La persistance des sciences sociales coloniales en Afrique( Télécharger le fichier original )par Jean Barnabé MILALA LUNGALA Université de Kinshasa RDC - Doctorat 2009 |
Une Bible noireLa création par le Verbe, cette conception dans Une bible noire semble renvoyer à la tradition de l'Egypte antique : Selon T. Fourche et H. Morlighem, le « Ku-Ela-Diyi », en tshiluba, émettre une parole (impérative), un ordre, le « verbe » (plur. »Ku-Ela-Meyi »- on dit par exemple à la 2ème et 3ème personne du singuler : Wela Meyi (Ouela Meyi) est comparable dans sa forme et dans son esprit au « Ouzou Medou »des Egyptiens antiques (Voir A.MORET : Le Nil et la Civilisation Egyptienne ,page 439). Mais dans le langage courant, cette expression, qui garde en certains cas toute sa valeur impérativement symbolique a pris le sens commun de « parler ». (Parler : Ku -Akula - Faculté de la parole : Diakula).534(*) Tout cela est lié à une vision communautaire et même disons -le bisoïste du monde selon Tshiamalenga Ntumba. A propos des spéculations cosmiques touchant aux étoiles, aux galaxies et à la voie lactée, nos Fourche et Morlighme rapprochent certains termes d'Une Bible noire à la conception médiévale, notamment à propos de ce que Une Bible noire appelle des Choses primordiales ou Choses Aînées, « Il nous arrive, disent Fourche et Morlughme, de dire « éléments » (terme absent du vocabulaire des indignes, qui ont pourtant une conception médiévale) et « astres », pour traduire ces « choses aînées ».535(*) De par ces références, nos auteurs procèdent méthodologiquement à des comparaisons topologiques. Dans la rédaction les enquêteurs se sont faits « scribes » disent-ils ?3(*)Un des scribes conclut comme suit : « nous admettons qu'Une bible noire ne doit pas être exempte de lacunes, d'équivoques, de contradictions, et sans doute aussi d'erreurs de détails. Nous souhaitons, bien que les véritables détenteurs de « science »soient devenus rares et hermétiques devant la nouvelle génération formée aux écoles nouvelles, que d'autres chercheurs élucident les points qui demeurent obscurs ou douteux et comblent les lacunes ». Disons que T. Fourche et H. Morlighem536(*), ne se limitent pas au travail fort salutaire de conservation de textes et d'une restitution de la pensée traditionnelle, ils commentent les différents textes au point de vue anthropologique. Notre démarche interdisciplinaire consiste à croiser leur interprétation anthropologique avec une démarche proprement épistémologique et logique. Une Bible noire ou La révélation de Tshiakani titrée par l'édition Mukamba Kadita Nzemba ou d'une édition plus récente qui sous-titre Une Bible noire ;la cosmogonie bantoue est un livre peu connu, il est issu des recherches anthropologiques de Tiarco Fourche (médecin au Congo Belge) et d'Henri Morlighem (Aide - médecin),qui ont menées ces recherches concomitamment avec l'Institut Royal Belge et de l'Institut Royal d'Anthropologie de Grande Bretagne et d'Irlande.537(*) Il s'agit justement des plusieurs documents semblables dont :Etudes Bakongo, Religion et magie par R.P.J .Van Wing, missionnaire qui a oeuvré au Congo particulièrement à Kinsatu, J.-A.Tiarco Fourche et H. Morlighem, Les communications des indigènes de Kasaï avec les âmes des morts.538(*) Pour Morlighem, leurs recherches peuvent se situer avec le Docteur T.Fourche, de 1923 à 1942, date de sa mort à Johannesburg ; lui-même l'a entrepris de 1933 à 1947. Les investigations ont porté sur la plupart des nombreux clans de la province du Kasaï, de l'ouest du Lomami au sud du Sankuru. J'ai particulièrement visité le District de Haut Lomami. Les enquêtes Morlighem se sont déroulées entre autres chez les Bassonghe sur le « bukishi », chez les Baluba du katanga (Fourche, 1974, p .147). Tous ces documents d'observation et des documents oraux, rapporte Morlighem, ont été recueillis à bâtons rompu au cours des missions communes de médecine prophylactique qui leur ont assigné des contacts intimes et permanents avec les populations. La nouveauté et l'originalité de ces documents directs leur incitaient à réduire leur arrangement au minimum nécessaire pour la compréhension. La mise en chapitres, les titres, leur ordonnancement sont leur fait. « La clarté l'exigeait, et nous pensions, disaient -ils, que ce découpage ne fausse rien, car il suit fidèlement la séquence logique des conceptions noires. (...) Ces interventions minimes sont honnêtes ; elles respectent le fond et la forme. Le blanc ne s'est imposé au Noir ni dans sa tactique, ni dans son mode d'enquête ». Nous présentent un exposé contenant de conceptions, de croyances et des pratiques dites « mythico- religieuses » propres aux Bantu de la zone centrale de l'actuel Zaïre (RD Congo). Cette étude présente la notion intéressante d'analogie logique et ontologique de Totem ou de Répondant, une notion que partagent les grandes civilisations. Nous nous situons ici d'un point de vue des traditions congolaises pour illustrer la composante langagière dans la création de la « réalité sociale » sous sa forme sacrée de la création par le Verbe, le point de départ de la théorie philosophique anglo-saxonne des « actes de la parole ». T. Fourche et H. Morlighem, dans leurs commentaires de ce qu'ils appellent Une bible noire539(*), ne se limitent pas au travail fort salutaire de conservation de textes et d'une restitution de la pensée ; ils essaient de reconstruire des multiples concepts logiques centraux. Marc Poncelet affirme que sur le plan strictement épistémologique, en ce qui concerne l'Histoire sociale de la pensée coloniale et congolaise, un des premiers grands débats épistémologiques au Congo est celui qui eut lieu à l'IRCB (Institut Royal Colonial Belge) à l'âge d'or du champ colonial savant des années 30. La tendance dominante était le refus de situer le savoir des autochtones dans le processus général de l'histoire de l'humanité. C'est en l'occurrence le mémoire de Tiarko Fourche et de H. Morlighem médecin et aide -médecin de leur état, parce qu'il « fut ajourné pour sa part pour complément d'information ».540(*) Et pour cause : « L'ethnologie catholique (a) combattu systématiquement toute tentative d'interprétation (considérée comme `hâtive', 'littéraire' ou `spéculative') visant à insérer les observations ethnologiques dans un schéma évolutionniste susceptible de tracer les axes d'une histoire universelle et raisonnée des croyances religieuses humaines ».541(*) Le tort de T. Fourche et H. Morlighem, chercheurs en médecine naturelle et des techniques phytothérapiques - est d'avoir osé, contre l'avis des ethnologues ecclésiastiques coloniaux, présenter à propos des congolais des conceptions qui rencontraient d'autres traditions universelles. Les commentaires deT. Fourche et H. Morlighem sur les différents thèmes qu'ils recueillent dans Une Bible noire se réfèrent à la comparaison des traditions congolaises - Luba-kasaï (Lulua, Songhé, etc.) - Lunda-Kasaï (Pende, Cokwe, Bindji(mieux mbaghani), etc.)- ou à plusieurs grands foyers des cultures tels l'Egypte antique, le Hindou542(*), la conception médiévale, etc. Une Bible noire est un livre qui ne contient pas seulement des mythes, elle contient une bonne partie de la pensée astrologique et astronomique, de la pensée religieuse, de la pensée totémique et même des notions scientifiques des classements des espèces animales et végétales, et autres. C'est un seul édifice. Le livre contient plusieurs traditions. En ce qui concerne les thèmes qui sont développés dans Une Sainte Bible, le mythe de la création et de la chute est relaté sous forme astronomique à travers la centralité d'un « père d'amour » (Maweja nangila )»,d'un « fils premier-né, rédempteur (Mikombua kalewa)», d'une « mère (tshiama ». * 534Tiarko FOURCHE et Henri MORLIGHEM, Une bible noire, Max Arnold, Bruxelles, 1976, p.37. * 535 Ibidem, p.19. * 3 Ibidem,p.9. * 536 C'est un recueil qui réunit des cosmogonies traditionnelles de la région congolaise qui va de la rivière Lomami à la rivière Kasaï, en RD Congo. * 537Notre recherche est menée dans le cadre de l'Institut des textes africains (ITA) crée par Marcel Tshiamlenga Ntumba relayé par le Centre de recherche en épistémologie des sciences sociales et Humaines , Cressh , qui se sont assignés comme objectifs de collecter les textes africains, et de tradition similaire (l'axe asiatique avec des connaissances védiques de l'indianité ) les faire connaître, et les analyser. Tous ces textes et ces livres sont philosophiquement présentés par le Centre. Le Centre mène des recherches sur les aires culturelles de la RD Congo pour le moment : Anamongo, Nekongo , Luba-Kasaï, Luba-Katanga ,Lunda- Kasaï, etc. La révélation de Tshiakani se trouve dans cette dernière double aire culturelle. Le Centre veut en fait philosopher à partir des textes africains et de la situation africaine concrète. Il s'agit selon la démarche entreprise de sérier la thématique en mythe, en récit religieux et astronomiques, l'art, le récit totémique, etc., de restituer les textes, les reconstruire historiquement, si possible de façon systématique à partir des quelques concepts centraux, et enfin de les reconstruire créativement en rapport avec des questions actuelles selon la méthode de reconstruction de Tshiamalenga Ntumba. Notons que la reprise de la thématique de la religiosité est récurrente et peut être reconstruite et reprise profondément à partir de l'oralité africaine,i.e. d'Une bible noire. * 538Voir T.FOURCHE et H.MORLIGHEM, Une bible noire, Max Arnold, Bruxelles ,1974. * 539 C'est un recueil qui réunit des cosmogonies traditionnelles de la région congolaise qui va de la rivière Lomami à la rivière Kasaï, en RD Congo. * 540 Marc PONCELET, Sciences sociales, colonisation et développement ; une histoire sociale du siècle d'africanisme belge, Dissertation doctorale, Université de l'Ille I, Tome I, 1995, (inédit), p.461. * 541Ibidem, p.462. * 542Ibidem, p.65 ; les commentaires soutiennent qu'à propos de la physiologie d'Une bible noire, la conception de ce qui est appelé ici les centres de l'homme, liés à des facultés et pouvoirs, réunit des notions particulières de physiologie et une notion très comparable à celle de Chakras Hindu. Cakras: Sanskrit: «roue». Un lieu de concentration d'énergie et de conscience situé dans les corps intérieurs de l'être humain. Ce seraient les centres nerveux, plexus et ganglions, ainsi que les glandes qui correspondent aux chakras principaux, qui se trouvent dans le corps physique, le long de la colonne vertébrale, du bas jusqu'au sommet du crâne. (Notons qu'il y a correspondance, et non identité entre les chakras et les centres nerveux, glandes, etc.) Il y a sept chakras principaux qui sont les plus connus et le plus souvent décrits dans les livres. Mais en réalité, il y en a d'autres encore. On peut voir les chakras par le psychique; ils ressemblent à des lotus aux nombreux pétales de diverses couleurs. Voir: manipura-chakra, muladhara-chakra, nadi, sahasrara-chakra. |
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