impôts, des assurances, des loyers, des transports et autres
dépenses essentielles à la vie dans notre société,
et qui ne laissent pour ces familles que quelques euros par jour, souvent
utilisés pour se nourrir.
C'est ainsi que le rapport annuel 2013 de la Mutualité
Chrétienne, basé sur une enquête en ligne de 21 900
personnes en situation de pauvreté, fait un état des lieux
alarmant des inégalités sociales en matière de
santé. En effet, cette étude met en lumière les chiffres
suivants : 43 % des personnes interrogés doivent reporter des
soins pour des raisons financières, il s'agit essentiellement de
personnes en invalidité (31 %), au chômage (28 %) et des
isolés avec enfants (23 %).
On voit donc ici qu'il existe une réelle
difficulté pour les familles pauvres d'accéder à des soins
médicaux sans devoir se « serrer la ceinture », et ce,
notamment auprès des spécialistes. En effet, c'est une
dépense qui est plus souvent reportée que le loyer, surtout dans
les familles nombreuses ou monoparentales. Au détriment,
malheureusement, de soins dentaires, entraînant des maladies de
l'appareil digestif : 11 % des plus pauvres souffrent de caries contre
6 % du reste de la population, de consultations de contrôle chez
le médecin généraliste : 20,8 % des personnes de
moins de 50 ans ayant un bas revenu n'ont pas consulté de médecin
au cours de l'année 2007, contre 12% pour le reste de la
population. Et encore plus alarmant, les personnes les plus pauvres
sont également moins bien couvertes : 22 % d'entre elles n'ont
pas de complémentaire santé contre 7 % du reste de la
population.8
ii. Des consommations d'alcool, de tabac et autres drogues :
Les personnes touchées par la pauvreté
rencontrent notamment un plus grand risque de contracter des maladies
cardio-vasculaires et pulmonaires, et ce, à cause d'une plus grande
8 DE SAINT POL Thibaut, La santé des plus pauvres,
division des conditions de vie des ménages, Insee, octobre 2007.
35
consommation de tabac, d'alcool, et parfois de drogues, souvent
engendrée par le stress et le désir d'oublier la situation dans
laquelle elles se trouvent.
Dans ce sens, j'ai pu observer dans mon lieu de stage, des
familles souvent confrontées aux problèmes de la drogue, et
notamment des drogues dures. En effet, lors d'une activité manuelle avec
les plus jeunes, l'un d'eux, alors âgé de 7 ans, m'a fait une
déclaration assez marquante : « J'suis défoncé, j'ai
trop pris de coke ! » m'a-t-il dit. J'ai immédiatement
questionné mon éducateur référent, qui m'a fait
comprendre que les parents de ce dernier étaient cocaïnomanes
depuis un certain temps, et qu'il était possible que les enfants les
aient déjà aperçus en pleine prise.
J'ai aussi pu remarquer sur le terrain, de nombreux parents
venant chercher leurs enfants dans des états
d'ébriétés manifestes, ou encore avec les yeux vitreux et
des comportements suspects, témoignant d'une prise de drogue
évidente, sans que nous puissions véritablement intervenir.
D'ailleurs, dans le questionnaire que j'ai adressé aux enfants, je leur
ai donné la phrase suivante : « A la maison, il m'arrive parfois
d'entendre parler de drogue », et il se trouve que 3 enfants sur 16 m'ont
répondu qu'ils étaient d'accord, soit 18,7% des
répondants.
iii. Une santé mentale fragilisée :
Outre les problèmes de santé physiques et les
consommations de tabac, d'alcool et de drogues, s'ajoutent souvent des troubles
psychologiques relevant plus souvent du « mal-être » que de la
maladie mentale. On retrouve par exemple de nombreux cas de dépressions
et de tendances suicidaires, notamment induites par une situation de stress
généralisé, inévitablement provoqué par la
spirale de la précarité et de l'exclusion sociale qui en
découle.
36
Le sentiment d'infériorité, ou encore de
bouc-émissaire, est aussi très souvent mentionné dans les
recherches sur le sujet, tout comme le fait que ces personnes ressentent leur
vie comme un échec, et éprouvent une certaine honte de vivre dans
le besoin.
iv. Le problème de la négligence alimentaire : la
malnutrition :
J'ai aussi pu constater au travers de mes recherches, que le
thème de l'alimentation est de plus en plus souvent mentionné, et
est même devenu un enjeu national, notamment depuis l'arrivée du
« 5 fruits et légumes par jour ». Il n'est pas ici question
d'une sous-nutrition, mais plutôt d'une malnutrition provoquée par
plusieurs facteurs :
- un manque d'équipement culinaire, de connaissances,
et de temps, engendrent un repli systématique vers les plats de types
« préparés » ou « livrés »,
- des difficultés économiques rendant impossible
l'achat d'aliments sains, entraînant des excès et des carences
dans plusieurs domaines. En effet, les difficultés
socio-économiques des familles les poussent de plus en plus à se
tourner vers des aliments de type « hard discount », souvent
très riches en protéines, et de très mauvaise
qualité en termes d'apport vitaminique,
- une déstructuration du lien social lors de la prise
des repas dans la famille, provoquée par la désynchronisation des
rythmes de vie. C'est-à-dire que le moment du repas n'est jamais le
même pour tous les membres de la famille : « (...) à
l'irrégularité des rythmes de sommeil correspond
l'irrégularité des horaires et sauts de repas ; à
l'isolement engendré par la désorganisation de la cellule
familiale répond la solitude et le désintérêt
vis-à-vis des repas, etc. L'alimentation n'assume plus son rôle
structurant, mais suit et renforce les contraintes sociales et familiales
rencontrées par les individus. »9
9 Enquête CORELA, 2005.
37
Et en effet, 62,5% des enfants interrogés admettent
qu'ils ne mangent jamais à la même heure le matin, le midi et le
soir.
L'ensemble de ces facteurs engendrent bien souvent une
malnutrition, qui elle-même, engendre l'obésité. Il est
d'ailleurs important de noter que le risque d'obésité est cinq
fois plus élevé en cas de précarité
économique, sociale ou psychoaffective. Cette malnutrition conduit
également à diverses carences qui augmentent le risque de
maladies cardio-vasculaires, de cancers, d'anémie, ou
d'ostéoporose. L'obésité est également deux
à trois fois plus présente chez les personnes à faible
niveau d'éducation.10
Ce premier volet, essentiellement basé sur ce
que j'ai voulu nommer « Précarité et pauvreté, la
spirale infernale », illustre de façon non exhaustive,
l'étroitesse des liens qui unissent la totalité des
difficultés que peuvent rencontrer les familles, et l'engrenage qui en
découle lorsqu'elles se trouvent dans une situation de
précarité.
Ainsi, le chômage de longue durée peut
donc influer sur l'état de pauvreté, et conduire le plus souvent,
à une exclusion sociale, qui empêche alors la personne de
reprendre sa place dans la société. L'état de
pauvreté peut aussi engendrer des problèmes de santé
physique et/ou mentale, qui, à leurs tours, pourraient priver la
personne de trouver un emploi, et ainsi de suite. Tous les schémas sont
possibles, et aucun n'est réellement fixé. Il n'existe que des
familles en difficultés, souvent en rupture avec les services d'aide
sociale, et qui, tant bien que mal, tentent de sortir du gouffre qui les
englouti.
Mais comment en sont-elles arrivées là ?
Est-ce simplement par manque d'éducation ? D'argent ? De volonté
? N'ont-elles pas subi la situation de leurs ascendants ?
10 CAVAILLET F., DARMON N., LHUISSIER A., REGNIER
F., L'alimentation des populations défavorisées en France.
2005.
38
C. LA FAMILLE COMME PREMIER LIEU
D'APPRENTISSAGE :
S'il est un lieu particulier où l'enfant doit
pouvoir établir les bases de tout apprentissage, c'est, avant
l'école, le foyer familial. Idéalement, et selon les
différents textes de protection des droits de l'enfant, les parents ont
pour responsabilité première l'éducation et la
protection de leur progéniture. Ils doivent veiller à
l'épanouissement personnel de ces derniers, en instaurant un climat
familial de bonheur, d'amour et de compréhension mutuelle au sein de la
famille : « c'est aux parents ou autres personnes ayant la
charge de l'enfant qu'incombe au premier chef la responsabilité
d'assurer, dans les limites de leurs possibilités et de leurs moyens
financiers, les conditions de vie nécessaires au développement de
l'enfant ». 11
La place de l'enfant dans le noyau familial est donc
perçue comme centrale aux yeux des autorités publiques et
étatiques. Les parents sont tenus d'éduquer leurs enfants selon
les meilleures dispositions possibles, puisque ce sont eux qui transmettent les
premières règles sociales, qui favorisent le processus de
socialisation, et qui posent le ciment de ce qui sera plus tard,
l'identité personnelle de l'enfant.
Mais comment donc éduquer convenablement un
enfant lorsque sa propre situation est synonyme d'instabilité et de
fragilité ? Comment parvenir à assumer pleinement son rôle
d'éducateur/protecteur au sein d'une société qui met de
plus en plus l'accent sur le devoir de « réussite sociale » ?
Comment faire face à la pression des images de familles « parfaites
» et soudées, envoyées en flux continu par les médias
? Quelle est réellement la vision du rôle parental au sein de
notre société, et au sein des familles concernées
?
11 Convention Internationale des Droits de
l'Enfant Article 27.2, ONU, 20 novembre 1989.
39
I. RAPPEL HISTORIQUE DE LA PLACE DE L'ENFANT DANS LA CELLULE
FAMILIALE :
|
Sans vouloir m'attarder sur une anthropologie de la
sociologie de la famille, je vais rappeler brièvement les
évolutions qu'elle a subies au fil des époques, et notamment la
place de l'enfant dans le foyer familial. Dans un souci de
synthétisation, je n'évoquerai que les évolutions de la
famille dite, occidentale.
Si l'on remonte à l'étymologie du terme «
enfant » dans sa racine latine, on trouve : infans, -antis,
qui ne parle pas. On voit ici une conception bien archaïque de la
place de l'enfant dans la société de l'époque : il n'avait
alors que le droit de se taire. Ainsi, les Gaulois avaient même le droit
de vie ou de mort sur les enfants, et les Romains pouvaient, à leur
guise, accepter ou refuser un enfant dès sa naissance. C'est le concept
de « Puissance Paternelle ». L'enfant était donc plus
considéré comme une main d'oeuvre supplémentaire et comme
l'assurance d'une descendance de la lignée, que comme le fruit tangible
d'un amour partagé entre deux êtres. Rappelons qu'à cette
époque, la vision du couple n'était soumise à aucune
règle, et que l'adoption de fait ou la polygamie, étaient
monnaies courantes, et que la femme était mariée à un
homme sans consentement, choisi au préalable par le père.
Il faudra attendre les avancées révolutionnaires
de l'Eglise au XVème Siècle pour voir apparaître les
prémices de ce qui sera plus tard, la famille nucléaire. En
mettant l'accent sur le consentement mutuel des époux, l'Eglise donnera
alors plus d'intimité au couple, leur laissant ainsi le soin de
désirer un enfant ou non. C'est à partir de là que ce
dernier prendra peu à peu une place à part entière dans le
foyer familial.
Mais ce n'est qu'à l'époque des Lumières
et de la Révolution Française, notamment avec la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, adoptée le 26
août 1789, que l'enfant va être reconnu comme ayant des droits.
Bien que celle-ci ne vise pas particulièrement le statut de l'enfant,
elle mentionne toutefois dans son introduction que cette déclaration est
: « (...) constamment présente à tous les
membres du corps social, (...) »12.
12 Déclaration des Droits de l'Homme et du
Citoyen, Introduction, 1789.
40
Mais, compte tenu du niveau de vie difficile, les deux parents
devaient travailler, et l'enfant était souvent déjà
travailleur dès l'âge de 10 ans, selon les dispositions
légales de l'époque. Ce n'est qu'un siècle plus tard, en
1887, que Jules Ferry, en rendant l'école gratuite, laïque, et
surtout obligatoire de 6 à 13 ans, que ce statut d'enfant travailleur va
peu à peu changer.
Puis les années passent, et la société
occidentale est plongée dans la révolution industrielle, les
moeurs changent rapidement, la famille prend définitivement le
rôle de fonction affective à mesure que l'état prend du
pouvoir sur celle-ci (sécurité sociale, obligation scolaire,
etc). Arrivent les Trente Glorieuses, qui laissent planer un climat social
stable et prospère. Le niveau de vie augmente, et l'un des deux parents
peut alors quitter son emploi, donnant libre court à la division des
rôles parentaux : le père autoritaire et travailleur, et la
mère affective et au foyer, ayant pour seules activités, les
tâches ménagères, l'administration des soins, et la garde
de l'enfant. Les avancée de la médecine vont dans le même
sens : contraception généralisée, baisse de la
mortalité infantile, hausse de la qualité des soins pré et
postnataux, etc. C'est l'avènement de l'enfant «
contrôlé ».
On voit alors apparaître la Déclaration de
Genève, le 26 septembre 1924, qui stipule que : « L'enfant doit
être mis en mesure de se développer d'une façon normale,
matériellement et spirituellement.», Celle-ci est
revisitée, et passe de cinq à dix principes avec la
Déclaration des Droits de l'Enfant du 20 Novembre 1959. L'enfant devient
peu à peu un sujet à part entière, possédant des
compétences réelles d'un point de vue cognitif, social et
affectif.
Mais l'arrivée des premiers chocs pétroliers
provoque une crise économique et sociale sans précédent,
qui va alors changer profondément le modèle familial en occident.
Le niveau de vie ne monte plus, on doit joindre les deux bouts, et la crise
renforce ce que les mouvements féministes revendiquaient : les femmes
retournent travailler. Parallèlement, l'âge du mariage augmente,
on voit de plus en plus de divorces, et les familles monoparentales explosent.
A mesure que la société évolue, les formes de couples
changent et se diversifient : familles éclatées,
recomposées, complexes, homoparentales, etc.
L'Homme décide enfin de protéger
entièrement la condition de l'enfant, et de lui accorder des droits
inaliénables en rédigeant et en adoptant la Convention
Internationale des Droits de l'Enfant, le 20 novembre 1989, il y a un peu plus
de vingt-cinq ans seulement.
41
Aujourd'hui, l'enfant est au coeur des préoccupations
des sociétés et des familles. Il est devenu l'un des axes de
référence de la famille contemporaine. En effet, « une
nouvelle conception plus contractuelle des liens conjugaux a fait passer les
liens parentaux à la première place »13. Les
liens conjugaux sont désormais solubles (d'un point de vue juridique)
tandis que le lien de filiation, lui, est caractérisé par le long
terme. L'enfant est à présent enfant-individu, enfant-roi et, de
plus en plus, enfant-consommateur.
Mais on voit apparaître un nouveau paradoxe : l'enfant
du XXIème siècle est sans cesse poussé vers la
performance, en milieu scolaire et extra-scolaire, tandis que les sciences
sociales et la psychologie, l'invite à ne pas quitter son enfance,
prônant une « philosophie » de vie tendue vers
l'épanouissement. Ainsi, l'insouciance, l'innocence, et la
spontanéité sont devenues des valeurs centrales. Cette pression
de la société sur l'enfant révèle des angoisses et
des inquiétudes constantes chez les parents, qui se demandent sans cesse
si leurs enfants sont bien éduqués, s'ils vont réussir
comme les autres, etc. Un stress qui est bien évidemment
décuplé lorsque la pauvreté et la précarité
s'en mêle, car il est indéniable que l'enfant issu d'un milieu
aisé réussira mieux qu'un enfant issu d'un milieu pauvre. En
effet, dans notre société de la connaissance, les personnes peu
instruites courent un risque de pauvreté nettement plus
élevé (23,8%) que celles très instruites
(6,5%).14
A partir de ces constats, quels sont
véritablement les devoirs des parents envers leur enfant ? Quel est le
schéma traditionnel occidental qui doit être appliqué en
matière d'éducation de nos jours ? Comment les parents
perçoivent-ils leur rôle ?
13 FOURNIER Martine, La Révolution des poussettes,
2011.
14 Données statistiques, EU-SILC, enquête 2013,
Belgique.
42
II. LA VISION DU ROLE PARENTAL
DANS LES MOEURS :
1. LE DEVOIR DE TRANSMISSION DES CONNAISSANCES :
Le premier grand rôle qui me vient à
l'esprit, est celui de la transmission des connaissances, en voyant la famille
comme le lieu des premières expériences. Elle est le point de
départ du processus de socialisation, essentiel à l'apprentissage
des règles du vivre ensemble, et à la formation de
l'identité de l'adulte en devenir. La famille transmet à
l'enfant, dès son plus jeune âge, le langage et les codes sociaux
les plus élémentaires, mais aussi les valeurs et les normes qui
l'aideront ensuite à développer des relations
sociales.
i. La famille comme premier lieu d'apprentissage des
règles :
Au-delà de la transmission du langage, la famille a
pour rôle d'éduquer l'enfant dans le sens « d'élever
vers le haut ». En effet, comme l'indique la Convention Internationales
des Droits de l'Enfant, à l'article 29 : « Les Etats parties
conviennent que l'éducation de l'enfant doit viser à favoriser
l'épanouissement de la personnalité de l'enfant et le
développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques,
dans toute la mesure de leurs potentialités ».
D'emblée, l'éducation est perçue comme la
nécessité de développer la personnalité de
l'enfant, cela passe évidemment par l'apprentissage des codes et des
règles sociales en vigueur dans son pays. A la maison, les parents ne
font pas la loi, mais ils la représentent. Ils se soumettent aux
règles communes de la société dans laquelle ils vivent, et
c'est donc au nom de quelque chose qu'ils respectent également, qu'ils
peuvent prendre des décisions. Ainsi, les adultes introduisent l'enfant
à la vie sociale dans laquelle il devra s'insérer. C'est tout
simplement ce que l'on nomme l'autorité parentale, qui ne doit jamais
être une soumission de l'enfant, mais une compréhension. Lui faire
comprendre que certaines choses ne sont pas acceptables dans notre
société (se marier avec son père, frapper son camarade,
prendre ce qui
43
n'est pas à soi, etc.) est plus éducatif que de
lui interdire fermement, car il peut apprendre les règles de
façon extérieure sans les avoir intégrées
intérieurement.
Mettre des limites à l'enfant, c'est lui faire
comprendre qu'il ne peut pas vivre dans l'illusion qu'il peut toujours avoir
davantage. C'est le canaliser. Tel est le premier grand rôle des parents,
instaurer un cadre de base inspiré de la Loi dans l'optique de favoriser
au mieux son intégration sociale future.
ii. Ce que les parents DOIVENT transmettre à leurs enfants
:
Arrivent ensuite ce que les parents doivent idéalement
inculquer à leurs enfants. Une fois encore, la Convention Internationale
des Droits de l'Enfant déclare que l'éducation de l'enfant doit
viser à :
- « Inculquer à l'enfant le respect des droits
de l'homme et des libertés
fondamentales, et des principes consacrés dans la
Charte des Nations Unies;
- Inculquer à l'enfant le respect de ses parents,
de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, ainsi que
le respect des valeurs nationales du pays dans lequel il vit, du pays duquel il
peut être originaire et des civilisations différentes de la
sienne;
- Préparer l'enfant à assumer les
responsabilités de la vie dans une société libre, dans un
esprit de compréhension, de paix, de tolérance,
d'égalité entre les sexes et d'amitié entre tous les
peuples et groupes ethniques, nationaux et religieux, et avec les personnes
d'origine autochtone;
- Inculquer à l'enfant le respect du milieu
naturel. »15
Il y a ici l'idée d'une éducation morale de
l'enfant, parallèlement à l'apprentissage de la culture dans
laquelle il vit. Lui enseigner d'où il vient, lui apprendre les valeurs
de son pays, de ses coutumes, c'est l'élever vers une citoyenneté
intelligente et responsable dès le plus
15 Convention Internationale des Droits de l'Enfant,
Article 29, 1989.
44
jeune âge. Connaître l'endroit où l'on vit,
et le respecter, c'est poser des repères qui le rassurent, et lui ouvrir
une route à suivre. Favoriser l'ouverture aux autres,
l'égalité et tous les concepts idéologiques et
philosophiques de notre société, c'est donner du sens à sa
vie.
Outre les principes énoncés ci-dessus, les
parents doivent aussi permettre à l'enfant de se développer le
plus convenablement possible, et ce, dans un environnement rassurant.
En premier lieu, j'évoquerai ici le concept de «
confiance », dans le sens d'instaurer une confiance en soi à
l'enfant. Le nouveau-né ne vient pas au monde avec un mental de fer.
Comme toutes capacités, il les acquiert au fil des expériences et
des stimulations externes de l'entourage. La confiance en soi est quelque chose
qui se construit au contact des autres, et en premier lieu, au contact de ses
parents. Se sentir en sécurité et en confiance, c'est pouvoir
compter sur la présence et l'attention de ses parents, pour ensuite oser
explorer le monde. Car comme l'a dit Nathaniel BRANDEN, psychothérapeute
et écrivain américain :
« C'est l'image que nous avons de nous-mêmes qui
fait notre destin. »16
2. LE DEVOIR D'ASSURER UN EQUILIBRE PHYSIQUE ET PSYCHOLOGIQUE
:
Le préalable de la confiance en soi n'est-il
pas le maintien du lien affectif entre parents et enfants ? Vivre dans un
climat de bien-être et d'amour mutuel, semble être le point de
départ du développement psychologique et physique idéal de
l'enfant. Car « c'est aux parents ou autres personnes ayant la charge
de l'enfant qu'incombe au premier chef la responsabilité d'assurer, dans
les limites de leurs possibilités et de leurs moyens financiers, les
conditions de vie nécessaires au développement de l'enfant
»17. Mais comment y parvenir ?
16 BRANDEN Nathaniel, L'estime de soi : une force
positive, 2011.
17 Convention Internationale des Droits de l'Enfant,
Article 27.2, 1989.
45
i. Du point de vue de l'esprit :
Si un enfant n'est pas stimulé activement par ses
parents dès la naissance, le risque de retard mental est alors
décuplé. D'où la véritable importance d'offrir
à l'enfant toute une variété de possibilités
d'expérimenter, d'explorer et de jouer avec les choses autour de lui. La
stimulation concerne ainsi tous les mouvements du corps et l'utilisation de
tous les sens, et en particulier de la vue, de l'ouïe et du toucher.
Mais assurer un équilibre psychologique à
l'enfant, ce n'est pas seulement se limiter à ces stimulations, c'est
aussi montrer que l'on s'intéresse à lui et à ce qu'il
fait. Montrer que l'on est investi dans le suivi de son travail scolaire, mais
aussi extra-scolaire. C'est passer du temps avec lui en lui accordant des
moments privilégiés de discussions, de jeux, de tendresse, etc.
Remarquer et encourager ses progrès dans tout ce qu'il entreprend.
Instaurer des rituels familiaux. Laisser l'enfant à l'écart des
disputes conjugales. Tout cela, c'est ainsi préserver les liens dans la
famille.
ii. Du point de vue du corps :
L'équilibre psychologique va aussi de pair avec un soin
particulier accordé au corps de l'enfant. J'entends par là tout
ce qui est relatif à sa santé physique.
En premier lieu réside l'assurance de la prodigation
des soins médicaux : « Les Etats parties reconnaissent le droit
de l'enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de
bénéficier de services médicaux et de
rééducation. Ils s'efforcent de garantir qu'aucun enfant ne soit
privé du droit d'avoir accès à ces services.
»18 Ainsi, les parents doivent s'efforcer de garantir la
surveillance, et si nécessaire, l'amélioration, de l'état
de santé de leur enfant. Il s'agit ici
18 Convention Internationale des Droits de l'Enfant,
Article 24, 1989.
46
d'un devoir parental, non négociable aux yeux des
autorités publiques. La non application de ce devoir, entraîne
irrémédiablement une réponse juridique.
Les parents ont notamment le devoir de nourrir leur enfant de
la meilleure façon qu'il soit, et dans la mesure de leurs ressources
financières. Car manger sainement aujourd'hui, comme cité au
point 4-3 du premier chapitre, est bien plus souvent une question de
portefeuille, que de volonté.
Enfin, jusqu'à 7 ans, le système immunitaire
d'un enfant n'est pas mature. L'hygiène est donc plus que jamais
essentiel. Se laver les mains, les dents, se moucher, etc. Tant de
réflexes d'hygiène corporelle que les parents doivent inculquer
à l'enfant. Un enfant doit aussi pouvoir avoir des vêtements
propres et ajustés à sa taille en fonction de son âge.
3. QUELLE DISTRIBUTION DES ROLES PARENTAUX ?
Je ne pouvais pas aborder l'ensemble des devoirs des
parents envers l'enfant, sans parler de la manière dont les fonctions
parentales sont distribuées.
Comme je l'ai brièvement expliqué au
début de ce chapitre, la place du père et de la mère a
toujours évoluée au fil des siècles. La toute-puissance
paternelle et le surinvestissement maternel d'autre fois, se gomment peu
à peu, laissant place aujourd'hui, à une véritable
difficulté de dissocier ces deux rôles tant ils deviennent
égaux. L'évolution des lois et la promotion de
l'égalité des sexes tendent vers ces nouvelles constructions
familiales.
En effet, notre société actuelle laisse la part
belle à la paternité, qui est de plus en plus reconnue et
valorisée, plaçant également l'homme au coeur des soins et
de l'éducation de l'enfant. Bien que la responsabilisation des
mères reste toujours très orientée, le déclin du
père dans son rôle de « celui qui fait vivre la famille
», lui donne aujourd'hui une place privilégiée, où
pères et mères accordent leurs violons pour l'éducation de
leurs enfants.
Ces profondes modifications comportementales, sociales et
psychologiques créent d'ailleurs des déséquilibres
importants sur le plan intergénérationnels, dans la mesure
où ces
47
nouveaux parents « ne peuvent que difficilement se
référer aux représentations d'antan (de leurs propres
parents, qui ont des conceptions archaïques) et du coup
réinterrogent leur place et leur rôle au sein de
l'éducation de leur enfant. »19
Mais il est une dualité, qui a faibli certes, mais qui
résiste dans le fait que l'enfant en a terriblement besoin pour se
construire, c'est que le père est souvent la figure d'autorité
(infligeant les punitions, imposant les règles, etc.) et la mère,
la référence affective (celle qui console, celle qui raconte les
histoires, celle qui donne les soins, etc.). Cette dualité sexuée
semble dans certains cas s'échanger, où le père devient
affectif, et la mère « sanctionneuse », mais je pense
sincèrement que ces deux rôles doivent être présents
bien que nuancés : que l'un ne soit pas borné à rester
dans l'autorité, et que l'autre ne fasse pas uniquement figure
d'affection. Un équilibre vaut toujours mieux qu'un extrême.
Tout cela est vrai pour ce qui est du couple parental
qui survit au temps. Mais qu'en est-il des parents seuls ? Des parents
divorcés ? Comment établir des rôles distincts dans un
couple divisé ?
Il est essentiel d'évoquer le fait qu'il est souvent
très difficile pour un couple qui se sépare, de maintenir des
liens familiaux forts. Et c'est pourtant ce qu'il est vivement conseillé
de faire par les psychologues et autres spécialistes, et ce, notamment
vis-à-vis du développement de l'enfant. Cela diminue, en effet,
les angoisses liées à la séparation de ce que l'enfant
vénérait le plus : l'amour de ses parents. Le maintien des
routines et du cadre éducatif posé antérieurement à
la séparation est aussi très recommandé. Mais
contrairement aux idées reçues, aucune étude ne prouve que
les enfants de familles monoparentales ou séparées soient,
à long terme, plus fragiles que les autres. L'idéal voudrait que
les enfants aient des contacts réguliers avec leurs deux parents, se
sentent aimés par chacun d'eux et soient placés à
l'écart des conflits.
Le parent seul, qu'il le soit d'une séparation ou d'un
abandon, doit garder la tête haute, et assurer tous les rôles qu'un
couple aurait eu : sécurité, équilibre, cadre,
éducation, etc. Au niveau de la gestion du temps, le plus simple
étant de demander de l'aide à son entourage
19 BIDON-LEMESLE Céline, Thérapie Familiale,
2011.
48
lorsque ce n'est plus tenable. Et côté budget, si
un salaire ne suffit pas, les aides gouvernementales sont, pour certaines,
bonifiées pour les familles monoparentales.
Cette partie, intitulée « Vision du
rôle parental dans les moeurs », se veut être un exemple de ce
qui est admis par la société comme devant être ce que
doivent faire les familles envers leur enfant. C'est ici une vision
idéale de l'éducation de l'enfant en milieu sain, avec des
parents jouissant de toutes les assurances leur permettant de vivre dignement
dans notre société.
La prochaine partie sera consacrée à ce
que j'ai pu observer sur le terrain, et ce, au regard des idéaux
cités plus haut. Car comment une famille peut-elle accomplir pleinement
ses devoirs de parents dictés par nos moeurs et nos lois, alors qu'elle
se trouve dans une situation de précarité ? Comment
éduquer ses enfants aussi idéalement que possible, lorsque leur
propre éducation a été le fruit de la pauvreté de
leurs parents ?
49
1. DES DIFFICULTES LIEES A L'EDUCATION DES PARENTS EUX-
MEMES
III. REALITE DU TERRAIN :
Je dois, avant de continuer mon développement,
énoncer un postulat terriblement logique, mais qui trouvera sa
légitimité par la suite : avant d'éduquer ses enfants, les
parents ont, eux aussi, été éduqués. Je veux dire
ici, que dans la plupart des cas, les enfants suivent les mêmes chemins
que leurs parents. Faute d'ouverture sur le monde, ou de moyens pour sortir de
la spirale de leurs géniteurs, les enfants plongent dans le
système qui les sécurise le plus : celui qui a été
implanté par leurs parents. Quoi de plus normal d'ailleurs ? A mesure
que les années passent, le mode de vie familial devient la norme pour
l'enfant, et ce, dans n'importe quelle situation. Aussi vrai que la violence
des parents fait souvent des enfants violents.
En entretien, je discutais avec un parent de son passé,
de son enfance, et en parlant de sa relation avec ses propres parents, il me
disait qu'étant petit, il s'était juré de faire tout son
possible pour ne pas être dans le besoin, et pouvoir faire tout ce dont
il avait envie. Mais sa paternité précoce lui a vite fermé
les portes qu'il s'était imaginé pouvoir ouvrir, le
forçant à quitter ses études pour s'occuper des jumeaux.
Je lui ai alors demandé si ses parents l'avaient aussi eu tôt, et
la réponse fut « oui ».
On voit ici clairement, la reproduction du
schéma parental par l'enfant, car le « bain » de valeurs et de
normes dans lequel nous baignons petit, ne nous quitte jamais. Evidemment, tous
les enfants ne suivent pas forcément les mêmes sentiers que leurs
parents, certains s'émancipent, d'autres se rebellent, mais dans les
familles pauvres, la solidarité familiale est souvent l'un des premiers
principes. Ainsi, les enfants restent très proches de leurs parents et
à long terme, géographiquement et affectivement. Et être
solidaire, c'est aussi suivre le même modèle.
50
Je ne parle pas ici d'influence parentale au niveau de
la personnalité de l'enfant, je crois d'ailleurs que la principale
influence reste celle des pairs (camarades de classes et autres), mais
plutôt d'un héritage de parcours. En somme, les difficultés
que cumulent les parents que j'ai rencontré, sont, bien souvent,
héritées de leurs parents eux-mêmes. L'éducation
qu'ils ont reçue, les normes, et les valeurs qui leur ont
été transmises sont autant de composantes de la reproduction des
inégalités : le manque de moyens, des conditions de vie
difficiles, constituent des obstacles supplémentaires, par exemple, dans
la réussite scolaire et la future intégration professionnelle de
l'adulte en devenir.
Au travers de mon questionnaire aux parents, et notamment des
phrases « d'accord ou pas d'accord », j'ai pu observer quelques
résultats intéressant sur la vision qu'ils ont de leur rôle
parental. Par exemple, sur les dix parents interrogés, 100% sont
d'accord avec le fait qu'un enfant a besoin d'un cadre stable pour se
développer convenablement. Mais paradoxalement, 60% pensent qu'un parent
doit le plus souvent dire « oui » que « non » à son
enfant. Quid de la stabilité dans ce cas-là ?
En confidence, certains parents m'ont avoué être
parfois dépassés par l'acharnement des médias poussant les
enfants à devenir de parfaits petits consommateurs dès le plus
jeune âge, et à demander toujours plus de gadgets technologiques
et d'habits de marques. Ce qui va de pair avec l'évolution de notre
société, qui tend vers la consommation à outrance. Et il
est logique qu'un enfant issu de milieu pauvre (je ne dis pas enfant pauvre,
mais de pauvres, car issus de parents sans emploi ou mal
rémunérés), allant à l'école publique
où ses camarades sont, pour la plupart, dotés des derniers GSM
à la mode, demandent la même chose. Pourquoi n'auraient-ils pas le
droit de leur ressembler, et de jouir des mêmes biens ? La réponse
est encore la pauvreté.
2. LEUR PROPRE VISION DU ROLE DE PARENT :
51
Sachant qu'un Smic à mi-temps (565 euros net par mois)
n'atteint pas le seuil de pauvreté à 50 % du revenu médian
(828 euros)20, comment des parents peuvent-ils céder à
tous les désirs de leurs enfants sans devoir laisser de
côté les repas du soir, ou le week-end prévu dans les
Ardennes ? Et bien souvent, c'est ce qu'il se passe. Combien d'enfants ais-je
croisé, pantalon décousu, sweat trop grand, chaussures
trouées, avec un GSM à 400 euros dans les mains. C'est
manifestement un manque d'influence sur l'enfant, ou encore une façon de
céder aux caprices, ou de leur procurer un outil qui fera qu'ils se
sentent égaux aux autres camarades.
Ainsi, 50% des parents interrogés avouent ne pas avoir
assez d'influence sur leur enfant, alors que 80% pensent qu'un parent qui a dit
« non » à son enfant, ne doit pas revenir sur sa
décision. Il y a ici un paradoxe intergénérationnel,
où les parents d'hier ne comprennent plus les enfants d'aujourd'hui,
où poser un cadre stricte relève de l'impossible. Et cette
idée est d'autant plus renforcée dans les milieux pauvres.
Enfin, une chose que j'ai pu observer au travers de mes
questionnaires, c'est une différence considérable entre la
perception de la démonstration de l'amour des parents envers l'enfant,
et ce que ressent l'enfant véritablement. En effet, 90% des parents
interrogés avouent démontrer à leurs enfants qu'ils font
attention à eux, alors que 37,5% des enfants interrogés indiquent
que leurs parents ne leurs montrent pas souvent qu'ils les aiment.
En discutant avec les enfants, je me suis rendu compte que les
seuls démonstrations d'amour qu'ils recevaient de leurs parents,
étaient qu'ils leur faisaient à manger, où qu'ils les
habillaient avant l'école. Et c'est en majeure partie les enfants issus
de familles monoparentales qui sont concernés. Je peux relever
ici les difficultés qu'ont les parents seuls à jongler entre les
différentes tâches qui leur incombent : lever les enfants,
préparer les repas, les emmener à l'école, allé
travailler, revenir les cherches, etc. S'ajoute à tout cela, la
nécessité de jouer les rôles d'autorité et
d'affection en même temps. C'est presque mission impossible.
20
http://www.inegalites.fr/spip.php?page=article&id_article=2031
52
Je viens d'exposer ici les différences qui
existent et persistent en terme d'idéaux d'éducation et de
réalité du terrain. Certains points sont d'une logique
implacable, alors que d'autres sont difficilement explicables. Mais une chose
est sûre, les parents influencent, intentionnellement ou non, le parcours
de leur enfant. L'héritage de la pauvreté, et la reproduction des
erreurs parentales, sont autant d'entraves au développement social de
l'enfant.
Mais quels sont réellement les impacts que
toutes ces difficultés peuvent engendrer sur l'enfant ?
53
D. L'IMPACT DE LA PRECARITE SUR L'ENFANT :
Quand on parle de pauvreté, on parle rarement
d'eux, les enfants. On se penche sur les difficultés financières
des parents, sur leur chômage, sur les problèmes rencontrés
par les familles monoparentales, et bien d'autres choses.
Mais que sait-on véritablement de la vie
quotidienne des enfants, de leurs inquiétudes, du regard que leurs pairs
portent sur eux, de leurs rêves déjà occultés ? Que
sait-on de leur manque d'affection, de cette enfance qui devraient leur laisser
le temps de se construire, de jouer, d'apprendre, et qui les plongent tout
petits, sans armes, dans une réalité qui, souvent, les
abîme ? Que sait-on de la honte ressentie, de la dégradation de
l'image des parents sans travail ? Et de leur avenir déjà
assombri ?
I. REPRESENTATION NEGATIVE D'EUX-MEMES :
Beaucoup d'enfants et de jeunes adolescents que j'ai pu
rencontrer à la Maison de Jeunes souffraient d'une représentation
fortement négative d'eux-mêmes : « Pas capable de... »,
« Pas assez intelligent pour... », « Pas assez bien pour...
». Ce qui témoigne d'un véritable déficit de leur
propre représentation.
« Des images qui, d'ailleurs, ne sont pas toujours les
leurs, mais le fruit du discours que leur renvoient certains adultes, parents,
éducateurs, ou professeurs. Et qu'ils finissent par intégrer et
à s'approprier, au point de les revendiquer comme leur identité,
et même parfois, avec une certaine fierté. La pression des
adultes, et particulièrement des parents et des
54
groupes sociaux est forte, et l'enfant y est
particulièrement sensible, car vulnérables aux remarques
dépréciatives. »21
J'ai aussi pu remarquer l'existence d'un conflit
intergénérationnel entre les jeunes de la cité du Luchet
d'Antoing et les adultes qui y vivent. Ils sont souvent
considérés comme des « bons à rien », «
paresseux », « délinquants », « vulgaires ».
Autant de qualificatifs qui leur sont régulièrement
attribués, et qui ternissent l'image globale qu'ils ont
d'eux-mêmes, et qu'ils renvoient, inconsciemment au début, puis
consciemment par la suite.
J'ai notamment relevé des sentiments de honte et
d'indignité chez certains enfants. Lorsque je demande à une
petite fille de 8 ans pourquoi elle a une paire de botte en taille 39, et
qu'elle me répond : « c'est parce que maman elle dit que mon pied
va grandir... ». C'est plus simple, et moi incriminant pour la mère
que de répondre : « c'est parce que maman n'a pas assez de sous,
alors je prends les siennes ». Je rappelle que 25% des enfants
interrogés n'ont pas de vêtements adaptés à leur
taille et en bons états.
Ces situations arrivent tellement souvent, et sur tellement de
plans différents. Et je sais combien ces enfants attendent du regard des
autres, et surtout des adultes, combien ils ont besoin d'être
valorisés, et de développer leur estime de soi. Car ces
représentations subjectives peuvent avoir des conséquences
dommageables pour des enfants en pleine construction de leur identité.
Elles freinent la possibilité pour eux de trouver leur place, et
diminuent leurs chances de participer à la construction de l'avenir de
leur société.
Car ne nous voilons pas la face, les enfants
ressentent très bien les différences qu'ils ont entre eux, et
notamment sur le plan matériel. Ainsi, 50% des enfants interrogés
pensent que tous les enfants de leur école n'ont pas les mêmes
chances de réussir dans la vie. Une prise de conscience
considérable quand on sait que ce sont eux qui ont le moins de facteurs
de réussite entre les mains.
21 Plan d'action quadriennal 2013-2016 de la Maison de Jeunes
« Port'Ouverte ».
55
II. COMPORTEMENTS :
Après avoir relevé l'importance du regard de
l'adulte sur les enfants, il est difficile de me lancer dans une description de
leurs comportements qui mettra aussi en évidence des attitudes qui ne
sont pas positives de prime abord. Je ne veux pas faire de
généralisation, puisque chaque cas est singulier. Et je voudrai
souligner que leurs attitudes sont, avant tout, l'expression de la recherche de
leur identité dans le processus de socialisation et d'apprentissage des
codes sociaux (qu'ils remettent d'ailleurs souvent en question). Mais ils
peuvent aussi être l'expression symptomatique de leurs difficultés
psycho-sociales.
Dans ce sens, je ne peux pas nier certaines difficultés
de comportements que j'ai pu constater durant mon stage, et qui se traduisent,
le plus souvent, par un manque de respect entre eux ou envers les adultes qui
les entourent, mais aussi envers leur environnement, remettant en cause leurs
comportements inciviques. Certains « jeux » qu'ils mettent en place
en groupe, peuvent parfois importuner les voisins. Jets de pierres sur les
vitres, destruction des boites aux lettres, sont quelques exemples de ces
défis qu'ils se lancent entre eux, et qui importunent le voisinage de la
Maison de Jeunes.
Certains d'entre eux manifestent violemment leurs
émotions, leurs colères. Cela passe par des joutes verbales assez
virulentes, soit pour jouer, soit pour exprimer leur aversion envers l'autre.
Cela créé certaines tensions car ils ont du mal à
identifier la limite de jeu qui tourne alors parfois au vinaigre. Mais la
violence physique est beaucoup plus rare, et réprimandée
sévèrement. C'est d'ailleurs paradoxalement le manque de respect
envers l'autre qui provoque les réactions les plus fortes. Mais c'est
aussi le propre de l'enfance d'avoir des émotions débordantes qui
sont pour eux, difficiles à contrôler.
S'ils manifestent souvent leurs émotions de
façon exagérée, ils sont en revanche très
demandeurs d'échanges avec les éducateurs. Que ce soit sur les
difficultés quotidiennes qu'ils rencontrent dans leurs relations avec
les parents, mais aussi l'école, les copains, etc. Ils aiment discuter
sur les sujets qui fondent leurs préoccupations, leurs questionnements.
Leurs expériences autours des drogues et plus particulièrement de
l'alcool, sont régulièrement évoquées dans leurs
propos, même s'ils se mettent souvent en avant auprès des autres
par leurs excès en la matière.
56
Ce libre échange qui existe entre ses enfants
et les éducateurs témoignent non seulement de la liberté
d'expression qui réside dans la Maison de Jeunes, mais aussi de
l'ambiance familiale générale dans laquelle ils vivent au
quotidien, et qui laisse très peu de place à la discussion et aux
échanges positifs. Lorsque j'en parle avec les enfants après le
questionnaire, certains me font part du silence qui règne à la
maison, et de leurs difficultés de s'exprimer librement avec leurs
parents, ou encore de pouvoir faire des loisirs avec eux, activités
pourtant essentielles au dialogue. Ainsi, 37,5% des enfants interrogés
avouent ne pas faire de sorties avec leurs parents, et 25% assurent que leurs
parents ne s'intéressent pas à ce qu'ils font à
l'école.
III. SANTE/HYGIENE :
1. SUR LE PLAN PSYCHOLOGIQUE :
Je souhaite introduire ici les constats issus des services
agréés de l'aide à la jeunesse, qui ont été
présenté dans le Diagnostique Social 2014 du CAAJ de Tournai. Au
sein de l'arrondissement, s'est créée il y a quelques
années, une plateforme de l'aide à la jeunesse. Chaque service
agréé de l'aide à la jeunesse est invité à y
envoyer un représentant. Elle se réunit au moins quatre fois par
an et poursuit sa réflexion sur des thèmes d'actualité et
sur des pratiques du secteur. Un questionnaire a été
envoyé à chaque service de la plateforme. Une séance a
été consacrée à cette partie du diagnostic social
du CAAJ et à la mise en commun des réponses. En voici les
principaux thèmes :
· Famille et Santé Mentale :
- problèmes individuels d'ordre psychiatrique chez
certains parents,
- troubles du comportement des jeunes,
- troubles de l'attachement, relations sociales et affectives
perturbées avec compensations affective débridées,
57
- violences intrafamiliales et institutionnelles familles
recomposées : problème de la place du jeune.
? Précarité :
- privation par rapport aux besoins
élémentaires,
- manque de structuration des enfants, - problèmes
identitaires des familles, - sentiments de honte.
· Isolement social (désaffiliation)
:
- stigmatisation des familles,
- exclusion sociale, stigmatisation des jeunes et
décrochage scolaire, redoublement
- inadéquation de l'offre scolaire
- manque de souplesse par rapport à l'obligation
scolaire
- politiques d'exclusion des jeunes au niveau scolaire mais
aussi au niveau
communautaire.
Après la lecture de ces constats, il est aisé
de se rendre compte que les difficultés rencontrées par les
enfants ne sont pas seulement économiques ou matérielles. Comme
je l'ai expliqué plus haut, elles sont aussi, et même de
manière très prégnante, d'ordre familial. Pour bon nombre,
le couple parental est séparé, le père est absent, et le
ou les enfants, vivent seuls avec la mère (56,25% des enfants
interrogés vivent seuls avec leur mère, contre 25% avec les deux
parents présents). Pour les aînés, la charge peut
s'avérer très lourde puisqu'ils sont souvent investis d'une
fonction familiale qui n'est pas la leur : 18,75% des enfants admettent que le
plus souvent, ce sont eux qui s'occupent de leurs frères et soeurs. On
peut donc facilement imaginer que cette situation les pousses à vive
allure dans ce que j'appellerai une « maturité précoce
». Comment un enfant de 10 ans peut-il s'épanouir dans son enfance
si le parent seul (père ou mère), lui délègue le
rôle du parent absent ? A long terme, n'y a-t-il pas un risque de trouble
du comportement provoqué par le surinvestissement de ce « mauvais
» rôle ? Puisque s'il est investi de la sorte, c'est que le parent
seul ne s'en sort plus, et/ou que
58
l'enfant ressent une angoisse qui le pousse à penser
que c'est à lui de prendre les rênes. Mais dans ces deux cas, ce
n'est jamais une question de choix.
J'ai en mémoire ce jeune garçon de 11 ans qui
se montrait très violent, mais aussi très protecteur avec sa
petite soeur de 6 ans. J'avais rencontré le père lors du
questionnaire : un homme sans emploi et fortement alcoolique, en rupture totale
avec son ex-femme depuis plusieurs années. Il avait l'air
littéralement perdu, ayant pour seule arme éducative un chantage
favorisant pour le jeune garçon. Lorsque le père venait les
chercher à la Maison de Jeunes, on voyait très clairement le
manque d'autorité qu'il avait sur lui, et par le corollaire,
l'impressionnante domination que l'enfant avait sur le père. Ce
même enfant était sans cesse en défiance de
l'autorité, et tenait des propos qui témoignaient d'une certaine
expérience de vie d'adulte, surtout dans sa façon de s'adresser
à sa soeur. Et on pouvait deviner que derrière cette «
maturité précoce », se cachait une incroyable
incompréhension.
Comme pour l'adulte, toutes ces difficultés
sont plus des problèmes de construction identitaires que de
véritables pathologies psychologiques. Mais il est
évident, en tout point, que ces freins psychologiques entravent
grandement le développement psychique idéal de l'enfant. Et je ne
parle pas du sentiment de stress que j'ai évoqué dans l'impact
global de la précarité sur l'adulte, car il est absolument
certain que ce stress pèse aussi sur les épaules des enfants.
Mais s'il existe un trouble assez fréquent chez ces
enfants de pauvres, c'est la carence affective. En effet, bon nombre des
enfants que j'ai pu rencontrer me semblaient être souvent mis de
côté par leurs parents, comme s'ils passaient au second plan dans
les préoccupations familiales. Ce n'est pas un blâme, et je
comprends à quel point cela peut être complexe de jongler entre
démonstration affective et problèmes du quotidien liés
à la précarité. Ainsi, j'ai pu observer certaines des
caractéristiques que Michel LEMAY a relevé chez l'enfant
carencé, telles que :
- des troubles de la relation, avec l'adulte comme avec les
pairs,
- une fuite du regard, particulièrement significative du
manque de confiance en soi,
- des troubles alimentaires, un surpoids et des repas pris de
façon sporadique,
- des difficultés scolaires, problèmes de
concentration, invention de subterfuges pour
sécher les cours (professeurs absents, maladie, erreur
d'emploi du temps, etc),
59
- de l'agressivité verbale, et parfois physique, avec
une agitation excessive (passent
par des phases de grand calme à des phases
d'excitation sans état intermédiaire), - un sentiment
d'insécurité, dû à un climat instable dans le foyer
familial, 25% des
enfants interrogé avouent ne pas se sentir en
sécurité chez eux,22
- ainsi que certaines difficultés liées au retard
dans l'acquisition cognitive.
S'ajoute à toutes ces caractéristiques, des
facteurs aggravant tels que le logement insalubre ou trop petit pour accueillir
la fratrie entière. 56,25% des enfants interrogés ont plus de
trois frères et/ou soeurs, et 43,75% d'entre eux doivent partager leur
chambre avec un autre. Et on sait combien il est important pour le
développement intellectuel de l'enfant de pouvoir aussi se retrouver
seul avec lui-même, pour se concentrer, et pour se recentrer.
Deux autres chiffres qui témoignent de l'importance du
milieu de vie dans la construction identitaire de l'enfant m'ont
particulièrement marqué : 4 enfants sur 16, soit 25% des enfants
interrogés, avouent ne pas se sentir en sécurité chez eux,
et 18,75% d'entre eux n'ont pas suffisamment chaud l'hiver dans la maison.
De l'anxiété, un sentiment
d'insécurité et parfois une honte de soi, tel est le lourd tribut
payé par les enfants de la pauvreté et de la
précarité. Car au-delà d'un certain dénuement
matériel, le renfermement sur soi est souvent du a une carence affective
:
« L'allongement du temps de travail, le
manque d'aide à la maison et l'abandon d'activités
récréatives peuvent affaiblir les liens familiaux, ce qui
perturbe les enfants à des étapes clés de leur
développement intellectuel et affectif. »23
Mais puisque certaines maladies mentales prennent
racine dès l'enfance, les adultes en devenir qu'ils sont, sont ainsi
plus exposés aux risques de développer par la suite une
souffrance psychique, des troubles du comportement, des états
dépressifs et autres problèmes de santé mentale, ce qui
ressort d'ailleurs constamment des travaux sur la santé des plus
démunis.
22 Cf : Annexe Tableau des résultats des
réponses aux phrases enfant
23 Bilan Innocenti 12, Centre de recherche Innocenti de
l'Unicef, octobre 2014.
60
2. SUR LE PLAN PHYSIQUE :
61
Si très peu d'études se sont penchées sur
les véritables conséquences de la précarité sur
l'état de santé physique des enfants qui en souffrent, j'ai
cependant relevé quelques pathologies qui me semblent relativement
importantes, car il est évident que ce sont des indices que je ne
pouvais pas relever sur le terrain. L'impact général de la
précarité sur l'enfant du point de vue physique est
quasi-identique à l'impact sur l'adulte puisque c'est par le ou les
facteurs de risques des parents qu'arrivent les pathologies, ce sont les
conséquences de la transmission intergénérationnelle.
Les inégalités sur le plan de la santé touchent
les enfants avant la naissance et continuent de se manifester durant l'ensemble
de leur développement.
Premièrement, le taux de prématurité est
fortement corrélé avec des facteurs sociaux. En classant les
communes en 5 catégories sur base d'indicateurs de pauvreté
(niveau de chômage, d'instruction et revenu), une étude
menée en 2008 par le SPF Economie et le SPF Affaires Sociales, a
observé une croissance du taux de prématurité avec le taux
de pauvreté de la commune : 7,35 % pour les communes les plus riches
contre 8,75 % pour les communes les plus pauvres.
Le mode de vie des parents a une influence
considérable sur l'état de santé du foetus in
utero. Ainsi, si la mère fume et/ou consomme
régulièrement de l'alcool, ou qu'elle évolue dans un
milieu empreint de ces addictions, le bébé en paiera nettement
les conséquences. En effet, les spécialistes ont relevés
une série d'incidences liée à la consommation d'alcool
durant la grossesse, telles que :
· retard de croissance du foetus,
· risque de fausse couche,
· accouchement prématuré,
· malformations de la boîte crânienne,
· troubles psychiques ou du comportement de l'enfant,
· troubles d'apprentissage,
· troubles de la mémorisation,
· troubles de l'attention, etc.
Deuxièmement, si les enquêtes font état
d'une stabilisation globale de l'augmentation de l'obésité chez
les enfants, elles montrent un creusement des inégalités sociales
sur cette question. La surcharge pondérale apparaît comme le
miroir des inégalités sociales aussi bien chez les adolescents
que chez les jeunes à l'entrée de l'âge adulte.
En France par exemple, 26% des enfants scolarisés en
Zone d'Education Prioritaire sont en surcharge pondérale contre 19 % en
dehors de ces zones.24 Cela s'explique notamment par les mauvaises
habitudes alimentaires des parents, et la faible mobilité des enfants,
qui sont très peu à pratiquer une activité sportive :
56,25% des enfants interrogés ne pratiquent aucune activité
sportive ou extra-scolaire.
24 VERSINI Dominique, Conséquence sur le
développement affectif de l'enfant des situations de
précarité familiale, avril 2011.
62
|
Troisièmement, au
niveau de la santé bucco-dentaire, les enfants issus de
milieu pauvre ont plus de carries que les enfants issus de milieu aisé.
Il est simple de relier ce constat aux problèmes de malnutritions.
Ainsi, 11% des enfants les plus pauvres souffrent de caries contre 6 % du reste
de la population.
|
Quatrièmement, les enfants de pauvres vont moins
souvent chez le médecin, et surtout chez les spécialistes. Ils
sont également moins bien couverts : 22 % d'entre eux n'ont pas
de complémentaire santé contre 7 % du reste de la
population25.
Enfin, pour illustrer de façon concrète la
prévalence des risques pathologiques chez l'enfant en situation de
précarité, voici un tableau de la part des enfants souffrant des
pathologies les plus fréquentes réalisé par l'INSEE :
25 DE SAINT PAUL Thibault, La santé des plus pauvres,
INSEE Première, n°1161, octobre 2007.
63
Ainsi, je peux dire qu'il n'y a pas réellement
de maladies des enfants pauvres, mais il est certain que le risque d'en
contracter, et bien plus important en milieu précaire qu'en milieu
stable. Et une chose est sure : la pauvreté rend malade, et la maladie
rend pauvre.
64
3. DES DIFFICULTES DANS LE PARCOURS SCOLAIRE :
Comment ne pas évoquer l'impact de la
précarité des familles sur l'enfant sans parler des
difficultés que celle-ci engendre dans le parcours scolaire de ce
dernier ? L'école qui doit être le deuxième lieu de
socialisation de l'enfant, après la famille, se doit d'être
porteuse de valeurs d'égalités et de respect, en veillant au bien
être de l'enfant au sein de l'institution éducative qu'elle
représente.
Mais comme le dit Julie CHUPIN26 : « Ce qui
est promesse de plaisir pour la plupart devient source d'angoisse pour d'autres
dès lors que les difficultés s'accumulent ». Le redoublement
en est le premier signe : 37,5% des enfants interrogés ont ainsi
déjà redoublé au moins une fois. Le stress vécu
dans la famille, et les prédispositions de celle-ci vis-à-vis de
la transmission des savoirs, sont autant de facteurs qui mettent un frein
à l'envie d'apprendre.
Si la famille ne porte pas les valeurs et les bienfaits de
l'école, si un parent est fortement malade, ou si les espoirs envers
l'enfant sont trop grands, alors comment l'enfant peut-il être
suffisamment en confiance au point d'accepter qu'on lui transmette quelque
chose sans qu'il ne soit préoccupé par d'autres sujets ? Car pour
qu'un enfant puisse apprendre, il faut des conditions qui ne soient pas
exclusivement scolaires.
Dans l'idéal, l'école devrait être un lieu
d'ancrage essentiel pour les enfants issus des familles précaires.
Puisqu'à la maison, rien ne va vraiment, l'école devrait
représenter un temps où les enfants se retrouvent et peuvent
évacuer le stress familial qu'ils subissent. Mais bien souvent,
l'influence des facteurs liés à la précarité, tels
que le manque de sommeil, l'impossibilité de faire ses devoirs à
la maison, le surpeuplement du foyer familial, ou encore le
désintérêt des parents face à la sphère
scolaire, est synonyme d'inégalités en matière de
réussite. Ainsi, 25% des enfants interrogés déclarent ne
pas pouvoir faire leurs devoirs dans le calme, 50% avouent que leurs parents ne
les aident pas à faire leurs devoirs lorsque l'Ecole Des Devoirs est
fermée, et 4 enfants sur 16 admettent que leurs parents ne
s'intéressent pas à ce qu'ils font à l'école.
26 CHUPIN Julie, Echec scolaire, la grande peur,
éditions Autrement, Paris, 2013.
65
Voici comment l'école, vecteur de socialisation
est d'intégration, devient peu à peu une problématique
supplémentaire dans le parcours et le développement psychosocial
et psycho-affectif de l'enfant, renforçant de façon continue, les
sentiments d'angoisse et de honte qu'il pouvait alors déjà
ressentir.
Dans ces trois dernières partie, je me suis
donné comme objectif de mettre en lumière les processus de
précarisation et de pauvreté, et notamment leurs impacts sur le
corps familial et sur l'enfant. J'ai ainsi pu démontrer que notre
société, aussi développée soit-elle, laisse la part
belle à l'émergence de nouvelles situations d'exclusions
sociales, où la précarité et la pauvreté affectent
tous les domaines de la vie de l'enfant, et portent atteintes à ses
droits les plus fondamentaux.
Il est certain qu'il existe une spirale «
infernale » et négative dans laquelle sont entraînés
les enfants et les familles défavorisées. Notre
société riche, se voulant égalitaire et fraternelle,
laisse de côté un grand nombre de ces citoyens. Je dis qu'elle
laisse de côté parce que c'est vraiment le sentiment que j'ai eu
en écoutant les parents et les familles, mais aussi en rédigeant
ce travail. Comme si une certaine fatalité s'acharnait sur les
épaules de certains enfants à travers leur situation familiale,
et que celle-ci les forçait à s'asseoir à une place
où leur intelligence, leur créativité, leurs
capacités, leur désir d'apprendre, de s'intégrer, de
s'inventer une vie à la hauteur de leurs espoirs et de leurs ambitions,
finalement, ne compteraient pas.
Je ne veux pas tomber ici dans le
misérabilisme, et c'est d'ailleurs pourquoi ma dernière partie se
veut être une « réponse », ou tout du moins, des
hypothèses de réflexions, à ces problématiques
sociales que l'éducateur spécialisé est à
même de rencontrer dans sa carrière professionnelle. Dans un souci
d'objectivité et de cohérence, je me concentrerai uniquement sur
l'action que peut mener un éducateur au sein d'une Maison de Jeunes
puisqu'il m'est impossible, avec le peu d'expérience que j'ai dans ce
domaine, de dresser une série d'actions dites « efficaces et
indiscutables » qui permettraient aux enfants et aux familles de sortir de
cette spirale.
66
E. LES OUTILS DE L'EDUCATEUR OU L'EDUCATEUR-OUTIL EN
MAISON DE JEUNES :
La Maison de Jeunes est un lieu où les enfants
et les adolescents doivent se respecter entre eux. La mise en place d'un
règlement fortement inspiré de la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme et du Citoyen, les inscrit d'emblée dans un
contexte de liberté où chacun à des droits et des devoirs.
Si le fonctionnement de la MJ est basé sur l'autonomie et la
participation active des jeunes, les éducateurs qui y travaillent sont
d'abord des référents adultes, des piliers stables et droits dans
leur démarche éducative, assurant le rôle de point de
repère pour ces jeunes en difficultés.
Il est évident que le rôle premier d'une
Maison de Jeunes n'est pas de régler les problèmes de
précarité et de pauvreté des familles et de ceux qui la
fréquente. Mais dans un sens, elle ne peut pas non plus fermer les yeux
sur la déshérence de ces personnes, tout en prétendant que
son action est dirigée vers une prise de conscience citoyenne. Son
rôle est justement de prendre en compte les difficultés sociales
de chacun, et de tenter de les contourner, de les supprimer, ou au moins, de
donner une chance aux enfants, de prétendre à une vie faite de
partage et de dignité.
I. SUR LE PLAN FAMILIAL :
1. ETRE A L'ECOUTE DES SITUATIONS FAMILIALES :
Comme son nom l'indique, une Maison de Jeunes est faite pour
les jeunes, et non pour les parents. C'est d'ailleurs une des raisons pour
lesquelles certains d'entre eux s'y rendent :
67
pour échapper aux contraintes familiales, ou au stress
qui en découle. C'est pourquoi, bien souvent, certains d'entre eux
évoquent facilement leurs relations avec leurs parents, et il est
inutile de préciser à quel point elles sont compliquées.
Ils recherchent, auprès des éducateurs, un climat de confiance
qui puisse leur donner le sentiment d'être entendu et compris.
Pour ma part, je pense qu'il serait vraiment
intéressant de renforcer le lien entre les familles de ces jeunes, et
les membres de l'association, sans prétendre à une quelconque
aide à la parentalité. Mais seulement pouvoir les recevoir de
temps en temps, pour faire le point sur leur situation, savoir ce qu'il en est
avec leurs enfants, les diriger vers des services d'aides
spécialisés si besoin, et même, pourquoi ne pas
créer des ateliers où parents et enfants participent ensemble ?
Utopique peut-être. Mais nécessaire à mon sens, car ce sont
bien les familles qui ont un impact direct sur l'enfant, et si l'on veut
changer, ou du moins influencer, les habitudes négatives de ce dernier,
il faut alors absolument prendre en compte la fonction parentale dans son
ensemble.
Cela me parait essentiel d'introduire une sorte de
continuité dans la relation parents/éducateurs, en leur montrant
qu'on les respecte, qu'on ne les convoque pas mais que nous sommes des
alliés dans leur situation, qu'on leur permette de parler, qu'on les
écoute et que leur parole ne soit pas disqualifiée. Car la
plupart des enfants qui fréquentent la Maison de Jeunes, arrivent
dès qu'ils sont en âge de la fréquenter,
c'est-à-dire 4 ans, et la quittent lorsqu'ils n'y sont plus
acceptés, c'est-à-dire à 21 ans. S'il n'y a pas de
déménagement ou de conflits trop importants, pour ceux qui
s'inscrivent dès qu'ils le peuvent, il se passe donc en moyenne plus de
16 années avant qu'il n'y ait une réelle rupture avec eux.
En ce sens, je ne peux pas concevoir que l'importance
de la prise en considération des parents ne soit pas faite, et c'est une
des raisons qui justifie la mise en place de mon questionnaire : apprendre
à les connaître, c'est aussi mieux connaître leurs enfants,
et donc améliorer et mieux cibler les actions éducatives et
culturelles.
68
2. FIXER DES OBJECTIFS A COURT ET A LONG TERME :
Un autre point qui me semble important d'évoquer, est
la mise en place d'objectifs à court et à long terme dans la
démarche de mise en relation avec la famille. En effet, puisque le lien
entre parents et éducateurs est quasi-inexistant, pourquoi ne pas
proposer, comme je l'ai dit plus haut, des activités où parents
et enfants s'attèlent à une tâche commune, et ce dès
le plus jeune âge de l'enfant, et où l'éducateurs servirait
d'accompagnateur dans cette démarche ? Il est vrai que la Maison de
Jeunes propose des soirées thématiques où les enfants
préparent le repas pour les adultes. Mais les inscrits sont, le plus
souvent les partenaires sociaux et le voisinage, que les parents
eux-mêmes. Des sorties culturelles sont aussi organisées pour les
jeunes, alors pourquoi ne pas inviter, de temps en temps, les parents à
se joindre à eux ? Cela ne renforcerait-il pas le lien affectif
parents/enfants, et le lien parents/éducateurs ?
Et comme objectif à long terme, il pourrait être
intéressant de créer des groupes de paroles, ou même des
groupes d'entre-aide entre parents. Je pense à cette mère
illettrée et au chômage, élevant seule son enfant, qui
chaque jour venait une heure avant la fermeture de la MJ pour discuter, et
essayer de rattraper un niveau correct en mathématiques et en
français. Elle avait le souci de vouloir passer son diplôme du
secondaire, et elle me disait le faire pour son fils, pour lui montrer que sa
mère ne baisse pas les bras. La tâche est lourde, et
s'étend sur la durée. Et si des parents dans la même
situation se joignaient à elle ? Et s'ils se rendaient compte qu'ils ne
sont pas les seuls ? Alors ne s'entre-aideraient-ils pas ?
Peut-être utopique encore une fois, mais
l'espoir ne vaux-t-il pas la peine d'essayer, au moins pour un temps
?
69
II. SUR LE PLAN SCOLAIRE :
1. RENFORCER L'IMPORTANCE DE L'ECOLE DES DEVOIRS :
La Maison de Jeunes est aussi Ecole des Devoirs tous les jours
de la semaine (hors week-ends) après les heures d'école des
enfants. A mon arrivée en stage, j'ai pu observer un brouhaha continu
lors de ce temps consacré à l'étude. Je ne comprenais pas
comment il était possible pour ces enfants de comprendre ce qu'ils
étudiaient, et j'ai vite remarqué que le travail était
bouclé le plus vite possible, dans l'idée de pouvoir faire autre
chose rapidement.
Il m'a donc paru essentiel de mettre en place un
règlement distinguant les conduites tolérées de celles qui
ne le sont pas. J'ai donc convoqué le conseil des jeunes, composé
des plus de 16 ans, et je les ai invité à établir une
liste des engagements qu'ils devaient prendre pour que l'Ecole des Devoirs soit
un endroit d'étude, et non de récréation. Les
éducateurs devaient eux aussi dresser une liste de leurs engagements.
Enfin, le règlement devait être voté
à l'unanimité, et signé par tous les membres de la MJ. En
voici le résultat page suivante.
70
Règlement de l'Ecole des Devoirs :
JE M'ENGAGE A :
|
- Dire « Booonjouuuuur » en
arrivant,
- Venir ici pour travailler,
- Ne pas parler d'autres choses que des devoirs,
- Ranger mes affaires de façon à
ne pas gêner les autres,
- Rester poli et à m'adresser
correctement aux autres,
- Me tenir correctement (sur ma chaise, et en
général),
- Aider les autres lorsque les éducateurs
sont pris et lorsque j'ai fini mon
travail,
- Ne pas crier,
- Ne pas utiliser de téléphone, pc,
mp3, etc,
- Ne pas grignoter,
- Ne boire que de l'eau (pas de sodas et
autres),
- Etre à l'heure,
- Quitter l'école de devoirs
lorsque j'ai TOUT terminé.
|
LES EDUCATEURS S'ENGAGENT A :
|
- Etre clair dans leurs propos,
- Etre disponibles pour vous aider,
- A respecter et faire respecter ce
règlement.
|
Moi, ... m'engage à respecter correctement
ce
règlement, et à accepter la ou
les sanctions prévues en concertation avec les animateurs, et ce, en cas
de manquement à l'une ou plusieurs de ces règles.
71
Enfin, je pense qu'il serait intéressant d'inclure les
parents dans l'Ecole des Devoirs. Comme je l'ai dit précédemment,
bon nombre des enfants interrogés avouaient que leurs parents ne
s'intéressaient pas ce qu'ils faisaient à l'école, ou ne
faisaient pas leurs devoirs avec eux. J'ai donc interrogé les enfants en
leur demandant s'ils étaient d'accord pour que leurs parents participent
à l'Ecole des Devoirs, et sur les 16, 2 enfants disent « oui
», 4 « oui, mais pas tout le temps », et 10 « non ».
Ceux qui sont le plus en demandes sont les 6-14 ans. Car il est
compréhensible que les jeunes adolescents ne souhaitent pas que leurs
parents les surveillent, et encore moins pour les devoirs. Mais pour les plus
jeunes, on voit nettement qu'une intervention des parents serait à leur
avantage.
Alors pourquoi ne pas les inclure dans ce processus ?
Cela ne nous permettrait-il pas de mieux cerner les difficultés
éducatives des parents en souffrances ? Cela ne rassurerait-il pas les
parents de savoir qu'ils sont compris et aidés ? Une fois encore, sans
vouloir faire d'aide à la parentalité, mais juste en apportant
quelques outils éducatifs et non des « conseils ». Recentrer
les parents sur l'intérêt de s'investir dans le travail de leurs
enfants, c'est ainsi dépasser la peur de les voir échouer ou
reproduire leurs erreurs. D'autant plus quand on sait combien les parents sont
en rupture avec les services d'aides spécialisés.
4. SENSIBILISER L'ETABLISSEMENT SCOLAIRE SUR LES
DIFFICULTES DE L'ENFANT :
Là encore, ce n'est effectivement pas le rôle
premier d'une Maison de Jeunes, mais entretenir un contact de qualité
avec les établissements scolaires des enfants les plus en
difficultés, serait une démarche intéressante. Surtout
quand on sait que les parents sont
72
souvent très réfractaires aux rencontres
parents/professeurs, parce qu'ils s'exposent au regard de l'autre, qu'ils ont
honte de leurs situations, ou bien simplement parce que l'investissement des
parents est parfois inexistant, même si chez eux, « l'enfant est roi
».
J'ai en tête cet enfant de 8 ans, d'origine marocaine,
et dont la mère, seule au foyer, ne parlait pas un mot de
français. Il refusait de faire comprendre à sa mère les
problèmes qu'ils rencontraient à l'école. Il aurait pu les
lui traduire fidèlement en marocain, mais cette espèce d'avantage
du « bilinguisme non partagé », faisait qu'il
préférait mentir sur ses résultats plutôt que
d'inquiéter sa mère. Les deux seules actions qui s'offraient
alors à nous, étaient d'essayer de raisonner l'enfant pour qu'il
dise la vérité, ou faire en sorte que ses résultats
augmentent. La situation n'a pas évoluée sur les quatre mois de
stage que j'ai effectué.
Alors pourquoi, pour les enfants les plus en
difficultés, ne pas entrer en contact avec l'école ? Proposer des
remédiations en partenariat ? Tenter de faire le relai entre famille et
professeurs ? Ou encore réaliser une sorte de contrat entre l'enfant,
l'école et la Maison de Jeunes ? Est-ce vraiment impossible ? Je ne
crois pas, surtout sachant que sur les 16 enfants interrogés, tous
comprennent l'importance d'aller à l'école.
73
III. SUR LE PLAN CULTUREL ET CITOYEN :
1. OUVERTURE CULTURELLE
« On se bat pour avoir des ressources. Tous les
jours, les enfants demandent de
l'argent pour le cinéma, la gym... Il faut
toujours payer. »
La précarité vécue par de nombreuses
familles entraîne, je l'ai expliqué, une coupure avec le monde
extérieur. Et il est évident qu'aujourd'hui, l'accès
à la culture est aussi un vecteur d'inégalités sociales.
Les coûts sont souvent élevés, et un enfant issu de milieu
précaire souhaitant pratiquer un sport ou même partir en classe
découverte, se voit contraint d'abandonner ses idées.
Mais il est possible de passer à travers les mailles de
la dépense budgétaire, en se tournant vers les tarifs
préférentiels en musées, expositions, concerts et
cinéma. Il existe aussi un grand nombre de prestations culturelles
gratuites dans de nombreux domaines. Car favoriser l'accès à la
culture, c'est ouvrir aux enfants, une porte sur un monde qu'ils ne connaissent
pas, c'est donner le droit à la connaissance, c'est se familiariser avec
d'autres points de vue. Et c'est en ce sens que la Maison de Jeunes propose un
panel d'activités culturelles comme la danse, la cuisine du monde, la
création et l'art plastique, le sport, l'écriture de textes de
Rap, etc. Elle propose aussi des sorties découvertes, comme des
journées à Bruges, des sorties cinéma, ou encore un voyage
humanitaire au Congo.
Ces activités sont des espaces de partage pour les
jeunes en difficulté, où ils peuvent se réunir autour
d'une passion commune. C'est aussi un moyen pour eux, d'évacuer la
situation dans laquelle ils se trouvent, et d'avoir un moment de répit
où ils apprennent avec plaisir, et sans le savoir.
Mais la MJ ne fait pas que des offres d'activités et de
sorties, les jeunes eux-mêmes peuvent décider de ce qu'ils veulent
mettre en place, car s'il est important de mettre à leur disposition un
maximum d'ouverture culturelle, il faut aussi se rappeler que les jeunes
sont
74
aussi porteurs de leur propre culture, et qu'en ce sens,
respecter leurs goûts et leurs attirances, c'est les respecter
eux-mêmes.
Rappelons que l'article 23 de la Constitution Belge stipule
que : « Chacun a le droit à l'épanouissement culturel et
social ».
La Maison de Jeunes est donc surtout une porte ouverte
à la culture, aux projets, et à l'expression. Une porte ouverte
aux nouvelles expériences, aux idées, à la création
ou encore à la découverte. Une porte ouverte aux savoirs, au
respect et à l'écoute. Une porte ouverte sur le monde, et sur les
questions les plus existentielles, car comme l'a dit André MALRAUX
:
« La culture, c'est ce qui répond à
l'Homme quand il se demande ce qu'il fait sur la
Terre »27
2. OUVERTURE CITOYENNE :
La participation active des jeunes dans la
société constitue non seulement un facteur facilitateur
d'inclusion sociale, de réussite et d'émancipation pour eux, mais
aussi un atout pour l'ensemble de la communauté.
C'est ainsi que la Maison de Jeunes a pour objectif d'amener
les jeunes à être des Citoyens Responsables, Actifs, Critiques, et
Solidaires (CRACS). En ce sens, un grand nombre d'actions sont menées
pour atteindre ce but. Je pense particulièrement aux concerts
27 MALRAUX André, discours à la Maison de la
Culture de Bourges sur le rôle de la culture au cours des siècles,
14 mai 1965.
75
organisés pour faire la promotion du commerce
équitable et de la solidarité, je pense au projet Congo qui se
veut être un échange culturel, mais aussi humanitaire (apport de
denrées alimentaires, de vêtements, de livres, de jeux, etc). Je
pense aussi à l'ensemble des ateliers citoyens proposés, comme
des ateliers-débats sur les thèmes d'actualité, les
ateliers sur la lecture des programmes politiques lors des élections,
etc.
Toutes ces ambitions vont dans un sens : faire en sorte que
les enfants et les jeunes, en rupture avec le système et la
société dans laquelle ils évoluent, prennent conscience
que la citoyenneté active leur donne le droit d'avoir une place, et de
répondre à ce qu'ils répètent souvent : « de
toute façon, on sers à rien ».
Enfin, « Sois pauvre et tais-toi »,
titre d'une chanson du groupe de rock Les Sales Majestés,
illustre bien une vérité : quand on est précaire, on
n'est pas, de fait, un citoyen comme un autre. Il est
indispensable de davantage impliquer les jeunes dans les réflexions et
les processus consultatifs qui concernent aussi leurs espaces de vie : l'espace
public, l'école ou les institutions de l'aide à la jeunesse par
exemple.
Car je ne vois pas comment un lien social peut
être durable si les enfants et les jeunes issus de la pauvreté
restent tenus à l'écart de la vie démocratique du pays
dans lequel ils vivent, si nous n'essayons pas de changer en profondeur le
regard de la société sur la précarité et si,
finalement, nous ne permettons pas aux plus démunis d'appartenir
totalement à la communauté des hommes.
A ce moment-là, de quel droit pouvons-nous
clamer vivre en démocratie ? Périclès, au IVème
siècle avant Jésus-Christ, s'efforçait déjà
d'atténuer les inégalités économiques et sociales
d'Athènes par la pratique des liturgies (charges normalement
assumées par l'État, mais confiées aux plus riches des
citoyens), par un système d'entraide pour les plus
déshérités, et par du travail pour tous. Où en
sommes-nous aujourd'hui, plus de 2400 ans plus tard ?
76
IV. ETRE EN RELATION AVEC LES INSTITUTIONS D'AIDES
:
Puisque le public de la Maison de Jeunes est issu de milieu
précaire, puisque les éducateurs sont chaque jour
confrontés à la réalité de ce fléau, puisque
bien souvent nous nous sentons démunis dans la portée de nos
actions, pourquoi ne pas renforcer davantage les relations avec le Conseil
d'Arrondissement de l'Aide à la Jeunesse ?
J'ai mis en évidence que des troubles du lien «
parents-enfant », et certaines difficultés éducatives,
trouvent leur origine dès la naissance de l'enfant, voire même
pendant la grossesse. Un travail de prévention mis en place durant, et
même avant, la grossesse pourrait renforcer, améliorer la
qualité de ce lien.
Au sein de la Maison de Jeunes, il est possible pour les
éducateurs, de relever ces problématiques familiales
récurrentes, et donc de diriger les parents vers l'ONE, les plannings
familiaux et les services s'occupant de la petite enfance.
Il est aussi important d'informer et de sensibiliser les
futurs parents et les parents de jeunes enfants sur l'importance et la
qualité du lien précoce et le désir d'enfant. D'apporter
un appui aux parents dans l'exercice de leur rôle par l'échange
avec d'autres parents ou avec des professionnels permettant ainsi aux parents
de construire leurs propres références éducatives et en
les confrontant à d'autres modèles éducatifs. C'est
l'idée de créer des groupes de paroles et d'entre-aide entre
parents.
Certains parents éprouvent aussi des difficultés
à satisfaire les besoins primaires de l'enfant notamment au niveau de
l'hygiène de vie (alimentation, sommeil, hygiène corporelle,
etc). Comme je l'ai expliqué, ces problèmes sont en
général très stigmatisant pour les enfants et pour les
parents. Ils constituent régulièrement des facteurs
renforçant des phénomènes de harcèlement, de
tensions, d'exclusion.
Il convient donc d'éviter d'aborder ces questions sous
l'angle de la culpabilisation et de la stigmatisation. C'est une chose
importante, « car elle véhicule beaucoup de
représentations
77
collectives (conscientes ou inconscientes) qui ont une
influence sur la gestion de la qualité de la relation d'aide
»28. Cette thématique devrait être
abordée dès le plus jeune âge de l'enfant et durant toute
la période préscolaire où la visibilité des
services sociaux est quasi inexistante.
Dans ce sens, il serait intéressant de favoriser une
fois de plus les partenariats avec l'ONE, et les services d'aides familiales.
De mener des actions qui favorisent la rencontre, l'écoute, le partage
d'expériences et la valorisation des compétences parentales.
Car il est possible d'organiser ce type de rencontres
dans la Maison de Jeunes. D'autant plus que celles-ci permettraient aux
éducateurs de mieux connaître les parents, et donc de favoriser un
climat d'échange positif dans une triangulation favorable pour
l'épanouissement de l'enfant, lui permettant ainsi de se sentir
aidé, soutenu, et encadré.
28 Diagnostic social du CAAJ de Tournai, 2014.
78
CONCLUSION :
Si je devais répondre en un mot à la question
« quel est l'impact de la précarité sur la famille et sur
l'enfant ? », je répondrai : total. Mes
questionnaires, mes observations sur le terrain, et mes recherches vont tous
dans le même sens : la précarité et la pauvreté
influent à tous les niveaux de l'existence. Sur le travail, la
scolarité, les relations sociales, sur la santé, l'hygiène
de vie, l'alimentation, et sur l'accès à la culture, au logement
et aux soins. Aucun domaine n'est épargné, et chaque situation
est unique dans sa complexité, mais semblable dans sa détresse.
J'ai notamment pu constater que les adultes qui sont touchés ont souvent
hérité de la situation de leurs aïeux, remettant en question
le concept d' « égalité des chances ».
En ce sens, je pense que l'enfant et l'adolescent
doivent être au centre de toutes les politiques publiques de la
façon la plus transversale possible, et la mission première de
ces politiques publiques devrait être, avant toute chose, de
protéger les plus vulnérables. Car sortir les enfants de
l'engrenage de la précarité et de la pauvreté, c'est
stopper la reproduction intergénérationnelle des
difficultés socio-économiques issues de l'héritage
parental. Il suffit alors de prendre le temps pour éduquer les enfants
et leur transmettre les valeurs que la famille n'est pas à même de
livrer.
Car ne sont-ce pas ces valeurs qui régissent le
fondement même de notre société, et qui sont la clé
de voute de notre idéal démocratique, ou bien ces valeurs
ont-elles changé ?
Et si la mission principale d'une Maison de Jeunes n'est pas
l'éradication des situations de précarité des familles et
des enfants, elle peut, et je dirai même qu'elle doit, prendre en compte
les difficultés qui en découlent. C'est alors faire en sorte de
ne pas fermer les yeux, mais au contraire : montrer que l'on sait, et que l'on
agit.
Pour cela, de nombreux outils sont à la disposition de
l'éducateur. Il pourrait créer des espaces de rencontres avec les
parents et ainsi développer l'entre-aide et trouver des solutions avec
eux. Il pourrait faciliter et encourager davantage l'ouverture culturelle et
citoyenne, en
79
insistant par exemple, sur l'article 27 dont le but est de
garantir un accès à l'offre culturelle pour tous au moyen d'un
ticket permettant d'aller aux spectacles à moindre prix. Je pense aussi
qu'il est impératif de renforcer l'importance de l'Ecole des Devoirs, en
y incluant les parents pour les enfants le désirant. L'éducateur
pourrait aussi insister sur l'investissement scolaire des enfants en favorisant
et en simplifiant le dialogue entre l'établissement scolaire et la
Maison de Jeunes.
Enfin, pour les parents les plus en détresses,
l'éducateur pourrait les orienter vers les institutions d'aides, et
même créer un partenariat constructif avec l'ONE et le CAAJ, et
ainsi faciliter la détections des situations de précarité,
et agir au plus vite pour le bien-être des enfants qui en souffrent.
Cela n'est évidemment possible que si les
professionnels sont prêts à entrer dans l'intimité des
familles, et à changer leurs méthodes éducatives au sein
des Maison de Jeunes. Je pense sincèrement que ce type de structure doit
s'ouvrir plus concrètement aux phénomènes de
précarisations, car son implantation au sein de la cité, justifie
en elle-même cette action. Et puisque les familles sont souvent en
ruptures avec les services sociaux, ouvrir les Maisons de Jeunes aux parents,
écouter leurs maux, et trouver des solutions avec eux, avoir de
l'empathie en somme, devrait probablement les rendre moins réticents
à l'aide qui leur est proposée.
Car ce qui est certain, c'est que l'éducateur doit
pouvoir s'atteler pleinement à cette tâche, c'est la condition
même de l'existence de son métier : avoir suffisamment d'empathie
pour avoir l'envie et la force de répondre activement aux
difficultés des personnes concernées. Comme le dit si bien
Christian BOBIN29 : « L'empathie c'est, à la vitesse
de l'éclair, sentir ce que l'autre sent et savoir qu'on ne se trompe
pas, comme si le coeur bondissait de la poitrine pour se loger dans la poitrine
de l'autre. C'est l'art double de la plus grande proximité et de la
distance sacrée. Sans le coeur, il n'y a pas d'empathie, car avoir du
coeur, c'est sortir de soi, mais il faut ressentir l'autre jusqu'à
presque le devenir, il faut en même temps maintenir une distance sous
peine de sombrer dans la fusion ».
En me remettant le questionnaire en main propre, alors
que j'avais insisté sur la forme anonyme de celui-ci, un parent m'a
remercié, me disant qu'il était soulagé de savoir que je
savais. N'est-ce pas là le premier levier à abaisser : savoir qui
sont ces familles ?
29 BOBIN Christophe, La lumière du monde,
éditions Poche, janvier 2003.
80
TABLE DES SOURCES :
OUVRAGES :
BIDON-LEMESLE Céline, Thérapie Familiale, 2011.
BRANDEN Nathaniel, L'estime de soi : une force positive, 2011.
CAVAILLET F., DARMON N., LHUISSIER A., REGNIER F., L'alimentation
des populations défavorisées en France. 2005.
CHUPIN Julie, Echec scolaire, la grande peur, éditions
Autrement, Paris, 2013. CINGOLANI Patrick, Coll. Que Sais-Je ?, éd. PUF,
2005.
DE SAINT POL Thibaut, La santé des plus pauvres, division
des conditions de vie des ménages, Insee, octobre 2007.
DURKHEIM Émile, De la division du travail social, 1893.
FOURNIER Martine, La Révolution des poussettes, 2011.
MALRAUX André, discours à la Maison de la Culture
de Bourges sur le rôle de la culture au cours des siècles, 14 mai
1965.
PAUGAM Serge, La disqualification sociale: essai sur la nouvelle
pauvreté, 1991. SCHNAPPER Dominique, L'épreuve du chômage,
1981.
VERSINI Dominique Conséquence sur le développement
affectif de l'enfant des situations de précarité familiale,
Entretiens de la Petite Enfance, 2011.
WRESINSKI Joseph, fondateur d'ATD Quart Monde, Rapport : Grande
pauvreté et précarité économique et sociale,
1987.
ZAOUCHE GAUDRON Chantal, Précarités et
éducation familiale, éditions Eres, 2011.
81
LIENS INTERNET :
http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/docs_doc_travail/g2004-06.pdf
http://socialinnovation.ieseg.fr/2011/03/14/quand-precarite-rime-avec-echec-scolaire/
http://www.etab.ac-caen.fr/centre-ph-lucas/gprs/enjeux.htm
http://atd-quartmonde.be/lodel/index.php?id=140
http://www.lacode.be/IMG/pdf/analyse_enfance_pauvrete.pdf
http://www.luttepauvrete.be/chiffres.htm
AUTRES :
Charte des droits fondamentaux, 18 décembre 2000.
Charte sociale européenne révisée, 3 mai
1996.
Convention européenne des droits de l'homme, 4 novembre
1950.
Convention relative aux droits de l'enfant, 20 novembre 1989.
Bilan Innocenti 12, Centre de recherche Innocenti de l'Unicef,
octobre 2014.
Diagnostic social 2014, CAAJ de Tournai, 2014.
Enquête CORELA, 2005.
Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels, 16 décembre 1966.
Plan d'action quadriennal 2013-2016 de la Maison de Jeunes «
Port'Ouverte ».
Rapport annuel 2012-2013 du délégué
général de la communauté française aux droits de
l'enfant, 31 août 2013.
82
ANNEXES
83
84
RESULTATS DES QUESTIONNAIRES D'INFORMATIONS GENERALES SUR
LES REPONDANTS ENFANTS
Catégorie d'âge
|
6-9
|
9-12
|
12-14
|
14-18
|
18 et +
|
TOTAUX en %
|
Nombre
|
5
|
1
|
4
|
4
|
2
|
100%
|
Vis avec :
|
Père et Mère
|
2
|
-
|
2
|
-
|
-
|
25%
|
Mère seule
|
2
|
1
|
3
|
2
|
1
|
56,25%
|
Père seul
|
1
|
-
|
-
|
-
|
-
|
6,25%
|
Autre
|
-
|
-
|
-
|
1
|
1
|
12,50%
|
Année de Retard :
|
Aucune
|
4
|
1
|
2
|
1
|
1
|
56,25%
|
Une année
|
1
|
-
|
3
|
2
|
-
|
37,50%
|
Deux années
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
-
|
Trois années
|
-
|
-
|
-
|
-
|
1
|
6,25%
|
Activités Extra-Scolaire :
|
Oui
|
5
|
1
|
3
|
3
|
2
|
87,50%
|
Non
|
-
|
-
|
2
|
-
|
-
|
12,50%
|
Nombre de frères et soeurs
|
Enfant unique
|
1
|
-
|
-
|
-
|
-
|
6,25%
|
Un
|
-
|
-
|
-
|
2
|
1
|
18,75%
|
Deux
|
1
|
-
|
2
|
-
|
1
|
25%
|
Trois et plus
|
3
|
1
|
3
|
2
|
-
|
56,25%
|
RESULTATS DES REPONSES AUX PHRASES (ENFANTS)
85
|
Oui
|
Non
|
A propos de l'école et des
devoirs...
|
A l'école, on peut m'aider si je suis en
difficulté pour faire mes devoirs.
|
10
|
6
|
A la maison, je peux faire mes devoirs dans le calme.
|
12
|
4
|
Mes parents m'aident à faire mes devoirs quand l'EDD est
fermée.
|
8
|
8
|
Tous les enfants de mon école ont les mêmes
chances de réussir dans la vie.
|
8
|
8
|
Ce n'est pas parce que j'ai des difficultés que je ne
vais pas réussir.
|
13
|
3
|
Je comprends l'importance d'aller à l'école.
|
16
|
0
|
A propos de ton quotidien...
|
L'hiver, j'ai suffisamment chaud dans la maison.
|
13
|
3
|
Je me sens en sécurité chez moi.
|
12
|
4
|
Un enfant peut faire ce qu'il veut à la maison.
|
2
|
14
|
A la maison, il m'arrive parfois d'entendre parler de
drogue.
|
3
|
13
|
Le matin, le midi et le soir, je mange toujours à la
même heure.
|
6
|
10
|
Je préfère être dehors avec les copains
plutôt qu'à la maison.
|
12
|
4
|
Si on me fait du mal, il y a des adultes en dehors de ma
famille, avec lesquels je pourrais parler librement.
|
13
|
3
|
J'ai une chambre pour moi tout seul.
|
9
|
7
|
J'ai des vêtements à ma taille et en bon
état.
|
12
|
4
|
Etre propre du corps et des vêtements, c'est important
pour moi.
|
14
|
2
|
A propos de ta relation avec tes parents...
|
Je fais des sorties avec mes parents.
|
10
|
6
|
Un parent a le droit de lever la main sur son enfant.
|
7
|
9
|
Le plus souvent, c'est moi qui m'occupe de mes frères et
soeurs.
|
3
|
13
|
Mes parents s'intéressent à ce que je fais
à l'école.
|
12
|
4
|
Quand je ne suis pas d'accord avec mes parents, je leur dis
calmement.
|
7
|
9
|
Mes parents me montrent souvent qu'ils m'aiment.
|
10
|
6
|
RESULTATS DES QUESTIONS CONCERNANT L'EDD (ENFANTS)
Catégorie d'âge
|
6-9
|
9-12
|
12-14
|
14-18
|
18 et +
|
Les méthodes proposées pour t'aider te
semblent :
|
Très
appropriées
|
4
|
|
1
|
|
1
|
Appropriées
|
1
|
2
|
3
|
3
|
1
|
Inappropriées
|
|
|
|
|
|
Très
inappropriées
|
|
|
|
|
|
En général, tes parents sont satisfaits du
travail que tu fais à l'EDD
|
Absolument
|
4
|
|
5
|
1
|
|
Assez
|
|
|
|
2
|
1
|
Pas du tout
|
|
1
|
|
|
|
Ils ne m'en parlent pas
|
1
|
|
|
|
1
|
As-tu remarqué des progrès dans tes
résultats depuis ton inscription à l'EDD
|
Fortement
|
2
|
|
2
|
1
|
|
Assez
|
3
|
1
|
2
|
1
|
1
|
Pas vraiment
|
|
|
|
1
|
1
|
Pas du tout
|
|
|
1
|
|
|
Recommanderais-tu l'EDD à un ou une ami(e) qui en
aurait besoin ?
|
Fortement
|
5
|
1
|
2
|
1
|
2
|
Assez
|
|
|
3
|
2
|
|
Probablement
pas
|
|
|
|
|
|
Pas du tout
|
|
|
|
|
|
Aimerais-tu que tes parents participent à l'EDD
avec toi ?
|
Oui
|
2
|
|
|
|
|
Oui, mais pas tout le temps.
|
1
|
1
|
2
|
|
|
Non
|
2
|
|
3
|
3
|
2
|
37,50%
62,50%
-
-
62,50%
18,75%
6,25%
12,50%
31,25%
50%
12,50%
6,25%
68,75%
31,25%
-
-
12,50%
25%
62,50%
TOTAUX en %
86
I. TABLEAUX DES RESULTATS AUX QUESTIONS D'INFORMATIONS
GENERALES DES REPONDANTS PARETNS :
|
Niveau d'étude ?
|
Emploi rémunéré régulier
?
|
RIS ?
Chômage ?
|
Nbre d'enfant
s
à
charge ?
|
Tranche d'âge ?
|
Types de ménage :
|
Oui
|
Non
|
Ja- mai s
|
Chô- mage
|
RIS
|
Aucu
n
|
0-4
|
4-6
|
6-9
|
9-
12
|
12 et +
|
Mère seule 1
|
ESI
|
|
|
X
|
|
X
|
|
1
|
|
|
|
X
|
|
Mère seule 2
|
ESI
|
|
|
X
|
|
X
|
|
1
|
|
|
|
X
|
|
Mère seule 3
|
ESI
|
|
X
|
|
X
|
X
|
|
2
|
|
|
|
X
|
X
|
Mère seule 4
|
ESI
|
X
|
|
|
|
|
X
|
2
|
|
|
X
|
|
X
|
Mère seule 5
|
5ème secondaire inférieur
|
|
|
X
|
|
X
|
|
3
|
|
X
|
XX
|
|
|
Mère seule 6
|
5ème secondaire inférieur
|
X
|
|
|
|
|
X
|
4
|
|
|
X
|
X
|
XX
|
Mère en union libre
|
Coiffure
|
X
|
|
|
|
|
X
|
4
|
|
X
|
X
|
X
|
X
|
Mère mariée
|
ESI
|
|
|
X
|
|
X
|
|
4
|
|
|
XX
|
XX
|
|
|
Père seul
|
Boulangerie
|
X
|
|
|
|
|
X
|
1
|
|
|
|
|
X
|
Beau-père en union libre
|
ESI
|
X
|
|
|
|
|
X
|
2
|
|
|
X
|
X
|
|
87
RESULTATS DES REPONSES AUX PHRASES (PARENTS)
88
|
Oui
|
Non
|
A propos de ma perception de
l'éducation...
|
Un jeune éduqué librement réussira mieux
qu'un jeune éduqué sévèrement.
|
3
|
7
|
Un parent doit le plus souvent dire « oui » que
« non » à son enfant.
|
6
|
4
|
Un parent qui dit « non » à son enfant ne doit
jamais revenir sur sa
décision.
|
8
|
2
|
Je suis conscient qu'un enfant a besoin d'un cadre stable pour
se développer convenablement (sécurité, hygiène,
amour, etc).
|
10
|
0
|
A propos de l'éducation de mon/mes
enfant(s)...
|
Lorsque mon enfant éprouve des difficultés
à faire quelque chose, je lui pose des questions qui l'aident
à trouver des solutions.
|
7
|
3
|
J'ai souvent l'impression que je n'ai pas assez d'influence sur
mon enfant.
|
5
|
5
|
Je laisse rarement mon enfant libre de faire ce qu'il veut.
|
8
|
2
|
Le plus souvent, j'autorise mon enfant à faire ce qu'il
veut, même si je pense que c'est une erreur ou que cela risque de lui
occasionner des
problèmes.
|
0
|
10
|
Je préfère laisser mon enfant faire ce qu'il veut
plutôt que de provoquer sa
colère.
|
3
|
7
|
Lorsque mon enfant me décrit ce qu'il fait à
l'école, je le félicite.
|
7
|
3
|
Lorsque mon enfant à des devoirs, je les fais avec
lui.
|
8
|
2
|
Je me laisse rarement décourager par les agissements de
mon enfant, même si je les trouve inacceptables.
|
7
|
3
|
J'ai souvent du mal à comprendre pourquoi mon enfant
agit comme il le
fait.
|
5
|
5
|
A propos de ma relation avec mon/mes
enfant(s)
|
Lorsque mon enfant est près de moi, je lui montre que je
fais attention à lui.
|
9
|
1
|
Je perds rarement mon calme quand je suis avec mon enfant.
|
7
|
3
|
Le plus souvent, quand mon enfant fait quelque chose de bien,
je le souligne et l'encourage dans ce sens.
|
9
|
1
|
Je démontre à mon enfant que je l'aime,
même s'il fait des bêtises.
|
10
|
0
|
Mon enfant se comporte rarement comme j'aimerai qu'il le
fasse.
|
1
|
9
|
RESULTATS DES QUESTIONS CONCERNANT L'EDD (PARENTS)
Les méthodes proposées pour aider votre
enfant vous semblent :
|
Très appropriées
|
6
|
60%
|
Appropriées
|
4
|
|
Inappropriées
|
|
|
Très inappropriées
|
|
|
En général, les impressions de votre enfant
envers l'ensemble des actions proposées par l'EDD sont :
|
Très positives
|
9
|
90%
|
Positives
|
|
|
Assez positives
|
1
|
10%
|
Assez négatives
|
|
|
Négatives
|
|
|
Très négatives
|
|
|
Avez-vous remarqué des progrès dans les
résultats de votre enfant depuis son inscription à l'EDD
?
|
Fortement
|
5
|
50%
|
Assez
|
2
|
20%
|
Un peu
|
3
|
30%
|
Pas du tout
|
|
|
Je ne m'y intéresse pas
|
|
|
Seriez-vous d'accord pour participer à l'EDD avec
votre enfant ?
|
Très fortement
|
7
|
70%
|
Assez
|
|
|
Un peu
|
1
|
10%
|
Pas du tout
|
2
|
20%
|
89
|