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La persistance des sciences sociales coloniales en Afrique

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par Jean Barnabé MILALA LUNGALA
Université de Kinshasa RDC - Doctorat 2009
  

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Les trois dimensions constitutives du droit

Nous commençons par la dimension naturaliste du droit. Il nous faut donner une vue d'ensemble en planchant sur les trois dimensions constitutives du droit, du point de vue de la théorie générale du droit ou de la philosophie du droit.

Nous pouvons dire qu'un des enjeux de la philosophie du droit depuis cinq siècles reste l'avancement de la théorie du droit naturel depuis le XVII e siècle qui a été gravement arrêté par le positivisme et l'historicisme.

Dans l'ordre des normes, le paradigme admet que le droit positif est nécessaire pour réaliser le droit naturel. Mais ce droit est composé des normes. D'où la nécessité de connaître la spécificité des normes en tentant de répondre à la question suivante : « Quelle est l'autorité qui gouverne les normes ? ». La contribution de la tradition analytique se fait spécialement par l'entremise de Hart. Pour lui la spécificité des normes se trouve dans la structure d'ensemble du système juridique.

Dans l'ordre de fait, la tradition analytique est exploitée sous forme de thématisation par John Searle avec l'hypothèse de « fait institutionnel », destiné à combler l'hiatus de la tradition humienne (entre le is et le ought) avec une ontologie. Le fait institutionnel est un fait dont l'existence présuppose les systèmes des règles constitutives qu'on nomme institutions. En effet, les normes juridiques créent la réalité avec l'idée des faits institutionnels.

Dans l'ordre des valeurs enfin pour le jusnaturalisme, une grande question est au centre du problème : par où passe la réalisation de la justice et de l'ordre juste, étant donné que le droit naturel veut se confondre à la notion de justice ? Il y a certes une réponse avec des nuances multiples liées : aux rapports entre individus, entre individus et groupes, à l'organisation de groupe (Cité, Etat), au rapport entre la philosophie du droit elle-même et la philosophie politique. C'est la toile de fond de notre discussion ici.

Brève historique théorique du droit moderne à la suite de Jürgen Habermas

Le jusnaturalisme qui s'est développé dans les milieux protestants est une sorte de code supra-positif dont l'expression la plus visible est dans les Déclarations des droits de l'homme. Les droits de l'homme sont les droits du chrétien qui exige de l'Etat les différentes formes de liberté nécessaire pour assumer sans Etat la responsabilité de son destin. La vie meilleure provient de la Grâce, l'individu qui est orienté vers sa destinée surnaturelle transcende les compétences de l'Etat. Il n'attend de l'Etat que la liberté de diriger sa vie en fonction de ses fins suprêmes. Contre la nécessité de l'institutionnalisation de la Religion (catholicisme médiéval), la Reforme exige la re-individualisation du christianisme.

L'histoire du droit moderne s'enracine dans les idées aussi bien morales que politiques. Sa conceptualisation aujourd'hui doit répondre de l'expérience contemporaine, de processus de la mondialisation par exemple.

Au cours des trois siècles passés selon Jürgen Habermas, le statut de la catégorie du droit a varié dans l'analyse de l'Etat et de la société, au gré des conjonctures scientifiques. De Hobbes à Hegel, le droit naturel moderne s'est servi de cette catégorie comme d'une clé médiatrice de tous les rapports sociaux. La société juste semblait devoir être instituée suivant un programme juridique rationnel. Plusieurs éminents auteurs seront à la base de ce changement, notamment à travers la théorie de l'économie politique et des lois économiques.

En effet, à la suite d'Adam Smith et de David Ricardo, on voit se développer une économie politique comme une sphère sociale, dominée par des lois anonymes de la circulation des marchandises et du travail social. La société civile est dominée par des lois anonymes de la circulation des marchandises et du travail social, où les individus sont privés de liberté réelle. Karl Marx retient de tout cela, après que Hegel ait tiré cette même leçon, la privation de la liberté et le fait que la société est fondée sur les échanges, tout en maintenant paradoxalement le concept classique de la société comme une totalité.

De ce modèle systémique fondé sur l'échange, on oppose le modèle issu du structuralisme génétique d'une société décentrée, éclatée en de nombreux systèmes et fonctionnellement différenciée.

Plusieurs critiques sont évoquées contre la théorie du droit, dans une perspective systémique : la différenciation du droit au cours de l'évolution peut se comprendre comme une autonomisation qui finit par conférer au droit devenu positif l'indépendance d'un système (juridique) autopoïetique autoréférentiel. Devenu autonome, le système juridique n'a plus de relations d'échange directes avec les environnements qu'il rencontre à l'intérieur de la société et n'exerce plus sur eux d'effet régulateur. Toute fonction de régulation à l'échelle de la société dans son ensemble lui est interdite. D'où l'émergence des mécanismes économiques : C'est alors le mécanisme du marché, découvert et analysé par l'économie politique, qui prend les commandes, y compris dans la théorie sociale.

En effet, l'analyse économique de la société civile, issue de la philosophie morale écossaise, a profondément ébranlé la tradition du droit rationnel. La tradition (avec Rousseau et Hobbes comme ténors) place la catégorie du droit au centre de la théorie de la société. Les contractualistes des temps modernes en général, sauf Locke, Kant, et Thomas Paine, ont défini l'état de nature en termes d'une théorie du pouvoir (du droit rationnel) et non de l'analyse économique.

L'anatomie de la société bourgeoise, appréhendée par le biais des concepts de l'économie politique, produit un effet démystificateur ; selon cette critique, l'ossature qui assure la cohésion de l'organisme social est constituée non par des rapports juridiques mais par les rapports de production comme infrastructure. Le droit remplacé par l'analyse économique ne joue plus dès lors un rôle central dans la théorie sociale. Il y a changement de perspective et de paradigme.

Décrit en tant que système autopoïetique, ce Droit marginalisé ne peut réagir qu'à des problèmes qui lui sont propres, tout au plus occasionnés par des influences extérieures. C'est pourquoi il ne peut percevoir ni traiter les problèmes qui pèsent sur le système social dans son ensemble. En même temps, sa structure autopoïetique l'oblige à réaliser toutes ses opérations à partir des ressources qu'il a lui-même à produire.

La position du droit et son importance seront problématisées. Ramené à un système autopoïetique, le droit vu sous l'angle distanciant de la sociologie, est dépouillé de toute connotation normative, en dernière instance relative à l'auto- organisation d'une communauté juridique. De la sorte, le droit n'a pu jouer de tout temps un rôle central dans la théorie sociale, il a été supplanté par le paradigme qui met l'analyse économique au centre de la théorie sociale. Il y avait eu en ce sens changement de perspective et de paradigme. Pourtant, à penser à la crise de la modernité qui se manifeste aujourd'hui dans la crise du capital, le salariat devait en subir le coup et le droit privé subséquent.

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