La persistance des sciences sociales coloniales en Afrique( Télécharger le fichier original )par Jean Barnabé MILALA LUNGALA Université de Kinshasa RDC - Doctorat 2009 |
CHAPITRE DOUZIÈME :SITUATION À LA BASE DE L'INTERDISCIPLINARITÉ EN SCIENCES SOCIALESDe l'interdisciplinarité au point de départ de l'anthropologieL'anthropologie est la matrice des sciences sociales et humaines. Robert Vion fait une mise au point intéressante : « la convergence entre les sciences humaines reposent sur l'existence d'une tradition pluridisciplinaire dont l'une des origines demeure l'anthropologie américaine. (En effet,) des nouvelles approches (l'école de Palo Alto, l'analyse systémique, l'interactionnisme symbolique de Becher ou de Goffman, la sociologie cognitive de Cicourel, l'ethnométhodologie de Garfinkel) ont permis de développer ces convergences pluridisciplinaires. Côté langage, l'ethnographie de la communication de Gumperz et Hymes, l'énonciation de Benveniste ou Culioli, la pragmatique de philosophes comme Austin, (Francis) Jacques ou de linguiste comme Ducrot, Kerbrat - Orechioni ou Roulet, la philosophie de Bakhitin, Jacques ou Habermas, la sémiotique de Peirce, Greimas ou Eco, la sémiotique de Barthes, la psychanalyse, ont établi des points de jonctions plus ou moins nets entres les divers savoirs.»564(*) C'est la notion de monde vécu qui en est le suppôt. La perspective anthropologique offre d'un point de vue évolutionniste ou fonctionnaliste, un plan d'étude interdisciplinaire fort large, i.e., la sapiensalisation nous permet d'étudier le phénomène humain de la connaissance ou du cognitif, du langage et de la communication, de l'interaction, à travers les structures sociales émergentes d' « hominisation ». La préoccupation de l'anthropologie565(*)selon l'optique évolutionniste est celle de placer l'homme dans la longue chaîne de l'évolution biologique jusqu'à la sapiensalisation, c'est-à-dire jusqu'à l'émergence d'une société humaine normée consécutive à un certain nombre de développement de l'homme, notamment : génétique, cognitif, du langage, etc. A ce titre l'anthropologie historique offre une entrée intéressante pour un programme interdisciplinaire d'envergure. C'est aussi dans ce cadre que nous situons notre analyse multidisciplinaire. La tendance anthropologique non évolutionniste comme celle de Franz Boas et d'Alfred Kroeber postule l'unité biologique et psychique du genre humain. Sigmund Freud postule l'universalité de psychisme humain comme fondement de la psychanalyse. Ce postulat est celui sur lequel cogite quelque fois avec peine certains savants occidentaux avec un arrière-fond primitiviste pour les non occidentaux. C'est aussi le point de vue adopté sournoisement par certains savants occidentaux à partir du stade actuel de l'évolution de la société occidentale qui se définie largement au point de départ de XV e jusqu'au XVIII e siècles européens ou de la modernité occidentale en tant que base des changements structuraux partis de la découverte du nouveau monde et de la colonisation, de la naissance des sciences expérimentales, de l'absolutisme et de la naissance des Etat- nations européennes , de l'essor de commerce , de la reforme protestante, finalement de changement profond des valeurs, etc. Pour Jürgen Habermas justement, « au nombre de ces approches concernant la théorie de l'évolution, on peut compter le structuralisme, le néo-évolutionnisme et le fonctionnalisme ».566(*) Quel est l'état actuel des théories évolutionnistes ? Primo, « Althusser et Godelier ont essayé d'intégré au matérialisme historique les concepts et les hypothèses de Lévi -Strauss. Le concept de structure lui-même avait induit de l'étude des sociétés antérieures aux grandes civilisations, et ce, aussi bien à partir des structures analogiques de la « pensée sauvage » que des structures familiales des relations sociales ».567(*) Mais « le structuralisme s'est heurté aux limites de toute étude synchronique ; les limites étaient seulement moins sensibles en linguistique et en anthropologie, en raison de caractère statique de l'objet considéré ».568(*) Secundo, « sous la pression du relativisme culturel de l'école fonctionnaliste, on assiste de nos jours à un recul des théories de l'évolution qui s'étaient développés vers la fin du XIX e siècle dans le domaine de l'anthropologie (Morgan, Tylor). Il n'y a plus guère que des auteurs comme V.G.Childe et L.White pour maintenir l'idée de stade de développement universel. Sous l'influence dominante de l'anthropologie culturelle (Kroeber, Malinowiski, Mead), les théories de l'évolution n'existent plus que sous une forme très atténuée et adaptée à l'esprit de l'écologie culturelle, comme le montre l' « évolutionnisme multilinéaire » d'un J.H. Staward. Mais ces derniers temps, il est vrai, les succès qu'a enregistrés l'évolutionnisme biologique ( c'est pour marquer le relativisme qui donne droit aux sciences du tiers monde , aux sciences africaines notamment) sur le plan théorique ont contribué à un renouvellement de l'évolutionnisme sociologique. L'évolution sociale n'apparaît plus comme un vague prolongement de l'évolution organique ; les néo- évolutionnistes (Parsons, Luhman, Lenski) partent même de l'idée que l'on peut rendre compte de l'évolution sociale grâce au modèle de l'évolution naturelle, qui a été validé et a fait l'objet d'analyses approfondies. L'intérêt heuristique du modèle biologique ne fait pas de doute (mais pour quel agenda caché ?) ; ce qui fait problème (l'agenda caché ) , toutefois, c'est la question de savoir si ce modèle nous met sur la voie d'une théorie de l'évolution généralisée qui puisse convenir aussi bien à l'évolution naturelle qu'à l'évolution culturelle ».569(*) Pour moi, le biologisme s'oppose au point de vue culturel : l'homme est avant tout biologique, dirait -on , en biologisme , avant d'être culturel. Marx et Habermas ont une drôle de façon de pratiquer l'anthropologie sociale et historique en omettant quasiment de mettre à sa juste place la civilisation égyptienne ! Les théories de Karl Marx, de Claude Lévi-Strauss, de Jürgen Habermas, de John Searle et autres occidentaux, et celle de Cheick Anta Diop, pour ne citer que ce seul africain se situent de ce point de vue général de l'anthropologie tout en s'opposant sur des points cruciaux, i.e., l'Afrique est - elle le berceau de l'humanité de Home erectus à homo sapiens ?570(*) Jürgen Habermas aborde dans son livre intitulé Après Marx base de la théorie de l'agir (action) communicationnelle l'anthropologie sans géographie, sans identité humaine et localisation explicites, notamment la théorie de « passage »571(*) cognitif des hominidés aux sapiens sapiens. Karl Marx et Engel développent une théorie reconstructive anthropologique572(*), ils utilisent les structures ethnologiques des Indiens restés au stade ethnologique (voir Morgan) qu'ils mettent en correspondance avec les structures sociales de tribus germaniques. Ce va-et-vient ethnologie -sociologie devait être frappée de caducité. Beaucoup de marxistes occidentaux ne développent pas des travaux ethnologiques adéquats. Karl Marx et Jürgen Habermas reconstruisent le programme anthropologique d'un point de vue européen, d'où une vue beaucoup plus centrée sur la modernité européenne. John Searle touche dans sa théorie en fait à l'évolutionnisme anthropologique en critiquant l'anthropologie de Marx au nom de l'idéologie européenne en crise. * 564 Robert VION, La communication verbale, analyse des interactions, Hachette, 1992, 2000, Paris, p. 17. * 565 Si le mot anthropologie est écrit tout seul il se réfère à l'anthropologie physique. * 566 Jürgen HABERMAS, Après Marx , traduit de l'allemand par Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature, Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.147, * 567 Voir Jürgen HABERMAS, Après Marx ,traduit de l'allemand par Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature, Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.147. * 568 Voir Jürgen HABERMAS, Après Marx ,traduit de l'allemand par Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature, Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.150. * 569 Voir Jürgen HABERMAS,Après Marx ,traduit de l'allemand par Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature, Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.151. * 570 Cheick Anta DIOP, Civilisation ou barbarie, une anthropologie sans complaisance, Présence Africaine, Pris,1981, p. * 571 Nous pouvons étayer une thèse créationniste sans vraiment perturbé la logique de la matière. * 572 Voir Jürgen HABERMAS, Après Marx , traduit de l'allemand par Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature, Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.147. |
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