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La persistance des sciences sociales coloniales en Afrique

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par Jean Barnabé MILALA LUNGALA
Université de Kinshasa RDC - Doctorat 2009
  

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Enjeux : La menace du réalisme et le post-modernisme

La réalité sociale est là, c'est nous qui la faisons exister. Selon Tom Rockmore, ce débat entre réalisme et contructivisme se cristallise aujourd'hui entre Putnam et Searle: « the nature of realism as it is often undestood in the recent debate ».235(*) Le réalisme parmi tant d'autres principes de la rationalité moderne a justement fait selon John Searle236(*) l'objet d'âpres attaques, et « ces attaques contre le réalisme sont troublantes à plus d'un titre ».237(*) Selon divers théoriciens de la littérature « post-moderne », soutient Searle, toute connaissance étant le produit d'une construction sociale et sujette à l'arbitraire et à la volonté de pouvoir inhérent à toute construction sociale, le réalisme devrait s'en trouver menacé. 238(*)

John Searle soutient justement le fait qu'un des grands enjeux de sa réflexion aujourd'hui est contre la tendance de renverser indûment la rationalité occidentale du fait même que les principes inhérents posent des problèmes de relativisme. Ainsi, John Searle évoque-t-il outre le principe de réalisme sur lequel il s'appesantit le plus, le principe de l'impossibilité de l'objectivité, le principe de la relativité conceptuelle, etc.

L'origine récente de problème de relativisme moderne

Le problème posé à travers le principe de constructivisme touche les questions fondamentales et des enjeux philosophiques centraux concernant les soubassements épistémiques et ontologiques sur des notions telles que la réalité, l'objectivité, la vérité, la raison, la rationalité, la logique, la connaissance, l'évidence, et la preuve. Plus explicitement : or, il est établi que le monde (ou, si l'on veut, la réalité ou l'universel) existe indépendamment de la représentation que nous en avons. L'objectivité épistémologique complète est difficile, parfois impossible, parce que les recherches que nous menons se font toujours d'un certain point de vue, motivée par toutes sortes de facteurs personnels, et dans un certain contexte culturel ou historique. Avoir des connaissances, c'est avoir des représentations vraies pour lesquelles nous pouvons donner certaines sortes de justifications ou de confirmations empiriques.239(*)

La thèse que Searle combat est l'antiréalisme sous ses deux versions que voici : « en premier lieu, la thèse selon laquelle la réalité consiste en états conscients et, en second lieu, la thèse selon laquelle elle est construite socialement, au sens où ce que nous appelons le « monde réel » n'est qu'un ensemble de choses construites par des groupes des gens ».240(*) Searle appelle la première thèse, l'idéalisme phénoméniste et la deuxième celle de constructionnisme social.

Contre l'idéalisme phénoméniste, il oppose ce qu'il appelle l'argument « transcendantal » dans un des nombreux sens que Kant donne à ce terme.241(*) John Searle part également de la Critique de la Raison pure d'Emmanuel Kant pour présenter son argument en faveur de l'impossibilité d'une réalité indépendante de nos représentations humaines. C'est en fait en notre sens, la transformation des formes a priori de la sensibilité et des catégories de l'entendement de Kant dans la philosophie analytique dans sa phase pragmatique. Les mots sont ici des formes a priori de communication humaine. Les mots deviennent les conditions de réalisation de communication humaine. Elles forment les conditions d'intelligibilité de la connaissance, qui du point de vue de la pratique forme l'Arrière-plan. Les formes a priori ne sont pas des choses, elles sont dans les termes de Kant des illusions sans lesquelles la connaissance n'est pas possible.

Pour Searle, le relativisme est consécutif à l'antiréalisme au fait que : « c'est quelque fois une satisfaction pour notre volonté de puissance que de penser que « nous » faisons le monde, que la réalité n'est elle-même rien d'autre qu'une construction sociale, modifiable à volonté et sujette aux changements futurs qui « nous » paraissent appropriés. De même, il semble choquant qu'il y ait une réalité indépendante des faits bruts - aveugles, sourds, indifférents, et totalement imperméable à nos préoccupations. Tout cela fait partie de l'atmosphère intellectuelle générale qui donne l'impression que les versions antiréalistes du « poststructuralisme » telle que la déconstruction, sont intellectuellement acceptables voire excitantes ».242(*)

Ce qui, au demeurant, est en jeu reste la déconstruction des principes de la rationalité occidentale : « le postmodernisme, inversion de tous les idéaux de la rationalité, se répand comme une traînée de poudre. Alors que le libéralisme ne promet qu'un long processus d'alignement planétaire des institutions sur les références rationnelles des droits de l'Homme et du marché, l'idée même d'évolution historique homogénéisante est contestée, critiquée, dépecée par un postmodernisme qui ne voit que des contextes et leurs « petits récits »inaliénables dans la « grande histoire » de l'émancipation ».243(*) Pour éviter la réduction à l'infini, il faut partir d'un schème conceptuel ou d'un cadre de référence processuel, par exemple d'un système juridico -morale reconnu par la communauté scientifique. Seulement, en tant que normes, elles sont toujours déjà à construire.

De façon générale, selon Yves Bonny, sur les bases du relativisme, « on est amené à développer la thèse de la pluralité et de l'incommensurabilité des systèmes de connaissance, ce qui signifie que l'on ne peut jamais les juger d'un point de vue extérieur et qu'ils ont tous la même valeur. Ce relativisme est appliqué à la science et le plus largement à l'ensemble des références qui sont issues de la civilisation occidentale, lesquelles sont ramenées à une simple « culture » parmi tant d'autres. « Une des formes que prend le relativisme consiste à soutenir que les « savoirs », et les « connaissances », sont toujours relatifs à un référentiel, et que par conséquent on ne peut les juger que par rapport à celui-ci ».244(*)

Enfin ,comme le redoute Baillargeon ,le postmodernisme cherche à s'arroger « les éventuels mérites de la diffusion du relativisme culturel ou anthropologique et des vertus qui lui sont associées, comme la tolérance et la reconnaissance et le respect des différences »,à partir d'un relativisme épistémologique.(...)Le souci compréhensible de réhabiliter les représentations et les savoirs non occidentales ou des « sous -cultures »internes à l'Occident contre les formes les plus extrêmes du dogmatisme positiviste et de l'impérialisme ».245(*)

* 235 Tom ROCKMORE, On foundationalisme: A strategy of Metaphysical Realism, Lanham, MD [u.a.] Rowman & Littlefield ,Harvard ,2004, p.18.

* 236 Les présupposés philosophiques de John Searle ressemblent fort aux présupposés du sens commun ou à ce qu'on peut appeler le « réalisme naïf » : il y a une partie importante de la réalité qui est indépendante de nos représentations humaines. Dans son article intitulé « Rationalité et réalisme : ce qui est en jeu ? », un article qui présente un résumé de son livre La construction de la réalité sociale, à propos de la rationalité en question John Searle parle plus précisément de la rationalité occidentale. http://peccatte.karefil.com/SearleRR.html

* 237Ibidem, p.203.

* 238 John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.205.

* 239Ibidem, p.195.

* 240Ibidem, p.234.

* 241Ibidem.

* 242 John SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.202.

* 243 Jean De MUNCK, L'institution sociale de l'esprit, p.3.

* 244 Yves BONNY, op.cit., p.83.

* 245Ibidem.

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