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La persistance des sciences sociales coloniales en Afrique

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par Jean Barnabé MILALA LUNGALA
Université de Kinshasa RDC - Doctorat 2009
  

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Le contextuel d'élaboration des sciences sociales au Congo et en Afrique

Une certaine tendance idéologique libérale peut convenir que l'espace pertinent d'élaboration des sciences sociales a toujours été l'espace national. On peut donc dans cette logique se demander aujourd'hui à propos, quels sont les résultats pratiques endogènes pour des recherches effectuées par des congolais de renoms mais expatriés depuis comme Yves Valentin Mudimbe ? Il faut préciser que la position actuelle de Mudimbe que Jean Copans qualifie d'hyper moderne, c'est-à-dire cette insertion internationale de pointe des recherches congolaises et africaines au détriment de l'insertion nationale et locale devrait ainsi imposer le recours à de nouvelles stratégies et à une philosophie de plusieurs ajustements. Dans le cadre de l'internationalisation de la lutte prolétarienne, que nous croyons encore d'actualité, l'espace national n'est plutôt pas pertinent.

Lorsque produite à l'étranger ou par l'étranger (par exemple l'oeuvre de Benoit Verhaegen au Congo- Kinshasa, certains l'impliquent dans la mort de Lumumba ) , le rapatriement africain des sciences sociales exigerait un travail de connexion à leur environnement institutionnel, social et culturel d'origine sans préjudice du fait que les chercheurs africains avangardistes se mettent normalement à la disposition des espaces qui sollicitent la compétence de tous. Aujourd'hui les études africaines sont soumises aux lois du marché de l'expertise qui sont largement panafricaine et internationale.

La situation est au demeurant complexe, les Etats africains font malgré eux de plus en plus recours, forcés souvent par des contraintes bilatérales ou multilatérales de conditionnalité, à la consultance internationales au détriment des compétences locales organisées (les Centres de recherche officiels sont laissés, en ce qui concerne le Congo, à l'abandon) face au développement des ONG nationales qui ouvrent un marché du travail interne.

L'enjeu, c'est l'enracinement des communautés des chercheurs africains qui doivent s'ancrer dans les communautés d'origine locale ou idéologique, ce qui comporte des conséquences sur l'efficacité de la médiation des savoirs, les champs de l'action s'en trouvant bouleversés. La continuité des espaces territoriaux et idéologiques qui deviennent conflictuels dissolvent les repères de l'action et de la pensée stratégique, dont la transnationalité des phénomènes étudiés doit être bien conceptualisée. Si les savoirs et leur médiation vis-à-vis de l'action apparaissent comme superflus et sans aucune justification culturelle, les études africaines deviendront une simple spécificité ésotérique et une forme purement esthétique de la « modernité », sans pertinence pour le progrès social. C'est ce que la production scientifique des intellectuels africains est en gros devenue. Sans impact aucun, les kinois disent : « ba professeurs (intellectuels) ba bebisi mboka ». Entendez, une tradition littérale : La langue française a foutu le pays en l'air. Le savoir des intellectuels n'est d'aucune utilité pour résoudre des problèmes collectifs.

Pour Jean Copans, les théories élaborées en Europe et pour l'Europe peuvent être appliquées aux pays de la périphérie mais il ne faut pas oublier que les théories sont des élaborations sociales, culturelles, et par conséquent relatives, c'est-à-dire datées historiquement. Le capitalisme périphérique doit maitriser la multiplicité des espaces de production scientifique, qui se présente comme une constitution d'un ensemble disparate dû aussi à une pluralité d'historicité. L'étape d'évolution historique des formations sociales considérée permet une intériorisation des objectifs globaux et la perception des besoins ultimes actuels de la société. C'est peut-être là une série des obstacles le plus puissant à l'évaluation des effets de la science sociale.118(*)

Des telles situations ont abouti à la dispersion considérable des savoirs et des traditions donnant lieu selon Copans à trois types des sciences sociales africaines : la distinction entre l'africanisme du dedans et celui du dehors, les sciences sociales « régionales » ou « géoculturelle », et les traditions nationales centrales.

L'Histoire et la Critique des Sciences Sociales en Afrique contemporaine à l'heure des bilans de cinquantenaire des indépendances africaines est une de ces voies indiquées pour tenter de dresser un tableau évaluatif des recherches sociales qui ont été menées sur l'Afrique et les divers résultats pratiques subséquents. Plusieurs faits peuvent être relevés touchant la critique externe et la critique interne des sciences sociales en Afrique. Il faudrait d'ores et déjà distinguer dans l'analyse les lieux de production factuelle et pratique, et les lieux de production conceptuelle et analytique des sciences sociales. Ces différents contextes aident à mesurer, selon Copans , tout le travail à faire en vue de « rapatriement » africain des sciences sociales en comblant plusieurs distanciations :

- avec premièrement le pouvoir colonial (ou néo- colonial), l'exigence d'une grille de lecture alternative concomitante, non subalterne, des africains eux-mêmes de la situation africaine,

- avec deuxièmement les corpus centraux des disciplines pour qui l'espace pertinent ne peut être que l'espace national - les sciences sociales sont nées dans le contexte de la conquête et de l'expansionnisme européen,

- et avec enfin le processus de l'autonomisation scientifique africaine.

Notre hypothèse pour palier à cette situation se réfère à la théorie de back ground. Le contenu sémantique des énoncés scientifiques ne suffit pas en lui-même, il faut tenir compte d'un Arrière-plan en tant schèmes pratiques pour donner tout le sens des choses sociales. L'action de scientifique se situe dans un contexte, ce qui refuse l'idéalisation de la vérité en science s'inscrivant dans le développement théorique qui est incrusté au sein de processus de socialisation. Cette situation permet de considérer chaque développement théorique dans son contexte d'effectuation non coupé de nos mythes fondateurs. La recherche scientifique s'inscrit aussi in fine dans un réseau de négociation socio- technique.

L'Arrière-plan est en définitive cette pré-condition de la représentation linguistique ou mentale.  C'est revenir à l'habitus commun des scientifiques comme lieu primitif à investir. L'arrière-plan local et profond des chercheurs contextualisent les sciences sociales en Afrique qui doivent être tournées vers la réalité sociale africaine. La perception de l'espace et du contexte devient un lieu qui implique tout le monde. Cette systématique que nous proposons restitue le contexte de l'action rationnelle et le schème de la logique pratique.

* 118 Voir Jean COPANS, La longue marche de la modernité africaine : savoirs, intellectuels, démocratie, 2 è édition rev.et augment, Karthala, Paris, 1998, p.145.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore