Jean - Barnabé Milala Lungala
LA PERSISTANCE DES SCIENCES SOCIALES COLONIALES
AFRIQUE
HISTOIRES, ORIGINES, ÉTAT DE LIEUX, ENJEUX,
ACTEURS, LEITMOTIV, OBJECTIFS ET RECONSTRUCTION
Presse Universitaire du Congo, 2013
« La clé de son succès (le diable)
c'est le secret de son agissement. Plus les gens en savent sur Lui, moins Il
opère »
« La valeur et l'illusion de la contrefaçon
sont augmentées par la ressemblance à
l'authentique »
Notre Maître Victor Paul Wierwielle
Nous dédions ce livre :
Aux 1000allah :
A Milala Arlinia Bongondo Kumbi ma très chère
épouse
A Milala Pairette Haakiyi et Milala Jonet Carmen Chou
Haaciela Mbuita mes filles bien-aimées
PRÉSENTATION DE L'AUTEUR
Jean Barnabé Milala Lungala est Professeur à
l'Université de Kinshasa à la Faculté des Lettres et
Sciences Humaines, docteur en Philosophie. Il a passé ses études
primaires à Kinshasa à l'Institut Ango Ango dans la commune de
Bandalungwa, ses études secondaires au Petit Séminaire de Luiza
et de Kamponde au Kasaï Occidental, et a obtenu en 1999 sa Licence
à l'Université de Kinshasa au Département de Philosophie.
Milala a été en 2005 bénéficiaire
d'une bourse de finalisation de Diplôme d'Etudes Supérieurs
(D.E.S) de la Commission Universitaire pour le Développement de la
Belgique, CUD en sigle ; bénéficiaire d'une bourse de stage
doctoral sur trois ans à l'Université catholique de Louvain, UCL
en Belgique de 2006 à 2009 ; et a défendu sa thèse
à l'Université de Kinshasa le 03 Octobre 2009 sous la double
direction du professeur Mutunda Mwembo Pierre et Maesschalck Marc. Il a
également obtenu une bourse pour Docteur pour la préparation des
Cours à l'UCL.
Jean Barnabé Milala est actuellement Directeur de
Centre de Recherche en Epistémologie des Sciences Sociales et Humaines
(Cressh) de l'Université de Kinshasa de la Faculté des Lettres et
Sciences Humaines, initié à la suite du centre de recherche en
théorie de l'action de l'UCL dirigé par le professeur Marc
Maesschalck . Le Cressh est en partenariat avec plusieurs structures de
recherche et d'action sociale dont les « Ateliers Nord
-Sud » co-dirigé avec Oscar Mpoyi, une asbl transversale entre
l'Europe et l'Afrique qui oeuvre dans le secteur de jeunes immigrés
subsahariens et congolais, l'Association est basée à Bruxelles
pour l'encadrement et l'insertion des jeunes ; la radio universitaire de
l'Université de Kinshasa où le professeur Milala anime
l'émission consacrée aux centres et Laboratoires de recherche de
l'Université de Kinshasa ; une structure philosophique
internationale dévotionnelle et pratique qui mène des recherches
sur la connaissance afro-védique, A.I.C.K., Association Internationale
pour la Conscience de Krisna (Dieu).
C'est dans le cadre d'un autre partenariat que le Centre a eu,
avec le Groupe de presse Le potentiel et Télé 7, à animer
des conférences sur le thème du refus de la balkanisation de la
RDC depuis le mois de Mai 2012. Le partenariat a permis de mettre en place le
Mouvement Civique National (MCN) qui a pour objectif l'éducation aux
droits civiques de l'homme. Les Conférences sus-
évoquées, combinées avec la synergie des autres mouvements
d'éveil national ont tant soit peu contribué à la grande
marche des chrétiens catholiques de 2012.
Dans la foulée de ces activités
déployées pour l'éveil national, le groupe des professeurs
de MCN ont organisé une tournée pour rencontrer et sensibiliser
certaines personnalités nationales accessibles, notamment les candidats
présidents de la république en RDC pour leur expliquer la
gravité de la situation nationale générale qui
sévit aujourd'hui.
INTRODUCTION GENERALE
L'approche épistémologique de
reconstruction des Sciences Sociales et Humaines en Afrique devait être
globale.1(*) La question
concerne les différentes distinctions de critiques intra et extra-
épistémologiques. La critique extra - épistémique
touche à l'Histoire des sciences Sociales qui tente de retracer la
succession, le développement des interprétations, le
déroulement et/ou la croissance des idées et des débats
scientifiques, et des ruptures métaphoriques de base ; à la
Sociologie et à l'Anthropologie des sciences qui ouvre l'enquête
autour des questions théoriques, des options politiques d'exigence des
normes de rationalité, des discussions sur le financement et la
recherche scientifique, de la localisation des sociétés savantes
ou des clubs des savants ;à la Psychologie de la connaissance qui
s'occupe de l'origine subjective des formes de la connaissance.
La tâche se prolonge à la critique intra -
épistémique de la méthodologie qualitative. La
réflexion appelle la philosophie des sciences qui comprend outre la
question des méthodes entant que telle, l'Ethique des applications
scientifiques et l' « ontologie sociale ». Celle-ci
réexamine la pertinence des concepts centraux des sciences sociologiques
et économiques par exemple : la réalité sociale, le
fait social, la structure/ l'habitus /the back ground /l'agent, le
système /l'acteur, le choix pur (utilité), etc. Ces concepts sont
ici l'objet des reconstructions théoriques.
Tous ces concepts sont au départ à replacer dans
des traditions scientifiques des philosophes - sociologues - anthropologues
(Emile Durkheim, Max Weber, Simmel), politologues (Maquiavel ), et autres
juristes fondateurs des sciences sociales.
L'enjeu épistémologique en Afrique est le
dépassement du mimétisme à peau dure des sciences
occidentales qui se sévit de façon non critique en Afrique. En
effet, les africains de chaque génération devaient relever le
défi de réinventer la société africaine, nonobstant
du fait qu'il existe des obstacles objectifs à la réinvention
d'une nouvelle société et non les moindres.
Les mots et les sciences sont porteurs de valeurs et de
symboles. Il n'est pas si simple de modifier ou de transformer les
rapports d'une société avec les mots. « La langue
européenne moderne comme le français reflète, dans sa
structure profonde, les institutions nomades (...) défavorables à
la femme : il n'existe pas de terme propre en français pour
exprimer le meurtre de la mère et de la soeur ; on utilise,
respectivement, les termes relatifs au meurtre du père, ou du
frère : parricide= meurtre du père, ou de la mère par
extension- fratricide = meurtre du frère, ou de la soeur par extension
».2(*) C'est une langue
née de la culture patriarcale profonde qui est une grande langue de
travail en Afrique francophone. La réalité sociale africaine est
en grande partie une construction des sciences sociales et humaines coloniales,
l'Afrique en est l'invention. Les discours des sciences sociales occidentales
ont créé la réalité socio- culturelle africaine
moderne.
Pour une épistémologie de la
décolonisation, la question essentielle est celle-ci : la vision
essentiellement coloniale de la réalité prévaut encore
dans la majorité des disciplines en sciences sociale et humaines en
Afrique, comment sortir de cette vision ? Aujourd'hui, plus de cinquante ans
après les indépendances, aux heures de bilan, que faut-il
dire de la contribution africaine au projet de la reconstruction des
sciences sociales et humaines africaines ?
Les spécialistes des sciences sociales et les
philosophes sociaux africains devront, en collaboration avec les scientifiques-
philosophes sociaux du tiers monde, chercher les réponses
théoriques aux questions reconnues universelles au sujet de la
société. Identifier les ressources morale et spirituelle,
pratique et factuelle, théorique et conceptuelle, de les
réapproprier dans un esprit critique.
A propos, à l'heure où l'Afrique est encore
confrontée au problème de son existence, de sa libération
politique, économique et culturelle, nous croyons qu'il est fondamental
de répondre en priorité aux questions morales et
théoriques, notamment celles qui sont posées par les sciences
sociales coloniales et neocoloniales. Il s'agit d'identifier la trame
discontinue des traditions culturelles et morales (la culture des savants) des
sciences sociales et humaines telles qu'elles ont structuré et
structurent encore notre société.
En fait, nous identifions les différentes conceptions
spirituelles et théoriques à partir de quoi reconstruire les
sciences sociales sans ne nullement mettre en veilleuse la reconstruction des
sources de l'africanité. Les spécialistes des sciences sociales
et les philosophes sociaux dans les pays latino-américains font de la
question de la reconnaissance de la pluralité
épistémologique le cheval de bataille pour leur combat pour le
progrès social et le leitmotiv de leur libération
intégrale. Une seule forme de connaissance du monde, la
rationalité scientifico - technique, celle occidentale, a
été postulée comme la seule épistémè
valide, c'est-à-dire la seule capable d'engendrer de véritables
connaissances sur la nature, l'économie, la société, la
morale, et le bonheur des gens.
Le capitalisme organisé depuis plus de cinq cents ans
au moyen du commerce triangulaire, a été entre autre la base,
comme pouvoir, en instaurant une hiérarchie rigide des connaissances.
Les connaissances non occidentales forment encore, c'est le cas de le dire,
leur préhistoire ou la doxa, et sont mêmes quelques fois
considérées comme des « obstacles
épistémologiques » par rapport à la science
moderne. Les choses ont pourtant évoluées.
Aussi paradoxale que cela puisse être, la
Conférence Internationale pour le développement et
l'environnement tenu en 1992 à Rio de Janeiro a pourtant, pris la
résolution pour la protection des connaissances traditionnelles.
Aujourd'hui, l'indigène n'est plus perçu comme un
élément du passé social, économique, et cognitif de
l'humanité, mais comme « gardien de la
biodiversité ». La tolérance à l'égard de
la diversité culturelle est devenue une valeur « politiquement
correcte » dans la mesure où cette diversité est utile
pour la reproduction du capital.
Cette nouvelle capitalisation de la nature ne repose pas
seulement sur la conquête sémiotique de territoires en termes de
réserves de biodiversités dans les tiers monde et de
communautés des indigènes comme « gardiens »
de la nature, elle exige aussi la conquête sémiotique de
connaissances locales, dans la mesure où « sauver la
nature » exige l'évaluation des savoirs locaux sur la
durabilité de la nature.
Disons que cette « reconnaissance »
accordée aux systèmes de connaissances non occidentaux n'est pas
épistémologique mais plutôt pragmatique. Même si les
savoirs des communautés indigènes ou noirs peuvent être
considérés comme « utiles » pour la
conservation de l'environnement, la destruction catégorielle entre
« connaissance traditionnelle » et
« science », élaborée au cours du
siècle des Lumières ,au XVII ème siècle ,est
toujours en vigueur. Même si, les connaissances traditionnelles des
indigènes sont élevées à la catégorie de
« patrimoine immatériel de
l'humanité » !
La réflexion épistémologique va dans le
sens de la rénovation des savoirs scientifiques. Mais il faut admettre
que beaucoup de spécialistes des Sciences Sociales et des philosophes
sociaux africains ne sont pas suffisamment armés pour se faire. Nos
nombreux philosophes congolais formés pour le besoin de l'église,
pour des raisons diverses, ne sont pas passionnés pour une telle
tâche.
Le besoin théorique général est de
dépasser les moyens classiques de production des connaissances
scientifiques des Sciences Sociales et Humaines qui pérennisent des
symboles, des concepts et des relations inhérentes non critiques d'il
y a plusieurs siècles, tels que reconduits en Afrique depuis la
« fondation » des sciences sociales classiques, ignorant
les icônes et les métaphores fondatrices des sciences sociales. Il
faudrait aussi reconstruire les présuppositions non
réfléchis de concept de « réalité
sociale » comme objet central des sciences sociales.
Quelle méthodologie allons-nous utiliser ? La
restitution symbolique et la restitution conceptuelle, et leur reconstruction
systématique, historique et recréatrice, demandent une
reconstruction philosophico-scientifique plus complexe qui devrait prendre en
compte la transformation de la philosophie antique et moderne. Les
icônes, les symboles mythologiques et modernes, les langages de la
philosophie antique et des temps Modernes européens très peu
perceptibles par les non philosophes marquent de façon
indélébile les Sciences Sociales classiques en
général.
En sociologie, son langage à travers Emile Durkheim
dans Les Règles de la méthode sociologique est
imprégné de la prédominance de la philosophie de la Nature
et du concept ontologique de Devenir sur fond de paradigme textuel de
la primauté de l'écriture.
Poser la question de la rénovation et de la
reconstruction métaphorique et conceptuel, hypothétique et
méthodologique, c'est tenter de revenir à la source des
modèles de départ des sciences sociales en général.
Il y a plusieurs types de reconstructions que nous allons faire :
sémiotique (métaphorique, phonologique, morphologique,
sémantique et pragmatique), génétique,
systématique, logiques, etc.
La reconstruction génétique est une
reconstruction théorique (voir Tshiamalenga Ntumba) qui cherche
l'origine des concepts, leur restitution pour déboucher à la
recréation théorique. La question qui se pose en l'occurrence en
sciences sociales est celle de savoir comment faudrait -il reconstruire le
modèle de départ, celui de Tout et de ses Parties,
modèle qui est, on le sait, au centre des sciences sociales classiques.
Les méthodologies qualitatives qui se sont développées
dans l'histoire des sciences sociales qu'elles soient du type actionnistes
(théorie du choix rationnel en sciences économiques classiques
avec Adam Smith) ou de type structural plus classiques (holisme
méthodologique en sociologie )sont liées à ce
modèle ci-dessus.
La reconstruction des approches est une étape
méthodologique qui « replace », l'approche
considérée ou les concepts centraux inhérents ou encore
leur restitution dans des traditions scientifique ou philosophique
antérieures pour voir en quoi elles innovent. La rénovation
méthodologique des sciences humaines et sociales tient pour une large
part à cela.
Les reconstructions logiques se proposent de répondre
à la question de savoir quelles sont les structures profondes du
langage, de connaissance et de l'action constitutive de la
réalité sociale ? Le chercheur développe alors la logique
de l'action.
Le développement de la logique formelle et sa propre
reconstruction en logique de situation donne lieu à la transformation
des modèles classiques des sciences sociales d'essence phonologique,
morphologique et sémantique vers des modèles pragmatiques
d'action et cognitivistes de la perception. Les approches pragmatico -
cognitives décrivent les structures profondes du langage, de la
cognition et des actions comme éléments constitutifs de la
« réalité sociale ». Le langage, la
connaissance et l'interaction étant constitutifs de la
« réalité sociale ».
Les scientifiques contemporains des sciences sociales
reconstruisent les concepts à prédominance moderne au moyen des
concepts nouveaux : dans la tradition d'une épistémologie
pragmatique et analytique des sciences sociales nous avons le concept central
de l'acte de langage comme structure élémentaire dans la
construction de la « réalité sociale », dans
l'approche cognitiviste le concept de l'Intentionnalité de l'action,
dans la praxéologie le concept des comportements réglés
par des normes, dans le constructivisme structuraliste le concept
médiane de l'habitus ou de back ground qui se situent entre la
structure et l'action.
En sociologie le fonctionnalisme systémique,
l'interactionnisme symbolique ou l'ethnométhodologie se cristallisent
sur le médium de langage. Les méthodes actionnistes et la
sociologie de l'habitus se sont développées entre le
structuralisme d'une part, et d'autre part la phénoménologie.
Toutes ces approches peuvent être remontées jusqu'au modèle
sémiotique le plus ancien qui est africain, c'est la position que nous
allons démontrer.
A propos, Jean Copans , sociologue et anthropologue
d'origine française, réfléchissant plus récemment
et de manière propre à lui ,sur les rapports entre les sciences
sociales et la philosophie, entre les sciences sociales de tradition
française et les sciences sociales africaines ,pense par exemple
,qu'au-delà du fait que la sociologie et l'anthropologie sont
dépendantes de la philosophie, et que cette philosophie étant
d'essence occidentale, il ne peut exister des sciences sociales africaines.
Nous voulons soutenir explicitement la thèse
suivante sur les sciences sociales en général : l'approche
structuro-fonctionnaliste, les théories de l'action, le constructivsme,
la pensée complexe et autres approches semblables, supposent pour une
large part des symboles et des corpus théoriques africains. C'est ce que
nous allons essayer de reconstruire dans ce livre. La pensée
procède aussi bien par analyse que par design.
Il s'agira de présenter comment les savoirs ont
été engendrés, c'est-à-dire à partir de
quels paradigmes, de quels modèles généralisables, de
quels symboles a-t-on engendré les savoirs scientifiques sociaux. Ce
sans quoi, il n'y pas de savoirs scientifiques sociaux.
Cet état des choses n'est pas seulement
théorique, pourrait-on penser, il s'encre dans les désespoirs et
les échecs accumulés de nos sciences de développement. La
littérature africaine moderne a retentit au loin et vécut un de
ses moments fastes lorsque des scientifiques ou des hommes des Lettres d'une
certaine génération ont assumé des hautes fonctions
politiques. Kwame Krumah eut la chance d'être au pouvoir et de pratiquer
sa philosophie. Léonard Sédar Senghor sera grâce au parti
socialiste français élu dès 1960 président de la
république sénégalaise, et va par la suite pour la
mobilisation des africains composer des poèmes de guerres. Il va
démissionner en 1980 sans que rien ne change vraiment de la situation
des nègres. Aimé Césaire, meurt peu après sa
démission à la mairie de Martinique à Fort de France, sans
que ne change véritablement la situation des nègres (voir son
livre Et les chiens se taisaient,La tragédie du roi
christophe).
Après toutes ces tentatives, beaucoup de choses ont
été faites et d'autres restent encore à faire, et une de
nos positions est au point de vue épistémologique la
suivante : la priorité pour aujourd'hui est l'inter-
disciplinarité, pouvoir bâtir une science sociale unique,
théorique et pratique, où s'intègrent le politique, le
culturel, le juridique, l'économique, le sociologique,...tendre vers une
unité totalisante des sciences sociales et humaines.
Notre position épistémologique ce que cette
reconstruction totalisante des sciences sociales et humaines en Afrique peut se
faire entre autres au tour de la sémiotique : étude
générale des Signes.
En effet, le symbolisme est au centre de la pensée
africaine disait Léopold Sedar Senghor. Il s'agit autrement
d'intégrer dans les métaphores fondatrices et dans de concepts
centraux subséquents les savoirs locaux et les savoirs globaux, ces
enjeux de connaissances et ceux de reconnaissance de savoirs , la
pluralité des vérités et une vérité
scientifique, la mobilisation d'une vérité plurielle et la
limité de la subjectivité, la singularité des
expériences et les constructions collectives des
phénomènes sociaux, la proceduralisation des normes et la
prégnance des normes substantielles, la rupture
épistémologique et la continuité entre les savoirs
ordinaires et les savoirs savants, les compétences pratiques et les
compétences scolastiques, les attentes d'égalité morale
entre individus et la prise en compte des rapports de force, et l'engagement et
la distanciation.
De savoirs locaux et des « sciences sociales
africaines » ,nous pouvons repartir de la position d'Yves Valentin
Mudimbe qui en appelait déjà à l'hypothèse
sémiotique de Signe ou de Symbole comme matériaux
épistémologiques pour construire ces sciences africaines ;
reconstruire la société ,l'homme, la culture africaine et de lire
la culture africaine millénariste. Notre hypothèse comme signe et
icône de reconstruction est le
« scarabée ».
Somme toute, il s'agit de tenter de
présenter la possibilité d'engendrer des nouvelles connaissances
à construire par le colonisé, des sciences sociales qui soient
typiquement africaines au moyen d'une reconstruction elle-même non
rivée sur un autre Etranger qui ne serait à son tour que le
blanc. Un tel projet appelle l'exigence de la rénovation des
« sciences sociales africaines » à partir d'une
action et d'un discours total qui soit africain et ouvert. Même si, le
nombre des gens qui résistent à l'assimilation inconsciente au
modèle néocolonial est encore un fait social largement
insignifiant.
Nous nous sommes longtemps installés dans
la logique dualiste de la philosophie occidentale, dans la logique de la
disjonction et de la différence qui sépare l'autochtone de
l'étranger, l'homme de la femme, le colonisé du civilisé,
le noir de blanc, le spirituel de profane, le ciel de la terre, etc. Ce
modèle déficitaire d'action et de penser bien différent
de mode de penser africain traditionnel s'applique aussi et encore en sciences
humaines et sociales à travers l'analyse des enfants, des fous, des
femmes, des « primitifs », cette analyse reposait et repose
encore sur le postulat que ce sont les Autres qui sont inessentiels et qui
doivent changer.
Dans la fabrication coloniale de la
« réalité sociale », c'est l'Africain qui est
l'Autre, c'est-à-dire différent radicalement du l'Occidental.
Pour les féministes, dans la fabrique masculine souvent inconsciente de
la « réalité sociale », c'est la femme qui
est l'Etrangère et l'Autre, dit Simon de Beauvoir, dans Le
deuxième sexe ; la femme serait radicalement différente
de l'homme. « Dans la réalité sociale patriarcale
les hommes seraient les modèles de réussite et, comparativement
aux hommes, les femmes n'arriveraient pas à gravir tous les
échelons. La femme se détermine et se différencie par
rapport à l'homme, la femme est inessentielle en face de l'Essentiel,
l'homme. L'homme est Sujet, il est l'Absolu : la femme est
l'Etrangère, Autre » !
Le monde a tenu pour acquis que cette perception du
monde était normale et naturelle alors qu'en réalité, les
postulats qui gouvernent nos modes de pensée et d'agir sont des
artéfacts sociaux, issus et construits à partir de
l'expérience du dominateur. Cette situation persiste encore. Nous nous
sommes ainsi installés depuis dans la lutte bestiale
d'élimination raciale, ethnique et tribale.
C'est dans la lutte implacable de chaque jour que
nous devons construire notre vraie « réalité
sociale ». En fait, de tas d'hommes, des sujets sociaux et des choses
sociales sont construits. Africain, congolais, la loi, le juriste,
l'immigration, la minorité, le mariage, l'argent, le pouvoir, la
pauvreté, etc.
L'enjeu est de reconstruire cette
réalité sociale du dominateur. La tâche n'est pas facile :
« le genre, la nation, l'ethnie ou la race sont des constructions
sociales, il est naïf , donc dangereux ,de croire et de laisser croire
qu'il suffit de « déconstruire » les
artéfacts sociaux , dans une célébration purement
performative de la « résistance » pour les
détruire : c'est en effet ignorer que, si la catégorie selon
le sexe, la race ou la nation est bien une
« invention »raciste, sexiste, nationaliste, elle est
inscrite dans l'objectivité des institutions ».3(*) Les artéfacts sont des a
priori mentaux du dominateur.
CHAPITRE PREMIER :
LA CATASTROPHE DU DISPOSITIF COLONIAL DES SAVANTS BELGES
AU CONGO
D'un point de vue de l'histoire des sciences en Afrique,
l'indépendance du Congo - Kinshasa, fut en n'en point douter ce moment
qui consacra enfin la catastrophe du dispositif colonial du savant belge. Le
travail de la déconstruction des savoirs belges à entreprendre
était, déjà alors, fort immense parce
que « dans les universités (belges), les centres de
recherche, les filières de cours, les diplômes, (aujourd'hui) les
dispositifs de coopération, etc., sont les héritiers directs de
l'institutionnalisation de sciences coloniales ».4(*)
Après la décennie 60 au Congo, les gros travaux
lancés furent une occasion manquée pour entamer collectivement
une reconstruction des présupposés théoriques et
idéologiques de cette science sociale coloniale qui a élu
domicile chez nous.
Aujourd'hui, les gros travaux de reconstruction sociale
devraient être ce lieu d'évaluation du chemin parcouru et de
l'orientation théorique à prendre.5(*)Seulement ce genre d'enjeux ne semble pas
présent dans le processus d'élaboration de notre science.
Et qu'en dire pour un Etat qui octroie à la recherche
une allocation modique déjà difficile à décaisser,
un Etat qui ne semble pas prendre en compte, avec un Ministère de la
Recherche scientifique autonome, la vision de la science qui devait être
élaborée par le Conseil Scientifique National comme partout au
monde. La science semble répondre plutôt à une exigence
exclusivement spéculative, éparse et venue d'ailleurs ou de nulle
part.
En effet, les problèmes épistémologiques
en sciences sociales et humaines ne sont pas seulement liés aux
problèmes théoriques, ils sont aussi de problèmes de leur
l'origine. Il faut par exemple interroger le fondement des découpages
disciplinaires : ils ne résultent ni d'une segmentation
« naturelle » de l'ordre des choses, ni d'un plan rationnel
de connaissance ; ils sont les héritiers et les produits
continûment retravaillés d'une histoire , qui n'est pas
seulement une histoire des idées , mais également une histoire de
la production sociale des connaissances et des savoirs( le sacré a
toujours été le lieu de production des savoirs) , de la
construction de dispositifs pratiques de connaissance, dans lesquels se sont
moulées des procédures , se sont dessinés de
schèmes de pensée et d'action , et qui, par-delà leur
renouvellement et leurs frottements permanents , continuent d'être
vivants.
En sciences sociales au Congo, la première
période pourrait être caractérisée par la science du
lointain. Ces sciences sont parties des grands travaux géographiques des
découvertes du bassin du fleuve Congo, dont notre destin en tant que
pays va dépendre ; ceci offre la structure et les conditions de
possibilités pour l'émergence de la science coloniale :
l'ethnologie, la colonisation comparée, l'administration indirecte, le
droit indigène, etc.
La deuxième période actuelle est la science
locale. La science sociale congolaise y est restée pourtant globalement
désajustée par rapport aux problèmes du pays.
Déjà, selon Poncelet, au lendemain de la deuxième guerre
mondiale, et à la suite d'un important activisme scientifique au Congo,
l'ensemble du dispositif métropolitain des savoirs coloniaux avouera son
extrême indigence quant à son accès sur le terrain.
Face à une crise sociale sans précèdent
et à la nouvelle attention internationale sur les colonies, on
découvrira un Congo dépourvu de toute possibilité
d'appareillage scientifique susceptible de reconfigurer l'image de la colonie,
de donner à ses responsables publics le sentiment qu'une direction
nouvelle est à donner à l'évolution sociale. Ce n'est
guère qu'entre 1950 et 1955 que les universités descendront sur
le terrain6(*). En fait,
déjà dans les années 1920-30, durant ce que Poncelet
appelle l'âge d'or de la science coloniale, seuls professaient des
notables coloniaux, les diplômés proprement dits portant le titre
de licenciés sont très peu nombreux.
Brève historique des Centres
de recherche et Instituts de Recherches en RD Congo.7(*)
Période avant la
Conférence de Berlin
Le Congo, colonie Belge est à l'image de Centres et
Instituts de recherches qui y sont crées. Tout commence avec la
Conférence Géographique de Bruxelles qui s'est tenue du 12 au 14
Septembre 1876 sur convocation de Léopold II afin de faire le point sur
les connaissances acquises sur l'Afrique Centrale entre les hommes de terrain,
savants et hommes politiques. A l'issue des travaux, il fut crée sous la
Présidence de Léopold II, l'Association Internationale pour la
Civilisation de l'Afrique (A.I.A) qui regroupait la France, l'Angleterre,
l'Allemagne, l'Autriche et la Russie. Deux autres sociétés
géographiques furent par la suite crées en 1876 : la
Société Belge de Géographie de Bruxelles et la
Société de Géographie d'Anvers. Manifestement le besoin
ressenti était celui de circonscrire exactement le territoire à
gérer au point de vue commercial et politique. Puis vint la
création d'un Comité d'Etudes de Haut -Congo (CEHC en cigle) le
25 novembre 1878 fruit des Accords conclus entre Léopold II et Henry
Milton Stanley dans le but de tirer profit de ce vaste bassin qui venait
d'être ouvert au monde. Les cours inférieurs et supérieurs
du fleuve restaient à ce moment-là une véritable
énigme.
Le fonctionnement du CEHC dépendait des souscripteurs
qui en constituaient le capital. Le CEHC fut la vraie genèse de l'Etat
Indépendant du Congo qui ouvrit la voie à une entreprise
politique, qui permit de créer des stations scientifiques, de conclure
des traités, d'obtenir des territoires et de les agrandir. Le CEHC avait
à sa disposition quatre bateaux, le Royal, le S/S Belgique, le S/S
Espérance et le S/W En Avant, tous engagés dans la
découverte du Haut Fleuve et de ses affluents.
Par la suite, sur le plan de liberté de gestion, pour
se débarrasser d'un éventail des souscripteurs, Léopold II
se décida de dissoudre le CEHC en date du 17 novembre 1879 pour le
remplacer par l'Association Internationale du Congo (A.I.C ,en cigle).
La mission principale qui préside à cette
période pré- conférence de Berlin vise à tracer la
carte de l' « Afrique Centrale », en
déterminant les zones restées blanches. La découverte
des affluents et des lacs du bassin du fleuve devait aider à
compléter la connaissance de cette région.
En conclusion, nous pouvons dire que cet ensemble de
recherche avait une implication politique parce qu'elle voulait
délimiter le bassin du fleuve Congo, ce qui fut fait en 1887 et qui va
préparer la Conférence de Berlin.
De la Conférence de
Berlin
Le dernier jour de la Conférence, soit 23
février 1885, la Conférence de Berlin qui s'était tenue
pendant trois mois, reconnut Léopold II, Président de l'A.I.C.,
comme souverain d'un Etat Indépendant, l'Etat Indépendant du
Congo.
Bien plus tard, du secteur géographique on passe au
secteur agronomique, à l'époque de Congo Belge à partir de
1936 fut instauré une nouvelle politique agricole basée sur le
régime de paysannats avec pour objectif de regrouper et de fixer les
cultivateurs de manière à accroître leur
productivité. Ce régime visait à restituer aux paysans
leurs terres contre le régime des concessions européennes et la
contrainte de l'Etat d'initiative.
La nouvelle politique fut inaugurée par Léopold
II dans son discours devant le Sénat belge, c'est à cette
occasion que fut créer l'Institut National pour l'Etude Agronomique du
Congo belge (INEAC) le 22 décembre 1933, une reprise de la Régie
des plantations de la colonie (REPCO) existait depuis 1926 et qui disposait
déjà de 12 stations d'expérimentation et de
sélection. C'est fut là le lancement du développement
d'une agriculture africaine libre sous la forme du paysannat intégral.
Il devait être instauré une sorte des cultures individuelles au
détriment de celles de clan avec l'appui de l'enseignement agricole.
L'INEAC avait pour objectif d'installer des pratiques locales
d'ordre agricole, zootechnique et sylvicole sur des bases scientifiques
éprouvées. Ces mesures ont été consécutives
à l'échec relatif de la promotion des cultures industrielles au
détriment de celles du clan.
L'orientation fondamentale tendait vers la collaboration dans
l'exploitation agricole entre le paysan et les entreprises des colons. Les
autochtones avaient pour tâche de produire, tandis que les entreprises
européennes s'occupaient de l'achat, du transport et de l'usinage.
Trois produits agricoles auront un essor concluant : le coton, le
café et dans une moindre mesure le riz.
Toutefois, une nette prédominance se faisait pour des
produits d'exportation sur l'agriculture vivrière pour la nourriture des
européens. Les cultures agricoles étaient obligatoires. Le besoin
en nourriture s'est aussi manifesté dans le cadre de grandes
agglomérations créées par des grandes entreprises
commerciales.
Dans le domaine vétérinaire, la politique
instaurée fut celle des grands élevages. Néanmoins, le
système commençait à être saturé avec la
démographie galopante. L'économie agricole du pays fut gravement
entamée en dépit de l'existence de l'INEAC à la fin de la
colonisation.
Changement de cap
C'est ainsi que la colonisation belge eut l'idée
impérieuse d'orienter l'économie de la colonie vers d'autres
secteurs, notamment ceux des minerais et des voies ferrées pour
l'exploitation pourtant toujours destinée à la
métropole.
Déjà, vers 1955, au Congo, contrairement
à l'Ouganda et au Rwanda- Urundi, dont le trois quarts des exportations
mis en valeurs étaient constitués de coton et de café,
deux tiers environs des exportations étaient minières (cuivre,
étain, or, diamant, etc.). En ce qui concerne le tiers restant, il
était constitué de produits agricoles et industriels provenant
des sociétés européennes non destinés aux
autochtones.
La leçon à tirer, c'est que les politiques
amorcées furent en gros soutenues par les institutions de recherche ou
concrètement par des stations scientifiques qui dépassaient
déjà 40 bien avant la Conférence de Berlin.
De l'indépendance à
la deuxième République
La première République a quasiment reproduit la
politique belge en matière de la recherche scientifique. La
deuxième République, quant à elle, a crée l'IRS
(Institut de recherches scientifiques) en 1972 après l'ONRD (Office
National de Recherche et de Développement).
En 1990 - 1991 s'organise la Conférence Nationale
Soudaine. La conférence nationale souveraine a proposé un certain
nombre de recommandations liées à la recherche au gouvernement de
la République Démocratique du Congo dont les unes sont
déjà mises en application, les autres pouvant l'être
progressivement, au nombre desquels nous pouvons relever :
1) La mise en place des structures qui organisent le secteur
de la recherche scientifique et technologique notamment:
- un ministère exclusivement chargé
de la recherche scientifique et technologique ;
- le conseil scientifique national ;
2) La convocation des états généraux de
la recherche scientifique;
3) Le respect des préalables et des principes de base
de la recherche scientifique et technologique :
- L'activité de la recherche scientifique
et technologique doit veiller au développement intégral de
l'homme ;
- La société démocratique
comme garant contre l'entrave à la liberté d'expression et de
circulation de l'information, promotrice des droits fondamentaux de
l'homme ;
- La promotion des valeurs morales et
sociétales, sous-jacentes à toute activité de recherche
crédible, la discipline de vie, amour et défense de la
vérité, esprit critique, éthique de vrai, du bien et du
beau ;
4) La définition des options de la politique
scientifique et technologique :
- La recherche scientifique et technologique devrait
s'élaborer dans l'optique d'un développement soutenable,
centré sur l'homme enraciné dans sa culture, acteur et
bénéficiaire principal de son labeur ;
- Prendre en compte les objectifs socio-
politique et socio -économique que la nation d'assigne librement et
rationnellement ;
- Assurer la satisfaction des besoins de
base de la population : besoin alimentaire, vestimentaires, sanitaire, de
logement, de transport et d'éducation ;
5) L'adoption des objectifs de la politique scientifique et
technologique :
5.1. Objectifs généraux :
- le progrès de la
connaissance ;
- L'intégration de l'activité de
recherche scientifique et technologique dans le plan global de
développement ;
5.2. Objectif spécifique :
- La connaissance, la maîtrise et la
gestion de l'espace physique ;
- La connaissance, la connaissance et la
valorisation des ressources naturelles ;
- La maîtrise des techniques de
pointe, notamment les bio -technologies, l'informatique et la
télématique, les énergies renouvelables non
polluantes ;
- La contribution à
l'intégration industrielle.
6) Les axes de programmes de l'activité de recherche
scientifique et technologique dont l'articulation et l'harmonisation
incombent au Conseil scientifique national:
6.1. L'homme :
- culture ;
- société et
civilisation ;
6.2. Santé :
- recherche bio -médicale et
pharmacologique ;
- médecine naturelle
(traditionnelle) ;
6.3. Agriculture et alimentation :
- valorisation des denrées
alimentaires locales ;
- maîtrise des
bio-technologiques ;
- préservation de la
diversité génétique ;
- Habitat et construction ;
- valorisation des matériaux
locaux.
6.4. Ressources et industries
minières :
- valorisation des ressources
minières ;
- nouveaux matériaux ;
6.5. Communication, télécommunication,
transport ;
6.6. Qualité de la vie :
écologie ;
6.7. Maîtrise de l'espace physique ;
6.8. Sciences et technologie
traditionnelles ;
6.9. Energie renouvelable et non
polluantes ;
6.10. Structure et évolution de l'univers et
de la matière ;
6.11. Sciences et technique de gestion ;
6.12. Science et technique de
l'éducation ;
6.13. Information et documentation :
- information,
télématique ;
- documentation ;
7) La définition d'un statut particulier du personnel
de la recherche scientifique et technologique ;
8) L'élaboration et l'adoption d'une législation
cohérente de la recherche scientifique et technologique (voir les
lacunes de l'ordonnance -loi n° 82-040 du 5 novembre 1982) ;
9) La coopération recherche scientifique et
technologique :
- intégrer la coopération scientifique dans le
cadre de la politique générale recherche scientifique et
technologique ;
- former des homologues nationaux par l'octroi de bourses de
recherche ;
- la participation des chercheurs et des gestionnaires des
unités de recherche à la négociation et à la
conclusion des projets de recherche en coopération ;
- La libération régulière par le
gouvernement des fonds de contre -partie pour les projets en
coopération ;
- La renégociation des accords ou conventions de
coopération scientifique et technologique signés entre le pays et
ses partenaires, de manière à les adapter aux nouvelles
réalités socio-économiques et socio -politiques du pays.
Bien plus tard et sur recommandation de la Conférence
Nationale Souveraine (CNS) et depuis le 21 juillet 2005, le ministère de
la Recherche Scientifique et Technologique a organisé sous la
présidence du Vice -Président de la République
chargé de la Reconstruction et du Développement les premiers
Etats généraux de la recherche en RD Congo. En effet, la
Conférence Nationale Souveraine (CNS) avait en son temps
décidé, en plus de cette tenue des Etats Généraux
de la recherche scientifique, de l'élaboration de la loi--cadre ad
hoc.
Ces premiers Etats Généraux ont réuni
environ 150 personnalités et pris les recommandations
suivantes :
- Le Projet de mise en place d'un cadre institutionnel
rénové de politique scientifique et technologique ;
- La réorientation des pratiques et des structures de
recherche sur base de contrats de recherche.
C'est pour répondre à ces recommandations au
sujet notamment d'un cadre institutionnel rénové que le Ministre
de la Recherche Scientifique et Technologique a signé un
arrêté portant nomination d'un Conseil Scientifique National
(CSN), organe chargé d'abord de la mise en oeuvre de la politique de la
recherche scientifique en RD Congo, ensuite de contrôler la gestion de
Centres et Instituts de recherche, et enfin d'approuver le budget
affecté à la recherche et le règlement organique. Il
convient de signaler que cet organe est crée par l'Ordonnance-loi du 5
novembre 1982.
Voilà pourquoi, à l'endroit du Gouvernement, les
recommandations suivantes ont été prises :
- Le choix de programmes de recherche compatibles avec les
priorités du plan de développement, entendez le Document des
Stratégies de la Croissance et de la Réduction de la
Pauvreté (DSCRP);
- La promotion des savoirs endogènes.
C'est dans ce contexte que oeuvre le CSN mais sans bureau ,
pour un programme à court et à moyen terme. Deux autres projets
et programmes sont actuellement initiés par le ministère de la
recherche scientifique et technologique : un programme minimum pour la
recherche scientifique et technologique en rapport avec les actions
initiées par le Gouvernement et le Projet de Fonds d'appui à la
recherche (FAR) qui s'étale sur cinq ans, mais non alimenté.
Il est superflu de rappeler aujourd'hui que tous ces Centres
et Instituts de recherche fonctionnent sporadiquement avec l'appui des certains
organismes internationaux : FAO, PNUD, etc. La réorientation des
pratiques et des structures de recherche doit désormais être faite
sur base de contrats de recherche avec les partenaires. Souvent c'est la besoin
de ces derniers qui priment, c'est la main qui donne qui est au dessus.
Nature des Instituts et Centres de
recherche
Quelques indications :
Plusieurs Centres et Instituts de recherche en RD Congo sont
sous la tutelle de ministère de la recherche scientifique et
technologique, alors que d'autres sont sous la tutelle d'autres
ministères. A titre d'exemple, pour le ministère de la recherche
scientifique et technologique nous citerons :
1. Centre de Recherche géologique et minières,
(CRGM en sigle), créé par l'ordonnance loi n° 82/040 du 05
novembre 1982. Cet organisme n'a pas été consulté pour le
contrat minier chinois, au prétexte que le Congo n'a pas d'expertise en
cette matière. L'expertise Belge aurait servit à
renégocier le contrat chinois sur base de la surestimation des
potentialités du Congo .
Le CRGM est fondée en 1939 sous l'appellation de
Service Géologique du Congo Belge et Rwanda -Urundi qui intègre
en son sein les acquis hérités du Département de
Géologie de l'Institut de Recherche Scientifique.
Le CRGM a pour mission de promouvoir, exécuter et
coordonner des travaux de recherche scientifique et des études diverses
dans le domaine des sciences de la terre en général,
géologique et minier en particulier.
De ce fait, il se charge des tâches suivantes :
- Publications et diffusions des cartes géologiques,
gîtologiques et géotechniques ;
- Protection des substances minérales et de la
recherche des matériaux de construction ;
- Etude et cartographie hydrogéologique ;
- Expertise de toutes sortes de roches
minérales ;
- Centralisation, conservation et diffusion de l'information
géologique et minière à travers une banque de
données.
La structure scientifique est assurée par
un Département ad hoc et une Station de recherche localisée
à Lwiro au Sud-Kivu pour la photographie, la pétrologie et la
recherche minière.
2. Institut géographique du Congo (IGC)
La structure scientifique de l'IGC est organisée en
huit Départements qui se composent de la manière suivante
:
- levée aérienne ;
- Photogrammétrie ;
- Cartographie ;
- Projets et publications ;
- Géomantique ;
- Cartographie militaire ;
- Géodésie et topographie.
Outre les deux Instituts et Centre de recherches nous pouvons
encore retenir :
0. Centre de la médecine nucléaire de
Kinshasa ;
1. Commissariat Général à l'Energie
Atomique (CGEA) ;
2. Institut National d'Etudes et de Recherches Agronomiques
(INERA) basé à Mvuazi, Yangambi, Nioki, etc.
En résumé, la crise de la recherche Scientifique
et Technologique en RDC doit être analysée en tenant compte de la
crise de la société globale et particulièrement de l'Etat
et des Institutions qui s'est aggravée depuis 1990 (Transition
politique). La suspension du Conseil Scientifique National organe de gestion de
tous les Centres officiels de l'Etat, en 1992, l'illustre parfaitement. Cette
suspension a décapité depuis son système (appareil) de
recherche congolais :
- au niveau de l'orientation de la politique scientifique et
technologique ;
- au niveau du contrôle des activités de
recherche scientifique et technologique menées par les centres et les
institutions de recherche ;
- enfin, elle a favorisé la bureaucratisationà
l'extrême du secteur de la recherche, avec l'institution du
Secrétariat général (la tutelle administrative de la
recherche) en instance d'évaluation scientifique des
activités de recherche, du cursus des chercheurs et la multiplication
des postes administratifs au détriment des postes scientifiques et
techniques. Il y a plus ou moins 70 % des administratifs contre 30% des
chercheurs.
Cette situation est quasiment la même à
l'enseignement supérieur et universitaire. Un des grands conflits
latents mais parfois ouverts à l'Université de Kinshasa est celui
qui sévit entre les professeurs et les administratifs laissés par
des nombreux services qui ont été supprimés à
l'Université tels que la restauration, le transport, etc. Ces derniers
qui avoisinent un effectif de 4500, veulent être alignés sur le
barème salarial des corps enseignant au nombre de 630 à peu
près pour les professeurs et 1 500 environ du personnel
scientifique. Le Recteur Lututala Mampasi recteur honoraire a fait remarquer
qu'avant 1980 avec le deuxième retour de Mgr Gillon, l'Université
de Kinshasa fonctionnait avec un budget mensuel de 24 Millions de dollars alors
qu'après elle fonctionne depuis avec au mois 12 Millions de dollars l'an
financé dans la grande partie par des projets des partenaires.
Cette situation difficile se reflète à la
recherche scientifique et technologique au niveau des dépenses
affectées à la recherche par rapport aux dépenses
administratives (frais de fonctionnement du Secrétariat
général, à mission d'inspection administratives).
La bureaucratisation rampante au Ministère de la
Recherche Scientifique et Technologique peut s'observer aussi au niveau de
l'affectation du matériel informatique que les partenaires
bilatéraux ou multilatéraux ont accordé à ce
ministère. Chaque fois qu'un tel don n'a pas été
confié directement au centre ou institut en convention avec le
partenaire extérieur, l'administration centrale (Secrétariat
Général) s'est accaparée de l'essentiel de cet
équipement. Les prérogatives qui reviennent au Conseil
Scientifique National pour l'élaboration du budget, l'évaluation
des projets de recherche scientifique et technologie selon le Dscrp (document
de stratégie pour la croissance et la réduction de la
pauvreté) qui fait office de plan de développement du pays, sont
confisquées par le Secrétaire Sénégal à la
recherche scientifique.
Du Conseil Scientifique
National
La lecture des textes réglementaires portant sur
l'organisation et le fonctionnement de la recherche scientifique et
technologique en RDC donne une vision globale et détaillée pour
certains secteurs de la recherche. Il s'agit de textes suivants:
- Ordonnance-loi n° 82/040 du 15 nov 1982
- Arrêté départ n° ESU/RS/057/87 du
15 avril 1987
- Arrêté Min/ n°ESURS/CABMIN/103/90 du 8
janvier 1991.
De la lecture de ces documents il en résulte que
l'organisation du Conseil Scientifique National, organe de gestion de tous les
centres et instituts de recherche, pose un problème relatif à sa
nature et son organisation. C'est le cas des articles 3 et 12 section 2 titre 2
de l'ordonnance-loi n°82/040 du 15 nov. 1982 en rapport avec les
structures administratives de la Recherche Scientifique et Technologique. Ces
articles précisent seulement la nature du CSN et de ses membres. Mais
leur statut n'est pas défini. Ils stipulent que le CSN est l'organe
unique de décisions et de contrôle de tous les Centres et
Instituts de recherche scientifique. Ses membres sont nommés par le
Président de la République sur proposition de l'autorité
de tutelle pour un mandat de cinq ans renouvelable. On peut ajouter l'article
17 alinéa 1 de la même ordonnance-loi qui stipule que le
Président de la République nomme parmi les membres du CSN un
Président.
De ce qui précède, il découle de cela que
la présidence de la République a plus de pouvoir d'initiative et
de décision sur la CSN que le ministère. En effet, le CSN sont
nommés et le cas échéant relevés de leur fonction
par le Président de la République. En plus l'article 23 de la
même ordonnance stipule que les membres du CSN reçoivent à
titre de jeton de présence une allocation fixe, dont le montant est
déterminé par le Président de la République, bien
que cette allocation soit à la charge du Ministre.
Au regard de cette analyse il y a lieu de se poser certaines
questions, à savoir :
- Pourquoi le CSN n'est-il rattaché directement au
Président de la République ?
- Quelle est la nature réelle du CSN ? Est-il une
structure politique ou administrative ?
- Quelles est le rang et le statut des membres et du
Président du CSN, en ce qui concerne le cas du Président du CSN,
puisque le Conseil est composé de hautes autorités
académiques et scientifiques dont les présidents du Conseil
d'Administration des universités, des Instituts supérieures
techniques et pédagogiques ainsi que les Centres de recherches, il ne
peut, en toute logique être égal ou inférieur à ces
derniers quand à leur rang et statut, d'autant plus qu'en tant que
président du CSN, il assume les fonctions de Président du Conseil
d'Administration et du Comité de Gestion mutatis mutandi comparable
à celles des Présidents de Conseils d'Administrations et
Comités de gestion sans être ministre et devrait avoir le rang du
ministre et jouir des avantages et privilèges attachés à
ce rang.
Cette proposition est justifiée par le fait que
même les Arrêtés ministériels qui sont censés
assurer l'exécution des ordonnances-loi ne l'ont pas proposé
comme ils l'ont fait pour le Secrétaire Permanent et les Conseillers du
Secrétaire permanent du Secrétariat Permanent du CSN,
conformément à l'article 18 alinéa 3 de l'ordonnance-loi
du 5 nov. 1987 qui stipule que le SP est nommé parle Commissaire d'Etat
( entendez Ministre) à la Recherche Scientifique et a rang du
Secrétaire Général Administratif du Centre de Recherche.
En plus l'article 6 de l'Arrêté Départ. Du 15 avril 1987
détermine seulement le rang des Conseillers du SP qui est
équivalent à celui du Chef de Division d'Administration des
Centres et Instituts de Recherche. Enfin des articles 1 et 2 de
l'Arrêté ministériel du 8 janvier 1991 qui
déterminent le rang et les avantages du Secrétaire Permanent et
des Conseillers. Ils ont rang et jouissent des avantages attachés
respectivement au Directeur général d'Etablissements ou Directeur
Général du Centre de Recherche et du Secrétaire
Général Administratif ou du Directeur Administratif et
Financier.
Il découle de ce que nous venons de voir, que le
législateur s'est occupé à déterminer le rang, la
fonction et les avantages attaché au Secrétaire Permanent autant,
qu'il a négligé ou oublié de faire de même pour le
Président du CSN. Les résultats apparaissent aujourd'hui
négatifs et catastrophiques autant puisque depuis 1982 le
Secrétariat Permanent a existé, le résultat est nul. Ceci
montre que la stabilité du Secrétariat Permanent dépend de
l'existence de droit et de fait du CSN. Or celui-ci n'a existé que de
droit et non de fait du CSN. Or celui-ci n'a existé que de droit et non
de fait , ce qui entretenu l'efficacité totale du Secrétariat
Permanent.
Il y a donc nécessité de réorganiser la
Recherche Scientifique au Congo, du fait que le développement de ce
dernier dépend de l'importance qu'on accorde à la Recherche
Scientifique et de sa capacité, en invoquant l'évolution de
l'histoire de Recherche Scientifique, car le Congo est le fruit de la Recherche
Scientifque , c'est-à-dire il a été crée par
celle-ci et ce dernier a toujours été attaché au Roi. Elle
était donc directement sous l'autorité royale.
Dejà, le Colloquium organisé par l'Association
des ingénieurs de l'Université de Mons vers les années
trente portait déjà sur l'organisation de la Recherche
Scientifique pendant la colonisation. Il a démontré l'importance
et la nécessité de la Recherche Scientifique. Pour ce Colloquium,
il fallait centraliser la Recherche en créant un organisme directeur
pouvant coordonner toute la Recherche et de rattacher cet organisme devait
être adéquate et son budget consistant et conséquent pour
que celui -ci contribue au développement de l'Etat.
Il est dans le cas d'espèce souhaitable que les textes
juridiques portant sur organisation et de fonctionnement de la Recherche et du
CSN puisse prévoir quelques dispositions déterminant clairement
le rapport entre le Secrétariat Permanent et le Secrétariat
Général à la recherche scientifique et enfin le rang
du Président du C S N.
Les résultats les plus palpables de cette situation est
la crise, la routine et la paralysie qui caractérisent la recherche
scientifique et technologique du secteur public. Sauf dans les centres et
Instituts qui collaborent avec certaines instituions étrangères
qui imposent de facto leur agenda.
Si l'on considère cette analyse comme pertinente, il
nous semble que le Conseil Scientifique National devait s'attaquer
immédiatement à deux contraintes structurelles:
- Développer une ingénierie sociale pour faire
face à la crise congolaise ; cela ne peut passer que par
l'affirmation de la priorité à donner du système
éducatif comme base du développement du pays et à la
promotion de la liberté communicationnelle de tous les membres de la
société congolaises ;
- Au plan strictement administratif, clarifier les rapports
avec le Secrétariat général du ministère de la
RST ;
- Clarifier la place de la coopération à la
recherche scientifique et technologique dans la réalisation des missions
nationales du Conseil Scientifique National.
Dans cette tâche, le Conseil Scientifique National doit
s'appuyer sur les rapports des Centres et Instituts, sur le rapport
général des Etats généraux de la Recherche
Scientifique et Technologique ainsi que sur les documents de l'Union africaine
qui font autorité : p.e. Déclaration d'Accra de 1991.
Brève reconstruction
historique de la réforme à l'Université au Congo.
Un enseignement de masse a brouillé beaucoup de
repères universitaires. Pour la fin des années 1960,
« la révolution des étudiants a mis en branle une
législation qui va profondément modifier les structures
universitaires »8(*). Cette révolte des étudiants de la fin
des années 60 en Europe particulièrement en France et en
Allemagne, au début des années 70 au Zaïre, a
été le point de départ d'une reforme en profondeur des
systèmes de gestion des universités non seulement en Europe mais
également en Afrique au début des années 70. Les
changements de structures universitaires au Zaïre seront bon gré
mal gré presque le plâtrage de modèles de l'Occident :
l'autogestion de l'université avec les étudiants et les
assistants. Tous les organes de gestion universitaires, le conseil de
département, de faculté, de l'université seront
géré sous l'oeil vigilent de l'étudiant.
Entre temps l'Etat a fait montre de réalisme malsain
pour ramener à sa juste place le rôle social des
universités parce que les étudiants ont été la
locomotive non seulement d'une idéologie socialiste tant redouté
dans le giron capitaliste mais de l`agitation sociale. Mobutu au Zaïre
d'alors, va envoyer les étudiants dans l'armée pour mater le
mouvement. Des mesures plus draconiennes seront prises pour affaiblir
l'université : l'éloignement de la capitale, en ce qui
concerne le Zaïre d'alors, des facultés subversives telles que les
sciences sociales politiques et administrative, la faculté des
philosophie et lettres, etc. , sous le label de l'Université
nationale du Zaïre : une seule université ayant plusieurs
campus sur l'étendu du pays. Bien avant, la Faculté de Droit fera
l'objet de beaucoup d'hésitations de la part des colons belges pour sa
création.
La professionnalisation de l'université qui s'en suivit
avec l'Unaza semble avoir mis en mal des sciences ayant la dimension
fondamentale essentielle telles que la mathématique, la physique, la
philosophie, etc. La promotion d'une culture humanitaire sera minorisée.
Or fait non perceptible, c'est l'université qui, en
général, donne la configuration générale de
système de l'enseignement. Les systèmes des Humanités sont
constitués comme préalables à l'enseignement universitaire
ainsi de suite jusqu'à l'enseignement fondamental. Sous le fallacieux
prétexte d'une reforme du secondaire voulant être des
Humanités, le programme réservera à l'Histoire et à
la philosophie une place résiduelle. La reforme du système de
l'enseignement se fait d'en haut en bas alors que le Ministère qui
gère le secteur est triple : enseignement supérieure et
universitaire, enseignement primaire et secondaire, et professionnel, et
recherche scientifique et technologique. La reforme est incohérente.
Une décennie plus tard, le retour spontané et
massif des facultés reléguées qui se déroulent vers
les années 80 à la capitale a nécessité des
nouvelles stratégies pour endiguer l'effet subversif : une
politisation plus accrue de la coordination estudiantine : la campagne
électorale pour les chefs de promotions et le
délégué facultaire sont des enjeux qui impliquent le
service de renseignement pour choisir les étudiants de
l'obédience du pouvoir politique. D'autres stratégies des
pouvoirs en places devaient rendre les Professeurs coresponsables de
difficultés du pays en les engageant, sans une réelle
capacité de décision, aux plus grands postes de
responsabilités.
L'opinion de l'Association des professeurs Apukin en sigle
devait fixer les esprits en se désengageant des professeurs politiciens
qui étaient recrutés à titre individuel. Ces professeurs
ne constituent pas un lobby pour défendre les intérêts des
professeurs mais se prévalent de titre de professeur partout où
ils sont.
L'Association des professeurs de l'Université de
Kinshasa qui s'est imposé au pouvoir pour exister comme syndicat
réel, devait faire savoir qu'elle ne peut être rendue responsable
de la crise du pays que si elle est saisie par le gouvernement pour
présenter à des postes de responsabilité politique des
personnalités émanant d'elle et qui lui sont redevables et dont
elle est responsable.
Au Congo Kinshasa nous passons d'une reforme à l'autre
sans garantie de succès parce qu'elle n'est pas portée par un
mouvement social réel d'un des partenaires de l'enseignement. Les
étudiants ont été affaiblis en même temps que les
structures universitaires. Le partenariat entre les professeurs, les assistants
et chefs de travaux, les étudiants et les parents, va s'imposer comme un
élément supplémentaire à la procédure de
sauvetage universitaire. Or, le renforcement de l'autoréflexion des
étudiants comme épitre vivante devait être l'objectif. La
situation que nous vivons à l'Université est donc tributaire de
plusieurs facteurs. Il faut d'abord une balise. La balise est l'ordre
éthique. C'est à cela que nous allons nous occuper maintenant.
Les revers d'une bonne partie des
sciences sociales
Ecoutons un avis pertinent : « même une
civilisation scientifique ne se trouve pas dispensée de résoudre
les problèmes pratiques, ajoute Habermas ; c'est pourquoi l'on
court un risque certain lorsque le processus de scientifisation dépasse
les limites des questions pratiques sans se libérer pour autant de la
rationalité bornée qui caractérise une réflexion
technologique ».9(*)
Les universités congolaises ont tournés le dos aux
problèmes du pays.
Il y a lieu de montrer la trame discontinue des traditions
théoriques des sciences sociales telles qu'elles structurent et
déstructurent nos sociétés. A ce moment-là, il
faudra identifier les différentes conceptions théoriques
à partir de quoi reconstruire philosophiquement. Plusieurs
théories de la société se chevauchent, l'effort de les
distinguer à partir de certains concepts opératoires ou
schèmes théoriques distincts liés à chaque
école théorique, se ferait justement sous le nom
générique de « reconstruction philosophique
». C'était notre méthodologie.
Avant même de procéder à reconstruire une
approche théorique à travers ses schèmes
généraux, ses concepts principaux, il était logique de par
notre méthodologie, de dire les problèmes qu'elle pose. Les
problèmes épistémologiques (théoriques et
idéologiques) des sciences sociales sont de plusieurs ordres, nous nous
sommes contentés d'en esquisser quelques-uns, du moins concernant
quelques approches dominantes des études africanistes.10(*)
Il était aussi possible de constater les innovations
qui ont permis des ruptures ou des continuités plus opératoires
de ces notions. Le Moyen Age chrétien et européen a produit des
savoirs qui nous ont géré jusque- là ; il faut un
autre endroit aujourd'hui.
Les notions théoriques centrales en sciences sociales
sont, hélas restées, les mêmes mais leur signification peut
différer, on peut s'en douter, selon les champs d'application ce qui
veut dire selon qu'il s'agissait de l'Occident ou de l'Autre de
l'humanité.
Notre explicitation devait avoir pour but de tenter de montrer
l'innovation qui survient avec chaque concept opératoire et être
ainsi une matrice théorique capable de présenter plusieurs
niveaux d'analyse et de donner des traits généraux aux
adaptations théoriques.
Finalement il nous faudra dire en liminaire à propos
des sciences sociales qu'« il devient presque banal de le rappeler -,
les données relèvent d'une mise en forme à travers des
catégories et des relations déterminées :
répartition statistiques, descriptions d'interactions, les récits
d'histoires (...), les matériaux du chercheur peuvent être aussi
bien « données »-dans des archives, par exemple -que
« construits »- par observation, entretien, questionnaire,
etc. Dans les deux cas, ils sont
structurés, « parlent », suggèrent des
raisons, des mécanismes ; ils sont déjà porteurs
d'une intelligibilité (une spiritualité certainement)qui n'est
pas foncièrement différente de celle du
chercheur. »11(*)
Et : « Le travail de l'analyse n'est pas
de « faire parler » une nature muette, (...) mais d'opérer les confrontations entre les
données, déjà signifiantes (le sens de la vie) et
organisées, et une structure d'explication possible. (...)
L'expérience des sciences sociales prouve que le résultat -
c'est-à- dire la structure explicative proposée, quels que soient
sa forme et ses ressorts - est considérée comme recevable
dès lors qu'il peut être soumis à la discussion
argumentative et empirique, c'est - à- dire être
confrontée à une explication autre, qui paraisse plus
raisonnable, et à des données complémentaires et
nouvelles ».12(*)
Ceci est notre hypothèse, pour autant que, de ce qui
précède dépend le statut même
épistémologique des schèmes reconstructeurs.
Que de théories et de paroles ! Voilà le
reproche qui nous sera adressé si nous en restons à une approche
théorique. La réflexion a débouché sur
l'onto-théologie qui accompagne les sciences sociales et humaines et la
nécessité de penser l'opérationnalisation de la
pensée africaine aujourd'hui, comme des institutions, pour nous sortir
de la dépendance de la pensée dominante.
Il reste à construire une autre Afrique dans la
pratique aussi. Bien entendu, déjà cette attitude ethnologique
que nous avons stigmatisée est aujourd'hui fortement nuancée dans
plusieurs domaines : l'herméneutique, l'anthropologie et la
sociologie des catégories, etc. Sur le terrain africain, cela est bien
utile, mais il faut passer à l'action. Nous avons
présenté un essai de reconstruction de quelques aspects des
sciences sociales sur l'Afrique.
Le pauvre et la science
Dire pauvre et dire pauvreté sont deux perspectives
d'études différentes, l'une abstraite et inopérante et
l'autre concrète et efficace. Justement, selon Engelbert Mveng
l'étude systématique de la pauvreté en Afrique, n'a pas
encore était faite.13(*) C'est une question épistémologique.
Toutes les recherches portent sur le sous-développement,
c'est-à-dire sur les aspects socio-économiques de la
pauvreté. Tout cela n'est qu'un aspect seulement de la
réalité africaine.
L'échec prévisible des Objectifs du
millénaire lancés par les Nations Unies, montre que pour
l'Afrique, comme pour le reste du Tiers monde, la réalité sociale
est à la fois plus complexe et plus dramatique. Les Africains ont tout
perdu : notre langue, notre histoire, nos traditions, nos arts,
etc.14(*)Les maux qui en
découlent ont causé :
- l'absence de l'Afrique là où l'on
décide de son destin, des grands centres de décision du monde
parce que c'est le lot des faibles.15(*)
- la dépendance, au moyen des
néo-systèmes de dépendance qui se cachent derrière
le masque de la coopération.
- le vide spirituel. En dépit du fait que la Tradition
africaine est bien vivante dans des campagnes africaines, le vide spirituel est
béant.
L'objectif ultime était de créer un
vide spirituel. En effet, « le vide spirituel est peut
être la conséquence la plus dramatique de cette
paupérisation. Ce vide fait de ravages dans des quartiers
surpeuplés des villes, où le menu peuple, aux prises avec les
dures réalités d'une vie quotidienne souvent inhumaine, se laisse
exploiter par les marabouts et les charlatans de toutes catégories.
Même dans la campagne où la tradition n'est pas morte, les
maîtres à penser, les maîtres à prier, les
maîtres à guérir sont devenus rares »16(*). Cette idée est
peut-être celle qui a fondé l'ossature de son combat.
Pourtant, les peuples africains sont ceux
habitués, familiarisés avec une tradition millénaire
de contact avec l'au-delà, et à qui le christianisme corrobore la
grandeur qui, portant offre souvent une piètre doctrine faite des
formules momifiées, outrecuidantes, inintelligibles.17(*) L'Amérique latine
a à cause entre autre de la théologie de libération est
devenue aujourd'hui le berceau de savoirs et des institutions de
l'émancipation (la justice transitionnelle ,la vérité
-réconciliation, les budgets participatifs, etc.)
L'Afrique est débordée, « ce sont
les familles qui implorent pour leurs enfants une éducation que ni
l'Etat, ni l'école importée, ni la société
traditionnelle, n'arrivent à leur donner »18(*).
Et « la pire misère c'est la
déchéance morale ; la corruption, la vénalité
qui rongent nos sociétés et nos institutions »19(*). L'Afrique « aux
foules plongés dans l'ignorance, le sous-développement, la
déchéance morale et la corruption,... »20(*). Les jeunes sont livrés
à la fumée des idéologies. Mveng s'est attaqué
à la racine de mal pour « rendre à l'homme africain sa
dignité, son identité, sa présence au
monde ».21(*)
« Qui, en Afrique, est pauvre, et qui ne l'est
pas ? Tout le monde vit dans l'incertitude et l'insécurité,
les Chefs d'Etat et leurs ministres, les fonctionnaires, le soldat, le
policier, le travailleur, le chômeur, le paysan, la population des
villages, celles de la ville,... Tout échappe à l'homme
africain ; il n'est sûr ni de son indépendance, ni des
richesses de son sol et de son sous-sol. Il n'a le contrôle ni de son or,
ni de son uranium, ni de son pétrole, ni de son cuivre, ni de ses
diamants, ni de ses bois précieux, ni de son cacao, ni de son
café, ni de sa banane, ni de son coton. Pour comble de malheur, la
famille, la solidarité, l'autorité, l'encadrement tribal si
chaud, si tonifiant, tout a été miné à la base par
le système colonial, tout ou presque tout, a été
pulvérisé »22(*). Ce sont ici les paroles de ce regretté digne
fils d'Afrique, Prêtre camerounais, Engelbert Mveng qui montre l'ampleur
et la profondeur des désastres.
Pour Engelbert Mveng, « la colonisation était
un système de paupérisation anthropologique d'asservissement et
de dépendance ».23(*)C'est ce que nous appelons lutte d'élimination
raciale régnante bien différente de la lutte de classe. L'Afrique
n'est pas encore entrée dans la lutte de classe. La lutte de classe a
été précédé par l'annihilation
anthropologique à travers l'esclavage comme négation de ce qu'on
appelle les droits de l'homme, la négation pure et simple de notre
humanité à la suite de la lutte bestiale et darwinienne
d'élimination : « la prétendue
sélection naturelle ».
Ce qui est plus important ce que la pauvreté
économique et sociologique dont souffre le peuple est le résultat
de son aliénation par les forces d'exploitation et
d'oppression occultées, nous avons plus besoin de liberté
que de pain. S'en sont suivis les néo-systèmes de
dépendance qui se cachent derrière le masque de la
coopération. De là il est possible de lutter véritablement
contre tous les maux qui y découlent : la discrimination sous
toutes ses formes, le désarmement, les injustices sociales, le droit
révolutionnaire des peuples.
L'homme africain incarne au cours des cinq derniers
siècles, le type même du pauvre, du faible, de
l'opprimé. Voilà donc la réalité africaine, telle
qu'elle est vécue, ici, à tous les niveaux. Il faut donc
s'attaquer du mal à la racine, la cognée est à la racine
de l'arbre : il faut s'attaquer à la racine du mal africain. Dans
son livre intitulé, l'Afrique dans l'Eglise, paroles d'un
croyant, il présente le problème africain comme la
perpétuation de la dépendance.
Notre méthode est simple, elle consiste à
analyser le contexte de l'Afrique pour y déceler sa
singularité, « le point de départ est l'analyse du
contexte dans lequel vivent les communautés
concernées ». Ce contexte s'avère être un
contexte d'oppression et d'injustice. La paupérisation
anthropologiquerenvoie à une situation semblable, où
« la condition humaine est une condition de précarité,
de fragilité. ... Cette situation embrasse l'homme, tout homme, tous
les hommes (africains), à tous les niveaux »24(*).
Qu'il suffise de prendre quelques mots de Mveng pour s'en
rendre compte : « Dans l'Afrique des indépendances, ils
sont légions, selon le mot du poète, ces princes (... )qui sont
venus nus de leur provinces, ont tout perdu, leur langue, leur histoire, leurs
traditions, leurs arts, leur société, et tous les trésors
spirituels qui ont fait la vitalité de leurs peuples. Il n'y a rien de
plus tragique qu'un peuple qui a perdu ses racines, et qui se trouve, sans
guide et sans soutien, livré à l'océan
déchaîné de l'histoire contemporaine, à la merci de
faux timoniers qui souvent ne sont que des tyrans ou d'aveugles aventuriers
drogués par un pouvoir de marionnettes manipulé de
l'extérieur. Les pauvres d'Afrique ne sont pas seulement quelques
clochards, quelques mendiants aux recoins des rues. Ce sont des peuples
entiers, errants, dans la nuit, enivrés des slogans,
bâillonnés, muselés, attelés à des trains
fous, dans les scènes dantesques de désespoir.»25(*)
Les noirs ont été « assimilés
aux bêtes de somme, et exploités pendant plus de trois
siècles dans les plantations du nouveau monde »,26(*) au nom des falsifications
bibliques, notamment la malédiction de Cham. Puis vint la colonisation,
préparée par la gigantesque campagne philanthropique de
l'abolition de la Traite. L'Afrique en sortie exsangue et
étranglée. Pour Léopold II de Belgique, un Jules Ferry de
France, les africains sont de grands enfants, par conséquent le partage
de l'Afrique est tout à fait normal27(*).
Une telle situation pour Engelbert Mveng un aveuglement et une
perversion ontologique pour une Europe qui se croit supérieure.28(*) Le refus aux autres
d'être le créateur de leur destin, au nom du plus fort. Le destin
des peuples noirs perpétue leur anéantissement anthropologique.
Ayant passé loin de génocide, les noirs passent à
l'ethnocide, c'est-à-dire à la mort de leur âme, de leur
culture, de leur identité, au spectacle précipité de la
fin de leur histoire, de la « fin des
Temps ».29(*)
L'assimilation elle-même abolissait notre
identité et notre droit à la différence, c'était
une des formes extrêmes de paupérisation anthropologique.
30(*)La philanthropie
paternaliste nous revient sous la forme de lutte contre la pauvreté
aujourd'hui, PPTE : pays pauvres très endettés.
La
« race » une hypothèse centrale des sciences
coloniales
L'hypothèse centrale des sciences coloniales est
justement le concept de « race » comme on peut se rendre
compte. « Bien que la race ait eu un succès
considérable dans les tentatives d'explication de la diversité
humaine, elle n'est pas toujours le paradigme explicatif des sciences humaines
naissantes, elle en est plutôt l'hypothèse implicite et
générale ».31(*) Cette posture doit avoir miné l'Afrique
jusqu'aujourd'hui notamment dans les conflits instrumentalisés des
Grands Lacs africains qui s'exacerbent et s'exportent dangereusement au
Congo-Kinshasa.
En premier lieu, nous dirons que le paradigme de la race sera
la logique occultée qui va orienter l'ethnologie « qui
procède d'une curiosité pour l'Autre, qui s'est
manifestée d'abord dans les récits de voyages et qui a vite
associé - est-ce une raison de la double appellation de la discipline,
ethnologie et/ou anthropologie ? - à la description de moeurs et
coutumes insolites, une réflexion sur l'unité et la
pluralité de l'Humain ».32(*) Grosso modo, « la pensée
raciale semble avoir dominé la culture savante du siècle qui
s'achevait dans le triomphe impérial ».33(*)
Ainsi s'explique le fait que : « la
pensée raciale dut attendre la fin du siècle pour se voir
célébrée comme l'une des plus importantes contributions
à l'esprit occidental ».34(*) Et pour cause : « Au niveau de ses
expressions savantes à vocation impériale ne tardera pas à
faire recours (de ce concept) dans les conflits internationaux
européens, cela se prolonge dans « l'exploitation du continent
biologique »selon deux axes principaux, le darwinisme et le
déchaînement des mesures anthropologiques ».35(*)
Par exemple Leclerc, de fil en aiguille, « montre
(...) combien ont été historiquement liés (à
l'origine des sciences sociales modernes) les soucis de rationaliser
l'observation des indigents (en Europe) et l'observation des
indigènes »36(*)comme dans un laboratoire. Plus tard, « au
début du XXe siècle, les méthode d'observation des
indigènes seront transposées dans l'observation des ouvriers ou
des « marginaux ».37(*)
Pour Taylor, selon Maesschalck « à
l'époque, (en Occident en tout cas) le problème central des
sciences humaines semble être leur capacité à expliquer le
changement dans les sociétés humaines », 38(*)alors que, si paradoxal que
cela puisse paraître les africanistes eurocentristes cherchent à
expliquer le statu quo des sociétés dites primitives. En
Occident, « les sciences humaines ne peuvent donc anticiper la
formation d'un nouveau contexte culturel, mais elles ont la capacité
d'infirmer les tentatives conduisant soit à la fermeture d'un ordre
culturel sur lui-même soit à son éclatement pur et simple
par auto -destruction (la révolution) ».39(*) Dans ce contexte, les sciences
humaines ne peuvent maîtriser les conditions contextuelles
d'émergence de nouvelles pratiques, elles peuvent néanmoins
adopter une attitude différente de la simple mise entre
parenthèse de ces conditions ».40(*)
Ainsi, tel que le dit Marc Maesschalck, « si l'enjeu
des sciences humaines semble correspondre à l'avenir des
sociétés industrielles tel qu'il était perçu par
certains intellectuels « modérés »en 1968,
nous ne pensons pas que ce soit simplement parce que la réflexion
elle-même n'échappe pas à la règle qu'elle tente de
mettre en évidence ».41(*) Les coloniaux congolais recourent à l'Afrique
du Sud et aux travaux ethnologiques britanniques et d'agronomes hollandais pour
prendre le modèle de colonisation.42(*) Nous pouvons l'illustrer à travers
« le rôle des institutions coloniales dans le
développement de l'ethnologie » qui procédait,
repentons-le, « d'une curiosité pour
l'Autre ».43(*)
Cette oeuvre issue des expéditions scientifiques du XVIII ème et
du XIX ème siècle, inscrit la description de l'humain dans une
sorte de zoologie physique et morale.44(*) L'ethnologie
transfert « à l'espèce humaine l'obsession
classificatoire du zoologue ».45(*)
Elikia M'bokolo soutient à propos qu'en
République Démocratique du Congo « pour le moment, les
historiens sont largement tributaires de l'ethnographie coloniale pour leurs
matériaux et ce que ceux -ci charrient de concepts, d'hypothèses
et de théories ».46(*) Elikia se réfère ici à
l'histoire coloniale du Katanga, la riche région minière du Congo
qui « reste à écrire et la tâche parait rude dans
la mesure où »47(*) des concepts, des hypothèses et des
théories y relatives sont sujets à caution par l'entreprise
coloniale. Plusieurs aspects sont ici à prendre en compte comme le dit
Gregory Quenet, ce sont « les différentes phases des
processus de construction, les catégories d'acteurs et d'organisations
impliquées, les stratégies et procédures
mobilisées, les instrumentations mises en oeuvre, les
modélisations effectuées, le rôle des
représentations et des conceptualisations ... »48(*)
A la base de cette situation ce sont par exemple des
incertitudes conceptuelles qui fondent des classifications (voir la
problématique de concept formel, de domaine de référence,
etc.), telles celles qui classent en République Démocratique du
Congo précoloniale des gens en
« « peuplades », qui donne
parfois « grandes
peuplades » ; « tribu », qui se
dégrade souvent en « petite tribu » et en
« sous- tribu » ; « ethnie
enfin. » »,49(*)du Congo qui se matérialisent finalement par
exemple en « séparatisme katangais » engendrant des
effets inédits comme le refoulement des kasaïens du Katanga (alors
Shaba) en 1992. Ces catégories qui posent problèmes remontent aux
classements conceptuels et administratifs successifs de l'Etat colonial belge,
tels ceux de 1933, et caractérisent par exemple le texte le plus
significatif de la Carte ethnique du Congo publiée en 1961 mais
fondée sur des informations datant de l'entre-deux -guerres et sur les
enquêtes directes de l'immédiat après-guerre. »,
avec « sa parfaite coïncidence avec les préoccupations et
les pratiques administratives de l'Etat colonial ».50(*)
La plus grande revue de réflexion et de doctrine ethno-
coloniale ,le Bulletin des juridictions indigènes et du droit
coutumier congolais dans sa rubrique ouverte en 1935 intitulée
« Institutions politiques indigènes », décrit
« l'organisation politique dans les différents groupements
indigènes de la colonie »,reprenant purement et simplement
,comme cadre de référence des groupes qu'elle distingue ,les
unités administratives coloniales ,chefferies et secteurs ,telles
qu'elles existaient en 1948 -1949 ,période à laquelle elle a clos
son enquête ».51(*) En effet, « les découpages
successifs réalisés par les autorités coloniales, dans le
sens de l'agrégation ou du morcellement des circonscriptions africaines,
avaient fini par durcir les frontières entre celles-ci et par grossir
leurs différences ».52(*) Ne peut-on pas dire que les effets de l'imagerie
anthropologique de l'époque coloniale en tant que construction
particulière débouchent aujourd'hui sur l'instabilité de
certains pays africains sub-sahariens ?
C'est ici le lieu de mettre en exergue les difficultés
que les chercheurs anthropologues ou historiens ont avec les concepts
construits tels ceux d' « ethnie » ou
de « tribu ». À ce propos Elikya Mbokolo
affirme pertinemment : « on a en effet le sentiment, en parcourant la
littérature, que le traitement du problème de l'ethnie est
considéré par les chercheurs de terrain comme une corvée
dont il faut se débarrasser au plus vite. (...) Alors que la
définition de l'ethnie étudiée devrait constituer
l'interrogation épistémologique fondamentale de toute
étude monographique et qu'en un sens tous les autres aspects devraient
en découler, on s'aperçoit qu'il existe souvent un hiatus entre
un chapitre liminaire qui, pour peu qu'on s'y attarde, montre le flou relatif
de l'objet ».53(*) Pourtant « le concept
d' « ethnie » est au coeur de l'anthropologie et elle
est constitutive de sa démarche ».54(*) Nous y ajoutons les concepts
des « peuples sans écriture », de civilisation,
d'origine, d'émigration, d'immigration, conquête, etc., à
la suite de remarques pertinentes de Jan Vansina que nous aborderons à
propos de l'histoire de l'Afrique centrale.
Sciences sociales et humaines : notre hypothèse
théorique de définition
Il nous parait utile, selon tout bon sens, et même
nécessaire de circoncire la différence même provisoire
entre les sciences humaines et les sciences sociales pour commencer notre
discussion. Séparer les sciences humaines des sciences sociales n'est
pas aisé. Nous pouvons dire en luminaire que les sciences sociales
et humaines font parties d'un programme épistémologique qui peut
remonter à la définition philosophique de l'homme, Aristote l'a
bien définit : « Homo zoon politicon », l'homme
est un animal social.
Le développement de ces sciences démontre
qu'elles ont oscillé entre trois polarités : définir
l'identité culturelle de l'homme, définir sa naturalité
telle que médiatisée par son coté biologique aujourd'hui
et le saisir dans sa dimension relationnelle. A propos, sa naturalité
culmine dans le fait aujourd'hui en vogue qui veut que
l' « homme soit avant tout biologique avant d'être
culturel ».
Au demeurant, les sciences humaines se sont, pour ne pas
caricaturer, occupées davantage d'analyser l'identité culturelle,
linguistique , historique ou psychologique des hommes, une identité tant
tôt ouverte et tant tôt cantonnée dans des
représentations (mentales ) on ne peut plus défendables pour les
vaincus comme les africains. Cette analyse s'est faite sous la houlette de
l'anthropologie comme science- mère et avant-gardiste.
La troisième polarité culmine dans
l'étude de la dimension relationnelle de l'homme qui s'est faite et se
fait sous l'égide de la sociologie comme science pilote. C'est ainsi que
nous utiliserons le plus souvent par simple commodité le concept de
sciences sociales, eu égard au fait que notre analyse ici s'est
occupée du modèle classique de la sociologie d'Emile Durkheim et
de la praxéologie de Max Weber.
Au demeurant l'embarras qui est bien perceptible est celui de
scinder les sciences sociales des sciences humaines par une question qui
découle de la définition même de l'homme, celle de savoir
si cet homme précède la société ou c'est la
société qui vient avant.
Bref, pris dans sa singularité humaine ces sciences
s'occupent de cet homme du point de vue de son identité, en ce
sens la polarisation de l'individualisme méthodologique (avec la
théorie du choix rationnel en sciences économique
néo-classique) et le retour à l'action dans les sciences sociales
et humaines après les années 1970 peuvent trouver leur
justification.
Les sciences sociales et humaines ont justement
exploité la nature sociale ou relationnelle de l'homme:
la polarisation du structuralisme avant les années 1970, et aujourd'hui
le naturalisme biologique, causal et fonctionnel après les années
1990 trouvent là aussi leur justification.
Articuler le triple concept de la définition de
l'homme en tant qu'il est homme culturel, naturel et social, c'est
opérationnaliser avec certains concepts, qui doivent être
identifiés comme structures élémentaires sous
forme logico-mathématique en tant que « possibilité
potentialité », pour parler en philosophe ontologiste et se
référer à la notion du « Devenir». La loi
de transformation du Devenir est rendue comme des relations de
causalité ou d'intentionnalité des entités
relevantes qui les traversent : le mental, l'action et le langage(ou les
actes de langage).
Une telle formulation pourrait faire problème pour les
non philosophes, c'est pourtant le lieu de l'affirmer, la philosophie reste au
coeur de la fondation des sciences Sociales et Humaines, elle en constitue
l'épine dorsale. Toute forme d'innovation principielle passe toujours
déjà nécessairement par la philosophie, en l'occurrence
aujourd'hui la philosophie de la nature sous sa forme physicaliste ou sous sa
forme biologique.
Objectif de la
recherche
L'objectif que nous nous donnons est de reconstruire, de
comprendre et de comparer les approches dominantes en sciences sociales en
Afrique et au Congo qui proviennent de ces trois polarités à
partir des sources philosophiques africaines afin de préparer une
situation théorique de rénovation. Beaucoup d'études
innovatrices en Rd Congo sont justement souvent en prolongement critique avec
les approches ci-après : le fonctionnalisme, le structuro -
systémique et la dialectique, approches qui, au demeurant,
recèlent une grande teneur philosophique.
Pour nous, les innovations profondes ne sont possibles que si
nous rentrons aux sources philosophiques antiques et au plus profond de leurs
présupposés africains. Reprenons brièvement, trois de ces
exemples d'études qualifiées de novatrices reprises par Ntumba
Lukunga pour illustrer ce prolongement. J.J.Fromont dans Le schéma
sociologique ; essai de systématisation et de schématisation
de la réalité sociale, Lubumbashi, éd., Locale, 1977,
articule la continuité entre le biologique et le sociologique. En
premier lieu, pour lui le schéma sociologique permet de
« systématiser la réalité sociale dans le
prolongement de l'écosystème, les conditions de
systématisation étant fixées par les conditions de passage
entre deux systèmes ».55(*) La réalité sociale apparaît ainsi
fondamentalement comme un système que nous visualisons et verbalisons.
Etre en situation c'est voir, et l'image constitue le fondement de la
pensée sociologique.
En deuxième lieu, le schéma sociologique
constitue la transposition du système social, c'est-à-dire le
schéma qui veut « construire un modèle
général qui représente en profondeur, en étendue et
en globalité par niveaux, par paliers et sur plans, les
éléments constitutifs du système, leur arrangement
structural, le fonctionnement de leur dynamique, l'ensemble devant constituer
un tout cohérent et significatif ».56(*) Ce schéma permet ainsi
« d'appréhender et de traiter dans l'espace et dans le temps
sociologiques les problèmes de l'existence, de l'expérience et de
la transcendance des individus vivant en
communauté ».57(*) Il y a deux niveaux d'analyse essentiels :
étude du langage et des systèmes. On peut y intégrer le
niveau de conscience.
Nyunda wa Rubango sur la sociolinguistique immédiate
à travers son étude sur « le vocabulaire politique du
Zaïre (1959-1965) » s'incruste dans un élan postmoderne
à visée déconstructive à propos des discours
politiques zaïrois portant les marques de la colonisation, de la
tradition, du modernisme, de leur matrice occidentale belge et française
- « j'ai montré comment ce langage enraciné, dit- il,
dans une tradition et une culture déployait une rhétorique et un
imaginaire spécifique et féconds et était remarquablement
dominé par le christianisme.»58(*)
En tant que telle la démarche a comme objectifs de
lutter contre l'infirmité des sciences sociales et humaines
africaines due en majeure partie à l'esprit du conformisme et à
la peur de l'innovation et surtout celle de commettre le « meurtre du
père », entendez de dénoncer l'inspiration africaine du
colonisateur. Il faut dénoncer finalement dans le chef des
africains savants, l'exercice scientifique « par
procuration » ; la production et la reproduction des discours
aliénés et aliénants et l'inhibition théorique
et méthodologique chez le scientifique africain.59(*)
En effet, il est possible, à la suite de ce qui
précède, de constater les innovations à partir des
débats repris aux fondateurs philosophes et spécialistes des
sciences sociales qui ont permis des ruptures ou des continuités plus
opératoires des notions centrales.
Le contexte de l'approche actionniste ou constructiviste fait
que cette étude participe, d'un point de vue théorique, à
un retour aux sources en sciences sociales, comme le pensent par ailleurs
Michel De Coster, Bernadette Bawin et Marc Poncelet, en particulier à
propos de la sociologie, « le retour aux sources se
révèle utile à bien asseoir les fondements de cette
discipline et à préciser les ambitions ».60(*)
C'est dans cette même veine que nous avons
examiné le projet philosophique de quelques fondateurs des sciences
sociales, en l'occurrence Emile Durkheim, le structuralisme de Claude
Lévi-Strauss, l'évolutionnisme biologique, surtout les approches
actuelles de John Searle qui intègrent le constructivisme radical
d'Umberto Matourana et de Francisco Varela, le connexionnisme et le
cognitivisme actuel. John Searle veut justement reconstruire ces approches et
en déconstruire d'autres, tel que le marxisme.
Nous essayons de reconstruire l'histoire de l'Afrique avec la
synchronisation de la diachronie.
Contre la faillite de la science aujourd'hui ?
Nous allons
présenter les conditions pratiques, sociales et historiques de
possibilités des sciences sociales au Congo- Kinshasa dans un
environnement global de Tiers monde. Les sciences sociales coloniales
continuent de poser problèmes comme préalables au changement
social en Afrique. Les scientifiques et philosophes sociaux
« Tiers-mondistes », ceux de la diaspora africaine aux
Etats Unis comme Théophile Obenga, et Yves Valentin Mudimbe, des
africanistes comme Jan Vansina, les latino-américains, les chercheurs de
l'école sociale de Kinshasa, et bien d'autres se penchent aujourd'hui
sur la question de la rénovation des sciences sociales sous sa triple
dimension, celle des techniques et des méthode d'analyse, celle des
concepts et des théories paradigmatiques ,et enfin celle liée
à l'effondrement et à la dévaluation de la
« réalité sociale », ainsi qu' à la
définition de celle-ci.
Du point de vue du « Tiers-monde », la
question de la rénovation des sciences sociales rejoint le débat
de la décolonisation épistémologique qui s'est par
ailleurs spécialisée en cristallisant les conditions de maintien
des sciences sociales comme entreprise académique mondiale, leur
ouverture aux formes de connaissances traditionnelles, et leur refondation.
Pour les plus exigeants, la rénovation va au-delà de la seconde
modernité eurocentrique, représentée notamment par
l'approche néo-moderne des sciences sociales de Jürgen Habermas,
sous-tendue par l'intention de la philosophie de contribuer à la
libération sociale, et à sa propre libération.
Les enjeux sont énormes : entre autres, le
débat a opposé ceux qu'on appelle les africanistes eurocentristes
et non eurocentristes. Le champ d'application de cette discussion est la
formulation des questions dites
d' « émancipation » des sciences sociales.
Bernard Mouralis pense à cette suite que la
décolonisation en ce qui concerne l'Afrique est encore à faire et
qu'elle appelle un vaste programme du devenir du continent africain, programme
correspondant à ce que Yves Valentin Mudimbe appelle l'invention de
l'Afrique, ou la construction d'une nouvelle Afrique, qui consiste
à élaborer un discours scientifique autonome et total pour parler
de l'Afrique. Pour Jan Vansina qui s'oppose au constructuvisme de Mudimbe ,il
soutient que dans le domaine de l'histoire et dans l'ordre du discours, par
rapport au système mondial dans lequel nous sommes
embarqués, la période précoloniale permet de
reconstruire une histoire autonome de l'Afrique avec des techniques, des
objets, des voix et des territoires qui échappent au cadre historique
européen, tout en produisant justement un discours historique qui
respecte les règles de l'écriture historique. L'enjeu majeur,
dans tous les cas, est que les africains doivent construire des discours ou
des institutions sur des conceptions et sur des expériences africaines
socio- culturelles, traditionnelles ou présentes.
Pour nombre des penseurs qui se situent dans la mouvance de
la Faculté des Sciences sociales et administratives de
l'Université de Kinshasa, le constat général est que les
sciences sociales s'agrippent encore aux démarches, techniques et
méthodes qui fonctionnent comme des dispositifs problématiques de
production des connaissances, tout en pérennisant une situation
théorique et conceptuelle non critique de plus de cinquante ans de
recherche, et des présuppositions non réfléchies du
concept de « réalité sociale » qui sont
appelées à être réévaluées. La
« réalité sociale » reste le véritable
objet des sciences sociales.
Bongeli Yeikelo Ya Ato stigmatise la situation persistante
d'une crise sociale cyclique comme le signe évident d'un blocage
actuel en sciences sociales sur l'Afrique en général et le Congo
en particulier, blocage qui nécessite que l'on s'interroge sur la
validité des méthodes, des approches classiques et des a priori
du concept de la réalité sociale ou des phénomènes
sociaux. En ce qui concerne les « réalités sociales
africaines », Bongeli affirme simplement qu'elles sont, par rapport
au moyen de ces instruments conceptuels et de ces approches, peu ou mal
étudiées et donc difficiles à reconstituer.
Aujourd'hui encore, nous pouvons continuer d'affirmer qu'il
existe une relation étroite, par ailleurs nouée il y a bien
longtemps, dans le cas d'espèce entre la science coloniale et une
construction et les institutions actuelles chez nous : « les
institutions...qui survivent aux confins de quelques disciplines ou
filières universitaires,...étaient des héritages des
sciences coloniales, ou, plus généralement, étaient de
l'institutionnalisation des rapports politico -savants entre la
métropole et l'Afrique belge ».61(*)
Cette problématique globale de la critique des
sciences humaines en Afrique inclut la question pendante de la
décolonisation intellectuelle qui doit se résoudre en
dépassant le langage de la modernité en philosophie et en se
réappropriant le modèle de connaissances dominantes par une
critique africaine. C'est une critique historiographique des connaissances.
Pour nous, il ne s'agit pas d'élaborer un autre
discours, car dans ces conditions le point de vue africain restera toujours une
connaissance subalterne dans une sorte d'épistémologie de
frontière qui n'élabore pas une reconstruction inscrite dans un
régime d'historicité très longue.
La question de fond de notre analyse est
présentée par Jean Kinyongo: « Comment corriger ce que
Brunetière qualifiait, au 19 è siècle, de
« faillite de la science » à cause de l'impuissance
de recherches positives de l'époque à résoudre les
problèmes fondamentaux de l'homme et de l'entente entre les
hommes ? »62(*) Et il continue, « si René Girard
citant Durkheim a raison de soutenir que le spirituel (c'est le point d'orgue
de notre livre) doit être à l'origine de tout (cfr. Les choses
cachées depuis l'origine du monde) et si Malraux, prophète
d'un XXI ème siècle spirituel, a lui aussi raison, alors il nous
faut, dit-il, chercher de ce côté -là une manière
qui puisse combler le vide de l'humain dans ce monde et, par-là,
permettre d'appeler une convergence planétaire des peuples et des
nations plus responsables que par le passé. »63(*)
Après l'exposition d'une manière africaine de
percevoir l'identité et la vocation historique de l'homme et des peuples
,puisée dans le célèbre mythe de la création de
l'univers et de l'homme dans la tradition de Komo chez les Bambara, Kinyongo
conclut de cette manière- ci : « ce que doit
être notre mission au 3 ème millénaire dépend de la
manière dont nous nous comprenons maintenant , de la nouvelle
compréhension que nous avons de nous-mêmes, de notre monde , de
notre façon de devenir de plus en plus présent au monde ,et de
rendre celui -ci de plus en plus présence ».64(*)
« Notre vocation historique, poursuit Kinyongo, en
tant que présence fut surtout de bien nommer le monde, les choses et de
les appeler à l'existence, nous les avons effectivement appelés
à l'existence, mais de manière inadéquate. Nous devons
maintenant les appeler et nous appeler à une nouvelle existence pour
plus de présence et plus de participation en vue de rendre la vie de nos
semblables plus humaines. »65(*) Il faut finalement joindre à l'entreprise de
la recherche pour combler le vide de l'humain dans le monde, la construction
subséquente d'une réalité sociale à jamais
dynamique. « Le stade le plus élevé de la
réflexion coïncide avec un progrès dans l'autonomie de
l'individu, avec la suppression de la souffrance et avec l'avènement
d'un bonheur concret ».66(*)
Ces questions que nous abordons pourraient passer pour
être non pertinentes pour autant que la science s'occupe des questions de
comment, mais ne faudrait -il pas reposer aujourd'hui dans le contexte des
sciences la question véritable du pourquoi ? Parce que, pour nous
africains en tout cas, la maîtrise de notre espace vital reste sujette
à caution.
Comme le rappelle Pierre Mutunda avec la docte ironie qui le
caractérise : notre « société est engagée
dans une dérive qui à tout moment peut culminer dans une
implosion mentale collective. Désemparés, les hommes et les
femmes ne savent plus à quel saint se vouer. (...) Le peuple
dépouillé de son identité et du patrimoine ancestral,
affamé part ses propres fils qui lui imposent un nouvel esclavage sous
l'oeil indifférent de la communauté internationale, voire avec la
complicité de l'Occident, chosifié par l'escroquerie de sa classe
politique, la cupidité des `opérateurs économiques', la
roublardise de ses intellectuels diplômés jusqu'aux dents ,mais
incapables de résoudre un seul petit problème sans le concours du
''Blanc'' ,ne sait plus à quels idéaux souscrire, quel
prophète suivre ,quels lendemain espérer ».67(*)
Sommes - nous en Afrique Noire installés dans une
philosophie de la crise qui, finalement n'a pour mérite que
d'être, comme le dit Pierre Mutunda Mwembo, une « tâche
d'une remontée archéologique aux sources d'une historicité
qui se chiffre de manière déficitaire. (...) Une telle
situation est déjà provoquée par l'afro- pessimisme, cette
attitude défaitiste et démobilisatrice qui, `'sur le
marché des écrits médiatiques et idéologico
-scientifiques,...est une valeur sûre depuis plusieurs
décennies'' ».68(*) La montée archéologique aux sources
d'une historicité à travers les images mythico-religieuses et les
images linguistiques contemporaines du monde, i.e. le formalisme qui est la
rationalité à la base des actions modernes a
débouché sur la perte de sens et la perte de la liberté
à propos de la rationalisation de l'Etat et de l'économie
(Marcuse). « Les potentialités sociales des sciences, dit
Jürgen Habermas, se sont réduites à l'exercice d'un pouvoir
technique et ne peuvent plus être considérées comme les
potentialités d'une action éclairée ».69(*)
Puisque nous évoquons l'histoire, nous dirons dans le
même sens avec Jürgen Habermas que
« l'irrationalité de l'histoire trouve son fondement dans le
fait que c'est nous qui la « faisons », sans pouvoir
jusqu'à présent le faire en toute conscience. C'est pourquoi on
ne fera pas progresser la rationalisation de l'histoire en étendant le
pouvoir de contrôle d'hommes..., mais seulement en élevant le
niveau de réflexion et en aidant la conscience des individus agissant
à progresser dans l'émancipation. »70(*)
Quelle est pour nous la tâche urgente ? Comme le dit encore
si bien Mutunda, il a s'agit « de déblayer des voies et moyens
pour une reprise de l'initiative historique par l'Africain, une mobilisation
des énergies en vue d'assumer l'existence, de l'infléchir en une
destinée voulue et maîtrisée, orientée vers une
réalisation positive de la vie ».71(*)
CHAPITRE DEUXIÈME :
LE POIDS DU PASSÉ ET L'EXIGENCE D'UNE NOUVELLE
CONSTRUCTION SCIENTIFIQUE DE L'AFRIQUE ET DU CONGO-KINSHASA
Nous allons ici rappeler et présenter
pêle-mêle la construction occidentale de l'Afrique et de la RD
Congo réalisée par les sciences sociales et humaines. Cette
construction intéressée et stratégique appelle à
coup sûr, une contre- construction et une reconstruction. Nous essayons
justement, après la présentation sis- évoquée, de
proposer comment cela peut-il d'une façon être
amorcé ?
L'Histoire des sciences
sociales congolaises a donné lieu à des constructions
scientifiques savantes multiples pour l'époque coloniale au Congo :
à la base, la relative hégémonie redoutée de
savants - missionnaires qui ne rimait pas toujours avec ces savoirs officiels
et institutionnalisés de la colonisation qui étaient
l'émanation de la noblesse politique coloniale belge en ce qui concerne
le Congo -noblesse politique qui gérait au quotidien le pouvoir avec les
libres penseurs ,tous rivalisant d'ardeur dans le domaine du savoir.
Nous pouvons voir les acteurs majeurs de la science coloniale
et leurs intérêts : le savant catholique missionnaire contre
le baron non confessionnel de la science coloniale officielle. Pour autant que
les savoirs codifiés puissent servir les intérêts
officiels, ces savoirs pouvaient justement être
institutionnalisés.
Le Congo s'est construit sur la base de plusieurs disciplines
scientifiques, notamment avec l'économie politique coloniale,
l'anthropologie et/ou l'ethnologie, l'anthropologie juridique,
l'historiographie coloniale, le droit moderne occidental, la sociologie, la
philosophie, etc.
L'économie politique coloniale est la logique qui
dicte la mise en valeur du Congo : les tracés de routes et
l'infrastructure routière, l'industrialisation, la politique agricole,
l'émigration de la main d'oeuvre dans les centres extra -coutumiers,
etc., tout cela dans un contexte de rivalité internationale des
puissances occidentales et des Arabes. Au plan politico-administratif, le
découpage administratif est fait au Congo à la suite de
l'impérative d'occupation. Le découpage suit la latitude, le
méridien, les rivières, les districts, pour former des
régions militaires contre les arabes à l'Est, les chefferies -
secteurs étant des bases des forces de police72(*), etc. L'organisation de la
chefferie ne tient aucun compte des liens de vassalité qui existent ni
de parenté, sa seule base est territoriale.
Nous sommes aussi partis de l'anthropologie dont on s'est
servit longtemps pour comprendre l'homme sauvage et primitif en
général, en tant qu'elle est l'étude des
caractéristiques anatomiques, biologiques, culturelles, et sociales des
êtres humains, et formant une des matrices pratique et théorique
puissantes de l'ensemble des sciences sociales et humaines. Les temps modernes
est une époque de rencontres interculturelles intenses qui donne un
élan fort aux sciences sociales. Les philosophes pour la plupart qui
n'ont jamais pied au Congo, ont à leur portée des récits
de voyages dont la plupart compulsés vont servir à
ébaucher des théories, tel que le postulat de
l' « état de nature » de la philosophie
politique classique, de l'a priori du temps comme intuition
intérieure, chez Emmanuel Kant et autres contractualistes, etc.
Seulement, situation cynique, à propos de
l'évolution de l'anthropologie, science dont on se sert depuis pour
étudier l'homme, Claudine Vital affirme que « c'est seulement
durant le dernier quart du XIX siècle qu'apparaissent les institutions
savantes anthropologiques. Chaque campagne militaire, chaque champ de bataille,
chaque massacre qui rapporte une nouvelle victoire au colon blanc marque en
même temps une nouvelle étape de la pratique ethnologique qui se
professionnalise et se répand. Elle devient une profession au moment
où s'intensifie l'extermination des hommes ».73(*) Il faut constater qu'une bonne
partie des sciences sociales en général ont pris de l'essor
décisif au sein d'une époque d'expansion
européenne et donc de domination: « la transformation de
l'expansionnisme occidental en un colonialisme suppose en quelques
façons la constitution des
« sciences sociales» ».74(*)
Le développement de la « modernité
occidentale » incarnerait dans sa logique et dans sa dynamique, la
division de travail organisée dans une structure impérialiste de
l'Europe qui domine l'économie mondiale depuis XV e siècle,
contraint le monde et le coordonne au moyen des institutions
créées à cette fin. « L'impérialisme
aurait dû inventer le racisme comme seule explication et seule excuse
pour ses méfaits ».75(*)
La logique impérialiste occidentale du centre
fonctionnerait sur base d'une lutte du type darwinien d'élimination
raciale et bastiale depuis la découverte du nouveau monde, et non sur
base de la lutte des classes. Karl Marx ne théorise quasiment pas cette
perspective bestiale. Le matérialisme historique est une des
théories reconstructives de l'anthropologie et de la théorie de
l'évolution naturelle, sociale et culturelle fondée sur la lutte
de classes, l'histoire de l'espèce humaine, les modes de production, le
travail social, la dialectique entre l'infrastructure et la superstructure, les
rapports de production et la force productive.76(*) Nous pouvons affirmer que le concept de
« race » a été utilisé
à dessein par des anthropologies concurrentes pour décrire des
formations politiques, des groupes linguistiques, des caractères
d'espèces animales, des formations politico- sociales. Au Congo (belge)
on parle d'emblée de races différentes (grands groupes
Nègres, Soudanais, Nains, Bantous et Hamites ».77(*) La lutte darwinienne
d'élimination des ethnies primitives utilise beaucoup des moyens pour
préparer consciemment le meurtre culturel, ethnocide. Mais la toile de
fond, ce que les « épistémès autres »
sont extorquées, volés, disqualifiées, falsifiées,
sinon exclues carrément pour être mises résolument au
service de l'accumulation du capital.
Concrètement, partons des exemples sur le Congo et
passons à l'ethnologie/anthropologie juridique. Celle-ci - à
propos de la Carte ethnique du Congo -qui, depuis les enquêtes
parlementaires belges de l'oeuvre léopoldienne, tentera de prendre les
devants dans l'édification de la nouvelle société
congolaise. Au point de vue de la mise en valeur de l'Etat Indépendant
du Congo, loin avant l'indépendance, historiquement le travail
forcé dépeuple la population au point de déboucher sur une
crise sociale. Cette situation mettra le Roi Souverain devant le fait accompli,
et il sera forcé d'accepter une commission d'enquête belge
conduite par trois éminents juristes belges qui mettront à nu une
oeuvre controversée, en défaveur des noirs.
Depuis lors, le droit sera la science pilote qui donnera lieu
à des reformes, et à la naissance d'une sorte des sciences de
« développement » qui va succéder au
paradigme de la science de contact depuis la conférence
géographique de Bruxelles en 1876. Ce qui dicte en partie les limites
mêmes du territoire congolais.
La civilisation du travail - celle de loisir- forme un bon
exemple justement de la réalité sociale construite. De telle
sorte que les humains qui ont participé à son élan ont cru
être enfin en mesure de bâtir un monde nouveau pour leurs enfants,
maîtrisés par les forces de production. Mais cette
émancipation productiviste a été remise en question par
ses héritiers qui ne sont pas parvenus à entrer dans cet univers
préfabriqué. Les choses ont changé !78(*) Il en va de même de la
colonisation qui transpose sur le terrain de la colonisation une civilisation
industrielle qui, à son effondrement a emporté
l'arrière-plan qui le fondait, le capitalisme industriel qui en a
constitué la base. « L'arrière-plan d'une
société permet d'invalider une pratique institutionnelle qui
tenterait d'imposer un seul mode de légitimation des normes,
c'est-à-dire qui serait incapable de reconnaître des droits
collectifs à des `'sociétés
distinctes'' ».79(*)
Or Marc Maesschalck stigmatise l'enjeu : « il
ne s'agit pas de transformer une pratique institutionnelle donnée, mais
de changer de civilisation ».80(*) La construction de la réalité sociale
appliquée à des sociétés colonisées est
faite également au moyen de l'anthropologie juridique appliquée
à ces sociétés colonisées en opposition avec le
droit naturel rationnel des temps modernes européens. Le droit de
l'homme a été la poursuite de ce mouvement de la construction
européenne : « le devoir de civiliser, l'argument du droit de
civiliser portait sur le droit de mise en valeur de ressources incombant aux
peuples capables de réaliser celle-ci de manière
supérieure aux pratiques locales. Cet argument ne fut pas
théorisé par l'ethnologie, mais par le droit
naturel ».81(*)
Une telle situation qui apparaît comme la projection
théorique du constructeur débouchera, comme nous allons tenter
de l'établir sur l'exigence d'« une éthique de la
construction sociale (qui doit considérer) toutes les activités
comme intégrées à l'enjeu décisif de l'existence
collective ».82(*) Justement « la solution dépend
encore de l'application des structures de décision de la
communauté politique ».83(*)
Justement, une « société (doit être
considérée d'abord) en tant que'' significations
subjectives''».84(*)
Au sujet de l'anthropologie raciste, « il semble difficile d'admettre
qu'un tel mythe ait pu être construit par des chercheurs professionnels
(...) pour autant qu'eux aussi, ils ont pratiqué le terrain, entendu des
informateurs. Une attitude épistémologique d'époque-
entraînant la conviction qu'une combinaison d'éléments
simples produit la logique même du réel - semble insuffisante
à inspirer d'aussi totales erreurs. Et, pourtant si, parce qu'elle
autorise une distance telle à l'objet qu'elle engendre
nécessairement - en deçà des sophistications propres au
métier -une capacité de croyance assimilable à la foi du
charbonnier. Du coup, toutes les discussions deviennent possibles et pensables,
d'autant plus qu'elles trouvent, involontaires ou conscientes, de complications
autochtones ».85(*)
Disons en plus que la transformation de cette anthropologie
primitiviste demande une reconstruction d'une anthropologie qui postule
l'unité biologique et psychologique du genre humain. L'anthropologie
même marxiste ou habermasienne ont un côté primitiviste.
La misère délibérée cause à
l'africain le choc psychologique et le déséquilibre de l'horloge
biologique, source de plusieurs maladies physique et mentale. L'africain doit
rester positif et ne pas paniquer.
Sohier distingue ,dans ses publications de 1924 parues dans
Revue de Jurisprudence du Katangaau sujet de la Carte ethnique du
Congo et qui deviendra en 1933 le Bulletin des Juridictions
indigènes et du droit coutumier ,l'empire du « droit
sacré », magico -religieux (référence aux
travaux d'un autre auteur du nom de Possos) ou de la « philosophie
bantoue » (référence à l'onde de choc de Placide
Tempels) par rapports aux pratiques juridiques bantoues qui, face aux
nécessités de maintien de l'ordre, ont opéré de
nettes distinctions et parfois de volte-face permettant de retrouver les
fondements des conventions civiles.
C'est principalement la destination de l'autorité
politique que déplore Van Derkerken ; c'est là qu'il situe
l'origine de l'effondrement des sociétés
indigènes.86(*)
Van Derkerken, essayait par exemple de démontrer qu'au Congo, la
question essentielle portait sur les fondements de l'autorité dans des
« dynasties de sang sacré » (chef de
races ») ; et il établit les droits fonciers des
indigènes sur la presque totalité des terres. Pour Van Derkerken,
seule la connaissance et la reconnaissance des structures sociales bantoues
peuvent s'opposer à une prolétarisation perçue comme une
déchéance culturelle et un immense danger social.87(*)
Au demeurant, l'évolution de la tentative
disputée de la promotion de multiculturalisme juridique entamé
dès les premières heures de la colonisation au Congo devait
déboucher sur la promotion du droit indigène :
« la règle de droit doit être comprise en
considérant que « le droit nègre a été
élaboré par des hommes raisonnables...pour remédier
à une certaine difficulté de la vie... dans une démarche
dont de nombreux fondements sont universels ».88(*) Pour Van Derkerken, il aurait
fallu privilégier les juges et magistrats traditionnels bantous qui nous
« apprendront à penser noir à propos du droit
noir.89(*) C'est une
recherche de la reconnaissance collective de la communauté des savants
traditionnels.
La tendance inverse au multiculturalisme sera dominante, et
elle va amener à « l'évolution et la disparition
rapide des sociétés (dites) archaïques (qui vont) modifier
non seulement le projet, mais le regard initial ».90(*) « Ces divers
mouvements brisent, d'une certaine façon l'illusion de restitution et de
pureté de l'objet (...), favorisant aussi bien une sorte de narcissisme
descriptif ou ironique ».91(*)
Au Congo, deux disciplines sont en avant plan dans la
construction des colonies : l'économie et le
généralisme (les macro- ingénieurs) face à
l'ethnologie et au droit. « Les sciences sociales (ethnologie et
économie) ne peuvent ou ne veulent définir un espace quelque peu
autonome face au couple qui s'affirme hégémonique, le couple du
juriste colonial, qui fait la loi et construit le Congo, et du
« macro -ingénieur », qui étend ses
compétences à tous les aspects de la mise en
valeur ».92(*)
Cette situation va se perpétuer, plus tard,
« les indépendances africaines ont vu apparaître des
états -civils sur le modèle français (ou
belge) ».93(*) « Le passage de l'ethnie à la
nation, au début totalement artificiel a bouleversé les
populations africaines de manière beaucoup plus profonde qu'on ne
l'imagine habituellement ».94(*) Ce fait fait justement suite, au tout début du
XIX è siècle, à la découverte des systèmes
de parenté matrilinéaire vus comme un choc par l'Europe. Tout
cela à travers le développement de la circumnavigation et la
découverte ébahie d'autres mondes à la différence
bien plus radicale que ceux connus jusqu'alors -les Noirs d'Afrique, les
Indiens d'Amérique, les indigènes d'Océanie. C'est aussi
la considération des systèmes matrilinéaires par la
théorie anthropologique qui a posé à la psychanalyse sa
question la plus embarrassante : si le complexe d' OEdipe est bien
universel ,s'il est vrai que tous les garçons du monde présentent
des désirs incestueux envers leur mère, agressifs envers leur
père, comment un tel complexe peut-il se manifester dans un monde
où le véritable chef de famille est l'oncle maternel et non le
père ; un monde où la véritable tension se situe
entre frère et soeur et non mère et fils ? C'est en
substance le contenu d'un célèbre livre de Malinowski (La
sexualité et la répression dans les sociétés
primitives, Paris, Payot, 1971) dont la publication a contraint les
psychanalystes à toute une série de réfutations, tant
théoriques qu'anthropologiques.95(*)
L'analyse s'étend à plusieurs autres
concepts : l'ethnie, le développement, le
sous-développement, l'Etat, etc. Mutuza Kabe considère que cet
axe de recherche est un courant à part entière pour son
importance persistante dans la philosophie africaine : « le
courant de la réévaluation des concepts résulte du
problème de l'acculturation et de la nécessité de traduire
les réalités africaines dans les langues
étrangères. (...) Nous ne prenons tous pas garde et nous
continuons à nous servir de ces mots, alors qu'ils ne correspondent plus
aux réalités nouvelles, nous parlons aujourd'hui de culture et de
civilisation et nous les appliquons indistinctement et univoquement des
concepts nés dans un contexte culturel défini à des
sociétés et à des civilisations différentes, alors
que nous reconnaissons le rôle déterminant que jouent dans la
formation des idées, des cadres socio- culturels ».96(*) Il renchérit,
« on a plaqué, avouent, les auteurs de l'histoire de
l'humanité, sur le passé africain afin de le réduire
à des schémas connus tout un vocabulaire emprunté à
l'histoire européenne : Etat, Empire, Royaume, etc. (...) Leur
adaptation réelle aux situations africaines qu'ils sont censés
expliquer n'a jamais été sérieusement examiné. Ils
portent d'ailleurs en eux-mêmes un poids de prestige ou de jugement qui
leur confère un caractère quasi sacré et pourtant ils
n'expliquent réellement rien de cheminement propre à l'Afrique
».97(*)
Outre des préoccupations strictement internes, la
construction des hypothèses nouvelles rebondit par exemple dans
« la problématique constructiviste de l'ethnie ainsi que les
concepts qui lui sont liés - métissage, créole - trouve
une application en Europe et aux Etats-Unis dans le cadre de la lutte contre le
racisme et de la mise en avant des politiques reposant sur le
multiculturalisme ».98(*)
Cette problématique touche, en effet, à la
question des stratégies pour endiguer la
« pauvreté » dans les pays riches en ce
que « l'éventuelle introduction en France des
critères ethniques dans les recensements- à l'image de ce qui se
pratique déjà aux Etats-Unis - devraient permettre, selon ses
partisans, de resserrer les mails du filet destiné à cerner et
à traiter les poches de pauvreté et de handicap. Quoi que
l'on puisse penser de son efficacité, ce nouveau dispositif s'inscrit
dans le cadre de l'extension du domaine des « bio-
pouvoirs » mis en place au XIXe Siècle dans le domaine de la
démographie et de l'épidémiologie ».99(*) Ceci fait penser au projet de
loi de l'ADN sur la question d'immigration en France.
En ce qui concerne l'histoire de l'Afrique Centrale en
général, Jan Vasina souligne le fait que « d'un point
de vue théorique les données ethnologiques peuvent être
d'une grande valeur pour l'historien. Tout historien en effet, s'il veut
faire oeuvre sensée, doit savoir comment se présente maintenant
une culture donnée et comment elle se présentait juste avant la
période coloniale. ( ...) La répartition des objets ou des
complexes culturels et en particulier l'étude des
« fossiles » culturels ou au contraire des
« innovations » culturelles pourraient théoriquement
fournir une mine d'informations historiques. Pourtant sur ce point les
ethnologues manquent de méthodes
appropriées ».100(*) Vansina émet l'hypothèse dès
cette époque qu' « on ne pourra aboutir à des
conclusions significatives que grâce à un usage conjoint et plus
systématique des données linguistiques et des données
culturelles ».101(*)
Pour Jan Vansina, « le concept de tribu est rarement
défini. Les historiens omettent, dit-il, de distinguer entre la
communauté politiquement souveraine, qui est politique et la
communauté culturelle, qui est l'unité culturelle. L'historien
imagine que la communauté culturelle est perpétuelle. Elle ne
disparaître pas, elle ne s'altère pas au cours du temps,
quoiqu'elle émigre et que l'on puisse repérer
géographiquement les routes de ses migrations. Cette conception est
absurde. Il n'est pas difficile de démontrer que les tribus naissent et
meurent, et cela même sans déplacement de populations, changements
importants dans les cultures objectives des communautés qui les
composante ».102(*)Par exemple : « La question de
l'interprétation des données brutes , poursuit Vansisna,
fait usage d'une série de concepts fondamentaux concernant à la
fois les entités (...) et les types ou les genres de processus qu'elles
comportent. Tels sont les concepts de « tribu » (...)
des « origines »,
des « migrations », et
de « conquête » ».103(*)
Dans le Congo précolonial, pour Vansina,
« l'exemple le plus frappant est le cas des Lulua. Avant 1890, il n'y
avait que les Luba du Kasaï. Mais vers 1959 les Lulua et les Luba
étaient tellement différenciés qu'ils engagèrent
dans de violents conflits. Comment cela se produit -il ? Les premiers
commerçants, Angolais et Européens, qui entrèrent au
Kasaï donnèrent des sobriquets à la population qu'ils
trouvèrent. Un de ces sobriquets survit : celui de Lulua(ou Luba
kasaï). Mais la population se donnait à elle-même le nom de
Luba, comme groupe situé plus au Sud jusqu' au Sud- Est de la
rivière Lulua dans la région de Dibaya vers 1890 les raids de
Ngongo Luteta et de Lumpungu, deux trafiquants d'esclave qui opéraient
pour le compte de Tippu Tib, chassèrent de chez eux des milliers de
membres de ces groupes du Sud -Est, qui gagnèrent Luluabourg où
ils cherchent refuge auprès de l'administration. Ils furent
installés par les Européens et bénéficient des
premiers avantages de la vie coloniale : missions, l'école et
hôpitaux. Très vite ils commencèrent à se sentir
différents des habitants du pays, et ce sentiment partagé par ces
derniers se cristallisa dans l'usage des termes Luba et
Lulua ».104(*)
A quoi Vansina veut -il en venir ? En effet, dans des
nombreux cas dit-il « ce n'est pas la tribu qu'il convient
d'étudier. Les historiens sous-entendent souvent que les tribus ont une
histoire et que l'histoire de l'Afrique centrale précoloniale est une
histoire tribale. C'est ici que prévalent certaines notions
trompeuses ».105(*) En effet : « Culturellement les
royaumes peuvent être hétérogènes (...) ou
inversement des unités politiques différents peuvent appartenir
à la même culture ».106(*) Il faut donc discerner l'histoire culturelle de
l'histoire politique. Il est convenable en histoire politique de ne pas
étudier l'histoire de la tribu qui n'est pas une entité
perpétuelle, d'étudier plutôt l'unité
politique : royaume, village ou lignage. Dans la région culturelle
Lunda, selon la classification de Vansina d'alors, nous avons les Mbagani
(Bindji),Lwalwa, Sala Mpasu ,Sud Kete ,Noyau Lunda, Cokwe, Lunda de l'Ouest
,etc., mais entre 1500 et 1900 l'histoire est étudiée par lui au
point de vue des entités politiques de base ,royaume ,village ou
lignage, chefferie, etc. Les cartes ethniques subséquentes qu'il utilise
sont culturelles à proprement parler ou politiques.
« Plusieurs « tribus » du Haut -Katanga par
exemple sont tellement semblables culturellement que du point de vue de
l'histoire de la culture, elles peuvent être considérés
comme si elles formaient une seule entité. Du point de vue de l'histoire
politique, ce sont les chefferies qu'il convient de distinguer les unes des
autres ».107(*)
Il est plus que révélateur en somme de savoir
qu'une tribu peut être une construction telle que nous le constatons avec
la tribu Lulua. Beaucoup de conflits contemporains, tel celui le plus
énigmatique des tribus du proche Orient, frisent à plusieurs
égards et de plusieurs côtés des réalités
construites artificiellement. Il faut toutefois, à ce moment-là,
assurer les droits y relatifs comme réalité désirable et
moralement acceptable, susceptible de persister pour un ordre mondial durable.
Soulignons que pour Vansina, outre ce qui
précède en ce qui concerne les royaumes de la Savane en Afrique
centrale, « la plupart des documents écrits souffrent d'un
défaut fondamental. Ils traitent d'événements vus par des
yeux d'étrangers se trouvant souvent en conflit ou en compétition
avec les peuples locaux ».108(*) A propos de l'histoire de l'Afrique centrale
justement, Jan Vansina dans cet ouvrage qui est un des premiers en la
matière, évoque entre 1963 et 1964 une seule difficulté
principale mais fort importante : « il se pourrait en effet que
la principale raison de notre ignorance présente soit l'absence
générale d'intérêt pour l'histoire de l'Afrique,
exception faite pour l'histoire des efforts européens accomplis sur le
continent. Il en résulte, hélas, le sentiment tacite que, faute
des sources, il est impossible d'écrire l'histoire de l'Afrique
Centrale. Pareille impression est dénuée de tout fondement et
l'objectif principal du présent ouvrage est de rompre avec toute une
tradition de négligence, et de réfuter le sentiment aussi
général que vague qu'en ce domaine il n'y a rien à
faire ».109(*)
Outre cette difficulté qu'il tente de surmonter par
ailleurs, l'auteur passe en revue « les sources sur lesquelles les
historiens fondent leurs travaux, et (...) certaines des notions de base qu'ils
utilisent dans leur interprétation ».110(*) En
effet, « l'historien de l'Afrique centrale s'appuie
essentiellement sur cinq espèces différentes de sources :
les documents écrits, les traditions orales, les données
archéologiques, les preuves linguistiques, et les données
relevant de l'anthropologie culturelle ».111(*)
Les auteurs comme Karl Marx, Claude Lévi-Strauss,
Jürgen Habermas ou Cheick Anta Diop, pour ne citer que ce dernier
africain, et autres se situent au point de vue général de
l'anthropologie physique et sociale, qui intègrent le
structuro-fonctionnalisme et le néo-évolutionnisme. C'est
là la difficulté qu'évoque Jan Vansina.
Nous devons quitter irréversiblement les approche
structurales a temporelles (fonctionnalisme, structuraliste, systémique,
cybernétique, actionnisme, etc.) pour nous plonger dans le temps de
régime d'historicité longue et africaine, pour nous en sortir,
nous coupler surtout avec une foi inébranlable à la
théologie de libération ancrée en Moïse et au livre
d'Exode.
Le débat porte aussi sur l'historiographie, la
manière d'écrire l'histoire : « Ernest Schulin
conclut son instruction panoramique de l'historiographie globaliste
contemporaine en constatant que l'histoire en général n'est plus
conçue comme un continuum, comme un déroulement ou un processus
qui serait toujours le même, des origines à nos jours. Ces
conceptions évolutionnistes seraient donc dépassées. Pour
Schulin seules deux approches de l'histoire universelle seraient
légitimes :d'une part le comparatisme typologique qui prendrait
pour objet des structures générales ,comme c'est le cas des
travaux de Max Weber,( ...),et d'autre part une historiographie qui se
donnerait des limites spatio-temporelles pour analyser seulement certaines
cultures(et leurs relations )en tenant compte ,cependant ,des interconnexions
sur le plan mondial et des contraintes propres à chaque système
qui les affecteraient ».112(*)
Les avis de Vansina sont presque
péremptoires, « En ce qui concerne la région qui
fait l'objet de notre étude, l'Afrique centrale en l'occurence, le
travail anthropologique effectué jusqu'à présent est
lacunaire. (...) Dans l'ensemble donc, il reste beaucoup à faire en
anthropologie ».113(*) C'est une visée primitiviste
passéiste. Outre les méthodes anthropologiques à
améliorer, Jan Vansina évoque une fois de plus des concepts
fondamentaux pour l'histoire de l'Afrique centrale, spécialement des
Royaumes de la Savane- Luba -Lunda. Ces constructions ont laissé
proliférer un complexe indéracinable des tribus
démographiques plus populeuses au Kasaï (devenues prestigieuses du
fait de nombre : Luba et Lulua) et des « peuplades »
(tribus démographiquement petites : Chokwe, Mbaghani, Salampasu,
Lulua, Mpende du Kasai, Kuba, etc.) restées à jamais
arriérés du fait de nombre !
Au Rwanda, Claudine Vidal, tente de
montrer, « comment l'imaginaire (la Raison) anthropologique
travaille à détemporaliser une formation sociale et, de ses
déterminations présentes, fabrique un passé
mythifié en figures idéales : elles se conjurent sans peine
au présent ethnologique. (...) C'est ainsi que Tutsi et Hutu,
transformés en substances, ne possèdent plus d'autres
réalités que de manifester une structure de caste, ou un
modèle féodal, cela dépend des
auteurs. »114(*) Il y a confusion des unités cultuelles
(Rwandais et Burundais parlent une même langue) et des unités
politiques (monarchie, modèle féodal, royaumes
précoloniaux, etc.).
Pire encore, il faut savoir que l'American Anthrologist
reconstruit la figure de l'Indien sauvage, ses institutions, sa
différence, à partir d'observations réalisées dans
les réserves où sont définitivement confinés les
survivants. Les opérations mentales sur lesquelles repose cette
démarche de réinvention « d'une primitivité
marginale », qui n'aurait pu voir le jour avant cette
réduction définitive, reposait sur un accord tacite de la
profession « l'autorisation qu'elle se donnait de décrire
comme primitives les situations non- conformes à sa
quotidienneté ».115(*) C'est une psychologie primitiviste qui envahit
l'entreprise colonisatrice.
Les sciences actions : des
programmes communs de recherche en sciences sociales
La théorie de l'action part justement de l'analyse des
limitations contextuelles par principe inhérentes à chaque
science sociale. La crise est consubstantielle à chaque
société - chaque anti -thèse et chaque thèse
engendre une nouvelle synthèse précaire faite des nouvelles
contradictions pour parler comme Marx -, elle est comme telle permanente
à chaque degrés de développement, quel que soit le niveau.
Les sciences sociales chaque fois rénovées devaient convenir
à des contextes historiques différents. La crise
financière et celle de l'endettement en Europe aujourd'hui, nous
montrent les limites de la science sociale européenne née dans
des contextes différents. Tout dépend du stade de
développement de la formation sociale considérée. Les
nouvelles situations sont à conquérir par une science sociale
toujours à se rénover.
Quand on suit les analyses pertinentes de Maesschalck ,le
programme de la sociologie des sciences est basé sur la symétrie
des événements et le pouvoir de traduction (de conformité)
du lien entre la science, le discours, l'objet, la nature et la culture. C'est
ce qu'on appelle la rencontre de l'inter-objectivité (le parlement
des objets) avec l'intersubjectivité.
La traduction d'une entité dans l'autre est
déterminée par l'effet d'association, d'intéressement et
d'enrôlement que produit le processus vital (Arendt). Le processus vital
attire les facteurs du processus et les unifie. Ainsi, la recherche -action est
une stratégie d'enrôlement par intéressement. L'habitus qui
se situe au coeur de la recherche -action en tant que opérateur
réflexif est pratique et vital, elle intéresse parce qu'elle
conditionne la vie. C'est une tactique pour l'intéressement. Dans les
opérations des actants non humains sont enrôlés au
même titre que les humains pour servir de médiateur à la
recherche -action. Il y a l'effet de limitation réversible parce que la
transformation des intérêts de l'enrôlé s'accompagne
d'une transformation de l'objet de recherche en fonction de
l'interprétation des enjeux de l'intéressement comme le dit Marc
Measscalck.
Il s'agira ici de tabler plus sur le mode d'intervention et
des stratégies susceptibles d'agir sur le phénomène de
groupe. La recherche -action atteint un palier dès qu'il parvient
à fixer un premier programme et peut tenter de la reproduire à
grande échelle. La stabilisation de l'objet de recherche permet quant
à elle à un deuxième niveau de croiser une exigence de
constance séquentielle du cadre d'opération avec l'exigence de
transférabilité du réseau à grande
échelle.
Pour illustrer, nous nous sommes intéressés
à des travaux intéressants menées par le professeur Marc
Maesschalck, dans le cadre de l'éducation des adultes. Maesschalck est
professeur à l'université catholique de Louvain, et travaille sur
les théories de la norme et de la gouvernance. Il a écrit
plusieurs articles là-dessus116(*). Ses recherches se situent à la fois dans le
domaine de la pratique sociale et dans le domaine de la recherche
théorique dans la convergence entre les sciences sociales.
Du côté de la pratique sociale, il s'agit de la
formation des adultes destinée à des interventions en
alphabétisation, en insertion professionnelle, en médiation
interculturelle, en éthique clinique, etc. Ces champs sont notre axe
pratique dans notre recherche. L'ajustement de la recherche dépend d'un
choix par rapport à une interprétation constituée, alors
que l'ajustement des intérêts vise à une
réévaluation de ceux-ci en les dépossédant de leur
détermination du résultat de la recherche.
Dans l'habitude il n'y a pas de nouveauté, l'habitus
tient compte de la nouveauté. Il s'agit de voir à chaque fois la
cohésion du contexte historique des événements. La
recherche -action consiste à trouver cet élément
médiateur qui lie le discours (science), l'objet, la nature et la
culture au lieu de se contenter des ajustements partiels. Il faut dans la
recherche chercher là où la coupure est introduite. Par exemple,
les normes produites obéissent à l'état de la mise en
oeuvre de la technologie sous - jacente à l'époque
considérée. L'oralité, l'écriture, la radio, la
télévision, l'internet, impriment à la
société chaque fois des rythmes différents. La question
à poser est celle de savoir circonscrire les limites contextuelles,
parce que le discours (scientifiques) sont , pourront-ont dire , particuliers
à l'évolution de chaque société.
La pluralité théorique est un problème
tant qu'elle se définit comme un horizon simplement nominal de l'agir
scientifique : une célébration esthétique du savoir
à grande potentialité d'action et non d'action réelle. Ce
type de savoir est celui qui s'auto- représente dans sa validité
en tant que concept nominal. Il faut séparer l'activité de
représentation (plan nominal) de l'activité d'effectuation (plan
réel).
La recherche - action reprend l'hypothèse de la
traductibilité entre objet-discours-nature-culture. Il faut chercher
ainsi la ligne de partage où la réflexion procède à
l'idéalisation des composantes stratégiques en les
séparant de l'incertitude du calcul qui les traverse dans leur
effectuation. En effet, l'idéalisation des stratégies d'insertion
n'est jamais que rétrospective et cet idéalisme appartient
à la science en acte comme pouvoir organisant.
La science en action n'apparait qu'à travers ses
traductions dans des réseaux associationnistes de pouvoir de solution.
Sans cette traductibilité, la science ne pourrait s'effectuer
socialement ni prétendre à une fonction sociale, elle est
éprouvée inefficace par tous, au Congo on dirait « les
intellectuels ont abimé le pays ».
Il s'agit de savoir quelles stratégies (actions
stratégies) mettre en oeuvre pour sonder le lien et le lieu profonds qui
soudent l'objet - le discours - la nature - la culture. On ne peut
s'arrêter à la considération d'une science ambiante en
puissance (purement acceptable selon des critères qu'elle contribue
elle -même à forger), sinon passer à la science en acte,
celle qui se traduit dans la réalité sociale et vise
concrètement son acceptable. La science n'est identifiable que dans la
traduction de sa validité, comme savoir-action ou savoir en acte.
La tâche de la recherche -action est aussi celle de
réfléchir sur la maitrise - servitude à l'équilibre
précaire. La science pour les hommes et non la science pour la science.
Nous devons ici interroger le rôle médiateur des savoirs.
Nous vivons à notre époque avec une
pluralité des savoirs sans traductibilité, marginalisant ainsi
les limites contextuelles et privilégiant une vision idéaliste de
la science. Ces sciences potentielles pullulent en Afrique. L'exigence de
traductibilité des savoirs renvoient à leur insertion dans les
limitations contextuelles se servant ainsi de la voie d'une traduction de
l'opération réflexive de la production, de la religion, de
l'idéologie selon le cas.
L'opérateur réflexif est pour Karl Marx
formé des facteurs de production, de la base économique, le
fondement de l'unification et de génération. Une dernière
instance dans le processus de génération et de l'unification. Les
autres auteurs instituent la notion de « monde
vécu » (l'habitus) comme opérateur d'unification et de
génération. Habitus : l'action de la science, et liaisons
symboliques ou moyen de l'opérateur réflexif. La coupure entre
l'objet et son réseau socio -technique est une vue purificatrice de
l'esprit qui n'est possible qu'en certains moments privilégiés de
l'histoire d'un processus de traduction nature/ société/ culture/
objet/discours.
La recherche nous permet de normaliser (ou relativiser) les
prétentions normatives des sciences sujettes à toutes les
époques. Entre nature et société il n'y a pas de
frontière déterminable a priori. Le problème d'une
limitation concrète à partir d'un conflit de catégories
historiquement situable devient un problème de limitation en soi. Sans
percevoir la limite, la science devient un simple emballage du langage.
L'évaluation des pratiques discursives condamnés à
n'être que des « objets évanescents »
fabriqués pour refléter son certitude face à l'histoire
quant à elle bien réelle.
La recherche vise la fabrication d'un savoir positif qui tient
compte d'une conception procédurale de la nature ou de la
société. L'acceptation d'une discipline ultime est postulé
problématique par le sens de la proceduralisation. Les ordres normatifs
constitués semblent du fait des changements se dissoudre et sont
ramenés à l'indétermination de leurs conditions
d'émergence ou de fixation. Le proceduralisme historique des
sociétés est la condition de l'interdisciplinarité
même.
Lorsqu'on prend le chemin de l'effectuation, on ne peut se
contenter d'un schéma idéaliste de perfomativité des
représentations normatives. Pour s'effectuer, toute entreprise
scientifique est tenue de traverser et de transformer un milieu tout autant que
celui d'ailleurs l'assimile et la traduit (le transfert de technologie et de la
science où s'imbriquent science et contexte, histoire et
réalité sociale pour permettre un impact social à grande
échelle.
La recherche- action égale la réflexion, un
point d'équilibre dans un processus d'effectuation de la
réflexion-action. Un point d'équilibre qui permet de ressaisir un
réseau d'association et de substitutions d'humains et de non humains qui
ont permis de traduire et de transformer un objet de recherche en objet social
reconnu. Le problème ce que l'objet se détache comme un
avant-plan sur l'avant-plan sur l'arrière-plan de la foule de ceux qui
le soutiennent.
La culture est une production des techniques mises en oeuvre
à un moment donné. Qu'est-ce qui nous obligent à faire
intervenir l'interdisciplinarité en science sociale ? L'exigence de
l'interdisciplinarité en Afrique et dans le monde est réelle,
face à l'incapacité relative des sciences sociales de se
renouveler rapidement et de donner des réponses aux crises à
chaque contexte historique nouveau. Ce contexte change suite au changement
d'infrastructure de production des biens symbolique ou matériels.
La situation crée un nouvel équilibre qui
demande d'intégrer les savoirs constitués à la nouvelle
réalité. Ce savoir constitué au sein d'un ensemble des
principes discursifs (issus de ces rationalités toujours limitées
aux contextes historiques anciens) de l'intersubjectivité du monde de
l'action.
Récapitulons. Quelles sont les concepts qui peuvent
assurer l'interdisciplinarité de la théorie
sociale aujourd'hui ? Nous allons essayer d'analyser dans un cadre
interdisciplinaire trois notions qui sont aujourd'hui au point de départ
de trois paradigmes fondamentaux en science sociale.
Le point de départ de cette théorisation est
justement la doctrine de « tout et ses parties » : le
tout renvoie à la primauté de la structure et les parties aux
actions sociales ou aux comportements. Le « tout » c'est la
structure (l'organisation, le groupe) et la « partie »
c'est l'action ou le comportement humain inhérent. Il s'agit donc de
ces notions dérivées de structure, de l'action et du monde
vécu (ou habitus) tenter de modéliser l'activité sociale,
comprendre tout ce qui se fait dans la société mais qui traverse
la culture et la personnalité. La notion de monde vécu s'incruste
entre la totalité et l'individu.
Les trois notions sont la base des programmes
multidisciplinaires en science sociale dans une perspective aussi bien d'une
méthodologie qualitative que d'une méthodologie quantitative et
statistique. Nous privilégions l'approche qualitative. Le paradigme de
l'action est une réaction au paradigme structural pour introduire dans
le modèle d'analyse la notion de l'intentionnalité. La structure
ou le système induit un modèle abstrait qui consacre la
primauté de la totalité en science sociale sans
intentionnalité des agents, ils sont considérés comme
simples patients.
Toutefois, les théories générales
actionnistes sont élaborées dans le cadre
spécifique : ou bien elles font parties des théories du
choix pur (ou rationnel) , ou bien elles restent dans le cadre
catégoriel de la théorie de l'action, ou elles font partie d'une
science générale du comportement ».117(*) Le « monde
vécu » se définit comme la base d'un programme de
recherche multidisciplinaire en sciences sociales et humaines qui englobe les
deux autres paradigmes. A propos, les deux paradigmes dominants en sciences
sociales : celui de l'action (la théorie du choix rationnel et le
cadre catégoriel de l'action) et celui du système (le
fonctionnalisme, le structuralisme, et autre cybernétique) se
reconstruits dans le paradigme de monde vécu. Tous ces trois paradigmes
présentent une base théorique très large d'une pratique
interdisciplinaire des sciences sociales.
Le contextuel d'élaboration des sciences
sociales au Congo et en Afrique
Une certaine tendance idéologique libérale peut
convenir que l'espace pertinent d'élaboration des sciences sociales a
toujours été l'espace national. On peut donc dans cette logique
se demander aujourd'hui à propos, quels sont les résultats
pratiques endogènes pour des recherches effectuées par des
congolais de renoms mais expatriés depuis comme Yves Valentin
Mudimbe ? Il faut préciser que la position actuelle de Mudimbe que Jean
Copans qualifie d'hyper moderne, c'est-à-dire cette insertion
internationale de pointe des recherches congolaises et africaines au
détriment de l'insertion nationale et locale devrait ainsi imposer le
recours à de nouvelles stratégies et à une philosophie de
plusieurs ajustements. Dans le cadre de l'internationalisation de la lutte
prolétarienne, que nous croyons encore d'actualité, l'espace
national n'est plutôt pas pertinent.
Lorsque produite à l'étranger ou par
l'étranger (par exemple l'oeuvre de Benoit Verhaegen au Congo- Kinshasa,
certains l'impliquent dans la mort de Lumumba ) , le rapatriement africain des
sciences sociales exigerait un travail de connexion à leur environnement
institutionnel, social et culturel d'origine sans préjudice du fait que
les chercheurs africains avangardistes se mettent normalement à la
disposition des espaces qui sollicitent la compétence de tous.
Aujourd'hui les études africaines sont soumises aux lois du
marché de l'expertise qui sont largement panafricaine et internationale.
La situation est au demeurant complexe, les Etats africains
font malgré eux de plus en plus recours, forcés souvent par des
contraintes bilatérales ou multilatérales de
conditionnalité, à la consultance internationales au
détriment des compétences locales organisées (les Centres
de recherche officiels sont laissés, en ce qui concerne le Congo,
à l'abandon) face au développement des ONG nationales qui ouvrent
un marché du travail interne.
L'enjeu, c'est l'enracinement des communautés des
chercheurs africains qui doivent s'ancrer dans les communautés
d'origine locale ou idéologique, ce qui comporte des conséquences
sur l'efficacité de la médiation des savoirs, les champs de
l'action s'en trouvant bouleversés. La continuité des espaces
territoriaux et idéologiques qui deviennent conflictuels dissolvent les
repères de l'action et de la pensée stratégique, dont la
transnationalité des phénomènes étudiés doit
être bien conceptualisée. Si les savoirs et leur médiation
vis-à-vis de l'action apparaissent comme superflus et sans aucune
justification culturelle, les études africaines deviendront une simple
spécificité ésotérique et une forme purement
esthétique de la « modernité », sans
pertinence pour le progrès social. C'est ce que la production
scientifique des intellectuels africains est en gros devenue. Sans impact
aucun, les kinois disent : « ba professeurs (intellectuels)
ba bebisi mboka ». Entendez, une tradition littérale : La
langue française a foutu le pays en l'air. Le savoir des intellectuels
n'est d'aucune utilité pour résoudre des problèmes
collectifs.
Pour Jean Copans, les théories élaborées
en Europe et pour l'Europe peuvent être appliquées aux
pays de la périphérie mais il ne faut pas oublier que les
théories sont des élaborations sociales, culturelles, et par
conséquent relatives, c'est-à-dire datées historiquement.
Le capitalisme périphérique doit maitriser la multiplicité
des espaces de production scientifique, qui se présente comme une
constitution d'un ensemble disparate dû aussi à une
pluralité d'historicité. L'étape d'évolution
historique des formations sociales considérée permet une
intériorisation des objectifs globaux et la perception des besoins
ultimes actuels de la société. C'est peut-être là
une série des obstacles le plus puissant à l'évaluation
des effets de la science sociale.118(*)
Des telles situations ont abouti à la dispersion
considérable des savoirs et des traditions donnant lieu selon Copans
à trois types des sciences sociales africaines : la distinction
entre l'africanisme du dedans et celui du dehors, les sciences sociales
« régionales » ou
« géoculturelle », et les traditions nationales
centrales.
L'Histoire et la Critique des Sciences Sociales en
Afrique contemporaine à l'heure des bilans de cinquantenaire des
indépendances africaines est une de ces voies indiquées pour
tenter de dresser un tableau évaluatif des recherches sociales qui ont
été menées sur l'Afrique et les divers résultats
pratiques subséquents. Plusieurs faits peuvent être relevés
touchant la critique externe et la critique interne des sciences sociales en
Afrique. Il faudrait d'ores et déjà distinguer dans l'analyse les
lieux de production factuelle et pratique, et les lieux de production
conceptuelle et analytique des sciences sociales. Ces différents
contextes aident à mesurer, selon Copans , tout le travail à
faire en vue de « rapatriement » africain des sciences
sociales en comblant plusieurs distanciations :
- avec premièrement le pouvoir colonial (ou
néo- colonial), l'exigence d'une grille de lecture alternative
concomitante, non subalterne, des africains eux-mêmes de la situation
africaine,
- avec deuxièmement les corpus centraux des
disciplines pour qui l'espace pertinent ne peut être que l'espace
national - les sciences sociales sont nées dans le contexte de la
conquête et de l'expansionnisme européen,
- et avec enfin le processus de l'autonomisation scientifique
africaine.
Notre hypothèse pour palier à cette situation se
réfère à la théorie de back ground. Le contenu
sémantique des énoncés scientifiques ne suffit pas en
lui-même, il faut tenir compte d'un Arrière-plan en tant
schèmes pratiques pour donner tout le sens des choses sociales. L'action
de scientifique se situe dans un contexte, ce qui refuse l'idéalisation
de la vérité en science s'inscrivant dans le développement
théorique qui est incrusté au sein de processus de socialisation.
Cette situation permet de considérer chaque développement
théorique dans son contexte d'effectuation non coupé de nos
mythes fondateurs. La recherche scientifique s'inscrit aussi in fine dans un
réseau de négociation socio- technique.
L'Arrière-plan est en définitive cette
pré-condition de la représentation linguistique ou mentale.
C'est revenir à l'habitus commun des scientifiques comme lieu primitif
à investir. L'arrière-plan local et profond des chercheurs
contextualisent les sciences sociales en Afrique qui doivent être
tournées vers la réalité sociale africaine. La perception
de l'espace et du contexte devient un lieu qui implique tout le monde. Cette
systématique que nous proposons restitue le contexte de l'action
rationnelle et le schème de la logique pratique.
La
science et les pauvres
Les questions des misérables et des pauvres à
grande échelle ne sont toujours pas résolues en Afrique, ceci
contraste avec la production industrielle et la surabondance issues des
techniques agricoles et de sciences de management de plus en plus
affinés dans les pays occidentaux ou des pays d'obédience
occidentale. Les institutions internationales ont suggéré
l'appui des sciences sociales et humaines en Afrique, mais la situation reste
mitigée, pourquoi pas alarmante ? Les sciences pérennisent
-elles sinon aggravent-elles la situation des pauvres ? De quelle science
s'agit -t-il ? Que faut -il faire face à cette situation
sociale de l'Afrique qui s'empire ?
On remarque que d'un point de vue de l'histoire des sciences
sociales et humaines, l'Afrique a gardé contradictoirement la dynamique
perverse impulsée depuis par les sciences coloniales. Où la vie
familiale s'identifie encore aux souffrances structurelles, à une
pauvreté économique, sociale et psychologique, produits des
constructions des identités précarisées et des tendances
démographiques explosives des villes coloniales. Ce qui
préoccupe, pour être plus concret, c'est par exemple la nature du
travail qui souvent est précaire en ce qu'il favorise la construction
sociale de soi et des itinéraires de réussite individuelle
coupées des ressources culturelles collectives sur fond de besoin accru
de reconnaissance par l'Occident de tout ce que nous faisons.
La mobilité sociale en Afrique ne dépend pas de
la réussite scolaire sinon de la chance, ceci a amené à de
changements drastiques des valeurs et à l'émergence de la
violence généralisée et celle des jeunes laissés
à eux-mêmes.119(*) Les villes africaines constituent un univers
où la vision de l' « autre » est de plus en
plus négative : où l' « autre » est
ressortissant d'une autre tribu ou d'une autre ethnie (déjà le
Congo est une mosaïque des tribus, plus de 400 en tout), et donc de moins
en moins solidaires. D'où de nouvelles formes émergentes
d'exclusions, sources d'inégalités sociales.
Dans les grandes cités africaines la
réalité sociale présente une sorte de
généralisation de la violence explosive, perçue au niveau
des jeunes seulement comme la pointe de l'iceberg, une violence qui est au fond
collective. On observe de plus en plus une collaboration inédite du
policier avec des jeunes déviants qui extorquent par la violence, ils se
partagent les fruits de la besogne avec le policier ! Disons, une autre
réalité sociale que le temps colonial n'a pas produite
directement, mais sa base lointaine. Le surgissement de nouveaux
phénomènes sociaux étonnent.
Cette généralisation est comprise au
sein même d'une vie cantonnée dans des espaces marginalisés
et discriminés ; les jeunes citadins dorment de plus en plus
à la belle étoile campés dans des carrefours - ce sont
là des lieux de solidarités perverses et perverties investis par
des enfants-soldats mal démobilisés - des lieux qui font
émerger des prises de risques inimaginables et inédites de
coupeurs de bras. Cette forme de violence est paradoxalement la recherche de la
valorisation de l'image de soi. La succession des événements
tragiques semble avoir produit des hommes et des jeunes nouveaux, et des
interactions inédites ces dernières vingt années.
Comment psychanalyser ces nouveaux hommes que
nous sommes ?
Il y a deux grandes figures de violence ici, une
inscrite dans une violence pour obtenir des gains matérielle et l'autre
pour l'obtention de gains symboliques de reconnaissance de soi. La
spécificité ,au demeurant, est l'émergence de nouveaux
types d'hommes , des femmes et des jeunes qui vivent sur le fil et de nouveaux
« espaces publics » où se construisent de nouvelles
identités urbaines, en milieux pauvres des bidonvilles où
s'expriment la violence sociale, devant l'inefficacité totale des
politiques publiques.
Comment d'un point de vue de l'histoire des
sciences en Afrique comprendre ces problèmes ? En particulier, le
ressort profond de comportements des vieux et des jeunes dans ce
contexte ? Et l'avenir du continent ! La dynamique sociale lance
chaque fois de nouveaux défis. Il y a sommes toutes des causes
lointaines liées à la persistance de la souffrance sociale et des
causes proches liées à un univers mental, langagier et interactif
local pervertis.
Les sciences et les technologies sont les
premières forces de production. Quelle recherche scientifique
lancée dans la mesure où c'est la science coloniale d'abord et
néocoloniale ensuite elles-mêmes qui sont d'un point de vue
épistémologique en question ! Y.V.Mudimbe présente
correctement la question. Comment faire face dans l'urgence à ces
problèmes complexes ? Nos universités sont certes
elles-mêmes en question, dans quel sens ? Dans quel sens approcher
ces questions dites épistémologiques profondes ? Telle est notre
problème.
Au lieu de miser habituellement sur les aspects
psycho -sociaux de la pauvreté qui en sont les conséquences
ultimes, nous essayons de cerner les principales caractéristiques du
champ de leur production. Poser la question de savoir : comment faudrait -il
envisager l'appropriation intrinsèque du pouvoir des sciences et des
techniques par les individus eux-mêmes et les collectivités
elles-mêmes, comme aspects prioritaires pour que les gens se prennent
fondamentalement en charge eux-mêmes en se pensant autrement ?
Quelle est l'action radicale, en tant qu'elle ne peut être que
scientifiquement à construire pour agir sur les déterminants de
cette pauvreté que l'on combat par les Etats modernes ? Les
conséquences ultimes en sont : l'état de la pauvreté
psycho-social, de la pauvreté monétaire et de la pauvreté
de précarisation des relations sociales ? Comment envisager une action
scientifique intersectorielle comme ressources ?120(*) Ne faut-il pas recourir
à l'utilisation de stratégies et de méthodes
d'intervention des sciences des sciences : de
l'épistémologie, de l'histoire des sciences et de la philosophie
des sciences.
Bref rappel de la
genèse de notre réflexion
La question ne se limite pas à
l'Afrique ? Cette réflexion est partie d'une conférence dans
le cadre du lancement des « Ateliers sociaux nord - sud sur le
social », une a.s .b.l. de droit belge que nous codirigeons avec
un compatriote du nom d'Oscar Mpoyi Tshimuanga, en partenariat avec un panel
de plus de 26 associations des immigrés subsahariens oeuvrant en
Belgique. La conférence s'est tenue le Jeudi 28 Octobre 2010 à 19
Heures à l'Espace Matonge, 78, Chaussée de Wavre à Ixelles
à Bruxelles. Il s'agissait de contribuer aux solutions de la violence
des jeunes des familles des immigrés sud- sahariens basés
à Bruxelles.
C'est la transversalité des
problèmes des africains qu'il soit en Afrique ou qu'il soit en Europe
qui frappe. En guise de diagnostic, nous venions de suivre une autre
conférence sur le sujet de la pauvreté en Belgique à la
Grande Ecole de managers sociaux à Louvain-La- Neuve, Ecole
envisagée comme la solution qui forme les assistants sociaux, une
formation qui n'est pas organisée dans notre pays.
La conférence portait sur le risque de la
pauvreté en Belgique dans le contexte de l'insertion des plus
vulnérables. En effet, hormis ceux que l'orateur a qualifié
d'ivrognes, des sans logis, les SDF, c'est la femme célibataire belge
ayant à sa charge deux enfants qui était susceptible de risque de
la pauvreté si elle vivait avec moins 875 euros le mois. Pour
pallier aux problèmes qui risquerait de s'exaspérer à
terme avec par exemple le refus de certaines multinationales aujourd'hui
d'investir en Belgique parce qu'elles préfèrent aller là
où les allocations sociales sont faibles sinon inexistantes, comme en
Afrique. Le conférencier a préconisé
l'élargissement des espaces publics à tous, c'est-à-dire
faire en sorte que la voix de tout le monde soit entendue dans la recherche des
solutions collectives.
Comme vous pouvez vous rendre compte, la solution au risque de
pauvreté en Belgique se porte sur l'investissement social à faire
au sein des espaces publics. Ils partent d'une hypothèse construite
autour de la notion de l'espace public concret qui vise le changement de
comportement basait à chaque fois sur le choix de porte- paroles de
groupes, de reconnaissance entre groupes et des engagements des acteurs
collectifs dans de cadres incitatifs de construction de nouvelles normes
sociales. La notion de l' « espace public concret »
est différente à des espaces publics abstraits, la
communauté des scientifiques en action et en situation en est un.
En Rd Congo on dirait qu'on a des scolarisés
armés des diplômes jusqu'aux dents, mais pas assez d'intellectuels
au sens où ils sont capables de trouver de solutions aux
problèmes que posent leur pays. Les diplômés africains
doivent être engagés dans le processus d'apprentissage et
d'acquisition de nouveaux comportements.
L'espace public africain est particulier, amorphe, c'est un
espace de discussion désintégré, ayant de porte-paroles
auto- proclamés, un ensemble des arènes publics multiples qui se
chevauchent allant de bistrots de misère, aux kiosques de journaux des
parlementaires « debouts »(expression consacrée de
discutailleurs postés tous les jours devant des kiosques de journaux
kinois) qui discutent de la une,et de grands acteurs médiatiques
affairistes.
L'espace public africain est
hétérogénéisé et non suffisamment
différenciés, c'est un tissu discontinu d'une grande
complexité, ramifié en une multiplicité d'arènes
des tireurs de files qui se chevauchent, aussi bien internationales que
nationales, régionales, municipales. Les espaces publics concrets sont
nos villages fondés sur le capital terre en instance de spoliation par
des multinationales en connivence avec les villes. Il est
différencié en niveaux en fonction de la densité de la
communication tissée dans l'histoire et l'expérience
millénaire. Une organisation naturelle et simple, ayant un rayon
d'action nationale. Ces différents niveaux allant de l'espace public des
villes épisodique et pauvres campés dans de terrasses
consommateurs immodérés de la bière locale, des
cafés «milanger » ou
« malawa »(de restaurants de misère) et des
rues, de l'espace public dépendant créé par les mass media
inféodés par le régime politique sans scrupule et par
procuration et un espace public composé des lecteurs de simples titres
de journaux, d'auditeurs à la fois isolés et globalement non
spécialisés, un espace public non organisé, en
présence des participants passifs, des consommateurs sans
modération de théâtrales populaires et de matches de Foot
Ball étrangers (lieu de refuge) , des conseils de parents
d'élèves lassés , des concerts religieux et profanes peu
scrupuleux , des réunions de partis non démocratiques ,des
conférences ecclésiastiques interpellateurs
détestées par le pouvoir, etc.
En contradiction flagrante avec la pauvreté de la
Belgique où il y a plutôt risque de pauvreté qu'en Afrique
subsaharienne, ici sévit un état d'extrême misère
selon les critères reconnus des instruments internationaux, les
pères de familles vivent avec moins d'un dollar le jour, soit moins de
30 dollars le mois.
Depuis 2006 les choses étaient entrain d'évoluer
rapidement avec Pékin, la Chine, pays semi -colonisée comme nous
,et ça inquiète certains milieux occidentaux. La Chine a fait de
la science la première force de production dont les résultats de
tant d'efforts bénéficient aujourd'hui à l'Afrique et
au monde de pauvres : nous sommes depuis 2006 en ce qui concerne l'argent
chinois prêté ou donné à 10,7 milliard de dollars
au Nigéria, à 10 milliards de dollars pour le Soudan, à
3,6 milliards de dollars en Afrique du Sud, à peu près 8,8
milliards de dollars pour la RDC, à 2,6 de milliards de dollars pour le
Gabon, à 3 milliards de dollars pour l'Ethiopie, à 2,18 milliards
de dollars pour le Mozambique, etc.121(*)
Si les tendances se maintenaient la solution à long
terme devait aller dans le sens d'une stratégie d'accompagnement
national de résolution de la question de la nourriture, et après
essayer d'intégrer les espaces publics concrets à
l'échelle africaine d'abord et à l'échelle mondiale
après, pour faire entendre la voix de l'Afrique. La solution durable
devait passer par l'appropriation de la science par les africains
eux-mêmes et un droit de veto. Les premiers à faire entendre la
voix des africains sont des savants africains pour déconstruire le
potentiel actif des sciences néocoloniales des institutions
internationales ?
Vers la revendication du Projet
épistémologique africain
Repartons de la Modernité pour parler de la
revendication épistémologique africaine, modernité qui est
marquée par une structure particulière des
événements survenus depuis le XV ème siècle
européen, événements qui déterminent encore le
cours du monde. Il s'agit notamment par la pensée analytique toute
puissante et dualiste, par la découverte du nouveau monde, par l'amorce
du commerce triangulaire ayant pour point de cristallisation l'essor de
l'Amérique, par la naissance de la science expérimentale, par la
naissance des Etats-nationaux européens avec l'absolutisme, et par la
réforme protestante. Pour nous africains, nous sommes encore liés
à ces événements par la colonialité, par la
structure de la modernité qui est foncièrement liée
à l'exploitation de l'homme par l'homme.122(*)
Au plan philosophique cette modernité
occidentale, qu'en est-il au juste ? Elungu Pene Elungu rappelle
qu'elle est une revendication de la centralité illusoire de l'Homme face
à la Nature et surtout à l'Auteur de la Nature ; c'est un
projet anthropocentrique. Ce projet est au centre de nos universités
africaines, c'est une philosophie du Sujet, une philosophie de la Conscience,
et un Projet d'absolutisation de l'homme sans l'Auteur de la Nature.
La réforme protestante est la dimension religieuse du
projet qui saisit l'homme comme liberté de Conscience : l'homme
doit devenir souverain et autonome, le guide de lui-même. Un homme veut
donc sortir de la religion extérieure pour une religion
intérieure.
Le XV ème siècle européen est non
seulement marqué par la reforme protestante, mais aussi par la naissance
des Etats-nationaux en Europe. La « modernité
européenne » est aussi un projet politique qui s'accompagne de
l'absolutisme et de l'impérialisme.
La dimension économique du projet est amorcée
par l'essor du commerce triangulaire, l'amorce d'un processus d'accumulation
des capitaux au moyen d'une expansion européenne grandiose qui aboutit
au XIX ème siècle à l'industrialisation de l'Europe
après une révolution agricole perverse au moyen de l'esclavagisme
dans les champs de cannes à sucres en Amérique. C'est la
découverte du nouveau monde.
Ainsi, l'expansion du système moderne se fait par
l'esclavage et la colonisation. La colonisation arrache
l' « Autre » de l'humanité de tout :
l'africain, l'Indien et l'aborigène sont arrachés de leurs
terres, de leur art, de leur langue, et de leur histoire. C'est un
système libéral industrialisé d'un « macro-
sujet » européen, d'une monade étatique aux allures
amorales.
La modernité européenne voit la naissance des
sciences expérimentales qui aboutissent par son modèle dominant
de la physique-mathématique à la naissance des sciences sociales
et humaines modernes au XIX ème siècle avec la sociologie et la
linguistique comme sciences sociales et humaines pilotes. Ce sont des sciences
des civilisés. Et l'anthropologie sociale prospère comme la
science sociale - mère en même temps que l'extermination de
l'homme avance irrémédiablement.
La
crise de la modernité occidentale et les revendications
épistémologiques
Le Projet moderne entre gravement en crise dès l'aube
du XX ème siècle, il se solde par de longues et de grandes
guerres. La crise financière actuelle n'en est qu'une lointaine crise.
Viendra par la suite la période des revendications occidentales d'un
Ordre nouveau qui passe par l'exigence de la redéfinition d'une vision
de l'homme respectueuse de ses droits l'Homme et la naissance de la
Société des Nations puis de l'Organisation des Nations Unies
comme expressions de cette revendication.
Cependant, les droits de l'Homme ne concernent que l'Occident,
ils s'opposent curieusement au droit à la différence des peuples
du tiers monde, le marché s'oppose à la culture exotique, l'homme
abstrait s'oppose au travail concret.
La revendication épistémologique ,en Europe
déjà, d'un nouvel Ordre fait naitre des sciences dites nouvelles
avec le projet décrit par des contemporains occidentaux comme Herbert
Simon, Edgar Morin, Jean Piaget, Wiener... contre le paradigme dominant.
Dans le tiers-monde, en Afrique noire en particulier les
revendications politiques passent par la réclamation des
indépendances politiques123(*) bien sûr, et l'amorce en philosophie de la
définition d'une nouvelle vision de l'homme et de la
société fondée sur le tempelsianisme au départ du
Congo-Kinshasa, ce qui fut vécu autour des années 1945 comme une
véritable onde de choc, en même temps que le senghorisme qui se
battait contre sa soeur , l'anthropologie de Cheick Anta Diop dans la plupart
des pays africains ex-colonies françaises. La négritude est
perçue comme une véritable célébration
esthétique d'une hyper- modernité africaine qui s'enracine au
point de départ des Etats Unis d'Amérique avec les noirs de
là.
Dans la foulée le projet épistémologique
d'Yve Valentin Mudimbe est sémiotique, on s'en doute, il cherche le
Signe, la métaphore, et l'image sous lesquels il faut renouveler la
science africaine, l'homme africain, sa culture et sa société.
C'est dans cette foulée justement qu'aujourd'hui nous rappelons le Signe
africain, le signe oublié de « scarabée » qui est
à la base d'une vision naturaliste de la science, on peut pour cela
penser à la philosophie non anthropocentrique de procès de
Whitehead, du monde comme organisme vivant. Une jonction
épistémologique avec la force vitale de Placide Tempels offre
à cette posture un schéma de pensée qui renouvelle
l'édifice scientifique universel. C'est le projet de recherche de
« métaphores » de modélisation pour la
rénovation scientifique. Lucien Sfez, par exemple, met en question
l'ambition déclarée des sciences nouvelles (sciences
informatiques, science de la décision, science de gestion, sciences de
la communication, etc.) de résoudre tous nos problèmes par la
communication sur quoi jure un Jürgen Habermas : bonheur,
égalité, etc. Et propose de recourir aussi au choix des
« métaphores » puissantes pour construire des
nouveaux modèles.
La pensée nouvelle cherche à restituer le
contexte de l'action rationnelle et le schème de la logique pratique.
Avec ce projet fini le vieux clivage entre science de la nature et science de
la société. On pense aussi bien la Nature que l'artificiel et le
design. Un projet épistémologique bien plus ancien.
« Jean Piaget (1967) dans une réflexion d'une exceptionnelle
richesse, « classification des sciences et principaux courants
épistémologiques contemporains », a proposé un
recensement qui constitue encore aujourd'hui une base de départ
indispensable et probablement complète, des (courants qui sourdent au
sein des civilisations orientales, amérindiennes ou africaines, mais il
ne semble pas, dit-il, que nous soyons beaucoup mieux armés quinze ans
plus tard) ».124(*)
CHAPITRE TROISIÈME :
L'ESQUISSE DE L'HISTOIRE DU DROIT
ET DES FAITS SOCIAUX JURIDIQUES
Quelques problèmes de sciences juridiques en
Afrique et dans le monde
Nous partons de l'intégration encore difficile en
Afrique du droit positif et de droits fondamentaux dans la transformation du
droit coutumier en Afrique post- coloniale et de la mondialisation juridique.
Le droit congolais par exemple, reste marqué par le dualisme, entre deux
droits judiciaires, deux droits de la famille, l'un écrit et l'autre
coutumier.
Cette situation est probablement dû au fait, ici nous
recourons à Karl Marx, que la transposition des rapports sociaux de
production (droit positif de la famille juridique romano-germanique qui se
greffe sur nos droits civils coutumiers à prédominance
matrilinéaire ) d'une formation sociale étrangère qu'est
l'Europe ,ont été plaqués par le colonisateur , comme de
greffons sur une formation sociale située encore au niveau ou au stade
de production préindustrielle comme c'est le cas du Congo. Ceci ne peut
fonctionner correctement en dépit du fait qu'une commission de reforme
et d'unification fut instituée (loi n° 71 /02 du 5 juin 1971), et
bien d'autres commissions de réforme par la suite.
Des réformes ont été
opérées dans ce sens en droit de la famille et en droit foncier
(le droit traditionnel congolais est fondé sur le droit de dynasties du
sang). Nous allons développer cette hypothèse avec l'ethnologie
juridique au Congo. Aux problèmes internes, il faut ajouter le fait que
la RD Congo est engagée dans la mondialisation juridique, notamment dans
l'organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique(OHADA).
Cette évolution, de façon générale, constitue le
contexte dans lequel les scientifiques juristes constatant le changement des
faits bricolent de les rapportent à des normes.
Les faits sont des représentations implicites
qui expriment la théorie sociale. Les représentations
langagières ou mentales sont de constructions sociales et historiques et
non des reflets des situations. D'où l'intérêt pour nous
à examiner ce que nous entendons par les expériences sociales
juridiques de peuples ou « réalité
sociale juridiques» et le changement de contextes.
Quelques mutations sociales de la réalité
juridique
Un changement social du droit de la nature (idéologie
du modèle juridique libéral) s'est produit, depuis le XIX
siècle en Europe. La superposition et le remplacement, dans le droit
privé, du modèle juridique libéral par celui de l'Etat
providence sous la prémisse de la séparation de l'Etat et de la
société. Après la seconde guerre mondiale, lorsque ce
processus (ajouter à cela l'intégration des droits fondamentaux
dans l'élaboration de droit public, i.e. constitutionnel) fut
accéléré, même les lamentations sur la
désintégration de l'ordre juridique et les définitions
proposées dans l'urgence ne suffisent point pour classer les nouvelles
situations juridiques dans les catégories traditionnelles.
Aujourd'hui, la contestation fondamentale et violente sur les
valeurs applicables à la vie sociale qui marque notre époque ne
parait plus pouvoir être arbitré par un droit construit dans les
perspectives du positivisme juridique. La gravité de l'échec du
jusnaturalis (droits humains) tient aussi aujourd'hui à son
incapacité de fonder solidement le droit international devant
l'intensification des relations internationales et l'inexistence de la
solidarité internationale, l'appui qu'il a accordé au
volontarisme étatique et à la signification outrancière de
l'idée de souveraineté.
Le formalisme dont le Droit est empreint est loin d'avoir
perdu de ses vertus et on aurait grand tort de le mépriser. Mais il est
désormais tragiquement insuffisant. C'est à grand peine qu'il
parvient à préserver l'Etat de droit là où les
valeurs traditionnelles continuent à être respectées.
Partout ailleurs, il n'en sauve que les apparences - et non pas toujours.
A cela s'ajoute le fait que les bouleversements nationaux et
leurs relations réciproques ne trouvent pas leur explication dans la
doctrine positiviste, fondée sur les principes de hiérarchie et
de continuité. Comment dès lors, ne pas s'interroger sur la
valeur de ces principes et les limites de la théorie qui s'y
appuie ?125(*)
L'expansion européenne et le changement de
droit
L'expansion européenne va ruiner la
conception de civitas maxima en tant que croyance en un ordre
universel agissant pour le plus grand bien des hommes, qui prévalait
à la fin du XVIIe siècle. L'expansion outre-mer des
« Etats » européens précipita la
désagrégation du Saint Empire romain. Cela va exiger de
nouvelles réflexions sur le droit ; ce qui fera que plus tard les
« contractualistes » et le droit naturel soient des
doctrines qui se trouveront au centre de grands débats.
Deux facteurs principaux président à cette
évolution : primo il y a l'évolution de la forme de l'Etat
(de l'Empire aux Etats-nations en Europe) ; cette évolution a
conféré aux autorités politiques (ou politico-religieuses
selon le cas) un certain nombre des prérogatives. Secundo, il y a la
dualité de traitement et des statuts des sujets de droit qui
étaient supposés attribués aux populations sous leur
juridiction (le jus civile pour les romains et le jus gentium,
destinée à servir entre non -Romains ou entre les Civis
romani et le reste).
La constitution du Saint Empire romain est entrée en
désuétude en même temps que ses Maîtres penseurs. La
Somme théologique de Saint Thomas d'Aquin, qui
théorisait le double glaive, le droit canon et le droit temporel a
été mise en difficulté avec le droit de gens (jus gentium)
qui était buté à des questions liées à la
gestion des infidèles d'outre-mer. Ainsi « dans son
apologie de l'occupation espagnole de nouveaux territoires, Vitoria, abordant
la répartition des pouvoirs et les droits des souverains, en eut
appelé à un concept de jus gentium - qui, pour lui,
était déjà un jus inter gentes et même un
jus inter omnes gentes. Par ce concept, englobant la societas
humana d'une manière que Gentilis (un auteur) allait bientôt
soutenir, il se força de soutenir les revendications de l'Espagne
à l'égard du Nouveau Monde, indépendamment de la
volonté du Pape.»126(*)
Devant ces tas de questions pratiques aussi bien le
positivisme juridique que le droit naturel ont apporté des solutions
originales non sans difficultés. « Le positivisme juridique,
tel que le dit Michel Virally, a permis l'essor, au XIXè siècle
et au début du XXè siècle, du régime libéral
dont bénéficient aujourd'hui encore les démocraties
occidentales. Les théories positivistes ont excellemment servi les
progrès de l'« Etat de droit », c'est-à-dire
la subordination des autorités publiques à des règles
protectrices des intérêts individuels. D'abord en facilitant la
laïcisation du droit et la désacralisation du principe dynastique.
Ensuite et surtout en systématisant la hiérarchie des normes
juridiques, ce qui convenait admirablement à un mouvement
s'efforçant de lier les gouvernants par une constitution de
démocratiser le pouvoir législatif et de subordonner juges et
administrateurs à la loi.
Le rôle du positivisme juridique a surtout
été d'engranger le formidable capital des valeurs issues de la
Révolution française et dont le dynamisme a fini par triompher de
toutes les résistances.127(*) Le droit naturel est venu à la rescousse
pour définir le statut de ces sujets de droit autres que les citoyens du
Saint Empire romain.
En fait, une des questions qui ont été à
la base du changement des croyances européennes dominantes dans le saint
Empire romain selon Manfred Lachs est la suivante : Etait -il juste, de
combattre les infidèles ? Au point de départ, il y a la
Cité universelle ou « une civitas maxima à
laquelle saint Thomas croyait, et elle était soumise à
l'autorité du pape et de l'empereur, chacun étant muni d'un des
« glaives » du Christ, le spirituel et le
temporel ».128(*) Sa double tutelle séculière et
ecclésiale gérait un monde supposé total et a
décidé d'octroyer à ces divers peuples étrangers la
reconnaissance juridique en tant que sujets de droit à travers la
théorie du droit naturel.
Les trois dimensions
constitutives du droit
Nous commençons par la dimension naturaliste du droit.
Il nous faut donner une vue d'ensemble en planchant sur les trois dimensions
constitutives du droit, du point de vue de la théorie
générale du droit ou de la philosophie du droit.
Nous pouvons dire qu'un des enjeux de la philosophie du droit
depuis cinq siècles reste l'avancement de la théorie du droit
naturel depuis le XVII e siècle qui a été gravement
arrêté par le positivisme et l'historicisme.
Dans l'ordre des normes, le paradigme admet que le droit
positif est nécessaire pour réaliser le droit naturel. Mais ce
droit est composé des normes. D'où la nécessité de
connaître la spécificité des normes en tentant de
répondre à la question suivante : « Quelle
est l'autorité qui gouverne les normes ? ». La
contribution de la tradition analytique se fait spécialement par
l'entremise de Hart. Pour lui la spécificité des normes se trouve
dans la structure d'ensemble du système juridique.
Dans l'ordre de fait, la tradition analytique est
exploitée sous forme de thématisation par John Searle avec
l'hypothèse de « fait institutionnel »,
destiné à combler l'hiatus de la tradition humienne (entre le
is et le ought) avec une ontologie. Le fait institutionnel
est un fait dont l'existence présuppose les systèmes des
règles constitutives qu'on nomme institutions. En effet, les normes
juridiques créent la réalité avec l'idée des faits
institutionnels.
Dans l'ordre des valeurs enfin pour le jusnaturalisme, une
grande question est au centre du problème : par où passe
la réalisation de la justice et de l'ordre juste, étant
donné que le droit naturel veut se confondre à la notion de
justice ? Il y a certes une réponse avec des nuances multiples
liées : aux rapports entre individus, entre individus et groupes,
à l'organisation de groupe (Cité, Etat), au rapport entre la
philosophie du droit elle-même et la philosophie politique. C'est la
toile de fond de notre discussion ici.
Brève historique
théorique du droit moderne à la suite de Jürgen Habermas
Le jusnaturalisme qui s'est développé dans les
milieux protestants est une sorte de code supra-positif dont l'expression la
plus visible est dans les Déclarations des droits de l'homme.
Les droits de l'homme sont les droits du chrétien qui exige de l'Etat
les différentes formes de liberté nécessaire pour assumer
sans Etat la responsabilité de son destin. La vie meilleure provient de
la Grâce, l'individu qui est orienté vers sa destinée
surnaturelle transcende les compétences de l'Etat. Il n'attend de l'Etat
que la liberté de diriger sa vie en fonction de ses fins suprêmes.
Contre la nécessité de l'institutionnalisation de la Religion
(catholicisme médiéval), la Reforme exige la re-individualisation
du christianisme.
L'histoire du droit moderne s'enracine dans les idées
aussi bien morales que politiques. Sa conceptualisation aujourd'hui doit
répondre de l'expérience contemporaine, de processus de la
mondialisation par exemple.
Au cours des trois siècles passés selon
Jürgen Habermas, le statut de la catégorie du droit a varié
dans l'analyse de l'Etat et de la société, au gré des
conjonctures scientifiques. De Hobbes à Hegel, le droit naturel moderne
s'est servi de cette catégorie comme d'une clé médiatrice
de tous les rapports sociaux. La société juste semblait devoir
être instituée suivant un programme juridique rationnel.
Plusieurs éminents auteurs seront à la base de ce changement,
notamment à travers la théorie de l'économie politique et
des lois économiques.
En effet, à la suite d'Adam Smith et de David Ricardo,
on voit se développer une économie politique comme une
sphère sociale, dominée par des lois anonymes de la circulation
des marchandises et du travail social. La société civile est
dominée par des lois anonymes de la circulation des marchandises et du
travail social, où les individus sont privés de liberté
réelle. Karl Marx retient de tout cela, après que Hegel ait
tiré cette même leçon, la privation de la liberté et
le fait que la société est fondée sur les
échanges, tout en maintenant paradoxalement le concept classique de la
société comme une totalité.
De ce modèle systémique fondé sur
l'échange, on oppose le modèle issu du structuralisme
génétique d'une société décentrée,
éclatée en de nombreux systèmes et fonctionnellement
différenciée.
Plusieurs critiques sont évoquées contre la
théorie du droit, dans une perspective systémique : la
différenciation du droit au cours de l'évolution peut se
comprendre comme une autonomisation qui finit par conférer au droit
devenu positif l'indépendance d'un système (juridique)
autopoïetique autoréférentiel. Devenu autonome, le
système juridique n'a plus de relations d'échange directes avec
les environnements qu'il rencontre à l'intérieur de la
société et n'exerce plus sur eux d'effet régulateur. Toute
fonction de régulation à l'échelle de la
société dans son ensemble lui est interdite. D'où
l'émergence des mécanismes économiques : C'est alors le
mécanisme du marché, découvert et analysé par
l'économie politique, qui prend les commandes, y compris dans la
théorie sociale.
En effet, l'analyse économique de la
société civile, issue de la philosophie morale écossaise,
a profondément ébranlé la tradition du droit rationnel.
La tradition (avec Rousseau et Hobbes comme ténors) place la
catégorie du droit au centre de la théorie de la
société. Les contractualistes des temps modernes en
général, sauf Locke, Kant, et Thomas Paine, ont défini
l'état de nature en termes d'une théorie du pouvoir (du droit
rationnel) et non de l'analyse économique.
L'anatomie de la société bourgeoise,
appréhendée par le biais des concepts de l'économie
politique, produit un effet démystificateur ; selon cette critique,
l'ossature qui assure la cohésion de l'organisme social est
constituée non par des rapports juridiques mais par les rapports de
production comme infrastructure. Le droit remplacé par l'analyse
économique ne joue plus dès lors un rôle central dans la
théorie sociale. Il y a changement de perspective et de paradigme.
Décrit en tant que système autopoïetique,
ce Droit marginalisé ne peut réagir qu'à des
problèmes qui lui sont propres, tout au plus occasionnés par des
influences extérieures. C'est pourquoi il ne peut percevoir ni traiter
les problèmes qui pèsent sur le système social dans son
ensemble. En même temps, sa structure autopoïetique l'oblige
à réaliser toutes ses opérations à partir des
ressources qu'il a lui-même à produire.
La position du droit et son importance seront
problématisées.
Ramené à un système autopoïetique, le
droit vu sous l'angle distanciant de la sociologie, est dépouillé
de toute connotation normative, en dernière instance relative à
l'auto- organisation d'une communauté juridique. De la sorte, le droit
n'a pu jouer de tout temps un rôle central dans la théorie
sociale, il a été supplanté par le paradigme qui met
l'analyse économique au centre de la théorie sociale. Il y avait
eu en ce sens changement de perspective et de paradigme. Pourtant, à
penser à la crise de la modernité qui se manifeste aujourd'hui
dans la crise du capital, le salariat devait en subir le coup et le droit
privé subséquent.
Introduction à l'histoire
du droit : problématique de l'émergence du droit
Nous partons ici de la question suivante à la
suite de Jürgen Habermas, l'auteur que nous allons résumer à
grands traits : Comment surgissent le pouvoir politique et le droit
sanctionné par l'Etat à partir d'un ordre primitif ?
La constitution co-originaire du droit étatique et du
pouvoir politique part de la situation selon laquelle (c'est l'hypothèse
) « un chef qui, au départ, ne dispose que de son
prestige et d'un pouvoir social factuellement reconnu, peut concentrer sur lui
les fonctions, jusque-là dispersées, du règlement des
conflits ; il le fait en se chargeant de la gestion des biens
sacrés et en se faisant l'interprète exclusif des normes de la
communauté, pour autant que celles-ci sont porteuses d'une force
d'obligation morale ».129(*) Le pouvoir factuel se change maintenant en pouvoir
légitime. Cette situation est similaire à celle de tout
Pharaon-dieu.
Le droit sacré pré -étatique, lié
aux moeurs et à la morale, confère en effet autorité
à la position de son interprète qualifié. A la longue, le
droit sacré doit changer de forme parce que la pratique du
règlement des confits est fondée sur des normes ayant
l'obligation morale. Le droit est dès lors sanctionné par le
souverain primaire. Deux pôles se forment : l'autorisation du
pouvoir par un droit sacré, et la sanction apportée au droit par
le pouvoir social. Lorsque la légitimation sacrée et religieuse
par la rationalisation sociale s'est effondrée, la convention l'a
remplacé.
D'un point de vue communicationnel, dans les institutions des
sociétés tribales, les comportements sont définis par des
cérémonies et les rites, les restrictions de la libre expression
mettent la valeur de l'autorité à l'abri de toute
problématisation possible. En revanche, la libre expression
recèle un potentiel de rationalité qui imprègne toute la
société et problématise des sociétés
traditionnelles.130(*)
A mesure qu'ils sont désenchantés dans le
processus de l'évolution sociale, les ensembles de convictions
fondées sur le sacré se décomposent selon les
critères de validité différenciés. Ceci veut dire
que le processus de différenciation sociale entraîne une
multiplication des tâches, des rôles sociaux et des
intérêts fonctionnellement spécialisés, si bien que
l'activité communicationnelle quitte les engagements institutionnels
étroitement définis pour entrer dans des marges d'option
élargies, libérant et en même temps exigeant dans des
domaines de plus en plus larges un type d'action fondé sur
l'intérêt et le succès individuel. Ce processus illustre le
passage d'une forme de vie traditionnelle fondé sur le sacré vers
l'individualisme moderne sous l'effet de rationalisation continue de toutes les
sphères de vie.
Sur l'arrière-plan de visions religieuses du monde
reconnues par tous, le droit a d'abord disposé d'un fondement
sacré ; en règle générale géré
et interprété par des juristes théologiques, ce droit
était largement accepté en tant que composante
réifiée soit d'un ordre divin du salut soit d'un ordre naturel du
monde, étant en tant que tel soustrait au pouvoir humain. Dans sa
qualité de seigneur justicier suprême, celui qui détenait
les positions de la domination politique étant lui aussi
subordonné à ce droit naturel.
Le droit « positif » au sens
prémoderne, bureaucratiquement édicté par le prince,
fondait son autorité soit sur la légitimité de ce
même prince (par l'intermédiaire de sa compétence de juge),
soit sur son interprétation d'un ordre juridique préalablement
donné, soit encore sur la coutume ; le droit coutumier étant
de son côté garanti par l'autorité de la tradition. Or,
avec le passage à la modernité , lorsque perdant sa force
d'obligation, la vision religieuse du monde se désintégra pour
donner naissance à la puissance des croyances subjectives et pour
priver ainsi le droit à la fois de sa dignité et de sa
non-instrumentalité métaphysique, cette constellation dut changer
de fond en comble.
Toutefois les institutions juridiques se distinguent des
ordres institutionnels primitifs par leur rationalité comparativement
plus élevée ;car elles incarnent un système de savoir
ayant la forme d'une doctrine élaborée, autrement dit un
système de savoir articulé, élevé à un
niveau scientifique et lié à une morale fondée sur des
principes. Ce sont des aspects internes du passage du droit traditionnel
à une justification rationnelle, et à un statut positif.
Un droit devenu conventionnel se sépara alors de la
morale rationnelle du type postconventionnel , si bien qu'il dépendait
désormais de décisions d'un Législateur politique capable
de programmer à la fois la justice et l'Administration. La constitution
de la forme du droit devint nécessaire pour compenser les
déficits qui apparaissent avec le déclin de la morale sociale
traditionnelle. Le droit né de l'abandon de la violence, le droit a pour
fonction de canaliser une violence identifiée au pouvoir.
Les faits juridiques et les
paradigmes juridiques
Un paradigme du droit pour Jürgen Habermas est justement
identifié à la conception implicite qu'on a de la
société. Tous les acteurs impliqués doivent se faire une
idée de la manière dont le contenu normatif peut être
efficacement mis à profit dans l'horizon des structures sociales et des
tendances de développement en présence. Les paradigmes du droit
doivent en principe déterminer la conscience de tous les acteurs, celle
des citoyens et celles des usagers tout autant que celle du Législateur,
de la justice et de l'Administration.
La « construction sociale de la
réalité » est sous-jacente, dans le discours juridique,
aux jugements de fait, c'est-à-dire à la description et à
l'évaluation des processus factuels et des modes de fonctionnement des
systèmes d'actions sociales. Nous pouvons dire en termes de Talcott
Parsons que c'est l'environnement symbolique et culturel qui propose des buts
à atteindre et des moyens appropriés, établit les limites
à l'action permise et des propriétés, suggère des
choix. La fonction symbolique a priori dans l'action sociale est justement de
médiatiser les règles de conduite, les normes, les valeurs
culturelles qui servent à guider l'action dans l'organisation de
l'action.
En fait, les « faits » ou la
réalité sociale sont des attentes et des motivations de
comportement qui se rapportent les unes aux autres, des interactions humaines,
des petites particules dans le grand flux des processus sociaux
enchevêtrés. Ces « faits » ne sont pas ces
processus eux mêmes, mais l'idée de ces processus. C'est
-à- dire, la perception par exemple de (sa structure
socio-économique, des modèles d'interaction sociale, des fins
morales et des idéologies), des acteurs sociaux (de leurs
caractères, de leur comportement et de leur capacité), et des
accidents (de leurs causes, de leur ampleur et de leur coût !).
Mais ce système peut aussi s'effondrer. On peut dire
que cet effondrement du système juridique , comme l'effondrement de
l'acceptation collective de cette réalité sociale, pourrait bien
être une crise de confiance collective due à la dislocation du
couple salariat /capital, contrat / capital. Ce couple est à la base du
développement du droit privé dont la désintégration
va appeler l'Etat providence. Un tel système déficient
amène à la défaillance de la confiance collective.
En effet, pour Benoit Frudman , « les juristes (ont
toujours découvert) non sans inquiétude que l'idée qu'ils
se faisaient de leur objet , pour dire vite un ordre juridique national et
hiérarchisé , reposant sur la loi, ne permet plus de rendre
compte de manière satisfaisante des réalités auxquelles
ils sont confrontés et d'apporter des solutions aux problèmes
nouveaux que leur pose la pratique ».131(*)
Habermas confirme ces propos en présentant la crise du
droit comme double : il s'agit du fait que la loi parlementaire perd de sa
force d'obligation et que le principe de séparation des pouvoirs est mis
en péril.132(*)
Comme réponse, Jürgen Habermas ne restreint pas l'espace public
à l'enceinte du Parlement, il propose la restauration de l'espace
public par le respect des conditions d'une discussion gouvernée par "la
situation idéale de parole" qui semble essentiel afin de revitaliser les
débats parlementaires qui, le plus souvent, restent rivés entre
majorité et opposition. D'ailleurs, comment réveiller la
conscience citoyenne et mobiliser les acteurs sociaux à s'engager dans
le processus démocratique alors même que les assemblées du
Peuple se caractérisent par une absence, voire une désertion de
plus en plus flagrante de leurs représentants? Même si le
Parlement ne représente qu'une strate de l'espace public, il n'en est
pas pour autant le lieu le moins important du point de vue de l'effet des
décisions qui y sont prises.
Il y a eu l'affaiblissement du législatif devant la
prééminence de l'exécutif lors du développement de
l'Etat providence, et l'extension du pouvoir judiciaire lors de la crise de ce
dernier constituant les principales transformations au niveau de
l'évolution de la nature de l'Etat de droit. D'où la question
suivante : n'est-il pas dangereux d'observer une délégation
de responsabilités croissante laissée aux juges quant à
l'interprétation de textes de plus en plus complexes et nombreux, une
absence remarquée du législatif et un renforcement de la
technocratie ?
L'épistémologie ,
spécialement l'ontologie juridique vise justement une prise directe du
droit sur la réalité sociale actuelle en
« intégrant à la norme juridique d'autres normes, (on
enrichit) le droit d'une prise directe sur les réalités vivantes
du milieu professionnel ou social. La norme juridique ainsi enrichie prend
pied dans la réalité sociale évitant (...) la
clôture des systèmes juridiques sur eux-mêmes
».133(*)
Quelle est la nature des faits sociaux juridiques ? Nous
allons emprunter la réponse Samuel Jerry : « En tant
que faits sociaux, les règles juridiques n'ont pas l'existence propre
indépendamment de la signification que les individus leur octroient
».134(*) Ici, les
faits sociaux juridiques dépendent d'un a priori qui est humain. Cette
assertion peut être explicitée comme suite : les
règles de droit « sont avant tout des règles
mentaux, de contenus de pensées, d'intentionnalité et des
croyances individuelles ».135(*)
Cette entrée théorique qui s'opère par la
question de signification à octroyer aux faits sociaux juridiques
rétablit les liens, non continuels avec Durkheim, entre la
société et l'individu. Les « caractères
subjectifs des faits sociaux sont, pour reprendre l'expression de Robert
Nadeau, constitués causalement par les croyances et les opinions des
gens. Dans les sciences sociales les choses sont ce que les individus pensent
qu'elles sont. La monnaie est la monnaie, un mot est un mot. (...) Si et parce
que les individus le croient ».136(*)
A propos, allons plus en détails pour signaler que
« Hayek opère une distinction entre deux sortes d'idées
ou d'opinions : les idées constitutives (ou opinions constituantes)
et les idées explicatives (ou vues spéculatives) : celles
qui `font partie de leur objet' et celles qui sont ` idées sur
cet objet' ».137(*)Il y a « là des idées qui
sont réellement constitutives des faits sociaux des autres idées
théoriques ».138(*) Cette distinction sera reprise par John Searle.
L'effort qui est poursuivi est l'analyse
précisément des faits sociaux en tant qu'ils se distinguent des
faits tout simplement physiques. « La plupart des objets de
l'action humaine ou sociale sont distincts des « faits
objectifs » au sens précis et étroit où ce terme
est utilisé par les sciences(...) et ne peuvent être
définis en termes physiques. »139(*) Friedrich Hayek insiste
donc sur la distinction à établir « entre les sciences
de la nature et l'étude (sociale) du langage ou du marché, du
droit et de la plupart des autres institutions humaines. Ces faits sont une
catégorie particulière des faits car ils sont
subjectifs ».140(*)
La dimension significative est centrale dans la
démarcation : « les croyances partagées sont
non seulement une condition du fait social mais sa cause. Renoncer à
mettre au centre du social l'intentionnalité des agents et leurs
croyances subjectives serait alors renoncer aux sciences sociales tout court.
On ne verrait plus dans la monnaie par exemple que des « disques
ronds de métal ».141(*) Ainsi, « depuis le tournant des
années 1960 la théorie générale de droit a
été marquée parce que l'on a appelé le tournant
herméneutique ».142(*)
Cette idée qui se rapporte à la loi comme
fait social est corroborée également par Jules
Coleman : « la loi est (...) à comprendre comme un
fait social (social fact thesis), écrit Marc Maesschalck, qui
incorpore ou inclut une pratique collective de reconnaissance
constitutive du système juridique lui-même et de notre
compréhension de la règle de droit ».143(*) Ceci participe de la
révolution pragmatiste en théorie du droit aujourd'hui et suppose
le double dépassement des paradigmes juridique du positivisme juridique
et de position herméneutique tel que nous l'explique Marc Maesschalck.
En effet, dit-il, notre conception philosophique actuelle de
la loi se situe sur l'horizon d'une coupure épistémologique
fondamentale entre positivisme et herméneutique héritée du
XX e siècle. (Parce que), alors que le positivisme juridique visait
à construire une théorie du droit autonome, fondée sur un
concept d'usage des règles à même de réduire
l'incertitude des habitudes et prédictions, l'herméneutique
tendait à montrer le rôle primordial pour tout jugement interne au
droit d'une référence aux standards de moralité de la
communauté d'appartenance, c'est-dire d'une référence
à un état déterminé des idéaux de
régulation sociale du groupe concerné ».144(*)
Les deux positions se cristallisent dans la position
herméneutique de Donald Dworkin et dans la position positiviste de
Hart : « chez Dworkin (position herméneutique), la
moralité individuelle du juge devient la garantie d'un système
dont le principe réside dans l'intégrité de la
référence à une « morale substantielle
supposée homogène au groupe social et à un juge
idéalisé capable d'en assumer une réinterprétation
constante »145(*), le juge Hercule. « Chez Hart (position
positiviste), l'existence d'un ordre juridique est garantie par la pratique
convergente des officiels fondés sur le type de convention de
coordination qu'ils adoptent entre eux pour maintenir la cohésion de
leurs pratiques ».146(*) Ainsi, « là où Dworkin
juge nécessaire l'exclusion d'une forme de coordination préalable
des praticiens au profit d'un sens du devoir intériorisé par
chaque patricien, Hart renvoie à une forme implicite de convention de
coordination supposée garantir la convergence de l'action des
praticiens ».147(*)
Finalement quel est l'enjeu du tournant pragmatiste que nous
avons annoncé ? C'est, explique Marc Maesscchalck
celui « de déterminer la structure normative du type de
comportement auquel les différents acteurs concernés s'engagent
dans la pratique d'un système juridique. Cette pratique collective,
Jules Coleman propose d'en approcher l'unité référentielle
à partir du modèle d'action coopérative partagée
par Micheal Bratman. Rendre justice constitue une action fondée sur une
règle de reconnaissance inhérente à la fonction
d'officiel ».148(*) Ce qui fait que « la question de la
normativité du droit se déplace alors de la cohérence
formelle de son contenu sémantique vers son potentiel pragmatique de
gouvernance comme institution sociale. Ce potentiel de gouvernance
dépend d'un engagement collectif des acteurs concernés allant
au-delà de l'adhésion à des objectifs conjoints : il
s'agit de partager une responsabilité (mutuel responsiveness)
à l'égard de la réalisation conjointe de ces objectifs,
tant au niveau des moyens à mettre en oeuvre qu'au niveau du soutien
éventuel à apporter au maintien des différents
rôles à remplir (commitment to mutuel
support) ».149(*) La loi acquiert une nouvelle mission, celle
d'encadrement pédagogique où les vertus de
négociation et de concertation doivent s'avérer
nécessaires pour « rendre possible un processus
d'apprentissage de nouveaux modes d'engagement des acteurs concernés
à son égard. »150(*) D'où l'option de l'expérimentalisme
démocratique où les compétences d'action collective de
groupes eux-mêmes sont en jeu, soutient Marc Maesscchalck.151(*)
Marc Maescchack, au demeurant, présente les limites
d'un tel système : « il suppose de la part des acteurs
concernés un accroissement de l'intelligence
collective ».152(*) C'est ici que nous proposons le récalibrage
de tout le système avec des nouvelles formes des ressources, notamment
le monde vécu.
Le concept de construction
de droit Chez John Searle
A propos du Droit pragmatico - cognitiviste, Searle adopte la
conception juspositiviste autour de sa théorie de fonction-statut. Les
règles de droit civil par exemple sont conçues comme des
règles constitutives ou le cas d'imposition des fonctions -statuts,
c'est-à-dire construisant ce que c'est qu'être un citoyen, ou un
propriétaire, ou un marié. La construction de la parenté
par le droit ouvre des possibilités qui ne se justifieraient pas sans
lui, par exemple le fait que des personnes qui ne peuvent pas concevoir
d'enfant puissent cependant être pleinement parents.
Qu'en est-il de l'exemple de l'imposition de fonction -statut
appliqué aux droits de l'homme ? « Les droits de l'homme
comme ceux de l'animal sont des cas d'impositions de fonctions -statut par le
biais d'une intentionnalité collective ».153(*) Le maintien collectif de
fonctions -statut joue également ici un rôle
prépondérant. « Avant la période des
Lumières en Europe, affirme Searle, le concept de droits ne s'appliquait
que dans le cadre d'une structure institutionnelle -droits de
propriété, droits maritaux, droit du seigneur, etc. Mais pour
telle ou telle raison, on en vint à accepter collectivement
l'idée qu'il ne pourrait y avoir de fonction -statut qu'en vertu du fait
d'être un être humain, que le terme X était
« humain » et le terme Y « détenteur de
droits inaliénables ». Ce n'est pas un hasard si l'acceptation
collective de ce mouvement a trouvé l'appui de l'idée
d'autorité divine : « Ils sont dotés par leur
Créateur de certains droits inaliénables, parmi lesquels la Vie,
la Liberté, et la poursuite du Bonheur. L'idée de droits de
l'homme a survécu au déclin de la croyance religieuse, et s'est
internationalisée. La déclaration d'Helsinki sur les Droits de
l'homme est quelque chose à quoi on fait souvent appel, à des
degrés d'efficacité divers, contre les régimes
dictatoriaux ».154(*)
De même, « le pouvoir est issu d'organisation,
c'est-à-dire d'arrangements systématiques de fonctions -statuts.
(...) Et dans une telle organisation... le réel pouvoir se trouve entre
les mains de celui qui est assis à un bureau et fait de bruits avec sa
bouche et des marques sur le papier ».155(*) Les armes exigent
« l'intentionnalité collective et des faits
institutionnels ».156(*)
En ce qui concerne les gouvernements, ils « ont
leur origine dans une série de phénomènes biologiques
primitifs, tels que la tendance qu'ont la plupart des groupes sociaux de
primates à former des hiérarchies -statuts, la tendance qu'ont
les animaux à accepter d'être sous la coupe d'autres animaux, et
dans certains cas à accepter la pure et simple force physique que
certains animaux peuvent exercer sur d'autres ».157(*) Nous voyons ici
exprimée sa position réaliste. De l'origine biologique ,il s'en
suit l'évolution sous forme de structures institutionnelles par
l'intermédiaire de l'imposition de fonctions -statuts se
superposant : « des structures de citoyenneté, de droits
et de responsabilité, de pouvoirs et de charges, d'élections et
de mise en accusation, et d'autres méthodes de sélection et de
renvoi des gouvernants ».158(*)
Bien entendu, cette structure itérative qui part des
faits biologiques est essentielle « pour comprendre la
philosophie politique que le sont de nombreux autres traits dont on discute
traditionnellement, comme le contrat social »159(*). L'application de la
règle « X compte comme Y dans un contexte C » comme
assignation d'un nouveau statut nous fait comprendre par ailleurs en quoi,
selon Rousseau, le citoyen ayant une existence politique et collective remplace
l'individu biologique qui n'a qu'une existence individuelle et
biologique.160(*)
En somme, « le statut Y peut être
imposé (ou retiré) à plusieurs catégories
ontologiques différentes de phénomènes : des gens
(par exemple des présidents, des épouses, des prêtres, des
professeurs) ; des objets (par exemple des phrases, des billets de cinq
dollars, des certificats de naissance, de permis de conduire) ; et des
événements (des élections, des noces, des soirées
mondaines, des guerres) ».161(*)
Essai d'interdisciplinarité en droit et en
politique
Le tournant pragmatique en Droit s'est invité par la
crise régulatoire généralisée de la
société due aux évolutions induisant des
désajustements où les normes n'ont plus de prise sur la
réalité sociale (Luzolo Bambi , le ministre de la
justice au Congo en a appelé à un activiste judicaire
désuet qui ne peut rien faire et qui ignore manifestement la
complexité du problème) : la Cour Suprême s'est
donnée pour mission depuis que ces problèmes se posent d'abord en
Amérique , de certifier la cohésion interne de postulat de la
reconnaissance par les autorités officielles du dialogue
interinstitutionnel d'une cohérence éprouvée du
système juridique dans son ensemble. Cette mission est-elle
suffisante ? Ce que nous allons analyser.
Cette nouvelle légitimité fondée sur un
ordre de droit administratif qui contrôle la cohérence du
système juridique par ses prestataires à travers le
fonctionnement des institutions devait recourir non seulement à la
fondation normative d'un positivisme juridique à bout de souffre (Hans
Kelsen) mais d'un tournant pratique qui tient compte non seulement de ce
présupposé mentaliste et schématisme mais de la
reconnaissance pratique des autorités officielles.
« Il résulte donc (du) tournant néo-pragmatique en
sciences sociales une exigence de dépassement des modèles
délibératifs fixés sur les formes de participation
intra-groupe, de manière à déterminer les formes
d'apprentissage nécessaires à la production d'action collective
dans des contextes de concurrence entre exo-groupes »162(*).
Le modèle d'Habermas est intra-groupe. Tout le
processus vise aujourd'hui « de repenser clairement en termes de
relations exo-groupes pour développer des approches cohérentes de
l'action collective en ce qui concerne la construction de laconfiance,
les règles d'engagement et le rôle de
porte-parole »163(*). Ce tournant est mieux exprimé par la
bisoïte de Marcel Tshiamalenga Ntumba qui insiste dans la ligne d'une
pragmatique de groupe à groupe, il a proposé le fait que la
discussion doit partir du groupe. Aller du groupe au groupe : il s'agit du
primat des groupes. Nous partons d'un fait important d'application en Afrique,
pour Tshiamalenga Ntumba : il faut partir du « nous »,
l'interaction entre « nous » et
« nous ». Nous recourons à de l'hypothèse de
Tshiamalenga pour tenter d'endiguer le phénomène de groupes
urbains problématiques au niveau micro, qui passera par la
transformation pratique des espaces publics dans le cadre macro de ce qu'on
appelle l'expérimentalisme démocratique à la suite de Marc
Maesschalck.
Les mutations institutionnelles
actuelles
Produit de la centralisation monarchique et des
révolutions modernes, l'Etat-Nation apparaît aujourd'hui bien mal
adapté à l'intégration économique mondiale. Le
contenu de l'autonomie républicaine, n'a pu s'affirmer que parce qu'il a
trouvé son « assise » dans les
sociétés ayant la structure d'Etat-Nation.164(*) Avec la tendance
évolutive sous le nom de « mondialisation », les
principes centraux de la démocratie libérale -l'autonomie
politique, le peuple (le démos), la condition de « commun
accord », la représentation et la souveraineté
populaire deviennent incontestablement problématiques.165(*)Au regard plus
précisément de l'alternative
« souverainisme/fédéralisme ».
La mondialisation est un processus complexe qui se manifeste
par « l'extension croissante et l'intensification au-delà des
frontières nationales à la fois des transports, des
communications et des échanges ».166(*) Autant dire que ce processus
aboutit à la montée de la sphère économique souvent
non régulée au détriment du politique (contre le respect
des frontières Etatiques). « L'éviction de la
politique par le marché se traduit donc par le fait que l'Etat national
faible perd progressivement sa capacité de protéger ses
frontières, à recouvrer des impôts, à stimuler la
croissance et à assurer par là la base de sa
légitimité. Car on sait que, lorsque les Etats « sont
abandonnés à la régulation par le marché, de
nombreuses infrastructures de la vie publique et privée sont
menacées de destruction et de dépravation ».167(*) Ainsi la question de manque
de prise de la « réalité sociale » est
devenue une question centrale et sérieuse en sciences sociales.
Un tel processus affecte plusieurs secteurs de la vie,
notamment l'Etat. Ce phénomène est planétaire ; des
centres, il se répercute aux régions périphériques.
« Il va de soi que cela ne concerne pas seulement le noyau central de
l'Etat social, à savoir la politique de redistribution, bien qu'elle
soit de première importance pour la vie des citoyens. De la politique en
matière de l'emploi et de celle qui est menée en faveur de la
jeunesse jusqu'à la protection de la nature et à l'urbanisme, en
passant par les politiques en matière de santé, de famille et de
l'éducation, la « politique sociale ».
Au sens large , la chose « s'étend à
tout l'éventail des prestations fournies par les organisations et les
services qui apportent des biens collectifs et contribuent à la mise en
oeuvre de conditions de vie d'ordre social, naturel et culturel ;il s'agit
de ce point de vue de préserver du déclin l'urbanité et,
d'une façon générale ,l'espace public d'une
société civilisée ».168(*) Finalement, « la
cohésion des communautés nationales est mise à
l'épreuve par la mondialisation. Les marchés mondiaux et la
consommation de masse, les médias et le tourisme de masse assurent la
diffusion mondiale - ou du moins la connaissance - des produits
standardisés d'une culture de masse qui porte majoritairement
l'empreinte des Etats -Unis ».169(*)
Où trouver les ressources face à une telle
situation ? Pour Habermas, « dans les
sociétés complexes, ni la productivité d'une
économie organisée en fonction du marché, ni la
capacité de régulation de l'administration publique ne sont les
ressources les plus rares. Les ressources qui demandent à être
traitées avec ménagement sont avant tout celles de la nature,
aujourd'hui au bord de l'épuisement, et de la solidarité sociale,
en voie de désagrégation ». 170(*) La question de
régulation est plus remédiable que celle des ressources
naturelles et de la solidarité internationale.
Les droits fondamentaux, civiques et politiques, autorisent
les citoyens démocratiquement unis à modifier par voie de
législation leur propre statut. A longue échéance, seul un
processus démocratique qui munit les citoyens de droits à la fois
appropriés et équitablement répartis pourra être
considéré comme légitime et engendrer la
solidarité.
Il est aussi question des échanges à
l'époque de la mondialisation. Au niveau de phénomène de
la« globalisation des échanges », le problème
réside précisément dans le fait qu'on veut faire
comprendre (...) que les nations sont (...) exclues des échanges dont on
parle.171(*)Ainsi, la mondialisation de l'ensemble des
différents sous-systèmes et plus particulièrement, le
système économique (l'impuissance à contrôler le
marché en tant qu'instrument de régulation), le système
politique (mutations d'échelle de la souveraineté172(*)) et celui des moyens de
télécommunications (le développement impressionnant du
réseau Internet par exemple) constitue-t-il également un des
défis majeurs de gestion auquel le système social dans son
ensemble est et sera confronté.
En conclusion, pris positivement, il y a donc :
1° Le changement structurel de la nature du travail
dû à l'émergence du secteur d'activité fondé
sur la science. Il faut déplorer l'oubli total de cet important secteur
de la recherche scientifique en RD Congo. Ce qui caractérise aujourd'hui
les sociétés post -industrielles, c'est la naissance d'un
quatrième secteur d'activité fondée sur la science,
hormis les trois secteurs traditionnels.173(*)
Ce secteur de la science dépend des flux
d'informations nouvelles et, en dernière instance, de la recherche et de
l'innovation. L'innovation dépend à son tour d'une
« révolution de l'éducation », qui non
seulement supprime l'analphabétisme, mais conduit à une extension
drastique du système d'éducation secondaire et universitaire. A
partir de cela, un pays comme la Corée a réussi à passer,
en l'espace d'une génération, de la société
préindustrielle à la société postindustrielle. Un
tel processus a accéléré en général, la
migration de la campagne, dépeuplée par la maigre
productivité d'une agriculture mécanisée, à la
ville. C'est une véritable rupture avec le passé.
2° Le développement démographique ou
une croissance de la population, notamment grâce aux progrès de la
médecine.
3° Finalement, l'appropriation du progrès
scientifique et technique. « Les nouvelles matières plastiques
et les nouvelles formes d'énergie, les nouvelles technologies
industrielles, militaires et médicales, les nouveaux moyens de transport
et de communication qui, au cours du XXe siècle, ont
révolutionné à la fois l'économie, les rapports
sociaux et les formes de vie, sont fondées sur les connaissances
scientifiques et les développements techniques du
passé ».174(*)
CHAPITRE
QUATRIÈME :
LES PROBLÈMES DES
SCIENCES ÉCONOMIQUES EN AFRIQUE
Le système capitalisme et
l'Afrique
Dans le contexte précolonial et colonial, dans une
visée plutôt empirique, trop peu d'études ont
été menées justement selon Jean - Pierre Olivier de Sardan
: « on doit souligner l'existence d'études ponctuels sur les
paysanneries africaines,... qui ont eu le mérite de souligner
l'existence de rationalités proprement économiques au sein des
campagnes africaines. (...) Les rationalités paysannes, bien que
différentes des postulats des
« développeurs » ou du modèle de
l'homo-oeconomicus des théories néo-liberales, n'en
étaient pas moins des rationalités, et des rationalités
proprement économiques, dont on pouvait rendre compte sans invoquer les
fameux « blocages culturels » ou les interdits
religieux ».175(*) Au Congo la paysannerie est organisé suite
à l'élimination dramatique des noirs du fait des travaux
forcés et des massacres , stratégie coloniale qui permet de
régénérer la démographie tant soit peu
jusqu'à la date de l'indépendance.
« Le structuralisme a donné à
l'anthropologie française une forte impulsion et un écho
international puissant dans les années 60. Mais la problématique
`intellectualiste' propre à Lévi-Strauss et les thèmes sur
lesquels il a impulsé les recherches (parenté, mythologie) n'ont
guère incité à considérer avec beaucoup d'attention
les mutations socio-économiques dont l'Afrique était à la
même époque le théâtre.(...) c'est seulement
« l'anthropologie marxiste africaniste (qui) a principalement
porté sur les périodes précoloniales et coloniales ,et non
sur les mutations contemporaines en cours. Le
« développement » était même souvent
conçu comme un objet indigne d'étude, (...) relevant purement et
simplement d'une dynamique impérialiste depuis longtemps
connue. »177(*)
En Afrique antique, selon Marx, le divorce du travail et des
conditions du travail ne sont pas réalisées, l'agriculture et
l'industrie domestique sont restées liées dans l'activité
villageoise. La société à Mode de Production Asiatique, ne
recèle pas assez de forces internes pour développer la
contradiction fondamentale jusqu'à son terme, c'est-à-dire
jusqu'à la dissolution de la propriété collective et
l'apparition de la propriété privée individuelle du sol.
Il appelle ça la contradiction fondamentale des sociétés
M.P.A., le fait qu'une production « capitaliste
d'Etat » se développe sur des bases communautaires
caractérisées par l'appropriation collective de la terre. Pour
Karl Marx plusieurs raisons justifient à propos l'immutabilité de
l'Afrique antique et voit dans l'autarcie économique une des raisons de
la stagnation de l'Afrique ou de l'Etat à Mode de Production
Asiatique.
Pour Marx ,la condition de la production capitaliste
réside dans le divorce entre travail et les conditions du
travail ,il est nécessaire que les masses paysannes villageoises
soient expropriées pour devenir des travailleurs aliénés
,ne possédant plus les moyens de production et n'ayant que leur force de
travail à vendre ,soit au fermier campagnard, soit au chef d'entreprise
des villes : cette main-d'oeuvre salariée est la condition
nécessaire et suffisante pour que naisse et fonctionne le système
capitaliste.178(*)
Autrement dit, on peut dire que « Marx a
découvert dans le rapport salaire/capital le nouveau principe
organisateur ».179(*)Du point de vue moderne « l'institution du
salariat - (...) permet l'apparition d'une classe sociale de libres
producteurs, dégagés des liens traditionnels définis par
l'organisation féodale du travail et des corporations- (qui) devient le
noyau d'un système de droit privé qui ne s'est à
vrai dire complètement développé qu'au XVII e
siècle ».180(*)Jürgen Habermas fait justement valoir à
la suite de Marx le fait que le couple salariat et capital, contrat et
propriété sont à la base du développement du droit
privé. Il ne met pas cependant en exergue la singularité de la
modernité occidentale : « on parviendra à une
explication plus complexe et, à mon sens dit Habermas, plus pertinente
si l'on part de la thèse selon la quelle le potentiel universalisme n'a
nullement été l'apanage des traditions Occidentales, mais
déjà présent, comme on peut le montrer, dans toutes les
conceptions du monde apparues, entre 880 et 300 av .J.-C, en Chine, en
Inde, en Grèce et en Israël ».181(*) Notons que Habermas et Marx
excluent ici l'Egypte antique.
Il nous semble pertinent de repartir de la théorie
marxienne de mode production pour reconstruire le Congo et l'Afrique. Voici un
excursus de thèses de Karl Marx reconduite de peu par Jürgen
Habermas :
- Dans les premières grandes civilisations d'Egypte, de
Mésopotamie, de la Chine ancienne, de l'inde ancienne et de
l'Amérique précolombienne, la terre est propriété
de l'Etat, administrée par la classe sacerdotale, l'armée et la
bureaucratie, avec quelque résidus de propriété communale
de village (c'est ce qu'on appelle mode de production asiatique ou
africain).
- Dans les sociétés primitives, le travail et la
distribution sont organisés grâce aux relations de parenté,
il n'y a pas d'accès privé à la nature et aux moyens de
production (c'est le mode de production du communisme primitif).
- En Grèce, à Rome et dans les autres
sociétés méditerranéennes, le propriétaire
privé de la terre a à la fois la position d'un maître
despote régnant sur les esclaves et des journaliers dans le cadre d'une
économie domestique et la position d'un citoyen libre dans la
communauté politique de la ville ou de l'Etat (c'est le mode de
production antique) ».182(*)
Nous émettons de ce qui précède des
réserves pour une analyse qui n'intègre pas l'Afrique antique,
mais privilégie le processus de la modernité occidentale
incrustée dans les principes de salariat et le contrat et
développement subséquent du système de droit privé.
Marx n'a pas analysé en profondeur la lutte bestiale
d'élimination raciale à la base de l'esclavagisme et de la
colonisation. Cette perspective est différente d'une exploitation de la
lutte de classe. Ainsi, sommes-nous d'avis que « la
compréhension des débats contemporains autour de la philosophie
du droit (par exemple) suppose une double mise en perspective : d'une
part, celle de l'histoire, en envoyant les lecteurs vers des
problématiques antiques... (et ce terrain doit encore être
défriché), d'autre part en tentant de dessiner assez
précisément les contours des constructions théoriques
multiples et souvent concurrentes du XXe siècle ».183(*) Les problématiques
antiques doivent remonter jusqu'à tous les grands foyers de cultures.
C'est-à-dire, mettre au clair des doctrines qui conditionnent en grande
partie les débats contemporains. C'est une structure
hétéronomique de l'histoire.
Bien sûr, cette approche invite à une discussion
dans le cadre plus large d'une philosophie politique et juridique alors que les
recherches en philosophie de droit de notre temps se rattachent à des
approches bien nombreuses (le néo-pragmatisme, la
phénoménologie, l'empirisme logique, les sciences humaines, la
sémiotique ou la psychanalyse). Le prolongement des courants
plutôt traditionnels avance aussi dans le sens des travaux sur des
concepts employés pour déterminer le fond du droit, i.e .le
concept de citoyenneté. Ces genres des concepts matériels
étant susceptibles d'évolution à partir de certaines
contraintes notamment technologiques, politique, économique (i.e. la
mondialisation) ou de celles liés à la forme ou à la
structure du droit, et de leurs présupposés philosophiques ;
pour Marx le Droit fige les rapports de dominations.
Jean-Cassien Billier et Aglaé Maryoli , dans leur
ouvrage intitulé Histoire de la philosophie du droit ,Armand
Colin,/VUEF ,Paris,2001,commencent leur livre par un thème me semble
-t-il important ,celui de la fondation problématique grecque de la
raison, ipso facto de la raison juridique : « L'enjeu d'une
telle question a toujours été trop considérable pour
admettre une réponse simple et univoque : il s'agit de rien de
moins que de revendiquer une identité philosophique et politique de
l'Europe face au reste du monde (chinois ,indien, musulman...(l'auteur n'a pas
mis africain, nous ajoutons africain)),voire à l'exclusion du reste du
monde ».184(*)
Déjà plusieurs interprétations sont en jeu, de quelle
Grèce s'agit-il ? « Il y a la Grèce de
Heidegger, celle de Hannah Arendt, Leo Strauss, de Michel Foucault, etc., puis
celle des Historiens, et, parmi eux, des historiens du
droit ».185(*)
Contre l'économie conventionnelle
« Le renoncement systématique à un
comportement intéressé, en faveur du devoir, de la loyauté
et de la bonne volonté, joue un rôle considérable dans la
réussite industrielle du (Japon)». Et même la
prévalence du respect des règles au Japon s'observe non seulement
en matière économique, mais aussi dans d'autres sphères de
la vie sociale ; ainsi, il est rare de voir des détritus
jetés sur la voie publique, les procès sont peu fréquents,
les avocats sont étonnamment peu nombreux et le taux de
criminalité est faible par rapport à des pays de niveau de vie
comparable.186(*)
On peut dire à la suite de Ronald Dore qu'il aurait eu
« la recette confucianiste de la réussite
industrielle » comme dans la montée de la chine aussi.
« La dichotomie traditionnelle entre
« égoïsme » et
« utilitarisme » ... est trompeuse à plusieurs
égards, omettant notamment le fait que les groupes intermédiaires
entre soi-même et tous les autres - la classe sociale, le quartier ou la
catégorie professionnelle - constituent le point focal de nombreuses
actions qui témoignent d'un comportement
engagé. »187(*)
La question qui se pose est celle de savoir : comment
inscrire la recherche économique dans une perspective intentionnaliste,
parce que le temps, l'espace et la société sont pris tels qu'ils
devaient être, et non pour ce qu'ils sont : complexes, particuliers,
irréductibles, pavés de distorsions et d'incertitudes. Bref,
relatifs. Ce sont des données « paramétrisées
» à contenu vide. Les économistes critiques ont donc depuis
exigé des reformes pour une science économique qui est
restée « anhistorique » en tant que
réalité sociale et humaine. La société est
restée un lieu géométrique qui formalise des
systèmes d'équations théoriques et non d'équation
des systèmes réels :
- Temps : Instant Ti,
- Espace : position Pj,
- Société : Individualité Ik (agent
économique) qui poursuit le « maximum
d'utilités ».
L'économie conventionnelle tire son modèle de
la physique mécanique, la macro et la micro économies se sont
construites ipso facto sur le modèle de ces grandeurs qui sont des
variables exprimant les rapports quantitatifs. Alors que comme le fait
remarquer pertinemment Kabeya Tshikuku, Planck, Einstein, Bohr, Rutherford,
Heisenberg et Helmholtz avaient ouvert le chemin vers une nouvelle connaissance
de la continuité de l'Univers et des mutations de la matière,
ainsi que vers une autre perspective de l'Univers.
« L'influence de la théorie du choix
rationnel est grande sur les sciences de l'homme. Elle est au coeur de la
pensée économique contemporaine, parce qu'elle articule les
fondements de la micro-économie qui a pris le relais de la
micro-économie keynésienne discréditée. Elle se
propage en sociologie, notamment sous l'influence de Gary Becker et de James
Coleman. Dors déjà, elle est solidement implantée en
théorie des relations internationales et la méthode
communément admise dans une myriade d'études sociales de tous
niveaux. »188(*) D'un point de vue théorique, tout part de
l'action : « une action est une suite coordonnée de
mouvements visant à obtenir une transformation du monde. Elle a un but,
une visée, un objectif : un état du monde à
réaliser. Elle a un agent : l'individu. Un groupe peut certes agir
collectivement (une armée, par exemple), mais il n'est que
l'agrégation des actions individuelles. En fin, l'action rencontre des
contraintes dans un environnement changeant. L'individu, face à ces
contraintes partiellement inconnues ,est donc forcé de choisir entre les
actions qui lui offrent qu'une satisfaction partielle.
Ainsi décrite de façon
élémentaire, l'action peut être décomposée en
trois composantes qui en forment pour ainsi dire la structure atomique. Il y a
d'abord les préférences des individus. (...) Ces
préférences induisent des plans d'action. Mais les plans
d'actions rencontrent les contraintes de la situation. (...) ces contraintes,
présentes et futures, qui conditionnement la réussite des plans
des individus, leur sont données au travers de leurs croyances. Les
croyances sont des représentations du monde. En fonction donc de ses
préférences et de ses croyances à propos d'une situation
contraignante, l'individu choisit un comportement censé réaliser
« au mieux »ses préférences. Le comportement
est ainsi expliqué par la relation qui unit les trois termes :
préférences, croyances, espérance d'utilité
(intérêt). Cette relation est susceptible de calcul. Le
calcul (donne ) : 1/ les préférences doivent être
transitives ; 2/ les croyances doivent être objectives ; 3 / et
la sélection du comportement doit être optimale. »189(*)
La théorie de choix rationnel est actionniste sui
generis, elle est une théorie de l'intérêt personnel.
L'action ici est animée par l'intérêt personnel. C'est une
hypothèse de départ pour caractériser le comportement
réel par la poursuite de l'intérêt personnel.190(*) Ici l'homme
économique défendant ses propres intérêts, est une
meilleure approximation du comportement des êtres humains.
C'est là une hypothèse classique en
économie : « nous vivons dans un monde d'individus
(les parties) raisonnables bien informés, défendant
intelligemment leurs propres intérêts ».191(*) Et « lorsque nous
prédisons « le résultat d'une mise à
l'épreuve systématique et exhaustive du comportement, dans des
situations de conflit entre intérêt personnel et des valeurs
éthiques largement partagées. Assez souvent, et même le
plus souvent, c'est la théorie de l'intérêt personnel
(telle que l'interprète selon Smith) qui
l'emporte. »192(*)
Dans une pragmatique formelle de Jürgen Habermas, la
situation de la parole est un cadre qui nous permet de resituer l'ensemble des
composantes de l'action stratégique comme sous ensemble de l'action
communicationnelle.
On va le voir en ce qui concerne la critique de la
théorie du choix pur, selon Amartia Sen les vérifications
empiriques de ce type ont été jusqu'à maintenant
très rare, que ce soit en matière économique ou dans des
domaines tels que les relations conjugales ou le comportement religieux, en
dépit d'analyse intéressante du point de vue de l'analyse
conceptuelle de certaines théoriciens.» L'étude du
comportement dans les domaines de couple, des enfants, de la
criminalité, de la religion, et autres ne vérifient pas cette
hypothèse.
Pour son dépassement, Kabeya Tshikuku193(*) emprunte les armes
théoriques à l'analyse des Structures et Systèmes
Economiques, (ASSE).194(*) Pour lui justement, les « postulats
« classiques » (de la science économique), les
concepts de « société », de
« structure », et de « système »
ne sont pas compatibles.»195(*) Il évoque plusieurs raisons dont
certaines d'entre elles sont ici présentées, notamment
l'individualisme méthodologique : la grandeur
« société » renvoie à
l'individualité Ik (considéré comme agent
économique poursuivant le « maximum
d'utilités ». A propos, souligne-t-il, la science
économique « ne veut voir dans l'activité
fébrile des humains qu'une kyrielle d'entreprises individuelles,
rationnellement égoïstes, à la recherche de maximum de
profit. »196(*) Pour nous, c'est la théorie du choix
rationnel qui s'empêtre dans le paradoxe de l'hyperrationnalité
ou des idiots rationnels.197(*)
Amartian Sen pense que toutes les deux tendances de la
disciple économique dépendent de la
politique : « l'économie est en faite issue de deux
origines, toutes deux liées à la politique, mais de
manière différente : l'une s'intéresse à
l' « Ethique », l'autre à ce que l'on pourrait
appeler la « mécanique ».
Kabeya Tshikuku relève le défaut de «la
profession néo- libérale, sacralisant le marché comme
mécanisme de régulation et jetant l'anathème sur l'Etat (y
compris pour les sociétés du globe, comme le Congo, où
marché rime avec corruption et où l'on meurt de déficit
d'Etat ! »198(*) Il relève également le fait que, c'est
ici un des points focaux de son analyse la « représentation de
l'univers social ignore tout discours sociologique et s'apparente à la
Mécanique de l'horloge. »199(*) Il en appelle clairement à une approche
multidisciplinaire.
Ce point de vue montre in fine la pertinente critique de
l'individualisme méthodologique au moyen du structuralisme, du
fonctionnalisme et de la systémique dont il fait aussi tour à
tour un examen tout aussi critique. Il en appelle finalement sans coup
férir au postulat de l'interdépendance de l'activité
sociale. Toutes les sciences sociales se trouvent dans cette situation.
Tshikuku analyse et démasque de surcroit
l'inadéquation de l'approche systémique ou cybernétique
qui porte la théorie du choix rationnel , appliquée dans les
modèles économiques par les Institutions de Breton Wood à
travers le Programme d'Ajustement Structurel, comme exigence des
références de rationalité extérieure. Nous
pouvons dire qu'une telle rationalité se prolonge aujourd'hui dans le
programme PPTE (pays pauvres très - endettés). C'est l'effet de
«la cybernétique appliquée à des systèmes
économiques extravertis, post- et néocoloniaux, dont les deux
principes caractéristiques sont le divorce d'avec la demande sociale
domestique et l'irréductible incohérence entre les structures
internes ».200(*) La critique de Jürgen Habermas se ramène
à la dénonciation des abstractions maladroites de l'approche
structuro-fonctionnaliste et systémique.
Pour nous la question plus que pertinente posée par
Kabeya Tshikuku, celle de l'interdisciplinarité et de reconstruction
théorique est paradigmatique. Le cadre théorique nous resitue
tous les éléments rélevants du comportement. Le savoir
préthéorique, le savoir théorique, la croyance collective,
la préférence, l'intérêt personnel et collectif, la
situation de l'action communicationnelle, le thème de l'action, le sens
subjectivement visé, etc.
Il faut analyser la théorie de l'action du comportement
qui est motivé par des valeurs éthiques à la suite de Max
Weber. Une telle « approche praxéologique a déjà
été définit par Max Weber qui comprend l'activité
sociale comme un comportement ayant un sens subjectif, c'est-à-dire
guidé par un sens subjectivement visé qui le motive. Il ne peut
être adéquatement appréhendé qu'en fonction des
objectifs et des valeurs qui guident le sujet de
l'action »201(*). Elle s'oppose à l'action
motivée par l'intérêt personnel.
Les sciences sociales du développement
Comme le dit si bien Jean Pierre Olivier de Sardan, les
sociologues et anthropologues, et autres spécialistes des sciences
sociales ,les scientifiques et les chefs de projets ,les acteurs d'en haut et
les acteurs d'en bas doivent s'apprécier et collaborer. Nous essayons
de développer ici les liens étroits qui existent entre les
théories en science sociale les plus avancées notamment le
développement de la théorie de l'action jusqu'à leur
vulgarisation au niveau de commun des mortels tels que repris à travers
la rhétorique de développement et les projets inhérents.
Par exemple, l'expression « renforcement de
capacité » que l'on entend sur beaucoup de lèvres est
la version vulgarisée de concept hautement théorique de la
compétence, de la notion de capacitation chez Amartia Sen. Le concept
de « monde vécu » chez Habermas (la connaissance par
expérience) a pris aussi la forme la plus populaire de
« renforcement de capacité » dans les programmes de
développement. Il est utilisé justement abondamment dans les
projets de développement des Ong et autres projets bilatéraux
aujourd'hui.
Nous essayons de montrer comment la théorie de la
capacitation a été élaborée au niveau
théorique par le paradigme constructiviste de la théorie de
l'action.Une action est informée par une cognition vide : la foi,
la croyance, l'intention, etc.
En effet, une approche nationale des programmes est
conçue comme une approche pragmatique, étape par étape, de
la capacité à construire une gestion de
développement. La logique de l'action est interdisciplinaire,
inter-institutionnelle et partenarialle. L'intérêt est qu'il est
important de reconstruire conceptuellement son origine
épistémologique, pour monter sa portée et sa valeur. Les sciences praxéologiques ou la
théorie de l'action revoient à tout comportement humain ou
à l'action humaine que l'on étudie comme activité
intentionnelle ou comme un comportement simplement stimulé comme en
behaviorisme. Le behaviorisme présente un comportement stimulé en
restreignant le choix des hypothèses théoriques de base comme en
éthologie. C'est un cadre restreint.
Nous pouvons étudier aujourd'hui, les sciences sociales
sous trois grands paradigmes théoriques : le cadre
catégoriel de l'action, la théorie du choix de rationnel et la
théorie générale du comportement. L'approche actionniste
intègre l'hypothèse intentionniste dans l'analyse du
comportement.
En effet, l' « approche actionniste
établit un cadre catégoriel, à l'intérieur duquel
sont formulés des énoncés relatifs à
l'activité intentionnelle »202(*). En fait,
l'approche introduit l'individu et l'intentionnalité dans le
modèle structuraliste ou fonctionnaliste. Justement l'individualisme
méthodologique qui domine en théorie de choix rationnel a
donné « la théorie de l'action ou la praxéologie
(qui) désigne plutôt une armature catégoriale (Parsons,
Merton, Shils et al.) qui a servi d'orientation générale pour la
recherche sociale et qui, jusqu'à présent à des
généralisations empiriques. »203(*)
Il faut préciser à la suite de Jürgen
Habermas qu'« il existe aujourd'hui deux approches théoriques
d'une analyse strictement empirique des processus sociaux : une science
générale du comportement - qui s'est imposée dans
l'éthologie et dans la psychologie sociale - et une théorie de
l'action - qui prédomine en anthropologie culturelle et en
sociologie. »204(*)La théorie de l'action est
tombée dans des stratégies concrètes de gestion des
sociétés et Etats. Comment le concept popularisé
d' « acteur » issue de la théorie de l'action
intègre la logique de programmes de développement des OMD (des
objectifs du millénaire pour le développement) ?
En effet, les objectifs du Millénaire pour le
développement (OMD) constituent un programme ambitieux de
réduction de la pauvreté à l'échelle mondiale. Les
experts ont fait remarquer notamment l'inexistence d'aucun plan concret ad
hoc pour les pays dits pauvres qui en appelaient à la mise en oeuvre
d'une feuille de route qui prévoit :
- l'élaboration d'une stratégie nationale par
chaque pays en voie de développement ;
- l'alignement du DSRP (Document de Stratégie pour la
réduction de pauvreté) sur les OMD (objectifs du
millénaire pour le développent) ;
- l'augmentation de l'Aide au développement ;
- l'ouverture des marchés des pays à revenu
élevé aux profits des pays en voie de
développement ;
- le financement de la recherche.
C'est le cas de la logique de l'action qui structure les
Document de Stratégie pour la réduction de pauvreté,
(DSCRP), outres les objectifs du Millénaire pour le développement
(OMD) et même le plan comme le Nouveau partenariat pour le
développement de l'Afrique , (NOPADA) qui a échoué. On
peut dire que la logique de ces programmes est résiduelle.
Nous nous proposons de présenter la reconstruction
historique et systématique de cette approche programme entre autre, la
logique qui anime les programmes de DSCRP, de NEPAD qui a échoué,
et de l' OMD tels qu'ils surgissent des théories de l'action, des
théories de l'habitus( back ground, monde vécu) à travers
les différentes phases. Cette reconstruction historique comprend la
partie théorique et universitaire à travers l'approche
constructiviste de la théorie de l'action et de la théorie
habitusuelle (back ground) de la capacitation (Habermas, Bourdieu, Sen,etc.) et
structurale (ou systémique) et surtout théologique. Les
théologiens de libération, lotis de la non -violence, use des
sciences sociales pour montre les mécanismes producteurs de la
pauvreté : la dictature, le capitalisme sauvage de spoliation des
ressources naturelles, etc. Tout ceci s'imbrique.
Le savoir construit à l'université finit par
tomber dans le peuple. Pour Tshiamalenga Ntumba le langage est une
encyclopédie primitive des savoirs pré-théorico-pratiques
et théorico-résiduels. Le savoir préthéorique est
préscientifique, le savoir théorique est universitaire et
culturel, le savoir théorico- pratique est transculturel.
Disons que le Nouveau Partenariat pour le Développement
de l'Afrique est repris d'une certaine façon par le programme de
reconstruction de la RD Congo avec la Chine. Les priorités de NEPAD
ressemblent étrangement à quelques exceptions près
à celles de Cinq chantiers, dites aujourd'hui la révolution de la
modernité, une infirmité d'expression qui étonne en RD
Congo.
Il s'agit de secteurs suivants :
- Infrastructures,
- Ressources humaines,
- Santé,
- Technologie de l'information et de la communication,
- Agriculture,
- Energie,
- Accès des exportations africaines aux marchés
des pays développés.
CHAPITRE
CINQUIÈME :
LA SOCIOLOGIE CLASSIQUE ET L'AFRIQUE
Pour Albert Muluma Munanga G.Tizi, la sociologie africaine
est plus marquée par son occidentalisation poussée sur le plan
conceptuel, méthodologique voir paradigmatique. C'est une sociologie
hybride fondée sur son caractère « de pot
pourrie », poursuit-il, c'est-à-dire tributaire des
écoles de sociologie européenne et Nord-américaine,
marquée par l'influence des recherches effectuées par des
africanistes, anthropologues occidentaux en l'occurrence : G. Balandier,
J .Ziegler, R. Dumond, P.Mercier, M.Glucham, P.Bouvier, De Heusch,
Margaret Mead, Crawfort Young, L.Maunier, B.Verhaegen , Jan Vansina, L.De Sain
Moulin (s.j),etc.205(*)
La contribution de la sociologie africaine à la démarche
sociologique, poursuit-il encore, ne peut être qu'une sociologie
critique, saisissant la réalité africaine dans toute sa
dimension. Cette considération soulève d'emblée deux
questions : celle de savoir s'il peut exister une sociologie africaine et
si la « réalité sociale africaine » appelle
d'autres modes d'approches distincts de ce que propose la sociologie
classique.206(*)
Pour nous, la première question de revendication des
sciences sociales africaines recèle un mal entendu grave tant que la
reconstruction d'un des principes fondateurs ,celui de paradigme de
principe de « Tout et ses Parties » qui se trouve au coeur
du fonctionnalisme (voir Emile Durkheim ) pour ne citer que cet auteur,
à la base de la fondation des sciences sociales est puisé certes
dans plusieurs cultures (chez les Milésiens dont Anaximandre avec son
apeiron, les Grecs avec la théorie de la forme et de la
matière qui donne l' hylémorphisme de Stagirite) mais
aussi et bien avant en Egypte antique,en Afrique avec le concept de
kheper. C'est au point de départ des images mythiques du monde
( Weber).
Pour nous, disons -le d'emblée, cette vision de Muluma
part de la négligence relative d'une reconstruction
génétique des concepts, qui sont largement africains. Pour nous,
il ne faut pas demander à devenir africain ce qui l'est
déjà. Notre position à ce sujet ce qu'on ne peut pas
africaniser ce qui est déjà africain. Ceci justifie le fait que
ceux qui défendent cette thèse sont tout simplement pris dans un
cul de sac parce qu'ils tiennent comme acquis la science occidentale comme
épistémè dominante au sens où le noyau
théorique de base en la matière proviendrait de
l'hylémorphisme d'Aristote.
Cette problématique globale inclut la
conceptualisation d'Yves Valentin Mudimbe ou celle de la diaspora
tiers-mondiste de la question pendante de la décolonisation
intellectuelle qui doit se résoudre en dépassant le langage de la
modernité en philosophie et en se réappropriant
l'épistémè dominante par une critique africaine. C'est une
critique historiographique des connaissances. Pour nous, il ne s'agit pas
d'élaborer un autre discours, car dans ces conditions le point de vue
africain restera toujours une épistémè subalterne dans une
sorte d'épistémologie de frontière qui n'élabore
pas une reconstruction inscrite dans un régime d'historicité
très longue.
Notre stratégie argumentative est la suivante : le
dépassement du langage de la modernité depuis le rationalisme
fondé par René Descartes, langage qui configure les fondateurs
des sciences sociales tels qu'Emile Durkheim (Les Règles de la
méthode sociologique), le dépassement qui nous amène,
à la philosophie pragmatico - cognitiviste (nous aurons comme
réflecteur John Searle avec qui nous débattrons longtemps ) qui
fait des reconstructions théoriques d'envergure à partir des
sciences sociales classiques. La reconstruction historique non eurocentrique
nous amène au concept de kheper. L'étude pragmatico -
intentionnaliste des sciences sociales aujourd'hui est de plusieurs
cotés une étude plutôt structuro -intentionnaliste avec un
arrière-fond évolutionniste ou historique.
Au demeurant, la question de la rénovation des sciences
sociales se pose avec acuité dans le monde entier à cause de
changement profond de la réalité sociale.
La rénovation des sciences sociales africaines est pour
nous un programme épistémologique inspiré par le travail
de comparer les types d'anthropologies. Dans la même ligne, nous
reconstruit l'approche anthropologique de Karl Marx au moyen de concept de
lutte darwinienne de races. Les mêmes apories de Marx sont des
présupposés des auteurs comme Jürgen Habermas ou John
Searle, qui en restent à une anthropologie qui semble ne pas avoir une
chronologie historique judicieuse ou un présupposé d'une
unité biologique ou psychique du genre humain clair.
Au demeurant, il y a un besoin d'échange
théorique réel entre l'anthropologie (matrice des sciences
sociales) et la philosophie, entre les sciences sociales et humaines en
général et la philosophie. Un tel contexte contraste avec
l'épistémologie telle qu'elle s'enseigne dans nos
Universités congolaises qui semble rester plutôt
« générale » avec des
présupposés protophysiques dominants, alors que des chercheurs
en sciences sociales et Humaines attendent un échange théorique
« compréhensible » de notre part pour qu'ils se
dédouanent des multiples « impasses » relatifs qui
ont jeté leurs sciences dans une véritable routine, en même
temps de notre côté leurs calculs statistiques et méthodes
quantitatives pour les enquêtes sociales de tous ordres nous laissaient
pantois, alors que le Cours de statistique est inscrit au programme de
philosophie. C'est avec la volonté de tenter de rencontrer ces multiples
attentes que nous avons amorcé ces recherches.
Ce qui préoccupe en
général ou, pour être plus concret, ce que la
« réalité sociale » aussi bien en
Européen qu'en Afrique ailleurs, change profondément et
continuellement.
Etudier la « réalité
sociale » exige une prise en compte des changements qui agitent la
société. La théorisation dite actionniste ou
constructiviste s'effectue dans un esprit d'innovation complexe. Elle
présente plusieurs registres d'analyses où s'imbriquent aussi
bien le niveau de constructions sociales partie d'un savoir partagé et
d'une situation de la parole, des constructions sociales attributives (des
attributs langagiers) consécutives aux « mondes
vécus» avec Jürgen Habermas se situant aux antipodes avec des
constructions abstraites à l'instar des modèles classiques
construits à partir du modèle de Tout et de ses parties ,de
systèmes d'action et de monde vécu.
Le paradigme constructiviste se cristallise dans les approches
interprétatives qui visent à expliquer les significations
subjectives qui font consensus sur l'interprétation de la
réalité sociale. En ce sens, ce paradigme considère la
société comme une construction théorique constituée
des expériences subjectives de ses membres et du chercheur. Ce paradigme
est un ensemble des diverses traditions philosophiques incrustées dans
les sciences sociales notamment dans la sociologie classique. Le paradigme
interprétatif est inspiré de plusieurs traditions et alimente
deux approches : naturaliste et symbolique.207(*)
Cette reconstruction est due à la
nécessité de comprendre la « réalité
sociale » au moyen des instruments scientifiques adéquats.
Autant de « mondes vécus » africains, par exemple,
deviennent des lieux des transactions illicites, en marge de pouvoirs
officiels, d'un espace public inféodé
caractérisé par l'absence de crédit des animateurs et
l'amoralisme portés par les membres du groupe ; telles apparaissent
les pratiques de la prostitution, de la drogue, sous le mode de la
régulation de la violence des identités inédites, de
nouvelles figures de paternité, etc.
Pour Ibrahima Amadou Dia , les constructions
théoriques des tenants de l'approche quantitative apparaissent aussi
comme des prismes déformant de la réalité sociale gommant
les singularités dans des sociétés de classes et des
espaces structurés par les poids d'une société
industrielle périphérique.
Le Professeur Ntumba Lukunga208(*) relève à la suite de la triple
dimension et des problèmes que posent les sciences sociales en Afrique,
le fait qu'il était déjà bien longtemps opportun de lancer
un programme d'africanisation de la recherche. Prendre la
réalité africaine comme objet de recherche consisterait surtout
à élaborer progressivement une méthodologie, des
théories et concepts qui soient adaptés à cette
réalité sociale. Ces travaux qui se trouvent aux confins de
l'histoire, de l'anthropologie et de la sociologie et autres linguistique,
économie et Droit, doivent s'engager dans des voies nouvelles.
Toutefois, ce qui semble à première vue relevant
épistémologiquement dans les sciences sociales comme approches
communes et dichotomiques - récit/système, individualisme
méthodologique/holisme méthodologique, etc.- ce sont justement
les bases d'une part théoriques biologico- linguistiques et d'autre part
historiques : la démarcation de la causalité par rapport à
l'intentionnalité dans le fonctionnalisme, le structuralisme, la
systémique et la dialectique.
En fait, en tant que telle cette recherche de
rénovation a comme objectif de lutter contre l'infirmité des
sciences sociales et humaines africaines due en majeure partie à
l'esprit du conformisme et à la peur de l'innovation. Les chercheurs
dénoncent finalement l'exercice scientifique par
procuration, la production et la reproduction des discours
aliénés et aliénants, et l'inhibition théorique,
méthodologique et définitionnelle chez le scientifique
africain.
Comme on peut le remarquer, l'ambition affichée est
celle de pouvoir répondre à cette évolution des
réalités sociales par des politiques scientifiques
efficaces ; il faudrait logiquement avoir en premier lieu une
compréhension approfondie : l' « ontologie
sociale » en sociologie reconstruit les théories et concepts
puisés dans les modèles anciens de la philosophie de la Nature
des Temps modernes européens. Emile Durkheim recourt au
« mécanisme » de René Descartes, d'autres
recourent à la monadologie de Friedrich Leibniz avec ce que tout cela
comporte en tant que présupposés onto-théologiques
antiques : celui là plus proche de l'arithmétique
privilégiant l'espace géométrique homogène, et
celui-ci la monade, l'unité. La critique des modèles anciens (le
Tout et ses parties) cristallise la recherche sur les conventions et les
êtres abstraits d'une causalité avec les états mentaux
pour l'explication des phénomènes sociaux.
Les modèles « constructivistes »
qui rallient l'objectivité et la subjectivité des
« faits sociaux » aujourd'hui font globalement
prévaloir aussi bien l'unité ou les individus que le collectif.
En fait, la recherche constructiviste tend vers des modèles nouveaux qui
mettent en exergue la signification collective et la subjectivité pour
cadrer la réalité sociale. Les fondateurs de la sociologie ont
offert plusieurs modèles sur la primauté de la totalité.
Emile Durkheim, tire de cela que c'est la psychologie collective qui
façonne la mentalité individuelle, il n'y a pas de relation de
continuité inverse entre les deux. Aujourd'hui ces vues sont
reconstruites ; on ne traite plus exclusivement « les faits
sociaux comme des choses moins encore comme des idées », parce
que les faits sociaux n'existent pas en réalité sous le mode des
choses de la physique, de la chimie ni de la biologie. Ils forment une
réalité sui generis qui intègre la subjectivité
humaine et la signification commune.
En somme, dans cette étude nous nous occupons à
proprement parler de la « réalité sociale »,
de ses a priori représentationnels, et de sa fondation et de son
renouvellement théorique et conceptuel. La question des techniques et
des méthodes n'est pas proprement l'apanage de notre réflexion.
Le travail de restitution des principes ou de concepts
centraux des sciences sociales, la reconstruction historique et
systématique des postulats, et la reconstruction créative est
épistémologique (Marcel Tshiamalenga Ntumba, le quatre
moments de la philosophie en Afrique). Notre thèse est la suivante,
les sciences sociales classiques et les reconstructions postérieures
sont à des degrés divers redevables à des principes
théoriques fondateurs ou à des concepts formels de base. Nous
allons essayer de reconstruire le potentiel d'un des principes fondateurs,
celui de « Tout et ses parties » à la base des
sciences sociales classiques et contemporaines. Les sciences sociales
africaines dépendent-elles des corpus théoriques
occidentaux ? Dans quelle mesure et en quel sens une telle position
est-elle véridique ?
Problèmes
méthodologique et épistémologique
Plusieurs philosophes et scientifiques sociaux occidentaux se
sont attelés à renouveler l'axe méthodologique pour
articuler les bases scientifiques théoriques et
réflexives.209(*)
En sociologie « à l'heure de la modernité
avancée et du sujet réflexif, affirment Luc Van Campenhoudt et
alii, il est nécessaire de contribuer au renouvellement de la
démarche sociologique, non seulement dans ses concepts, mais
également dans ses outils méthodologiques ».210(*)
A la question de savoir : Pourquoi advient la
nécessité de la remise à plat des approches
théoriques et conceptuelles devenues contradictoires (ci-dessus), du
réexamen du concept de la « réalité
sociale » et de la révisitation de la méthodologie en
sciences sociales sous la mouvance constructiviste, la réponse
pour Luc Van Campenhoudt, Jean-Michel Chaumont et Abraham Franssen, est que
c'est parce que les sociétés européennes sont depuis un
temps confrontées à des problèmes sociaux et culturels
profonds.
Disons d'emblée que ce point de vue a posteriori qui
postule un constructivisme consécutif aux mutations sociales et
culturelles devrait être associé au point de vue a priori qui
consiste à choisir des modèles théoriques anticipant sur
les mutations socio- culturelles possibles. Le point de vue a postériori
est aussi soutenu par le livre édité par l'Unesco, Les
sciences sociales dans le monde, écrit sous la double direction
d'Ali Kazancigil et de David Makinson.
Au cours des années 1980 qui correspondent
approximativement à la reprise économique après la crise
pétrolière, le développement théorique principal
qui s'y développe mise sur la relation entre l'individu et la
société. En d'autres termes les théoriciens se focalisent
sur la relation entre l'individu et la rationalité collective sous le
postulat selon lequel « la société n'existe
pas », et que les seules réalités étaient
l' « individu et la famille » que les sciences
sociales semblaient négliger. Les travaux de Raymond Boudon, Pierre
Bourdieu, Norbert Elias, Anthony Giddens, Allesandro Pizzorno et Alain
Touraine, parmi d'autres, se sont penchés sur ces problèmes. On a
qualifié cet effort de « constructivisme ».
On considère que les faits sociaux sont des
constructions des agents collectifs et individuels. La plupart des
raisonnements subsumés sous ces termes ont été
développés pendant une période assez longue par les
intellectuels qui puisaient à la fois dans les sciences sociales de
l'après guerre et celles, classiques, de l'Europe.211(*)
Quels sont les problèmes ? On assiste plus
récemment en Europe occidentale, dans beaucoup de domaines, notamment
dans le service public, au déplacement d'interventions des institutions
vers de simples dispositions. En effet, « alors que les
politiques publiques « classiques » étaient mises en
oeuvre au niveau central, s'appliquant généralement à
l'ensemble du territoire national de manière homogène et
standardisée, et selon un découpage disciplinaire (politique
d'éducation, de santé, d'emploi, etc.), les nouveaux dispositifs
se caractérisent généralement par des logiques d'actions
spécifiques.... Alors que le déploiement des institutions et des
interventions dans la société industrielle s'est
caractérisée par un mouvement de différenciation des
sphères d'activités et de spécialisation des fonctions, le
travail en réseau répond davantage à une logique
transversale, de dédifférenciation inter-champs et
inter-institutions entraînant une hybridation des logiques
d'interventions, par opposition au découpage disciplinaire
classique. ... Les maîtres mots deviennent communication et
négociation ».212(*) De ce qui précède, nous voyons
s'amorcer une abondance d'études sur la nature des institutions.
Il y a surtout des mutations sociales et culturelles en termes
de « recomposition des modes de régulation sociale (...), des
dispositions de médiation et de gestion de normes (médiation,
ombusdman, pratique du contrat) qui traduisent le passage d'un mode de
socialisation ... fondée sur la participation des usagers à la
définition des objectifs et à leurs évaluations
(« autoévaluation ») ».213(*) Ceci donne lieu à un
certain nombre d'études théoriques sur la normativité.
C'est probablement dans ce contexte que les théories des normes feront
l'objet des études approfondies au Centre de Philosophie du Droit de
l'Université Catholique de Louvain. Ainsi, « le Centre de
Philosophie du Droit offrait donc un milieu de travail universitaire tentant de
prolonger et d'évaluer les hypothèses de la
procéduralisation formulée à partir de Habermas et de son
école grâce à une théorie générale de
la normativité sociale dont l'originalité est de faire du rapport
cognitif à la norme la clé du mouvement instituant toute forme
d'ordre collectif ».214(*)
Au demeurant, la régulation se pose de plusieurs
façons : « des nombreux problèmes de
développement global ou de manipulation du vivant appellent de nouvelles
formes de régulations. Mais c'est la capacité même de
produire des règles ou de légiférer sur un nouveau mode de
vie et de développement social qui fait
défaut ».215(*) Ce qui est en jeu, c'est l'ajustement entre normes,
jugements, expertises des scientifiques sociaux, et les contextes complexes
d'effectuation de nos sociétés.
Les causes des mutations à la base de la
rénovation des sciences sociales sont nombreuses, plusieurs questions
sont déjà analysées à partir de la crise dite de
la modernité et du modèle de Progrès et de la Raison.
Nous commencerons ici à partir de trois modèles, celui de la
désintégration de l'Empire romain, celui des cristallisations ou
des limites de la mondialisation économique, et celui de
l'émergence des problèmes institutionnels contemporains.
Pour la reconstruction théorique, nous partirons de
quelques postulations en droit : dans le système institutionnel
central, Droit et démocratie constituent deux faces d'une même
réalité, la société démocratique se
reproduit, au demeurant, au moyen du droit. Dès que les codes du droit
et des pouvoirs s'établissent, les délibérations et les
décisions prennent la forme différenciée d'une formation
de l'opinion et de la volonté politiques ; car la formation de la
volonté débouche sur des programmes, et les programmes traduits
dans le langage du droit ayant une forme légale. La collectivité
conçoit donc des programmes pour ce faire.
Ces programmes doivent être élaborés sur
base des principes du droit de partage équitable pour tous. En effet,
« la dynamique de cette action réflexive se trouve encore
accélérée par le droit de partage qui fonde les
prétentions à la réalisation des conditions sociales,
culturelles et écologiques pour bénéficier à chance
égale aussi bien des droits de disposer de la liberté que de
ceux qui permettent de participer à la vie
politique ».216(*)
Il est pertinent de signaler que le principe de
Devenir qui est au coeur des sciences sociales comme chez Emile
Durkheim est désigné sous le concept de
l'hylémorphisme d'Aristote. Il pourrait paraitre superflu de
montrer, et ici gît notre rappel : l'hylémorphisme
est de plusieurs cotés une reprise on ne peut plus clair de
l'apéiron d'Anaximandre, le devenir indestructible
infini. En Afrique antique, c'est plutôt le concept de
Kheper symbolisé par le « scarabée» qui,
non seulement est antérieur mais aussi fort et manifestement bien
élaboré. Le Devenir est une rampe théorique de
lancement des grands paradigmes qui se partagent la modélisation,
notamment celui de « Tout et ses Parties », paradigme
fondateur et formel, d'une ontologie matérialiste et dualiste.
Ce paradigme n'admettait pas, depuis Emile Durkheim, une
continuité entre les faits sociaux, le Tout et les psychiques
individuels. Pour ce classique le Tout (la société) a ses lois
propres situées et comprises bien loin des lois des parties (des
individus). Individualisme méthodologique contre l'holisme
méthodologique.
Ce ne sont pas les mentalités individuelles qui
façonnent la mentalité collective comme chez Auguste Comte qui
par ailleurs met l'Humanité au centre de sa sociologie que Durkheim
remplace par le concept problématique de la société. Pour
ce dernier, il n'y a pas non plus de relation de réciprocité
entre les faits sociaux et les faits psychiques individuels sinon nous
tomberions dans la science psychologique.
Toutes ces thèses sont celles que nous trouvons dans
les Règle de la méthode sociologique. Les
systèmes financiers, les règles morales, les règles
juridiques, les mythes, etc., dépendent en tant que faits sociaux des
principes distincts de la psychologie individuelle, ils sont régis par
d'autres principes spécifiques, la sociologie consisterait à les
chercher.
Nous rappelons cette théorie sociologique des
fondateurs pour marquer l'instance à reconstruire supposée par le
paradigme actionniste et interactionniste qui a repris aujourd'hui cette
problématique d'un point de vue épistémologique. A
travers elle, la théorie de Durkheim pose la question
irrésolue de savoir si les faits sociaux dépendent de nos
intentions, de nos désirs, de nos croyances, etc., de file en aiguille,
se pose le problème du mode d'être de ces faits sociaux et le
fondement des sciences sociales même.
Sous quelle forme existent les institutions lorsqu' elles ne
sont que la résultante des règles, des principes
consignés dans des registres, dans les codes ou sur un papier ou
à partir d'une causalité de l'Arrière-plan de disposition
ou d'un Habitus - voie médiane entre le Tout et ses parties-
comme référence incorporée collectivement dans toute
culture. Comme on peut bien le remarquer, le paradigme constructiviste ou
actionniste cherche aujourd'hui à donner un contenu subjectif des faits
sociaux et combler ce dualisme du type cartésien non sans
difficultés.
Il faut donc aller au-delà des systèmes de ces
unités élémentaires qui s'encrent dans le mental, dans
l'action ou dans les actes de langage qui opèrent comme des fonctions,
des variables, bref comme des structures profondes de la
« réalité sociale ». Les fonctions et
structures sont saisies comme des variables dont il faut mesurer la
prégnance.
Sommes toutes, la formulation logico-mathématique ne
peut se dispenser du fait majeur selon lequel toute enquête sociale
commence et finit par la matrice socio -culturelle. Les variables
répondent à des valeurs et des fins humaines. Historiser le
fonctionnalisme. On en arrive ainsi à la mise en exergue de
l' « intentionnalité » dans la construction de
cette réalité sociale.
La notion de
« monde vécu » (habitus)
Le « monde vécu » est local et
profond. C'est autour de monde vécu que se tissent les valeurs, la
conviction qui commandent l'action sociale véritablement. Une action
sociale peut être aussi de l'ordre stratégique, i.e., pouvoir et
vente. Chez Jürgen Habermas la notion de monde vécu structure
l'action et se tisse imbriquée dans la systémique : elle
dépasse par le sens qu'elle incarne et commande la notion de
systèmes d'actions sociales.217(*)
En tant que telle la notion de « forme de
vie » autrement appelée, issue de la
phénoménologie est au coeur des programmes de recherche en
sciences sociales aussi nombreux que, du côté des sciences
sociales : la linguistique reconstructive, la psycholinguistique, la
sociolinguistique, l'herméneutique, la philosophie elle -même,
l'historiographie culturelle, la sociologie compréhensive, etc. Du
coté des approches qualitatives en sciences sociales :
l'ethnométhodologie, l'interactionnisme symbolique, etc. Bref, tout ce
que nous pouvons appeler sciences praxéologiques (de l'action)
empirico-analytiques à la suite de Habermas.
Pourquoi la logique actuelle des programmes est-elle issue
d'une approche constructiviste ? Certes la double notion de l'action et du
système, de l'agent (ou de patient pour parler proprement) et de la
structure sont des concepts classiques à la base en science sociale qui
ont fait fortune. Le concept plus actuel de « monde
vécu » (habitus), doit être entendu comme
présupposé de ces dichotomies théoriques, agent et
structure ,en ce que la nation intègre le sens. Le concept de monde
vécu est utile dans l'ensemble des sciences praxéologiques
(pratiques) empirico-analytiques.
Le monde vécu se définit comme une pratique
usuelle dans la relation d'apprentissage entre l'enfant et les parents,
l'apprenant et le maître.218(*) Cette situation d'apprentissage et d'autorité
accompagne on s'en douterait la personnalité, la société
et la culture. Nous sommes toujours déjà pris sous la coupe des
Maîtres. Ce sont des ressources et des capacités qui font le monde
vécu. Une enquête aujourd'hui en sciences sociales se fait pour
caractériser la structure de l'action à partir du monde
vécu. Il y a donc là une manche qui peut être
mesurée et l'autre qui ne peut être que comprises. La
théorie de l'action a soudé les sciences sociales qui se
conjuguent désormais sous son paradigme et baptisées comme
sciences praxéologiques ou pratiques.
Qu'est-ce qui commande les interactions est une question
primaire de toute théorie sociale. La question transcende de la
dichotomie théorie systémique et théorie de l'action,
cherche à rendre le fonctionnalisme historique, permettre l'affirmation
de l'unité de la compréhension collective - le monde vécu
est individuel et collectif, c'est une expérience réussie qui
traverse la personnalité, la société et la culture- et
fonde normativement la théorie sociale. Le concept de monde
vécu qui structure la sociologie de l'habitus chez Pierre Bourdieu, est
phénoménologique et est le fondement de la théorie
générale dans les sciences praxéologiques empirico -
analytiques.
La notion de « tout et ses parties » a
fait fortune en philosophie et en sciences sociales, comme la notion de
« monde vécu » qui est aujourd'hui en vue, toutes
tirées de grandes doctrines anciennes de grandes civilisations. Le
terroir d'une vie pieuse est le lieu de génération de ces
archétypes. Les notions se tiennent : le «tout et ses
parties » est théocentrique alors que le monde vécu est
anthropocentrique. Cet anthropocentrisme permet à Habermas de construire
une pragmatique formelle contre l'abstraction d'une approche
structuro-fonctionnaliste d'un Emile Durkheim ou de Claude Lévi-Strauss
plus théocentrique.
On peut dire que le concept de monde vécu est
l'objet ultime du livre de Jürgen Habermas intitulé Logique des
sciences sociales et autres essais. Dans l'intitulé, le choix de
concept « Logique » au lieu
d' « épistémologie » ou de
l' « Histoire des sciences sociales » tient à
la structure inhérente de la notion de monde vécu qui est par
nature analogique du point de vue logique et ontologique. Que Habermas
dévalue l'ontologie au profit de la logique ou de l'Histoire des
idées qu'il pratique dans ce livre se justifierait suffisamment.
CHAPITRE SIXIÈME :
LES DEUX VISIONS DES SCIENCES SOCIALES ET LA
« RÉALITÉ SOCIALE »
Une « réalité
sociale » peut naitre, subsister, dévaluer, dispaître et
même ressurgir, elle est sujette à l'inflation pour ainsi dire.
Nous pouvons décrire ces mécanismes de naissance, de
dévaluation et autres mécanismes semblables.
La réalité sociale désigne
des choses, des hommes ou des situations. Il peut donc s'agir du mariage, de la
loi, de l'homme politique, de la monnaie, de l'avocat, du philosophe, de la
guerre, de la propriété, etc.
La réalité sociale est l'objet
véritable des sciences sociales. La réalité sociale
conditionne la vision implicite ou explicite que le chercheur a des sciences
sociales.
A propos, les deux visions de sciences sociales
sont liées à cette notion de « réalité
sociale », elles se situent au plan des présupposés
souvent non perceptibles qui sont analysés par une discipline
épistémologique naissante appelée communément
« ontologie sociale » : qui s'occupe de mode
d'être et d'existence des faits sociaux. La « cosmologie
sociale » analyse le mécanisme d'émergence des faits
sociaux selon qu'ils sont dépendants ou indépendantes des
personnes , niveau où le débat porte essentiellement sur
l'existence de lois régissant la réalité sociale.
Nous allons ici indiquer les termes complexes de
positions principales : En effet, Pierre Cossette nous rappelle
que « les chercheurs (...) ont vraiment réalisé
qu'il existait deux visions radicalement différentes sur la nature de la
« science sociale ». Quelles sont ces visions ?
Burell et Morgan distinguaient « deux
positions mutuellement exclusives en recherche sociale : le
réalisme et le nominalisme ».219(*) Cette différence se
cristallise, il faut bien le savoir, sur la nature de la réalité
sociale.
La position réaliste des sciences sociales
« Les chercheurs (qui) adoptent une
position réaliste adhèrent essentiellement au modèle
classique de la science. Ils postulent plus ou moins explicitement l'existence
d'un ensemble des lois immuables ayant un impact déterminant sur le
fonctionnement de la réalité sociale. (...) On croit qu'il existe
un ordre sous-jacent incontournable ».220(*) Cet ensemble des lois sont formelles tel que le
principe de totalité des faits sociaux en sociologie, holisme ou le
principe actionniste de l'intérêt individuel , l'individualisme
méthodologique. C'est la position traditionnelle des sciences sociales
classiques depuis les fondateurs, et des sciences sociales classiques
,tributaire de la philosophie de la nature. Emile Durkheim et Adam Smith
offrent ici des parfaits exemples avec respectivement la primauté de la
totalité déterministe et du choix de l'action rationnelle.
La position conventionnaliste
A l'opposé, le nominalisme ou conventionnalisme n'est
pas une position déterministe. Cette position est celle qui se
développe aujourd'hui de plus en plus, elle était
déjà nourrie par la praxéologie (la théorie de
l'action) depuis Max Weber. Ce seraient les êtres humains et non les
lois de la nature qui feraient que la réalité sociale est telle
qu'elle est et qu'elle fonctionne comme elle fonctionne en se fondant notamment
sur leur univers mental, les interactions et leur propre langage ,constituant
ensemble les structures de la réalité sociale.
Les individus ,pour ainsi dire, deviennent leur propre
réalité, contribuant ainsi à
« construire » le monde dans lequel ils vivent, un monde en
quelque sorte « négocié » collectivement de
manière plus ou moins délibérée et ayant un sens
pour eux. 221(*)
Lieux communs et question de la reconstruction des
sciences sociales africaines
En sociologie ,de part et d'autre de ce deux visions, la
« réalité sociale » reste constituée,
comme nous venons de le dire, du langage ou des actes de parole, du mental (de
l'univers mental) et des inter(actions). Ce sont un ensemble d'action
collective et de mentalité collective : les règles
financières, les mythes, les règles morales, etc.
Seulement, au point de vue théorique, si cette
réalité sociale dépend des lois de la nature, elle
dépend d'une totalité formelle qui n'a rien avoir avec les
personnes en chair et en os. C'est ce qui découle de la coupure
épistémologique de tradition des sciences sociales classiques
avec Emile Durkheim. La société n'est pas une somme des individus
mais une réalité sui generis.
Cette définition du concept de
« société » en sociologie classique est une
définition syntaxique, c'est-à-dire abstraite et structurale. La
sociologie durkheimienne pose un problème aujourd'hui de part son
approche syntaxique de base parce que la « réalité
sociale » se coupait de l'intentionnalité des acteurs (des
parties du Tout). C'est la question de la totalité concrète et
celle de la détotalisation qui est posée.
Le concept de « société » en
sociologie classique a été défini du point de vue
syntaxique et sémantique comme une
« totalité » avec Emile Durkheim. La
société renvoie ici à la notion de Tout, à la
totalité, au système, à la structure (et aux approches
subséquentes : fonctionnalisme, structuralisme, systémique
et cybernétique), qu'à ses parties en tant qu'agents ou
acteurs (aux approches actionnistes et constructivistes). La conception
classique des sciences sociales ce que c'est le chercheur qui construit la
« réalité sociale » à partir de la
primauté abstraite de la totalité alors le modèle dominant
constructiviste veut que l'agent lui-même construise la
réalité. Aujourd'hui, une définition pragmatique (voir le
tournant pragmatique en sciences sociales) de concepts de
« société » renvoie au monde social tel que
vécu, une totalité concrète, le monde vécu, tel que
l'acteur ordinaire construit la réalité sociale.
La question théorique est celle de savoir comment
repenser la syntaxe et la sémantique de la question sociale à la
base de la pragmatique et du cognitivisme ? C'est le dépassement de
l'approche structuro-fonctionnaliste vers des approches actionnistes. Au
demeurant, disons que les chercheurs oscillent toujours entre ces deux
pôles.
La sémantique est partie d'une approche proto-physique
vers le structuralisme linguistique avec des auteurs comme Claude -Levi
Strauss, pour finalement se fixer en logique.
Il s'agit d'une double question principale hautement
épistémologique, celle de savoir : Comment sont produites
les connaissances scientifiques en sciences sociales, i.e., en sociologie, en
psychologie sociale, en science politique et autres sciences
économiques, et quelles sont les structures profondes du langage des
sciences sociales ?
La question secondaire est celle de la construction
sémantique des sciences sociales et son dépassement ? Ces
questions aideraient à coup sûr pour une révision des
concepts centraux des sciences sociales africaines profondément
ancrées dans une science sociale élaborée à un
moment donné en Occident.
Ce qui est intéressant c'est de savoir le rôle
que jouent les sciences du langage en sciences sociales, spécialement la
phonologie, la sémantique, la pragmatique et la sémiotique. C'est
le rôle épistémologique de moyen théorique de
production de connaissance.
La sémantique, la pragmatique, la phonologie jouent un
grand rôle dans la production de connaissance en sciences sociales. Par
exemple, le structuralisme lévi-straussien est fondé sur la
phonologie comme modèle de la « réalité
sociale ».
Comme on peut le constater, dans notre hypothèse et
dans notre méthodologie dans ce vaste travail de reconstruction des
sciences sociales africaines, nous allons préciser ces termes, tenir
compte des structures profondes du langage, de l'action et du mental, qui
supposent une reconstruction utilisant les outils linguistique mais aussi
logique par delà la philosophie de la nature, i.e. la proto-physique
comme chez Emile Durkheim.
Pour synthétiser, c'est dans la sémiotique que
l'on trouve toutes réunies la syntaxe, la sémantique et la
pragmatique. On peut délimiter, à l'intérieur de la
sémiotique, différents niveaux d'analyses et le domaine
d'application qu'elle correspond. Chez Charles Sander Peirce développe
la sémiotique est une théorie générale de
signification. La sémiotique est conçue comme le fondement
même de la logique, la science des lois générales
nécessaires des signes, i.e. la science des structures profondes de
langage des sciences sociales. Elle est prise comme architectonique en
sciences sociales.
Le constructivisme et le
relativisme en sciences sociales
La tendance conventionnaliste a donné lieu au mouvement
dit postmodernisme consécutif au relativisme qui s'est étendu
dans le monde entier. « L'un des terrains fertiles de
déploiement des thèmes postmodernistes est constitué,
c'est Yves Bonny qui le rappelle, par les différentes aires
régionales ayant historiquement formé
l' « Autre » de l'Occident, qu'il s'agisse des pays
dits du tiers-monde ou de ceux de l'ancien bloc
communiste ».222(*) Et, « les versions
latino-américaines du postmodernisme sont quant à elles
fortement marquées par l'expérience du colonialisme d'abord, puis
de l'hégémonie exercée par les Etats -Unis sur le
continent ».223(*) C'est la question de la décolonisation
intellectuelle.
Pour les tenants de cette pensée, l'enjeu est de
réviser l'ensemble des discours qui fondent l'identité nationale,
les récits de l'histoire, les canons de la littérature, avec
comme cible centrale les programmes de l'enseignement scolaire et les manuels
qui les accompagnent. Il s'agit sous la forme la plus mesurée de
reconnaître les formes de racisme, de stigmatisation, de discrimination
inscrites dans le passé national, notamment dans les manuels d'histoire,
d'éliminer les préjugés, de célébrer la
diversité et les différences, de favoriser une plus grande
tolérance en faisant connaître les cultures et les religions qui
composent le pays. 224(*)
Le mouvement multiculturel a atteint notre pays, la
République Démocratique du Congo, sous plusieurs formes,
notamment dans la reforme des programmes académiques. A la suite de
PADEM (programme de modernisation de l'enseignement supérieur) en
République Démocratique du Congo, il a été
instauré un programme basé sur la thématique identitaire
de Genre (les études féminines dont on a que faire à la
faculté des Lettres et sciences humaines de l'Université de
Kinshasa ) et aux Facultés protestantes de Kinshasa.
En Philosophie nous pensons qu'à cette suite , le
programme académique doit tendre vers ce qu'on appelle aux Etats Unis et
maintenant en France, les Lettres et Sciences ou le Ph.D, Philosophia Doctor,
tel que nous tentons de le faire. Ceci est d'autant plus urgent pour imposer un
dialogue entre notre philosophie on ne peut plus cloisonnée avec les
sciences sociales et humaines particulières. Chaque tournant pragmatique
des sciences sociales se pense avec la philosophie.
Par ailleurs,une épistémologie
d'intégration doit viser à trancher des persistances
contradictions dans ces positions épistémologiques. Ces
contradictions actuelles se focalisent selon Jean De Munck sur deux tendances:
« une théorie de connaissance (qui) se tend entre une version
positiviste dure de la méthodologie, et la tendance
déconstructive. (Par exemple) la philosophie morale se divise entre un
néo-formalisme -utilitariste, libéral, néo-kantien- et des
appels à l'authenticité personnelle ou aux traditions
communautaires. La théorie sociale oscille entre de grandes
constructions rationalistes et l'étude moléculaire des
réseaux, des territoires, des styles de vie ».225(*)
Au point de vue pratique, Jean De Munck fait constater la
« persistance des contradictions : au moment où le
libéralisme triomphant peut prétendre occuper tout le champ
laissé libre par l'effondrement du communisme , sa figure
inversée, sa négation systématique ont pris forme des
esprits, dans les événements, dans les configurations
culturelles ».226(*)
Et de conclure sans beaucoup de conviction :
« notre monde est à la fois libéral et postmoderne.
(Ils) s'appellent l'un et l'autre, « et leur constante inversion
est l'aporie centrale de notre temps ».227(*) Il affirme le fait que
« la tendance déconstructive, fait ses 'adieux', ne
voulant voir dans ces sciences que des constructions contingentes,
dépendantes de lieux, d'histoires et de sombres stratégies de
puissance ».228(*)
En effet ,« au moment où le formalisme d'une
Raison économique et politique se redéploie à grande
échelle, le postmodernisme démasque son irrationalité
persistante, l'injustice qu'il génère, le mensonge qu'il
véhicule et la violence qui le soutient. Au clivage de la guerre froide
s'est substitué le nouveau grand partage : non plus les droits de
l'Homme contre les droits collectifs ,mais les droits de l'Homme contre le
droit à la différence ;non plus le marché contre
l'Etat ,mais le marché contre les cultures ; non plus l'individu
,universel et abstrait ,contre le travailleur concret ,mais l'individu
,toujours universel ,toujours abstrait ,contre la diversité des visages
,le pluralisme des tributs ,la diffraction des valeurs ,des styles ,des
convictions ».229(*) Jean De Munck projette ainsi de façon
minimaliste un programme de révisitation de l'idée de la raison
à travers la revue des modèles en sciences sociales.
En fait, la question est si délicate que, le
particularisme est aussi la tentation qui nous ante encore nous
africains ; en fait c'est serait un coup de maître de nous faire
sortir du relativisme et de nous éviter la tentation d'y sombrer. Selon
Renée Bouveresse, « le relativisme est aujourd'hui largement
supporté par les sciences humaines, qui montrent facilement que chaque
société, chaque culture, chaque groupe social, chaque homme
même ont des cadres de pensée différents. En particulier,
elles ont attiré l'attention sur le fait que chaque langue implique une
vision du monde autonome. Whorf a poussé à la limite le
relativisme linguistique en analysant l'emploi des temps dans la langue
Hopi et en montrant qu'ils supposent une conception du monde
totalement incompréhensible pour un Occidental ».230(*)
Aussi « il va de soi que, si l'on accepte toutes les
conséquences de ce que Quine a appelé la
« relativité ontologique », il n'y a plus de place
pour le profil rationnel, puisque celui-ci suppose que l'on puisse communiquer,
et tout remettre en cause ».231(*) Nous allons ici nous référer à
Renée Bouveresse et tirer des extraits de son livre intitulé
Karl Popper, ou, le rationalisme critique, critique du relativisme
où il affirme le fait que « Hegel parait être le
père du relativisme moderne, dans la mesure où la
vérité était pour lui relative à chaque cadre
culturel et historique : mais il affirmait en même temps, la
vérité absolue de sa propre théorie »232(*). Dans ce contexte «la
problématique avec Kuhn s'inscrit dans un combat philosophique de
portée très générale : celui de la critique
par Popper de la « maladie philosophique essentielle » du
XX ème siècle : le relativisme ».233(*) C'est une maladie de notre
temps. Il faut souligner le fait aussi que « Popper a
examiné, poursuit Bouveresse, le « mythe du cadre de
référence » qui est, selon lui, le support majeur du
relativisme moderne, à la fois sous sa forme morale, et sous la forme
intellectuelle dont la thèse de Kuhn est une illustration
particulière. Il entend par là, la thèse selon
laquelle on ne peut discuter ni même communiquer à moins d'avoir
accepté de part et d'autre un certain nombre de postulats de base. Entre
hommes se situant dans des « cadres » de
références différents , aucun dialogue n'est vraiment
possible , et si l'on peut changer de « cadre » c'est de
façon irrationnelle , par un choix arbitraire.»234(*)
Enjeux : La menace du réalisme et le
post-modernisme
La réalité sociale est là, c'est nous qui
la faisons exister. Selon Tom Rockmore, ce débat entre réalisme
et contructivisme se cristallise aujourd'hui entre Putnam et Searle:
« the nature of realism as it is often undestood in the recent
debate ».235(*) Le réalisme parmi tant d'autres principes de
la rationalité moderne a justement fait selon John Searle236(*) l'objet d'âpres
attaques, et « ces attaques contre le réalisme sont
troublantes à plus d'un titre ».237(*) Selon divers
théoriciens de la littérature
« post-moderne », soutient Searle, toute connaissance
étant le produit d'une construction sociale et sujette à
l'arbitraire et à la volonté de pouvoir inhérent à
toute construction sociale, le réalisme devrait s'en trouver
menacé. 238(*)
John Searle soutient justement le fait qu'un des grands
enjeux de sa réflexion aujourd'hui est contre la tendance de renverser
indûment la rationalité occidentale du fait même que les
principes inhérents posent des problèmes de relativisme. Ainsi,
John Searle évoque-t-il outre le principe de réalisme sur lequel
il s'appesantit le plus, le principe de l'impossibilité de
l'objectivité, le principe de la relativité conceptuelle, etc.
L'origine récente de problème de relativisme
moderne
Le problème posé à travers le principe de
constructivisme touche les questions fondamentales et des enjeux philosophiques
centraux concernant les soubassements épistémiques et
ontologiques sur des notions telles que la réalité,
l'objectivité, la vérité, la raison, la
rationalité, la logique, la connaissance, l'évidence, et la
preuve. Plus explicitement : or, il est établi que le monde (ou, si
l'on veut, la réalité ou l'universel) existe
indépendamment de la représentation que nous en avons.
L'objectivité épistémologique complète est
difficile, parfois impossible, parce que les recherches que nous menons se font
toujours d'un certain point de vue, motivée par toutes sortes de
facteurs personnels, et dans un certain contexte culturel ou
historique. Avoir des connaissances, c'est avoir des
représentations vraies pour lesquelles nous pouvons donner certaines
sortes de justifications ou de confirmations empiriques.239(*)
La thèse que Searle
combat est l'antiréalisme sous ses deux versions que voici :
« en premier lieu, la thèse selon laquelle la
réalité consiste en états conscients et, en second lieu,
la thèse selon laquelle elle est construite socialement, au sens
où ce que nous appelons le « monde réel »
n'est qu'un ensemble de choses construites par des groupes des
gens ».240(*)
Searle appelle la première thèse, l'idéalisme
phénoméniste et la deuxième celle de constructionnisme
social.
Contre l'idéalisme phénoméniste, il
oppose ce qu'il appelle l'argument « transcendantal » dans
un des nombreux sens que Kant donne à ce terme.241(*) John Searle part
également de la Critique de la Raison pure d'Emmanuel Kant pour
présenter son argument en faveur de l'impossibilité d'une
réalité indépendante de nos représentations
humaines. C'est en fait en notre sens, la transformation des formes a priori
de la sensibilité et des catégories de l'entendement de Kant dans
la philosophie analytique dans sa phase pragmatique. Les mots sont ici des
formes a priori de communication humaine. Les mots deviennent les conditions de
réalisation de communication humaine. Elles forment les conditions
d'intelligibilité de la connaissance, qui du point de vue de la pratique
forme l'Arrière-plan. Les formes a priori ne sont pas des choses, elles
sont dans les termes de Kant des illusions sans lesquelles la connaissance
n'est pas possible.
Pour Searle, le relativisme est consécutif à
l'antiréalisme au fait que : « c'est quelque fois
une satisfaction pour notre volonté de puissance que de penser que
« nous » faisons le monde, que la réalité
n'est elle-même rien d'autre qu'une construction sociale, modifiable
à volonté et sujette aux changements futurs qui
« nous » paraissent appropriés. De même,
il semble choquant qu'il y ait une réalité indépendante
des faits bruts - aveugles, sourds, indifférents, et totalement
imperméable à nos préoccupations. Tout cela fait partie de
l'atmosphère intellectuelle générale qui donne
l'impression que les versions antiréalistes du
« poststructuralisme » telle que la déconstruction,
sont intellectuellement acceptables voire excitantes ».242(*)
Ce qui, au demeurant, est en jeu reste la
déconstruction des principes de la rationalité occidentale :
« le postmodernisme, inversion de tous les idéaux de la
rationalité, se répand comme une traînée de
poudre. Alors que le libéralisme ne promet qu'un long processus
d'alignement planétaire des institutions sur les
références rationnelles des droits de l'Homme et du
marché, l'idée même d'évolution historique
homogénéisante est contestée, critiquée,
dépecée par un postmodernisme qui ne voit que des contextes et
leurs « petits récits »inaliénables dans la
« grande histoire » de l'émancipation
».243(*) Pour
éviter la réduction à l'infini, il faut partir d'un
schème conceptuel ou d'un cadre de référence processuel,
par exemple d'un système juridico -morale reconnu par la
communauté scientifique. Seulement, en tant que normes, elles sont
toujours déjà à construire.
De façon générale, selon Yves Bonny, sur
les bases du relativisme, « on est amené à
développer la thèse de la pluralité et de
l'incommensurabilité des systèmes de connaissance, ce qui
signifie que l'on ne peut jamais les juger d'un point de vue extérieur
et qu'ils ont tous la même valeur. Ce relativisme est appliqué
à la science et le plus largement à l'ensemble des
références qui sont issues de la civilisation occidentale,
lesquelles sont ramenées à une simple
« culture » parmi tant d'autres. « Une des formes
que prend le relativisme consiste à soutenir que les
« savoirs », et les « connaissances »,
sont toujours relatifs à un référentiel, et que par
conséquent on ne peut les juger que par rapport à
celui-ci ».244(*)
Enfin ,comme le redoute Baillargeon ,le postmodernisme cherche
à s'arroger « les éventuels mérites de la
diffusion du relativisme culturel ou anthropologique et des vertus qui lui sont
associées, comme la tolérance et la reconnaissance et le respect
des différences »,à partir d'un relativisme
épistémologique.(...)Le souci compréhensible de
réhabiliter les représentations et les savoirs non occidentales
ou des « sous -cultures »internes à l'Occident
contre les formes les plus extrêmes du dogmatisme positiviste et de
l'impérialisme ».245(*)
La
modernité sur la sellette
La modernité est battue en brèche par la
thèse de relativisme. « La logique profonde de la
modernité ( a consisté) à établir dans tous les
domaines un ordre nouveau, à partir d'une raison législatrice
portée par un sujet « civilisé »,
autocontrôlé, « discipliné »,
capable de maîtriser ses impulsions et passions. Cette logique s'exprime
de la façon à la fois la plus pure et la plus répressive
lorsque les agents modernisateurs sont persuadés de détenir la
vérité et disposent pour l'inscrire dans la vie sociale de toutes
les ressources de la puissance politique, économique et
technique.»246(*)
Cette situation amène à « l'interprétation de
la modernité comme société de surveillance et de
contrôle (...) comme société post- disciplinaire (...)
comme logique de mise en ordre, (comme) la lutte contre l'ambivalence sous
toutes ses formes (...) provoquant partout la certitude et un grand partage
entre raison et son autre ».247(*) Nous sortons déjà largement de cet
ordre de part la crise financière occidentale.
« Dans cette perspective (moderne),
poursuit Yves Bonny, le savoir perd l'innocence et le prestige qu'il
possède dans les représentations ordinaires de la science et de
la vérité et devient une composante fondamentale de la
construction des rapports sociaux et de la subjectivité, avec comme
orientation dominante la normalisation et le
contrôle ».248(*)(C'est nous qui soulignons). En Europe même
« toute cette orientation doit pour être comprise, être
resituée dans le contexte historique du gauchisme des années 70
en France, marqué par la contestation tous azimuts des normes, des codes
et des institutions, perçus comme intrinsèquement
répressifs ».249(*)
Le
rationalisme en question
« L'une des cibles centrales de la critique
postmoderniste concerne le rationalisme, qui est au coeur de la civilisation
occidentale et s'articule logiquement avec une visée
universaliste. »250(*) Et :« la critique du
rationalisme vise (...) les orientations qui ont présidé à
l'histoire effective des deux derniers siècles et qui au nom de la
rationalisation ont débouché sur des formes de domination
inédites (...) où le colonialisme, l'impérialisme et
différentes formes de violence ont été exercé au
nom de la « mission civilisatrice de
l'Occident ».251(*)
Les critiques sont multiples : « la critique
postmoderniste, écrit Bonny, va mettre en doute et en cause le projet
sur plusieurs angles. D'abord, en soulignant le caractère
autoréférentiel de la raison, c'est-à-dire
l'impossibilité d'une « fondation ultime » du
discours ou des institutions (c'est en ce sens que l'on parle d'une
critique du fondamentalisme) ».252(*) En outre, écrit-il encore « le
rationalisme moderne repose sur un ensemble de postulats et d'orientations de
la pensée qui ne constituent en rien une évidence ou un point
d'appui ultime et qui peuvent par conséquent toujours être
discutés et contestés ».253(*) Cela débouche sur le fait que l'usage de la
Raison est toujours situé et que c'est toujours d'un certain point de
vue et depuis une certaine perspective que l'on peut développer une
argumentation cohérente. S'en suit une critique de l'universalisme
moderne.
Les représentations de l'homme que se fait le
rationalisme en tant que culture dominante sont donc interrogées sous
plusieurs facettes. Une autre orientation de l'analyse est davantage historique
plutôt que philosophique. Elle consiste à soutenir que les
idées développées à partir du rationalisme
véhiculent tout un univers de représentations propres à la
culture occidentale et des acteurs socialement dominants.
Pour prendre un exemple des théories de la connaissance
« le modèle classique de la science opposant un sujet
savant (face) à un objet de connaissance défini de
l'extérieur a été profondément questionné,
au profit d'une raison herméneutique s'élaborant dans
l'intersubjectivité, c'est-à-dire dans un rapport de dialogue
avec autrui, mêlé de distanciation critique, mais refusant une
posture de rupture et de surplomb à son
égard ».254(*) Cette posture est présente de façon
insistante dans la philosophie africaine qui part des herméneutiques.
Au plan sociologique ,Yves Bonny regroupe ces critiques en
tant qu'elles s'organisent comme mouvements autour du phénomène
de domination et d'aliénation, liés à la mise en ordre
à caractère symbolique des rapports sociaux : la
théorie critique de l'Ecole de Francfort ,(...) ,la critique de la
culture et du pouvoir symbolique développée par Bourdieu et son
école ,les courants dits poststructuralistes( la démarche de
déconstruction des discours sociaux), ...les cadres et concepts
théoriques issus de tous les domaines d'étude où les
questions d'identité et de subjectivation occupent nécessairement
une position centrale (études sur l'ethnicité ,le genre
,l'homosexualité ,les situations postcoloniales ,les zones
frontalières mettant en rapport le « Nord » et
le« Sud »-à l'exemple des Chicago studies -,les
positionnements subalternes ») ».255(*) Les rapports du centre et
de la périphérie, ainsi de suite.
La construction sociale non
relativiste et antiréaliste de John Searle
Sur la relativité, Searle pense en définitive
qu'un énoncé vrai peut être un système
d'énoncés vrais mais incommensurables par rapport à
d'autres énoncés ou schèmes conceptuels tout aussi vrais
à propos d'un même objet (coréférentialité).
La légitimation des paradigmes scientifiques et ses conséquences
sur la reconnaissance des épistèmes africaines en tirent grand
profit.
Pour expliquer sa thèse de construction sociale non
relativiste et antiréaliste Searle fait recours à un exemple
emprunté à Putnam. « Imaginons, dit-il, qu'il existe
une partie du monde du type de celle décrite dans la figure
(suivante) :
A
B C
Combien d'objets y a-t-il dans ce mini- monde ? Eh bien,
selon le système de l'arithmétique de Carnap (et selon le sens
commun), il y en a trois. Mais, selon Lesniewski et d'autres logiciens
polonais, il y a sept objets dans le monde, comptés de la manière
suivante :
1 = A
2= B
3=C
4=A+B
5= A+C
6= B+C
7=A+ B+C
Combien d'objets y a-t-il dans ce mini- monde ? Y en
a-t-il réellement trois ou réellement sept ? Il n'a pas de
réponse absolu à cette question ». Le schème
conceptuel vise comme nous pouvons le constater à mettre à jour
les structures non immédiatement données ou `visibles'. Nous
pouvons ajouter une autre question : le schème conceptuel peut -il
être problématique ? Pour Searle, « Nous
sommes toujours confrontés aux problèmes du vague, de
l'indétermination, de la ressemblance de famille, de la texture
ouverte, de la dépendance contextuelle, de l'incommensurabilité
des théories, de l'ambiguïté, de l'idéalisation qui
,intervienne dans la construction des théories, des différentes
interprétations possibles, de la sous -détermination de la
théorie par les preuves dont on dispose, et ainsi de
suite ».256(*)
En fait John Searle s'oppose à W.V.O.Quine et sa
théorie de la relativité de la vérité.
« Le fait, dit John Searle, que les schèmes conceptuels rivaux
(cadres de référence ou paradigmes) permettent différentes
descriptions de la même réalité, et qu'il n'y ait pas de
description de la réalité en dehors de tout schème
conceptuel, n'a aucun effet que ce soit sur la vérité du
réalisme ».257(*)La thèse de Searle est celle de la
construction de la réalité sociale non relativiste en tant
qu'elle est informée par un schème conceptuel.
Le constructivisme non relativiste de Searle rejette le
relativisme de culture en tant que base d'une doctrine axiologique et
nous prévient contre la réduction à l'infini, d'autant
plus qu'un point de vue scientifique n'est pas à inventer mais à
dévoiler.
Ontologiquement, « une réalité
socialement construite présuppose une réalité
indépendante de toutes les constructions sociales, parce qu'il faut bien
quelque chose à partir de quoi construire la
construction »258(*). Ces présuppositions forment « la
réalité extérieure ». Searle le dit plus
explicitement : « le présupposé c'est le
réalisme extérieur (RE) »à la
subjectivité, et le RE « est une condition purement formelle
».259(*) En effet,
« le réalisme externe n'est pas une thèse empirique,
affirme Searle, mais plutôt une condition d'intelligibilité qui
rend possible certaines thèses. Le RE fonctionne comme une partie -
tenue -pour- acquise de l'Arrière-plan ».260(*)
De la
relativité linguistique et de la relativité de la
vérité
Searle essaie de concilier des registres
radicaux différents. John Searle pense que la relativité de la
connaissance n'est pas compatible au réalisme, mais comment la
théorie de la relativité se présente-t-elle ? Nous
illustrons cette théorie par la question de l'Etre. En fait, poser la
question du rapport de la pensée et de la langue, c'est poser
l'épineuse question du rapport entre le langage et la
« raison ».
Un des problèmes centraux de la
philosophie est, comme on peut le remarquer, celui de son rapport avec la
langue. Plusieurs langues européennes ont développé non
sans peine un vocabulaire et un style philosophique quasiment inspiré
des corpus de textes canoniques en grec et en latin. On peut ajouter sans doute
les textes égyptiens. C'est le cas de l'allemand, anglais,
français, italien, espagnol à peu près à partir du
XVII è siècle. L'héritage grec est apporté à
l'Europe par le monde arabe.
A la question de savoir si la langue exprime ou pas
la structure du langage, Aristote répond par la théorie des
catégories : ce qui est se dit de multiple
façons : accident, comme vrai (et le non étant comme faux),
et selon les schémas de la prédication, c'est-à-dire les
catégories.
Dans Problèmes de linguistique
générale, Emile Benveniste examine le rapport de ces
catégories aristotéliciennes à la structure de la langue
grecque et arrive à la conclusion selon laquelle les catégories
d'Aristote ne peuvent être les catégories de l'être (ou de
la pensée), mais celles de la langue
grecque. « Arrêter notre attention sur ces six
premières catégories dans leur nature et dans leur groupement. Il
nous paraît, dit Benveniste, que ces prédicats correspondent non
point à des attributs découverts dans les choses, mais à
une classification émanant de la langue même... Ce n'est donc pas
sans raison que les catégories se trouvent
énumérées et groupées comme elles sont. Les six
premières se réfèrent toutes à des formes
nominales. C'est dans la particularité de la morphologie grecque
qu'elles trouvent leur unité » : 261(*)
1. Ousia, la substance ou essence, indique la classe
des substantifs.
2. Poson, la quantité, et
3. poion, la qualité, indiquent deux types
d'adjectifs ;
4. Pros ti, la relation, indique soit des
éléments qui sont en eux-mêmes porteurs de relation double,
soit la particularité des adjectifs grecs de posséder une forme
comparative ;
5. Pou, le lieu et 6. Pole, le temps, impliquent
respectivement la classe des dénominations spatiales et temporelles. Les
quatre catégories suivantes relèvent du système verbal,
notamment le passif et l'actif des verbes grecs.
Les catégories aristotéliciennes sont
limitées à la langue grecque. D'où, la relativisation de
la portée universelle et des fondements de la métaphysique
occidentale. La relativité est bien différente du relativisme
parce qu'il est possible de construire sur la base de la même langue
plusieurs ontologies. Emile Benveniste a travaillé sur la langue
africaine Ewe du Togo, sur base de laquelle il était tout aussi
possible de construire une ou plusieurs métaphysiques.
Le verbe être des langues
indo-européennes cumule des fonctions syntaxiques de cohésion et
d'assertion dans la phrase copulaire simple, avec une valeur lexicale
existentielle. En parlant de la copule, on croit avoir affaire à
l'être et à l'existant. Cette confusion est dommageable parce que
de ce que j'affirme de quelque chose qu'il est quelque chose, s'ensuit -il que
je le considère parmi les choses qui sont et qui constituent
l'ameublement dernier du monde ? D'où pour Aristote et son
ontologie : les catégories ne sont pas seulement des moyens plus ou
moins commodes de classer les prédicables, elles classent des
êtres. Finalement, chaque élément de l'une quelconque de
dix catégories est un type d'être.
Contre Emmanuel Kant, Schopenhauer a reconstruit des
catégories sur base des classes des mots : « il est
incontestable que les parties du discours représentent les formes
primordiales revêtues par toute pensée, les formes où l'on
peut observer le moment de la pensée, elles sont les formes essentielles
du langage. Puis il faudrait subordonner les formes de pensées qui
s'expriment par les flexions des formes essentielles, c'est-à-dire par
les déclinaisons et la conjugaison ; d'ailleurs les formes de
pensées peuvent être indiquées à l'aide de l'article
ou du nom (d'une langue) ».262(*) Car la pensée ne saurait être la
même; la pensée au contraire est inséparable de la forme.
D'après Schopenhauer « ces formes
réelles, inaltérables, primordiales de la pensée, sont
exactement celles que Kant énumère dans le Tableau logique des
jugements ; pourtant, ici encore, il convient de négliger toutes
les fausses fenêtres que Kant a dessinées,...Quant à moi,
voici comment je dresserai la liste : Quantité, Qualité,
Modalité, Relation ».263(*)
En plus, à la suite de la question du concours
lancé par l'Académie de Berlin en 1759 sur l'étude des
relations réciproques du langage sur les opinions et des opinions sur le
langage, l'hypothèse de la relativité linguistique qui n'est
qu'une variante de la critique linguistique des catégories d'Aristote,
fut confirmée : le fait est que la
« réalité » est, dans une grande mesure,
inconsciemment construite à partir des habitudes langagières du
groupe. Deux langues ne sont suffisamment semblables pour être
considérées comme représentant la même
réalité sociale. Les mondes où vivent des
sociétés différentes sont des mondes distincts, pas
simplement le même monde avec d'autres étiquettes.264(*)
Ainsi, pour l'ontologie la question essentielle est celle de
savoir si la relativité linguistique, qui est un fait
avéré, entraîne une absence de contenus universaux et la
relativité de la vérité.
De la question des sciences
sociales à la notion de « réalité
sociale »
Sur la relativité des connaissances historiques par
exemple, Michel Paty part de « deux manières de décrire
les connaissances du passé, (qui) nous montre la relativité des
points de vue et comment notre appréciation des connaissances est
dépendante de l'histoire ».265(*) Certains, comme Gérard Fourez insistent sur
une conception selon laquelle l'objectivité des sciences est
presqu'absolue. A la limite il n'y aurait qu'une seule bonne science, une seule
bonne informatique, pédagogie, etc.
La question de relativité de connaissance et celui du
relativisme culturel se trouvent ici liée. Le culturalisme est une
perspective qui souligne comment chaque culture voit le monde selon son point
de vue. De là vient, facilement le slogan : « A
chaque culture sa vérité » à l'opposé,
les « anti-culturalistes » soutiennent qu'il n'y a
qu'une vérité et qu'elle transcende les
cultures. »266(*) (Ainsi), la thématique du relativisme
épistémologique a pu se lier à celle du relativisme
culturel. »267(*)
On peut même dire du point de vue de la philosophie
politique de cela découle trois positions : les communautariens ou
les culturalistes, les mondialistes et la position médiane. La question
touche ici la question des frontières étatiques et des
frontières cognitives. Pour le communautairien comme Walzer
« le particularisme est indépassable et doit être
accepté »,268(*) entendez le tribalisme, l'Etat-Nation,etc.
« Le tribalisme désigne l'attachement des individus et des
groupes à leur propre histoire et leur identité, et cet
attachement (irréductible à l'une de ses manifestations
particulières) constitue un trait permanent de la société
humaine ». La mise en valeur des
culturalistes « travaille à partir des croyances de leur
communauté respective - le monde demeurant un monde composé
de « tribus », de groupes ethniques distincts, souvent
antagoniques. Ainsi « le code des valeurs et des principes
« culturellement homogène et hautement
signifiant », « élaboré »par
chaque société -ne peut être que celle d'une
société particulière ; « les
sociétés sont nécessairement particulières parce
qu'elles ont des membres ... et des souvenirs de leur vie commune »,
tandis que, « l'humanité a des membres mais point de
mémoire, et ainsi ni histoire ni culture ...aucune compréhension
partagée des biens sociaux ».269(*) Et aussi « le
marché mondial ne fait pas une histoire » notait
J.-Lyotard.270(*)
Au demeurant, une « tension (...) existe entre les
individus et les « peuples »qui entrave une telle tentative
(de position intermédiaire) est aussi à la racine de la querelle
entre les communautairiens qui insistent sur le caractère unique des
valeurs et de la culture de chaque société et considèrent
« comme également valide les croyances et les usages de toutes
les sous -communautés reconnues ». Ainsi, « Walzer
apparaît comme un
universaliste hautement « minimaliste » : la
moralité « épaisse »de chaque
société n'est ni basée sur, ni dérivée de la
moralité « fine »des principes universels ; la
seconde « n'est guère qu'un morceau »de la
première ».271(*)
Le culturalisme moderne revient à
l'idée du respect de chaque culture. « La notion d'expression
(expressivité) ajoute, entre autres, une innovation importante :
l'idée que chaque culture, de même que chaque individu qu'elle
englobe, possède une « forme »qui lui est
propre et qui doit être réalisée ; qui plus est, cette
forme est inamovible, aucune autre ne peut ni s'y substituer ni en mettre au
jour les ressorts profonds ».272(*)
Les frontières d'Etat tendent à être
rejetées comme étant arbitraires et dénuées de
valeur morale par les « mondialistes »à l'image de
Martha Nussbaum. Les « universalistes (...) mettent l'accent sur
la nécessité de protéger partout les droits de
l'homme ».273(*) La position culturaliste qui « met en
évidence la signification et l'importance morales des frontières
étatiques. Celles-ci comptent aux yeux des communautairiens (Miche
Walzer et Charles Taylor notamment), comme aux yeux de tous ceux pour lesquels
les peuples et les Etats sont les entités fondamentales
».274(*)
Pour revenir au nominalisme /constructivisme, selon Arnaud
Schmit, « Rorty pousse le raisonnement entamé par
l'idéalisme allemand jusqu'au bout, à savoir que notre
appréhension du monde correspond plus à un processus mental (et
donc subordonné à une étape intermédiaire)
qu'à une connaissance immédiate et innée du réel.
(...) Toute épistémologie est nominaliste, que notre perception
du monde est donc avant tout linguistique : « all awareness
is a linguistic affair » ».275(*) Les formes a priori du langage sont à la base
de la connaissance du monde social. Ainsi, « dire que chaque
communauté a une vision du monde qui lui est propre est donc à
prendre au sens littéral. Notre société, notre
interprétation des nombreux stimuli qui nous assaillent
perpétuellement, sont le fruit de ce que Rorty appelle
« acculturation » ; c'est bien évidemment aussi
le cas pour tout ce qui est relatif à notre bagage éthique. John
Searle, en partant de ce préalable, a développé le concept
de « background».
Nous allons, pour bien cerner la question, comme cela se fait
à propos de ce grand débat théorique qui est encore loin
d'être tranché, revenir à la doctrine du réalisme.
Nous verrons comment cette question est passée de la philosophie de
connaissance à la philosophie de l'action. Cet essai se donne comme
objet, entre autre l'élucidation épistémologique qui
consiste à remonter à la définition de concept de
« réalité », qui par ailleurs est un des
principaux concepts en philosophie : qu'est-ce que c'est ? En fait la
naissance des sciences sociales classiques plonge ses racines en philosophie,
elle ne s'en est pas suffisamment sorti. C'est le Réel social qui est au
centre de reconstruction.
Pour illustrer la complexité de la question, nous
dirons que la thèse pragmatico - cognitive actuelle, une des
thèses la plus avancée qui se situe dans la ligne constructiviste
non anti- réaliste et non relativiste. Le « constructionnisme
social » peut donc être justement non relativiste. En fait le
développement du sujet débouche comme on va le voir sur la
préoccupation de fonder la rationalité occidentale qui construit
les sciences sociales sous la menace de l'anti- relativisme. Il y a donc ici
deux notions supplémentaires à éclairer : le
réalisme et le relativisme.
Plus techniquement parlant, la question est celle-ci : la
réalité vue à travers les formes a priori du langage
scientifique est -elle univoque ? Notons déjà que le
relativisme épistémologique qui est supposé dans le
débat ne postule pas qu'il n'y ait pas d'autres représentations
de la réalité en dehors de celles que nous avons, celles qui sont
dominantes.
La position de Searle sur la relativité conceptuelle se
cristallise sur la question de la possibilité d'affirmer la
vérité de deux ou plusieurs énoncés
différents sur la même réalité ; quel est le
statut épistémologique de ces énoncés, peuvent -ils
vrais à la fois ? Pour Searle « les énoncés
vrais sur le monde peuvent être simultanément affirmés de
manière consistante...mais nous sommes toujours confrontés aux
problèmes... de l'idéalisation ».276(*)
Le constructionnisme est informé par une théorie
ou un 'schème conceptuel' qui vise à mettre à jour les
structures non immédiatement données ou
« visibles » du phénomène social
étudié, il n `invente' pas la réalité ou le fait.
Le cadre de référence n'est autre chose qu'un schème
conceptuel ou un paradigme. Pourtant « si l'on accepte la
thèse du cadre de référence la vérité varie
d'un cadre à l'autre ».277(*) Il s'agit « des différents
`schèmes conceptuels' (qui) peuvent tenter de rendre compte au mieux
d'une réalité existante en dehors des représentations que
nous nous en faisons »d'un peuple à l'autre, d'une
communauté scientifique à l'autre.278(*)
En fait ,les choses ne sont pas si aisées qu'on le
pense, il y a des paradoxes inhérents au
relativisme, « si toute position théorique n'est que
l'effet d'une situation ou d'un contexte social déterminé, et ne
peut prétendre dès lors à l'université et à
l'objectivité, le relativisme lui-même ne peut prétendre
à aucune validité »279(*). Cet aspect logique du débat a
donné lieu à de nombreux échanges, notamment aux
Etats-Unis et en Angleterre, où la sociologie de la science a rapidement
eu un écho dépassant le seul cadre de ses investigations.
Au demeurant, une des questions cruciale est que le
relativisme reste « une impasse, plus que cela, un
abîme ».280(*) (Il faut chercher ) comment en sortir ? Le
relativisme est un danger à tous points de vue. Comment
l'éviter ? ».281(*) Il faut une thèse qui remplace selon Guy
Bois « l'intolérance et le relativisme (qui) étaient
(les) seules parades ? D'où la montée en puissance d'une
posture (je n'ose dire d'une épistémologie)
postmédiévale ressemblant étrangement à la
posture « postmoderne »
d'aujourd'hui ».282(*) Tout cela parce que « la méthode
cartésienne ne peut (et ne pouvait) nous tirer de l'abîme du
relativisme, ni nous met à l'abri des dangers que le relativisme fait
courir à la pensée contemporaine. Elle nous expose plutôt
à ces périls de l'heure présente, et elle nous conduit
à cet abîme ».283(*) D'autres chercheurs prônent plutôt le
« retour à la réalité », qui se veut
une révolution pour autant que nous puissions dire contre René
Descartes que la réalité a été vue sous le prisme
de la méthode. Nous avons trop vu le monde sous le prisme des
conventions et des catégories.
Le choc entre l'universel démasqué (comme
relatif) et la concrétude des contextes (tout aussi relatif) se
répercute à tous les niveaux de la culture. Le relativisme de
culture devient la conséquence du pluralisme culturel. Ainsi nait
la guerre de culture ,« sous une forme radicale ,ce sont toutes les
références idéologiques et culturelles de la civilisation
occidentale renvoyant à l'idée d'une humanité universelle
qui sont discréditées ,comme idéaux fondateurs des
régimes politiques(individualisme libéral ,droits de l'homme et
du citoyens) ou les différentes composantes de la notion de Haute
Culture (au sens des grandes oeuvres de l'esprit
humain :littérature, art ,science).Ces références
sont en effet dénoncées comme couverture idéologique de la
domination exercée sur les minorités et les dominés de
toutes natures. En conséquence, il s'agit de défendre
l'idée d'une culture spécifique associée à chaque
sexe comme à chaque « ethnie », devant être
valorisé pour elle-même et dont la littérature, l'art, la
conception de la connaissance doivent être enseignés au même
titre que ceux qui ont constitué jusque-là le
« canon » dominant ».284(*)
CHAPITRE SEPTIÈME :
A LA SCIENCE HUMAINE ET HUMAINE EN AFRIQUE D'ANTICIPER,
DE LIRE ET D'INTERPRÉTER LES PHÉNOMÈNES SOCIAUX
La sémiotique en sciences
sociales
Pour notre méthode de la rénovation des sciences
sociales en Afrique, la sémiotique permet de réaliser plusieurs
tâches reconstructives. La sémiotique décrit les
systèmes de Signes au sein de la vie sociale
« primitive » ou civilisée en prenant en compte leur
dimension conventionnelle (car c'est en vertu d'une convention
spécifique à une époque et à un lieu qu'un signe
signifie quelque chose) et montre le rôle joué par
l'Interprétant.
Ici, nous nous proposons de montrer le rôle capital qu'a
joué l'indigène d'Afrique dans la fondation des sciences sociales
modernes. C'est dans cet ordre que nous essayons de construire le rôle
joué par la reconstruction des images mythiques du monde et des corpus
conceptuels africains dans la fondation des sciences sociales en
générale.
Le « scarabée » était une
image très rependue dans les castes de guerriers de l'Afrique antique,
bestiole dont le système de défense n'est pas très loin de
fonctionnement de moteur à vapeur, bestiole qui était abondamment
étudiée en Angleterre avant la révolution industrielle.
Jürgen Habermas à la suite de Max Weber, parle à propos
d'une rationalisation des images mythico-religieuses du monde en tant que
processus de scientifisation.
C'est l'épineuse question de l'interprétation
anthropologiques des symboles et la prise en compte des « sujets
interprétants » indigènes gardiens de ces symboles
ou de ces signes (Quine). Ces types de connaissances sont aujourd'hui,
rappelons-le, élevées au rang de patrimoine immatériel de
l'Humanité par l'Unesco depuis le sommet de Rio en dépit de leur
charge magique supposée par les pourfendeurs de la
« pensée sauvage » convertis sournoisement depuis.
L'analyse sémiotique du langage archaïque permet
de reconstruire le langage moderne qui marque les sciences et les sciences
sociales classiques en particulier, transformées aujourd'hui au sein
d'une épistémologie pragmatique et cognitiviste pour saisir la
« réalité sociale » de notre temps.
Il faut dire aussi que le naturalisme est lié à
la sémiotique. La sémiotique peircienne anticipe la
révolution pragmatique de Ludwig Wittgenstein. Il s'agit de la
transformation des présupposés physico-mathématiques vers
les théories intentionnalistes de l'action en vue d'une
« formalisation logique » plus complexe de
l' « activité sociale » qui reconstruit le
naturalisme et le modèle de Tout et de ses Parties qui se trouvent au
coeur des sciences sociales classiques.
La sémiotique percienne éclate le
réel en une série de soixante-dix classes de signes dont :
la métaphore, les images, les icônes, les graphes, les signes
algébrique, les foncteurs logiques, les hiéroglyphes, les index,
les diagrammes, les symboles, (dénotatif et connotatif), la
pensée, etc. La rénovation des sciences sociales passe par la
modélisation faite à partir de cette sémiotique. Ainsi, la
métaphore organiciste domine l'approche structuro-fonctionnaliste
jusqu'aux approches plus récentes de modèle de l'information
parallèle et distribué ou le modèle neuronal en
réseau, et le modèle de traitement sériel de
l'information, et autres. La sémiotique reste utile pour l'analyse des
organisations sociales. La méthode littéraire de
l'indéxicalisation avec l'externalisme référentiel permet
l'étude de la situation énonciative et des embrayeurs.
Le constructivisme, c'est-à-dire le conventionnalisme
en sciences sociales nous permettra de reconstruire le point de vue naturaliste
à la suite de la querelle des universaux de réaliste et de
nominaliste contemporains.
La sémiotique est conçue comme le fondement
même de la logique, la science des lois générales
nécessaires des signes, elle est un cadre théorique qui nous
donne la possibilité de présenter une logique des sciences
sociales dont nous allons esquisser des ébauches avec la logique
pratique ou illocutoire.
La sémiotique turn transforme la philosophie de la
conscience des temps modernes. C'est la philosophie de la culture qui
complète la philosophie de la Nature par delà la philosophie de
Conscience initiée par René Descartes. La sémiotique
transforme la conception philosophique de R. Descartes et de G. Liebnitz, et de
tout ce courant qui imprègne les sciences sociales.
Le schéma d'image mythique de scarabée ou de
concept de kheper est naturalisme et s'apparente au naturalisme
biologique américain qui refuse « de chercher en dehors de la
nature un principe explicatif de la nature. C'est dans la nature qu'il se
trouve, car la raison est dans la nature, soit qu'elle y oeuvre (Dewey), soit
qu'elle en émerge à un niveau
donné(Sellers)».285(*) Cette dernière alternative coïncide bien
avec la conscience qui, chez John Searle -nous allons analyser en
priorité sa philosophie des sciences sociales dans ce livre -
émerge du processus neurophysiologique d'un processus physicaliste. Dans
le naturalisme américain en général « la
conscience dans un être qui possède le langage dénote
l'aperception (awarness) ou la perception des significations. L'esprit est au
corps ce que la raison est à la nature, son entéléchie
seconde ».286(*)
Dans l'ensemble, « héritier de
Peirce, le naturalisme américain est métaphysique, d'une
métaphysique qui se nourrit de la science, en utilise les
méthodes et en adopte les conclusions : il est à la fois
ontologique, expérimental et évolutionniste. Peirce, dit
Schneider, «conclut la théorie des universaux comme faisant partie
intégrante des sciences de la nature et considère son
système des catégories comme une analyse formelle des
procédés scientifiques et une ontologie ».287(*) La nature est donc
« la somme totale de ses propres conditions », elle est
-« l'objet global, les parties observées plus les parties
interpolées »- le seul fait existant en soi. L'esprit est un
élément de ce complexe, mais il n'est ni sa propre condition ni
la condition des autres objets ».288(*) Ce point de vue n'est pas substantialiste, il est
processuel.
John Dewey qui est plus proche de William James d'un
pragmatisme qui mise sur les résultats de l'action, « dirait
volontiers d'ailleurs qu'il n'y a rien à voir dans la nature, pas de
substances en tout cas, rien que des transactions. Les distinctions
établies entre, `l'homme et le monde, l'intérieur et le
public, le moi et le non -moi', le sujet et l'objet, l'individuel et le social,
le privé et le public, etc... sont en réalité des parties
(au sens de participants : parties) dans des transactions
biologiques ».289(*)
Le concept d'expérience transactionnelle est central
dans sa philosophie considéré par Gérard Deledalle comme
un de père de la démocratie américaine. Et
d'ajouter à propos de position de Peirce que « l'esprit
dénote tout le système de signification en tant
qu'incorporé dans les opérations de la vie organique
».290(*)
La notion du Devenir d'où vient - elle,
que veut -elle dire ? En effet, la conception du devenir a
donné lieu à l'élaboration de la question du changement en
philosophie et du modèle de Tout et parties en sciences sociales de la
manière suivante : « lorsque je change je reste le même.
Il faut donc combiner le principe de permanence et le principe de changement au
lieu de les renvoyer dos à dos. (...) Le principe dit matériel
(hyle) est le principe de changement et le principe dit formel
(eidos) est le principe de permanence. Eidos
désigne le tout et peut être traduit par structure (ou ce qui fait
d'une collection de parties un organisé) (...), et hyle
désigne les parties ou les éléments du tout
».291(*) Ainsi
« lorsque le tout change de forme (la forme suit le principe de
permanence, elle se transforme), ses transformations sont
déterminées par les relations entre ses parties,
c'est-à-dire entre les composants ».292(*) Il y a donc
différents axes de transformation : « l'axe de
déterminations horizontales et ce qui détermine (verticalement)
le tout et ses changements ».293(*)
Comment se présentent les déterminations de
différents niveaux inhérents au principe du devenir
et à celui de l'auto- organisation ? « Pour expliquer le
devenir d'une unité à un niveau quelconque, il s'agit
donc de décrire comment ses composants au niveau inférieur se
rapportent entre eux (déterminations causales ou autres
déterminations horizontales : distributionnelle, etc.) (...) Il
faut aussi décrire comment les relations horizontales entre les parties
déterminent le tout (détermination fonctionnelle) ; et il
faut pourvoir décrire comment le tout, ou 'l'arrangement `des
parties, détermine celles-ci (détermination structurale, `loi'
structurale et `loi' du devenir) à se rapporter entre elles comme elles
le font ».294(*) C'est en fait la question de « la
détermination des activités par la société et de
leurs déterminations par les agents individuels ».295(*)
D'où vient- elle cette notion ? Au chapitre XVII
du livre des Morts (des anciens égyptiens), le Maitre
Universel, s'exprime de la manière suivante :
C'est moi le Devenir de khepra, lorsque
devint pour moi le Devenir des Devenirs
après mon Devenir, car nombreux ont
été les désirs sortant de ma bouche... 296(*)
Le Devenir est ici une notion qui est associée
à la divinité (aux puissances) qui
crée par la parole (concept d' « acte de
parole ») base de la révolution linguistique et pragmatique en
philosophie, en tant que ce qui est créé est les désirs de
son coeur (cognitivisme). Notre thèse justement est que c'est tout le
programme épistémologique de base en sciences sociales (aux
niveaux structural, fonctionnaliste, pragmatique,
connexionniste ,cognitiviste et autres constructiviste) qui a
été ici consigné depuis des âges en Afrique ,et que
nous allons tenter de reconstruire. Présenter un programme et y
travailler sont justement des tâches différentes.
En somme, il est supposé qu'à travers le
structuralisme, la pragmatique et le cognitivisme ,nous construisons le
« monde social » au moyen du mental, du langage et de
l'interaction dans notre oeuvre culturelle à travers des structures
profondes qui sont ces éléments minimaux
synthétisés : croyance, désir, intention, acte de
langage, etc.
Nous pouvons reconstruire ce modèle des sciences
sociales avec les concepts postérieurs de l'apeiron
d'Anaximandre et d' hylémorphisme de Stagiritte.
« L'apeiron d'Anaximandre rappelle bien des aspects du
Kheper égyptien qui est un principe infini dans le
Devenir, et selon la 'vérité-Justice' toujours jeune en
tant que principe de Khepri ».297(*) Et « Aristote dans
son livre la (Physique, a 6) parle de l'Infini d'Anaximandre
qui est, `immortel et indestructible' comme élément divin
(théion). Il y a donc identité entre to theion
(le divin) et to apeiron (l'infini, le devenir
infini)».298(*)
Dans l'esprit des Egyptiens anciens et de l'Egypte
antique :
Ô pays du silence où se font des choses
mystérieuses,
Qui crée les formes comme khepri.299(*)
« La création est un processus.
Kheper est bien le principe qui assure la transformation de la
matière. (...) L'esprit se trouve au départ de
l'action ».300(*)
Cet effort d'élucidation conceptuelle et
théorique suppose la compréhension de la philosophie de la nature
et de la sémiotique (théorie générale de
signification).
L'écriture et la nature
L'écriture hiéroglyphique qui est
inventé à partir de la nature, symbolise le Kpr
(kheper), c'est-à-dire la loi de la transformation du Devenir
par le « scarabée sacré ». Le
scarabée, pour l'égyptien, place son larve dans la bouse qu'il
enroule, qui, après une période donnée donne un autre
scarabée adulte.
Le scarabée est un trilitère dans
l'hiéroglyphe égyptien. Gardiner301(*) donne une classification
claire à partir de la nature qui se présente comme suit : La
plupart des lettres de cet alphabet sont donnés à partir de la
nature humaine, de son coprs et de ses occupations. La grammaire de Gardiner
recense quelque 740 hiéroglyphes, les plus usuels, sur les quelque
5 000 signes qu'on a dénombrés pour l'ensemble de
l'histoire égyptienne.
L'épistémologie de la différence
de Y.V.Mudimbe
Cinq épistémologies de formes symbolique ont
dominé et conditionné la construction de l'Afrique :
l'épistémologie de la texture (incluant de ce fait la
prétendue absence de l'écriture en Afrique),
l'épistémologie de miroir (ou du diamant) qui est à la
base de théories de connaissances et de la physique moderne, celle de la
« toile » qui domine le cyber monde aujourd'hui et celle de
scarabée,du toute et de ses parties.
Au sujet de notre prétendue primitivité
liée à la prétendue absence de
l' « écriture », Mudimbe écrit à
ce sujet les lignes suivantes : « Il me semble, dit-il,
important de noter que la « leçon d'écriture
» que l'on invoque de plus en plus fréquemment pour
différencier les traditions africaines et européennes est un
critère pour le moins, contestable. Surgi des vues d'esprit
d'ethnologues post-primitivistes, on la rencontre à présent,
à chaque détour d'ouvrages philosophiques ou sociologique qui
touchent directement ou indirectement aux sociétés non
occidentales ».302(*)
Il donne très vite ce qu'il considère comme
l'origine d'une telle question : « C'est, je crois, dit-il,
C. Lévi-Strauss qui, le premier, dans Tristes Tropiques, pose
le problème et constate « la possession de l'écriture
multiplie prodigieusement l'aptitude des hommes à préserver les
connaissances. On la concevait volontiers comme une mémoire
artificielle, dont le développement devrait s'accompagner d'une
meilleure conscience du passé, donc d'une plus grande capacité
à organiser le présent et l'avenir. Après qu'on a
éliminé tous les critères proposés pour distinguer
la barbarie de la civilisation, il aimerait au moins retenir
celui-là : peuples avec ou sans écriture, les uns capables
de cumuler les acquisitions anciennes et progressant de plus en plus vite vers
le but qu'ils se sont assigné, tandis que les autres ,impuissants
à retenir le passé au delà de cette frange que la
mémoire individuelle suffit à fixer ,resteraient prisonniers
d'une histoire fluctuante à laquelle manqueraient toujours une origine
et la conscience durable d'un projet » ».303(*)
Mudimbe cite Manga Bekombo toujours à ce
sujet : « La responsabilité du savant
européen - ou plutôt, sa grandeur- est lourde, dans le processus
de production de stéréotypes anti- nègres ; ces
stéréotypes, parfois figurés dans une peinture, sont
périodiquement utilisés comme arguments, restitués dans le
creux de la représentation collective grâce à la
manipulation littéraire. Alors, l'exotisme prend son sens : il
opère comme la fête, le carnaval, c'est l'explosion instinctive
qui valorise davantage encore le prestige de la raison ».304(*)
Pourquoi en est-il ainsi ? C'est parce que à la
suite de Foucault : « il se peut toujours qu'on dise le
vrai dans une extériorité sauvage ; mais on n'est dans le
vrai qu'en obéissant aux règles d'une
« police » discursive qu'on doit réactiver dans ce
discours. La discipline est un principe de contrôle de production du
discours. Elle lui fixe des limites par le jeu d'une identité qui a la
forme d'une réactualisation permanente des règles
».305(*) La
règle c'est le civilisé, c'est l'absolu.
Cette possibilité de la science africaine se justifie
par l'épistémologie de la différence qui conduit aux modes
successifs différents d'organiser la société. Il donne
l'exemple à la suite de Michel Foucault, de trois paires de
transcendantaux épistémologiques qui sont justement les
conditions d'une épistémologie de la différence dans la
constitution de la science. Un type de savoir se crée parce qu'on
privilégie un élément d'une paire, constituant en
lui-même une perspective. Dans l'étude du corps ou en biologie,
dans l'étude de la richesse (sciences économiques) et dans la
langue (grammaire générale), deux perspectives sont
envisageables : la fonction ou la norme, le conflit ou la règle, et
enfin la signification ou le système. Chaque perspective crée un
type de savoir justement.
Karl Marx va privilégier le conflit, la fonction et le
système, Marx fait la lecture conflictuelle de toute
société, comme inscrite dans l'évolution
dialectique : toutes sociétés restent perpétuellement
en crise, en nouvelle crise. Ferdinand de Saussure va mettre en avant la
règle. Lévi- Bruhl va mettre en exergue la norme, en langues nous
aurons l'existence des prétendues langues civilisées et celle des
langues anormales et sans culture ; en anthropologie, nous serons en face d'une
mentalité anormale et mystique, prélogique. C'est là ni
moins ni plus une violence symbolique incrustée insidieusement dans des
champs scientifiques.
Le paradoxe du relativisme scientifique ce que
« l'ethnologue s'affirme le civilisé par excellence, les
civilisés continuant de participer à la barbarie mais en une
mesure moindre que les `barbares' ».306(*)Nous africains pouvons
choisir l'épistémologie de la normale et construire autrement
notre science.
En effet, Pierre Bourdieu note qu'« une critique
nouvelle des accointances coloniales des sciences sociales et humaines s'est
affirmée à travers les tentatives d'histoire sociale des
institutions savantes, qui est aussi une histoire sociale des
intérêts désintéressés des
savants »,307(*) « l'autonomie des sciences sociales
coloniales (ou néocoloniales) était grande envers le pouvoir
intellectuel ou le champ intellectuel central ou métropolitain, mais
qu'elle était très dépendante du pouvoir local (appareil
colonial) ».308(*)
Pour moi, « une société sans
écriture » est une société de
l'oralité ; en tant que telle, elle ne devrait pas faire
problème pour un semio - pragmaticien comme Searle. Car justement
l'oralité, en Afrique ou ailleurs, est un régime d'actes de
parole par excellence ; l'écriture n'est fondamentalement commode
qu'à la conservation de la pensée. Pour Ludwig Wittgenstein,
parler c'est penser. Parler présuppose un minimum de normes d'entente,
ce n'est donc pas un état de nature. Nous allons vraiment y revenir avec
force détails.
Nous avons tenté d'illustrer l'actualité de la
même violence symbolique qui continue, par delà un auteur
prestigieux en épistémologie analytique des sciences sociales, la
critique de John Searle - nous choisissons l'auteur comme réflecteur et
partenaire de discussion à la hauteur des grandes questions de
l'épistémologique analytique -, face à des constructions
concurrentes des savoirs coloniaux, les dispositifs savants des
ecclésiastiques, des laïcs et des autochtones au Congo Kinshasa.
En effet, l'analyse ethnologique
porte sur des sociétés dites « primitives ».
Le mot « primitif » désignait un vaste ensemble de
population dite restée ignorante de l'écriture. L'expression
subséquente de « société sans
écriture »est encore largement de mise, notamment chez John
Searle, en dépit de l'« évolution » de la
discipline aujourd'hui, qui amène à« une
transformation du contexte d'exercice disciplinaire (pour) engendrer un regard
nouveau, susciter une distance réflexive, inviter à une
révision du cadre de pertinence.»309(*) Aujourd'hui, « le surgissement de la
thématique de l'écriture et du texte, (opère) un
déplacement de l'intérêt épistémique de
l'objet vers le sujet et une redécouverte de la métaphore
centrale de l'herméneutique ».310(*)
La question africaine est apparue
chez John Searle comme exhumée dans un champ eurocentrique commun d'une
science sociale qui perpétue les problèmes sociaux africains. La
science sociale occidentale s'identifie ici à un acte de foi cynique.
Pour cela, faudrait-il construire une science sociale afrocentrique ?
L'éthique scientifique ne s'accommoderait certes pas dans une telle
voie, en dépit des désastres causés par le scientifique
européen et de l'appel au multiculturalisme à marche
forcée instauré sans aucune forme de procès. Toutefois,
il se fait que devenue étrangère à lui-même, le
commun de scientifique africain ne se reconnait plus dans ce qu'il a
légué à l'Humanité.
Jean Copans, réfléchissant sur les rapports
dialectiques, indépassables entre les sciences sociales et la
philosophie, dans la tradition française (et belge), et prenant appui
sur Paulin Hountondji ,notamment sur sa définition de la philosophie
africaine qui ne pourrait être une ethnophilosophie, c'est-à-dire
une vision du monde collective, irréfléchie, implicite ,mais
plutôt un texte explicite et critique des philosophes africains, pose la
question suivante : les sciences sociales africaines peuvent -elles se
constituer de manière autonome sans besoin de référents
philosophiques proprement africains ? Non, répond-t-il, sans
ambages.
Notre réflexion, disons le d'emblée, se propose
de répondre points pour points à une foule des questions qui nous
semblent cyniquement présentées par Jean Copans , africaniste
,sociologue et anthropologue d'origine française. Cette importante
question s'est trouvée intégrée dans celle de la
rénovation des sciences sociales en Afrique qui est revenue au devant de
la scène scientifique à la fin du deuxième
millénaire et au début de ce troisième millénaire
sur le continent africain et dans la diaspora africaine. Le Codesria (le Haut
Conseil des Sciences Sociales en Afrique) en a fait une des questions centrales
de sa XIII è Assemblée générale en octobre de l'an
2011 au Maroc.
Nous essayons aussi dans le contexte des sciences
structuro-actionniste comme chez Verhaegen, de présenter une
reconstruction épistémologique à partir d'un projet de
recherche qui suit un programme méthodologique précis, celui de
la recherche d'un concept qu'on dirait systémique (voir Raymond
Quivy). C'est ce que Jean Copans appelle « référents
philosophiques propres ». Le concept
systémique, « ne représente (pas) un état
des choses, mais désigne une catégorie mentale à la quelle
pourrait correspondre un fait, une trace ou un signe, qui est à
découvrir et dont l'absence ou la présence prend une
signification particulière.»311(*) C'est ce que Lucien Sfez appelle les
métaphores de construction des sciences nouvelles nées depuis les
années 1950 aux USA.312(*) Mudimbe n'aborde pas la question avec les sciences
nouvelles.
Les nouvelles et jeunes sciences (sciences informatiques,
science de la gestion, science de la décision, science de la
communication, intelligence artificielle, sciences de la cognition) nées
autour des années 1945 qui relèvent à la fois des sciences
de l'homme ,de la société et des sciences de l'ingénierie,
initient d'autoréflexion sur elles-mêmes pour ne pas se soumettre
à un risque de vassalisation que peut suggérer tour à tour
la neuro - biologie, la logico-linguistique, les sciences de comportement ou
celles de computation (intelligence artificielle au sens large)(Jean Louis Le
Moigne).
Emile Durkheim parle aussi de concept systémique ou
structural qui, en fait, se démarque du concept que Raymond Quivy
appelle concept opératoire isolé (COI), qui correspond à
la théorie de l'acteur social aujourd'hui. Une telle démarche
rejoint la thèse wébérienne reprise critiquement par J.
Habermas, celle de la rationalisation des images mythico-religieuses de monde
qui aboutit à la rationalité formelle. L'image c'est ce concept
systémique justement.
A quoi une telle étude est-elle utile ? «Ce
qui fait la valeur d'un concept, c'est (...) sa capacité heuristique,
c'est-à-dire en quoi il nous aide à découvrir et à
l'élaboration des connaissances »313(*). En l'occurrence, à
l'élaboration, disons-le, des sciences africaines. Nous allons analyser
le concept égypto-africain de kheper.
Il est ici question de rappeler ce programme inhérent
au kheper , un programme a priori et épistémologique en
sciences sociales qui prend en compte tout ensemble les concepts centraux
classiques et contemporains de reconstruction : le « tout et ses
parties »314(*), la causalité inhérente, le corolaire
couple théorique de la matière et de la forme, le langage, les
actes de langage pour être précis, les états mentaux tels
que le désir, l'intention, la conscience, le concept mythique de
« puissance », la raison d'agir et autres concepts.
Avec ces concepts centraux, les spécialistes en
sciences sociales et philosophes sociaux développent plusieurs types
d'épistémologies : une épistémologie
reconstructive avec à la clé les dichotomies fondamentales
ci-haut, une épistémologie déconstructive de
décolonisation, c'est-à-dire une épistémologie
restitutive de corpus centraux ou des textes centraux, une
épistémologie constructive à partir du langage et de la
cognition, etc.
Pour Mudimbe, un type de savoir se crée parce qu'on
privilégie un élément théorique d'une paire,
constituant en lui-même une perspective : la fonction ou la norme,
le conflit ou la règle, et enfin la signification ou le système.
L'Europe libérale a privilégié la règle, la norme
et le système, l'Afrique pourrait privilégier le conflit comme
Marx, la signification en sémiotique et la fonction pour sa science
sociale. La sémiotique est de l'ordre de la signification, le tout et
ses parties est de l'ordre de système.
Nous partons de l'état des lieux des questions de ce
qu'il convient d'appeler l'épistémologie de la différence
initiée par Yves Valentin Mudimbe (le frère Matthieu Mudimbe)
consécutive à la violence symbolique contre le Tiers- monde, et
d'une épistémologie dite de l'histoire immédiate de Benoit
Verhaegen. Soulignons quant même pour l'histoire que ce dernier
était soupçonné d'avoir été parmi ceux qui
ont activement oeuvré pour la mort de Lumumba.
Face à la violence symbolique, Mudimbe nous donne la
démonstration épistémologique pour réclamer notre
droit à la différence épistémologique, face
à la gouvernance mondiale, néo -libérale toute puissante
qui sous-tend l'entreprise scientifique. Le projet de Mudimbe qui s'apparente
de plusieurs cotés à une dénonciation marxiste, fait suite
aux différentes thèses : « les sciences sociales et
humaines en Afrique sont des « sciences folles » parce
qu'elles opèrent dans un contexte singulier au moyen des instruments et
des paramètres inappropriés ».315(*)Les sciences sociales
véhiculent les intérêts de la classe dominante. Valentin
Yves Mudimbe parle par conséquent de « l'ambiguïté
et les équivocités des sciences humaines qui se sont
imposées chez nous comme des « sciences » sans dire
dans quel sens elles méritaient ce titre ».316(*) Pourtant, la science et la
technologie sont les premières forces de production, Marx ne le dira
pas mieux. Nous devons contourner la situation des « langages en
folie », c'est-à-dire « la transposition et
l'application non critique des théories produites, travaillées,
soutenues par un ordre dans un contexte totalement différent où
elles s'érigent en « dogmes », en
« canon », en « vérités
absolues ». La transposition normative sur l'Afrique d'une
société européenne ayant atteint un autre stade
d'évolution. Le progrès des peuples est historique et
inhérent.
En effet, Mudimbe poursuit précisément comme
suit : « il me parait probable, pour ne pas dire certain, que le
propos d'une science « africaine » qui,
régulièrement, depuis une vingtaine d'année, se profile
agressivement ou derrière les paradigmes classiques d'une philosophie,
d'une anthropologie ou d'une théologie, puisse un jour apparaître
comme une constante d'énoncés qui seraient parfaitement
transcriptibles en dispositions concrets et pratiques d'un savoir.
Actuellement, ces propos se réalisent dans des discours qui l'ont l'air
subversifs et qui le sont peut être effectivement, mais dont la
pertinence est souvent discutée du fait que leurs propositions ne
ressortissent pas à l'espace normatif ».317(*) C'est la praxis : pas
de pratique sans théorie, et verse versa.
Cette situation générale des sciences sociales
et humaines en Afrique débouche sur ce projet de la possibilité
d'une science africaine. Mudimbe explicite son projet comme
suite : « nous nous interrogeons en vue de nous
« libérer », sur les possibilités ou les
conditions d'un discours scientifique qui serrait spécifiquement
africain ».318(*) Et constate qu' « il est devenu usuel
de s'interroger sur le lieu d'où part la parole et sur
l'archéologie qui assure ce qui est dit ».319(*) Il émet l'espoir
d'aboutir à une science africaine au nom d'une
épistémologie de la différence des connaissances
considérées depuis comme la doxa ou la pré-histoire des
connaissances occidentales.
Le
débat constructiviste en histoire : Yves Valentin Mudimbe vs Jan
Vansina
Jan Vansina a longtemps travaillé sur l'histoire et
l'anthropologie en Afrique Centrale, spécialement en République
Démocratique du Congo. Vansina est un africaniste d'origine belge
installé depuis de nombreuses années à Wisconsin aux
Etats-Unis. Yves Valentin Mudimbe est un universitaire congolais de renom
naturalisé américain, dont le domaine de recherche actuel se
trouve être l'Histoire des sciences Humaines. A propos de ce dernier
Vansina dit ceci : « A ces lecteurs qui, jusqu'à
présent n'avaient pas prêté attention à la
philosophie de l'histoire, Mudimbe parut d'un seul coup démolir le
fondement d'une science « objective » de l'histoire en
général et du matérialisme historique, en particulier. En
réalité, il ne contestait pas la possibilité d'atteindre
l'objectivité mais simplement dénonçait les partis pris
des sciences sociales et humaines. Plusieurs historiens de l'Afrique
découvrirent soudainement, pour la première fois, que l'histoire
n'est pas une « science » et que « la
vérité » absolue n'existe pas (Vansina,
1994 :219) ».320(*)
Jan Vansina caractérise le constructivisme en
histoire par cinq traits fondamentaux qui sont selon ses analyses, à
divers degrés, présents dans l'ouvrage de Mudimbe : Le
constructivisme en histoire affirme d'abord que toute conscience historique est
un produit idéologique du présent et reflète les relations
de pouvoir au présent : le « passé n'existe
pas ». Secundo : Il soutient que même s'il existait, le
passé ne peut pas être connu, parce que ses traces
immédiates (textes écrits, données archéologiques)
sont interprétés et, ainsi
« inventées » par les lecteurs actuels
(« déconstruction »). Tertio : il insiste sur
le fait que l'objectivité n'est pas seulement impossible à
atteindre mais qu'il est inutile de s'efforcer de l'atteindre, car
l'interprétation subjective d'un acteur donné est ce qui importe
le plus dans l'historiographie. Quarto : il n'y a pas de
démarcation véritable entre fait et fiction. Enfin, il est
hypocrite de rechercher un consensus parce que c'est une tentative d'imposer le
point de vue relatif d'un individu ou d'une oligarchie à tous les
autres.321(*)
Nous allons nous référer à titre
d'exemple à la critique actuelle de Jan Vansina contre le
postmodernisme d'Yves Valentin Mudimbe ; ce dernier n'hésite pas
à affirmer que « l'histoire est une légende,
une invention du présent. Elle est à la fois une mémoire
et une réflexion de notre présent. M. Bloch et Fernand Braudel
disent la même chose quand ils présentent l'histoire comme une
tentative d'établir une relation entre un cadre conceptuel, un
modèle net, les rythmes multiples du passé ».322(*) Mudimbe partagerait le credo
postmoderniste qui dit qu'il n'existe pas de discours strictement objectif
à propos d'une société, du passé et du
présent.
Aux yeux de Mamadou Diouf, à propos du
passé colonial, il faut « sortir des controverses entre Jan Vansina
et Y.V.Mudimbe et les autres sur la période la plus déterminante
de l'Afrique. La période précoloniale, pour le premier, permet de
reconstruire une histoire autonome de l'Afrique avec des techniques, des
objets, des voix et des territoires qui échappent au cadre historique
européen, tout en produisant un discours historique qui respecte les
règles de l'écriture historique ; la période
coloniale, pour le second, révèle l'Afrique à
elle-même et au monde. Ce qui importe donc pour ce dernier et pour
d'autres, ce sont les textes à la marge desquels l'Afrique est
inscrite. »323(*) Mamadou Diouf pense que « cette
controverse ne prend en compte que les transactions pour lesquelles la
présence de l'Europe devient un facteur organisateur. Ni les
transactions arabes, sahariennes, de la côte orientale/swahili de
l'Afrique, avec les multiples cultures échangées entre les
îles et les rives de l'océan Indien, ni la difficulté
d'identifier tous les échanges entre les colonies et les
métropoles ne sont prises en compte ».324(*)
Bernard Mouralis souligne « La
réflexion que Mudimbe a menée, antérieurement ou
parallèlement, sur le discours tenu à propos de l'Afrique par les
sciences humaines ».325(*) Après avoir montré comment
Mudimbe subvertit Foucault et Lévi-Strauss pour les mettre au service de
son projet humaniste et adapter ses problématiques au contexte
américain , surtout celui des Black (African) Studies
et des théories postcoloniales , B. Mouralis s'attache
« à analyser la manière dont le sujet postcolonial , en
l'occurrence Mudimbe , s'inscrit dans son milieu archéologique et
existentiel pour faire l'objet d'un procès de dé/construction
,c'est-à-dire à la fois de démontage de l'ordre colonial
et de construction d'un nouvel être -au -monde postimpérialiste et
postnational ».326(*)
Aujourd'hui, des chercheurs attirent l'attention
sur les traditions et les structures de pensée française et en
particulier sur la façon dont elles se sont adaptées au soutien
du colonialisme et de l'empire. Plus particulièrement Valentin Yves
Mudimbe, Chris Miller et Gary Wilder ont suggéré de nouvelles
méthodes pour évaluer les défis intellectuels ;
ils « montrent de façon convaincante que la vision
française de l'Afrique /autre est étroitement liée aux
conceptions que les Français ont d'eux-mêmes. (... ) Mudimbe en
particulier souligne les difficultés que cette tradition a posées
aux penseurs africains francophones et à leurs efforts pour se
libérer des structures françaises de pensée coloniale et
modernistes. »327(*) Il faut « un vaste programme du devenir du
continent africain et de celui de la Diaspora, programme correspondant à
ce que Mudimbe appelle l'invention de l'Afrique, et qui consiste à
élaborer un discours total pour parler de l'Afrique à partir du
point de vue africain. »328(*)
Disons que le point de vue de Mudimbe ressort d'un grand
débat sur le thème : « comment sortir de la
bibliothèque coloniale ». Aujourd'hui c'est un des enjeux,
affirme Mudimbe, « le passé (colonial) paraît encore
dédoubler efficacement le présent zaïrois (congolais).
Comment le clôturer ? Sous quel mode le nier à tout jamais ou
le figer en éclats brillants sur un mur de musée ? Ou
encore, pour quelles raisons et à quelles conditions vivre avec lui, en
le rendant muet certes, mais tout en tirant les vérités utiles
pour la domination de l'avenir qui s'annonce tumultueux ? Voilà les
questions essentielles de la culture et de la science zaïroise
aujourd'hui. Elles pourraient expliquer l'impudeur de leur projets, la
naïveté de leurs tentatives et positivement banale : quelle
expérience entreprendre pour cesser d'être le
« fils »de son « père »et
à quel prix vivre sa propre histoire et devenir maître de son
destin ».329(*)
L'enjeu pour aujourd'hui, ce que nous devons construire
des discours ou des institutions sur d'autres conceptions et sur des
expériences socio- culturelles traditionnelles ou
présentes. Aussi faut-il d'abord trouver cette culture. Une des
questions essentielles est la suivante : où trouve-t-on cette
culture (congolaise, alors) zaïroise ? « La
bibliothèque ethnologique belge » est, paradoxalement, devenue
le miroir culturel par excellence, dit Y-V Mudimbe. Elle parait être la
régulatrice majeure, non seulement des quêtes sur le passé,
mais aussi des compréhensions, sur la société actuelle.
Des Zaïrois Bakongos récitent aujourd'hui leur culture
traditionnelle en fonction des Etudes Bakongos de Van Wing ou des traces
discrètes des apostilles de l'italien Luca de Caltanissetta qui
remontent à la deuxième moitié du XVII e siècle
(voir l'édition établie par F.Bontinck, Diaire
congolais, Louvain -Paris, 1970) ; les Luba, (...) lorsqu'il est
question de leur culture, reconduisent aujourd'hui des prescriptions
herméneutiques subrepticement apostillées par RR.P.P. Coble et
Van Caeneghem. Il n'est pas jusqu'aux initiés potentiels Songye qui ne
conçoivent et ne disent la grande voie initiatique de
« Bukishi » qu'au travers des lumières et souillures
nommées par un ancien colonial dans l'Esotérisme des Noirs
dévoilé ».330(*)
La problématique spécifique, corollaire à
la reconstruction théorique de la construction d'une nouvelle
réalité sociale en Afrique, s'articule ici d'un point de vue de
la connaissance symbolique (sémiotique). Pour Mudimbe, la culture
congolaise « parait se réduire à un genre de
connaissance. (Pourtant),il pourrait y avoir quelque paradoxe à le
dire : c'est probablement à partir de cette forme de connaissance
que « le musée zaïrois » s'ouvre et que le
regard peut ,au détour d'une allée ,se figer face à la
beauté des Arts au pays du fleuve Zaïre (voir :
J.Cornet :L'Art de l'Afrique Noire au pays du Fleuve Zaïre,
Bruxelles,1972 et Badi-Banga Ne-Mwine, Contribution à l'Etude
historique de l'Art plastique Zaïrois des Beaux-arts )et,
éventuellement à propos d'un symbole ,trouver le fil d'un
récit foudroyant de l'expérience et de l'histoire des mille et
une tribus du Zaïre »331(*).
Au demeurant,« la culture zaïroise ,poursuit
Mudimbe, peut aussi être désignée comme étant la
transcendance de l'école, en un sens plus précis
encore :d'abord parce que l'école coloniale hier, celle de
l'indépendance aujourd'hui, délivrent mots, méthodes et
pouvoirs conceptuels qui permettent à des Zaïrois(congolais
aujourd'hui) ,- à l'instar de ce qu'ont fait Buakassa T.K.M. ,pour
les Kongos, Mulago pour les Bashi , Mwabila pour les travailleurs de Lubumbashi
et Tshiamalenga pour les Balubas - de construire des langages ou des
institutions sur des expériences socio -culturelles traditionnelles ou
présentes ».332(*)
La question de l'apprentissage et celle de l'évolution
sociale sont liées, et les deux questions peuvent être
posées dans les termes de Mudimbe comme devant être le
dépassement d'« une philosophie de l'éducation
parfaitement enfermée dans les figures et facticités d'une
politique d'acculturation et de ses symboles sociaux : ce sont des
acculturés bien sélectionnés qui ont fait et se
désignent pour le pouvoir ; ils incarnent au Zaïre
(République Démocratique du Congo) la
« culture ». La question centrale de changement au Congo se
ramène encore à l'exigence de l'inculturation.
« Il s'agirait, pour nous Africains, dit Mudimbe,
d'investir la science, en commençant par les sciences humaines et
sociales, et de saisir les tensions, de re-analyser pour notre compte les
appuis contingents et les lieux d'énonciation, de savoir quel nouveau
sens et quelle voie proposer à nos quêtes pour que nos discours
nous justifient comme existences singulières engagées dans une
histoire, elle aussi singulière. En somme, il nous faudrait nous
défaire de l'odeur d'un Père abusif : l'odeur d'un Ordre,
d'une région essentielle, particulière à une culture, mais
qui se donne et se vit paradoxalement comme fondamentale à toute
l'humanité. Et par rapport à cette culture, afin de nous
accomplir, nous mettre en état d'excommunication majeure, prendre la
parole et produire différemment ».333(*) Ce que nous essayons de
faire avec l'Ordre de Kheper.
Les
marxistes théoriciens congolais et l'épistémologie des
sciences sociales
Une bonne partie d'universitaires pratiquent encore les
sciences sociales au Congo sans dire leur épistémologie. Nous
saluons la mémoire de Benoit Verhaegen même si il est mis en cause
dans la mort de Lumumba, le travail d'Yves Valentin Mudimbe qui se fait encore,
Ilunga Kabongo d'heureuse mémoire, et les autres chercheurs qui
s'étaient attelés à définir la position
épistémologique d'une science sociale qui s'élaborait par
eux au Congo-Kinshasa. Les épistémologues -philosophes congolais
restent très coupés des sciences sociales qui se pratiquent au
Congo, ils semblent les considérer comme naturelle et innocentes.
De ce point de vue le groupe de Vehraegen, de Mudimbe ,
d'Ilunga Kabongo, et aussi Mabika Kalanda. Mabika Kalanda, tourmenté par
l'impertinence des résultats des recherches coloniales des sciences
sociales et humaines en Afrique et au Congo-Kinshasa, et soucieux de trouver
une méthode appropriée à l'étude des
sociétés africaines contemporaines,
s'interpelle : « on peut faire oeuvre de sociologue selon
les méthodes de cette science : élaborée, à la
manière de M.G. Balandier, une sociologie objective (...) conclure
que l'Afrique est ambiguë ».334(*) Ils ont, comme intellectuels congolais,
marqués une différence fondamentale pour prendre distance avec
des hommes des sciences sociales d'avant et d'après eux, et des
répétiteurs de savoirs occidentaux en Afrique ou qui
décrivent simplement les phénomènes sociaux. La discussion
épistémologique et conceptuelle est profondément voulue
mais pudiquement évitée.
Ces dernières années, il ne pouvait
en être autrement, on voit se développer le besoin d'une
discussion conceptuelle et théorique accrue à propos des
études qui sont menées sur nombre de phénomènes
sociaux au Congo. Il ne s'agit pas ,dans un tel dialogue qui doit s'instaurer
entre épistémologue et spécialiste des sciences sociales
,de se perdre dans des conjonctures philosophiques mais de reconstruire pas
à pas la proximité. La lecture des réflexions
épistémologiques de Benoit Verhaegen dans son l'Introduction
à l'Histoire Immédiate et la production subséquente
en sciences sociales, antérieure ou postérieure, m'a paru
très impressionnante. La « dialectique » lui a
imposé le thème de la rébellion au Congo.
Les scientifiques des sciences sociales,
armés d'épistémologie des sciences sociales - les
philosophes congolais abordent souvent ces question sous le prisme des
épistémologies classiques européennes plus
générales au lieu de tabler sur une épistémologie
proprement sociale ( Jean Michel Berthelot) - (politologue, sociologue,
anthropologue, spécialistes des sciences de l'information et de la
communication, spécialistes des sciences juridiques, etc.) qui
réfléchissent sur leurs disciplines les font autrement qu'un
philosophe-épistémologue dans la tradition dominante des
philosophes congolais.
De notre coté ,philosophe, nous sommes toujours
restés sur ma soif quant à l'épistémologie
elle-même telle qu'elle s'enseigne généralement encore chez
nous au Département de philosophie de l'Université de Kinshasa,
coupée largement des sciences sociales congolaises pour ainsi dire. Au
plan pratique il s'agit de savoir comment tabler sur la biographie de ces
savants qui portent la réalisation épistémologique de
l'approche/méthode qu'ils ont promu et utilisé, sinon examiner
la justesse de leur position en sociologie de connaissance (ou
épistémologie de la sociologie) ? Les sciences sociales doivent
transformer la société. Nous aurions pu nous proposer de
réfléchir sur la biographie de ces hommes des sciences sociales
en Afrique et au Congo, mais nous avons opté pour penser leurs
présupposés épistémologiques d'abord. Benoît
Verhaegen a produit une oeuvre immense incrustée dans la
réalité sociale congolaise spécifique. Son
intérêt pour l'épistémologie des sciences sociales
et humaines était fondamental. Pour lui, en plus, il ne suffit pas de
produire et de faire la science sociale, ou de la reconduire, mais de faire
bouger les choses sociales. C'est encore un enjeu très important. Ceci
est devenu véritablement un besoin.
Benoît Verhaegen est parti d'une conviction
épistémologique et d'une sociologie de connaissance
claire : « la science bourgeoise positiviste perd
dans une proportion (...) croissante - la possibilité de maîtriser
en pensée la société comme totalité et, par la
même, elle perd aussi sa vocation à la
diriger. »335(*) Pour lui justement, la dialectique a la
capacité d' « agir sur la réalité
sociale. »336(*)
Peut-on dire que maîtriser et diriger
théoriquement la société congolaise a été un
objectif atteint ? Là c'est une autre question, les sciences
sociales ont un effet sur les habitudes et sur les mentalités dont il
faut restaurer l'histoire. Verhaegen a en partie imprégné,
à l'Université de Kisangani d'abord et à
l'Université de Kinshasa ensuite à la faculté des sciences
sociale, politique et administrative, de son esprit.
Les sciences sociales ont pris pied à partir des
métaphores puissants puisés dans les mythes, aujourd'hui les
sciences pour se rénover, c'est notre hypothèse, doivent y
retourner. Les images linguistiques (la pensée) influencent les actions
humaines et les mentalités des peuples et des groupes, les croyances,
les habitudes, etc., L'évaluation de leurs effets n'est pas toujours
aisée.
Certains chercheurs croient que le terrain pertinent pour les
sciences sociales a toujours été le territoire national.
L'internationalisme socialiste sombrerait dans une célébration
esthétique des connaissances révolutionnaires. Nous y reviendrons
avec Jean Copans. Toute fois, il faut dire qu'il est temps de tirer les
conséquences d'une telle pratique scientifique telle qu'elle a
été théorisée par tout le cercle de ces
savants congolais et congolisés et leurs disciples.
L'épistémologie qui est une analyse critique des principes et des
hypothèses conceptuelles des diverses sciences pour en déterminer
la portée, la valeur et l'origine logique, est un des instruments
indiqué pour une telle évaluation.
L'épistémologie des sciences sociales montre que
le « matérialisme historique » sera reconstruit par
Benoit Verhaegen à partir de principe da la totalité, le Tout
dans le cadre des théories des systèmes. La configuration
dictée par l'Histoire Immédiate, est la recherche de
mise en exergue des médiations épistémologiques dans un
programme historique et institutionnel : dévoiler les instances, les
structures sous- jacentes, les différents niveaux, etc., ayant comme
toile de fond le principe de lutte et de « travail
social », c'est-à-dire ce mélange d'institutions, de
pratiques, des symboles, des normes humaines, de la formation de la conscience,
c'était le sens de l' Immédiat (voir le concept de
médiation comme des formes a priori ou habitus ).
Aujourd'hui on peut se poser une question bien
pertinente : que représente la perspective actuelle de
reconstruction des sciences sociales à partir des théories de
l'action ou de l'habitus (interaction) ? Tout en restant liées aux
théories de systèmes, les théories de l'action ont pris un
élan nouveau au sein des sciences sociales dans le monde.
Chaque approche dicte toujours déjà le chemin
à suivre. Toute la thématique guerrière de Verhaegen tient
à son choix épistémologique. Une telle oeuvre était
la conséquence d'un choix épistémologique qui dictait la
prédominance de la thématique de la dialectique et le mode
interdisciplinaire de son traitement théorique qui culmine dans la
politique. L'interdisciplinarité mise en exergue par Benoît
Verhaegen est de plusieurs côtés une exigence d'un retour à
l'esprit philosophique dicté par la reconstruction de
matérialisme dialectique de Marx, la praxis. Il se différencie
cependant de Marx. Son appel au concept de la
« totalité » - ce qui renvoie entre autre au concept
de « travail social » chez Marx, est une de base de sa
doctrine qui met en exergue l'unité théorique de la duale
conceptuelle : la techno- économie et les innovations normatives
des rapports sociaux selon le stade de développement de la formation
sociale. La circularité de ces deux pôles bannissant l'instance
techno- économie comme la « dernière
instance » était le point de vue spécifique de
Vheraegen. Il se démarque ici de Marx.
L'antidote de la thématique de la
rébellion serait la recherche de consensus dialogal , les accords
recherchés après des guerres intestines par les institutions
internationales , de la première mission des nations unies aux accords
de Sun City peuvent être compris sous ce présupposé : ce
choix épistémologique est celui de proceduraliste qui se situe
dans la reconstruction du matérialisme historique de Jürgen
Habermas avec la pragmatique formelle qui part de la situation de la parole
(voir Après Marx) qui place le concept de consensus au centre ,
pris au sens de concept architectonique de reconstruction
théorico-pratique comme chez Tshiamalenga Ntumba. Ce dernier se situe au
niveau d'une lutte bestiale d'élimination raciale comme C.A.Diop.
La Dialectique exprime la réalité
sociale changeante ou le Réel processuel - doctrine philosophique - en
tant qu'elle est l'inverse de la Mécanique, celle-là met en
exergue les forces inhérentes ou internes dans la tâche de
l'émancipation alors que la Mécanique est une approche de
continuum qui va de l'externe vers l'interne (voir avec Aristote le Dieu
premier moteur non mû). La Dialectique est un principe de la philosophie
de la Nature qui trouverait Dieu superflu. L'approche traditionnelle
structuro-fonctionnaliste compte contre la dialectique des grands adeptes. Nous
allons essayer une large reconstruction de ces approches au point de vue de ses
schèmes et concepts centraux depuis les fondateurs des sciences
sociales. Cette approche nous semble lapidairement présentée par
les praticiens des sciences sociales eux-mêmes. On peut dire que les
sciences sociales au Congo restent dominées par une approche
traditionnelle structuro- fonctionnaliste, qui semble restée un peu
moins thématisée au point de vue épistémologique,-
savoir dégager les principes et les hypothèses de cette approche,
la portée, la valeur et l'origine logique de ses principes pourra
être notre tâche. La philosophie de sciences sociales que nous
présentons au départ de notre étude, à propos,
n'est pas originale, ce n'est qu'une entrée en la matière. Nous
avons ressassé des points de vue connus avec une légère
reconstruction autour de quelques présupposés.
De chercheur - grand savant marxisant comme Benoit
Verhaegen qui a contribué à la création de la
Faculté des sciences sociales à l'Université de Kisangani
autour des années 1980 au temps fort de Mobutu avec les financements
étonnant de Rockefeller - n'est pas seul au Congo,337(*) Kabeya Tshikuku est aussi un
de ceux qui pratiquent une recherche qui suppose de plusieurs cotés une
épistémologie plutôt partie de l'expérience
africaine et du marxiste, et il continue de réfléchir dans ce
sens ; les autres économistes congolais reconduisent en gros la
théorie du choix rationnel que suppose l'économie politique
classique.
CHAPITRE HUITIÈME :
LES RÉFLECTEURS DU CONSTRUCTIVISME SOCIAL :
ACTUALITÉ ET ENJEUX
Actualité et intérêt retrouvés du
constructivisme en science sociale
Le « constructionnisme social » ou
l'ontologie sociale part en fait d'un certain nombre de constats
d'inefficacité des sciences sociales dans certains domaines. Par exemple
dans le domaine de la gestion de la chose publique, « la
décentralisation, qui avait été vue comme une
possibilité de promouvoir la participation dans de nombreux pays en
développement, a finalement déçu les attentes. (...)
D'où, pour critiquer des approches dominantes, « le point de
départ est le « constructivisme
social » ».338(*) Chez John Searle l'ontologie sociale est la
théorie qui s'occupe de la structure invisible des faits
sociaux.339(*) En effet,
la réalité sociale renvoie à une ontologie parce que,
comme le remarque John Searle, « le monde se découpe de
la manière dont nous le découpons ».340(*) C'est nous qui construisons
au moyen de la science la réalité.
L'expression « construction sociale » se
répand en sciences sociales. Aujourd'hui, l'expression construction
sociale de la réalité se trouve au coeur d'un ensemble
impressionnant de recherches nouvelles et de travaux originaux sur les
cultures, les sciences, les femmes, l'histoire, la nature ou la
littérature, etc. Ainsi, il est certain que le maître -mot du
discours des sciences sociales contemporaines est la construction sociale.
Plusieurs choses peuvent être construites : les
faits, les catégories de genre, les objets, les quarks, les maladies,
les diagnostics, la pédophilie, l'identité, la délinquance
juvénile, l'emploi, le corps féminin, la
pénibilité, l'homosexualité, la technologie,
l'équité, de vrais débats, des politiques internationales,
etc.
La question essentielle qui se pose est que ce concept est
incontestablement utile, mais quel en est l'intérêt ? Ce qui
est important pour Ian Hacking, c'est lorsque « la
démarche constructiviste est « stratégique »,
qu'elle n'a d'intérêt que dans certains cas ».341(*) Tels dans les cas de la
construction des sciences coloniales qui s'occupe de l'homme dans une
psychologie de captivité, au point de vue d'une hypothèse d'une
Humanité Autre, etc. Ainsi « l'auteur d'un livre sur la
construction sociale des femmes réfugiées ne peut
nier « la matrice des règles », de pratiques et
d'infrastructures matérielles dans laquelle ce concept est
incorporé ».342(*)Autrement dit, « tous les objets sont
contractuels ou institutionnels et personne ne doute que les contrats et les
institutions sont le résultat d'événements historiques et
de processus sociaux ».343(*) A propos Ian Haching nous donne un
exemple: « si les femmes se retrouvent en fuite, ou devant la
barrière de l'immigration, c'est en raison d'événements
sociaux. Tout le monde sait cela, et il n'y a qu'un fou (ou quelqu'un qui aime
suivre le mouvement) pour se préoccuper de dire qu'elles sont
socialement construites ».344(*) « Le concept de femme
réfugiée semble inévitable dès que vous avez une
certaine pratique de la nationalité, de l'immigration, de la
citoyenneté et des femmes en fuite qui sont arrivées dans un pays
pour y demander asile ».345(*) Une pratique d'exploitation engendre sa science et
légitime ses définitions.
Il n'y a d'intérêt que stratégique.
Justement, « il n'y a en effet aucun intérêt à
déployer une approche en termes de construction sociale (...) si tout le
monde sait que X est le résultat contingent d'arrangements sociaux, il
ne sert à rien à dire qu'il est socialement
construit » .346(*)
Le
constructivisme : de l'ontologie sociale
L'ontologie sociale contemporaine est une notion qui
désigne une activité philosophique particulière.
L'ontologie sociale nous dit que nous devons savoir de quelle nature sont les
objets sociaux. Elle est consécutive à la thèse
épistémologique qui nous dit que les objets sociaux sont des
entités sociales. L'ontologie sociale veut savoir en quel sens ils sont
sociaux. Par exemple, en science sociale que veut dire « la dimension
ontologique de la relation agent -structure ».347(*) Nous analyserons plus en
détails par exemple le postulat de Tout et ses parties comme dimension
théorique sous -jacente dans le fonctionnalisme d'Emile Durkheim ou dans
le structuralisme d'un Claude Lévi-Strauss.
Quand on se fixe sur l'opposition individu et
société (partie et tout ), que cherche-t-on ? A la suite de
Monique Hirschhorn, nous dirons qu'il y a trois problèmes
distincts :
- « Le premier problème est d'ordre
ontologique. (Il s'agit de savoir): quelles sont les entités sociales
qui existent ? (...) Les institutions n'existent manifestement pas sous le
même mode d'être qu'un individu organique, comme Pierre et
Paul ».348(*)
- Le deuxième problème, à la suite
d'Emile Durkheim, est qu'« il parait difficile de ne pas
admettre l'existence de telles institutions « sociales »,
même s'il ne s'agit pas de les assimiler à des individus
organiques ».349(*)
- Enfin, et conformément à l'analyse
durkheimienne qui refuse d'hypostasier ces entités, le monde d'existence
correspond à un ensemble des règles localisées d'un
côté dans les représentations des individus, et de l'autre
dans les codes, des manuels, des registres, des bâtiments, etc., qui
donnent matérialité à l'institution et l'inscrivent dans
la stabilité et la séparabilité empirique sur un terme
plus ou moins long ».350(*) Pour y voir plus clair nous allons illustrer dans ce
livre cette réflexion en sociologie, en droit, en histoire, en
anthropologie, en sciences de l'information et de la communication et autres.
L'ontologie sociale peut être reconstituée et
remontée bien loin en philosophie. Selon Barry
Smith, « le philosophie américain John Searle a
exercé une influence sur les sciences de l'homme non seulement
grâce à ses contributions séminales en philosophie du
langage, notamment par les Actes de langage (1969), mais aussi au travers de sa
récente analyse de l'ontologie de l'action collective et de l'ontologie
des institutions, exposés dans la construction de la
réalité sociale ».351(*) Dans la même ligne Georg Simmel, dans
Etudes sur les formes de la socialisation,352(*) est parti de la question
suivante : Comment une société est-elle possible ?
Plusieurs auteurs ont écrit sur l'ontologie sociale.
Nous citerons à titre d'exemple : Carol Gould, Marx's social
ontology,1978; Georg Lukacs,The ontology of social being
,1978 ; Paul E. Jr. Stroble, The Social Ontology of Karl
Bath,Intl Scholars Pubns,1994 ; Jonathan E.Pike, From Aristote to
Marx :Aristotelianism in Marxist Social Ontology (Averbury Series in
Philosophy)-Ashgate Pub ltd,1999 ;Pierre Livet, « ontologie
du social ,institution et explications sociologiques »dans
L'enquête ontologique ,mode d'existence des objets
sociaux, collection Raison pratique,éditions de l'école
des hautes études en sciences sociales,2000 ; John
Searle,l'ontologie de la réalité
sociale ;Réponse à Barry Smith, dans
Enquête ontologique, Du mode d'existence des objets
sociaux,2000 ; Theunisser ,The other : Studies in the social
ontology of Husserl, Heidegger, Sartre ,and Buber,1984 ;Jules
Donzelot, Le concept d'ontologie sociale,Mémoire de
Master,004/2005; etc.
Courants du constructivisme social
Dirons d'emblée que l'expression
générale de « constructivisme » qui
s'étend à toutes les sciences humaines aujourd'hui, elle a dans
ses variantes plusieurs usages. A propos Linda Rouleau nous renseigne que
« la construction sociale ne doit pas être envisagée
comme une théorie ni comme un courant de pensée homogène
».353(*)Le
paradigme constructiviste englobe un ensemble d'approches dites
interprétatives qui rallient les traditions philosophiques aux sciences
sociales. Plus spécifiquement la démonstration est ici faite au
moyen du retour aux sources philosophiques des sciences sociales. Il y a en
effet plusieurs conceptions de constructivisme aujourd'hui, « le
constructivisme peut en effet prendre des connotations très
différentes, allant du constructivisme radical au constructivisme social
de Gergen en passant par le constructivisme écologique de Steier et
bien d'autres.354(*)
D'ailleurs Ian Hacking, s'efforce de remettre de l'ordre
nuancé dans le fracas des « constructions sociales, (...)
allant de la folie ou du Japon jusqu'aux particules élémentaires
».355(*) La
différence qu'il tente de démêler des termes comme
constructionnisme, constructivisme, constitutionnalisme, etc. Son attitude
globale, dans ce livre, est celle d'un sceptique à l'égard de la
posture constructiviste social, quelque peu indisposé par l'usage
incontrôlé du terme.
Il nous semble pertinent de retenir le manque
d'unanimité sur ces termes. Du point de vue des branches scientifiques
dans lesquelles s'insère chaque courant, le
« constructionnisme », de l'avis d'Ian Hacking,
désigne le courant sociologique, historique et philosophique ; le
« constructivisme » étant utilisé pour
désigner un courant épistémologique des
mathématiques et celui de « constructionnalisme »
pour désigner un type d'opérations intellectuelles
pratiquées en philosophie analytique.356(*) Il existe par ailleurs aussi un
courant constructiviste en sociologie des sciences. John Searle dans une
visée pragmatique utilise l'expression `construction de la
réalité sociale' et non la `construction sociale de la
réalité' comme chez Peter Berger et alii. Ian Hacking refuse dans
la foulée le fait que le livre de John Searle intitulé La
construction de la réalité sociale soit tout un livre de
construction sociale.357(*)
Pour Linda Rouleau, constructionnisme et constructivisme sont
deux termes généralement utilisés de manière
interchangeable. Au demeurant le constructivisme social va à l'encontre
de la conception objectiviste qui prétend aborder la
« réalité sociale » de façon objective
et neutre. Le constructivisme au contraire, soutient que le sujet
« invente » la réalité qu'il croit
découvrir. Les différentes approches et théories sont
considérées comme autant de discours, de points de vue,
posés sur la réalité sociale ».358(*)
Le « constructionnisme social » comme
approche succède à d'autres approches en sciences sociales. Du
point de vue de la reconstruction épistémologique, le terme
« constructionnisme » suppose que l'unité d'analyse
est l'interaction entre les individus ou les groupes, alors que le terme
« constructivisme » suppose que l'on privilégie
l'individu et sa capacité d'action ».359(*)
Constructivisme analytique en
sciences sociales : la révision générale des sciences
sociales
Le constructivisme en science sociale connaît
actuellement un renouveau comme courant contemporain même dans l'optique
analytique de la philosophie du langage. Le constructivisme analytique peut
être suivi à travers le livre de John Searle, La construction
de la réalité sociale, qui traite justement de
l' « ontologie sociale » en tant qu'étude de la
nature des théories sous-jacentes de la réalité sociale.
La conception analytique du constructivisme est philosophique et donne la
primauté aux formes a priori du langage et de l'action dans l'invention
de la réalité sociale.
Le livre de Searle reformule déjà un ensemble
des questions qui occupent les fondateurs des sciences sociales : une des
questions fondamentales « est celle-ci : comment construisons -
nous une réalité sociale objective ? »360(*) Dans le premier chapitre du
livre La construction de la réalité sociale
intitulé : les pierres de construction de la réalité
sociale, Searle va un peu plus loin dans l'explication de ce dont il
s'agit : « il y a des choses qui n'existent que parce que nous y
croyons. Je pense, dit-il, à des choses comme l'argent, les
propriétés foncières, les gouvernements, et les mariages.
Pourtant bien des faits relatifs à ces choses sont des faits
« objectifs », au sens où ils n'ont rien à
voir avec vos ou mes préférences, évaluations ou attitudes
morales. (...) Des faits totalement indépendants de toute opinion
humaine ».361(*)
Comment la réalité sociale ne peut -elle pas dépendre de
nous ? Cette à peau dure accompagne depuis la fondation des
sciences sociales les chercheurs.
Nous tentons de relever ses questions principales du
début du livre et avançons progressivement. Dans ce livre
justement, John Searle tente de répondre à une autre question
fondamentale suivante : « comment peut-il y avoir un monde
objectif d'argent, de propriétés
foncières,... »362(*) Cette question reprend en sourdine le rapport qui
existe entre le sujet l'objet (la réalité sociale) , une des
questions qui est au coeur de l'explication de la science sociale ,et fait
partie d'un ensemble des questions qui ne sont pas nouvelles, elle se situe au
point de départ des fondateurs des sciences sociales. Nous tenterons,
pour montrer son grand intérêt, de la présenter du point de
vue des auteurs tels qu'Emile Durkheim, Max Weber , Claude Lévi-Strauss,
et bien d'autres.
De l'objet de la construction
sociale
Commençons par la question la plus simple :
qu'est-ce qui peut être objet de la construction sociale ?
« S'agit-il d'une réalité socio- symbolique, d'une
idée ou d'une catégorie 'découpant' et faisant
émerger un référent social (une personne par exemple), ou
s'agit-il de ce référent social lui-même », c'est
Ian Hacking qui pose la question.363(*) Sa réponse est clair : dans la plupart
des cas où est mise en oeuvre une démarche de constructionnisme
social, il s'agit de ces deux entités (dont la seconde, le
référent social, est le produit d'interaction très
complexe) qui ne sont pas liées par une relation à sens unique
mais par un système de va -et-vient négociant les faits qui se
déploient dans le temps ; catégories et
référents sociaux sont interactifs et, pourrait -on dire,
s'entre- construisent dynamiquement.364(*)
Ian Hacking renvoie l'enjeu à deux
choses : à la définition ou aux catégories et au
référent. La première chose se manifeste comme la lutte
pour la définition légitime et la lutte pour le classement (nous
verrons pour la dernière acception Pierre Bourdieu).365(*)
La
problématique de l' « épistémologie
sociale »
La construction sociale est sous-tendue « par deux
thèses, une thèse épistémologique d'abord et une
thèse ontologique ensuite ».366(*) Rappelons que pour nous le constructivisme est le
fait que c'est la théorie de l'action qui rejoint la théorie de
connaissance. L'épistémologie sociale ou sinon sous une autre
étiquette l'activité intellectuelle que nous étudions peut
être définie comme « l'étude de la connaissance
qui en souligne les dimensions sociales ».367(*) D'emblée en
parcourant les principaux chercheurs qui travaillent dans le domaine, un
consensus peut être dégagé sur le sens du mot
connaissance :
1) Connaissance = croyance
2) Connaissance = croyance institutionnalisée
3) Connaissance = croyance vraie
4) Connaissance = croyance vraie et justifiée (et
d'autres plus).368(*)
L'épistémologie ainsi entendue implique sans
doute aussi une étude des causes de la croyance. Signalons
déjà que, sous cet angle, il doit y avoir une partie de
l'épistémologie qui n'est pas sociale. « Il existe
après tout des mécanismes psychologiques qui sont causes de la
croyance et qui n'impliquent aucun élément social ou
interpersonnel, ce sont les équipements biologiques tels que les
mécanismes perceptifs et mémoriels, ainsi que les
mécanismes de calcul et d'inférence
rudimentaire ».369(*)
En somme la question est complexe parce que
l'épistémologie sociale est une analyse de la dimension sociale
de la connaissance qui implique des aspects non sociaux. Ce paradoxe est au
centre de mode explicatif des sciences sociales. Son point de départ est
la constat que bien des phénomènes ne nous sont connus que par
l'intermédiaire des autres et donc que la connaissance a non seulement
des sources directes, celles auxquelles le sujet a accès, mais aussi des
sources indirectes reposant sur la confiance ou sur l'autorité
accordée à autrui. Ses préoccupations principales
concernent tout ce qui a trait à la dimension sociale de la
connaissance : sa construction, au cours d'interactions, de justifications
recevables ou acceptables. De plus elle reprend des questions qui
étaient au coeur de la théorie durkheimienne des croyances
collectives, ou l'idée d'un sujet collectif du savoir, etc.
L'épistémologie sociale « est une
branche de l'épistémologie naturalisée qui cherche
à déterminer l'influence spécifique des facteurs sociaux
sur la production de la connaissance ».370(*) Elle contient en son sein
l'épistémologie féministe qui « peut être
regardée comme branche de l'épistémologie sociale qui
examine l'influence des conceptions et des normes socialement construites
de sexes et les intérêts et expériences propres à
chaque sexe sur la production de connaissance ».371(*) C'est dans cette ligne que
nous proposons la critique des schèmes conceptuels des sciences sociales
en Afrique, une sorte d' « épistémologie
esclavagiste et coloniale »qui continue.
L'enjeu central repose sur la critique de la connaissance en
tant que croyance justifiée et rationnelle : « une
habitude de connaissance est rationnelle pour autant qu'elle favorise (...) des
réflexions critiques sur soi et qu'elle y répond en
vérifiant ou en neutralisant les mécanismes de formation de
croyances peu fiables, et en cautionnant ceux qui le
sont ».372(*)
Quand nous classifions, « la sociologie de la
connaissance, l'étude de la science et de la technologie,
l'anthropologie culturelle, l'histoire intellectuelle et plusieurs disciplines
font habituellement l'examen de la connaissance entendue au sens (1). Par
contre « les philosophes épistémologues (...), en
remontant jusqu'à Platon, soutiennent presqu' unanimement que la
connaissance exige non seulement la vérité mais aussi que la
croyance soit justifiée, garantie ou acquise d'une manière
appropriée, par exemple grâce à l'usage de méthodes
faibles ».373(*) Ici l'épistémologie de la connaissance
met au centre la question de la vérité.
A quoi correspond le
« social » dans l'épistémologie
sociale ? « Dans les premières formulations de la
sociologie de la connaissance, les « facteurs sociaux »
désignaient principalement divers types d'intérêts :
les intérêts de classe, les intérêts politiques ou
les intérêts de tout autre chose ayant à voir avec le
monde « réel » ou
« existant » du pouvoir et de la
politique »374(*). Ainsi « des pionniers de la
sociologie de connaissance et de la science tels que Karl Mannheim (1936) et
Robert Merton (1973) niaient que la science (au moins la science physique) soit
influencée par des facteurs sociaux »375(*). « L'école
d'Edimbourg et le « programme fort » en sociologie des
sciences de dire même que la science physique est contaminée par
des facteurs sociaux. Dans les deux cas les « facteurs
sociaux » désignent cependant des intérêts ou des
tendances reliés aux classes sociales, à la politique ou (...)
autres ».376(*)
Finalement, du point de vue philosophique « les
facteurs sociaux produisent réellement de différences
systématiques au niveau des valeurs de vérité des
croyances produites ».377(*) Cette conception épistémologique
est qualifiée d' « épistémologie
sociale » en tant qu'elle s'oppose à une conception classique
de l'épistémologie qui porte un présupposé
individualiste. « L'épistémologie sociale
devrait...insister sur les entités collectives conçues comme
sujets connaissants. (Ainsi) un intérêt des sujets collectifs, y
compris les entités et les croyances, s'est développé ces
dernières années, comme le suggèrent les articles et les
livres de Gilbert(1989), Nelson(1993), Tuomela (1998), Searle (1995) et
Kusch(2002). Ils partagent tous l'idée que les états d'esprit
collectifs sont philosophiquement légitimes et que, si cela est exact,
ils devraient trouver une place au sein de l'épistémologie
sociale ».378(*)
Il faut souligner que « le point de vue de la
construction sociale ... (est d'abord) une théorie de la connaissance
(...) Le point de vue de la construction sociale propose une nouvelle
manière d'envisager la nature de la science et de la
réalité ».379(*) Allons plus loin « En tant que
théorie de connaissance, on peut aussi remonter le point de vue de la
construction sociale à Socrate qui enseignait à ses
étudiants que la connaissance est une perception. De plus il faut
souligner l'apport de Thomas Kuhn dans la diffusion de ce point de vue. En
postulant que la recherche en physique évolue d'un paradigme (ensemble
de croyances et de perception) à l'autre ».380(*) Selon Dominique David,
« la thèse toute simple du constructivisme est que les
idées et les normes amènent la réalité et non
l'inverse, accordant ainsi une place prépondérante aux
compréhensions et aux représentations que les agents sociaux se
font du monde ».381(*)
Les fondements du
constructivisme
Jean-Louis Le Moine décrit l'émergence des
épistémologies constructivistes comme une révolution issue
de la crise des sciences et de l'épistémologie
cartésiano-positiviste. Cela donne toute l'importance de la perspective
contextuelle à la base du passage des sciences dites cartésiano
-positivistes vers lessciences constructivistes.
Du point de vue de la méthodologie qualitative et des
présupposés épistémologiques contemporaines, la
restitution explicite du « système » en face de ses
Eléments ou des sujets agissants constitue une perspective
rénovatrice. Le constructivisme s'occupe des interactions possibles
entre le Tout et les parties. Le passage d'une approche analytique à
l'approche systémique. Dans le modèle le « Tout et ses
parties » se tiennent. Poser la raison sans
« système » nous a installé dans une approche
analytique de décomposition du simple au complexe. Tout le programme de
Jürgen Habermas dans son livre monumental de la Théorie de
l'agir communicationnel ,est de dépasser l'abstraction
structuralisme maladroite faite au moyen de la pragmatique formelle d'une
situation de la parole,et de dépasser la logologie pour la mise en
exergue de l'action , la mise en situation de la raison et la
détotalisation de l'étant.
L'approche systémique insiste de façon
particulière sur la place du contexte d'effectuation de la raison. Nous
avons pris l'habitude , par exemple, de penser l'éthique sans contexte.
La restitution des effets du contexte, du système, du monde comme lieux
d'effectuation de l'action rationnelle donne les moments cruciaux de la
dialectique entre le monde, le système, le sujet agissant et le langage.
D'où pour Jürgen Habermas son aboutissement à la
théorie de système d'action sociale et du « monde
vécu » (société, culture et
personnalité).
Le constructivisme regroupe plusieurs doctrines, courants et
tendances épistémologiques gravitant en commun autour du concept
de construction, « design ». Jean- Louis Le Moigne
précise : « par construction, on ne pouvait ni ne voulait
plus montrer un discours épistémologique fini, ou fermé,
à la manière d'un code juridique énumérant les
normes du jugement (objectivité, vérité, non-
contradiction , etc.), comme pouvait le faire le Discours sur l'esprit
positif d'Auguste Comte ».382(*) Le positivisme classique est justement tombé
dans ces apories.
A la suite de cette problématique, il devenait urgent
de nous rendre compte d'un certain nombre des questions devenues pertinentes en
épistémologies ou en Histoire des sciences, notamment le
problème des sciences nouvelles, celui de leur
scientificité ou degré suffisant
d'objectivité en regard des exigences de
positivité ou du réalisme de la connaissance.
A ce propos la remarque suivante de Jean-Louis Le Moine peut
encore nous éclairer : « me trouvant ,depuis 1970, en
situation d'avoir à enseigner certaines de ces nouvelles sciences
(sciences informatique, science de la gestion, science de la décision,
science de la communication, intelligence artificielle, sciences de la
cognition) relevant à la fois des sciences de l'homme et de la
société et des sciences de l'ingénierie, je pris
conscience de l'extrême immaturité épistémologique
apparente de ces disciplines et l'incapacité de leurs soeurs
aînées (les « veilles sciences », disciplines
confortablement installées dans les académies) à leur
fournir les garanties de scientificité que demande leur
enseignement ».383(*) Si nous avons bien compris, commente encore Le
Moigne, les jeunes sciences sont invitées à cette entreprise
d'autoréflexion sur elles-mêmes pour ne pas se résigner
à une vassalisation appauvrissante que suggèrent tour à
tour la neuro - biologie, la logico-linguistique, les sciences de comportement
ou celles de computation (intelligence artificielle au sens large).
La dialectique elle-même comme lieu de la
médiation entre système et ses éléments est un
lieu de la théorisation de la méthode (voir l'habitus de Pierre
Bourdieu).
Les choses se présenteraient comme suite : nous
sommes passés de l'étude cartésiano -comtiste de la
matière et de l'énergie à l'étude de l'information
et communication comme objets privilégiés des sciences
constructivistes. Dans cette perspective, même l'objet des sciences de la
matière n'est donc pas donné ; il est construit. Y a-t-il
dès lors encore un sens à parler de la
connaissanceobjective ?
Les paradigmes des sciences
nouvelles
Les sciences nouvelles se trouvent dans deux paradigmes
épistémologiques selon Le Moigne : Le paradigme
computo-symbolique et le paradigme neuro-
cybernétique. Le programme de recherche computo-symbolique va se
proposer des modèles simulables de systèmes de
traitement intentionnel de symboles. La question qui se pose est celle de
savoir comment modéliser la complexité de la communication
humaine.
Ces représentations construites permettent parfois de
déterminer une ou des « bonnes
réponses »intelligentes, c'est-à-dire
téléologiques. Ce paradigme recouvre « le
discours sur la méthode des études de notre temps » de
G. B. Vico (1708), les « textes anticartésiens » de
C. S. Peirce (1870), et l' « empire
rhétorique » de C. Perelman (1977).
Lessciencesdel'artificielles de H. A. Simon proposent une
épistémologie de la conception (the science of Design)
qui fonde les sciences de l'ingénierie. Qu'on s'en réfère
en priorité à Herbert Simon qui a publié en 1969 (et
complété en 1981), sous le titre Sciences des
systèmes, ou sciences de l'artificiel; lire en particulier, le
chapitre central qu'il y consacre à la science de la conception :
une formulation de référence, une matrice conceptuelle,
réfléchie et justifiée avec cohérence comme l'est
le cadre positiviste ou neo-positiviste.
Les sciencesdessystèmes constituent des
nouvelles sciences en tant que modélisation des
systèmes vivants et des systèmes artificiels; ce groupe se
compose de la cybernétique (modélisation de la
complexité des phénomènes humains, qui se popularise avec
le concept d'organisation -voir Edgar Morin dans La nature de la
nature) ;le paradigme structuraliste avec sa double
composante d'une part fonctionnaliste (en tant que comportement
synchronique d'un système) et, d'autre part, historiciste
(concernant la théorie et les interprétations diachroniques des
transformations morphologiques internes d'un système). Ces composantes
peuvent être considérés soit séparément soit
ensemble ; Jean Piaget en dégage quelques branches, telle que la
psychologie sociale ou la psychothérapie systémique constituant
une partie de la pragmatique de la communication. Ce modèle
cybernétique est dès maintenant appliqué en Anthropologie,
dans la psychosociologie, dans la psychologie cognitive (notamment chez
Bateson), en linguistique et en économie. Nous pouvons situer
également John Searle aujourd'hui.
Chez Gregory Bateson et l'école de Palo Alto
(école invisible) lapragmatiquedelacommunication fonctionne
dans la visée d'une psychanalyse et d'une chimiothérapie, pour
l'analyse des énoncés à risque, telle la
théorie du double-lien. Elle postule le fait que toute communication
est complexe et se développe à deux niveaux : contenu et
relation. Faute d'intégration harmonieuse de ces différents
niveaux, leurs paradoxes peuvent générer des troubles
schizophréniques dont la thérapie nécessite l'intelligence
de ces communications paradoxales et peut se passer de la cure psychanalytique
ou de la chimiothérapie. Le problème qui se pose est toujours
celui de savoir comment modéliser cette complexité
communicationnelle, qui est à la fois action d'échanger
et résultat actif de cette action, productive
d'elle-même, de l'intelligence réfléchie ou
auto-référentielle.
Gregory Bateson propose à ce sujet, à partir de
1969, une épistémologie de l'information qui fonde les
sciences de la communication et qui constitue aujourd'hui, grâce
notamment aux recherches de Paul Watzlawick (1981,1988) et d'E. Von Glaserfeld
(1987), une des contributions les plus décisives aux constructivismes
contemporains. Edgar Morin propose, quant à lui, à partir de 1977
une épistémologie de la complexité qui fonde les
sciences de l'organisation.
Leçons à
retenir
Sylvie Mesure et de Patrick Savidan dans le Dictionnaire
des sciences humaines, pensent que l'enjeu du retour à la
philosophie aujourd'hui, envahit toutes les sciences sociales, à cause
du fait que la réalité sociale se transforme en profondeur, et
résiste toujours davantage à nos grille d'analyse traditionnelles
et rend ainsi opaques des univers que l'on croyait jusque là
familiers 384(*),
de cela chacun ressent intimement le besoin de faire à nouveau le point
sur ce que nous avons de l'être humain et de la société.
Cette tâche tente de relever le défi de la
compréhension du temps présent des différentes sciences
humaines : anthropologie, sociologie, psychologie, psychanalyse, droit,
économie, linguistique, histoire, géographie.385(*) C'est donc une remise
à plat des nos grilles de lecture courantes de la réalité
sociale.
Nous relativisons, à propos de
l'épistémologie non naturaliste de type conventionniste de la
construction de la réalité sociale. Parce qu'à propos du
constructivisme la construction de la réalité est aussi
consécutive à la perte de sens collectif.
Il s'agit des choix a priori du programme
épistémologie millénariste. L'approche pragmatique et
cognitiviste contemporaine ne déconstruit pas ce programme
épistémologique millénariste, il le reconstruit au point
de départ de l'Afrique antique.
Disons que Karl Marx a boosté le constructiviste en
tant que théorie de l'action, il voulait dire au monde des
exploités que les événements et les choses sociales sont
historiques et non naturelles. Un auteur comme John Searle est redevable
à Marx à plusieurs titres, il est entré dans notre
stratégie argumentative, il nous a servi de balise et de cadre pour
montrer le niveau le plus élevé de sa reconstruction
philosophique actuelle. Le nom de Searle est repris constamment dans notre
travail, il n'a cessé de revenir.
En fait, cet auteur est philosophe analytique et aujourd'hui
il travaille dans ce qu'il appelle la philosophie de l'esprit ,le cognitiviste.
Il est de l'Université California Berkeley des Etats-Unis
d'Amérique ; sa pensée nous a prêté un
dispositif essentiel dans notre stratégie argumentative. Son importance
est qu'il retourne théoriquement aux sciences sociales classiques et aux
fondateurs pour remonter jusqu'à aujourd'hui.
Le Professeur John Searle traverse, dans l'optique analytique
et cognitiviste tous ou presque tous les grands débats philosophique et
scientifique contemporains inhérents. Il nous a servi d'accompagnateur
pour visiter critiquement certains de ces grands débats qui ont trait
à la « réalité sociale » qu'il aborde
sérieusement depuis 1995. Il nous a servi en fait de partenaire de
discussion sinon de réflecteur.
Du point de vue de la question de la décolonisation
intellectuelle, pour dépasser le langage de la philosophie moderne qui
présuppose la colonialité, il nous a fallu un auteur analytique
qui se situe dans la continuité de cette ligne et qui aborde notre
problématique directement ou indirectement. Il se fait que John Searle
se situe dans cette ligne, il oeuvre dans la pragmatique prise ici au sens des
théories de signification à la suite de la tradition
américaine de Charles Sanders Pierce (de sa sémiotique et de son
naturalisme) ou plus immédiatement à la suite de John Austin.
Nous devons dire que John Searle nous a servi ainsi à cette fin et nous
a servi également comme pierre de touche de l'approche de la
construction analytique et cognitiviste de la réalité sociale.
Nous sommes partis des reconstructions théoriques que
nous supposons les plus « avancées » aujourd'hui ,
en tant que paradigme dominant, puis en descendant vers les théories
dont celles-là se démarquent et, en en situant le courant dans
lequel les théories dites les plus avancées se trouvent.
Dans le cas d'espèce, la théorie
pragmatico-cognitiviste de la construction de la réalité sociale
se démarque des philosophes- sociologues fondateurs des sciences
sociales, i.e., de la sociologie classique, et se situe elle-même dans la
révolution sémiotique de Peirce (qui anticipe la
révolution linguistique et pragmatique de Ludwig Wittgenstein) ,qui est
construite sur des relations cosmologiques et logique de priméité
, de secondéité et de tierceité. Toutefois, sont
restés des aspects eurocentriques que nous nous évertuons de
relever.
L'approche pragmatico- intentionnaliste de Jürgen
Habermas et de John Searle s'est emparée décidément
aujourd'hui de la question principale de fondement de l'existence du
« monde social » à travers la reconstruction des
conditions de sa constitution.
Searle s'oppose à toute forme de constructivisme
antiréaliste : il refuse les deux options ontologiques exclusives
pour éviter selon le cas les conséquences désastreuses du
relativisme et du réalisme naïf qui, en sciences sociales
constitue une menace aux principes de la rationalité et à
l'objectivité. Searle présente une approche particulière
du réalisme à partir de la philosophie du langage qu'il prolonge
en tant que philosophie des états mentaux.
Pour l'approche pragmatico- intentionnaliste de John Searle,
l'ontologie des faits sociaux appelle l'ontologie objective de la
réalité. Nous dirons en d'autres termes que la
réalité extérieure perceptible est une
réalité ontologique objective indépendante d'une
réalité ontologique subjective et sociale. L'approche
pragmatico- intentionnaliste nous offre une conception
« originale ».
Réfléchissant sur les Temps modernes, Searle se
demande pourquoi nous sommes terrorisés à l'idée de
retomber dans le dualisme cartésien. Le problème, c'est que la
conception cartésienne du physique, la conception de la
réalité physique comme res extensa n'est tout simplement
pas adéquate pour décrire les faits qui correspondent aux
énoncés portant sur la réalité physique.
John Searle donne à l'appui un exemple : si vous
réfléchissez aux problèmes de la balance de paiement,
à des phrases agrammaticales, à mon aptitude au ski, au
gouvernement de l'Etat de Californie, vous avez moins envie de penser que tout
doit entrer dans la catégorie soit mentale, soit physique. La
terminologie s'élaborerait autour d'une fausse opposition entre le
« physique » et le « mental ». Nous
pouvons le dire d'emblée, Searle développe ici l'autonomie des
sciences sociales comme ayant une ontologie propre par rapport aux sciences
physico-mathématiques.
L'approche pragmatico- intentionnaliste utilise une
réflexion analytique en prenant les exemples de la compréhension
du sens littéral des phrases. Le contenu sémantique des
énoncés ne suffit pas en lui-même ; il faut un
Arrière-plan, que Searle désigne spécifiquement comme des
schèmes conceptuels pour donner tout leur sens aux choses. Nous
disposons des phrases comme : le Président a ouvert la
séance, l'artillerie a ouvert le feu, Pierre a ouvert un restaurant.
Supposons qu'à l'ordre « Ouvrez la porte » je me
mette à faire des incisions dans la porte avec un bistouri, ai-je ouvert
la porte ? Autrement dit, ai-je obéi littéralement à
l'ordre littéral « Ouvrez la porte » ?
L'énonciation littérale de la phrase « Ouvrez la
porte » exige, pour être comprise, quelque chose de plus
que le contenu sémantique des expressions qui la composent et les
règles de leur combinaison en phrase. Comprendre c'est autre chose que
saisir un sens, ce que l'on comprend va au-delà du sens.
L'Arrière-plan est en définitive une
pré-condition de la représentation linguistique ou mentale.
Searle s'autorise de passer des énoncés linguistiques aux
états mentaux qui sont tout aussi représentationnels, tels que la
croyance, le désir, l'intention, etc. Ceci est pour lui
révolutionnaire parce qu'il redécouvre les états mentaux
bannis par sa révolution pragmatique antérieure. Chaque phrase de
la liste est comprise avec un réseau d'états intentionnels et sur
fond d'un Arrière-plan des capacités et des pratiques sociales.
Aussi, si la représentation requiert un Arrière-plan,
n'est-il pas possible que l'Arrière-plan consiste lui-même en
représentations sans engendrer une régression à
l'infini. Le réalisme et le concept d'Arrière-plan jouent
justement un rôle important pour les fondements des sciences sociales et
pour l'explication des phénomènes sociaux.
L'approche pragmatico - intentionnaliste de John Searle
n'adhère que partiellement à la position conventionnaliste et
constructiviste par sa théorie de la construction de la
réalité sociale, il défend le point de vue d'un
réalisme particulier au moyen du concept central de
l'Arrière-plan comme un ordre sous-jacent qui est mis à jour
à travers une analyse du langage ordinaire.
La question, au demeurant, porte sur le
présupposé essentiel de toute activité scientifique. Pour
l'approche pragmatico- intentionnaliste justement, le réalisme est
un présupposé essentiel de toute philosophie sensée, pour
ne pas dire de toute science. L'argument principal concerne justement le
réalisme et le réalisme concerne l'Arrière-plan comme
structure invisible de la réalité sociale et ayant un impact sur
l'ontologie des faits sociaux et des instituions sociales. La position du
problème comme chez Ruwen Ogien386(*)loge le réalisme dans les
phénomènes sociaux. Pour Searle c'est un présupposé
essentiel, disons que c'est un présupposé de
l'Arrière-plan.
Searle aborde cette question qualifiée aussi de
question de l'existence de la « réalité
extérieure », pour montrer comment il serait tout simplement
absurde que toute la réalité soit assujettie à nos
représentations humaines, en dehors des conditions formelles
d'intelligibilité.
L'approche pragmatico- intentionnaliste ne se contente pas de
cette discussion ,il aborde les questions connexes de création, de
maintien et de l'effondrement de la réalité sociale à
partir des concepts centraux d'Arrière-plan, d'intentionnalité
collective, les actes de la parole et de comportement régi par des
règles et tente de nouer des liens théoriques avec des
thèmes, des théories, des schèmes, des principes et des
concepts des sciences sociales depuis les fondateurs des sciences sociales,
philosophes et ,ou sociologues et autres spécialistes des sciences
sociales.
La réalité sociale ne peut être saisie
qu'à travers la représentation, soit linguistique soit mentale
soit encore actionniste. Autrement dit, nous construisons le monde social au
moyen des éléments minimaux qui commandent le mental, le langage
et l'interaction. En fait, le concept de structures profondes
désigne en général des systèmes de règles
élémentaires qui justement commandent la connaissance, la parole
et l'interaction. Ces règles sont des structures profondes auxquelles
les individus dans leurs oeuvres culturelles observables obéissent
intentionnellement ou pas. John Searle dans une visée intentionnaliste
postule les règles constitutives (X compte comme Y dans un
contexte : C par exemple ce papier compte pour de l'argent dans le
contexte des transactions interbancaires autorisées par la Banque
centrale congolaise), qu'il faut ajouter aux concepts d'Intentionnalité
collective et celui de l'Arrière-plan. Searle joint donc à la
question ontologique sus- nommée les phénomènes du langage
et de la conscience.
La conception du « fait social » chez
Searle se démarque de celle de plusieurs théoriciens en la
matière, mais elle est plus proche de celle de Friedrich Hayek, en ce
qu'elle postule l'imposition des fonctions sur la réalité
physique (la réalité brute) au moyen des règles dites
constitutives, de l'intentionnalité collective et de
l'Arrière-plan. Nous pouvons dans certaines circonstances (dans la
forêt par exemple) assigner des fonctions
aux « chaises » par exemple à des morceaux
d'arbres coupés et jetés à terre. Ces morceaux
deviennent, par ce fait d'imposition de fonction, des phénomènes
sociaux. John Searle développe donc une ontologie distincte.
Cependant, la vision pragmatico- intentionnaliste n'est pas
exempte de contradictions. Sur la question de la définition de la
« réalité sociale », les sciences sociales
africaines doivent à juste titre être
réévaluées et reformées. Une telle évolution
épistémologique passe par une suppression dialectique
opérationnelle de l'opposition ontologique simpliste et
réductrice entre le réalisme et le constructivisme. C'est la
grande leçon que l'on doit retenir de l'oeuvre grandiose de John Searle
portant sur la construction anti-réaliste de la réalité
sociale, et dont le principe est considéré dans la philosophie
sociale contemporaine comme un réflecteur opératoire de
réévaluation et de rénovation des sciences sociales.
Toutefois, en Afrique, une vigilance agissante doit être exercée
contre les écueils subtils de la théorie évolutionnaire
naturel et sociale. Tel est l'objectif sous-jacent à notre
investigation.
Il nous semble qu'il soit important d'évaluer les
promesses de l'approche de constructivisme social aujourd'hui et montrer
les assises théoriques de cette vision des sciences sociales. Nous
devons découvrir le pourquoi de ce regain constructiviste à
travers ses méandres profonds.
Dans ce chapitre, nous nous proposons donc de présenter
l'origine, l'ampleur de champs d'application de l'approche dit constructivisme.
Une telle préoccupation commence par présenter
l'actualité, la définition, la présentation du fondement,
de l'intérêt de l'approche de la construction de la
réalité sociale, de son objet et de ses espoirs.
CHAPITRE NEUVIÈME :
LA LUTTE ETHNIQUE, TRIBALE ET RACIALE D'ANNIHILATION
ANTHROPOLOGIQUE ET LA SCIENCE
Quelle est aujourd'hui la situation
épistémologue et sociale de l'Afrique ? On ne peut pas
dissocier ceci de cela. La situation épistémologique a
été décrite avant de passer à la situation sociale
qui va nous occuper. Les occidentaux ont toujours été alarmistes
à propos de l'Afrique. Vers la fin du millénaire passé,
à propos de la situation sociale, nous voici devant un des pronostics
défaitistes : « Jamais les disparités entre riches et
pauvres en termes d'opportunités à l'échelle mondiale
n'ont été aussi importantes qu'aujourd'hui. A en croire le
programme des nations unies pour le développement (PNUD), le
cinquième de la population mondiale vivant dans les pays les plus riches
se partage 86 % du PIB mondial contre à peine 1 % pour les
pauvres ; 82 % des marchés d'exportation contre à peine 1 %
pour les plus pauvres ; 68 % des investissements directs étrangers
contre à peine 10 % pour les plus pauvres ; 75 % des lignes
téléphoniques mondiales contre à peine 1,5 % pour les plus
pauvres ».387(*)
Alors les gens se posent des questions : « cet
accoisement des disparités est-il la conséquence
inévitable de l'intégration économique mondiale ?
Certains le disent, pour qui l'inégalité est consubstantielle au
mode de production capitaliste. (...) Verra - t -on, au contraire, un
renversement de tendances ? Certains l'affirment, pour qui la convergence
est au bout des efforts de coopération et de partenariat à
intensifier, et le développement humain durable « la nouvelle
frontière »la lueur d'espoir sur laquelle il faut mettre le
cap ».388(*)
Pourtant l'Europe a atteint la limite des PIB et du plein emploi, mais les
besoins restent immenses.
Dans tous les cas de figures, il y a « la
nécessité de mener un combat vigoureux, combat d'idées,
contre l'idée d'autant plus pernicieuse qu'elle n'est pas toujours
formulée de façon explicite, selon laquelle l'Afrique peut
être mise entre parenthèses, oubliée dans les scenarios
globaux, car placée ou s'étant placée en position de
hors-jeu économique ».389(*) Et : « La tendance au déclin,
qui se donne à lire dans la faible productivité du travail et du
capital en Afrique, et le recul de la part de l'Afrique dans la production
manufacturière mondiale et le PIB mondial, ne serait pas prêt de
s'inverser ».390(*)
Pour nous « dans le contexte (d'une crise profonde
du capitalisme )où les enjeux géoéconomiques et
géopolitiques d'hier se redéfinissent en même temps que se
renégocient les nouvelles relations en matière de commerce
international, qui élaborent de nouvelles normes globales et un
calendrier de mise en oeuvre de celles-ci », il faut un nouveau cahier de
charge africain à l'instar du mouvement panafricaniste du début
du siècle passé, notamment celui que nous avons essayé
d'ébaucher dans cette réflexion critique ,auto -critique et
prospective, pour la mise en place d'un grand lobbying africain idéel
afin d'être présent dans toutes les arènes où se
négocient l'Ordre nouveau et faire prévaloir la pensée et
la vision africaine du futur.
Du point de vue de l'Afrique « la mondialisation de
l'économie nécessite des structures, des processus et des styles
de gouvernance nouveaux dans lesquels la transparence, la collecte, le
traitement et la dissémination de l'information, l'adaptabilité
aux changements dynamiques, la souplesse, le dynamisme et l'innovation sont
plus importants que jamais »391(*). Il est
également autre chose : « bien que les gouvernements
africains doivent éliminer tous les obstacles inutiles sur la voie de
l'investissement privé, national et étranger, et des
échanges, un cadre réglementaire adéquat, et à
l'abri de la corruption, est également nécessaire pour
protéger l'intérêt public ,tant pour les
générations actuelles que futures, et éviter la
volatilité élevée des flux
financiers ».392(*)
Notre thèse est la suivante : ce dont l'Afrique a
besoin c'est une orientation unique de fédération de ses
problématiques et de ses recherches. Pouvoir regarder dans la même
direction pour consolider ses divers atouts. La pensée kheperienne offre
cette possibilité. Toute division apparente en Afrique est d'abord au
niveau plus profond, celui de la segmentation des savoirs endogènes.
Avec cette division c'est toute l'efficacité du savoir qui est en
question. Mais comment mettre les africains ensemble ?
La
source de ces maux : de l'annihilation anthropologique à la
paupérisation anthropologique.
Mveng nous situe dans deux péripéties :
celle de la Traite des Nègres qui représente notre annihilation
anthropologique et celle de la colonisation qui présente notre
paupérisation anthropologique. « La colonisation, au fond est
une nouvelle forme d'exploitation où le Noir va être
utilisé non dans les plantations d'Amérique, mais dans celles de
son propre pays ».393(*)
Les
conséquences de ces maux.
La fragilité de l'Afrique pour Mveng est le
résultat d'un impitoyable système de paupérisation
structurelle et elle continue d'être alimentée par ces
néo-systèmes de dépendance qui se cachent derrière
le masque de la coopération. « Les maux qui en
découlent ont causé pour l'Afrique, cette carence d'être,
et cette multiple fragilité ».394(*) Il découle donc de
tout ceci « la fragilité de l'Afrique politique ; celle
économique, sociologique, culturelle et
spirituelle »395(*). La cognée est à la racine de
l'arbre : Il faut s'attaquer à la racine de l'arbre.
Quelle
est la situation épistémologique ? C'est notre
réflexion ici
Les
conditions modernes.
Hannah Arendt se sert de l'Histoire concrète pour
décrire le processus inexorable dans le quel le monde s'est
engagé depuis le Temps moderne européen. De tous les processus
qu'elle décrit, celui qui semble le plus cynique est celui qui
débouche sur la force irrésistible de tout avaler, la seule
exception qui a résisté mais pervertie jusque - là est la
réalité des Etats-nations, qui plus, est une exception
étonnante du processus. Aujourd'hui, ces Etats-nations ne semblent
plus avoir les moyens de résister à l'inexorable processus.
La morale mise en place par Luther et Calvin engendra son
contraire, l'expropriation des biens ecclésiastique et monastique,
aboutit à l'accumulation des richesses, processus maintenu par la
volupté des hommes et le processus biologique de procréation
continue, et enfin engendra l'économie capitaliste et la
révolution industrielle.
L'expropriation élimine la raison et les
possibilités matérielles d'exister, le droit des autres hommes
d'exister. Parce que pour Hannah Arendt, « la
propriété, distincte de la richesse et de l'appropriation,
désigne la possession privée d'une parcelle d'un monde commun et
qu'elle est par conséquent la condition politique
élémentaire de l'appartenance-au-monde ».396(*) C'est ce que Engelbert Mveng
appelle l'annihilation anthropologique.
Au demeurant pour Hannah Arendt, « il est vain,
naturellement, de se demander ce qu'aurait pu être l'évolution de
notre économie sans cet événement dont l'influence a
précipité l'Occident dans une Histoire telle qu'on l'a vu
détruire la propriété dans le processus de son
appropriation, les objets dévorés dans le processus de leur
production, la stabilité du monde sapé dans un processus
perpétuel de changement »397(*). Il s'agit de détruire pour accumuler des
richesses. Il faut détruire les Indiens, les Juifs, animaliser les
Noirs, pour créer des richesses, et prendre les richesses sociales des
autres.
Il faut consommer les objets, puisque c'est de la nature
humaine mondaine de consommer, en vue de maintenir la nécessité
du processus de la production. Cette aliénation est un processus vital
pour le monde moderne. « Dans les conditions modernes ce n'est pas la
destruction qui cause la ruine, c'est la conservation, car la durabilité
des objets conservés est en soi le plus grand obstacle au processus de
remplacement dont l'accélération constante est tout ce qui reste
de constant lorsqu'il a établi sa domination »398(*).
Tout cela obéit finalement à l'homme
lui-même, au moi. L'affirmation majestueuse du moi. Puisque les besoins
et les désirs sont inassouvis ; l'appropriation engendre une plus
grande expropriation, ainsi continue le processus. C'est le
« processus vital » de la société dira Marx.
La classe des travailleurs est accaparée par le processus
engendré originairement par l'aliénation du monde.
Disons le tout de suite, que la lecture de Hannah Arendt est
une critique de Temps moderne européen dont le ressort profond de cette
vaste oeuvre d'aliénation du monde réside dans la perte du sens
de la transcendance qui culmine dans la laïcité. Kant a cru fonder
la métaphysique alors qu'il la ruinait.
En effet, pour Hannah Arendt, « l'époque
moderne a commencé par une soudaine, inexplicable éclipse de la
transcendance, de la croyance à
l'au-delà »399(*). Autrement dit, « une
tendance persistante de la philosophie moderne depuis Descartes, sa
contribution la plus originale peut-être à la philosophie, est le
souci exclusif du moi, par opposition à l'âme, à la
personne, à l'homme en général »400(*).
Tout commence quelque part par
l'expropriation et l'aliénation. Les « trois grands
événements dominent le seuil de l'époque moderne et en
fixent le caractère : la découverte de l'Amérique
suivi de l'exploration du globe tout entier ; la Reforme qui, en
expropriant les biens ecclésiastiques et monastiques, commença le
double processus de l'expropriation individuelle et de l'accumulation de la
richesse sociale ; l'invention de télescope et l'avènement
d'une science nouvelle qui considère la nature terrestre du point de
vue de l'univers »401(*).
Les trois étapes de cette aliénation
sont :
1) La misère imposée à un nombre toujours
grandissant de « pauvres travailleurs »que l'expropriation
privait de la double protection de la famille et de la propriété.
Il faut exproprier l'Eglise, détruire les Indiens, exproprier et
décimer les Juifs, animaliser les Noirs, pour créer des
richesses, et accumuler des richesses sociales.
2) La société remplace la famille comme sujet
du nouveau processus vital. La classe sociale assura à ses membres la
protection que la famille procurait autrefois aux siens.
3) La famille se transmue à la classe laborieuse et
la propriété en Etat national au service du processus vital. De
même que la famille et la propriété furent
remplacées par la classe et le territoire national, l'humanité
commence à se substituer aux sociétés nationales, la Terre
aux territoires des Etats. C'est toujours une expropriation, parce que l'homme
social ne possède pas la propriété collective comme la
famille et l'homme du foyer possèdent leur propriété
individuelle.
Dramatiquement, « la grandeur de la
découverte de Max Weber à propos des origines du capitalisme est
précisément d'avoir démontrer qu'une énorme
activité strictement mondaine est possible sans que le monde procure la
moindre préoccupation ni le moindre plaisir, cette activité ayant
au contraire comme motivation profonde le soin, le souci du
moi »402(*).
Une aliénation par rapport au monde pour moi. Le capitalisme est
né de l'expropriation, en tant qu'il consiste « à
priver certaines personnes de leur place dans le monde et à les exposer
sans défense aux exigences de la vie, à créer à la
fois l'accumulation originelle de la richesse et la possibilité de
transformer cette richesse en capital au moyen de travail. Telles furent les
deux conditions de l'avènement d'une économie
capitaliste. »403(*) Le capitalisme et l'urbanisation forcent le
transfert de la solidarité familiale vers une solidarité
perverse de classes sociales, par ce fait même déracinent les
travailleurs de leur sol et de la solidarité familiale élargie
qui est fondée sur la propriété collective.
L'accumulation de richesse sociale est réintroduite
dans le processus d'expropriation à grande échelle au lieu
d'aboutir à une nouvelle répartition des richesses. Ce processus
reste lié au principe qui lui a donné naissance : celui de
l'aliénation par rapport au monde. Le processus ne peut continuer
qu'à condition de ne laisser intervenir ni durabilité ni
stabilité de-ce-monde, c'est la contradiction foncière du
capitalisme régnant.
Tout est exproprié par le processus, la famille, le
sol, les Etats -nations sujets au processus vital, aidé pour cela par le
processus biologique des besoins et des désirs. On fît
finalement dépendre de la terre et du sang des
aïeux les relations entre ses membres. La limite de ce processus est
la propriété collective des Etats sapés à la base
par l'expropriation individuelle. La perte de cette parcelle du monde que
l'homme possédait en privé est centrale dans la
déchéance.
En effet pour Habermas, Max Weber conçoit la
modernisation de la vielle Europe comme le résultat d'un processus de
rationalisation qu'il tente d'identifier au modèle capitaliste de
modernisation. En fait, pour Hannah Arendt, le modèle capitaliste
naît du processus d'expropriation individuelle et d'accumulation des
richesses sociales, et simultanément avec la possession de l'outil de
la science moderne qui permet l'exploitation du monde, notamment
l'aliénation de l'Amérique et l'exploration du monde. 404(*)
Max Weber analyse la rationalisation ou la
sécularisation sociale telle qu'elle est vécue et telle qu'elle
s'effectue à l'âge moderne, au moyen de la notion de
rationalité technique et scientifique. La science moderne telle qu'elle
est mise en contribution dans d'exploration du monde.
Cette option, Weber le partage d'un côté avec
Karl Max et de l'autre côté avec Horkheimer et Adorno. Pour K.
Marx, la rationalisation technique et scientifique est incarnée dans la
rationalisation des forces de production. Cependant, pour Hannah Arendt le
processus de la production, aidé pour cela par le processus biologique
des besoins et des désirs sans fin, ne répond qu'à sa
propre logique. C' « est une prospérité
prodigieuse qui ne dépend pas de l'abondance des biens matériels
ni de quoi que ce soit de stable et de donné, mais simplement du
processus de production et de consommation »405(*). Marx qualifie ce processus
de « processus vital ».
Ainsi l'économie capitaliste et l'Etat moderne ne
sont-ils que les systèmes d'activité rationnelle où se
déploie socialement le rationalisme occidental.406(*) La science aide à la
domination. Une éthique protestante d'expropriation y prend forme et la
perte de la transcendance. Hannah Arendt va si bien le dire, « la
grandeur de la découverte de Max Weber à propos des origines du
capitalisme est précisément d'avoir démontré qu'une
énorme activité strictement mondaine est possible...ayant au
contraire pour motivation profonde le soin, le souci du moi ».
407(*) Le ressort
profond de cette exploitation se trouve dans l'homme.
Karl Marx théorise la société
productiviste au moyen de la rationalité technico-instrumentale,
dévalorisant par le fait même, la spécificité d'une
rationalité normative, morale et culturelle. Il reconduit dans ses
traits principaux les mêmes apories, avec une attitude cependant plus
pessimiste à l'égard de rationalisation capitaliste.
« L'expropriation, pour Hannah Arendt (qui sera à la base du
capitalisme), consiste à priver certains groupes de leur place dans le
monde et à les exposer sans défense aux exigences de la vie, a
crée à la fois l'accumulation originelle de la richesse et la
possibilité de transformer cette richesse en capital au moyen du
travail »408(*).
En effet, pour Marx, le processus de rationalisation sociale
suit un mouvement qui organise la production des biens en tant que production
des valeurs d'échange sur base d'un travail salarié et intervient
aussi dans un sens désintégrateur pour les conditions de vie des
classes qui participent à ces transactions.409(*) Le processus de production,
d'accumulation, de la banalisation des biens de ce monde obéit à
sa propre loi.
Ainsi avec le progrès de processus de rationalisation,
l'Etat et l'économie capitaliste en tant que sous-systèmes
d'activité rationnelle cognitivo-instrumentale s'autonomisent-ils
vis-à-vis des attentes des membres de ces sous-systèmes et vis
à vis d'un fondement voulu éthique. L'administration, incarnation
de l'Etat devient un système anonyme fermé, immunisé face
à la volonté des masses. Les conditions de vie de la classe
ouvrière se désagrégent par le fait de
l'aliénation.
Les néo-marxistes, tels que Lukacs et Horkheimer, eux
parlent en terme de déformation de la conscience interprétative
du capitaliste qui assimile l'humain à des objets par le
phénomène hégélien
« d'objectivation » des rapport sociaux.
Théoriquement, ils vont donc tenter d'élucider
le rapport entre la différenciation d'une économie capitaliste
régie par les valeurs d'échange et la déformation de la
conscience interprétative objectivante, utilisant pour ce faire le
modèle du fétichisme de la marchandise.410(*)
La chosification des rapports sociaux comme critique de la
rationalité calculatrice et formelle, sous la plume de Lukacs, est plus
que dramatique et invite à l'insurrection sociale. Le progrès de
réification, le devenir marchandise du travailleur annule certainement
celui-ci tant qu'il ne se rebelle consciemment contre cette situation. Les
coûts socio psychologiques externalités par la
société, déchargés sur les individus, se
manifestent sous plusieurs formes. Ils s'étendent sur un espace allant
des maladies psychiques entrant dans la nosographie, névrose,
phénomènes pathologiques chroniques, troubles psychosomatiques,
problèmes de motivation et d'éducation, aux secteurs religieux de
jeune et aux groupes de délinquants marginaux (incluant aujourd'hui le
terrorisme anarchiste).411(*)
C'est cette situation singulière qui advient lorsque ce
ne sont pas des valeurs, ni des normes éthiques ou
l'intercompréhension dialogale qui coordonnent les actions sociales,
à la place se substitue le médium de la valeur
d'échange.412(*)
Habermas ne cède les pas à une vision
objectiviste de l'Histoire, ni à une vision exclusivement productiviste
de la société, et il reconnaît la spécificité
des superstructures normatives de la tradition culturelle (droit, morale,
religion, art,...), au lieu de les discréditer.413(*) Une société
globale, doit prendre au sérieux la spécificité des
superstructures normatives de la tradition culturelle, notamment le droit, la
morale, la religion, l'art, le mythe en tant que modes de régulation
sociale.
Le développement du capitalisme avancé exige un
certain nombre de révisions. Plus encore, Habermas réagit en
s'interrogeant « est-ce qu'en critiquant le caractère
incomplet de la rationalisation qui se présente comme
réification, on ne fait pas prendre conscience d'un rapport de
complémentarité entre la rationalité
cognitivo-instrumentale, d'une part, et la rationalité morale pratique
et esthétique pratique d'autre part, de sorte qu'on pourrait y
reconnaître le critère d'un concept non restreint de la pratique,
nous pouvons dire, de l'agir communicationnel lui-même ».414(*)
Il va pousser la logique jusqu'au bout :
l'économie et l'Etat se transforment en incarnation de la
rationalité cognitive instrumentale, tout en soumettant d'autres
sphères de vie à leurs impératifs, ils refoulent vers la
périphérie tout ce dans quoi peut s'incarner la
rationalité pratique, morale et esthétique.415(*) Le refoulement doit
s'entendre par exemple comme impératifs du capitalisme avancé qui
suspendent à ses guises toutes les autres sphères
d'activité à l'échelle mondiale. En commençant par
la sphère morale et juridique.
Il y a prééminence des aspects
économiques qui imposent ses impératifs à d'autres
sphères de vie sous forme de processus continu et global, et ayant des
effets néfastes sur l'existence habituelle de nos sociétés
et sur les Etats-Nations.
L'antidote de la misère : le travail.
Le travail et le langage (la parole) doivent être
exempts de toute domination pour envisager un quelconque progrès
social. Cette libération est pour cela la condition socio-historique de
tout progrès social.416(*) Nous l'avons dit, pourtant le travail est soumis au
processus primitif d'expropriation et d'accumulation des richesses.
Nous partons du postulat suivant lequel: « les
processus du travail sont l'éternelle nécessité
naturelle de la vie humaine »417(*) Un travail naît des nécessités
de la vie ne se confond pas avec la force de travail, celle qui fructifie les
richesses et le capital. Or, les processus du travail par
nécessité, cette création continuelle, cette production
est la base du monde tel qu'il existe aujourd'hui.418(*) Le travail (l'emploi) doit
être promu par le capital contre la tendance actuelle qui veut que le
capital assujettisse ou élimine le travail.
D'un point de vue philosophique, la catégorie du
travail acquiert le sens d'une pratique vécue en général
qui constitue le monde. Cette conception se présente ainsi, surtout si
nous interprétons les écrits anthropologiques de Marx en nous
laissant guider par les analyses du monde vécu (Lebenswelt).419(*)
Jürgen Habermas cite Karl Marx tel qu'il donne une
lecture instrumentaliste de la philosophie transcendantale.420(*) Ce n'est pas la combinaison
de symboles effectués selon les règles, mais les processussociaux
de vie, la production matérielle et l'appropriation des produits, qui
fournissent la matière que la réflexion peut prendre comme point
de départ pour porter à la conscience les réalisations
synthétiques fondamentales. C'est contre l'idéalisme de Kant
que Habermas réagit.
Selon Habermas, après Marx, cet instrumentalisme
transcendantal ne sera thématisé comme tel que par le pragmatisme
américain.421(*)
Pour Habermas, deux activités restent au coeur des
sociétés modernes : le travail et l'interaction
communicationnelle. En effet, l'articulation anthropologique opposant travail
(sujet au processus vital) et l'interaction sociale est au principe même
de la réflexion de Jürgen Habermas, c'est elle qui commande la
distinction entre « activité instrumentale » et
« activité communicationnelle ».422(*) Ce couple contradictoire
est donc partout à l'oeuvre aussi bien dans sa pragmatique universelle,
dans son anthropologie que dans son épistémologie.
Au demeurant, « C'est chez Marx que
Jürgen Habermas va chercher les bases de son anthropologie
matérialiste.»423(*) La catégorie du travail doit
acquérir le sens d'une pratique vécue en général
qui constitue le monde. Cette conception se présente surtout si nous
interprétons les écrits anthropologiques de Marx en nous laissant
guider par les analyses du monde vécu (Lebenswelt) dans les
écrits tardifs de Husserl au sens de savoir et savoir-faire
oublié.424(*)
Dans le même ordre d'idée, la
tradition théorique qui consiste à camper les catégories
économiques au centre de la théorie sociale remonte à
l'école économique classique avec Adam Smith, David Ricardo, John
Mill,... Une telle tradition a l'avantage de présenter les lois
invisibles qui déterminent la marche des sociétés
modernes, contre la tendance régnante, depuis les contractualistes comme
Hobbes, Rousseau,...qui imposent l'habitude de placer les catégories
juridiques - vecteurs d'une intégration simplement intentionnelle- au
centre de la théorie sociale. Cette reconstruction historique des
théories sociales a l'autre avantage de présenter une
intégration non intentionnelle mais réelle, de nos
sociétés fondées sur les échanges. Habermas garde
par ailleurs ce cap, même si nos sociétés ont
engendré une image d'elles-mêmes, qui n'ont plus à
proprement parler, ni sommet ni base.
Le système Habermas est tout aussi bien factuel que
normatif, il fait cas des rapports de forces et des enjeux par le changement
de perspective théorique liée à la tradition
économique, qui, en amont, dans la structure sociale,
hypothèquent les pratiques langagières.
Au demeurant, selon Habermas, le travail désigne
une activité rationnelle par rapport à une fin, une
activité instrumentale qui obéit à des règles
techniques qui se fondent sur un savoir empirique. L'interaction, quant
à elle, est médiatisée par des symboles. Elle se conforme
à des normes en vigueur de façon obligatoire, qui
définissent des attentes de comportements réciproques et doivent
être nécessairement comprises par deux sujets agissants au moins.
L'une et l'autre correspondent à des intérêts
anthropologiques. Les actions instrumentales sont normalement
insérées dans des relations d'actions communicationnelles (les
activités productives sont en général organisées
socialement). En réalité une action instrumentale et une
interaction sont ouvertes à des valeurs communes.
La dimension libératrice de
la domination.
Habermas insiste sur la dimension libératrice, celle
d'une anticipation de la communication qui serait à la fois
débloquée et exempte de domination. La référence
à la domination sur le travail et du langage (parole libre), indique
les conditions socio-historiques pour une dimension libératrice -une
restriction à l'activité communicationnelle qu'il convient de
dépasser. En même temps ces conditions théoriques dictent
la conduite de Habermas qui prend à bras-le corps les sciences
émancipatrices : la philosophie critique et la sociologie de
compréhension linguistique ou la critique des idéologies.
La domination n'est pas exclusivement de l'ordre
économique, elle se situe à plusieurs niveaux :
- le désechement du monde vécu contre les
systèmes : la dialectique de la rationalisation et du
progrès fait apparaître l'époque moderne comme un projet
problématique : « le progrès » comporte
un certain coût et on assiste à une
« colonisation » du monde qui est nôtre vécu
à travers les impératifs du système
socio-économique avec la rationalité restreinte, technique et
scientifique.
- aussi l'exigence d'un dialogue a-t-elle à connecter
les deux moments : système socio-économique qui s'atomise
sans dialogue et société civile qui présuppose le
siége de la vie.
- la domination bureaucratique (une contrainte dominante
anonyme d'une administration qui se détache des attentes du peuple) et
celle des élites.
Contre le capitalisme, Habermas reproche autrement son
incapacité aujourd'hui de se domestiquer de façon pratique et
morale à l'échelle planétaire au moyen de l'Etat
providence et de l'écologie. « Le parti qui se croit
victorieux ne parvient pas à se réjouir de son
triomphe ».425(*) Finalement, il peint une situation sombre contre
laquelle il faille mener un combat des gladiateurs: « face aux
conflits primordiaux que constituent la limitation écologique de la
croissance économique et la disparité croissante des conditions
de vie du Nord et du Sud ;devant la tâche historiquement
inédit d'introduire dans les sociétés naguère
fondées sur le socialisme d'Etat , les mécanismes d'un
système économique différentié ; sous la
pression des flux migratoires venant des régions appauvries du Sud et
aujourd'hui de l'Est ; compte tenu des risques que constituent les
nouvelles guerres ethniques,nationales et religieuses,les chantages
nucléaires et les luttes internationales pour le partage des
richesses ».426(*)
Les évolutions et les continuités de la
modernité sont décrites par Habermas dans quelques uns de ses
écrits. Dans son ouvrage, Après Etat -Nation .une
nouvelle constellationpolitique, Habermas présente une
évolution des événements majeurs de l'époque
contemporaine. Il présente la continuité des tendances longues
qui caractérisent la modernité sociale contemporaine en trois
grandes dates historiques : 1914,1945, et 1989. « Un consensus
existe sur le fait qu'au « long » 19e
siècle (1789-1914) a succédé un « court »
20e siècle (1914-1989) ». (427(*))
Seuls les Etats-Unis sont sortis renforcés de deux
guerres mondiales, et de la guerre froide, au plan à la fois
économique, politique, culturelle et militaire. Ils ont un
investissement militaire de près de 800 milliard de dollars de part le
monde : des déploiements des troupes, de flottes de guerre sur les
mers et les océans, des bases militaires en Europe, en Asie, dont 6,7
milliard de dollar d'investissement en Afrique. Ils détiennent
près de 51% de PNB mondial, près de quart des flux aériens
du monde, etc. Ces résultats ont valu, au dire d'Habermas, au 20e
siècle le nom de siècle
« américain ».
La force la plus imposante qui dicte la césure
calendaire est sans appel les différentes guerres européennes.
L'année 1945 est la serre chaude des idées sans la quelle
l'innovation culturelle incontestable du siècle n'aurait guerre eu lieu.
Le changement de climat obtenu en 1945 constitue l'arrière-plan des
évolutions ultérieures. La décolonisation s'inscrit dans
ce changement structurel nonobstant quelques résistances.
« Dès 1945, l'empire du Japon vaincu n'est pas le seul
à se désintégrer ; la même année, la
Syrie et la lybie acquièrent leur indépendance .En 1947, les
Britanniques se retirent de l'Inde ; l'année suivante a vu la
naissance de la Birmanie, du Sri lanka, d'Israël et de l'Indonésie
.Ont ensuite conquis leur indépendance les régions de l'Islam
« occidental » de l'Iran au Maroc, puis, petit à
petit, les Etats de l'Afrique centrale. » 428(*)
C'est à partir d'une raison globale et non
restreinte :technique et scientifique que J. Habermas entreprend de
valoriser les structures normatives, dévalorisées par Marx, comme
le droit ou la morale elle-même et qu'il pense l'échéance
d'une « identité collective » universelle à
la quelle se trouvent maintenant confrontées nos
sociétés ; c'est elle qui est à l'oeuvre comme espace
idéal de dialogue à l'horizon de « l'opinion
publique », présente dans les légitimations dont se
soutiennent de plus en plus toutes les sociétés.429(*)Ce système semble
être à la hauteur de l'expérience de notre temps parce
qu'englobante.
Il reste que le dialogue démocratique est la seule voie
permettant d'assurer la médiation politique entre notre pouvoir
technique et notre vouloir « pratique » et
d'échapper à l'illusion technocratique ou
« décisioniste ».
Il n'est guère d'alternative institutionnelle à
la démocratie, même si de grandes « démocraties
occidentales des masses » se sont assez largement
discréditées tant qu'il est vrai que la dictature du
prolétariat n'est ni souhaitable ni même proprement possible.
Jürgen Habermas renvoie dos à dos et le marxisme
et le capitalisme. Il propose une démocratie dite radicale : il
tente de présenter « une tradition (...) de l'idée de
démocratie radicale telle qu'elle est développée par la
théorie de la discussion.»430(*) La critique contre marxisme se focalise entre autre
sur la théorie de la Révolution. Il y a trente ans, rappelle
Habermas, « j'ai critiqué la tentative marxienne de
transformer la philosophie hégélienne du droit en une philosophie
matérialiste de l'histoire ». 431(*) La conséquence est
qu'il s'est discrédité parce que tombant sous le coup des
mêmes griefs : les droits comme expression des forces sociales, i.e.
le droit colonial que l'on semble sans ménagement perpétuer dans
les Etats post- coloniaux.
Le marxisme n'abolirait pas les idéologies !
« En critiquant l'idéologie de l'Etat constitutionnel
bourgeois, (Marx) a discrédité de façon si durable pour le
marxisme à la fois l'idée même de la légalité
et, par sa dissolution sociologique de ce qui faisait la base des droits
naturels, l'intention de droit naturel comme tel, l'union entre droit naturel
et Révolution s'est dissoute». Habermas va entreprendre de traiter
cette question largement dans son livre intitulé Droit et
démocratie. Entre faitsetnormes.
Chez Marx la critique de l'économie politique est une
condition de libération des travailleurs qui sont dominés et
exploités.432(*)
Pour nous la critique des sciences sociales sont justement les conditions de
libérations des africains. Les intérêts de classe sont
véhiculés dans les différents types de savoir. Habermas
complète pour évacuer les intérêts
socio-historiques, en mettant à la place les intérêts
liés à l'espèce humaine.
Finalement pour Habermas, la construction de la
réalité sociale est une question importante parce que les
participants à un projet social doivent s'entendre eux-mêmes sur
la forme de vie qu'ils veulent instaurer. En effet, si on comprend le
« socialisme » comme « la quintessence des
conditions nécessaires aux formes d'une vie émancipée,
à propos desquelles les participants doivent eux-mêmes s'entendre,
on voit que ce projet trouve lui-même son noyau normatif dans
l'auto-organisation démocratique d'une société
juridique »433(*).
La justice
Passons en revue la théorie libérale de la
justice la plus illustre. Dans le contexte de la recherche de fonder le refus
de l'exploitation de l'homme par l'homme, John Ralws présente des
principes philosophiques très pertinents pour la lutte de classe, mais
nous en sommes encore en Afrique à la lutte darwinienne. Peut
être que les chinois vont nous y introduire.
Le Professeur Mutunda Mwembo ressasse ces principes d'une
admirable façon, en citant entre autre John Ralws. En effet, pour
Mutunda, « il n'est donc pas question que des sacrifices soient
imposés à des hommes et à des peuples pour le bien
d'autres, comme cela s'est fait dans le contexte de l'exploitation de l'homme
illustré par la colonisation et une certaine
globalisation ».434(*)
John Ralws écrit : « Chaque personne
possède une inviolabilité fondée sur la justice qui,
même au nom du bien être de l'ensemble de la société,
ne peut être transgressée. Pour cette raison, la justice interdit
que la perte de la liberté de certains puisse être
justifiée par l'obtention, par d'autres, d'un plus grand
bien ».435(*)
Ailleurs, John Ralws procède par une projection presque à vide
d'un ordre de justice à installer à marche forcée :
l'instauration de la justice distributive qu'il préconise, telle qu'elle
doit être faite au moyen des prix, du marché ou carrément
par le gouvernement, démontre des lieux d'ajustement qui appellent
chaque fois un arbitrage. Sa terminologie rappelle en n'en point douter une
conception très proche des programmes d'Ajustement structurel ou de
Programme dits des Pays Pauvres très endettés.
Dans la théorie de la justice comme
équité, John Ralwsnous gratifie d'une construction
philosophique sur des questions de jugement politique sur la fonction
distributive du marché ou des prix. Il en présente la
possibilité de réalisation et les possibilités
d'ajustement en cas de problèmes ou d'inégalité indue sur
la question de la redistribution. Ce n'est pas un projet africain, il est
pourtant le point d'orgue de pensée de Ngoma Binda, il
réfléchit sur la pauvreté socio-économique et non
sur la paupérisation anthropologique : la réconciliation
entre la liberté et la solidarité.
Ngoma Binda est le meilleur représentant de John Ralws
au Congo.Pourtant, la reprise de la question de la crise de la
modernité est le point de départ véritable des
conséquences actuelles sur l'Afrique. Cette modernité qui est
africaine comme le pense C.A.Diop. Il y a une distribution des
tâches entre une décision collective et le marché.
Ici, émerge, de divergences entre une théorie cohérente et
tentaculaire, et une théorie plutôt de plâtrage inscrit dans
un projet occidental de la crise modernité et non d'un projet africain
qui prend source dans l'Antiquité classique africaine et Egypte antique.
Dans le chapitre consacré à la distribution, de
prime abord il prend des précautions
d'usage : « nous ne nous occupons que de certains
problèmes moraux de l'économie politique. Par exemple, je
demanderai quel est, à long terme, le taux d'épargne
adéquat, comment organiser l'impôt et la propriété,
à quel niveau fixer le minimum social ? En posant ces questions, je
ne cherche pas à expliquer ce que dit la théorie
économique de fonctionnement de ces institutions, encore moins à
y ajouter quoi que ce soit »436(*). Il s'agit de « tester les conceptions
morales ».437(*) L'Europe a été longtemps amorale.
On peut donc voir, dit-il, le rôle du
marché pour décider de taux d'épargne et de l'orientation
de l'investissement. Tous les régimes utilisent le marché pour
repartir la consommation des biens. Dans le même sens, les
prix résultant de la concurrence dans les conditions normales soient
justes et équitables. Cependant dans le cas des biens publics, cela
échoue complément.
En effet, notre critique est que les Biens publics sont des
conditions sine qua none de toute prospérité nationale sur les
quels doit discuter la société civile. Ce sont ces Biens publics
qui régulent véritablement l'économie de l'Etat. Parce
que les marchés sont capables aussi bien de soutenir que de
détruire le plein emploi, la sécurité de l'environnement,
la santé publique, les services sociaux, l'enseignement, la
diversité culturelle et la véritable concurrence.
En effet, nous pouvons même dire que les Biens publics
et la démocratie sont indispensables aux marchés (aux
sociétés transnationales). Ainsi, « des biens aussi
différents et manifestement publics que l'enseignement, la culture, le
plein emploi, le bien-être social et la survie écologique (ne)
devraient (pas) être livrés au secteur commercial aux fins
d'arbitrage et de décision. »438(*)
Point n'est besoin de nous étendre plus longuement,
nous nous en tenons à ce seul argument, qui, du reste est la pierre
angulaire de cette dissertation. Les ajustements tels que les préconise
John Ralws dans un environnement néolibéral restent toujours
problématiques.
A. Sens et tâche d'une
reconstruction socio-éthique en Afrique
Nous voulons mettre en exergue la dimension de
l'éthique politique qui est impliquée dans ces discussions
à l'instar de « la sociologie (qui) s'est sentie, affirme
Michel Wieviorka, souvent proche de politiques de centre-gauche, (et) du
solidarisme ».439(*) Ce qui nous a préoccupé dès
notre introduction était justement le changement profond et
perpétuel de la « réalité sociale »
dans le monde au plan théorique et au plan pratique : aujourd'hui
en Europe on parle de changement de la nature du travail, de la crise des
institutions publiques, de la vie familiale moderne, des tendances
démographiques qui engendrent la frénésie dans la
politique d'immigration en Europe, la place de la femme dans la
société, la mobilité sociale, des inégalités
persistantes, le changement des valeurs, les sociétés deviennent
multiculturelles, etc.
La réalité de la société africaine
est plus que pire encore : la pauvreté socio-économique,
paupérisation anthropologique (le rafle de notre histoire
millénaire , de notre culture, de notre art, de notre mémoire
collective, de nos traditions en tant qu'Âme africaine), dans le domaine
de la nature du travail aujourd'hui c'est l'informel qui domine et
l'économie ménagère ou clanique ; dans la vie
familiale, c'est l'institutionnalisation des enfants de la rue ; la place
des femmes, toujours plus inégalitaires, etc. ; le tout
couronné par la violence sociale et politique larvée interne et
externe comme force de recomposition.
Pour pouvoir répondre à cette évolution
des réalités sociales, par des politiques efficaces, il faut
logiquement d'abord avoir une compréhension théorique
approfondie. C'est ce que nous avons tenté de faire.
L'autocritique de l'Ordre et de
projet kheperien
L'ordre qui a émergé du concept de kheper
n'est-il pas critiquable ? Certes si ne fût-ce qu'au niveau
pratique de la réalisation, une chose est d'être une rampe de
lancement théorique, une autre chose est de réaliser le potentiel
inhérent.
La nécessité de conciliation des horizons nous
semble bien résumée dans un des épilogues de Marc
Maesschalck , cela face à « des attitudes
défensives du passé » et des attentes inhérentes
de ceux qui ont été désabusés qui, par ailleurs se
trouvent engagés dans « un processus de construction sociale
de la normativité des normes ».440(*) Ceci n'est possible qu'en
sachant qu'aucun ordre n'a un rôle figé, chacun accompagne la
totalité du processus.
Il faut donc dans une approche expérimentaliste
pragmatique « développer la connaissance de ces
attentes ». Ce processus vise le déplacement des blocages
d'auto-transformation qui doit passer par la production symbolique d'une
identité d'action ouverte à sa mobilité intrinsèque
(i.e. à l'acceptation de sa constante réévaluation
interne, au plan de l'institution).441(*) Ce processus stigmatise bien entendu la
« reconnaissance intergroupe (réciprocité), si bien
qu'il faut, préalablement à toute réflexion critique sur
les conditions de l'intervention sociale, revoir les exigences d'alliance et
d'auto-transformation qui déterminent les attentes normatives des
groupes d'acteurs concernés ».442(*)
Notre hypothèse qui consiste en la reconstruction
sociale au moyen de l'icône et du concept de Kheper qui contient
la revendication de la légitimité d'un Ordre, qui
n'épuise pas par ailleurs tous les ordres au plan surtout de la pratique
et de la réalisation, mais met en exergue un conflit qui appelle un
arbitrage par l'éthique politique. Reconnaitre chaque étape de
l'ordre de la pratique, de l'ordre épistémologique et du
nécessaire ordre génétique intrinsèque nous parait
bien justifié. « C'est processuelllement, dans le mouvement
pragmatique de l'expérimentation, qu'une transformation des cadres
d'action peut avoir lieu ; non en fonction d'un
« méta-cadre » fixé par la raison
idéale des intervenants, mais en fonction d'un prototype de cadre
variable, proposé pour favoriser à la fois sa propre
transformation et la transformation de tous les cadres ».443(*) Cela débouche sur
« la possibilité d'une nouvelle histoire
commune ».444(*) Ainsi nous pouvons dire, du point de vue des
approches, à titre d'exemple que Sédar Senghor « avait
rejeté d'importants aspects de marxisme, mais il partageait avec Marx la
croyance en des similarités dans l'évolution sociale de tous les
peuples ».445(*)
Ce qui est dangereux c'est « la tentation (...) qui
consiste à envisager toutes les questions en fonction de notre
expérience, de notre passé et de nos préférences.
Elle implique un jugement de valeur, qui nous est évidemment favorable,
et relève de cette « tradition d'ethnocentrisme des
Occidentaux » que les anthropologues (R. Linton) se sont
attachés à dénoncer ».446(*)
Qu'il nous soit donc permis de plancher ici sur la conception
de la question de l'éthique politique telle que nous en faisons la
lecture chez Marc Maesschalck et de corroborer ses vues quant à des
situations de désajustement institutionnels comme celles que vit
l'Afrique aujourd'hui.
Du point de vue de son objectif, l'éthique politique
« met en question la figure du réel qui construit un domaine
d'activité, elle interroge ses conditions de production, son insertion
dans l'ordre économique mondial, son rapport au pouvoir et son approche
des cultures ».447(*) Ainsi ,« l'enjeu (est) de changer les
critères sémantico -culturels pour stabiliser
l'indécidabilité des références axiologiques en
partant des exigences posées par une interaction intramondaine
intégrant les différences (sans les
supprimer) ».448(*)
Quel en est en le danger ? Marc Maesschalck pense que
« l'extrapolation d'un modèle d'activité peut devenir
totalitaire avec ses horizons sémantiques et lorsqu'il entend traiter le
sens de théories morales, politiques et religieuses sur le même
pied d'égalité que les hypothèses scientifiques dont la
valeur ad hoc selon Feyerabend, est la meilleure garantie de leur
fécondité ».449(*) En ce qui concerne la nature même de
l'éthique contemporaine, elle « est éminemment
politique, puisqu'elle vise à établir un consensus (acceptable
pour tous) sur des règles de vie en commun ».450(*)Ceci peut se faire sur base
de « la mission historique de savant ».451(*) Le problème, c'est
que « l'énoncé scientifique est toujours la
réduction d'un monde à la cohérence de l'opérable
et une visée d'adéquation à la forme des objets de ce
monde (construction), c'est-à-dire à leur
opérabilité ».452(*) Tout cela part d'un constat
unanime : « le fait scientifique est entièrement
construit et la référence à une réalité
préexistante n'a d'autre vertu que rhétorique pour renforcer la
position du savant ».453(*) Il s'agit plus que de« surmonter l'effet
de construction des sciences en annulant les conflits de frontière par
un principe d'incommensurabilité ».454(*)
Nous présentons ce point de vue de l'éthique
politique parce qu'« il s'agit de créer les conditions
concrètes d'un espace collectif de vigilance où puissent
s'élaborer de nouvelles normes de vie en commun »455(*)et
d'« établir les conditions performatives d'une action
orientée vers la construction d'un monde commun ».456(*)
Maesschalck résume les tâches à accomplir
en trois régimes théoriques qui dépendent des conditions
internes des cultures : Lorsque la condition interne de pertinence des
pratiques est la cohérence de la culture de base ;lorsque la
condition interne d'un débat sur la cohérence des
interprétations, est l'insertion des pratiques dans leur tradition
culturelle (fond d'apparence,
l` « inconditionnel ») ;lorsque la condition
interne des pratiques discursives de légitimation sont les pratiques
concrètes de contrôle social ou la condition interne d'un discours
sur l'origine du pouvoir comme vie sociale sont les pratiques de
résistance. 457(*)
Jürgen Habermas nous gratifie d'une formule romantique de
Schelling qui désigne la Raison comme étant « une
folie soumise à des règles (qui) prend un sens
particulièrement actuel et angoissant à une époque
où la technique étend sa domination à une pratique qui
n'est séparée de la théorie que par
elle. »458(*)
C'est ici que gît le défi. Pierre Bourdieu tente de
répondre à cette question d'auto -transformation du champ
scientifique en recourant à l'habitus scientifique comme théorie
réflexive du regard théorique des théoriciens mis dans la
situation de s'ajuster rationnellement à l'état
général d'un champ des forces .459(*) L'habitus scientifique pourrait permettre une prise
de conscience des savants.
Ainsi, « une fois satisfaits l'ensemble des
critères de recevabilité des propositions scientifiques, le
consensus de la communauté scientifique (sera) le garant de
l'acceptabilité effective d'une proposition. »460(*) Cela peut conduire à
la dimension politique de la science, « la communication scientifique
éclairée -dont le processus serait institutionnalisé dans
la sphère publique de la politique - mettrait en branle des mesures
sociales techniques qui supprimeraient toutes les formes substantielles de
domination- et, au nom de leur émancipation, maintiendraient durablement
présente dans la réflexion des citoyens cette suppression
elle-même ».461(*)
Pour Habermas, « le rationalisme, dans les limites
positivistes...requiert d'abord seulement qu'un nombre aussi grand que possible
d'individus adoptent une attitude rationaliste. Cette attitude, qu'elle
concerne leur comportement dans les démarches de la recherche ou dans la
pratique sociale, prend pour guide les règles d'une méthodologie
scientifique. Elle accepte les normes habituelles de la discussion
scientifique, elle est au fait en particulier, du dualisme des faits et des
décisions et elle connaît les limites de validité de la
connaissance intersubjective. C'est pourquoi elle se dresse contre le
dogmatisme tel que le comprennent les positivistes et s'oblige, lorsqu'elle
juge des systèmes de valeurs et manière générale
des normes sociales, à respecter des principes qui fixent les rapports
de la théorie et de la pratique. »462(*) Habermas
ajoute : « l'extrapolation sociopolitique d'une
méthodologie fait cependant apparaître plus que le
côté seulement formel de la réalisation rationnelle du
sens ; on y trouve déjà un sens déterminé et
la visée d'un ordre social spécifique : l'ordre
libéral de la « société
ouverte » ».463(*)
Marc Maesschalck souligne d'ailleurs le fait de savoir comment
les enjeux d'une construction éthique et d'une construction sociale tels
qu'ils se croisent : « les enjeux de société
croisent donc l'éthique dans la mesure où ils s'expriment
à travers les constructions normatives qui ont pour fonction de
coordonner l'activité du sujet ».464(*)
Il y a certes une différence entre un vouloir louable
de construire une « éthique » prospective de ce
genre et les faits institutionnels ou les faits sociaux au sens strict tel que
nous allons tenter de le démontrer. Du reste, les finalités se
croisent forcément : « conscient enfin d'une image de
l'humanité qui se joue en toute pratique sociale, l'éthique
rejoint le vouloir -être des humains, c'est-à-dire le moment
d'élaboration des formes éthico- politiques qui tentent
d'exprimer, sur le mode de la finalité, l'intérêt du plus
grand nombre, l'intérêt
général ».465(*)
En tout état de cause, tout le monde ne soutient pas
cette thèse. On peut dire qu'il existe des thèses contraires
à l'exigence de normes de rationalité dans la mesure où
« la réduction de la normativité scientifique à
son insertion stratégique dans un réseau social de
négociation et de contrôle est une opération
superflue pour la réalisation de son programme, voire
même une opération contradictoire dans la mesure où elle
ferme l'accès à une réintépretation des contenus
normatifs dans l'ordre stratégique ».466(*)
Les normes de la rationalité sont donc les normes
socialement institutionnalisées de la rationalité, et il n'y a
pas d'au-delà .La rationalité se confond avec la
définition positive de la rationalité dans une
société donnée. 467(*) Cette thèse nous conduit tout droit au
relativisme autoréfutatoire. Qui va les imposer ?
« L'énoncé de cette thèse a une portée
universelle. Mais si elle est universelle, elle s'applique à elle
-même : sa validité est donc conditionnée par les
normes d'une société particulière. Elle
s'autodétruit du même coup comme énoncé
universel ».468(*) Le dépassement de cette thèse
dépend de l'idéalité entre acceptation et
acceptabilité. Ces normes sont des conventions
institutionnalisées au sein d'une communauté linguistique. Ces
normes définissent les critères de la signification, et notamment
de la signification du prédicat « ...être
rationnel ».
Au demeurent, il nous semble, d'un point de vue
méthodologique nous dirons que le Professeur Marc Maesschalck s'investit
globalement, dans son livre intitulé, Normes et contextes dans
une approche complexe : sémantico -logique, pragmatique et
cognitive à l'analyse de la sphère éthique qui est une
réalité normative, mais bien spécifique et distincte de la
sphère strictement sociale telle que nous l'envisageons. Ces
sphères partagent en commun le fait qu'elles relèvent d'une
réalité normativement construite d'un autre type, et se
distinguent d'une réalité extérieure ou alors strictement
intentionnelle.
Le cadre théorique logico- sémantique,
pragmatique et intentionnel nous permet de cerner un champ fort large. Le
Professeur Marc Maesschalck, par exemple nous dit à ce propos ce qui
suit : « Plutôt que d'en rester à la
frontière d'une anthropologie sémantique et pragmatique qui tente
de se limiter à un principe de non-contradiction performative, (...) a
préféré orienter sa recherche vers un modèle
logiquement prometteur. Il s'agit de l'indécidabilité pragmatique
des formes de vie et des références sémantiques qui permet
de se démarquer radicalement de toute herméneutique du sens
commun et de donner un statut épistémologique au rapport
post-conventionnel à la norme proposé par
Habermas »469(*).
Les normes deviennent une exigence de l'ambivalence
même de la science : « en tant que force productive, la
science apporte autant de bienfaits lorsqu'elle débouche sur une science
conçue comme force émancipatrice qu'elle engendre de malheurs
dès qu'elle prétend soumettre sous son contrôle exclusif le
domaine de la pratique, dont on ne saurait disposer par des moyens
techniques ».470(*) Et : « Seule une Raison, dit
Habermas, qui considère comme faisant partie intégrante d'elle
-même cet intérêt aux progrès de la réflexion
vers l'émancipation, qu'on trouve irréductiblement à
l'oeuvre dans toute discussion rationnelle, pourra acquérir la force qui
lui fera transcender la conscience de son enrichissement dans le
matériel. Elle seule pourra réfléchir sur la domination
positiviste de l'intérêt de connaissance technique en comprenant
ses liens avec une société industrielle qui intègre la
science à ses forces productives et se met ainsi totalement à
l'abri de la connaissance critique. Elle seule pourra se passer de sacrifier la
rationalité dialectique du langage auquel elle est parvenue, aux
critères profondément irraisonnés d'une rationalité
technologique bornée. Elle seule pourra vraiment aborder les contraintes
structurales de l'histoire -contraintes qui demeurent dialectiques tant
qu'elles ne sont pas devenues libre dialogue entre les hommes
émancipés ».471(*)
Ainsi, soutient Maesschalck, « élaborer des
principes d'action, penser les conditions d'orientation de l'action, ce n'est
pas encore élaborer une pensée de l'action ,c'est-à-dire
un discours naissant de l'effectuation elle-même ,un discours inscrit
dans l'événement de
l'effectuation ».472(*) Ainsi, « on rejoint (...) une
nouvelle base, la dimension politique de la normativité des normes. Les
communautariens ont aussi insisté, face au proceduralisme, sur le
rôle pratique d'une culture politique de la
normativité ».473(*) C'est entre autre de ce genre des normes que nous
voulons parler.
Marc Maesschalck en
discussion avec les éthiques procédurales telle que celle de
Habermas met en exergue la dimension politique de l'éthique. Ceci est
consécutif par exemple à « la révolution
technologique de l'information (qui) rend possible aujourd'hui de nouveaux
modes d'organisation de la production, du contrôle des citoyens et
d'intégration de l'économie et du pouvoir au plan mondial. Une
telle puissance de hiérarchie sociale ne peut simplement être
considérée sectoriellement par
l'éthique ».474(*)
La question c'est que selon Marc Maesschalck nous sommes
à « la fin de l'ordre conventionnel (qui) se marque par
la multiplicité des conflits de frontières entre les
régimes de justification ».475(*) C'est l'aboutissement naturel de la
modernisation sociale caractérisée par le polythéisme des
valeurs et la différenciation du monde vécu.
C'est aussi dans la voie du naturalisme que
doivent se définir des nouveaux programmes de recherche pour faire face
aux enjeux actuels du déficit de système de suffrage universel,
ou de représentation politique qui tend à être
dépassé par la complexité de notre société
et l'exigence d'une expertise de plus en plus exigeante pour la gestion
publique.
Marc Maesschalck présente le contexte favorable dans
lequel un tel débat peut se poursuivre : la recherche
développée par l'unité de théorie des normes du
programme sur la gouvernance réflexive (REFGOV) bénéficie
d'un autre environnement épistémologique dans la mesure où
son débat avec le tournant néo- pragmatiste aux Etats-Unis la
situe dans un contexte résolument post-déconstructiviste , au
moment où le débat déconstructiviste rejaillit sur le
vieux continent face à l'emprise des théories naturalistes de
l'action. « Face à cette ultime résurgence du
naturalisme, la phénoménologie permet de dépasser l'aporie
ainsi posée entre le scepticisme critique et l'optimisme
herméneutique. (...) C'est de cette relation générative
que peut naitre un discours normatif. Il est donc évidemment trop
tôt pour en décider lorsque la limite de la déconstruction
n'est pas encore identifiée, mais également trop tard pour
décider quand il ne s'agit plus que de réinterpréter ce
qui s'est déjà présenté comme une nouveauté
ou une rupture ».476(*)
Il ajoute : « La force du point de vue
phénoménologique quand il emprunte les voies de la
déconstruction est qu'il demeure articulé à une
méthode génétique et régressive qui permet de
transformer le point aporétique de la déconstruction en un
nouveau point de départ ». Le schéma de recherche
imposé par ce contexte est quasiment inverse à celui suivi dans
le cadre de l'ANR. C'est en effet le front des
« capabilities » qui prédomine ici et les processus
empiriques d'innovation dans la résolution des problèmes. A ce
arrière-plan de capacités s'applique un constructivisme pour
lequel la fonction de la production normative est d'opérer au plan des
designs institutionnels comme un réducteur d'incertitude face à
limite des calculs rationnels ».477(*)
En définitive, les recherches futures pourraient
à juste titre se focaliser sur « les formes primordiales que
doivent prendre des actes collectifs susceptibles de produire des formes de vie
en commun et satisfaisantes, (ou les) les attitudes fondamentales ou
archétypiques à travers lesquelles des groupes d'acteurs, voire
des sociétés, s'engagent au nom d'un bien être ensemble et
tentent ainsi de se reconnaître comme humanité ».478(*) Cependant Marc Measschalck
recommande en plus, pour cela ,la nécessité de la pratique
d'enquête sur le terrain.
Nous nous sommes sans doute trouvés à coup
sûr dans un « cadre de convergence ouvert » en tant
qu'il combine une multiplicité de portes d'entrée avec les
différentes dimensions d'une exigence de radicalisation du
questionnement philosophique.479(*)
B. Le
maintien des inégalités
Sommes-nous inégaux ? Cette question s'impose en
nous d'un point de vue moral pour donner à cette réflexion un
relief de l'exaltation des valeurs à la base d'une vie en commun. Jean
Jacques Rousseau, dans l'origine des inégalité parmi des
hommes, affirme qu'il conçoit « dans l'espèce
humaine, deux sortes d'inégalités : l'une ,que j'appelle
naturelle ou physique ,parce qu'elle est établie par la nature, et qui
consiste dans la différence des âges, de la santé, des
forces du corps et des qualités de l'esprit ou de
l'âme ;l'autre, qu'on peut appeler inégalité morale ou
politique ,parce qu'elle dépend d'une sorte de convention ,et qu'elle
est établie ou du moins autorisée par le consentement des hommes.
Celle-ci donne les différents privilèges dont quelques uns
jouissent au préjudice des autres, comme l'être plus riche, plus
honoré, plus puissant qu'eux, ou même de s'en faire
obéir ».480(*)
L' « égalité et la
hiérarchie » sont des problèmes permanents de la
philosophie. En effet, la priorité donnée à la notion de
l'égalité dans les sociétés modernes
n'empêche nullement celles-ci d'être traversées par les
inégalités de richesse, de pouvoir, d'influence, etc.481(*)
Pour la tendance naturaliste, l'égalité, la
liberté et la propriété sont déduites des
conditions de la Création. Tout ce qui appartient en propre à un
individu, ne peut lui être enlevé sans son consentement. Dieu a
donné à tous les hommes la possession et la jouissance commune.
482(*)
Du point de vue de la compréhension profonde de
l'histoire de la pensée moderne, il y a trois tendances à travers
cette analyse : proche de la nature, celle qui est près de
l'histoire ou une synthèse de deux. Il se remarque au Temps moderne
européen, nettement le refus de la référence à la
Nature au profit de calculs stratégiques de l'homo oeconomicus, une
interminable expropriation du sujet.
« La pensée contemporaine tient volontiers
pour évident que l'homme est un « être
historique » et que cela restait méconnu de la philosophie
antique. De Descartes et Hobbes aux lumières, la première
modernité a tendu, au contraire, à se réclamer de la
« Nature » et à réaffirmer contre
l'autorité de l'histoire, les droits de la
« Raison ». En effet, « pour s'en tenir
à la philosophie politique, les grandes oeuvres des « Droits
naturels modernes » se présentent comme une enquête sur
la « Nature ». Du Léviathan à Hobbes, de
Rousseau, « la genèse de l'Etat continue d'apparaître
comme un processus rationnel, fondé sur la nature humaine, et non comme
instrument pour penser l'historicité ».483(*) La genèse ne doit
rien à l'histoire. Ces présupposés éclairent donc
la pensée des uns et des autres.
L'histoire semble parfois remplacer la nature comme
problème central de la philosophe. Les lois « découlent
de la nature des choses ». « On peut considérer que
la place centrale que l'histoire a fini par occuper dans la philosophie moderne
tient à la manière dont se pose dans celle-ci le problème
ontologique des relations entre la « Nature » et la
« liberté »484(*). Il faut d'abord, comprendre comment
l'action « libre » de chaque individu (qui suit sa
nature propre ou qui au contraire, obéit à son « libre
arbitre ») est conciliable avec la cohérence de
l'ensemble : c'est le problème de la
« théodicée » qui, de Leibniz à Hegel,
va conduire de faire de l' « histoire » le
véhicule de la « Raison » dont la ruse consiste
à réaliser ses fins universelles à travers le jeu
apparemment irrationnel des intérêts et des passions.
« Il faut comprendre comment l'existence d'un être libre (dont
l'action par définition irréductible à tout
déterminisme naturel ) est possible dans l'histoire ;la
« perfectibilité » dans la quelle Rousseau voyait le
propre de l `homme va ainsi apparaître comme l'indice de la destination
morale de l'Humanité(Kant ,Idée d'une histoire d'un point de
vue cosmopolitique) et c'est à partir delà que l'on pourra
comprendre ce qu'a voulu la Nature,qui ne fait rien en vain en nous donnant la
Raison,qui ne fait pas notre bonheur(Fondement de la métaphysique
des moeurs,1ère section) ».485(*)
L' « être se déploie (et se voile)
dans une histoire dont les époques sont radicalement
hétérogènes parce qu'irréductible au principe de
raison suffisante : on peut donc voir dans la pensée de l'Etre la
négation de l'unité de la Nature au nom de la
« différence » ;mais l'être ne peut
mieux se comprendre qu'en méditant le sens originel de la Physis dont se
fait encore l'écho la Physique d'Aristote,qui est
« en retrait ,et pour cette raison jamais suffisamment
traversée par la pensée,le livre de fond de la philosophie
occidentale ».486(*)
A l'illusion platonicienne de la
« vérité »absolue, Nietzsche oppose
un « perspectivisme » qui n'est pas cependant un
simple relativisme ; ce qui nous ramène au
« problème de la hiérarchie ». Le
perspectivisme n'est pas égalitaire, parce que toutes les perspectives
ne se valent pas, et c'est précisément cela qui permet à
Nietzsche de dépasser l'antinomie de l'apparence et de la
réalité, sans pour autant « admettre qu'il y ait une
opposition radicale entre le vrai et le faux. » Si Nietzsche
critique la fondation platonicienne de la vérité, c'est,
pourrait-on dire, parce que chez lui la hiérarchie prend la place de la
vérité.487(*) Il est illusoire de fonder
l'inégalité, comme le faisait Platon, sur l'inégale
capacité des hommes à parvenir à la
vérité ; il faut, au contraire, partir du fait de
l'inégalité pour dépasser l'opposition entre
vérité et apparence488(*).
La singularité de Nietzsche vient du fait qu'il se
démarque de deux tendances : «
L'émancipation à l'égard de la tradition ne peut venir que
d'une folie créatrice- et non de la raison critique (Aurore,
§6 ; cf., chez Max Weber, l'analyse des relations entre la tradition
et le « charisme »).489(*) Seul celui qui est apte à la domination est
vraiment digne d'être libre. « Le problème de la
hiérarchie » est celui-là même
des « esprits libres ».490(*) Dériver les formes
politiques du rapport entre les puissances, au lieu de réduire le
gouvernement au rang d' « organe du peuple. » La
dévalorisation de la vie domine l'histoire de l'Occident dont le
Christianisme a été le principal relais culturel.491(*) Au lieu de la culture qui
crée au terme d'un dur processus de « dressage et
sélection », la loi est valorisée comme instrument
d'éducation.
La « justice » qui veut la
hiérarchie, doit aussi établir un équilibre entre les
forces opposées et le plaidoyer de Nietzsche pour les
« Maîtres » qui a surtout valeur de
réparation, dans un monde dominé par les valeurs
égalitaires.492(*)
A une société fondée sur l'agir
stratégique d'échanges matériels nous opposons l'a priori
d'un l'agir communicationnel. Bien que restant dans une perspective de
l'historicité, ici nous opposons l'égalité des partenaires
dialogaux qui, au moyen de l'interchangeabilité des rôles sociaux,
s'éloigne de la hiérarchie. Tout cela à partir des
présupposées de la structure du dialogue. En plus, Habermas
développe en morale une position constructiviste : « le
monde moral que, en tant que personnes morales nous avons à faire
advenir, possède une signification constructive. C'est la raison pour
laquelle la projection d'un monde social inclusif, constitué par les
relations interpersonnelles bien ordonnées intervenant entre les
membres, libres et égaux, d'une association s'auto-déterminant -
traduction du Royaume des fins de Kant-, peut servir comme substitut à
la référence ontologique à un monde
objectif »493(*). Cette conception de la réalité inclut
essentiellement la notion d'une communauté sans limites bien
définies. Peirce explicite la vérité dans le sens d'une
acceptabilité rationnelle, c'est-à-dire de la réalisation
d'une prétention à la validité critiquable dans les
conditions de communication d'un auditoire idéalement élargi dans
l'espace social et dans le temps historique, et composé
d'interprètes capables de jugement. 494(*)
Contre Nietzsche, Habermas écrit : « Le
problème n'est pas de devenir plus fort que l'autre, mais de se laisser
emporter tous deux par la force de la vérité en présence.
Le dialogue suppose dans une visée commune, un horizon commun
d'interrogation ».495(*)
CHAPITRE DIXIÈME :
LA VIOLENCE SYMBOLIQUE : LA RÉVISITATION DE
LA THÉORIE PRÉLOGIQUE DES PRIMITIFS
« La violence symbolique est cette coercition qui
ne s'institue que par l'intermédiaire de l'adhésion que le
dominé ne peut manquer d'accorder au dominant (donc à la
domination) lorsqu'il ne dispose, pour le penser et pour se penser, ou, mieux,
pour penser sa relation avec lui, que d'instruments de connaissance, qu'il a
avec lui et qui, étant la forme incorporée de la structure de la
relation de domination. »496(*) En plus « il y a violence symbolique
dès que l'on « met des formes » pour enfouir la
violence ouverte, dès qu'une censure autorise l'action
déformée de la force, » (forme) douce et larvée
que prend la violence lorsque la violence ouverte est impossible. (...) Elle
est cette violence qui s'exerce sans se faire sentir et qui exige le
consentement de celui qui en est la victime ».497(*) Le consentement de la
cohorte des intellectuels africains actuels s'y prêtent encore pour
longtemps, si on ne tient garde.
Il s'agit de partir de la comparaison des cadres de
référence, des logiques et des catégories des
différentes expressions de la réalité. Le passage de la
logique théorique à la logique pratique illustre bien la chose.
Le nom est soit un simple concept logique soit la personne même
qui porte ce nom, référence à l'exotérisme
d'Une Bible noire par exemple. Dans la pensée religieuse, le
nom du Sauveur renvoie au Sauveur réel spirituel, la malédiction
proclamée au nom d'une personne attitrée atteint la personne
indiquée, etc. Une identité ou une analogie pratique ; de
l'évocation du nom d'une personne, nous atteignons la personne. Ce
contexte se situe dans le sillage de la pensée symbolique du type
totémique, astronomique, mythique, religieuse ou artistique.
Ainsi le procès de l'histoire de l'esprit humain chez
Ernest Cassirer va de la représentation(le totem fétiche)
à l'analogie symbolique (oeuf, colombe, chèvre et sacrifices
humaine) en passant par l'analogie pure(les images). De ce processus
Jürgen Habermas se réfère à Jean Piaget pour dire que
c'est en occident qu'est apparu la conscience moderne, la pensée
formelle. C'est qui est évidemment faux.
Lucien Lévi Bruhl examine la mentalité et la
qualifie d'anormale et de mystique, débouche ainsi sur la thèse
de la « pensée sauve » des Noirs, des Indiens et des
aborigènes. De ce point de point il débouche justement sur une
violence que nous qualifierons sans réquisitoire de
« symbolique » envers les autres.
A propos, à la suite des explorations anthropologiques
du Baron Von den Stein dans les années 1890, il rapporte un
énoncé resté célèbre de la bouche des
indigènes : « Les Bororo sont des
Araras »...en affirmant une identité essentielle entre les
individus de la tribu des Bororo et les perroquets rouges qui leur servent de
totem, (ceci) défie le principe de non-contradiction (d'une logique
théorique), selon lequel on ne peut pas dire « A est
non-A ».498(*)
Les perroquets rouges renvoient pour les indigènes à l'analogie
spatiale des clans de leur manière et de leur vision du monde d'occuper
le terrain et de s'organiser socialement. La loi agraire en Afrique a les
mêmes fondements.
Effet, du point de vue de la logique théorique,
« rien dans le concept de Bororo n'indique qu'ils puissent recevoir
le prédicat « Arara ». (... ) Les Bororo donnent
froidement à entendre qu'ils sont actuellement des Araras, exactement
comme si une chenille disait qu'elle est papillon. Ce n'est pas un nom
qu'ils donnent, ce n'est pas une parenté qu'ils proclament. Ce qu'ils
veulent faire entendre, c'est une identité essentielle ».499(*)
L'oeuvre comme celle de Pierre Bourdieu s'est
s'attaquée notamment à la théorie prélogique du
« primitif »des
aborigènes : « Lévy- Bruhl, (...) philosophe,
avance dans La Mentalité primitive (1922) et L'Âme
primitive (1927), que la mentalité primitive est prélogique
et mystique parce qu'elle ignore les principes d'identité et de
non-contradiction sur lesquels se fonde la pensée
moderne ».500(*) La réponse de Pierre Bourdieu ,est ,dans les
propres termes de Gaston Bachelard, que « le monde où l'on
pense n'est pas celui où l'on vit »,(la logique
théorique n'est pas la logique pratique) ; l'ethnologue
enfermé dans son ethnocentrisme scolastique peut percevoir une
différence entre deux « mentalités » ,deux
natures , deux essences, comme Lévy -Bruhl - et d'autres, plus
discrètement ,là où il a affaire en réalité
à une différente entre deux modes (deux registres) , socialement
construits, de construction et de compréhension du monde.
Pour Pierre Bourdieu, Lévi- Bruhl « ne sait
pas reconnaître le mode de connaissance pratique (souvent magique,
syncrétique, en un mot prélogique) qui est aussi le sien dans les
actes ordinaires de la vie ».501(*) Il annule « la
spécificité de la logique pratique, soit en l'assimilant à
la logique scolastique, mais de manière fictive et purement
théorique (c'est-à-dire sur le papier et sans conséquences
pratiques), soit en la renvoyant à l'altérité radicale,
à la non-existence et à la non-valeur du
« barbare » ou du
« vulgaire » ».502(*)
C'est ce principe que Lévy-Brulh appelle
participation : « Les Bororo sont des
Araras »signifie que le concept de Bororo
« participe » du concept d'Arara, c'est-à-dire qu'un
Bororo peut être à la fois tout ce qu'implique le concept de
Bororo (homme, mortel, doté d'un coeur et de reins...) et tout ce
qu'implique le concept d'Arara (rouge, volant, fier...) ; autrement dit,
la logique de la participation tolère que A puisse être
non-A ».503(*)
Finalement, il y a deux positions en
présence : « la première consiste à
étudier les conditions de possibilité d'une telle logique
contradictoire, et d'en déduire a priori si une telle logique est
possible ou non. C'est la démarche proprement philosophique ou logique,
telle qu'elle a été adoptée par la philosophie analytique,
en partant du problème posé par Lévy-Brulh. La
deuxième solution consiste à poser que cette logique
contradictoire est possible de fait qu'elle a été
constatée empiriquement, et à chercher les conditions de
possibilité de cette logique non a priori mais a
posteriori, par enquête sur les pratiques humaines où ce type
de logique prend sens. C'est la démarche proprement anthropologique
».504(*)
L'anthropologue prend le risque de devenir un locuteur participant, alors que
le philosophe reste observateur.
W .V.O. Quine a repris l'exemple de
Lévy-Bruhl qui s'interroge sur la signification de cet
énoncé.505(*) La question que pose alors Quine est celle-ci :
Pouvons -nous désigner une chose ou un état mental (un symbole)
tel que « Bororo » et « Arara » qui
seraient identiques pour les indigènes et pour l'anthropologue ? La
réponse de Quine (...) est négative (si l'anthropologue
reste observateur) : nous ne connaissons pas la signification d'un mot ou d'un
énoncé indépendamment de l'ensemble des
énoncés qui font sens dans un contexte donné, ce que Quine
appelle aussi « schème conceptuel » ou cadre de
référence permettant de connaître la réalité.
C'est le fondement de la thèse de (...) l'« holisme
conceptuel ».506(*) La structure de la langue, la structure artistique,
la structure mythique et astrologique ou astronomique, la pensée
totémique, la structure de la pensée religieuse d'un peuple se
tiennent jusqu'à la science. Cela justifie les prouesses juives dans le
domaine de la science, ils réfléchissent à partir d'un
seul schème conceptuel, de la sociologie à la physique atomique,
ils partent de leur culture.
Von den Stein a étudié (...) toutes les
pratiques rituelles dans les quelles l'énoncé « les
Bororo sont des Arara » prend sens ».507(*) L'anthropologue ne peut
traduire la langue des indigènes qu'en projetant sur elle sa propre
logique, faute de quoi il ne pourrait même pas traduire. La thèse
d'une « mentalité prélogique » qui donne sens
à l'énoncé « Les Bororos sont des
Araras »est donc fausse : elle est le produit d'une mauvaise
traduction, qui ruine toute possibilité de
traduction ».508(*)
Comme on peut le remarquer, ce débat oppose les
philosophes-logiciens aux anthropologues. Lévy-Bruhl suppose une
différence fondamentale entre pensée moderne et pensée
primitive ou, plus exactement entre les représentations collectives de
la pensée moderne et les représentations de la pensée
primitive. Il se trouve aux antipodes avec Ernest Cassirer, Quine et Donald
Davidson.
Lévy-Bruhl s'intéresse à ce qui lie les
représentations et les catégories. Il mène une
étude de la variation non plus des catégories ou des concepts
mais des formes d'argumentation par rapport à la variation des formes
sociales d'organisation et de la contrainte qu'exercent les secondes sur les
premières. La pensée totémique est sociologique, tout est
lié. L'organisation juridique agraire dépend de la pensée
totémique et mythique.
Lévy -Brulh sera abondamment évoqué
également dans la philosophie analytique à l'occasion du
débat sur la rationalité et le relativisme qui a opposé
les philosophes et anthropologues dans ces années 1970. Deux points de
vue sont mis en exergue : le premier discute « l'ouvrage de
l'anthropologue P.Winch, The Idea of Social Science, qui défend
dans l'inspiration de l'analyse des jeux de langage dans l'école
d'Oxford issue des derniers enseignements de Wittgenstein, la thèse
selon laquelle on ne peut comprendre le sens d'un énoncé en
sciences sociales qu'en le replaçant dans le contexte de la
société (ou, en termes wittgensteiniens : dans la forme de
vie) où il apparaît. Cette thèse suscite un débat
philosophique parce qu'elle implique qu'il n'y a pas de
supériorité du savoir de l'anthropologue par rapport au savoir
ordinaire des sociétés étudiées,
c'est-à-dire que le but de l'anthropologue est de penser et agir
« comme un primitif » et non de produire une description
vraie de leurs énoncés et de leurs actions »509(*).
Contre cette thèse, une partie des philosophes
défendent un principe de rationalité extérieur à la
pratique ordinaire, qui permet de faire une description théorique vraie
supérieure à la compréhension que les agents ont
eux-mêmes de leurs pratiques. « Les sociologues qui
interprètent mal la culture étrangère sont comme des
philosophes qui tombent dans des difficultés d'usage de leurs propres
concepts ».510(*)
Le second ouvrage discute les thèses de l'anthropologie
des sciences de B. Barnes et D. Bloor, inspirée de la pensée de
T.Kuhn, selon laquelle les différents paradigmes scientifiques qui se
sont succédé au cours de l'histoire sont entre eux
incommensurables comme des cultures différentes, en sorte qu'il n'y a
aucune supériorité de la science actuelle sur les sciences
considérées aujourd'hui comme fausses.511(*)
A propos de la logique Raphaël Ntambue Tshimbulu ,dans
son livre intitulé La logique formelle en Afrique noire,
corrobore la position particulariste et souligne le fait que la base de la
position favorable à l'existence de la « logique
africaine » stipule ,pour reprendre l'expression de Bimuenyi
,que « des catégories ,des concepts ,des images,
opératoires à une époque, peuvent cesser de l'être
à une autre époque ;opératoires pour un milieu ,ils
peuvent ne pas l'être pour un autre milieu à la même
époque ». Un discours sur les modes africains de pensée
est donc justifié par l'expérience et les circonstances
spacio-temporelles de l'Afrique. Il devient, dès lors, évident
pour Hebga d'exorciser le discours africain de l'idée d'une
« logique canon » dont la référence est
l'Occident. Aux yeux de Hebga, la valeur des principes logiques dépend
de la différence des systèmes de référence comme en
témoigne d'ailleurs, au sein de la « civilisation occidentale
modèle », la relativité de la
vérité. « Il est donc permis, conclut Hebga, de
rejeter en logique comme en esthétique, tout impérialisme
prétentieux ».512(*)
La situation est plus complexe que cela. « Davidson,
refuse que l'énoncé qui constitue le point de départ de la
réflexion de Lucien Lévy- Bruhl ait un sens : le
problème qu'il a posé est un faux problème, et
l'idée d'une mentalité prélogique est
absurde ».513(*) L'analyse de Lévi-Strauss (dans
Problème de mentalité primitive en 1962, dans Le
Totémisme aujourd'hui, et dans La pensée sauvage)
consiste en un sens à serrer au plus près
l'énoncé des Bororo tel qu'il a été
relevé par Von den Strein : « Les Trumai (tribu du
Nord du Brésil) disent qu'ils sont des animaux aquatiques. Les Bororo
(tribu voisine) se vantent d'être des Araras (perroquets
rouges) ». Ce qui est important dans cet énoncé, pour
Lévi-Strauss, c'est moins l'identité entre les Trumai et les
animaux aquatiques. Autrement dit, l'énoncé en question ne
comporte pas deux termes, mais quatre : « Les Bororo sont
aux Araras, ce que les Trumai sont aux animaux aquatiques ».
L'énoncé n'est pas analytique, mais analogique, il ne
prend sens que dans une structure de réalité formelle. Cette
thèse est corroborée par Ernest Cassirer.
Pierre Bourdieu à cette suite montre alors que
l'analogie ne régit pas seulement les énoncés
étranges des sociétés (dites) sauvages, mais aussi les
énoncés les plus familiers de (la société
occidentale), et c'est en cela que, de l'anthropologie de Lévi-Strauss,
il revient à une sociologie (de la société occidentale)
dans le sens de Durkheim. On peut comprendre toutes les analyses de La
distinction comme une réévaluation de
l'énoncé « Les Bororo sont des Araras »,
montrant une logique sauvage ou primitive dans nos jugements de goût les
plus quotidiens ».514(*) Il systématise la logique pratique.
Pierre Bourdieu a reformulé l'énoncé
constituant le point de départ de ces réflexions. Pour
Bourdieu, de cette reformulation de l'énoncé de base, il faut
tirer une conséquence importante : si l'énoncé
«les Bororo sont des Araras » posait problème à
Lucien Lévy-Bruhl, mais aussi à Quine et à Davidson, c'est
parce que ceux -ci restaient soumis à la logique prédicative
selon laquelle un énoncé doit prendre la forme « S est
P », et par laquelle un prédicat est attribué à
un sujet -ou, en termes aristotéliciens, un accident est attribué
à une substance. Or ces énoncés ne forment qu'une partie
de la vie mentale des sociétés humaines. (...) Il y a donc dans
la vie sociale un ensemble de jugements qui ne suivent pas la logique
prédicative, c'est-à-dire qui n'ont pas besoin qu'un sujet ne
soit que ce qu'il peut être : les jugements sociaux posent le plus
souvent qu'un sujet peut être autre que ce qu'il
est ».515(*)
« Il faut donc montrer comment fonctionne cette
logique qui tolère la contradiction : c'est ce que Bourdieu appelle
« la logique de la pratique ». Bourdieu tente de montrer
que, de façon paradoxale pour la philosophie, nous n'avons pas une
logique mais deux, la logique théorique et la logique pratique, et que
c'est cette dualité qui fait que nous sommes toujours en décalage
par rapport à nous -mêmes et que nous tombons dans des
problèmes insolubles sur notre pratique, que nous ne pouvons
résoudre qu'en passant par l'autre, c'est-à-dire le
« primitif »».516(*)
Le principe de la logique pratique de Pierre Bourdieu s'oppose
directement à celui d'Emmanuel Kant par exemple dans la
Critique de la raison pure ; il s'agit non d'« un
système de formes et de catégories universelles mais (d') un
système de schèmes incorporés (schème conceptuel)
qui, constitués au cours de l'histoire collective, sont acquis
au cours de l'histoire individuelle et fonctionnent à l'état
pratique et pour la pratique (et non à des fins de pure connaissance)
».517(*)
Les schèmes incorporés qui ne sont rien d'autre
que l'habitus ne sont pas justement anhistoriques comme des formes a
priori de la sensibilité et les catégories de l'entendement chez
Kant ; ce qui emmène Bourdieu à mettre en question
l'universalité de ces dispositions dites rationnelles. Ces notions dites
« universaux » anhistoriques ne sont pour ce dernier que
celles des actions rationnelles ou des préférences
déterminées et façonnées socialement.
La thèse soutenue ici lie la science au sens commun,
une thèse soutenue par Quine. Cette thèse est claire : La
science est simplement une évolution linguistique devenue consciente, la
science n'est que le sens commun devenu conscient. Aucune recherche n'est
possible sans quelque schème conceptuel ou cadre de
référence ordinaire préalable ; nous ne pouvons tout
utiliser le meilleur de savoir que nous connaissons et cela jusqu'aux derniers
détails de la mécanique quantique sans le langage ordinaire. Nous
sommes revenus sur l'analogie logique entre la pensée mythique,
totémique, astronomique et scientifique avec le concept d'analogie dans
Une bible noire.
Ainsi, dans notre étude affirme Quine « nous
sommes à la recherche des habitudes linguistiques qui ont
été inculquées socialement. (...) nous ne devons pas nous
préoccuper (...) de l'histoire privée de la formation de ses
habitudes ».518(*) Langage, systèmes de pensées et le
mode d'organisation sociale sont liés.
Pour Quine, qui tire cette leçon des primitifs et la
théorise, la structure des phrases interconnectées est un
édifice unique incluant toutes les sciences et même, en fait, tout
ce que nous en disons jamais au sujet du monde. « Celui qui admet un
seul prédicat primitif, admet les propriétés au nombre des
matériaux qui servent à construire son
monde »519(*).
C'est en raisonnant sur le caractère bidimensionnel de
la surface oculaire que l'on peut comprendre les opérations de
l'activité de parler ou de la pensée. Les données
momentanées de l'ouïe sont des agglomérés de
composants dont chacun est fonction de deux variables, hauteur et
intensité, mais cela ne se découvre pas sans connaissance des
variables physiques de fréquence et d'amplitude dans la corde vibrante
qui stimule l'audition. Tout ce processus est tributaire de la
géométrie qui se déploie dans les mythologies. La
géométrie est la théorie de la position relative, la
topologie est la géométrie plus abstraite. Leurs objets sont les
points, les courbes, les surfaces et les solides, conçus comme des
portions de l'espace réel qui baigne et pénètre tout le
monde physique.
Nos premiers termes en sciences sont des concepts d'objets de
dimension visuelle ou audible, situés à moyenne distance et notre
accession à ces concepts et à tout autre chose survient à
mi-distance dans l'évolution culturelle de notre espèce. La
définition de relation de voisinage, la distance des
éléments d'un ensemble, leur direction sont la base du sens
commun et de la physique mathématique.
Les données momentanées de la vue
consistent dans une multiplicité spatiale à deux dimensions.
Comme nous le savons, le plan est un espace à deux dimensions :
longueur et largeur. Il existe cependant une multiplicité
d'espaces : espace topologique des théories des ensembles (à
n dimensions), l'espace métrique, l'espace vectoriel, l'espace
réel euclidien, l'espace spirituel, etc.
La connaissance en général aussi
bien du sens commun que de hautes connaissances se développent
normalement dans une multiplicité de théories, dont chacune a une
utilité limitée liée à sa cohésion de cadre
de référence. Ainsi, « le langage en tant qu'il est un
ensemble de dispositions inculquées par la société, est
substantiellement uniforme à travers toute la communauté, mais il
est uniforme de diverses manières pour les diverses
phrases ».520(*)
Les mots sont des outils sociaux.521(*) « Le langage en
général, est inculqué à l'individu par un dressage
effectué par la société »522(*).
En fait ,le fond du travail consiste à dégager
les ressemblances, les spécificités et les
différences de chaque système de pensée tissé
à travers des schèmes de pensées de la pensée
mythique, astronomique, astrologique, totémique, religieuse ou
scientifique: « La stratégie est de s'élever
jusqu'à un niveau où les (...) schèmes conceptuels
fondamentalement différents se rejoignent, lieu optimum pour discuter
leurs fondements disparates ».523(*) La philosophie ne peut pas étudier et
réviser le schème conceptuel fondamental de la science et du sens
commun sans posséder quelque schème conceptuel.524(*)
En fait Carnap a longtemps soutenu que les questions de
philosophie quand elles sont authentiques questions, sont des questions de
langues. La langue comme energea comme le pense Cassirer. Quine soutient que
les questions de philosophes de la forme « Qu'est-ce qui
existe ? » portent sur la manière la plus commode de
façonner notre appareil linguistique »525(*).
Quine est behavioriste. Sur base de la théorie
relativiste du mouvement (qui appelle la durée), il est
préférable comme dans un système galiléen
(l'observateur se déplace avec les références ou
repères, l'homme se déplace avec la terre en rotation dans un
mouvement uniformément accéléré) de prendre comme
stimulations pertinentes, non des structures d'irradiation instantanées,
mais des structures évoluantes d'irradiations de toutes durées,
jusqu'à une certaine limite convenable ou jusqu'à un certain
module. Dire qu'une particule (point-instant) se meut à dix
kilomètre par seconde au moment t, permet d'obtenir une
distance correspondante. L'objet-instant (le Lapin) est construit sur le
même modèle que la relativité galiléenne, restreinte
(néglige les références coperniciennes) ou
généralisée (prise en compte des paramètres de la
gravitation universelle).
Nous allons à partir d'une thèse qui lie science
et sens commun et résumer critiquement ici les idées de
Quine.1(*) Ce dernier
met en exergue l'importance d'un schème conceptuel pour Bourdieu
l'habitus est un schème de l'action : « Nous avons un bon
aperçu, souligne Quine, de l'action de notre schème conceptuel
comme d'un instrument ».9(*) Dans un cadre de référence culturel
donné « celui qui admet un seul prédicat primitif-
même inconsciemment-, admet les propriétés au nombre des
matériaux qui servent à construire son monde »4(*). Nous voyons par notre
culture. Cette thèse culture est aujourd'hui de plus en plus
supplantée par la thèse naturaliste qui veut l'homme soit avant
tout biologique.
Considérer le parler concernant les
phénomènes physiques comme étant un
phénomène physique et considérer nos constructions
scientifiques comme des activités à l'intérieur du monde
que nous inventons. « Les faits sont façonnés à
l'image des phrases ».5(*) Dans la physique de la lumière, où
intervient la métaphore notoirement hybride de l'onde et de la
particule, la compréhension qu'a le physicien de la chose dont il parle
dépend presque entièrement du contexte d'usage.
Pour Quine béhavioriste, les effets de schème
conceptuel et de schème de l'action sont indépassable : le
mouvement est quelque chose de relatif à l'espace, en sorte qu'une
chose, qui, d'un certain point de vue, compterait comme deux fois la même
position compterait, d'un autre point de vue, comme deux points distincts.
C'est la relativité restreinte, deux particules instantes (photo)dans
deux systèmes galiléens ont des comportements différents.
Le problème de
mentalité prélogique est encore d'actualité
Jürgen Habermas a semblé montrer, ce qui est faux
également, les limites d'une pensée magico-mythique en la
reconstruisant avec l'émergence de la conscience des temps modernes
européens en remplaçant le contenu par la forme de la
pensée. Au niveau préopératoire de l'enfant on ne pense
pas encore l'abstrait et le formelle (Jean Piaget), c'est le niveau mythique de
l'ethnophilosophie.
Pourtant, les mythes ne sont pas à
évacuer mais à interpréter (Tshiamalenga Ntumba dixit).
Toute la science occidentale n'a pas évacué la pensée
mythico-magico-religieuse de la science. Heisenberg s'y est essayé sans
succès en physique théorique, d'où le postulat tenace de
relations d'incertitudes. C'est le niveau de temps moderne qui place la
pensée formelle toute puissance au point de départ de l'action
moderne. L'Afrique en serait dépourvue. C'est l'épineuse question
de standardisation et de la normalisation (de la mesure) des savoirs
traditionnels en Afrique (i.e. savoir médical non normé).
Les sciences modernes, les mythes et l'astronomie (et non
l'astrologie qui reste magique à travers la consultance de l'horoscope)
sont -ils des savoirs incommensurables ? Dans la négation, il ne
serait pas plausible de penser qu'un type de savoir est supérieur
à l'autre. L'argument que nous développons ici rejoint comme on
l'a vue la discussion à propos de principe de cadres de
référence en sciences ou de schème conceptuel de
mémoire culturelle. Son essai de dépassement est une thèse
qui présente le principe de la structure analogique des savoirs.
CHAPITRE
ONZIÈME :
LE PHÉNOMÈNE DES CONNAISSANCES : UN
PROCESSUS D'ÉVOLUTION OU EXPRESSION DE LA RÉALITÉ
SPÉCIFIQUE ?
La connaissance comme une multiplicité des
expressions de la réalité
L'art, le mythe, la religion, la science sont tous des
expressions différentes de la réalité. En tant que mode
connaissance ces expressions se trouvent dans toutes les sociétés
humaines. C'est en ce sens qu'Ernest Cassirer affirme
l'universalité des mythes. Leur logique c'est-à-dire leur
structure profonde est la même. « Les différentes
grammaires de l'art et du mythe, de la religion et de la science,
obéissent aux mêmes catégories ».526(*)
Le principe logique de l'analogie et la
multiplicité de l'expression de la réalité
On peut y dégager des ressemblances, des
spécificités et des oppositions de ces différentes
expressions de la réalité : les langues, l'art, la religion,
le mythe, l'astrologie, l'astronomie et la culture. Cassirer dans
l'étude des formes symbolique que « l'histoire de l'art,
l'histoire des religions, des mythes, l'histoire du langage et de la culture
n'étaient visiblement pas seulement placées côte à
côte, mais mises en relation les unes avec les
autres. »527(*)
Les expressions de la réalité ne se
caractérisent pas par un trajet parcouru en trois
étapes comme le présente Ernest Cassirer : l'imitation,
l'analogie et le symbolisme pur. Ces trois moments ont été
malencontreusement systématisé de façon exclusive par
Auguste Comte dans les six volumes des Cours de philosophie positive
(1830-1842), les trois états théoriques différents :
l'état théologique ou fictif, l'état métaphysique
ou abstrait, et enfin, l'état scientifique ou positif.
Il y a donc une explication de la réalité qui
est renvoyée à la volonté de Dieu ou aux dieux, celle qui
renvoie à l'explication à partir des catégories
philosophiques abstraites et à celle d'une explication des
phénomènes et de l'observation.
La religion se démarque des mythes par la focalisation
doctrinale (prédestination) ou éthique. Ainsi on peut noter
que :
- Toutes les grandes fonctions spirituelles partagent avec la
connaissance la propriété fondamentale d'être habité
par une force originairement formatrice et non simplement reproductrice.
- Toutes les fonctions de l'esprit engendrent ainsi leurs
propres configurations symboliques qui, bien que fort différentes des
symboles de l'intellect, ne leur cèdent en rien quant à la valeur
de leur origine spirituelle.
- Chacune (des configurations) renvoie à un point de
vue spirituel bien défini et chacune constitue, à
l'intérieur de ce point de vue et à travers lui, un aspect
particulier du `'réel ''.528(*)
Le principe d'analogique
mythique
Au point de vue logique, l'analogie représentative et
imitative (l'effigie fétiche dans les traditions africaines et autres),
l'analogie symbolique des offrandes : l'oeuf, la colombe, la
chèvre, etc., transformées en sacrifices offerts dans un temple
africain ( qui est souvent un simple Carrefour sans assistance, ou toute
parcelle habitée par un foyer ) où s'organise naturellement une
prêtrise du père régentée par l'effigie
totémique. Ceci caractérise la pensée africaine telle
qu'exprimé dans Une bible noire.
Le concept de Répondant (analogie) y est une
catégorie centrale (voir l'analogie chez C.S.Pierce, tout est Signe qui
renvoie à quelque chose). C'est une logique complexe que tente de
promouvoir Edgar Morin.
Il n'y a pas évolution, il y a cohabitation de
différentes expressions de la réalité
La thèse de cohabitation des connaissances s'oppose
à Auguste Comte et à Ernest Cassirer qui décrivent le
phénomène de connaissances selon une approche
évolutionniste. En effet, comme hypothèse évolutionniste
nous prenons celle de Cassirer qui « décrit le trajet parcouru
par l'esprit des premiers figures de la conscience à la connaissance la
plus pure ,c'est devenu un lieu commun qu'il met en place une
phénoménologie - entendue au sens hégélien- dont
les principales étapes sont fonction d'expression , de
présentation et de signification. »529(*)Selon Cassirer la
pensée astronomique est une pensée évoluée par
rapport au mythe qui est plus proche de la science moderne. Il pense que
« la pensée astrologique ...ne s'est pas encore
libérée de la pensée « complexe » du
mythe ...530(*)occupe,
selon sa forme, une étrange et bâtardise position
intermédiaire entre le mythe et la science. »531(*)
Caractéristiques de la pensée
mythique
Pour la pensée complexe, le nom
évoqué dans la prière biblique, dans le Cantique à
travers le Mythe (du point de vue de genres de la littérature
traditionnel La Bible Judéo- chrétienne est un mythe,
l'expression n'est pas péjorative) est identique à la personne et
à l'entité spirituelle évoquées (le Seigneur
Jésus-Christ Fils de Dieu ,fils du père Créateur des
cieux et de la terre). C'est là une logique d'analogie pratique. C'est
le principe de l'identité dans une pensée complexe. A ce titre le
principe de logique théorique s'en démarque. Penser aussi
à la révérence des images.
Du point de vue des ressemblances, la structure
totémique de la conscience spatiale peut être mise ici exactement
en parallèle avec la structure astronomique de la conscience
spatiale.532(*) Il n'y
aurait pas des terres vacantes comme le pensaient les colonisateurs. Il existe
ici des concepts fondamentaux (l'usage de noms dans les hymnes et les formules
sacrées, les chants et les versets, l'usage des images, la prière
et les offrandes, etc.) de la pensée mythique, sa conception de
l'espace, de temps et de nombre. Les images opèrent avec le principe
d'analogie, i.e., les centres de l'homme dans la physiologie indigène et
les effigies (fétiches et les statues sont perforés au niveau de
ces centres, chacra). En fait l'idée ce qu'il y a continuité
entre savoir ordinaire et savoir savant.
Du point de vue du droit, il s'agit ici des fondements des
conventions civiles africaines : nous sommes en Afrique traditionnelle ici
en présence d'un Empire du « droit sacré »,
magico -religieux par rapports aux pratiques juridiques européennes.
Les fondements de l'autorité sont placés dans
des « dynasties de sang sacré » (chef de
races ») ; et la pensée totémique et astronomique
établissent les droits fonciers des indigènes sur la presque
totalité des terres africaines. Nous sommes là en face de deux
cadres de référence.
Pour Van Derkerken déjà il soutenait que seule
la connaissance et la reconnaissance des structures sociales bantoues devait
s'opposer à une prolétarisation perçue comme une
déchéance culturelle et un immense danger social.533(*)
Une Bible noire
La création par le Verbe, cette conception dans Une
bible noire semble renvoyer à la tradition de l'Egypte
antique : Selon T. Fourche et H. Morlighem,
le « Ku-Ela-Diyi », en tshiluba, émettre une
parole (impérative), un ordre, le « verbe »
(plur. »Ku-Ela-Meyi »- on dit par exemple à la
2ème et 3ème personne du singuler :
Wela Meyi (Ouela Meyi) est comparable dans sa forme et dans son esprit au
« Ouzou Medou »des Egyptiens antiques (Voir
A.MORET : Le Nil et la Civilisation Egyptienne ,page 439). Mais
dans le langage courant, cette expression, qui garde en certains cas toute sa
valeur impérativement symbolique a pris le sens commun de
« parler ». (Parler : Ku -Akula - Faculté de la
parole : Diakula).534(*) Tout cela est lié à une vision
communautaire et même disons -le bisoïste du monde selon
Tshiamalenga Ntumba.
A propos des spéculations cosmiques touchant aux
étoiles, aux galaxies et à la voie lactée, nos Fourche et
Morlighme rapprochent certains termes d'Une Bible noire à la
conception médiévale, notamment à propos de ce que Une
Bible noire appelle des Choses primordiales ou Choses
Aînées, « Il nous arrive, disent Fourche et
Morlughme, de dire « éléments » (terme absent
du vocabulaire des indignes, qui ont pourtant une conception
médiévale) et « astres », pour traduire ces
« choses aînées ».535(*)
De par ces références, nos auteurs
procèdent méthodologiquement à des comparaisons
topologiques. Dans la rédaction les enquêteurs se sont faits
« scribes » disent-ils ?3(*)Un des scribes conclut comme
suit : « nous admettons qu'Une bible noire ne doit
pas être exempte de lacunes, d'équivoques, de contradictions, et
sans doute aussi d'erreurs de détails. Nous souhaitons, bien que les
véritables détenteurs de « science »soient
devenus rares et hermétiques devant la nouvelle génération
formée aux écoles nouvelles, que d'autres chercheurs
élucident les points qui demeurent obscurs ou douteux et comblent les
lacunes ». Disons que T. Fourche et H. Morlighem536(*), ne se
limitent pas au travail fort salutaire de conservation de textes et d'une
restitution de la pensée traditionnelle, ils commentent les
différents textes au point de vue anthropologique.
Notre démarche interdisciplinaire consiste à
croiser leur interprétation anthropologique avec une démarche
proprement épistémologique et logique.
Une Bible noire ou La révélation de
Tshiakani titrée par l'édition Mukamba Kadita Nzemba ou
d'une édition plus récente qui sous-titre Une Bible
noire ;la cosmogonie bantoue est un livre peu connu, il est
issu des recherches anthropologiques de Tiarco Fourche (médecin au Congo
Belge) et d'Henri Morlighem (Aide - médecin),qui ont menées ces
recherches concomitamment avec l'Institut Royal Belge et de l'Institut Royal
d'Anthropologie de Grande Bretagne et d'Irlande.537(*) Il s'agit justement des
plusieurs documents semblables dont :Etudes Bakongo, Religion et
magie par R.P.J .Van Wing, missionnaire qui a oeuvré au Congo
particulièrement à Kinsatu, J.-A.Tiarco Fourche et H. Morlighem,
Les communications des indigènes de Kasaï avec les âmes
des morts.538(*)
Pour Morlighem, leurs recherches peuvent se situer avec
le Docteur T.Fourche, de 1923 à 1942, date de sa mort à
Johannesburg ; lui-même l'a entrepris de 1933 à 1947. Les
investigations ont porté sur la plupart des nombreux clans de la
province du Kasaï, de l'ouest du Lomami au sud du Sankuru. J'ai
particulièrement visité le District de Haut Lomami. Les
enquêtes Morlighem se sont déroulées entre autres chez les
Bassonghe sur le « bukishi », chez les Baluba du katanga
(Fourche, 1974, p .147). Tous ces documents d'observation et des documents
oraux, rapporte Morlighem, ont été recueillis à
bâtons rompu au cours des missions communes de médecine
prophylactique qui leur ont assigné des contacts intimes et permanents
avec les populations.
La nouveauté et l'originalité de ces documents
directs leur incitaient à réduire leur arrangement au minimum
nécessaire pour la compréhension. La mise en chapitres, les
titres, leur ordonnancement sont leur fait. « La clarté
l'exigeait, et nous pensions, disaient -ils, que ce découpage ne fausse
rien, car il suit fidèlement la séquence logique des conceptions
noires. (...) Ces interventions minimes sont honnêtes ; elles
respectent le fond et la forme. Le blanc ne s'est imposé au Noir ni dans
sa tactique, ni dans son mode d'enquête ». Nous
présentent un exposé contenant de conceptions, de croyances et
des pratiques dites « mythico- religieuses » propres
aux Bantu de la zone centrale de l'actuel Zaïre (RD Congo).
Cette étude présente la notion
intéressante d'analogie logique et ontologique de Totem ou de
Répondant, une notion que partagent les grandes civilisations.
Nous nous situons ici d'un point de vue des traditions
congolaises pour illustrer la composante langagière dans la
création de la « réalité sociale »
sous sa forme sacrée de la création par le Verbe, le point de
départ de la théorie philosophique anglo-saxonne des
« actes de la parole ».
T. Fourche et H. Morlighem, dans leurs commentaires de ce
qu'ils appellent Une bible noire539(*), ne se limitent pas au travail fort salutaire
de conservation de textes et d'une restitution de la pensée ; ils
essaient de reconstruire des multiples concepts logiques centraux.
Marc Poncelet affirme que sur le plan strictement
épistémologique, en ce qui concerne l'Histoire sociale de la
pensée coloniale et congolaise, un des premiers grands débats
épistémologiques au Congo est celui qui eut lieu à l'IRCB
(Institut Royal Colonial Belge) à l'âge d'or du champ colonial
savant des années 30. La tendance dominante était le refus de
situer le savoir des autochtones dans le processus général de
l'histoire de l'humanité. C'est en l'occurrence le mémoire de
Tiarko Fourche et de H. Morlighem médecin et aide -médecin de
leur état, parce qu'il « fut ajourné pour sa part pour
complément d'information ».540(*) Et pour cause : « L'ethnologie
catholique (a) combattu systématiquement toute tentative
d'interprétation (considérée comme `hâtive',
'littéraire' ou `spéculative') visant à insérer les
observations ethnologiques dans un schéma évolutionniste
susceptible de tracer les axes d'une histoire universelle et raisonnée
des croyances religieuses humaines ».541(*)
Le tort de T. Fourche et H. Morlighem, chercheurs en
médecine naturelle et des techniques phytothérapiques - est
d'avoir osé, contre l'avis des ethnologues ecclésiastiques
coloniaux, présenter à propos des congolais des conceptions qui
rencontraient d'autres traditions universelles. Les commentaires deT. Fourche
et H. Morlighem sur les différents thèmes qu'ils recueillent dans
Une Bible noire se réfèrent à la comparaison des
traditions congolaises - Luba-kasaï (Lulua, Songhé, etc.) -
Lunda-Kasaï (Pende, Cokwe, Bindji(mieux mbaghani), etc.)- ou à
plusieurs grands foyers des cultures tels l'Egypte antique, le Hindou542(*), la conception
médiévale, etc.
Une Bible noire est un livre qui ne contient pas
seulement des mythes, elle contient une bonne partie de la pensée
astrologique et astronomique, de la pensée religieuse, de la
pensée totémique et même des notions scientifiques des
classements des espèces animales et végétales, et autres.
C'est un seul édifice.
Le livre contient plusieurs traditions. En ce qui concerne les
thèmes qui sont développés dans Une Sainte Bible,
le mythe de la création et de la chute est relaté sous forme
astronomique à travers la centralité d'un « père
d'amour » (Maweja nangila )»,d'un « fils
premier-né, rédempteur (Mikombua kalewa)», d'une
« mère (tshiama ».
De
l'anthropologie de la santé et des représentations
Yannick Jaffré et Jean Pierre Olivier De Sardan ont
écrit et dirigé un livre intitulé La construction
sociale de la réalité des maladies, entités nosologiques
populaires en Afrique de l'ouest, ce livre partage « l'espace
théorique commun au champ de l'anthropologie de la santé et au
champ de l'anthropologie des représentations. Dans cet espace
scientifique, affirment les auteurs, elle peut représenter une solution
possible (parmi d'autres) à certains problèmes plus
généraux, qui jusqu'ici ne nous semblent pas avoir
été traités de façon
satisfaisante ».543(*) La sociologie et l'anthropologie des
catégories sont un des grands noyaux de développement actuel de
l'analyse cognitive du social. Les catégories sont supposées
former entre elles une totalité culturelle qu'on doit envisager dans les
relations, notamment causales, avec les autres touts sociaux (et, tout
spécialement, comme projection de la structure sociale), mais ce
pourrait être aussi, comme chez Whorf et Sapir, de la projection de la
structure de la langue.
L'étude porte sur des «bribes de discours
médical reintépreté que se construisent les
représentations populaires ».544(*) Nous pouvons dire qu'ils
partagent avec La pragmatique cognitivisme le point de départ
théorique qui consiste à analyser le langage.
Ce qui nous intéresse ici, c'est le changement
d'attitude ethnologique sur un domaine de cette recherche vital. A la postface
du livre les auteurs affirment justement que l'ouvrage partage des choix
théoriques communs, notamment le refus d'une ethnologie
passéiste. La méthode utilisée est celle de la description
des sémiologies populaires. « Dans chacune des langues
considérées, les locataires recourent à un stock
déjà constitué de mots pour dire leurs maux, leurs corps,
leurs maladies, leurs traitements ».545(*) Les chercheurs s'occupent
des « entités nosologiques populaires », ces
maladies de sens commun Peul, Songhay- Zarma, Bambara, etc., (ils
s'intéressent à « la façon dont les
symptômes morbides étaient perçus, exprimés, et
organisés par les principaux
intéressés ».546(*)
L'avis porté sur les sciences sociales, c'est que
contre ces dernières, les auteurs affirment « la
nécessaire cohésion du langage de description en sciences
sociales qui se transforme souvent en une cohérentisation abusive des
référents empiriques sur lesquels il porte, (...) la
rationalité propre au langage savant ne devait pas être confondu
avec celle dont font usage les acteurs en situation ordinaire ».547(*)
Contre le concordisme, la confusion des langages et
l'isomorphie logico- philosophique, disons plus simplement à la suite de
la thèse de Wittgenstein II, qu'aucun langage n'est descriptif, tout
langage est toujours constructif. Le langage formel construit ses propres
êtres, les autres langages des sciences construisent le monde, Dieu ou
la société.
Là où nous relativisons les auteurs, c'est
quand ils affirment le fait « qu'il n'y a pas en Afrique, à
notre connaissance, de « médecine savante »
traditionnelle, les spécialistes populaires que sont les
« guérisseurs » (faisant traditionnellement un large
usage des plantes) ne recourant nulle part à un corpus stabilisé
et standardisé de savoirs organisé (du type médecine
chinoise ou indienne. (...) il faut bien admettre, après examen
attentif fait par chacun d'entre nous dans les cultures ici
considérées, que nulle part n'existe de théories des
rapports entre ces rapports, entre ces couples, fonctionnelles ou
philosophiques (à l'image des théories grecques ou chinoises), et
que leurs usages sont variables, non stabilisés, et largement
allusifs ».548(*) Il n'y pas meilleure ressemblance culturelle que les
traditions africaines les plus anciennes et asiatiques. L'hiéroglyphe
égyptien ressemble dans sa forme (voir cadrat) aux écritures
asiatiques allant de Japon à la Corée en passant par le copte.
Ils ajoutent : « nous n'avons pas
rencontré trace à travers nos parcours de recherche sur les
entités nosologiques populaires, de grandes constructions
théoriques indigènes. Ni de vastes systèmes
classificatoires. (...) Chaud/ froid, humide / sec, amer/ doux sont des
couples couramment utilisés dans toutes les langues où nous avons
travaillé. »549(*) Justement, cette opération est fondamentale.
Intellectuellement nous classons et opérons des distinctions de base
(masculin /féminin, classes d'âges, etc.), qui à leur tour
configurent ou construisent la vie quotidienne. Ce point de départ est
la façon de comprendre cette phrase de Bourdieu : « les agents
sociaux que le sociologue classe sont producteurs non seulement d'actes
classables mais aussi d'actes de classement qui sont eux-mêmes
classés ».550(*) C'est ce que Bourdieu appelle l'activité
structurante des agents. C'est un mode de connaissance
géométrique souvent incorporé et qui se reproduit
socialement.
Pierre Bourdieu tente de donner la genèse des
structures sociales et des classifications. Toutefois, il se démarque
d'une analyse de John Searle rivée sur la pragmatique du langage ou
d'une pragmatique de l'esprit en tant qu'essai d'une philosophie des
états mentaux. Pour lui, du moins à un certain niveau, les
unités minimales qu'ils dégagent fonctionnent en
deçà de la conscience et du discours, pour autant que le discours
n'implique pas la pratique (l'acte). Il s'agit bien sûr de sa notion de
l'habitus. « La connaissance pratique du monde social (...) met en
oeuvre des schèmes classificatoires (ou ,si l'on préfère
,des « formes de classifications »,des
« structures mentales »,des « formes
symboliques »,autant d'expressions qui, si l'on ignore les
connotations ,sont à peu près interchangeables),schèmes
historiques de perception et d' appréciation qui sont le produit de
division objective en classes (classe d'âge, classes sexuelles, classes
sociales) et qui fonctionnent en déçà de la conscience et
du discours ».551(*)Nous avons dit que nous étions là en
présence des actes ( de l'habitus) structurants inconscients.
Ces unités minimales de base qui se reproduisent sous
forme sociale relèvent des oppositions inscrites dans de la vie
même (sexe, langues différentes, âges, etc.) et se
projettent en construisant les institutions. « Les passions mortelles
de tous les racismes (d'ethnie, de sexe ou de classe) se perpétuent
parce qu'elles sont chevillées aux corps sous forme de dispositions et
aussi parce que les rapports de domination dont elles sont le produit se
perpétuent dans l'objectivité ».552(*) Son hypothèse est
que, par exemple, la domination entre masculin/féminin est inscrite
d'abord dans la différence physique qui est inscrite dans le corps.
L'habitus est la classe incorporée ,(incluant
des propriétés biologiques socialement façonnées
telles que le sexe ou l'âge) et, dans tous les cas de déplacement
inter- ou intra- générationnel, se distingue (dans ses effets )
de la classe objectivée à un moment donné du
temps (sous forme de propriété ,de titres, etc.),en ce qu'il
perpétue un état différent des conditions
matérielles d'existence, celles dont il est le produit et qui
différent plus ou moins en ce cas des conditions de son
actualisation »553(*). L'« habitus dominé (du point de
vue du sexe, de la culture ou de la langue), relation sociale somatisée,
loi du corps social (est) convertie en loi du corps ».554(*)
La construction s'oppose à la naturalisation. Pour
Bourdieu, « la vision naturalisée de région ou de la
nation, avec ses frontières « naturelles », ses
« unités linguistiques », ou autres,...toutes ces
entités substantielles ne sont que des constructions sociales, des
artéfacts historiques qui, souvent issus des luttes historiques
analogues à celles qu'ils sont censés trancher, ne sont pas
reconnus comme tels, mais appréhendés à tort comme des
données naturelles ».555(*)
En effet, « les opérations de classifications
par lesquelles les agents sociaux construisent le monde social tendent à
se faire oublier comme telles en se réalisant dans les unités
sociales qu'elles produisent, famille, tribu, région, nation, et qui
sont dotées de toutes les apparences des choses ».556(*) Ces considérations
sont essentielles comme hypothèses théoriques à
vérifier dans une enquête sociologique ou anthropologique selon
le cas ; ainsi « c'est l'ordre social lui-même qui,
pour l'essentiel, produit sa propre sociodicée ».557(*)
La philosophie de la Nature des temps modernes est ici sans
conteste un des cadres théoriques de Pierre Bourdieu. Nous allons
déjà en luminaire présenter ici une reconstruction
philosophique. Le postulat du concept de « distinction » ou
de « classement », dans son livre intitulé La
distinction ; critique sociale du jugement a selon notre
hypothèse son répondant dans le rationalisme cartésien.
René Descartes, dans son livre Regulae ad directionem ingenii,
fait de la notion de sériation comme la base de sa
mathématisation de la nature ; c'est le postulat de sa philosophie
même : « comprendre le monde c'est le
mathématiser, c'est le disposer en série
géométrique».
Pour tenter une reconstruction philosophique, nous essayons de
présenter l'origine philosophique de la théorie
considérée. En effet, nous savons que
« sérier » dans la mathématisation de la
nature chez Descartes, c'est construire des oppositions. Transposé
dans une construction sociale chez Bourdieu, cela devient :
la « matrice de tous les lieux communs qui ne
s'imposent si aisément que parce qu'ils ont pour eux tout l'ordre social
,le réseau d'oppositions entre haut(ou sublime, élevé,
pur) et bas(ou vulgaire, plat, modeste),spirituel et matériel, fin(ou
raffiné ,élégant) et grossier(ou gros, gras, brut, brutal,
fruste),léger(ou subtil, vif, adroit)et lourd(ou lent,
épais, obtus, laborieux, gauche),libre et forcé, large et
étroit ou, dans une autre dimension ,entre unique(ou rare,
différent, distingué, exclusif, exceptionnel, singulier,
inouï) et commun(ou ordinaire, banal, courant, trivial,
quelconque),brillant(ou intelligent) et terne(ou obscur, effacé,
médiocre),a pour principe d'opposition
entre « élite »des dominants et
la »masse » des dominés ,multiplicité
contingente et désordonnée, interchangeable et innombrable,
faible et désarmée ».558(*)
Le concept d'espace homogène de René Descartes y
est transposé, toutes choses restant égales par ailleurs, comme
espace social. « Le schéma de l'espace social (...) peut
être aussi lu comme un tableau rigoureux des catégories
historiquement constituées et acquises qui organisent la pensée
du monde social de l'ensemble des sujets appartement à ce monde et
façonnés par lui. »559(*) Seulement, il faut dire que Bourdieu est un
rationaliste d'un type nouveau qui théorise non pas l'espace
homogène mais l'espace social.
Sur la même question de construction de la
réalité sociale, Bourdieu reproche à certains
spécialistes en la matière le fait « qu'ils omettent de
poser la question de la construction sociale des principes de construction de
cette réalité que les agents mettent en oeuvre dans le travail de
construction, individuel et aussi collectif. »560(*) Ces principes ne sont autres
dans la société dite complexe que « les schèmes
pratiques de perception, d'appréciation et d'action ».561(*) « Dans les
sociétés peu différenciées ,c'est à travers
toute l'organisation spatiale et temporelle de la vie sociale et, aussi ,
à travers les rites d'institution établissant des
différences définitives entre ceux qui ont subi le rite (par
exemple la circoncision) et ceux (ou celles)qui ne l'ont pas subi(femmes) que
s'instituent dans le corps ,sous forme de schème pratique (plutôt
que des catégories),les principes de visions et division communs (dont
le paradigme est l'opposition entre le masculin et le
féminin) ».562(*) Pierre Bourdieu est dans la ligne de ceux qui
critiquent la rationalité et la modernité et cela à
l'envers de John Searle au moyen du principe qu'il appelle l'habitus,
schème constructeur de la réalité sociale.
Pour conclure , « un concept qui, comme celui
de l'habitus ,dit-il, s'est imposé à moi à l'origine comme
le seul moyen de rendre compte des décalages qui s'observaient
,dans une économie comme celle de l'Algérie des années
soixante(et encore aujourd'hui dans beaucoup de pays dits « en voie
de développement »), entre les structures objectives et les
structures incorporées ,entre les institutions économiques
importées et imposées par la colonisation (ou aujourd'hui par
les contraintes du marché) et les dispositions économiques
apportées par les agents directement issus du monde
précapitaliste. Cette situation quasi expérimentale avait
pour effet de faire apparaître en négatif, à travers toutes
les conduites qui étaient alors communément décrites
comme des manquements à la « rationalité » et
des « résistances à la modernité », et
souvent imputées à de mystérieux facteurs culturels, comme
l'islam, les conditions cachées du fonctionnement des institutions
économiques ».563(*)
CHAPITRE DOUZIÈME :
SITUATION À LA BASE
DE L'INTERDISCIPLINARITÉ EN SCIENCES SOCIALES
De l'interdisciplinarité
au point de départ de l'anthropologie
L'anthropologie est la matrice des sciences sociales et
humaines. Robert Vion fait une mise au point intéressante :
« la convergence entre les sciences humaines reposent sur l'existence
d'une tradition pluridisciplinaire dont l'une des origines demeure
l'anthropologie américaine. (En effet,) des nouvelles approches
(l'école de Palo Alto, l'analyse systémique, l'interactionnisme
symbolique de Becher ou de Goffman, la sociologie cognitive de Cicourel,
l'ethnométhodologie de Garfinkel) ont permis de développer ces
convergences pluridisciplinaires. Côté langage, l'ethnographie de
la communication de Gumperz et Hymes, l'énonciation de Benveniste ou
Culioli, la pragmatique de philosophes comme Austin, (Francis) Jacques ou de
linguiste comme Ducrot, Kerbrat - Orechioni ou Roulet, la philosophie de
Bakhitin, Jacques ou Habermas, la sémiotique de Peirce, Greimas ou Eco,
la sémiotique de Barthes, la psychanalyse, ont établi des points
de jonctions plus ou moins nets entres les divers savoirs.»564(*) C'est la notion de monde
vécu qui en est le suppôt.
La perspective anthropologique offre d'un point de vue
évolutionniste ou fonctionnaliste, un plan d'étude
interdisciplinaire fort large, i.e., la sapiensalisation nous permet
d'étudier le phénomène humain de la connaissance ou du
cognitif, du langage et de la communication, de l'interaction, à travers
les structures sociales émergentes
d' « hominisation ».
La préoccupation de l'anthropologie565(*)selon l'optique
évolutionniste est celle de placer l'homme dans la longue chaîne
de l'évolution biologique jusqu'à la sapiensalisation,
c'est-à-dire jusqu'à l'émergence d'une
société humaine normée consécutive à un
certain nombre de développement de l'homme, notamment :
génétique, cognitif, du langage, etc. A ce titre l'anthropologie
historique offre une entrée intéressante pour un programme
interdisciplinaire d'envergure. C'est aussi dans ce cadre que nous situons
notre analyse multidisciplinaire.
La tendance anthropologique non évolutionniste comme
celle de Franz Boas et d'Alfred Kroeber postule l'unité biologique et
psychique du genre humain. Sigmund Freud postule l'universalité de
psychisme humain comme fondement de la psychanalyse. Ce postulat est celui sur
lequel cogite quelque fois avec peine certains savants occidentaux avec un
arrière-fond primitiviste pour les non occidentaux. C'est aussi le point
de vue adopté sournoisement par certains savants occidentaux à
partir du stade actuel de l'évolution de la société
occidentale qui se définie largement au point de départ de XV e
jusqu'au XVIII e siècles européens ou de la modernité
occidentale en tant que base des changements structuraux partis de la
découverte du nouveau monde et de la colonisation, de la naissance des
sciences expérimentales, de l'absolutisme et de la naissance des Etat-
nations européennes , de l'essor de commerce , de la reforme
protestante, finalement de changement profond des valeurs, etc.
Pour Jürgen Habermas justement, « au nombre de
ces approches concernant la théorie de l'évolution, on peut
compter le structuralisme, le néo-évolutionnisme et le
fonctionnalisme ».566(*) Quel est l'état actuel des théories
évolutionnistes ? Primo, « Althusser et Godelier ont
essayé d'intégré au matérialisme historique les
concepts et les hypothèses de Lévi -Strauss. Le concept de
structure lui-même avait induit de l'étude des
sociétés antérieures aux grandes civilisations, et ce,
aussi bien à partir des structures analogiques de la
« pensée sauvage » que des structures familiales des
relations sociales ».567(*) Mais « le structuralisme s'est
heurté aux limites de toute étude synchronique ; les limites
étaient seulement moins sensibles en linguistique et en anthropologie,
en raison de caractère statique de l'objet
considéré ».568(*) Secundo, « sous la pression du relativisme
culturel de l'école fonctionnaliste, on assiste de nos jours à un
recul des théories de l'évolution qui s'étaient
développés vers la fin du XIX e siècle dans le domaine de
l'anthropologie (Morgan, Tylor). Il n'y a plus guère que des auteurs
comme V.G.Childe et L.White pour maintenir l'idée de stade de
développement universel. Sous l'influence dominante de l'anthropologie
culturelle (Kroeber, Malinowiski, Mead), les théories de
l'évolution n'existent plus que sous une forme très
atténuée et adaptée à l'esprit de l'écologie
culturelle, comme le montre l' « évolutionnisme
multilinéaire » d'un J.H. Staward. Mais ces derniers temps, il
est vrai, les succès qu'a enregistrés l'évolutionnisme
biologique ( c'est pour marquer le relativisme qui donne droit aux sciences du
tiers monde , aux sciences africaines notamment) sur le plan théorique
ont contribué à un renouvellement de l'évolutionnisme
sociologique.
L'évolution sociale n'apparaît plus comme un
vague prolongement de l'évolution organique ; les néo-
évolutionnistes (Parsons, Luhman, Lenski) partent même de
l'idée que l'on peut rendre compte de l'évolution sociale
grâce au modèle de l'évolution naturelle, qui a
été validé et a fait l'objet d'analyses approfondies.
L'intérêt heuristique du modèle biologique ne fait pas de
doute (mais pour quel agenda caché ?) ; ce qui fait
problème (l'agenda caché ) , toutefois, c'est la question de
savoir si ce modèle nous met sur la voie d'une théorie de
l'évolution généralisée qui puisse convenir aussi
bien à l'évolution naturelle qu'à l'évolution
culturelle ».569(*)
Pour moi, le biologisme s'oppose au point de vue culturel : l'homme est
avant tout biologique, dirait -on , en biologisme , avant d'être
culturel.
Marx et Habermas ont une drôle de façon de
pratiquer l'anthropologie sociale et historique en omettant quasiment de mettre
à sa juste place la civilisation égyptienne ! Les
théories de Karl Marx, de Claude Lévi-Strauss, de Jürgen
Habermas, de John Searle et autres occidentaux, et celle de Cheick Anta Diop,
pour ne citer que ce seul africain se situent de ce point de vue
général de l'anthropologie tout en s'opposant sur des points
cruciaux, i.e., l'Afrique est - elle le berceau de l'humanité de Home
erectus à homo sapiens ?570(*) Jürgen Habermas aborde dans son livre
intitulé Après Marx base de la théorie de l'agir
(action) communicationnelle l'anthropologie sans géographie, sans
identité humaine et localisation explicites, notamment la théorie
de « passage »571(*) cognitif des hominidés aux sapiens sapiens.
Karl Marx et Engel développent une théorie
reconstructive anthropologique572(*), ils utilisent les structures ethnologiques des
Indiens restés au stade ethnologique (voir Morgan) qu'ils mettent en
correspondance avec les structures sociales de tribus germaniques. Ce
va-et-vient ethnologie -sociologie devait être frappée de
caducité. Beaucoup de marxistes occidentaux ne développent pas
des travaux ethnologiques adéquats. Karl Marx et Jürgen Habermas
reconstruisent le programme anthropologique d'un point de vue européen,
d'où une vue beaucoup plus centrée sur la modernité
européenne. John Searle touche dans sa théorie en fait à
l'évolutionnisme anthropologique en critiquant l'anthropologie de Marx
au nom de l'idéologie européenne en crise.
Le principe isomorphique de
causalité et de la raison d'agir
Un des noeuds gordiens des sciences sociales est
l'opérationnalisation du principe de causalité,
exprimant ce qui commande l'action, le comportement et finalement l'action
sociale comme interaction. Le principe de causalité exprime les
régularités empiriques incrustées dans chaque
réalité sociale, dans chaque interaction qui est le
véritable objet de science sociale. Il s'agit de trouver les lois de la
prédiction des interactions. « On trouve des approches
théoriques se référant à des
régularités empiriques de l'activité sociale, dans toutes
les disciplines de la science sociale : en économie, en sociologie,
en anthropologie culturelle et en psychologie sociale. (En) sciences
politiques. »573(*)
La base de la compréhension de l'activité
sociale est la modélisation en principe de causalité ou en la
raison d'agir lorsqu'il s'agit de l'introduction de l'intentionnalité
dans la compréhension de la réalité sociale. Les
modalités logiques expriment cette causalité en logique en
implication stricte. Le principe de causalité est posé à
l'intérieur de chaque paradigme, notamment une causalité de monde
vécu. Il y a causalité entre le tout et le tout : une
relation structurale entre les organisations de même taille ou de taille
différente. Une relation sans réciprocité entre le tout et
les parties : est une relation fonctionnelle. Une relation
unilatérale entre le Tout et les parties est justement fonctionnelle
également.
Les sciences de la communication
et de l'information
Ces nouvelles sciences trouvent là une toute autre
place, celle co - originaire de la notion de « monde
vécu », celle d'une expérience
communicationnelle à coté de l'expérience
sensorielle. En effet, « le chercheur en commençant par les
analyses des contenus et des enquêtes jusqu'à
l'expérimentation et en passant par la technique de l'observation
engagée et la recherche sociographique, ne peut sortir totalement du
rôle de participant au jeu de la communication ».574(*)
Nous allons tenter d'étayer cette position centrale des
sciences de la communication et de l'information dans le concert des sciences
sociales dans cette perspective.575(*) La question de cette recherche est simple :
comment se constitue l'expérience communicationnelle, cette
« connaissance par expérience » qui forme la base de
la personnalité, de la société et de la culture. Le monde
vécu est un savoir-faire mais en même temps un savoir
préthéorique et théorique qui est incrusté dans la
langue en relation avec l'environnement et les ainés compétents
dans le processus de la maitrise la vie. « L'interprète de
sens fait don expérience fondamentalement en tant qu'interlocuteur ,sur
base d'une relation intersubjective avec d'autres personnes ,établie
au moyen de symboles, même si en fait il se trouve seul devant un
livre, un document ou une oeuvre d'art »576(*). C'est moi qui souligne pour
marquer le moment communicationnel indépassable.
Toute la tendance qui définit la société
comme réseau de communication fait des sciences de la communication une
science architectonique. Lucien Sfez a bien trouvé la notion qui charrie
la théorie communicative de J.Habermas : « Dans le
lebenswelt , il y a un holisme de base ».577(*) Plus en
détails : « la communication est dans le social, dans la
langue qui est sociale, dans l'implicite, le pré-jugé. La
communication n'est pas machinique , mais compréhensive. Elle
émerge au moment de ruptures. Le vécu du monde est capté,
technisé par des acteurs responsables. Il est alors transformé et
colonisé. »578(*)
L'objet central de la philosophie même aujourd'hui
pourrait être la notion de « forme de vie ». Le
« siège de la vie », autrement dit , est une notion
qui remonte officiellement à Edmond Husserl non sans
relativiser579(*), elle
a pris une grande importance avec la révolution linguistique et
pragmatique en philosophie sous le concept de « forme de la
vie » chez Ludwig Wittgenstein, avec le « monde
vécu » pour Jürgen Habermas, avec « bak
ground » chez John Searle, avec Habitus chez Pierre Bourdieu.
L'acception primitive est la même, la notion corrobore avec raison une
visée pratique pour dépasser le mentalisme des temps moderne les
notions de compétence, de capacité et de ressource de base dans
l'apprentissage avec Noam Chomsky.
Le monde vécu renvoie aussi à la
métaphore de la toile chez E. Cassirer : « la toile n'est
pas un produit fini qui s'étudie comme un objet quelconque, c'est
plutôt un processus, une modification permanente, le ` tissu culturel' en
devenir. »580(*) Mieux, « la toile (notre cybermonde) doit
être comprise comme un entrecroisement, ce qui rappelle l'image du
symbolique comme focus , lieu de textiles et optique servent la
même cause , le dépassement du dualisme pour une relation
dynamique des parties. »581(*) Les mots comme réflexion, réfraction,
toile, voile, et autres semblables sont tirés du monde vécu. La
réfraction est au coeur de la physique théorique
égyptienne qui a fait émerger les pyramide parce que prototype de
diamant, corps noble comme l'émeraude, et la toile (le cybermonde)
domine notre époque social.
L'idéologie de la communication « doit
régler tous les problèmes »582(*). Ce serait un lapsus ne
peut se dire dans l'optique de monde vécu comme le fait L. Sfez
«la communication envahit tous les domaines ». La communication
est toujours déjà supposée
partout : « dans la science des organisations et de la
décision ; dans les sciences exactes elles-mêmes, physiques
et biologiques contaminées par le vocable
« communication » ; sans parler, bien sûr, de
l'intelligence artificielle, de l'informatique ou des sciences cognitives.
Curieuses et forte convergence de ces différents champs. Consensus
transnational où, comme on peut le croire, nouvelle idéologie,
voire nouvelle religion mondiale en formation ».583(*)
Puisqu'on n'y est à propos de la religion, c'est aussi
ici un lapsus de la part de Lucien Sfez , au point de vue théologique et
biblique probablement d'où est emprunté la notion même, le
« siège de la vie » renvoie à la notion de
« source de vie » dans le livre de Proverbes584(*), à la notion de
« dépôt spirituel » dans les épitres
à l'Eglise, à la même expérience comme une
connaissance (apprise) par expérience . Cette compétence est la
plus grande chose dans la vie de tout homme. Nous pouvons voir la survivance de
la notion de l' « âme » et de la
« Raison » dans cette acception primitive. Comme ces
notions constituent les objets principaux de trois grands paradigmes
philosophiques : le paradigme onto-théologique avec
l' « Etre » (ce qui fait de vous vous -même),la
paradigme de la conscience la Raison (je pense je suis), le langage et la
communique dans la paradigme de la philosophie du langage initié par
Wittgenstein et anticipé par Charles Sander Peirce. Ici
l'expérience communicationnelle au niveau déjà
préréflexif tissé dans l'interlocution passé et
sédimentée dans le corpus notionnelle de la culture, dans le
langage et dans l'interaction.
Cependant, faut dire que l' « Etre »,
la « Raison » et a fortiori le « monde
vécu » (l'habitus) sont toujours analogiques. L'individualisme
absolu est un l'heure comme chez Descartes ( je pense voudrait dire nous
pensons à proprement parler dans une inter- individualité).
Analogiques nous partiellement même partiellement autre.
Partir des limites des contextes
socio- culturels
Marc Measscalck est un des spécialistes patenté
de l'interdisciplinarité en science sociale, nous allons lui emprunter
sa façon de présenter la question telle qu'il élargit la
perspective marxienne de la « causalité interne »
face à la causalité externe de structuralisme (fonctionnalisme)
ou de l'interactionnisme, dans la visée d'unifier et de
générer les nouvelles actions de développement qui collent
au contexte nouveau. Ces postulats recouvrent la sociologie des sciences de
Bruno Latour, de Laurent Thévenot, la sociologie de l'habitus de Pierre
Bourdieu, la philosophie de la culture de Charles Taylor, la logique des
sciences sociales de Jürgen Habermas, et autres.
Parc que la question de
l'interdisciplinarité se pose partout, Marc Maesschalck fait un
diagnostic intéressant sur les demandes de formations des adultes en
Belgique où il travaille avec de nombreux groupes sur le sens de
l'action collective locale : sur la fragmentation de l'espace social, sur
les nouvelles zones d'ignorance mutuelles, sur les frontières invisibles
qui divisent les sociétés postindustrielles, ainsi que sur la
manière de construire un sens commun. Il a suivi l'évolution de
la question il y a près de quinze ans. Il est devenu
perspectible que la prise de conscience de la fragilité d'un
consensus social minimum et l'incapacité des institutions existantes
évoluaient en même temps que la demande de formation. La question
elle-même a donc évolué en conséquence : il
s'agissait de lors de savoir comment agir, dans le métier
d'intervenants sociaux, pour rendre à nouveau appropriable un
« faire ensemble » ? Comment trouver les mots justes
pour réagir à des propos racistes ou tribalistes même
ici à l'Université ? Quelle attitude adopté lorsque une
politique d'assistance publique se transforme en appareil de contrôle
social (voir les relations difficiles entre les assistants sociaux et les
familles congolaises en Bruxelles) et devient elle-même un nouveau
facteur d'exclusion et d'inégalité ?
Il s'agit de trouver une manière de collaborer pour
expérimenter de nouvelles solutions, des groupes différents qui
expérimentent de nouvelles solutions collaboratrices. Il s'agit d'un
apprentissage social en situation, d'abord dans un cadre local puis dans un
cadre plus général d'expérimentalisme démocratique.
Cela consiste à prendre en compte la manière dont les structures
participatives déterminent l'engagement des acteurs individuels. Les
identités elles-mêmes se forment en cours d'action. L'enjeu
devient alors la création d'un cadre incitatif. Il faut un cadre
d'engagement des acteurs qui permette aux différents groupes
concernés et aux différents niveaux de pouvoirs impliqués
de coopérer dans la recherche de solutions et dans l'évaluation
des résultats.585(*)
En fait, « pour rendre appropriable un
processus d'action collective, il est nécessaire que les membres des
différents groupes concernés puissent expérimenter la
confiance dans un projet conçu comme une action conjointe, l'engagement
au soutien mutuel dans la réalisation de ce projet , et à termes
,l'émergence de nouveaux porte-parole intervenant dans les processus de
décisions et rendant l'action conjointe toujours plus appropriable par
les différents groupes. »586(*) L'hypothèse fondée sur une approche
pratique 587(*)de
l'intervention sociale de travail sociale s'explique comme suite : il faut
accepter une forme de déstabilisation des représentations
acquises et des croyances de base (des routines d'actions en quelque sorte)
pour se projeter dans un processus de recherche conjointe. Donc, il s'agit du
déplacement d'un processus d'apprentissage fondé sur une
communauté de reconnaissance, vers un processus d'apprentissage en
contexte de relations entre exo-groupes, basé sur la
déstabilisation des points de vue et sur la recherche conjointe de
nouvelles positions par rapport aux problèmes rencontrés.
Construire des comportements communs. Le travail social est l'aboutissement
naturel des sciences sociales dans la formation de managers sociaux ou des
animateurs sociaux au sein des nouvelles situations. Le plan pratique appelle
plusieurs disciplines pour chaque projet.
Quel est le champ d'analyse de notre recherche ? Toutes
les sciences sociales et humaines. Le champ est circonscrit par la notion de
groupe. Le concept de groupe appelle le concours de plusieurs
disciplines : la psychologie sociale, la communication des organisations,
la théorie de la gouvernance et des normes, le mangement, la
pédagogie morale, l'économie politique, le droit et la
théorie de la gouvernance, le droit, etc.
« Les expériences en psychologie sociale ont
mis l'accent sur des facteurs « organisationnels » :
Claude Flament a étudié l'influence du degré de
centralisation du groupe sur l'efficacité de la communication, Claude
Faucheux et Serge Moscovici ont montré pour leur part comment les
groupes tendent à se donner une structure en accord avec les contraintes
spécifiques de la tâche à accomplir. Les linguistes
cherchent à comprendre les logiques des communications
langagières dans des situations de travail. L'analyse de la
communication dans des groupes permet pour sa part de mettre au jour les
phénomènes d'influences, de leadership, de construction de
réseaux, de structuration qui ont cours dans les ensembles humains de
toutes natures ».(Ibid.,p.164). On peut étudier, pris
positivement l'autonomie du groupe, l'organisation transversale,
l'équipe-projet, la participation,...
L'optique de la communication des organisations prend en
compte la compétence et la stratégie communicationnelles des
acteurs, les identités et les histoires individuelles, l'existence d'une
culture et de code de communication commun, de supports et des canaux
appropriés, un contexte (économique social, hiérarchique,
matériel et physique), une situation particulière, etc.( Philippe
Cabin (Dr),2008,p.167).
Un procéduralisme de
groupes à groupes
Au plan théorique, disons que face à ces enjeux
ci-hauts décrits le modèle procéduraliste et non
substantialiste, était d'un apport incontestable, l'éthique de la
discussion de Jürgen Habermas et de Karl Otto Appel, le modèle
reconduit par l'éthique de la reconnaissance d'Alex Honneth. Mais les
choses ont changé avec des nouvelles questions, i.e., des questions qui
ont apparu liés à l'insécurité et la violence
terroriste, notamment avec la montée de l'extrémiste qui a suivi
septembre 2001, et les stratégies de l'endiguer qui se sont poursuivit
jusqu'à la mort Ben Laden ce lundi 1 mai 2011. Il s'agissait de
l'apprentissage de valeurs de base implicites à la coopération,
question qui supplantait celle de la construction de la confiance et du respect
des règles d'élaboration d'un consensus équitable entre
groupes. Il s'agissait en effet de principes fondamentaux de respect à
la vie, d'un vivre en commun, d'engagement, de souci d'autrui, etc. C'est
devant la montée de l'extrémisme terroriste et de
l'insécurité subséquente en Occident, devant les
transformations multiples de nos sociétés traditionnelles qui ont
rendues caduque les dispositions institutionnelles de gestions collectives.
L'effet des monopoles des entreprises de colonisation en Afrique et les outils
résiduels qui sont restés, il s'est produit des écarts
entre le discours, les institutions et la nature laissant des problèmes
béants. Plusieurs aspects de nos coutumes sont de venus obsolètes
à la réalité moderne.
La nature de la crise qui sévit rudement dans notre
pays n'est pas facilement diagnostiquée. Les mécanismes
institutionnels dominants sont devenus formels, ils n'assurent pas
l'effectivité des normes de gestion collective. La crise
régulatrice des nos sociétés donnent l'impression de
laisser nos intellectuels pantois et la population défaitiste. La
nouvelle forme de légitimité.
Le pouvoir de l'action conjointe devait être mis en
avant entre groupes, et non entre individus, par rapport à une
stratégie de partage de l'espace et de neutralisation des redescriptions
privées du lien dans l'espace public. « C'est donc de la
relation exo-groupes elle-même que peut survenir un changement d'attitude
à l'égard de l'action et non d'une modification des
propriétés individuelles des acteurs. »588(*) Il fallait ipso facto une
rupture de l'approche pragmatique avec les approches postérieures des
groupes. Le tournant pragmatique se dédouble avec l'hypothèse de
Marcel Tshiamalenga Ntumba qui préconisait à l'endroit de
Habermas de partir des groupes et non des individus, de l'interaction
entre groupes pour des problèmes écologiques de l'heure, en
stigmatisant l'anthropocentrisme.
Partir de projets communs comme
processus intégrateur
Le savoir s'apparente à « la
vérité (qui) n'est qu'une stratégie de reconnaissance
sociale consistant à s'associer d'autres dans un projet
commun. »589(*) Ainsi « il n'existe pas une
vérité pure, séparée de l'ordre de sa production
stratégique, entièrement explicable comme processus mental, une
essence de la vérité. »590(*)
Justement ,le savoir social ne peut être
séparé de la pratique (jusqu'à la pratique de la
communauté scientifique ,ainsi « pour rendre appropriable un
processus d'action collective ,il est nécessaire que les membres des
différents groupes concernés puissent expérimenter la
confiance dans un projet conçu comme une action conjointe, l'engagement
au soutien mutuel dans la réalisation de ce projet et, à terme
,l'émergence de nouveaux portes -paroles intervenant dans le processus
de décision et rendant l'action conjointe toujours plus appropriable par
les différents groupes.»591(*)
Karl Marx va privilégier le conflit et la fonction
à l'intérieur de système pour l'analyse des
sociétés humaines, Marx fait la lecture conflictuelle de toute
société, comme inscrite dans l'évolution
dialectique d'une « causalité interne » face
à une causalité externe de type mécaniste comme chez
René Descartes : pour Marx toutes sociétés restent
perpétuellement en crise, en nouvelle crise. Ferdinand de Saussure va
mettre en avant la « règle » comme Descartes sinon
toute l'Europe. C'est en fait une diversion tactique pour induire en erreur,
alors qu'elle croit au postulat de Marx. L'interdisciplinarité se
justifie par et en Marx. Bruno Latour, Laurent Thévenot, Pierre
Bourdieu, Jürgen Habermas et autres philosophes des sciences ne jurent que
par lui.
Lévi- Bruhl va mettre en exergue la
« norme » substantielle, une autre diversion, dans la
recherche en langues : nous aurons l'existence des prétendues
langues civilisées et celle des langues anormales et sans culture ; en
anthropologie, nous serons en face d'une mentalité anormale et mystique,
prélogique. Comment penser l'interdisciplinarité en science
sociale aujourd'hui pour sauver nos sociétés africaines ?
CHAPITRE
TREIZIÈME :
LES THÉORIES DE
L'ACTION DANS LES ANALYSES DE CONTENU, EN SCIENCES DU LANGAGE ET L'ONTOLOGIE
SOCIALE EN SOCIOLOGIE
Comment mettre en exergue la notion de l'action dans les
méthodes d'analyse des récits ? Il y a plusieurs
méthodes, nous allons essayer d'en présenter quelques unes. Nous
allons analyser chaque discours pour identifier ce qui se passe : une
action, un désir ou une relation. Pour nous la démarche
actionniste en sciences sociales devait être particulière à
l'Occident du fait de l'individualisme dominant. Habermas à la suite de
Talcott Parson reconstruit le Tout et ses parties par le concept de
systèmes d'action social et au moyen du postulat de la situation de la
parole reconstruit le concept de monde vécu tiré de
l'anthropologie, et des sociétés dites primitives (la
société, la culture et la personnalité). Les africains qui
vivent encore le poids des structures sociales traditionnelles suivent un peu
aveuglement ces théories même si les actions et les structures
sont méthodologiquement inextricablement unies.
Analyse de contenu actionniste de
la pragmatique du récit
La pragmatique du récit consiste à
déterminer les conditions de l'énonciation, c'est-à-dire,
le moment, le lieu et l'identité des co-locuteurs. Ensuite nous
construisons les personnages ou organe en cherchant essentiellement des
contradictions entre deux éléments de la description
d'un même personnage ou organe. La pragmatique du récit tente
d'étudier les « embrayeurs » pour analyser les
différentes actions au sein d'un texte. Ce repérage dépend
soit des embrayeurs soit de l'énoncé lui-même (nous
travaillons plus sur les énoncés). L'objectif de la recherche est
certes de détecter la prééminence de certaines actions ou
de certains acteurs.
L'analyse pragmatique des embrayeurs et/ou des
énoncés des textes permet à ce que le rôle, le
statut et la place des acteurs soient bien identifiés, ce qui permet
aux interlocuteurs de se reconnaître dans une position sociale,
d'éviter les mal- entendus, les conflits, et d'assurer la
crédibilité. L'identité situationnelle du locuteur est
repérable dans l'énonciation. Ce repérage montre l'enjeu
identitaire sous-jacent. Cette méthode va dans le sens de l'analyse de
modèle de Roman Jackson.
En effet, ce modèle de communication a
été proposé par le linguiste russe Roman Jakobson, son
point de vue se cristallise non sur la transmission de message mais bien
plutôt sur le message lui-même. Ce modèle est composé
de six facteurs et à chaque facteur est lié une fonction de
message. Au facteur de code ou du symbolisme par exemple est lié la
fonction métalinguistique du message. Il s'agit du code ou du symbolisme
utilisé pour la transmission du message.
Le schéma de communication de
Jakobson : un récit a un auteur, le narrateur, le destinataire
(même virtuel), le destinateur, le contexte, leur degré
d'interaction (voir la pragmatique), bref, les facteurs de la communication,
etc. Notons par ailleurs que ces travaux sont liés à l'impulsion
linguistique de Ferdinand de Saussure, et philosophiquement de John L. Austin.
Nous pouvons joindre au schéma classique de la communication un objet
d'étude communicationnelle (id est : pour un émetteur, un
fait (contenu de message), une intention, une relation, etc.).
Nous cherchons donc à partir de la situation
de communication non seulement les données objectives sur le destinateur
et le destinataire mais également les représentationsmentales ou
sémiotiqueque possèdent le destinateur de lui-même et de
son « public ».
PourP. Watzlawick, J. Helmick-Beavin et D. Jackson, dans leur
livre intitulé (Une logique de la communication)
aborde, la pragmatique de la communication, c'est-à-dire les effets
(de la communication) quant au comportement ».592(*) Du point de vue qui est le
leur, il y a interchangeabilité de deux termes : communication et
comportement. Les données de la pragmatique ne sont pas simplement les
mots, leurs configurations et leurs sens (...) mais aussi leurs concomitants
non-verbaux et le langage du corps.
La pragmatique intègre, « aux actes qui
relèvent du comportement individuel les signes qui sont de l'ordre de la
communication et qui sont inhérent au contexte où se produit
cette communication »593(*). Les effets pragmatiques de ces combinaisons dans
des situations interpersonnelles constituent l'objet de cette
étude.594(*)
Il y a quelques propriétés du système que
nous rappelons : le concept de totalité, de circularité dans
le système, l'expression de la rivalité symétrique. Il y a
les systèmes de rétroaction dans le système correspondant
exactement à la symétrie (rétroaction positive,
écart amplifié) et à la complémentarité
(rétroaction négative, effet stabilisateur)595(*). Nous sommes en
présence d'un système, de provocation réciproque qu'aucune
des parties ne peut interrompre596(*).
La pragmatique de la communication est une critique d'une
approche historique qui permet de savoir dans quelle mesure un système
peut s'expliquer par un ensemble de lois qui ne dépend pas du
passé.597(*)
C'est une interaction dans le présent, un système en
interaction.
Dans chaque cas, le contenu est totalement différent,
mais la structure est pratiquement identique et ils parviennent à une
stabilité momentanée598(*). Il existe des règles communes concernant la
manière dont le jeu doit se dérouler. Ces règles
spécifient la règle fondamentale de système et donnent sa
valeur à la victoire (ou à la défaite) à
l'intérieur du jeu599(*). Ce processus d'interaction fonctionne comme un
système. Il y a échanges « sur des périodes de
temps relativement grandes, ces échanges sont cumulatifs, et
revêtent un ordre qui, bien qu'abstrait, est cependant essentiellement
constitué de processus séquentiel. »600(*)
Nous sommes devant « un système en
interaction : ce qui se passe entre deux ou plusieurs partenaires en train
de définir la nature de leur relation. »601(*) En même temps
« les modèles de relation existent indépendamment du
contenu, même si dans la vie réelle, ils sont toujours
manifestés par et à travers le contenu 602(*)
En ce sens comme le disent P.Watzlawick , J. Helmick- Beavin
et D.Jackson : « on peut voir dans la digression ...des
provocations sous le masque de la défense. Comme telles, elles sont un
phénomène de communication fort intéressant, mettant en je
la disqualification, le refus de la communication ».603(*)
Analyse de contenu selon la
théorie actionniste du récit de Gérard Genette
La narratologie à la suite de Gérard Genette a
trois sens du mot récit. Le récit est un
« énoncé narratif, le discours oral ou écrit qui
assure les relations d'un événement ou d'une série
d'événements ».604(*) Le récit peut être compris
également comme une succession d'événements, réels
ou fictifs, qui font l'objet de ce discours, et leurs diverses relations
d'enchaînement, d'opposition, de répétition, etc.
605(*) Le récit
signifie encore, un événement : non plus toutefois celui qui
consiste en ce que quelqu'un raconte quelque chose : l'acte de narrer
lui-même.606(*)
Gérard Genette formule « les
problèmes d'analyse du discours narratif selon des catégories
empruntées à la grammaire du verbe » (mode, temps, et
la voix.).607(*) Cette
étude prend en compte trois divisions élaborée par de
Genette à la suite de Tzvetan Todorov. En effet, cette division classe
les problèmes du récit en trois
catégories : « celle du
temps, »où s'exprime le rapport entre temps de
l'histoire et celui du discours » ; celle de
l'aspect, »ou la manière dont l'histoire est
perçue par le narrateur » ; celle du mode,
c'est-à-dire « le type de discours utilisé par le
narrateur ».608(*)
Gérard Genette s'intéresse aux
événements ou aux histoires qui sont réellement
relatés par un narrateur. Dans son optique, l'histoire relatée,
c'est le signifié ou le contenu narratif ; le récit, c'est
le signifiant, l'énoncé, le discours ou le texte narratif
lui-même ;et narration ,c'est l'acte narratif producteur. Le temps
et le mode jouent tous les deux au niveau de définition du récit
entre histoire et récit, tandis que la voix désigne à la
fois les rapports entre narration et récit, et entre narration et
histoire609(*).
La théorie de récit s'occupe concrètement
dans le texte des traces, marques ou indices repérables et
interprétables, tels que la présence d'un pronom personnel
à la première personne qui dénote l'identité du
personnage et du narrateur ou celle d'un verbe au passé qui
dénote l'antériorité de l'action racontée sur
l'action narrative610(*).
Perspective narrative
C'est un mode de régulation de l'information qui
procède du choix (ou non) d'un « point de vue ».
Cleanth Brooks et Robert Penn Warren ont proposé sous le terme de foyer
narratif ou point de vue une typologie à quatre termes, que nous
adaptons à un récit journalistique comme suite:
Tableau de Foyer narratif inspiré de la
narratologie de G. Genette611(*)
|
Evénements analysés de l'intérieur
|
Événements observés de l'extérieur
|
(Narrateur) journaliste présent comme personnage dans
l'action
|
(1)Un acteur (héros) raconte son histoire
|
(2)Journaliste comme témoin raconte l'histoire du
héros
|
Narrateur -journaliste absent comme personnage de l'action
|
(3)Le journaliste analyste, omniscient raconte l'histoire
|
(4)Le journaliste raconte l'histoire de l'extérieur.
|
La notion de perspective évoque la dimension de
l'aspect du récit .La catégorie de l'aspect recouvre les
questions du « point de vue » narratif.612(*) On étend par
perspective de narration d'un récit ou d'un événement
médiatisé ou non une certaine façon de réguler
l'information basée sur le choix d'un point de vue. Le problème
fondamental ici est celui de présenter une théorie narrative par
le biais de la typologie genettiènne que nous adaptons au domaine de la
presse écrite de la manière ci-dessus.
Analyse de contenu selon le
schéma actantiel de Julien A. Greimas
C'est l'application du modèle non de l'artisan mais de
la scénographie, c'est la théorie de l'action dramaturgique.
Tesnière compare l'énoncé élémentaire
à un spectacle : selon la syntaxe traditionnelle, le sujet
est « quelqu'un qui fait l'action » ;
l'objet, « quelqu'un qui subit l'action ». La
proposition dans une telle conception, n'est en effet, qu'un spectacle
où le contenu des actions change, les acteurs varient et
l'énoncé spectacle reste le même613(*). Un spectacle simple est une
structure actantielle où le modèle actantiel est emprunté
à la syntaxe. L'opposition des actants syntaxiques, c'est-à-dire
entre le sujet et l'objet, ou entre destinateur et le destinataire doit
être compris comme telle. Les actants du conte populaire, à
l'occurrence russe, sont transposés dans un modèle de texte
journalistique. Cette conception est aussi proche de celle de Oswald Ducrot et
de Tzvetan Todorov, qui considèrent la production
linguistique : « soit comme une suite de phrases,
identifiée sans référence à telle apparition
particulière des ces phrases ; soit comme un acte au cours duquel
ces phrases s'actualisent, assurées par un loculaire particulier, dans
des circonstances spatiales et temporelles
précises »614(*).
La théorie du récit de Gérard Genette se
soucie plutôt des problèmes de l'énonciation
narrative : omission d'information, altération d'information, la
mise en exergue du point de vue du narrateur au détriment de la
réalité, l'absence du narrateur à
l'événement, etc. A.J.Greimas, dans son livre
intitulé, sémantique structurale, Librairie
Larousse, « langue et langage », 1966, Paris, donne
une réflexion fort riche sur les modèles actantiels dont nous
nous inspirons.
Il y a plusieurs modèles actantiels : mythique,
théâtral, syntaxique et de conte. Nous retenons les
catégories de Greimas qui se stabilisent en quelques invariants
d'actants : sujet, objet, destinateur, destinataire, opposant et
adjuvant. « Sa simplicité réside dans le fait
qu'il est tout entier axé sur l'objet du désiré
visé par le sujet, et situé, comme objet de la communication,
entre le destinateur et le destinataire, le désir du sujet étant,
de son coté ,modulé en projections d'adjuvant et
d'opposant »615(*). Ce modèle s'occupe du contenu de la
communication. Notre analyse va dégager le contenu de la communication.
Les actants sont des classes d'acteurs qui ont une
sphère d'activité déterminée. La définition
actantielle du conte populaire russe est un récit à sept
personnages, etc.616(*)
Ces actants de conte différent de ceux de la syntaxe que nous avons
évoqués.
Un schéma actantiel est une extrapolation d'une
structure syntaxique. Le sujet S recherche un objet O dans
l'intérêt de D2 (destinataire). Dans cette recherche le sujet a
des alliés A (adjuvants) et des opposants (OP). Le destinateur
apparaît comme un complément de cause. Ainsi nous trouvons les six
fonctions dans le récit (qui sont les 6 forces dans un drame) :
Destinateur Sujet Destinataire
D1---------------> S ------------> D2
A----------------> O <------------- OP
Adjuvants Objet Opposants
Le concept de l'action sociale
comme objet des sciences sociales et humaines aujourd'hui
Jürgen Habermas résume bien la situation des
théories de l'action consécutive aux théories de structure
que nous verrons par la suite. A propos, dans le contexte de la théorie
philosophique de l'action, Jürgen Habermas montre qu'il y a
« quatre concepts d'actions devenus pertinents pour la formation de
la théorie des sciences sociales »617(*) :
- Le concept de l'agir téléologique se trouve
depuis Aristote au centre de la théorie philosophique de
l'action ;
- Le concept de l'agir régulé par les normes
...concerne au contraire les membres d'un groupe social qui orientent leur
action selon des valeurs communes ;
- Le concept de l'agir dramaturgique concerne les participants
d'une interaction, qui constituent réciproquement pour eux-mêmes
un public devant lequel ils se présentent ;
- Le concept de l'agir communicationnel concerne l'interaction
d'au moins deux sujets capables de parler et d'agir qui engagent une relation
interpersonnelle (que ce soit par les moyens verbaux ou extra- verbaux).
La critique de Jürgen Habermas pour les trois
premières actions tient au fait que pour ces trois autres modèles
de l'action le langage est conçu unilatéralement, cela lui permet
de critiquer l'agir stratégique (stratégie marketing en
économie, en politique, et dans l'art de la guerre),l'agir
régulé par les normes à partir de la praxéologie de
Marx Weber, de l'interactionnisme symbolique de G.H.Mead élaborée
à partir de l'action dramaturgique de rôles , de
l'ethnométhodologie de Garfinkel, pour introduire son concept central de
l'agir communicationnel et du monde vécu (Jürgen Habermas). Le
schéma de compréhension constructiviste est que la théorie
de l'action rejoint la théorie de connaissance.
L'intentionnalité ou l'action de l'acteur fait appel
à plusieurs théories de l'action à partir non pas du Tout
abstrait (le social sans sujet) mais de l'acteur incrusté dans l'univers
d'interprétation collective, de son intentionnalité que Habermas
reconstruit et dépasse par le concept de monde vécu.
Nous pouvons dans cette ligne signaler la théorie de
l'action sociale dans une perspective analytique même si la question peut
se poser aussi du point de vue phénoménologique. Nous pouvons
aussi aborder cette étude du point de vue de la philosophie du langage
et de la phénoménologie. Notre approche pourrait s'inspirer des
théories philosophiques logico- sémantique, pragmatique et
intentionnelle ou cognitive.
Il ne nous faudra pas insister, c'est notre thèse, pour
répéter le fait que tout le programme, de la théorie des
systèmes aux théories de l'action en passant par le cognitivisme
tourne autour de la question du Devenir dans ses rapports avec la
conscience, le langage et l'action. Claude Lévi-Strauss s'est
aidé des règles de la linguistique, spécialement de la
phonologie pour essayer de détecter les « structures
invisibles » de la réalité sociale. La phonologie au
point de vue épistémologique est un moyen théorique de
production de connaissances. Nous pouvons dire que l'approche de Claude
Lévi-Strauss considère justement que « la linguistique
moderne (est) la route qui mène à la connaissance positive des
faits sociaux ».618(*) C'est sur cette base que Lévi-Strauss s'y est
pris dans son Anthropologie structurale avec les structures
élémentaires de la parenté.
Claude Lévi-Strauss a rappelé par ailleurs
l'importance qu'il y avait dans les sciences sociales à ne pas s'en
tenir aux formes sociales empiriques pour expliquer les
phénomènes sociaux, et il a plaidé pour la
nécessité de recourir, au-delà des formes empiriques,
à leur structure conceptuelle. Le principe fondamental est que la notion
de structure sociale ne se rapporte pas à la réalité
empirique, mais au modèle construit d'après celle-ci,
écrit-il. Ainsi apparaît la différence entre deux notions
si voisines qu'on les a souvent confondues, je veux dire celle de structure
sociale et celle de relations sociales. Les relations sociales sont la
matière première employée pour la construction des
modèles qui rendent manifeste la structure sociale elle-même
».619(*) Et :
« Les formes sociales d'association sont des structures, et les
modèles théoriques qui les expliquent sont aussi des
structures ».620(*)
La géométrie analytique de René Descartes
proche de la géométrie égyptienne antique et de la
géométrie africaine (voir le cubisme et Pablo Picasso) est
incrustée dans une philosophie onto-théologique, notamment dans
son livre intitulé Regulae ad directionem ingenii qui a, au
demeurant, influencé profondément les vues de Claude Lévi
-Strauss à l'étude d'un système matrilinéaire plus
global composé de quatre types de relations : frère/soeur,
mari/femme, père/fils, oncle maternel /fils de la soeur. Ainsi,
« la loi peut se formuler comme suit : la relation entre oncle
maternel et neveu est, à la relation entre frère et soeur, comme
la relation entre père et fils est à la relation entre mari et
femme. Si bien qu'un couple de relations étant connu, il serait toujours
possible de détruire l'autre. »621(*)
Les présupposés en jeu appellent l'étape
« microsociologique » où on espère apercevoir
les lois de structure les plus générales, comme la
linguistique découvre les siennes à l'étape infra
phonémique, ou le physicien à l'étape infra -
moléculaire, c'est-à-dire au niveau de
l'atome ».622(*) Comme « l'atomisme et le mécanisme
triomphaient »623(*) à l'époque d'avant Claude
Lévi-Strauss, Searle utilise la physique quantique dans son livre
intitulé Liberté et neurobiologie. On cherche les lois
générales de structures.
L'anthropologie structurale de Lévi-Strauss
est justement plus attentive aux formes abstraites (les modèles
hypothético-déductifs) qu'aux rapports réels auxquels
celles-ci référent, aux discours que les sociétés
tiennent sur elles-mêmes (langage de la parenté, le langage de la
mythologie) qu'aux pratiques sociales (le fonctionnement concret de ces
systèmes). Déjà ces trois axes principaux d'analyse des
phénomènes sociaux se présentent comme trois
schèmes reconstructeurs principaux en sciences sociales.
Seulement Claude Lévi-Strauss, tel que nous
l'évoquons, situe hors du temps et de l'histoire les structures logiques
qui sont censées régir la société ; il
substitue la relation logique à la relation humaine. John Searle, un
auteur néo- évolutionniste en anthropologie qui reconstruit
aujourd'hui la position d'Emile Durkheim, reste dans la même ligne du
modèle : même avec ses actes de la parole, sa logique
illocutoire, sa théorie de l'ajustement (adaptation biologique), et
autres théories dépendent encore de la philosophie
pérenne, celle du Devenir venue des traditions et des cultures
immémoriales, en l'occurrence africaine antique.
L'ontologie sociale : le
système ou la primauté de la totalité à la
primauté de théorie de l'action en sciences sociales
Une enquête d'ontologie sociale aujourd'hui cherche
à fixer l'opinion des scientifiques africains sur ces idéologies
pour - contribuer à sortir de la querelle sur 'la nature de la
réalité sociale' de certaines impasses.624(*) Par exemple, « les
critiques de concept de société (du Tout) mettent en
lumière des présuppositions philosophiques et l'incorporation non
réfléchie d'un certain nombre d'idées et de
représentations ».625(*) On le voit chez Durkheim dans le rapport
problématique entre le « tout et parties », il y a
la primauté de la société (le tout) au détriment
des personnes (acteurs) qui la compose. Jürgen Habermas critique
d'approche structuro- fonctionnaliste dépourvue de contexte, offrant une
abstraction déroutante dont il reconstruit au moyen de la pragmatique
formelle et de postulat de la situation de la parole.
On peut aussi appeler ` ontologie sociale' les recherches
relatives aux termes centraux des controverses sur le mode d'existence des
objets sociaux. Ici les arguments requièrent « une
enquête sur la signification et la justification de termes centraux en
sciences sociales et humaines, les termes d'-existence (-des -faits
-sociaux'),'état de choses','mental','physique', `social', `fait',
(agent- structure, le Tout et ses parties),...-, et sur la détermination
de leurs relations ».626(*)
La relation entre les termes centraux fait que nous passions
à une triple polarité extrême : soit de la
structure soit de l'agent ou de l'acteur ou encore soit de l'habitus ou de back
ground (interaction). Le concept d'habitus/back ground peut être
placé à la charnière entre le tout et ses parties, et donc
au milieu. Il s'agit en définitive de transformer le langage du
naturalisme et de l'ontologie enfuis dans ces présupposés
conceptuels, notamment une reprise du dualisme cartésien en philosophie
des sciences sociales.
Les théories de l'action
et les différents modèles en sciences sociales et humaines
Il est important de souligner le fait qu'en psychologie
sociale, les sciences de langage et spécialement la révolution
linguistique et pragmatique en philosophie ont initié une transformation
disciplinaire de leur catégorisation avec le postulat de
« traitement de l'information ». En psychologie
« ces vingt dernières années ont été
marquées par une évolution de fond de la psychologie
scientifique. Le débat entre le behaviorisme et le mentalisme a ouvert
une nouvelle problématique, celle du traitement de
l'information ».627(*)
En effet, la pensée a une structure langagière.
La mémoire également a une structure langagière contenant
des réseaux sémantiques. L'étude de la transformation de
la logique formelle en logique de situation menée par des psychologues
intègre donc la triple question de mémoire, d'apprentissage et de
langage.(voir la théorie de l'expression
référentielle).
Le traitement de l'information est aujourd'hui au centre de la
psychologie sociale, il commande l'étude de comportement. En parcourant
la littérature psychologique classique , il est surprenant de
constater que la psychologie sociale qui étudie des
problèmes sociaux a, dans le fond, accordé peu
d'attention au postulat de traitement de l'information ,et quand elle l'a
fait, elle l'a fait de façon dérivée en l'incluant
dans le cadre de théories plus générales.
Aujourd'hui lorsque les psychologues ont ressenti la
nécessité de disposer d'un modèle théorique
d'unir les différentes branches de la psychologie, ils ont tout
naturellement cherché leur inspiration auprès des
théories du langage et de la communication humaine , d'où
leur référence de base devient le modèle
proposé en 1949 par Shannon et Weaver dans le cadre de la
théorie de l'information. 628(*) La quasi totalité des recherches sont
devenues centrées sur les changements de comportement qui se
produisent à la suite d'une communication dans la quelle une
ou plusieurs personnes expriment leur points des vue.
En fait, la psychologie sociale lorsqu'elle traite de
communication a adopté le schéma ( émetteur ?
récepteur) , la majorité des études s'effectuent
dans le cadre de l'influence de la communication sociale en
étudiant plus particulièrement la communication persuasive.
Aujourd'hui ,on est passé d'une conception behavioriste de la
communication à une conception cognitiviste, d'une conceptualisation
de la communication en termes de transmission de l'information
à la construction de la référence (Higlion, 1986,
1988,1989) , de l'étude de la situation persuasive à
la source du message.
Les relations établies entre les agents peuvent
être soit stratégique soit coopérative (coordonnée).
L'action stratégique renvoie au marketing commercial ou politique,
elle se démarque de l'action coopérative. Le fonctionnalisme
systémique utilise le médium langagier, l'interactionnisme
symbolique et l'ethnométhodologie utilisent le rôle,
ethnométhodologie et la théorie de l'agir (l'action)
communicationnel utilise le monde vécu et l'interprétation
collective des situations.
Une ontologie sociale en
sociologie
En sciences sociales, le constructivisme vise à contrer
l'éparpillement des théories, qui appelle un recentrage. C'est le
travail auquel s'attelle Michel Freitag, qui essaie
de « reconstruire l'ensemble du projet
sociologique (partant d') un questionnement du niveau
ontologique ».629(*) Il reprend pour cela à Durkheim quelques
questions : « dès l'instant où l'on y
réfléchit, il semble évident que toute théorie
sociologique doit s'appuyer en amont sur une conception ontologique de son
objet d'étude et de poser de questions telles que celles-ci :
quelle est la nature de la réalité sociale ? Quel est le
mode d'être de ce que l'on nomme
« société » et celle-ci a-t-elle une
réalité concrète ou n'est-elle qu'un mot ? Comment
s'établit le lien entre pratiques individuelles et
« structures » collectives ?
Etc. ».630(*)
Michel Freitag adopte une posture intermédiaire qui met
en exergue la spécificité de la socialité humaine.
Rappelons que la série des questions de portée ontologique n'est
pas exhaustive, nous pouvons y ajouter celles qui veuillent savoir
: « quelle est la spécificité de l'action et de la
socialité humaines, (...) qu'est-ce qui structure et oriente
l'action ? »631(*) En guise de réponse, à propos de la
question de la spécificité de la socialité humaine, on
peut dire que la pratique significative marque la
spécificité ontologique de la socialité proprement
humaine. Cette dimension n'est pas suffisamment mise en exergue chez Durkheim,
du moins dans son livre intitulé Les règles de la
méthode sociologique.
En fait, de ce qui précède Michel Feitag
construit une « théorie générale du
symbolisme », (...) il montre combien l'adoption non
réfléchit des modèles issus des sciences de la nature par
les sciences humaines est problématique à plusieurs
niveaux ».632(*) Ajoutons que pour Yves Bonny, Michel Freitag
réinscrit la catégorie de la « pratique
significative » dans la catégorie plus large de
l' « activité » au travers de la quelle ce
rapport s'établit en acte ».633(*) On peut percevoir ici une conception proche de la
philosophie analytique qui bannit le dualisme du type kantien entre la critique
de la raison pure et celle de la raison pratique.
Déjà il faut dire que ce questionnement touche
à ce que l'on appelle l'essence des sciences sociales. Parce que leur
portée ne saurait être limitée à un plan
« épistémologique » compris en un sens
restreint. Car elle véhicule avec elle des implications aussi bien en
matière de théories sociologiques en général et de
méthodologie qu'en ce qui concerne l'inscription du discours
sociologique et plus généralement des sciences humaines dans la
société ».634(*)
A propos Emile Durkheim s'inspire largement de la
philosophie de la nature soit de la géométrie analytique de
René Descartes. Le mode d'être des faits sociaux ne se calque pas
sur les choses comme Durkheim l'affirme, mais ils comportent en eux-mêmes
leur mode d'être propre.
L'ontologie sociale est une pratique qui est aujourd'hui
largement acceptée par la communauté scientifique. Chaque science
sociale a ses particularités. La science politique, par exemple, table
ontologiquement, outre sur le statut de la réalité sociale (Etat,
nation, société civile, mouvements des masses,...) sur les
conditions de son écriture.
La sociologie classique
Alban Bouvier a entrepris
de présenter une épistémologie de la sociologie qui,
justement « repère dans l'histoire de la sociologie, trois grandes
orientations, trouvant leurs racines dans la philosophie et mettant en place au
tournant du siècle : la tradition durkheimienne, avec son
arrière-plan comtien, la tradition wébérienne et
simmelienne, rattachable à Kant et la tradition empiriste, courant de
Locke, Hume, Mill à Tarde et Pareto. Ces traditions sont
caractérisées par
leurs « paradigmes » : culturaliste et holistique
dans le premier cas, actionniste et interactionniste dans le deuxième,
rationaliste et sceptique dans le troisième ».635(*) Durkheim partage avec Auguste
Comte son positivisme. Ainsi Alban Bouvier parle-t-il, également
à juste titre « de l'arrière -fond philosophique de la
tradition durkheimienne ou de la référence de Durkheim et
de Mauss à Kant dans leur programme de sociologie des
catégories ».636(*)
Durkheim partage avec Descartes, le fondateur de la
philosophie moderne, son « mécanisme » et essaie de
résoudre le problème proprement philosophique du fondement de la
connaissance analysé par Emmanuel Kant. Ses problèmes sont aussi
ceux de Kant : si Durkheim a de l'intérêt pour les
représentations, il n'en a aucun pour ainsi dire, pour les
opérations cognitives ou cognitivo -linguistiques. Pourtant Emile
Durkheim distingue au point de départ la sociologie de la philosophie,
il voulait reconstructivement dépasser le fait de son
temps : « jusqu'à présent, disait-il, la
sociologie a plus ou moins exclusivement traité non de choses, mais de
concepts »637(*). Il ajoute paradoxalement à propos de la
sociologie qu'elle « n'implique donc aucune conception
métaphysique, aucune spéculation sur le fond des
êtres ».
Par rapport à la philosophie du langage Durkheim est
antipsychologiste. Selon Alban Bouvier, « on n'est
effectivement pas loin de retrouver certains des arguments de Durkheim contre
la psychologie ».638(*) Durkheim est « externaliste »,
les faits sociaux sont des synthèses externes aux individus.
« Ce qui intéresse Durkheim, c'est
l' « anti-prédicatif », c'est-à-dire ce
qui, dans le processus de socialisation, précède en quelque sorte
toute mise en langage ; de toute façon, ce n'est pas le
cognitif ».639(*) La pragmatique reprend à son compte la
dimension du langage.
Nous ouvrons une parenthèse pour faire remarquer que
Jürgen Habermas est, en fait, guidé par des préoccupations
d'ordre beaucoup plus interactif qu'holiste ou culturaliste,il est
systémique tout en dépassant le simple interactionnisme vers
l'aspect post-analytique de la communication et de monde vécu . Il
s'agira d'étudier le processus interprétatif par lequel
s'opère la projection du social dans le cognitif.640(*) Il s'agit à
proprement parler d'articuler, question pendante, la reconstruction du dualisme
entre ce qui est objectif et ce qui est subjectif.
L'apport de la sociologie
compréhensive et de la sociologie du savoir
La connaissance fonde ici l'action. Autrement dit, pour
Habermas, « étant donné que l'observateur et le sujet
observé participent de significations culturelles
intégrées au système du langage que l'un et l'autre
emploient dans la communication, les significations quotidiennes et le langage
particulier dont fait usage le sociologue forment un élément de
base de la mesure des actes sociaux ».641(*) Ce programme consiste
à dégager la structure transcendantale du monde vécu
social intelligible, illustré sur fond de l'oeuvre théorique
d'Alfred Schütz depuis les années 20.
Arthur Schütz a beaucoup appris au contact de la
tradition pragmatiste, notamment de John Dewey, qui affirmait le fait que
« toute enquête commence et finit par la matrice
socioculturelle »642(*). L'oeuvre de Schütz dont La construction du
monde social a paru en 1932 ; allusion et contre partie de La
Construction logique du monde de Carnap, elle ajoute à la
visée de la sociologie du savoir une sociologie
phénoménologique. La tradition de la sociologie du savoir
bénéficie, à l'origine, de l'apport bien
précèdent Cicourel et Schütz, de Max Scheler avec ses trois
traités réunis en 1926 sous le titre (Les Formes de savoir et
la société) qui est en fait un des fondateurs de la
sociologie du savoir. Scheler a, selon Habermas, le mérite d'avoir pour
la première fois introduit avec sérieux dans la discussion
allemande des pensées issues du pragmatisme américain avec son
livre.
Nous partons du fait qu'il y a un type d'action se transmet
par le langage ordinaire. Nous pouvons justement en profiter, ce que nous
ferons largement avec Searle, pour montrer les liens qui existent entre la
philosophie du langage ordinaire et la sociologie du savoir compris comme
analyse de la réalité quotidienne. Ces deux approches ont ceci de
commun qu'elles semblent s'écarter des théorisations
scientifiques souvent fort éloignées de la vie quotidienne. Le
courant constructivo- analytique s'approprie ce programme d'une façon
critique. Le programme de la construction de la réalité sociale
de John Searle comme nous le verrons s'inscrit largement dans la ligne de la
sociologie du savoir de Cicourel et d'Alfred Schütz.643(*)
Un des postulats de cette sociologie du savoir est que
« les concepts scientifiques doivent partir des schèmes
interprétatifs des acteurs eux-mêmes. Les constructions
conceptuelles puisent dans les réserves du savoir préalable qui,
transmis par la tradition, guide et interprète la pratique quotidienne,
et en même temps les reconstruisent. Les constructions scientifiques se
situent au second degré ».644(*)
En fait, la mesure précise des sciences empiriques du
processus social requiert d'abord l'étude du problème de la
signification dans la vie quotidienne. Ainsi, « la sociologie
compréhensive revendique comme son domaine propre ce qui est
présupposé, à l'arrière-plan des sciences sociales,
empirico- analytique ».645(*) L'hypothèse qu'il développe est bien
la suivante : « La fondation phénoménologique de
la sociologie compréhensive fait éclater le cadre d'une
méthodologie générale des sciences
empiriques ».646(*)
Cette sociologie « ne cherche nullement à
exclure la mesure adéquate des faits sociaux ; elle veut au
contraire la rendre possible ».647(*) Cicourel espère obtenir explicitement, en
saisissant les structures du monde quotidien, un système de
référence qui détermine toujours déjà
implicitement la transformation de l'expérience communicationnelle en
données mesurées.
Plusieurs points d'encrages sont envisageables ; nous
allons d'emblée en relever la question fondamentale qui lie la
sociologie de la connaissance particulièrement. Selon Peter Berger et
Thomas Luckmann, nous allons ici tirer un extrait : « la
sociologie de la connaissance envisage la réalité humaine comme
une réalité socialement construite. Comme la construction de la
réalité a traditionnellement constitué un problème
central de la philosophie, la perspective détient des implications
philosophiques ».648(*)
Il y a aujourd'hui de plus en plus des approches ou des
méthodologies en sciences sociales qui, pour saisir le social, part des
agents individuels, c'est-à-dire de l'acteur tel qu'il est
incrusté dans le champ social d'une interprétation commune,
l'inverse de ce qui se faisait avant les années 1970 en Europe. La
raison est due à la volonté de chercheurs de dépasser les
abstractions récurrentes d'une approche structuro-fonctionnaliste
fondé sur la primauté de la totalité. L'Afrique commence
comme toujours à suivre ce mouvement : est-ce justifiable ?
Les paradigmes et les méthodes évoluent selon
que le chercheur est devant la primauté de la structure (la
totalité) ou la primauté de l'acteur (agent) ou `entre deux
(interaction /habitus). Les enquêtes par questionnaire et les
sociétés à classes privilégient les structures qui
conviennent avec le structuro-fonctionnalisme, l'entretien semi-direct vise les
singularités sociales des acteurs qui se trouvent en décalage
avec leur destin social, l'observation participante est consécutive
à la découverte de l' « Autre »,
l'entretien compréhensif et le récit de vie vise la prise en
charge individuelle des acteurs, etc. Et le constructiviste aujourd'hui
est de type actionniste sur base de la connaissance distribuée
collectivement.
Contrairement à ce que certains chercheurs africains
insinuent et pensent, les « réalités
sociales » africaines sont étudiées dans les
mêmes contextes théoriques de base des sciences sociales
occidentales, avec des concepts paradigmatiques et méthodologiques de
base connus (le Tout ( structures et systémique) et les parties
(acteurs), actions, habitus(interaction), la situation de la parole
incrusté dans un contexte (pragmatique formelle), système
d'actions, monde vécu (personnalité, société
,culture),etc.). Le problème se pose idéologiquement :
substantialisation des Sujets noirs, canonisation d'une psychologie
esclavagiste et colonialiste de captivité, une Autre humanité,
etc.
La philosophie des sciences sociales mobilise aujourd'hui des
philosophes qui s'efforcent d'être informés de l'état des
recherches empiriques , de leurs limites mais aussi de leurs
résultats ; en tant que telle, elle n'est plus seulement une
méthodologie, elle reconnaît des relations à
l'épistémologie et prend au sérieux les questions que l'on
appelle aujourd'hui l'ontologie sociale, une redéfinition des concepts
centraux en sciences sociales : fait social, structure sociale, action
sociale, etc. Repenser fondamentalement les sciences revient aussi à
subsumer ces présupposés.
Ces constats d'intrusion de la philosophie ne préjugent
pas une sorte de supériorité de la philosophie par rapport aux
sciences sociales. Il y a des liens de réciprocités ou de
discontinuité. L'inspiration durkheimienne ou même celle de Pierre
Bourdieu sont de plusieurs côtés puisées dans la
philosophie ; ces liens doivent être pris en compte pour
rénover les approches, ce que la plupart des spécialistes en
sciences sociales en Afrique ne semblent pas mettre suffisamment à
profit.649(*)
En effet, sans vouloir placer la philosophie dans une position
illusoire de supériorité ,rappelons des propos qui nous
conviennent parfaitement dans ce contexte, avec Renée Bouveresse , une
« controverse a semblé évidente entre l'activité
philosophique et celle des praticiens des sciences humaines, aboutissant
à un accord à l'amiable et à une répartition des
rôles :les sciences humaines (et sociales) des matériaux ,la
philosophie confronte ces matériaux entre eux ,et essaie de les
intégrer dans des schémas conceptuels unitaires ,schémas
qui d'ailleurs peuvent ,une fois élaborés, répartir vers
les sciences humaines et servir à découvrir de nouvelles
régions de l'expérience ».650(*) Tel nous semble être
le cas ici. Le paradigme cognitiviste prend au sérieux
l'idée que la science et la philosophie forment une
unité inextricable. Francisco Varela prenait « au séreux
l'idée qu'il n'y a pas de distinction très nette entre la science
et la philosophie, des philosophes comme Descartes, Locke, Leibniz, Hume, Kant
et Husserl ont revêtu une nouvelle importance : on pourrait les
considérer, être autres, comme des
protocognitivistes ».651(*)
En effet, le courant analytique a le plus insisté sur
la complémentarité de la philosophie et des sciences humaines,
cela pour deux raisons : il y a un accord de sensibilité entre les
sciences humaines « compréhensives » et la
philosophie analytique. Le principe le plus fondamental de l'activité
analytique consiste à décrire les activités psychologiques
des agents (entendus comme des actes de pensée ayant la même
structure que les actes de langage) en termes de modifications du monde
visé intentionnellement ou représenté
langagièrement par eux. Sur base de cette convergence des analyses, la
philosophie analytique croit aussi pouvoir affirmer que son projet est
nécessairement complémentaire des sciences humaines.
Au demeurant, pour illustrer ces propos, il
faut dire que les méthodes qualitatives en sciences sociales se
cristallisent sur la philosophie de la Nature. Dans mon programme
épistémologique, le texte que vous aurez certainement le plaisir
de prendre connaissance, cher lecteur, s'inspire fondamentalement de la
Philosophie de la Nature et de la pensée du Professeur Marcel
Tshiamalenga Ntumba. Aujourd'hui, le professeur Dr Dr Tshiamalenga Ntumba
écrit un livre inédit intitulé Le réel comme
procès mutliforme qui porte bien entendu sur le Réel. Un
livre dont j'ai eu un privilège spécial de lire avant sa
publication. Bien avant, il m'avait suggéré à travers nos
multiples rencontres, ce qui est devenu le thème central de ma
thèse même, de mener une étude fondamentale sur non le
Réel en général, ce qu'il a eu à faire, mais le
Réel social comme construction ou comme procès.
En m'inspirant de la méthode de la
reconstruction philosophique présentée par Jürgen Habermas
et Tshiamalenga Ntumba (Le quatre moments de la philosophie africaine
aujourd'hui), il m'a paru clairement que tout ou presque tout le programme
épistémologique dominant en sciences sociales depuis les
classiques jusqu'aujourd'hui, tournait autour de la question
métaphysique du Devenir, et d'une philosophie de la nature
subséquente : les définitions de concepts centraux, les
relations fondamentales de ces concepts, etc. Même la pragmatique
formelle de Jürgen Habermas qui reconstruit le fonctionnalisme au moyen de
la communication semblant se démarquer du modèle de la
totalité peut y être reconstruit.
La loi du Devenir dans sa conception
primaire et kheperienne (voir l'Egypte antique) prend en charge la presque
quasi-totalité de programme épistémologique depuis les
sciences sociales classiques. Une sorte de matrice disciplinaire. Pourquoi donc
n'appellerions pas cette science qui est issue de la reconstruction de ce
concept central, de bon droit, science sociale africaine ? Nous allons
expliquer cette position par la reconstruction historique et
systématique de la double notion du Devenir, du « tout et de
ses parties », c'est-à-dire de la structure et de l'action
inhérente, et de naturalisme (philosophie de la nature) dans quelques
traditions, et de la sémiotique naturaliste.
Au demeurant, les spécialistes des sciences sociales et
les philosophes de sciences sociales savent aujourd'hui que ces sciences se
trouvent dans l'impasse relative de ces postulats principaux de leur fondation.
Depuis Emile Durkheim, on postulait que le « fait social »
est indépendant de nous, c'est-à-dire
indépendants de nos perceptions, de nos croyances, de nos désirs,
de nos préférences, de nos émotions et de nos actions
(Ruwen Ogien). La question reste donc celle de savoir : comment comprendre
que les phénomènes sociaux puissent être
indépendants de nos perceptions, de nos croyances, de nos
préférences, de nos émotions, et de nos actions ? Les
phénomènes collectifs tels que la morale, les langues, ne
dépendraient pas de nous parce qu'ils sont le fruit d'une
synthèse spéciale en tant que faits sociaux sui generis. Ce
postulat est émis depuis Emile Durkheim.652(*)
On problématique en philosophie des sciences sociales
ce postulat essentiel qui donne non seulement à la sociologie classique
mais aussi aux sciences sociales sa raison d'être : le point de
départ de la conceptualisation de mode d'existence des « faits
sociaux » : la primauté de la totalité.653(*) Cette question fondamentale
est loin d'être résolue et débouche sur la primauté
de la réalité des systèmes ou
structures, et de la légitimité des dichotomies
inhérentes : structure - agent, système- acteur (l'action) ,
collectif -individuel, objectif -subjectif, etc.
Nous pouvons dire que l'histoire des sciences sociales, en
fait, donne le spectacle d'un passage d'une polarité à l'autre
(par exemple de l'approche structuro- fonctionnaliste (pôle II) à
l'individualisme méthodologique et au « retour de
l'action» (pôle II) dans les années 1970- 1990 ; de ces
dernières à un retour au naturalisme causal ou fonctionnel
(pôle I) dans la période actuelle.
Nous partons ici du fonctionnalisme d'Emile Durkheim qui
présente un mode particulier d'existence des « faits
sociaux ». Du fonctionnalisme au structuralisme, il n'y a qu'un pas,
du postulat d'une causalité unilatérale nous passons à la
causalité réciproque. Nous allons y revenir.
Pour examiner la pertinence de ces questions essentielles qui
fondent l'entreprise scientifique des sciences sociales, il est sensé,
pour nous que nous revenions aux principes et aux postulats de base de la
construction des sciences sociales. Mes propos s'occupent des méthodes
qualitatives, c'est-à-dire d'un essai de reconstructions des approches
dominantes en sciences sociales en Afrique.
L'approche fonctionnaliste
Emile Durkheim est considéré comme
« l'artisan de l'explication fonctionnelle en tant que méthode
scientifique en sociologie et auquel (sic) (Malinowski) attribuait la
paternité du fonctionnalisme ».654(*) Le cadre fonctionnaliste a
servi à plusieurs chercheurs en sciences sociales sur le terrain
africain : « l'anthropologie culturelle anglaise (B.
Malinowski, A.R. Radcliffe-Brown) qui a (eu cour en Afrique et en Australie a)
choisi un cadre fonctionnaliste pour des analyses
empiriques ».655(*) L'école anglaise d'anthropologie sociale et
culturelle a transformé ce type d'analyse en un véritable
programme : entendons par là qu'elle en a défini les
principes méthodologiques, et les orientations théoriques. Un
phénomène bizarre, inattendu, dissonant sera dans un premier
temps rattaché à l'institution ou à la structure sociale
qui le supportent ; dans un deuxième temps, on déterminera
la fonction sociale jouée par celles-ci et le rendant intelligible.
Cette fonction enfin, est génériquement pensée comme
réponse à un besoin (Malinowski, 1944) ».656(*)
Selon le compte rendu de Fabrice Clément et Laurence
Kaufmann, « Searle (...) se rapproche d'une perspective
fonctionnaliste ».657(*) Il évoque pour cela quelques exemples :
« en affirmant, par exemple, que la réalité sociale est
créée par nous pour nos propres besoins. Selon Malinowski, en
effet, les institutions sont les moyens organisationnels que les
sociétés se donnent pour satisfaire leurs besoins primaires
(biologiques) ou leurs besoins dérivés (culturels).
Au demeurant, nous nous appesantissons ici sur le
modèle fonctionnaliste d'Emile Durkheim, dont nous allons tenter de
mettre en exergue les schèmes reconstructeurs et en retracer
l'itinéraire philosophique. Dans ce cadre précis, nous analysons
justement l'évolution du fonctionnalisme dans la philosophie analytique
de telle sorte que la tâche centrale de notre enquête aboutit
à la question suivante : que devient le fonctionnalisme dans la
philosophie analytique et dans la philosophie de l'esprit de John Searle
?
Nous empruntons la présentation de fonctionnalisme
traditionnel à Robert Franck tirés de deux de ses articles
intitulés respectivement : « les explications causales,
fonctionnelles, systémiques ou structurales et dialectiques, sont -elles
complémentaires ? » publié dans l'ouvrage
Faut-il chercher aux causes une raison ? L'explication causale dans
les sciences humaines, en 1994 et « Histoire et
structure », dans Jean-Michel Berthelot (Dir.),
Epistémologie des sciences sociales, en 2001.
Nous allons tenter de présenter la question en nous
appesantissant, comme il procède lui-même, au point de
départ sur le fonctionnalisme, spécialement à travers
Emile Durkheim qui s'est fortement inspiré du fonctionnement de
l'organisme biologique comme modèle. Nous présentons ici quelques
notions fondamentales de la doctrine fonctionnaliste de Durkheim pour
dégager les points d'encrages avec Searle. Nous reprendrons quelques
notions importantes à partir d'Emile Durkheim comme un des philosophes -
fondateurs des sciences sociales, spécialement de la sociologie.
Son point de vue se démarque d'abord de la pratique
philosophique courante d'un Rousseau ou d'un Thomas Hobbes, etc. Il appelle
à traiter les faits sociaux non comme des idées mais comme des
choses : « est chose tout objet de connaissance ...ce dont
nous ne pouvons nous faire une notion adéquate par un simple
procédé d'analyse mentale, tout ce que l'esprit ne peut arriver
à comprendre qu'à condition de sortir de lui-même, par voie
d'observation et d'expérimentation ».658(*) Bien plus :
« Les causes inconnues dont elles dépendent ne peuvent
être découvertes par l'introspection même la plus
attentive »659(*).
Il se démarque aussi d'Auguste Comte au point de vue de
l'objet et de la perspective : de l'Humanité comme objet, il
substitue la société, et renverse les effets de Comte en cause,
ce ne sont pas les consciences individuelles qui déterminent la
conscience collective mais l'inverse. « On est
habitué, dit-il, à se représenter la vie sociale
comme le développement logique de concepts idéaux, on jugera
peut-être grossière une méthode qui fait dépendre
l'évolution collective de conditions objectives, définies dans
l'espace ».660(*)Tout au contraire : « Notre principal
objectif, affirme Durkheim, est d'étendre à la conduite humaine
le rationalisme scientifique en faisant voir que, considérée dans
le passé, elle est réductible à des rapports de cause
à effet ».661(*) Ce postulat fonde le fonctionnalisme même.
Du point de vue de la philosophie, disons d'ores et
déjà que cette théorie sus- évoquée de
Durkheim est fort tributaire de la philosophie de la Nature de René
Descartes et de son mécanisme. A la question de savoir si« les
sciences sociales recourent effectivement au deux sortes d'explications
caractéristiques des sciences de la Nature, Robert Franck
répond à la suite de Durkheim par l'affirmative. Il prend en
exemple la théorie de la « densité
dynamique » de Durkheim. 662(*) A propos pour Durkheim, nous dit-il
« l'effort principal du sociologue devra donc tendre à
découvrir les différentes propriétés de ce milieu
(le tout) qui sont susceptibles d'exercer une action sur le cours des
phénomènes sociaux. Jusqu'à présent, nous avons
trouvé deux séries de caractères qui répondent
d'une manière éminente à cette condition ; c'est le
nombre des unités sociales, et le degré de concentration de la
masse, ou ce que nous avons appelé la densité
dynamique ».663(*)
Pour Durkheim le programme philosophique de recherche qui s'en
dégage par delà cette forme de cartésianisme part de fait
que « la mentalité des groupes n'est pas celle des
particuliers, elle a ses lois propres664(*). (...) Il y a des similitudes que l'abstraction
pourra dégager entre la mentalité sociale et la pensée
privée».665(*) Emile Durkheim dans son livre intitulé
les Règles de la méthode sociologique ajoute qu'il n'y a
pas de continuité entre les faits psychiques individuels et les faits
sociaux. « Il faut laisser, va continuer Durkheim, à l'avenir
le soin de rechercher dans quelle mesure (la mentalité social) ressemble
à la pensée des particuliers. C'est même là un
problème qui ressortit plutôt à la philosophie
générale et à la logique abstraite qu'à
l'étude scientifique des faits sociaux ».666(*)
En somme, la méthode de la sociologie positive d'Emile
Durkheim s'établit autour d'une dualité ontologique entre la
matérialisation des « faits sociaux » comme
pratiques sociales et leurs effets particuliers sur les consciences
individuelles.667(*)
Ainsi, « en ne considérant les phénomènes
qu'en tant que pratiques sociales, Durkheim cherche donc à
évacuer les considérations subjectives, qui, dans une perspective
positiviste, demeurent du domaine de l'incertain. En tant que
réalités « en-soi », les « faits
sociaux » sont quantifiables et ne peuvent ainsi être
isolés - et définis- par la statistique de manière
« objective » ; ceci en contraste avec les effets
particuliers sur les individus ».668(*) Nous pouvons dire que Durkheim met ensemble deux
conceptions qui « s'opposent d'abord sur leurs fondements
ontologiques respectifs, c'est-à-dire dans leur façon
particulière de concevoir le monde social (culturel) qui constitue par
ailleurs l'objet d'analyse de chacun. Le contraste entre les conceptions de la
culture comme réalité en- soi (positivisme) ou comme
réalité dépendante de la perception des hommes
(herméneutique) relev(ant) de l'opposition entre les ontologies
réalistes et antiréalistes de la
« réalité » du monde ».669(*)
La primauté de concept de
totalité et du Tout
A propos du fonctionnalisme, Durkheim postule un certain
nombre des principes :
- Il faut expliquer le social par le social, « c'est
(...) dans la nature de la société elle-même qu'il faut
aller chercher l'explication de la vie sociale. On conçoit, en
effet que, puisqu'elle dépasse infiniment l'individu dans le temps comme
dans l'espace, elle soit en état de lui imposer les manières
d'agir et de penser qu'elle a consacrées de son
autorité ».670(*)
- C'est en raison du système social qu'un
phénomène produit tel effet social.671(*) « Il y a donc des
espèces sociales pour la même raison qui fait qu'il y a des
espèces biologiques »672(*). Cela veut dire que « ce qui
détermine le phénomène social de l'organe à exercer
telle fonction plutôt que telle autre, selon Durkheim, ce n'est pas le
phénomène ou l'organe lui-même, mais son environnement
(interne), ce tout auquel il appartient ».673(*)
Le
rapport fonctionnel
- « L'explication fonctionnelle nous apprend
comment le Tout est déterminé par chacune de ses parties. Elle
nous fait découvrir certaines déterminations causales des parties
sur le tout ».674(*) En nous référant aux rapports entre le
Tout et ses parties, l'effort principal du sociologue devra tendre à
découvrir les différentes propriétés du milieu
(intérieur) ou du Tout, qui sont susceptibles d'exercer une action sur
le cours des phénomènes sociaux.
- Si on rejette la primauté du tout, la sociologie est
dans l'impossibilité d'établir aucun rapport de causalité.
Ainsi :
- Sans le Tout, l'effet « fonction (rôle)
» disparaitrait ;
- La société est la condition
déterminante des phénomènes sociaux ;
- La société est le facteur déterminant
de l'évolution collective.
Il y a donc nécessité de découvrir les
actions causales suivantes :
- l'action causale que l'organe exerce sur le Tout dont elle
est une composante ;
- la place et le rôle que l'organe joue dans
l'explication ;
- la place de l'organe et la place du tout ;
- la fonction que le tout exerce sur les composantes ;
- « le tout explique l'existence de la chose qui
assure la fonction ».675(*)
Pour Durkheim « l'explication sociologique consiste
exclusivement à établir des rapports de causalité, qu'il
s'assigne de rattacher un phénomène à sa cause, ou, au
contraire à ses effets utiles ».676(*) Autrement dit,
« l'organe est indépendant de la fonction, c'est-à-dire
que tout en restant le même, il peut servir à des fins
différentes. C'est donc que les causes qui le font être sont
indépendantes des fins auxquelles il sert ».677(*)
Signalons en somme que « dans les sciences
sociales l'explication par la fonction occupe une place
énorme ».678(*)
Brève historique du
fonctionnalisme
Robert Franck nous en donne de plus amples explications et
replace le concept de fonction en biologie: en effet, c'est « la
physiologie a inauguré le concept de fonction ».679(*) Claude Bernard choisit
justement l'exemple de la fonction des deux nerfs principaux de la face, le
facial et la cinquième paire, pour illustrer la méthode
expérimentale et le raisonnement
expérimental. « La section du facial amène la
perte du mouvement, il a donc une fonction motrice, et la section de la
cinquième paire mène la perte de la sensibilité, elle a
donc pour fonction d'assurer la sensibilité. Comme on le voit la
position est ici...l'effet ! L'explication se fait par la fonction (c'est
l'explication dite fonctionnelle) qui est une explication en
envers ».680(*)
La
réalité sociale objective
Durkheim le souligne bien, la question
fondamentale de recherche reste liée au « principe
fondamental : la réalité objective des faits
sociaux ».681(*) Le principe est le fait que « les
manières collectives d'agir ou de penser ont une réalité
en dehors des individus ».682(*) Les phénomènes sociaux sont
extérieurs aux individus : « toutes les fois que les
éléments quelconques, en se combinant, dégagent (par le
fait de leur combinaison, des phénomènes nouveaux, il faut bien
concevoir que ces phénomènes sont situés, non dans les
éléments, mais dans le tout formé par lui-même. La
vie ne saurait se décomposer ainsi ; elle est une et par
conséquent, elle ne peut avoir pour siège que la substance
vivante dans sa totalité. Elle est dans le tout, non dans les
parties ».683(*) Autrement dit « les croyances et les
pratiques sociales agissent sur nous du dehors ».684(*)
Cela veut autrement dire justement que « la
société n'est pas une simple somme d'individus, mais le
système formé par leur association représente une
réalité spécifique qui a ses caractéristiques
propres. Sans doute, il ne peut rien se produire de collectif si des
consciences particulières ne sont pas données ; mais cette
condition nécessaire n'est pas suffisante. »685(*) Et d'expliquer cela :
« Les états de la conscience collective sont d'une autre
nature que les états de la conscience individuelle. La mentalité
des groupes n'est pas celle des particuliers ; elle a ses lois
propres ».686(*)
C'est cette conception qui définit ce qu'est une
institution sociale. En effet, « comme cette synthèse a
lieu en dehors de chacun de nous (puisqu'il y entre une pluralité de
consciences), elle a nécessairement pour effet de fixer, d'instituer
hors de nous certaines façons d'agir et de certains jugements qui ne
dépendent pas de chaque volonté particulière prise
à part. Ainsi qu'on l'a fait remarquer, il y a un mot, pourvu toutefois
qu'on en étende un peu l'acception ordinaire, exprime assez bien cette
manière d'être très spéciale, c'est celui
d'institution ».687(*)
Lorsque nous quittons ce niveau abstrait, qui culmine chez
Durkheim dans le fait que « la nature de toute résultante
dépend nécessairement de la nature, du nombre des
éléments composants et de leur mode de
combinaison »688(*), nous avançons au niveau concret de ce
« qu'il y a correspondance entre le fait considéré et
les besoins généraux de l'organisme social ».689(*)
Les
entités émergentes
Le principe d'apparition des institutions est corollaire
à ce qui vient d'être dit sur la réalité objective
des faits sociaux. Pour les entités émergentes, « toute
société dégage des phénomènes nouveaux
différents de ceux qui se passent dans les consciences solitaires. Ils
sont en ce sens, extérieurs aux consciences individuelles. Les faits
sociaux ne diffèrent pas seulement en qualité des faits
psychiques ; ils ont un autre substrat, ils n'évoluent pas dans le
même milieu, ils ne dépendent pas des mêmes conditions. Les
états de la conscience collective sont d'une autre nature que les
états de la conscience individuelle ; ce sont des
représentations d'une autre sorte ».690(*) Une telle remarque distingue
bien l'individualisme de l'holisme.
Robert Franck pense que « les
différentes manières dont sont combinées les consciences
sont les processus ou les « mécanismes » qui
génèrent les phénomènes sociaux, mais Durkheim ne
les conçoit pas comme des processus historiques, ce sont les
états présents, actuels de la société. Le
présent s'explique par le présent ».691(*) C'est l'arrière-fond
mécanisme. Les acteurs sociaux eux-mêmes ne semblent pas
conscients de « mécanismes » de construction des
faits sociaux. Il n'y a pas de continuité évidente entre les
individus ou leurs états psychologiques et les faits sociaux. La
construction des faits sociaux semblent plutôt mystérieux. Ses
mécanismes constitutifs semblent justement mystérieux.
Justement selon Luc Van Campenhoudt, « dans leurs
différentes variantes, les théories sociologiques n'ont de cesse
de démontrer que, là où le sujet croit agir, c'est le
social (conscience collective, sujet historique, habitus, effets de pouvoir,
aliénation...) qui agit en lui. Le social a ses raisons que le sujet
ignore, mais que le sociologue peut découvrir. »692(*) Certains spécialistes
des sciences sociales et philosophes, tel que John Searle, se donnent justement
pour objectif de rechercher d'en dévoiler les mécanismes de
production et de reproduction. A propos selon Durkheim, « la
sociologie est la science des institutions, de leur genèse et de leur
fonctionnement. (...) On peut en effet,...appeler institutions, toutes les
croyances et tous les modes de conduite institués par la
collectivité ».693(*)
De la
représentation
Durkheim s'intéresse, aux représentations
collectives ou à des modes collectifs de catégorisation, des
façons culturelles de se représenter le temps, l'espace ou la
causalité, qui s'imposent aux individus de l'extérieur plus
qu'elles ne structurent leur esprit et n'expliquent son fonctionnement. Dans le
cadre de la sociologie au moins, les processus cognitifs par lesquels les
catégories sont produites par le social, puis transformées par
les propres transformations de celui-ci, restent inconnus sinon
mystérieux puisque leur investigation est renvoyée à la
psychologie.
Au point de départ, disons d'emblée que, pour
Emile Durkheim, « la vie sociale (est) tout entière faite
de représentations ».694(*)Ces faits sociaux « consistent en
représentations et en action. (...) Ils constituent donc une
espèce nouvelle et c'est à eux que doit être donnée
et réservée la qualification de
sociaux ».695(*)
Pour Searle, les objets sociaux : la monnaie, le mariage,
les gouvernements, la propriété,...dépendent des
représentations collectives et du comportement coopératif des
hommes. Annuler ces représentations collectives et ce comportement
coopératif, ces objets sociaux s'effondrent. Ce que Searle ajoute
à la théorie dualiste de connaissance, c'est la théorie de
l'action quand il parle de comportement coopératif. Un
présupposé du tournant linguistique et pragmatique
qu'hérite Searle.
Les
faits sociaux
« Les faits sociaux consistent en des
manières de faire ou de penser ...susceptibles d'exercer sur les
consciences particulières une influence coercitive »696(*). A ce propos Durkheim
affirme ceci : « pour qu'il y ait fait social, il faut que
plusieurs individus tout au moins aient mêlé leur action et que
cette combinaison ait dégagé quelque produit nouveau. Et comme
cette synthèse a lieu en dehors de chacun de nous (puisqu'il y
entre une pluralité de conscience), elle a nécessairement pour
effet de fixer, d'instituer hors de nous de certaines façons d'agir et
de certains jugements qui ne dépendent pas de chaque volonté
particulière prise à part. Ainsi qu'on l'a fait remarquer, il y a
un mot qui, pourvu toutefois qu'on en étende un peu l'acception
ordinaire, exprime assez bien cette manière d'être très
spéciale : c'est d'institution ».697(*) C'est nous qui avons
souligné le fait social comme synthèse.
Contre cette primauté du collectif, Fabrice
Clément et Laurence Kaufmann pensent que cette doctrine chez Searle,
« poussée à son extrême solipsiste, sombre dans
un irréalisme sociologique dont la portée est fondamentalement
idéologique ».698(*)Pour Searle « Durkheim had «an
inadequate conception of social facts ».699(*)En effet, à la lecture de Searle, une sorte de
continuité entre le privé et le collectif semble permanente.
John Searle utilise l'expression « fait
social » pour désigner tout fait impliquant
l'intentionnalité collective. Pour lui l'Intentionnalité
individuelle que chacun peut avoir est dérivée de
l'intentionnalité collective que l'on partage. Toutefois, sa conception
de l'intentionnalité collective cache plutôt une conception fort
éloignée des fondamentaux d'un Emile Durkheim pour autant que ce
dernier évoque plutôt l'absence de continuité entre les
consciences individuelles et les consciences collectives. La reconstruction
philosophique ici remonte au postulat qui veut que l'homme soit un animal
social, ainsi pour Searle, une compréhension de l'intentionnalité
collective est essentielle à la compréhension des faits
sociaux.
Les faits sociaux sont d'une certaine façon
indépendante des états psychologiques individuels ; en tant
que catégories collectives et comme synthèses ils supposent
l'apport des consciences individuelles mais s'en distinguent nettement. Ainsi,
les faits sociaux sont : « les règles juridiques,
morales, dogmes religieux, systèmes financiers, etc. qui consistent tous
en croyances et en pratiques constituées ».700(*)
En ce qui concerne son caractère
coercitif, « quand je m'y conforme de mon plein gré,
cette coercition ne se fait pas ou se fait peu sentir, étant inutile.
Mais elle n'en est pas moins un caractère intrinsèque de ces
faits, et la preuve, c'est qu'elle affirme dès que je tente de
résister. Si j'essaye de violer les règles de droit, elles
réagissent contre moi de manière à empêcher mon acte
s'il en est temps, ou l'annuler et à le rétablir sous sa forme
normale s'il est accompli et réparable, ou à me le faire expier
s'il ne peut être réparé autrement ».701(*)
Pour Durkheim, il n'y a pas de continuité suffisante
entre les états psychologiques des consciences individuelles et les
faits sociaux. « Il ne peut se produire rien de collectif si des
consciences particulières ne sont pas données ; mais cette
condition nécessaire n'est pas suffisante. Il faut encore que ces
consciences soient associées, combinées, et combinées
d'une certaine manière ; c'est de cette combinaison que
résulte la vie sociale et par suite, c'est cette combinaison qui
l'explique ».702(*)
Nous allons, un chapitre après, revenir sur le point
de vue exhaustif de Searle sur le fonctionnalisme. Il nous parait utile de
présenter d'abord le structuralisme et l'approche dialectique.
A.
Fonctionnalisme et structuralisme
Nous présentons ici le point de vue qui reprend
autrement les rapports entre le présupposé principal du
fonctionnalisme : le Tout et ses parties. Le fonctionnalisme est le
contraire du structuralisme. La détermination structurale ou
systémique dans la méthodologie durkheimienne constitue le
fondement de l'explication fonctionnelle : elle en est la raison, elle
l'explique.703(*) Le
rapport entre le fonctionnalisme et le structuralisme s'établit
ici : l'action causale des parties sur le tout est structural ;
l'action causale exercée par un phénomène social sur le
tout social est elle-même déterminée par le tout social,
est fonctionnelle.704(*)
Ces approches constituent « une manière de
traduire les phénomènes en termes scientifiques adéquats -
en l'occurrence en variables- mais également d'une représentation
globale et générique, d'un modèle de
fonctionnement ».705(*) Le causalisme appelle l'image d'une vaste machine.
La machine implique à son tour l'idée de fonctionnement et peut
dériver vers cette autre image de l'organisme. «
L'idée commune est qu'un phénomène A va avoir une
fonction, ou jouer un rôle... dans un organisme vivant, la
complexité des mouvements impliqués est si grande et si
secrète que ce qui apparaît déterminant est la fonction
remplie par les organes ».706(*)
B.
Le structuralisme de Lévi-Strauss
La transformation de l'approche structuraliste de Claude
Lévi -Strauss en une approche pragmatico - intentionnelle passe par la
logique. La notion de cause ou plus exactement la relation de cause à
effet que suppose le structuro -fonctionnalisme est analysée en logique
comme une implication stricte : « p implique strictement
q » comme « il est nécessaire que p implique
q ». Cette position est soutenue aussi par Thierry Lucas707(*).
Ainsi, « une relation entre phénomènes
(peut être) décrite en termes de variables, de fonctions ou de
structure. (...) Le structuralisme (...) relève de modèles
formels tout aussi rigoureux, ce que Lévi- Strauss ne manque pas de
rappeler ».708(*) Dès lors, on peut « rejeter
le vocabulaire et les métaphores organicistes au profit de langage
alternatif : celui d'une codification logique de l'analyse fonctionnelle
».709(*)
La conception du structuralisme participe de la vision
cartésienne de la Nature. De cela Linné dégage quatre
variables, « toute note doit être tirée du nombre, de la
figure, de la proportion, de la situation » (philosophie
botanique, 299, cité par M. Foucault, 1966, p.146).710(*) Lorsque nous suivons Robert
Franck nous découvrons que le cartésianisme, c'est-à-dire
ses concepts généraux et sa causalité mécanique,
s'affine progressivement avec les auteurs qui travaillent sur la question.
Le point de vue de la philosophie de la Nature à la
suite de René Descartes et le point de vue de la linguistique
structurale peuvent nous aider à remonter la reconstruction.
« La structure pour le naturaliste cartésien, est la
configuration des pièces d'un être vivant dans l'espace selon un
ordre déterminé ».711(*) Cependant, « la structure d'une
langue ne se réduit pas aux relations qu'on peut observer entre
ses composantes, elle en est la syntaxe, c'est-à-dire les règles
qui fixent les relations autorisées entre les unités de la
langue. Lévi-Strauss oppose (ainsi) les structures sociales aux
relations sociales ».712(*) Ici, d'un point de vue de la philosophie de la
Nature, nous pouvons voir le passage de la physique de Descartes à celle
de Leibniz qui introduit une métaphysique dynamique en réaction
contre la métaphysique statique de Descartes. C'est-à-dire que
Leibniz tente de réduire l'espace géométrique à
l'arithmétique. « Leibniz refuse ici de lier le nombre
à la quantité, (...) la monade, l'unité substantielle qui
sur le champ physique se manifeste par la force ».713(*)
Ainsi appliquée au fonctionnalisme par rapport à
l'anatomie et à la physiologie, cette similitude se présente
comme suit : « tout comme l'anatomie enseigne la situation,
la grandeur, la figure, la relation et la constitution des parties du corps, la
physiologie fixe l'usage, l'utilité et l'emploi de ces mêmes
parties »714(*). La causalité descendante devient
réciproque en biologie. « La liaison causale mécanique,
explique Kant, telle qu'elle est pensée par l'entendement constitue une
série de causes et d'effets qui descend toujours ; et les choses
qui comme effets, en supposent d'autres comme causes, elles ne peuvent par
contre être causes en même temps de celles-ci. Mais on peut aussi
concevoir une liaison causale qui, comme série, montrerait une
dépendance aussi bien descendante qu'ascendante ».715(*)
Claude Bernard ajoute, en 1865, le concept de causalité
réciproque qui souligne le fait que la structure organique a un
caractère hiérarchique.716(*) A partir de ce moment, l'idée des relations
entre le Tout et ses parties est abandonnée pour passer à
l'idée d' « une pluralité de niveaux où les
composantes de chacun des niveaux sont à la fois partie et tout, partie
d'une composante du niveau supérieur et tout d'une série de
composantes du niveau inférieur ».717(*)
L'auteur illustre cela de la manière que voici :
« Un estomac par exemple, ne résulte pas seulement de la
nature et des proportions des tissus, mais encore de leur
`arrangement' »718(*). Le Tout d'un niveau quelconque ne contient pas ses
parties (l'estomac les tissus de l'estomac) il n'est pas autre chose que ses
parties, et cependant il est autre chose car il est
l' « arrangement » de ces parties selon un certain
ordre ».719(*)
A ce niveau nous obtenons les cinq traits majeurs du concept
de structure qui ont été élaborés en
biologie :
1) La configuration ;
2) La causalité réciproque ;
3) La hiérarchie des niveaux au sens
d'arrangements ;
4) Une structure est un « système de
transformation et non pas une forme statique quelconque »
écrit Jean Piaget720(*). Il d'agit dès lors de
« décrire comment les éléments de la structure
se composent progressivement entre eux, et de dégager les lois
auxquelles obéit le processus de composition de ces
éléments ».721(*)
5) L'autoréglage ou l'auto- organisation de la
structure ou du système. Ce concept est élaboré à
partir du concept d'équilibre emprunté toujours à la
biologie.
C. L'explication dialectique
La question posée ici est celle de savoir si la
combinaison des explications causale, fonctionnelle et structurale peut devenir
dialectique au sens où elle nous permet d'opérer le va-et-vient
entre l'analyse et l'expérience concrète. Cette dichotomie est
comprise comme la différence énigmatique entre expliquer et
comprendre.
Pour Robert Franck une fois de plus, « il
s'agira de vérifier s'il existe une isomorphie entre le réseau
abstrait de détermination qu'on est parvenu à construire, et
l'ensemble réel qu'elle prétend
refléter ».722(*) C'est ici que se situe notre
question : est- il possible qu'un schème ou modèle ou
tout simplement, qu'un langage des sciences sociales reflète la
réalité ou, à l'inverse, peuvent-ils seulement
construire la réalité ?
Plus techniquement selon Franck ,« une telle
isomorphie est comparable à celle (...) que proposait Ludwig
Wittgenstein pour illustrer sa Bildtheorie ; mais elle peut aussi
être de la nature de la relation qu'il y a entre la syntaxe d'une langue
naturelle et une conversation prononcée dans cette langue , ou de la
nature de la 723(*)relationentre les règles du jeu
d'échecs et une partie d'échecs , ou de la nature de la relation
entre une `loi' exprimée sous forme d'équation
mathématique et un processus physique. Le réseau ou modèle
prétendra refléter `l'arrangement `, la structure, qui commande
les déterminations effectivement observées entre variables
à chacun des niveaux et d'un niveau à
l'autre ».724(*)
La théorie actionniste et
constructiviste de Peter Berger
Peter Berger et Thomas Luckman ont mis ensemble un
nombre impressionnant des traditions scientifiques pour en arriver à son
approche de la construction sociale de la réalité à partir
non de la structure comme chez les classiques comme Emile Durkheim ou Claude
Lévi Strauss mais de l'acteur et de sa connaissance collective.
Peter Berger et Thomas
Luckmann ont écris, dans le courant phénoménologique
à la suite des précurseurs comme Rudolf Carnap, La construction
logique du monde, en 1966, La construction sociale de la réalité,
un livre devenu depuis un classique, en tout cas selon le dire de Danilo
Martuccelli, qui en présente l'avant-propos dans l'édition de
2006 chez Armand Colin. Ce livre qui traite de la réalité
quotidienne rejoint la réflexion de John Searle dans son livre, La
construction de la réalité sociale, qui corrobore cette
même réflexion déjà en 1969 avec un de ses livres
dont l'autorité est restée quasiment intacte en philosophie du
langage, Les actes du langage, essai de philosophie du langage qui est d'une
grande importance dans le contexte des fondements de la connaissance.
Les concepts d'action et de sens sont au centre de la
théorisation de Peter Berger. C'est « l'étude de
la réalité au travers de processus cognitifs et pratiques,
l'instituant comme réalité »725(*) chez Berger et
Luckmann. « Ce qui anime d'un bout à l'autre l'ouvrage
(la construction sociale de la réalité) est l'étude des
processus cognitifs dynamiques par lesquels se produit et reproduit la vie
sociale en fonction des interprétations et des connaissances socialement
distribuées ».726(*) Ce sont des règles et des schèmes par
lesquels la société est vécue, institutionnalisée,
transmise et transformée par l'acteur.
Le courant sociologique du constructivisme a pour pères
fondateurs, Peter Berger et Thomas Luckmann et peut se comprendre
« en une seule phrase lapidaire énonçant les fondements
du constructionnisme sociologique (...): la société est une
production humaine, la société est une réalité
objective, l'homme est une production sociale et résumant en ces trois
propositions en trois concepts : « extériorisation,
objectivation, intériorisation ».727(*)
Par rapport à John Searle ,Peter Berger et Thomas
Luckmann pensent que l'expression - non exempte d'ambiguïté - de
« construction sociale de la réalité » qui
fait partie d'une discussion nourrie chez le premier , ne vise pas à
nier l'existence d'une réalité objective première(tout au
plus ,leur arrive-t-il d'affirmer qu'ils mettent cette question entre
parenthèses- c'est -à - dire ,qu'ils ne l'abordent pas vraiment
dans leur travail ) mais souligne le fait que le regard doit se centrer sur
des règles et schèmes par lesquels la société est
vécue ,institutionnalisée ,transmise et
transformée ».728(*) John Searle développe aussi la question qui
est mise entre parenthèses.
B. La société et le
sens
« La vie sociale repose sur des significations
communes. »729(*) Pour Peter Berger et Luckmann le substrat
constructif de la réalité sociale est l'univers commun de sens.
Ainsi « sous l'influence de Durkheim et de Weber, la religion n'est
pas un domaine particulier, mais se place au coeur de la réalité
sociale ».730(*)
Pour les deux auteurs, « il s'agit de prolonger l'intuition majeure
des auteurs classiques pour qui la religion est une matrice de sens dans une
société et prendre acte du fait que dans une
société sécularisée et plurielle il existe une
crise des significations et des mécanismes de légitimation, ce
qui accentue l'interrogation de l'homme sur le sens ».731(*)
Ainsi, « la confrontation des univers
symboliques est une donnée structurelle des sociétés
modernes ».732(*) La centralité de la signification est bien
relevante ici : « la vie sociale est toujours déjà
là, et elle est toujours appréhendée comme une
réalité ordonnée et significative. L'individu ne peut pas
ne pas rencontrer cette réalité objectivité,
déployé à travers une série d'objectivations qu'il
véhicule, qui constituent ainsi à proprement parler l'univers
symbolique dans lequel se déroule sa vie ».733(*) Autrement dit, la vie
sociale repose sur le partage d'un ensemble commun des connaissances,
quotidiennes, renouvelées, assurant tout autant la
continuité de l'ordre social que celle des identités
personnelles.
En cas de crise, « cette même
société « invente » aussi de nouvelles
institutions de production et de transmission de sens. (...) Les institutions
de sens opérant dans un marché ouvert et d'autres
orientées vers des communautés spirituelles plus restreintes et
souvent fermées (sectes, cultes divers et styles de vie très
définis) ».734(*) Par exemple, « la modernité est le
théâtre d'une série d'enclaves de sens qui coexistent plus
ou moins pacifiquement entre elles, apaisant la crise ici ou là au
niveau individuel, mais ne parvenant plus à asseoir la
société sur un univers symbolique commun. »735(*) Toutefois, « la
crise de sens spécifique à la modernité est amortie par un
ensemble d'institutions intermédiaires- à mi-chemin entre
l'individu (et le besoin de sens) et les anciens grands principes d'action
sociétale. »736(*) Ainsi, « les individus ne sont nullement
assaillis par l'angoisse ou le vide existentiel ; au contraire même,
ils sont largement capables de gérer le pluralisme structurel auquel
elle les confronte ».737(*)
Sur la question de la valeur, « l'individu
opère dans un monde dans lequel il n'existe plus de valeurs communes
orientant l'action dans toutes les sphères - autrement dit, il n'existe
plus de réalité unique identique pour tous ».738(*) Ainsi,poursuivent-ils
« la société s'organise autour de principes abstraits,
à vocation avant tout instrumentale, auxquels tous les acteurs sont
censés se plier, et ne générant que des normes visant
à résoudre des problèmes éthiques
spécifiques propres à certaines sphères d'activité
(l' « éthique médicale »,
l' « éthique commerciale », etc.). Ces
règles permettent aux individus d'organiser leur vie commune en faisant
l'économie d'une morale globale partagée ».739(*)
C. La société et
l'action
Peter Berger et Thomas Luckmann se ressourcent dans plusieurs
traditions sociologiques, conçoivent les institutions aussi comme des
processus d'habituation, de typification des actions et de leur
historicité. « Il doit exister une situation sociale continue
à l'intérieur de laquelle les actions (pertinentes)
habitualisées de deux ou plusieurs individus
s'entrecroisent ».740(*)
Théoriquement, « A observe B en train
d'agir. Il attribue des motivations aux actions de B et, voyant que les actions
se répètent, typifient les motivations comme récurrentes.
Comme B continue à agir, A est vite capable de se
dire : « ah, il recommence ». En même
temps, A peut affirmer que B fait la même chose en fonction de lui.
Dès le début, A et B prennent en charge la
réciprocité de la typification. Au cours de leurs interactions,
ces typifications seront exprimées par des modèles
spécifiques de conduite ».741(*) En effet, les « processus d'accoutumance
précèdent toute institutionnalisation. (... )
L'institutionnalisation se manifeste chaque fois que les types d'acteurs
effectuent une typification réciproque d'actions habituelles. (... ) Les
typifications institutionnelles qui sont à la base des institutions sont
toujours partagées. (... ) Les institutions impliquent ensuite
l'historicité et le contrôle ». 742(*)
Peter Berger et Thomas Luckmann tiennent au caractère
« objectif » des faits sociaux parce que ces faits
deviennent indépendants des agents qui en sont producteurs. Le processus
d'intériorisation socialisante des valeurs héritées dont
on vit dans l'adaptation et que l'on se transmet de génération en
génération est une « tradition », celle de la
société comme construction devenue objective et même
autonome.
D. Changement social et
problèmes sociaux
Nous partons de l'idée que la connaissance est
considérée comme le produit social, et que cette connaissance est
en même temps un facteur de changement social en tant qu'elle est au
fondement de la réalité sociale. Cette construction sociale
devenue réalité objective et autonome, celle-ci peut être
également vue comme une des sources des problèmes sociaux. Car,
ce produit social peut justement être objectivé ou
réifié en tant qu'idéologie, au point de devenir un
instrument de déshumanisation ou d'aliénation sociale.
Ce qui est paradigmatique
dans le cas des rôles sociaux est souligné par Peter Berger, par
la formule courante : « Je n'ai pas le choix dans ce
domaine, je dois agir ainsi à cause de ma
fonction ».743(*) Comment de lors faut-il envisager le changement
social contre cette objectivation. Comme le dit justement Peter Berger et
Thomas Luckmann dans leur ouvrage intitulé La construction sociale
de la réalité : « un corps de connaissances,
une fois qu'il est élevé au niveau d'un sous- univers de
signification relativement autonomie, possède la capacité d'agir
rétrospectivement sur la collectivité qui l'a
produit ».744(*)
CHAPITRE QUATORZIÈME :
LES CONVERGENCES ET LES
DIVERGENCES ENTRE L'APPROCHE STRUCTURO-FONCTIONNALISTE ET LA PRAGMATIQUE
Il y a plusieurs points de convergences entre le rationalisme
méthodologique de Durkheim et la pragmatique méthodologique telle
celle de Searle. Savas Tsohatzidis dit à juste titre que
« several commentators ( notably Gross 2006 ) have been struck by
what they see as a convergence between this account and that of Emile Durkheim
,who ,one century earlier, set out his account of social reality in his the
Rules of Sociological Method (Durkheim 1982),whose first chapter asks what is a
Social Fact? »745(*)Ils se demandent tous deux ce qu'est-ce qu'un fait
social ? Il y a certes des convergences mais aussi des divergences, Searle
pense qu'il diffère fondamentalement de Durkheim parce que l'ontologie
fondamentale de ce dernier est
problématique : « nevertheless, Searle roundly
rejects the idea that their views converge. (...) Searle countens that
« the fundamental ontology in Durkheim is mistaken ».746(*)
Les deux conceptions philosophiques de fait social divergent
sur un certain nombre des questions. Quels en sont justement les
divergences ? John Searle, a montré parmi d'autres, que le
fonctionnalisme est nécessairement lié à une conception
intentionnaliste des choses, de cette façon il pose le problème
d'un point de vue systémique qui met en exergue les effets du
contexte.747(*) C'est la
contribution qu'il apporte aux sciences sociales classiques à partir du
modèle théorique de Tout et des Parties et à partir d'un
point de vue de la philosophie cognitive. Ce retournement ingénieux d'un
des pères du pragmatisme en philosophie est un approfondissement
à partir de la reconstruction du cadre général structuro
-fonctionnaliste ou systémico -cybernétique et de la philosophie
de la conscience.
Pour expliquer le fait social, il faut inclure tout en les
dépassant des déterminations langagières des parties dans
le Tout, en tant que sa constitution est intrinsèque et aussi
langagièrement attributive. Par exemple, pour le cas de fait social de
mariage, la constitution est donc la suivante : cette femme (X) est
déclarée marié (Y) dans le contexte où elle est
déclarée telle par l'officier de l'état civil(C)). C'est
justement en assignant ou en imposant des fonctions à des gens au
travers de la formule: X vaut Y dans le contexte C. Cette formule forme la
règle constitutive des faits sociaux ou de la réalité
sociale. Ce sont donc des hommes en chair et en or qui construisent la
réalité sociale. La réalité sociale n'est pas
à proprement parler construite par la nature des combinaisons des
simples déterminations horizontales, verticales ou distributionnelle des
Parties.
Détaillons un petit peu la méthodologie qui
gît au centre de cette reconstruction théorique. La
différence première porte sur le contextualisme ou le
système systémico-pragmatique et fonctionnalico-intentionnaliste
de Searle qui est langagièrement attributif, il est n'est pas
intrinsèquement lié à un modèle abstrait du Tout et
des parties. Le langage est ici l' unitéminimale fondamentale
dans la création de la réalité sociale.
Il part du fait qu'il ne faut pas postuler d'emblée
comme le fait dans la philosophie de conscience Durkheim que les rapports entre
le Tout et ses partie sont, nonobstant la primauté du Tout,
normaux et fonctionnent. La réalité sociale telle :
l'argent, le mariage, la guerre, l'impôt, une séance de parlement,
un médecin, la propriété, etc. Le système langagier
complète critiquement le modèle du Tout et des Parties.
Dans la formule constitutive de la réalité
sociale, les variables X, Y et C (infra) référent aux
entités réelles qui n'existent pas pour eux- mêmes. X a
comme fonction de faire ou d'inventer Y, en le causant, dans un milieu
intérieur C complémentairement au modèle qui se trouve
à la base du fonctionnalisme d'Emile Durkheim ou du structuralisme de
Claude Lévi-Strauss.
Le programme épistémologique ici ne
déroge pas à cette structuration de base, il est gouverné
par l'exigence d'élaborer une théorie unitaire de l'esprit (la
cognition), de l'esprit, de l'action et du langage. La théorisation du
langage en acte de langage comme unité minimale opératoire dans
le système constitue son apport. L'ambition ainsi exprimée vise
ultimement à mettre ensemble la logique, la grammaire, la
sémantique, et la théorie de l'action.
La transformation de l'approche structuro-fonctionnaliste en
une approche pragmatico - intentionnelle passe par la logique. « Le
structuralisme (...) relève de modèles formels tout aussi
rigoureux, ce que Lévi- Strauss ne manque pas de
rappeler »748(*). Dès lors qu'une relation entre
phénomènes peut être décrite en termes de variables,
de fonctions ou de structure, on rejette « le vocabulaire et les
métaphores organicistes au profit de langage alternatif : celui
d'une codification logique de l'analyse fonctionnelle ».749(*) La notion de cause ou plus
exactement la relation de cause à effet que suppose le structuro
-fonctionnalisme est analysée comme une implication stricte en
logique : « p implique strictement
q » comme « il est nécessaire que
p implique q » .750(*)
Qu'est-ce qui est poursuivi ici ? C'est la recherche de
lois générales des structures empiriques et abstraites. Seulement
Claude les classiques telle que nous l'évoquons, situe hors du temps et
de l'histoire les structures logiques qui sont censés régir la
société ; il substitue la relation logique à la
relation humaine.
Rappelons-nous le programme cognitivo-pragmatique
considère qu'il doit y avoir une continuité entre le biologique
(les actes mentaux : désir, croyance, intention, action) et le
culturel (le langage). Il restaure trois paliers : le biologique
physico-chimique, les actes mentaux et la réalité sociale
(langage et culture). Parlons un tout petit peu de la création de la
réalité sociale.
L'application de programme cognitivo-pragmatique à la
création de la réalité sociale
La réalité sociale est faite, des portions
du monde réel, des faits objectifs dans le monde, qui ne sont des faits
que par l'accord des hommes. En ce sens, il y a des choses qui n'existent que
parce que nous y croyons. Nous pensons à des choses comme l'argent, les
propriétés foncières, les gouvernements, les mariages,
l'activité de recrutement, de renvoi, la guerre, les révolutions,
les soirées mondaines, les gouvernements, les réunions, les
syndicats, les parlements, les corporations, les lois, les restaurants, les
congés, le fait qu'il y a des avocats, des professeurs, des
médecins, des chevaliers médiévaux et des impôts,
etc.751(*)
Le contenu de la fonction
-statut
Après cette analyse de la forme de fonction -statut,
nous passons à la question de leur contenu. En effet, quel est le
contenu donné à cet imposition de fonction -statut ? Le fait
de posséder un morceau de papier quelconque n'en fait pas
spontanément du papier -monnaie. Il faut qu'un consensus social
détermine la nature de la fonction -statut à conférer
à l'objet. Le contenu appelle donc une interaction sociale.
L'existence et la pérennité des faits
institutionnels restent tributaire d'une croyance unanimement partagée.
Cela est particulièrement probant pour la monnaie se présentant
sous la forme de morceaux de papier. Aussi faut-il entretenir cette acceptation
par des indicateurs, un arsenal élaboré de prestige et
d'honneur. Les armées, les salles de tribunal et, dans une moindre
mesure, les universités ont recours à des
cérémonies, des insignes, des habits d'apparat, des honneurs, des
grades, et même de la musique, pour encourager la continuelle acceptation
de la structure.
La nature des institutions
« Les explications fonctionnalistes tendent
à étudier les institutions indépendamment des intentions
des acteurs qui y sont impliqués ; elles recourent à une
téléologie sans agents intentionnels ».752(*) Pour Searle « les
sciences sociales en général concernent différents aspects
de l'intentionnalité ».753(*) L'économie par exemple n'est pas
basée « sur des faits systématiques portant sur la
structure moléculaire (l'organicisme), mais sur des faits concernant
l'intentionnalité humaine, les désirs, les pratiques,
l'état de la technologie et de la connaissance, il s'en suit que
l'économie n'est indépendante ni de l'histoire ni du
contexte».754(*)
Ceci approche le point de vue de l'économie normative de W .Pareto.
La linguistique est une science appliquée de l'intentionnalité
qui s'occupe de spécifier les contenus intentionnels
déterminés de façon historique dans l'esprit de celui qui
parle les différents langages qui justifient de fait la
compétence linguistique humaine.755(*)
Le contexte et la
sémantique de la cognition
Emile Durkheim dans Les règles de la
méthode sociologique, nous donne des points d'encrages
théoriques qui nous introduisent dans le contexte pragmatico-
intentionnaliste, en l'occurrence celle de John Searle. Ce livrepeut être
une des références pour discuter avec Searle pour autant que le
fonctionnalisme d'E. Durkheim et sa primauté du collectif y est mis en
exergue. C'est là tout un programme de recherche qui se recoupe avec
celui actuel de John Searle. Proche d'une telle problématique, nous
sommes d'avis que John Searle se pose une foule de questions qui se recoupent :
comment les faits institutionnels sont-ils possibles ? Et quelle est
exactement la structure de ce genre de faits ? Comment une
réalité sociale construite est-elle possible ? Comment
peut-il y avoir une réalité objective qui existe, pour une part,
en vertu de l'accord des hommes ? Par exemple, comment peut-il être
un fait complètement objectif que les bouts de papier qui se trouvent
dans ma poche soient de l'argent, si quelque chose n'est de l'argent que parce
que nous le croyons ? Et quel est le rôle du langage dans la
constitution de tels faits ?756(*)
A propos John Searle évoque le fonctionnalisme dans un
contexte théorique qui se recoupe entre autre avec la manière de
voir d'Emile Durkheim. Toutefois, Searle refuse le rapprochement avec le
fonctionnalisme : « il vaut peut être la peine de noter
qu'en employant la notion de fonction je n'ai assurément pas l'intention
de souscrire à quelque « analyse fonctionnelle » ou
« explication fonctionnelle » que ce soit en matière
de recherche sociologique ».757(*)
John Searle englobe cette question en portant son
intérêt sur les problèmes méthodologiques,
épistémologiques de fondement et celle la validité de la
connaissance en sciences sociales. Répondre plus
précisément à la question principale de la reconstruction
du fonctionnalisme traditionnel suppose la démarcation qu'il y a
à faire avec les autres approches théoriques et des concepts
centraux de reconstruction en sciences sociales. En fin de compte, nous nous
servons d'un réflecteur, en l'occurrence du fonctionnalisme de John
Searle pour construire notre hypothèse générale de
reconstruction. Searle considère le cadre théorique d'Emile
Durkheim comme essentialiste.
Searle reconstruit le cadre général structuro
-fonctionnaliste d'un point de vue intentionnaliste. Le système de
Durkheim est intrinsèque. Le système fonctionnel de
Searle est attributif. Un agent intentionnel attribue une fonction à une
chose, à un évènement ou à une personne. Il part du
fait qu'il ne faut pas postuler d'emblée comme le fait Durkheim que les
rapports entre le Tout et ses parties sont normaux et fonctionnent. Nous
l'avons déjà dit. D'où l'importance du langage dans la
création de la réalité sociale en général.
En effet, selon Searle «les fonctions ne sont jamais
intrinsèques ; elles sont assignées relativement aux
intérêts d'utilisateur, et d'observateurs ».758(*) C'est nous qui le
construisons en assignant ou imposant des fonctions.
A travers la formule langagière des règles
constitutives de Searle, X vaut Y dans le contexte C (entendez par exemple
cette femme (X) est déclarée mariée (Y) dans le contexte
où cela est dit par l'officier de l'état civil (C)). Ce
système de X, Y et C n'existe pas en lui-même ; X et Y se
situent dans un rapport non intrinsèque comme dans un rapport de Tout et
de ses parties.
Searle considère X et Y comme des
variables : « j'emploi les expressions « terme
X », « terme Y », et « terme
C » pour faire référence indifféremment soit aux
entités réelles qui sont les valeurs de ces trois
variables ».759(*) Dans ces conditions où le système
n'est pas intrinsèque, il y a bien un problème de
causalité et de normativité automatiques.
« Chaque fois que la fonction de X est de Y, alors X est
censé causer Y ou, sinon, résulter en Y. Cette
composante normative inhérente aux fonctions ne peut se réduire
à la seule causalité, à ce qui se passe en fait comme
résultat de X, parce que X peut avoir pour fonction de faire -Y
même dans les cas où X ne parvient pas tout le temps ,ni
même la plupart de temps ,à provoquer Y ».760(*)
La transformation searlienne donne des résultats
suivants : l'exigence d'incorporer la subjectivité humaine. En
fait, la reconstruction de Searle suppose en même temps le
fonctionnalisme et le structuralisme : « la fonction de X
est de Y, X et Y sont les parties d'un système où le
système est en partie défini par des fins et, de
manière générale, par des
valeurs ».761(*)
Les propos ici vont consister, comme on peut le remarquer
à présenter, la conception constructiviste de la
réalité sociale selon John Searle. Comme le débat se
situe, par rapport à la communauté scientifique au double point
de vue diachronique et synchronique, nous allons tenter, pour
présenter sa conception, de subsumer les différents points
d'encrages qui ne sont pas donnés d'emblée.
Ce chapitre contient essentiellement deux grandes
questions : la reconstruction structuro-fonctionnaliste de Searle d'abord,
cette partie a ceci d'intéressant qu'elle éclaire pas mal de
points théoriques en sciences sociales à la recherche de sa
rénovation, surtout en Afrique d'une part, et d'autre part, elle met en
exergue le point de départ onto-théologique ou naturaliste d'un
contexte théorique, point de départ qui a l'avantage de servir de
balise contre l'éparpillement de cette question qui embrasse finalement
plusieurs domaines des sciences : de la physique à la culture, en
passant par la biologie et le statut des savoirs, etc. La seconde partie se
penchera ensuite sur les accointances et/ou diversités entre Searle et
Durkheim.
La transformation pragmatico -
cognitive des déterminations structuro -fonctionnelles
Nous allons montrer d'une part les différentes
divergences de l'approche pragmatico-cognitive de John Searle avec l'approche
dite structuro-fonctionnalisme, en tant qu'elle se réalise de
façon reconstructive, et les différentes convergences d'autre
part. Searle tente ici justement la transformation pragmatico - intentionnelle
du structuro- fonctionnalisme. Nous verrons que son point de départ est
intentionnel ou cognitiviste (dans le naturalisme la Raison émerge
à un certain niveau comme émerge la conscience du
biologique : la conscience émerge du processus neurobiologique dans
le physicalisme de Searle), et qu'il retourne subrepticement sur ses
premières amours pragmatistes à la fin. Sa reconstruction
épistémologique des approches est au demeurant intentionnalico-
langagière. Finalement Searle débouche sur ses propres
modalités de la construction de la réalité sociale.
Toutefois, il faut dire que sa conception de la construction
de la réalité sociale, bien que proche de celle de Friedrich
Hayek, ne manque pas de forcer l'admiration par sa richesse en tant qu'elle se
ressource dans la logique, dans le cognitivisme, dans la philosophie de la
nature et dans la sémio -pragmatique. Searle part d'un projet colossal
d'un édifice naturaliste qui reprend la physique comme base, la biologie
comme le sommet et la psychologie comme stade intermédiaire.
Nous pouvons ici évoquer chez Searle la reconstruction
épistémologique au moyen du concept normatif de
« comportement régi par des règles » des
structures profondes. A ce propos, John Searle réfute plusieurs points
de vue qui recèlent en fait des contradictions : « nous
ne pouvons pas (...) décrire (...) ces structures comme des ensembles de
règles de calcul inconscient, ainsi qu'on le fait aujourd'hui en
sciences cognitives et en linguistique, parce qu'il est incohérent de
postuler un suivi des règles inconscientes qui soit en principe
inaccessible à la conscience ».762(*)
Les règles phonologiques que Claude Lévi-Strauss
a utilisées sont remplacées chez Searle par des règles
constitutives que nous verrons. Searle reconstruit cette problématique
de l'omniprésence de l' « inconscient » par la
notion de l'Arrière-plan.
A propos Searle et Pierre Bourdieu se démarquent du
concept de l'inconscient pour respectivement l'Habitus et
l'Arrière-plan. Marc Maesschalck nous renseigne par ailleurs que le
recours à l'Habitus est « une réaction à la
prédominance de l'oeuvre de Lévi-Strauss sur le travail
sociologique à l'époque où Bourdieu menait ses
études sur les structures de parenté au Bearn et en
Kabylie ».763(*) La notion de l'Arrière-plan est une
reconstruction de la question de la commande du langage, du mental et de
l'interaction au moyen des structures profondes comme un ensemble des
règles.
La question théorique de John Searle est la
suivante : « quelle est (...) la bonne méthodologie,
pour décrire la structure de la réalité
sociale ? »764(*) Pour lui déjà, en effet « ce
qui crée un problème au théoricien, c'est le
caractère invisible de la structure de la réalité
sociale ».765(*) La cristallisation théorique de cette
question est, par delà la rupture saussurienne et le rôle des
règles dans les sciences sociales, la fameuse question de Ludwig
Wittgenstein, celle de savoir si les règles causent l'action ou ce
qu'obéir à la règle signifie. 766(*) Qu'est-ce qu'être
commandé par les règles ?
On part du fait que « les gens qui participent aux
institutions (comme l'argent, la guerre, la propriété, le
mariage, le procès, etc.) ne sont pas conscients, habituellement, de ces
règles ; ils ont même souvent de fausses croyances sur la
nature de l'institution, et il arrive même que ceux qui ont
créé en personne l'institution n'aient pas conscience de sa
structure ».767(*) L'institution incarne la raison.
Comment Searle explique-t-il cette situation ? Il rappelle le
fait que « Chomsky dans son analyse de la Grammaire universelle, dit
que l'enfant n'est capable d'apprendre la grammaire d'une langue naturelle
donnée que parce qu'il ou elle est déjà de façon
innée en possession des règles d'une Grammaire universelle, et
ces règles sont si profondément inconscientes qu'il n'y a aucun
moyen pour un enfant de prendre conscience de leur déroulement. Ces
analyses ne me satisfont pas, conclut-il.»768(*) Et il poursuit, «cette
façon de procéder est très courante en science cognitive.
Fodor dit que pour comprendre une langue quelle qu'elle soit, il nous faut tous
connaître le Langage de la Pensée. Et ce langage est
profondément inconscient que nous ne pouvons jamais prendre conscience
de son déroulement ».769(*)
John Searle ne procède pas de cette
façon : « depuis Freud, nous trouvons utile et
commode de parler de manière désinvolte de l'esprit inconscient
sans en payer le prix : expliquer exactement ce que nous entendons par
là ».770(*) Quelle est la thèse de Searle ?
« Pour expliquer comment nous pouvons rattacher à des
règles des structures telles que le langage, la propriété,
l'argent, le mariage, et ainsi de suite, dans le cas ou nous ne connaissons pas
les règles et ne les suivons ni consciemment ni inconsciemment, je dois
faire appel à la notion que j'ai appelé
l' « Arrière-plan » ».771(*) Searle distingue les
règles de l'Arrière-plan. L'arrière-plan est le contexte
du cognitif.
Cette problématique est à la suite de
l'hypothèse de Ludwig Wittgenstein selon la quelle « parler
est un type de comportement régi par des règles ».
Searle présente déjà 1969 la nature des règles.
En fait, John Searle explicite justement l'aphorisme de Ludwig Wittgenstein
selon lequel « parler une langue c'est accomplir des actes
conformément à des systèmes des règles
constitutives ».772(*) Plusieurs règles peuvent ici entrer en
compte : les règles constitutives, les règles normatives,
les règles de force illocutoire (les règles de contenu
propositionnel, les règles essentielles, les règles de
sincérité, etc.). Pour Searle, ces règles sont celles
fondamentales auxquelles obéit d'une façon
générale l'activité communicationnelle dans le monde de la
vie quotidienne. « Il existe (donc) des règles constitutives
du monde vécu ».773(*)
Ce que tente de faire John Searle,c'est de mettre en exergue
ces règles : « Les institutions comme l'argent, la
propriété, la syntaxe, et les actes de langage sont des
systèmes des règles constitutives, et nous voulons
connaître le rôle de cette structure régulatrice dans
l'explication causale du comportement humain ».774(*) Les règles ne
fonctionnent pas comme les causes du comportement. « Les
règles sont donc un procédé qu'emploie le linguiste pour
caractériser les phénomènes, mais elles se bornent
à décrire le comportement, elles ne jouent en
vérité aucun rôle pour ce qui est de le
causer ».775(*)
Et Searle de conclure : « Je propose donc de
dire, c'est Searle qui conclut ainsi, qu'en apprenant à se
débrouiller avec la réalité sociale, nous acquérons
un ensemble d'aptitudes cognitives (Arrière-plan) qui sont partout
sensibles à une structure intentionnelle, et en particulier aux
structures régulatrices d'institutions complexes, sans
nécessairement contenir partout de représentations des
règles de ces institutions ».776(*) Il s'oppose ici à la
non intentionnalité d'Emile Durkheim.
CHAPITRE DOUZIÈME :
CHAPITRE
QUINZIÈME :
JüRGEN HABERMAS ET
JOHN SEARLE :DE LA LOGIQUE FORMELLE À LA LOGIQUE PRAGMATIQUE EN
SCIENCES SOCIALES
Les logiques pratiques sont de l'ordre de
l'anatomie et non de physiologie sociale. Les auteurs indiquent de façon
statique les composantes du problèmes de principe unificateur et
générateurs de nouvelles pratiques et non la question importante
et dynamique de fonctionnement ,et l'énergie qui doit mettre le moteur
sociale en marche. Le moteur ici est la parole, il faut dire que la parole
sacrée est seule capable de génétisation puissante, en
élargir le spectre nous parait indiqué. Les sciences du langage
forment les moyens théoriques de production de connaissances en sciences
sociales, notamment en psychologie et en sociologie. Il s'agit de la
sémiotique telle qu'elle englobe la syntaxe, la sémantique et la
pragmatique.
A la différence de la sémantique
appliquée à la linguistique, la sémantique
générale du succès et de la satisfaction est
philosophique. Son objectif principal est d'articuler et même de rendre
vivante la structure logique profonde commune à toutes les langues
naturelles possibles en utilisant une logique unifiée illocutoire et
Intentionnelle.777(*) La
sémantique philosophique (du succès et de satisfaction) porte sur
le rapport conventionnel qui relie ce que dit la proposition, son
sens, et ce sur quoi elle porte, sa référence.
La question à la quelle nous voulons tenter de
répondre est celle de savoir comment l' « activité
sociale » est-elle possible ? Il s'agit de voir ce qui commande
les activités sociales et comment cela se fait-il ? Au niveau
praxéologique (théorie de l'action) qui est déjà
définie par Max Weber, « l'activité sociale (est) un
comportement ayant un sens subjectif, c'est-à-dire guidé par un
sens subjectivement visé qui le motive. Il ne peut être
adéquatement appréhendé qu'en fonction des objectifs et
des valeurs qui guident le sujet de l'action.»778(*) Il est important pour les
théories sociologiques de l'action d'élucider le concept de
l'activité sociale, objet central des sciences sociales. L'approche que
nous utilisons ici pour analyser les interactions élémentaires
est la logique.
Les présupposés
physico-mathématiques dans le cadre de l'analyse causale des
déterminations fonctionnelle, structurale et distributionnelle des
systèmes sociaux peuvent passer au point de vue intentionnelle de la
codification logique des déterminations à l'implication
logique : « p implique strictement
q ». Et appliquée aux acteurs sociaux comme
analyse logique de l'action sociale, cela fait appel à la logique aussi
bien formelle que pragmatique. Nous allons illustrer la formalisation de
l'action sociale par la logique pragmatique avec Jürgen Habermas et John
Searle.
Pour Searle qui essaie de reconstruction au point de vue
sémio-pragmatique Emile Durkheim, les discours sont des actions pourvues
des forces, de telle sorte que nous pouvons étudier les conditions de
leur réussite ou de leur succès. Ce sont ces forces qui
permettent d'analyser ce qui commande ces actions.
A propos, le langage courant distingue de nombreuses forces
illocutoires directes : demandes, questions, requêtes,
sollicitations, prières, invitations, supplications, implorations,
ordres, commandements, revendications, exigences, conseils, recommandations, au
tant de directives de forces distinctes à accomplir dans des conditions
différentes. On peut voir ce qui commande ces actes de langage qui sont
par ailleurs des activités sociales.
En somme, l'appareillage théorique complet qu'il
utilise appelle les notions suivantes : la force illocutoire, le contenu
propositionnel, la direction d'ajustements des actes de langage et des
états mentaux, le Réseau des états intentionnels et
l'Arrière-plan, et bien d'autres notions.
Il faut en plus pour prendre en compte le sens subjectivement
visé ,intégrer les états mentaux(croyance, intention,
perception, désirs, etc.) en transformant les énoncés
relatifs au sens subjectivement visé en des énoncés
relatifs au comportement objectif et traduire des énoncés
intentionnels du type : « A pense que
`p' » en des expressions d'un langage empiriste pour qu'une
classe d'états mentaux deviennent synonyme de la classe des variables du
comportement.
Jürgen Habermas présente des « approches -
intéressantes pour une analyse logique- de structures universelles (...)
de l'action »779(*) dans le cadre de sa pragmatique
universelle. Pour lui, l'activité sociale qu'il faut comprendre se
scinde en plusieurs autres activités sociales.
Voici le système des activités sociales pour
Habermas780(*) :
- Activités instrumentales (des acteurs tels que
coordonnées engendre les activités sociales)
- Activités sociales se composent des
activités symboliques (types d'activités liés aux
systèmes non propositionnels de l'expression verbale : un concert,
une danse), des activités communicationnelles, et des activités
stratégique (combats sportifs)
- Activités communicationnelles sont non
différenciées du point de vue propositionnel et
différenciées du point de vue propositionnel
- Non différenciées du point de vue
propositionnel : non verbales et verbales (actes de paroles illocutoires
abrégés)
- différenciées du point de vue
propositionnel : non verbales et verbales
- Verbales : à fonction institutionnelle, sans
fonction institutionnelles
- sans fonction institutionnelles : implicites,
explicites
- implicites, explicites
- Explicites : liés au contexte,
indépendantes du contexte
- Indépendantes du contexte : unités
analytiques.
Ici nous passons de la logique formelle à la logique
pragmatique ? Pour analyser les activités sociales (les faits
sociaux) au point de vue pragmatique ou proprement sémiotique, nous
combinons la phrase au discours. « Les langages empiristes
remplissent la condition d'être fonctionnels par rapport à la
vérité, ainsi lorsqu'elles rentrent dans des propositions
complexes, le rôle des propositions simples se limite à être
condition de leur vérité, en ce sens que les valeurs de
vérité des énoncés d'ordre global sont
déterminées par celles de leurs arguments »781(*). Dans un tel contexte, il
faut au point de départ disposer d'une théorie de la
vérité (d'une sémantique logique) qui soit compatible avec
la théorie de la prétention à la validité pour
Habermas et de la théorie du succès et de la satisfaction pour
Searle. Il faut donc concilier la logique formelle à la logique
pragmatique ou illocutoire.
« Le structuralisme (...) relève de
modèles formels tout aussi rigoureux, ce que Lévi- Strauss ne
manque pas de rappeler. »782(*) Dès lors qu'une relation entre
phénomènes peut être décrite en termes de variables,
de fonctions ou de structure, on rejette « le vocabulaire et les
métaphores organicistes au profit de langage alternatif : celui
d'une codification logique de l'analyse fonctionnelle ».783(*)
Toutefois, rappelons que le programme global de John Searle
auquel nous nous référons est gouverné par la même
volonté ou l'exigence d'élaborer une théorie unitaire de
l'esprit (la cognition), de l'action et du langage. L'ambition ainsi
exprimée vise ultimement à mettre ensemble la logique, la
grammaire (la sémantique), la théorie de l'esprit et la
théorie de l'action.
Ce programme peut remonter selon Daniel Vanderveken, à
la Grammaire générale et raisonnée de Port-Royal,
qui distingue l'affirmation faite par le locuteur d'une affirmation
conçue par le locuteur, et esquisse une théorie des actes de
pensée ou actions de l'esprit pour rendre compte aussi bien des
énoncés non déclaratifs que des énoncés
déclaratifs. Il faut au point de départ disposer d'une
théorie de la vérité qui soit compatible avec la
théorie du succès et de la satisfaction. Il faut comme nous
l'avons dit concilier la logique formelle à la logique pragmatique.
John Searle et Daniel Vanderveken ont ainsi cherché
à identifier les conditions de satisfaction d'un acte illocutoire
élémentaire avec les conditions de vérité de son
contenu proportionnel. A la suite de cette présentation, il faut
rappeler qu'aux actes de langage correspondent des états mentaux en tant
qu'actes de pensée. Les mots énoncés sous un mode
littéral indiquent formellement la manière dont ils doivent
être compris (interrogation, affirmation, ordre, promesse). Les actes
sous le mode langagier sont des actes de langage assertif, promissif,
directif, etc. ; et sous le mode psychologique, sont des états
Intentionnels : croyance, désir, intention, perception, etc.
Les propositions sont les contenus de nos actes illocutoires
(assertions, promesses et questions) et de nos attitudes propositionnelles
(croyance, désirs et intentions) à propos des objets et des
faits. Elles sont des sens d'énoncés pourvus de conditions de
vérité : elles sont vraies en une circonstance quand elles
représentent un fait existant.784(*)
De l'ajustement de rapport au
monde
Le contenu représentatif /propositionnel
doué de signification, selon que c'est un état psychologique ou
un acte de langage, détermine le rapport au monde, et par là
même leur direction d'ajustement, c'est-à-dire la direction de la
causalité, et leurs conditions de satisfaction (pour être un acte
de langage réussi).
Il y a là plusieurs causalités, outre la
causalité mentale ou la causalité physique brute, Searle parle de
la causalité de l'Arrière-plan. « La clé pour
comprendre les relations causales entre la structure de l'Arrière-plan
et la structure des institutions, c'est de voir que l'Arrière-plan peut
être causalement sensible aux formes spécifiques des règles
constitutives sans contenir réellement de croyances, de désir,
ou de représentations de ces règles ».785(*) Autrement
dit, « tout état intentionnel ne fonctionne ,
c'est-à-dire ne détermine des conditions de satisfaction que sur
fond d'un ensemble d'aptitudes, de dispositions et de capacités
d'Arrière-plan qui ne font pas partie du contenu intentionnel et ne
sauraient être incluses comme une partie du contenu ».786(*)
Les actes de langage ou les états psychologiques se
présentent face au monde selon les directions d'ajustement particulier.
On peut dire que les directions d'ajustement sont des déterminations
logiques. « La relation entre le contenu représentatif
R et le mode psychologique (états Intentionnels) S
(croyance, désir, intention, la pensée, etc.) est similaire
à celle qui réunit le contenu propositionnel p et la
force illocutoire F (impératif, assertif, expressif,
performatif, promission) ».787(*)
Les conditions qui doivent être remplies pour qu'un acte
de langage réussisse sont : l'ajustement entre la signification
linguistique et l'état de chose auquel elle se réfère. La
direction d'ajustement qui relie ainsi le contenu propositionnel au monde est
déterminée par la force illocutoire : celle -ci
spécifie les modalités de « traitement » de
l'état des choses représenté par l'acte de langage.
Les actes de langage et les états intentionnels
permettent d'avoir des conditions de satisfaction précises (échec
ou réussite de l'acte) selon le rapport qu'ils ont envers le monde ou la
direction d'ajustement en tant que direction de causalité.
« La notion de conditions de satisfaction s'applique à la fois
à tous les actes de langage et à tous les états
Intentionnels pourvus d'une direction d'ajustement ».788(*)Les conditions d'ajustement
spécifient les exigences d'adéquation auxquelles chaque acte de
langage ou attitude propositionnelle sont supposés répondre.
Les états Intentionnels tels que la croyance et la
perception s'ajustent de l'esprit au monde, alors que le désir et
l'intention s'ajustent inversement du monde à l'esprit. Il existe
d'autres états Intentionnels qui n'ont pas de direction d'ajustement.
De même, la relation qui réunit le contenu
propositionnel p avec la force illocutoire F (impératif,
assertif, expressif, performatif, déclaratif, promissif)
détermine la manière dont les mots sont censés s'ajuster
au monde. Les assertifs, les affirmatifs, les explicatifs ou les descriptifs,
s'ajustent selon une direction qui va des mots au monde. Les promissifs,
c'est-à-dire pour les promesses, serments, menaces, contrat,
l'ajustement va du monde aux mots : c'est le locuteur qui s'est
engagé à faire quelque chose dans le futur.
Les normes appartiennent à la classe des directifs,
c'est-à-dire des actes de langage au moyen desquels on cherche à
influencer la conduite d'autrui. Les directifs, c'est-à-dire pour les
ordres ou demandes l'ajustement va du monde aux mots. Les directifs les plus
forts, par exemple, les commandements ou les ordres de faire ou de ne pas faire
quelque chose, sont appelés prescriptifs.
Les expressifs (excuses, remerciement, félicitations)
se caractérisent par l'absence totale de direction d'ajustement. Par
exemple l'affirmation « cette grenouille est verte »
et la croyance que cette grenouille est verte représentent les
mêmes conditions de satisfaction et toutes deux ont une direction
d'ajustement qui va du mot /esprit au monde ».789(*) Les conditions de
satisfaction répondent à des conditions de vérité
(assertif, croyance). Aux conditions de vérité il faut adjoindre
les conditions d'intelligibilité.
Les conditions de satisfaction elles, dépendent de la
direction d'ajustement de force. Pour qu'il y ait satisfaction, il ne suffit
pas qu'il y ait correspondance (la vérité -correspondance),
faut-il encore que la correspondance soit établie selon la direction
d'ajustement voulue. D' où l'analyse des marqueurs de forces.
Ici, « les différentes forces
illocutionnaires relient le contenu propositionnel au monde réel de
différentes manières, avec des directions d'ajustement
différents, on aura besoin de mots différents pour marquer le
succès ou l'échec de l'ajustement entre la proposition et le
monde réel ».790(*)
Les phrases suivantes : « (« Je te
baptise »), ou « Je décrète l'état
d'urgence », etc.), échappent à l'alternative du vrai
et du faux ou à une vérité d'adéquation, qu'Austin
remplace par la réussite (felicity) ou l'échec de la formulation
(utterence) ».791(*) Enoncer « les conditions de
vérité pour les énoncés n'est pas la même
chose qu'énoncer les conditions de satisfactions pour d'autres sortes
d'actes de langage. (Ainsi donc), il faudra introduire des
dispositifs pour effectuer toutes sortes d'actes de langage standard, tels que
les énoncés, les questions, les ordres, et les promesses. Pour
cela il vous faudrait des manières de marquer la distinction entre le
contenu propositionnel et la force illocutoire de l'acte de
langage ».792(*)
« Du fait que les différentes forces
illocutoires relient le contenu propositionnel au monde réel de
différents manières, avec des directions d'ajustement
différents, on aura besoin de mots différents pour marquer le
succès ou l'échec de l'ajustement entre la proposition et le
monde réel ».793(*) Searle présente différents types de
forces illocutoires en formalisant leur portée. La taxinomie des actes
illocutoires repère les usages fondamentaux de la langue.
Rappelons-nous que John Searle considère
qu'il doit y avoir une continuité entre le biologique (les actes
mentaux : désir, croyance, intention, action) et le culturel (le
langage). Il restaure ainsi trois paliers : le biologique
physico-chimique, les actes mentaux et la réalité sociale
(langage et culture).
Selon Daniel Vanderveken, les logiciens devraient se
concentrer aussi bien sur l'analyse des conditions de vérité des
énoncés déclaratifs que sur les actes illocutoires.
« Nous comprenons déjà assez clairement comment les
affirmations représentent leurs conditions de vérité,
comment les promesses représentent leurs conditions de
réalisation, comment les ordres représentent leurs conditions
d'exécution et comment dans l'énonciation d'une expression
référentielle, le locuteur réfère à un
objet ».794(*)
Pour Daniel Vanderveken, la logique illocutoire présente une
nouveauté dans l'histoire de la logique philosophique.
Pour analyser la structure logique des forces, Searle et
Vanderveken ont décomposé en logique illocutoire chaque force en
cinq espèces de composantes à savoir : un but
illocutoire, un mode d'atteinte de ce but, des conditions sur le
contenu propositionnel, des conditions préparatoires de
sincérité, et un degré de puissance.795(*) Déjà ici nous
pouvons voir en filigrane la réplique à une théorie de
l'action de Talcott Parsons.
C'est ici que Searle culmine avec sa philosophie analytique
des sciences sociales au théorème fondamental de Talcott
Parsons (interactionniste symbolique): « l'environnement
symbolique et culturel qui propose des buts, à atteindre et des moyens
appropriés, établit des limites à l'action permise, des
propriétés et suggère des choix ».796(*) La fonction du symbolisme (a
priori) dans l'action sociale est justement de médiatiser les
règles de conduite, les normes, les valeurs culturelles qui servent
à guider l'action dans l'organisation de son action. La poursuite
des butsconstitue la dimension de tout système d'action. Parsons classe
dans cette catégorie toutes les actions qui servent à
définir les buts du système, à mobiliser et gérer
les ressources et les énergies en vue de l'obtention de ces buts et
à obtenir finalement la gratification recherchée. C'est
précisément la capacité de se fixer des buts et de les
poursuivre méthodiquement qui distingue le système d'action des
systèmes de non-action, c'est-à-dire des systèmes physique
ou biologique.
Comment la forme conceptuelle s'ajuste-t-elle à la
structure empirique ? John Searle tente d'y répondre à
travers la théorie de l'ajustement.
Nous abordons directement cette question par la logique
illocutoire de Searle. Pour rappel, la relation qui réunit le contenu
propositionnel p avec la force illocutoire F (impératif,
assertif, expressif, performatif, déclaratif, promissif)
détermine la manière dont les mots sont censés
s'ajuster au monde. Les assertifs, les affirmatifs, les explicatifs ou
les descriptifs, s'ajustent selon une direction qui va des mots au monde. Les
expressifs (excuses, remerciement, félicitations) se
caractérisent par l'absence totale de direction d'ajustement.
Les conditions de satisfactions spécifient les exigences
d'adéquation auxquelles chaque acte de langage est supposé
répondre.
Pour Searle en effet, « la notion clef de la
structure du comportement est l'intentionnalité ».797(*) Un état intentionnel
- croyance, désir, intention au sens commun- est
caractérisé par deux composantes. Tout d'abord ,ce que l'on peut
appeler son « contenu »,qui fait qu'il porte sur
quelque chose ,puis son « type »,ou son « mode
psychologique ». « Le contenu et le type de l'état
vont servir à lier l'état mental au monde. Chaque état, en
lui-même, détermine les conditions dans lesquelles il est vrai
(dans le cas de croyance), dans lesquelles il est exaucé (dans le cas de
désir) ou les conditions dans lesquelles il est concrétisé
(dans le cas d'une intention) ».798(*)
Ces états ont une caractéristique qui leur
permet d'engendrer des événements. Par exemple, si je veux aller
au cinéma, et si j'y vais, normalement mon désir va
représenter l'événement même qu'il
représente : le fait que je vais aller au cinéma. Dans ces
situations, il existe une liaison interne entre la cause et l'effet, car la
cause est une représentation de l'état même qu'elle
provoque. La cause représente et en même temps provoque l'effet
».799(*)
Searle donne à ce genre de causalité le nom de
« causalité intentionnelle » et souligne son
importance dans l'explication de la structure de l'action humaine. Il revient
justement sur la forme de causalité bien différente de la forme
traditionnelle de causalité. Il ne s'agit ni de
régularités, ni de lois globales, ni de conjonctions constantes.
« La causalité intentionnelle est caractérisée
par le fait qu'il s'agit d'un état mental qui cause la survenue d'autre
chose ».800(*)
La force illocutoire, entendez cet acte de la parole (voeux,
souhait, contrat, etc) devient les normes collectives régulatrices.
Autrement dit, cette construction est justement pragmatique en ce qu'elle est
un acte de la parole ou un acte interprétatif.
John Searle exploite manifestement les limites de la
philosophie du langage, notamment l'existence des « actes
Intentionnels » (voir Brentano).
Ainsi, pour lui, la double structure du langage (contenu
propositionnel et force illocutoire) devait s'appliquer aussi aux attitudes
propositionnelles pour rendre les états mentaux tout aussi publics.
L'entreprise n'est pas complète ; Searle tente d'exposer les liens
entre les actes de langage, les états mentaux et les
événements mentaux.
L'application du cadre
théorique pragmatico-cognitive à la création de la
réalité sociale
John Searle définit la réalité sociale de
plusieurs manières, nous nous proposons de partir de la première
définition qu'il nous donne dans son livre intitulé La
construction de la réalité sociale. La réalité
sociale est faite, « des portions du monde réel, des faits
objectifs dans le monde, qui ne sont des faits que par l'accord des hommes. En
ce sens, il y a des choses qui n'existent que parce que nous y croyons. Je
pense, dit-il, à des choses comme l'argent, les propriétés
foncières, les gouvernements, et les mariages. J'ai donné,
ajoute-t-il, à certains des faits qui dépendent de l'accord des
hommes le nom de « faits institutionnels », par
contraste avec les faits non institutionnels ou « bruts »
».801(*) Le fait
institutionnel est un terme qui est déjà utilisé plus de
trois décennies avant par lui-même dans son livre Les actes de
langage.
Commençons par la question principale de la
théorie sociale de Searle, celle qui consiste à savoir comment
nous créons la réalité sociale à partir des actes
de langage en tant qu'ils forment les structures
élémentaires de la réalité. Ici, nous
effleurons déjà son structuralisme. Il s'agit justement des
réalités sociales telles que l'argent, le mariage, la
propriété, l'activité de recrutement, de renvoi, la
guerre, les révolutions, les soirées mondaines, les
gouvernements, les réunions, les syndicats, les parlements, les
corporations, les lois, les restaurants, les congés, le fait qu'il y a
des avocats, des professeurs, des médecins, des chevaliers
médiévaux et des impôts, etc.802(*)
La réponse c'est que, selon John Searle, nous imposons
des fonctions -statuts à des actes de langage. Qu'est-ce qu'imposer une
fonction -statut à un acte de langage? En ce qui concerne le mariage par
exemple, schématiquement « le fait d'effectuer tel ou tel
acte de langage (le terme X) devant une autorité officielle qui
préside la cérémonie (le terme C) est compté
à présent comme le fait d'être marié (le terme Y).
Enoncer les mêmes mots exactement dans un contexte différent
(...) ne constituera pas le fait d'être marié. Le terme Y assigne
à présent un nouveau statut à ces actes de langage. Les
promesses faites durant la cérémonie nuptiale créent un
nouveau fait institutionnel, un mariage, parce que, dans ce contexte, faire ces
promesses est compté comme être marié ».803(*)
A. La capacité sociale
émergente
La construction de ces faits sociaux est comprise comme issue
de la capacité émergente, « qu'ont les agents
conscients de créer des faits sociaux par l'assignation de fonctions
à des objets et à d'autres
phénomènes ».804(*) La symbolisation qui est centrale dans la
création des faits sociaux est également une capacité
sociale émergente de la forme : X compte pour Y dans un contexte C.
Ce papier compte pour de l'argent dans les transactions en République
Démocratique du Congo, etc.
La création du mariage se fait au point de
départ à partir des phénomènes biologiques
primitifs, la tendance des hommes et des femmes à s'unir. C'est une
imposition des fonctions- statuts à des entités ontologiques, en
l'occurrence à des personnes. Cette continuité peut cependant se
faire aussi sur des entités auxquelles on a déjà
imposé une fonction -statut.
John Searle considère le mariage comme un cas
paradigmatique de structure institutionnelle qui appelle une
concaténation de création successive des faits institutionnels.
Ainsi, pour détailler l'exemple du mariage : émettre
certains sons est compté comme prononcer une phrase en français,
prononcer une certaine phrase en français est compté dans
certaines circonstances comme faire une promesse, ce qui, à son tour,
est compté comme souscrire un contrat, souscrire certains contrats
étant à son tour compté comme se marier. La
cérémonie de mariage crée un nouveau fait institutionnel,
le mariage, en imposant une fonction spécifique à un ensemble
d'actes de langage. »805(*) Il existe donc une structure hiérarchique
dans la création d'un grand nombre de faits institutionnels.
Tentons de comprendre le fait institutionnel d'argent.
« S'agissant de l'argent, les statuts ont été
imposés à des morceaux de métal et de papier, et leur
fonction consiste à servir de moyen d'échange, de
réceptacle de valeur, etc. ».806(*) Ici on impose des statuts
-fonctions à des entités brutes mais qui impliquent toujours les
actes de langage dans la mesure où on y écrit 10 francs congolais
ou 500 francs congolais.
Plus explicitement aussi, les « droits de
propriété sont habituellement créés par des actes
de langage. (...) Supposons que je donne ma montre à mon fils. Je peux
le faire en disant « Elle est à
toi », « Tu peux en disposer », ou plus
pompeusement avec le performatif « Je te donne, par la
présente déclaration, ma montre ». J'ai
désormais imposé une nouvelle fonction -statut à ces actes
de langage, celle de transférer la possession ».807(*) Ainsi, la
propriété «commence par une simple possession physique,
(puis) vient se superposer à la possession physique brute d'objets,
(...) une structure que nous construisons d'achats et de vente, de legs, de
transfert partiel, d'hypothèque, etc. de propriété. Les
dispositifs caractéristiques employés sont des actes de langage-
titres, actes de vente, certificats d'enregistrement, testaments,
etc. ».808(*)
L'assignation de fonction s'opère selon la structure
formelle de substituabilité : « X compte comme Y dans
C ». Par exemple, les billets délivrés par
l'Hôtel de monnaie congolaise (X) sont couplés comme de l'argent
(Y) en RD Congo (C). Il est écrit sur le billet de cinq francs
congolais, « cinq francs congolais » parce que c'est l'acte
de langage qui confère la fonction -statut. Dans le cas de l'assignation
d'une fonction -statut à une réalité ontologique :
« La neige est blanche »(S), appelle sa formulation par la
phrase elle-même « p ».
B. Grandes catégories et
contenu de fonction - statut
De ce qui précède, John Searle représente
les fonctions -statuts à travers une taxinomie des faits institutionnels
en quatre grandes catégories en tant que l'assignation des statuts
-fonctions dans un rapport de pouvoir : « la plupart des
créations des faits institutionnels (sinon tous) confèrent
précisément des pouvoirs ».809(*) Il y a justement attribution
de pouvoir dans les phrases suivantes : Ceci c'est de l'argent, celui-ci
est sujet de droit.
En effet, Searle spécifie la nature de ces pouvoirs,
« la structure des faits institutionnels est une structure de
relations de pouvoirs, y compris de pouvoirs négatifs et positifs,
conditionnels et catégoriques, collectifs et
individuels »810(*) :
Premièrement, il s'agit des pouvoirs symboliques des
signes articulés à l'intérieur des phrases dans la
création des significations.
Deuxièmement, il s'agit de l'assignation des fonctions
en tant qu'elle est une question de droit, de devoir et de
responsabilité, etc. En effet, en imposant la fonction -statut
« nous imposons des droits, des responsabilités, des
obligations, des devoirs, des privilèges, des habilitations, des
sanctions, des autorisations, des permissions ».811(*) Ces pouvoirs dits
déontiques positifs et négatifs peuvent être
identifiés quand nous analysons les phrases suivantes :
1) Jean a cent mille francs à la banque
Paul est un citoyen français
Clinton est président
Josiane est avocate
Léon possède un restaurant
2) Anne a perdu tout son argent
La fortune d'Ivan en roubles ne vaut plus rien avec
l'inflation
Juppé a démissionné, etc.
Enfin pour terminer, nous dirons que les deux derniers types
catégoriels des fonctions- statuts sont de modalité du pouvoir
lui-même, c'est -à- dire, en premier, celui du statut pour
lui-même : l'honneur. Par exemple : Marc a gagné le
championnat de France de ski ou McCarthy a été censuré par
le sénat américain. En deuxième lieu, des étapes
procédurales sur le chemin du pouvoir et de l'honneur. Par
exemple : Bill a voté pour Obama ou Barack a reçu
l'investiture du parti démocrate pour les présidentielles.
C. Le contenu de la fonction
-statut
Après cette analyse de la forme de fonctions -statuts,
Searle passe à la question de leur contenu. En effet, il pose la
question de savoir : quel est le contenu donné à cette
imposition de fonction -statut ?
Le fait de posséder un morceau de papier quelconque
n'en fait pas spontanément du papier -monnaie. Il faut qu'un consensus
social détermine la nature de la fonction -statut à
conférer à l'objet et alors, seulement, les
propriétés intrinsèques de l'objet seront
dépassées par un mécanisme de symbolisation. Il faut
d'abord une interaction : « dans une majorité de cas, le
contenu implique un certain mode de pouvoir conventionnel dans lequel le sujet
est en relation avec un certain type d'action ou une certaine série
d'actions ».812(*) Le contenu appelle une interaction.
Deuxièmement, un système de
représentation doit préalablement exister afin de passer de X
à Y.813(*)Le
contenu est justement la reconnaissance, la croyance, etc. « Il faut
de la part des membres de la communauté, un ensemble d'attitudes, de
croyances, etc., ce qui nécessite, dit Searle, un système de
représentations tel que le langage ».814(*)
En effet, l'assignation de fonction - statut aux choses
appelle une reconnaissance collective au sein d'une communauté
d'appartenance. Par exemple, les billets en euros (morceaux de papier)
délivrés par la Banque centrale européenne (X) constituent
la monnaie (Y) au sein des sociétés marchandes qui reconnaissent
l'euro (C) ».815(*)
Ainsi schématiquement au niveau du contenu de fonction
-statut : « le contenu propositionnel des fonctions
-statuts de pouvoir est toujours en partie que816(*) :
(S fait A)
C'est un acte de langage. « Il faut aussi, puisque
les caractéristiques physiques spécifiées par le terme X
ne suffisant pas à garantir que la fonction assignée s'effectue
bien, qu'il y ait une reconnaissance ou un accord collectif continu concernant
la validité de la fonction assignée ; sans quoi la fonction
ne peut pas bien s'accomplir ». 817(*)A la différence des
faits bruts ou d'autres types de faits sociaux, l'existence et la
pérennité des faits institutionnels restent tributaire d'une
croyance unanimement partagée.
En effet, les fonctions - statut assignées étant
détachées de leurs supports physiques, c'est la foi que les
individus accordent à l'institution qui permet de l'auto -entretenir.
Cela est particulièrement probant pour la monnaie se présentant
sous la forme de morceaux de papier. Aussi faut-il entretenir cette acceptation
par des indicateurs, un arsenal élaboré de prestige et
d'honneur. « Les armées, les salles de tribunal et, dans
une moindre mesure, les universités ont recours à des
cérémonies, des insignes, des habits d'apparat, des honneurs, des
grades, et même de la musique, pour encourager la continuelle acceptation
de la structure ».818(*)
En imaginant qu'un individu né il y a trois mille ans
remonte le temps jusqu'à notre époque, comment peut-il comprendre
de lui-même qu'un morceau de papier sur lequel il est écrit
lisiblement « 500 euros» a un pouvoir d'achat
immédiat et sans contrepartie sur l'ensemble des biens et services
vendus au sein d'une société ? C'est par la reconnaissance
sociale qui s'exprime dans les phénomènes respectifs de croyance
et de confiance (en tant qu'elle) est essentielle à l'existence et
à la continuité des faits institutionnels.819(*) « Pour que le
concept argent s'applique à cette chose qui se trouve dans ma poche, il
faut que ce soit le genre de chose que les gens pensent être de l'argent.
Si tout le monde cesse de croire que c'est de l'argent, il cesse de fonctionner
comme de l'argent, et cesse finalement d'en être ».820(*)
John Searle tente maintenant une formulation
carrément logique. Etant donné que l'intentionnalité
collective est sous-jacente à l'assignation de fonction -statuts et que
tout cela se fait par l'entremise de la relation du pouvoir (S fait A), la
forme sous-jacente de l'intentionnalité collective serait en partie ceci
:
Nous acceptons collectivement, sommes d'accord sur le fait,
etc., que (S a le pouvoir (S fait A)).
La forme abrégée est comme suit :
Nous acceptons (S a le pouvoir (S fait A))
Dans la formulation négative par exemple :
Nous acceptons (Il est exigé de S, la personne à
qui on délivre X (S paye une taxe pour une période bien
spécifiée)821(*).
John Searle fait intervenir une autre notion, celle de la
structure formelle de ce pouvoir conventionnel comme une application aux
formes de pouvoir. Il prend le modèle sur ce qu'il dit tirer de certains
systèmes de logique déontique pour en arriver à la
logique « institutionnelle ».
O (p) ssi -P (-p)
(Il est obligatoire que p si et seulement s'il n'est
pas permissible que non p.)
Structure parallèle en
logique « institutionnelle » serait :
S est habilité à ( S fait A) ss - il
est exigé de S (- S fait A) ?
(S est habilité à accomplir l'acte A si et
seulement s'il n'est pas le cas qu'il est exigé de S de ne pas accomplir
l'acte A.)
Il conclut finalement au fait qu'« il y a exactement
une et une seule opération logique primitive présidant à
la création et à l'institution de la réalité
institutionnelle. Elle a la forme suivante »822(*) : Nous acceptons (S a
le pouvoir (S fait A)). Il appelle ceci la « structure de
base ». « L'extraordinaire complexité de la
réalité institutionnelle dans son ensemble a une ossature
simple ».823(*)
D. La théorie de pouvoir
déontique négatif
Searle place aussi des choses sous le signe d'une construction
négative illustrée par sa théorie de pouvoir
déontique négatif. La construction de la réalité
sociale peut à ce moment être tout simplement négative.
« Par exemple, lorsqu'un employé est viré ou qu'une
cour de justice prononce un divorce, dans chacun de ces cas un pouvoir
conventionnel préalablement existant est détruit par retrait de
son acceptation. Ainsi, « vous êtes
viré » est équivalent au retrait du pouvoir
conventionnel :
Nous retirons les pouvoirs (vous êtes employé)
Ce qui est équivalent à :
Nous n'acceptons plus (S a les droits et obligations (S agit
comme employé)). »824(*)
Notion centrale de
l'Arrière- plan chez John Searle
Venons- en maintenant à la notion d'Arrière-plan
qui s'assimile au connexionnisme chez John Searle. Il approche sa notion de
l'Arrière-plan au paradigme connexionniste : « tout le
discours sur l'Arrière-plan, dit-il, est ...en accord avec le
modèle connexionniste de la cognition ».825(*)
Le connexionnisme s'oppose au dualisme et au
séparatisme entre la corporéité et le cognitivisme, c'est
un continuisme. Nous voulons expliquer la notion de l'Arrière-plan par
rapport à la conception du constructivisme radical de Francisco Varela.
Ce dernier en donne une explication similaire mais relativement plus
détaillée. Varela affirme que « lorsqu'on
réexamine la connaissance et la cognition, le meilleur qualificatif est,
me semble-t-il, dit-il, abstraite : rien ne caractérise
mieux les unités de connaissance jugées les plus
« naturelles ». (...) Les disciplines qu'on regroupe sous
le nom de sciences de la cognition acceptent peu à peu l'idée que
les choses ne se présentent pas du tout de cette façon, et,
d'autre part, qu'un changement paradigmatique ou épistémologique
radical se développe rapidement. On trouve au coeur même de cette
opinion naissante la conviction que les connaissances sont essentiellement
concrètes, incarnées,
vécues ».826(*) C'est l'idée même de
l'Arrière-plan.
Il y a continuité des processus dans le
mécanisme de la vision ou une scène de vision prise comme
système « une mosaïque de modalités visuelles,
parmi lesquelles on comptera au moins la forme (contour, dimensions,
rigidité), les propriétés superficielles (couleur,
texture, réflexion spéculaire, transparence), les relations
spatiales tridimensionnelles (position relative, orientation tridimensionnelle
dans l'espace, distance) et le mouvement tridimensionnel (trajectoire,
rotation) ».827(*)
« Les leçons importantes ... (ce sont qu'il y
a) connexions entre les comportements, (...) l'intelligence doit être
cherchée dans les schémas de comportement plutôt que dans
la connaissance individuelle. »828(*) Par exemple «lorsque nous allons pour la
première fois dans un pays étranger, il y a une absence
très nette de disposition à agir et de micromondes
récurrents. Beaucoup d'activités simples comme converser ou
manger, doivent être apprises. En d'autres termes, les micromondes /
micro-identités sont historiquement
constitués ».829(*) Finalement « la cognition
dépend des expériences qu'implique le fait d'avoir un corps
doté de différentes capacités sensori -motrices ; ces
capacités s'inscrivent dans un contexte biologique et culturel plus
large.»830(*)
L'Arrière-plan est profond et local.
L'Arrière-plan inclut les registres suivants :
l'Arrière-plan profond qui comprend « toutes les
capacités qui sont communes à tous les êtres humains
normaux sur la base de leur équipement biologique : les
capacités de marcher, manger, tenir un objet, percevoir,
reconnaître, la position préintentionnelle rendant compte de la
solidité des choses, l'existence indépendante des objets et
d'autrui. Puis ce qu'on pourrait appeler l'Arrière-plan
local » ou les « pratiques culturelles locales »,
qui comprendraient des choses comme ouvrir les portes, se verser à
boire, ou la position préintentionnelle que nous prenons face à
des choses comme les voitures, les réfrigérateurs, l'argent ou
les dîners en ville ».831(*)
Dans le même ordre d'idée « dans la
cognition vécue, les processus sensoriels et moteurs, la perception et
l'action, sont fondamentalement inséparables (c'est le connexionnisme)
et qu'ils ne sont pas simplement liés de manière contingente
comme des couples entrée-sortie ».832(*) En fait « le point
de départ n'est plus un monde préexistant, indépendant du
sujet percevant, mais la structure sensori-motrice de l'agent cognitif, la
manière dont le système nerveux relie les aires sensorielles et
motrices. C'est cette structure -la manière dont le sujet percevant
s'incarne- et non un monde préexistant qui dicte comment le sujet
percevant peut agir et être influencé par
l'environnement ».833(*)
Le connexionnisme s'explique en deux temps : l'espace de
codage et l'apprentissage neuronal. Les notions les plus importantes au niveau
de l'espace de codage sont métaphoriquement les suivantes : les
positions, les dimensions et les valeurs. Les positions représentent,
par exemple, les quatre récepteurs sensoriels du goût qui se
trouvent sur la langue ou dans l'exemple d'une scène visuelle, les
« récepteurs » capables de coder la forme des
visages, et qui développent des dimensions de l'objet codé
respectivement et diversement pour arriver à une configuration
holistique globale. C'est donc une architecture distribuée. Il
y a traitement de l'information non centralisée, mais parallèle
et distribuée.
Pour parler comme Francisco Varela, mise à part le
jugement rationnel, l'action cognitive de l'homme est fragmentaire et
truffée des ruptures et des micro -mondes. « Lorsque nous nous
asseyons à table avec un parent ou un ami, nous disposons
immédiatement de tout un savoir-faire complexe- manipulation des
couverts, position du corps, pauses dans la conversation- sans avoir à
réfléchir ».834(*) Ces explications de Varela suggèrent bien
sûr la notion searlienne de l'Arrière-plan des capacités et
de dispositions.
Pour Francisco Varela, « nous sommes habitués
au mode causal traditionnel du type entrée -traitement -sortie. Rien ne
suggère que le fonctionnement du cerveau soit analogue au traitement
séquentiel de l'information ; ce type de description informatisante
commune ne correspond pas du tout à la nature réelle du
cerveau ».835(*) Il s'agit d' « une entrée
douée de sens et une sortie qui l'est aussi ,mais où, entre les
deux ,il y a aucune étape de traitement symbolique ;il y a
plutôt une série tout simplement de noeuds avec différentes
forces de connexions entre eux, et des signaux qui passent d'un noeud à
l'autre ,et finalement des changements dans les forces de connexion qui donnent
la bonne mesure entre les entrées et le sorties ,sans qu'intervienne,
dans l'intervalle, le moindre ensemble de règles ou des principes
logiques ».836(*) Nous avons expliqué cette notion parce qu'il
est crucial dans le dispositif explicatif de Searle.
Cette analyse de l'Arrière-plan est reconstruction,
chez Searle, du point de vue du langage. Reprenons les exemples de la
compréhension du sens littéral pour l'expliquer :
Le Président a ouvert la séance
L'artillerie a ouvert le feu
Pierre a ouvert un restaurant
« Supposons qu'à l'ordre « Ouvrez
la porte » je me mette à faire des incisions dans la porte
avec un bistouri, ai-je ouvert a porte ? Autrement dit, ai-je obéi
littéralement à l'ordre littéral « Ouvrez
la porte » ? Je pense que non. L'énonciation
littérale de la phrase « Ouvrez la
porte » exige, pour être comprise, quelque chose de plus
que le contenu sémantique des expressions qui la composent et les
règles de leur combinaison en phrase. (...) Ainsi, affirme Searle, ce
que j'ai tenté de faire jusqu'ici, c'est de montrer que comprendre c'est
autre chose que saisir un sens, car, sommairement, ce que l'on comprend va
au-delà du sens. »837(*) Ici « chaque phrase de la (...) liste est
comprise avec un réseau d'états intentionnels (i.e. croyances et
actions) et sur fond d'un Arrière-plan des capacités et des
pratiques sociales »838(*). Ansi « l'Arrière-plan est une
precondition de la représentation. »839(*) Aussi, « si la
représentation requiert un Arrière-plan, il n'est as possible que
l'Arrière-plan consiste lui-même en représentations sans
engendrer une régression à l'infini ».840(*)
Ce qui est intéressant est le fait que « la
thèse de l'Arrière-plan de Searle peut être entendue des
contenus sémantiques aux contenus intentionnels en
général. (Ainsi) tout état intentionnel ne fonctionne
, c'est-à-dire ne détermine des conditions de satisfaction que
sur fond d'un ensemble d'aptitudes, de dispositions et de capacités
d'Arrière-plan qui ne font pas partie du contenu intentionnel et ne
sauraient être incluses comme une partie du contenu ».841(*)
L'analyse sémantique des énoncés ne peut
être séparée de celle des actes d'énonciation, car
leur portée « agissante » est une
propriété structurelle du langage. La sémantique porte sur
le rapport conventionnel qui relie ce que dit la proposition, son sens, et ce
sur quoi elle porte, sa référence, alors que la pragmatique
renvoie aux pratiques et aptitudes collectives ainsi qu'aux
contraintes contextuelles qui régissent la production des
énoncés. Ainsi, la logique dite
« illocutoire », tout en s'occupant des états
mentaux aussi bien que des états langagiers, est transcendantale au sens
d'Emmanuel Kant : elle détermine les conditions possibles de
succès des énonciations ou les conditions de
vérité.
Du
programme théorique de John Searle
Le projet de Searle que nous examinons est celui de la
totalisation interdisciplinaire des sciences sociales comme le fait Jürgen
Habermas o Cheick Anta Diop. Un tel projet est la tâche majeure qu'il
assigne explicitement à la philosophie aujourd'hui.842(*) Il s'agit d'apporter au
cadre théorique existant- principalement d'une philosophie de la
conscience ou de l'être - des éléments de précision
en ayant recours à des approches complémentaires
empruntées aux « approches concurrentes » des
sciences sociales complémentaires.843(*) Nous pouvons dire que Searle fait appel à sa
manière aux approches structuralistes, socio-évolutionniste,
fonctionnaliste et systémique, pour compléter l'approche
pragmatique avant de les dépasser à leur tour en s'appuyant sur
le cognitivisme pour définir enfin sa propre perspective.
L'optique analytique de John Searle se comprend à
travers une double conception, c'est une fois de plus sa stratégie
argumentative, à la suite de deux tendances de la philosophie du
langage - que l'on comprend par rapport aux deux types de travaux de Ludwig
Wittgenstein -844(*). Il
réfléchit de ce point de vue à cheval entre la philosophie
du langage formalisé et la philosophie du langage ordinaire. Dans
l'optique de la philosophie du langage ordinaire, nous avons vu que sa
théorie va de la sémantique à la pragmatique en passant
par l'intentionnalité, pour les phénomènes sociaux. Searle
tente de fonder justement la révolution pragmatico -linguistique par la
philosophie intentionnelle des états mentaux.
Le programme théorique intégratif de Searle est
fort large, il atteint le paradigme constructiviste radical issu de la biologie
de connaissance de Francisco Varela et d'Umberto Maturana. C'est en fait un
ensemble des programmes « non anthropocentriques »,
c'est-à-dire qui ne partent pas spécialement de l'homme, mais
des règnes biologiques en général. A ce titre ils
dépassent et englobent les deux paradigmes philosophiques : le
double paradigme anthropocentrique de la philosophie du sujet et celui du
langage. C'est en cela qu'il est intéressant. A propos, formulés
de cette manière leurs points de vue supposent l'idée actuelle
selon laquelle la nature de l'homme est avant toutes choses biologique au lieu
d'être culturelles. Cette position appelle pour John Searle au
dépassement d'une philosophie du langage vers le constructivisme
biologique. Mais est-ce que ce modèle est auto-transcendant ? C'est
sera notre critique.
Le nouveau programme de recherche de Searle amorcé dans
la décennie quatre vingt est intentionnaliste, pragmatique, non
anthropocentrique et biologique. Au point de vue de ce genre de recherche qui
s'ambitionne d'être globale, Searle affirme à juste titre ce qui
suit : « la théorie de l'esprit que j'ai essayé de
développer constitue pour une bonne part une tentative de réponse
à cette autre question : comment une réalité mentale,
un monde de conscience, d'intentionnnalité, et d'autres
phénomènes mentaux, s'ajustent -ils à un monde
entièrement constitué de particules physiques dans un champ de
force ? ».845(*) Le programme de
« naturalisation » qui englobe les
phénomènes physique, chimique et biologique.
D'où pour Searle l'émergence des questions qui
guident son programme de recherche en sciences humaines : « les
caractéristiques les plus fondamentales de ce monde sont celles que
décrivent la physique, la chimie et les autres sciences de la nature.
Mais l'existence de phénomènes qui ne sont pas de manière
évidente physique ou chimiques est source de perplexité :
comment, par exemple, des états de conscience ou des actes de langage
doués de signification peuvent -ils bien faire partie du monde
physique ? ».846(*)
Consécutivement à la théorie de l'esprit
Searle développe la question sociale qui fait suite au même projet
constructiviste dans son « livre intitulé : La
construction de la réalité sociale- qui étend la
recherche à la question de savoir : comment peut-il y avoir un
monde objectif d'argent ,de propriétés foncières, de
mariages, de gouvernement, d'élections, de matches de foot ball , de
soirées mondaines, et de cours de justice, dans le monde
entièrement constitué de particules physiques dans des champs de
force, et dans lequel certaines de ces particules s'organisent en des
systèmes qui sont des animaux biologiques, conscients, tels que
nous ? »847(*) Le constructivisme searlien saisit du point de vue
de l'observateur la réalité sociale comme des faits
émergents du langage, et en tant que telle cette réalité
ressort d'une subjectivité ontologique et d'une objectivité
épistémologique. L'objectivité de la réalité
sociale étant tout simplement épistémique.
John Searle est l'un des philosophes analytiques qui
présentent aujourd'hui une vision des faits institutionnels et de
la réalité sociale comme des faits émergeant du
langage ; il tente de montrer aussi comment la
« conscience » est un fait émergeant de la
biologie. Ainsi, de proche en proche le biologique fonde les faits mentaux, les
faits mentaux fondent le langage, le langage fonde la réalité
sociale.
John Searle considère qu'il doit y avoir une
continuité entre le biologique (les actes mentaux : désir,
croyance, intention, action) et le culturel (le langage). Il postule donc
une construction biologique de la réalité sociale. Il restaure
donc trois paliers : le biologique physico-chimique, les actes mentaux et
la réalité sociale (langage et culture). Il essaie de refonder
les acquis de la philosophie du langage à partir de ce que nous
appelions la philosophie de l'esprit en cherchant les conditions de
possibilité de nos pratiques linguistiques.
Justement, John Searle tente de reconstruire et de refonder
la philosophie du langage (spécialement, son livre Les actes de
langage)à partir d'un arrière-plan biologique ou de ce
qu'il convient d'appeler la philosophie de l'esprit ou tout simplement de la
biologie de la connaissance. Nous verrons qu'après les actes de
langage en 1972(1969), Searle écrit successivement Du cerveau
au savoir, Hermann, 1985(ce livre contient le point de vue constructiviste
détaillé de Searle) ; L'Intentionalité : essai de
philosophie des états mentaux, 1985 ; La redécouverte de
l'esprit, Gallimard, 1992 ; Déconstruction ou Le langage
dans tous ses états, 1992 ; Mind, language and society:
philosophy in the real world, 1998; La construction de la
réalité sociale, 1998. Pour Searle, c'est une étude
programmatique qui doit s'achever en une présentation des fondements des
Actes du langage.
Pour John Searle, « il faut abandonner une fois
pour toutes les idées que les sciences sociales sont dans le même
état que la physique avant Newton, et qu'il nous faut un ensemble de
lois comparables à celles de Newton et applicables à l'esprit et
à la société ».848(*) En effet, continue
-t-il, « dans cette discussion sur cette discontinuité
radicale qui existe entre les sciences sociales et les sciences naturelles,
l'étape la plus importante repose sur le caractère mental des
phénomènes sociaux ».849(*)
John Searle, comme la philosophie américaine dans son
ensemble, qualifie lui-même sa thèse de « naturalisme
biologique », en ce qu'elle postule un certain nombre des
caractéristiques biologiques. Le naturaliste ne postule pas la
conscience comme un phénomène purement mental au sens du dualisme
de René Descartes. « Dans le cas du problème du
rapport esprit / corps, nous étions gêné, affirme Searle,
par une fausse présupposition qui se manifeste au niveau de la
terminologie dans laquelle nous posons le problème. La terminologie du
mental et du physique, du matérialisme et du dualisme, de l'esprit et de
la chair, contient une présupposition fausse faisant de ces notions des
catégories de la réalité réciproquement exclusives
l'une et l'autre -dans une telle perspective, nos états conscients en
tant que subjectifs, privés, qualitatifs, etc. ne peuvent être des
propriétés physiques, biologiques, ordinaires de notre cerveau.
(...) Tous nos états mentaux sont causés par des processus
neurobiologiques se réalisant à un niveau supérieur ou
systématique ».850(*) Tout s'explique par la Nature, d'un point de vue
onto-théologique sous -jacent à notre hypothèse une telle
position est gravement réductrice.
Les états mentaux supérieurs (la conscience,
l'esprit (the mind)) sont des phénomènes émergents. Searle
va aussi montrer dans cette optique comment la réalité sociale
forme un ensemble des faits émergents.
Lorsque Searle parle « des systèmes qui sont
des animaux biologiques, conscients »851(*), il utilise un concept
commun entre autre avec des auteurs aussi divers que le constructivisme radical
de Houmberto Maturana et de Franscisco Varela, et spécifie justement
quelques caractéristiques, notamment : « les limites
des systèmes (...) fixés par des relations causales
»852(*) et le
caractère internaliste du système. En ce sens
« les phénomènes mentaux sont causés par des
processus neurophysiologiques cérébraux et sont eux-mêmes
des caractéristiques du cerveau ».853(*) A propos de la
conscience, Marc Measschalck voit bien quand il affirme à ce sujet
le fait que le « savoir n'est donc pas dépendant d'un
« hors de soi »».854(*)
Nous dirons en plus que l'extension des capacités
biologiques plus fondamentales des systèmes vivants doués de
conscience ne sont rien d'autre que l'Intentionnalité ou cette
capacité de renvoyer à quelques choses dans le monde.
Cette capacité renvoie par delà le biologique au
culturel et donc à une approche pragmatique : « la
capacité qu'ont les actes de langage de représenter les objets et
les états de choses du monde est une extension des capacités
biologiquement plus fondamentales qu'a l'esprit (ou le cerveau) de mettre
l'organisme en rapport avec le monde au moyen d'états mentaux tels que
la croyance ou le désir, et en particulier au travers de l'action et de
la perception ».855(*)
Consécutivement à cela, ajoutons que le concept
de mise en rapport ou de l'ajustement (ou d'adaptation) des systèmes
est, du point de vue constructiviste, un concept central ; il est au
centre de la logique illocutoire de Searle que nous avons
développée.
CHAPITRE DIX-HUITIÈME :
LES PRÉSUPPOSÉS
ONTOLOGIQUES DE L'ACTION SOCIALE ET DES SYSTÈMES : LA VISION
SOUS-JACENTE
Les deux visions des sciences sociales s'élaborent
à partir des lois qui régissent la réalité sociale.
La position réaliste défend le modèle classique de la
science et postule plus ou moins explicitement l'existence d'un ensemble des
lois immuables, c'est-à-dire un ordre sous-jacent en tant qu'a priori
incontournable ayant un impact déterminant sur le fonctionnement de la
réalité sociale. L'enjeu ici, c'est que cette option peut
conduire au réalisme naïf.
A l'opposé, le conventionnalisme postule le fait que ce
seraient les êtres humains et non les lois de la nature qui feraient que
la réalité soit telle qu'elle est et qu'elle fonctionne comme
elle fonctionne en se fondant notamment sur leur propre langage. Les structures
symboliques composent la réalité, les individus contribuent
à « construire » le monde dans lequel ils vivent, un
monde en quelque sorte « négocié »
collectivement de manière plus ou moins délibérée
et ayant un sens pour eux. La position conventionnaliste postule le fait
que, ce que nous appelons « réalité »
est en fait toujours le produit d'une élaboration symbolique et n'a
aucune existence indépendante des catégories et des conventions
propres à un imaginaire ou un discours social donné, y compris le
discours scientifique. C'est le constructivisme ontologique.
L'enjeu ici est que, l'on applique au
« discours » scientifique, le principe conventionnaliste
ou constructiviste qui conduit tout droit au relativisme consistant à
traiter l'activité scientifique essentiellement comme une
« culture », c'est-à-dire un ensemble des
conventions et de présupposés partagés par les chercheurs
d'une société et d'une époque. Dans cette optique le
thème de la « construction sociale de la réalité
sociale »fait partie de l'a priori disciplinaire et peut donc dire
que finalement, tout est construit, y compris les quarks en tant que
constituants fondamentaux de la matière en micro physique, qui sont une
convention admise par eux et qui ne renvoient à aucune
« réalité » existante indépendamment
des concepts scientifiques et de l'esprit humain. La question de la
construction de la réalité socialedébouche finalement sur
le débat de la relativité de la connaissance et sur le
relativisme culturel.
La réalité sociale revêt un certain nombre
des caractéristiques : ils ne peuvent être saisis en
eux-mêmes, sinon par l'entremise des représentations ; ainsi
le savoir des sciences sociales n'est jamais totalement dégagé de
son objet et l'évolution de la vision de la
« réalité sociale » a accompagné
l'édification des sciences sociales.
La construction de la réalité sociale est un
programme qui reconstruit les sciences sociales et humaines classiques
à partir de ces postulats. Cette reconstruction est menée sous
les auspices de ce qu'il conviendrait d'appeler aujourd'hui
l' « ontologie sociale », en tant qu'étude des
principes d'émergence et du mode d'existence de la réalité
sociale. L'ontologie sociale est aussi ce que nous appelons volontiers la
« cosmogonie sociale » en tant que discours sur les
présupposés d'une métaphysique pratique
démarquée de la surdétermination d'une métaphysique
formelle universitaire. Cette activité scientifique est entrain
d'envahir les sciences sociales. Le motif, ce qu'il s'agit de tenter de cadrer
théoriquement plus adéquatement le changement continuel et
profond de la réalité sociale. Il s'agit au demeurant, du point
de vue de la philosophie, d'une préoccupation fondatrice et ancienne en
philosophie.
Pour échapper au piège d'engluement soit
à l'empirisme soit à l'idéalisme, il faut s'engager avec
lucidité et discernement dans une démarche qui, tout en
reconnaissant que le monde est donné, mesure à sa juste valeur
l'autonomie et le pouvoir reconstructeur de la raison humaine. C'est la
démarche intégrative que John Searle justement propose.
Tous les fondateurs des sciences sociales partagent une vision
philosophique des fondements, de mode de création, des
propriétés et de l'existence de la
« réalité sociale ». Cette vision
s'étend en droit, en sociologie, en anthropologie, en ethnologie, en
sciences économiques, en sciences politiques, en relations
internationales, en sciences de la communication, etc.
Les perspectives de refondation, de
réévaluation, de rénovation, de redéfinition de la
« réalité sociale » africaine, comme par
ailleurs le projet de rénovation en général renvoient
à une problématique philosophique pérenne de
l'Etre et du Devenir. La philosophie pérenne, pour le cas de la
redéfinition, de l'émergence et de l'effondrement de la
« réalité sociale », demande de pratiquer le
modèle d'analyse mettant la philosophie du Devenir au
coeur de l' « ontologie sociale ». Signalons que la
question des principes d'émergence de la réalité sociale
intègre celle de son maintien.
Ces perspectives concernent le conflit entre le
réalisme et le constructivisme comme visions ontologique et
épistémologique du réel social. Et comme plus d'une
théorie et de concepts opératoires en sciences sociales se
réfèrent à la philosophie de la Nature, la
rénovation emprunte sur cette question les voies qui amènent au
conflit théorique entre le réalisme et le constructivisme, et
à la philosophie de la Nature.
La reforme des sciences sociales a de façon
générale une triple dimension : elle concerne
premièrement les concepts et théories des sciences sociales qui
sont des lunettes au travers desquels le chercheur rend compte des
phénomènes sociaux ou de la réalité sociale ;
elle table deuxièmement sur les démarches, les méthodes et
les techniques en tant que dispositifs de production de connaissance ; et
enfin elle s'occupe de la définition de la
« réalité sociale » elle-même à
laquelle est appliquée la dichotomie réalisme/constructivisme.
A la question théorique et conceptuelle de
reconstruction de cette problématique, un des concepts centraux de notre
propre hypothèse et de notre reconstruction est justement le concept
africain de kheper, une notion familière en philosophie qui
renvoie à des traditions africaines à la loi de la
transformation du Devenir, notion que nous trouvons dans plusieurs
traditions philosophiques. Dans le contexte de cette discussion, ce concept de
Kheper est reconstruit en philosophie depuis les présocratiques
en passant par René Descartes et Friedrich Leibniz jusqu'aux sciences
sociales classiques avec Emile Durkheim et bien d'autres penseurs. Cette
reconstruction théorique chez Emile Durkheim, un des fondateurs des
sciences sociales, se fait par exemple au moyen d'un concept qui lui est
dérivé, celui de l'hylémorphisme du Stagirite, il
fonctionne comme un dispositif central de son livre intitulé Les
Règles de la méthode sociologique.
En sciences sociales, plusieurs images du monde sont
analysées : le scarabée ou kheper, ou encore la
version occidentale de l'hylémorphisme, qui sont
opérationnalisées dans le modèle de Tout et ses parties,
de système et d'action, de la structure et de l'agent, etc. Les images
déterminent l'action sociale. Les chercheurs analysent la notion de
l'action sociale à partir de différentes visions sur leur nature
ontologique. Les images mythiques du monde s'inscrivent dans le processus de
rationalisation pour engendrer les sciences modernes. A l'arrière-plan
restent la question de la « pensée magique » comme
présupposé de ces images mythico-religieuses. Habermas
reconstruction sans convaincre cette problématique par le postulat
piagetien du passage de contenu à la forme de pensée
(l'opérationnalité du formalisme), à l'émergence de
la conscience moderne pour spécifier l'occident. C'est la même
visée primitiviste.
Disons brièvement que l'on s'intéresse au Tout
comme chez Emile Durkheim quand on met en scène le système, la
structure ou l'ordre social. Cette structure peut être associée au
phénomène de langage et de connaissance (constructivisme) ou au
phénomène de l'information (cybernétique), etc.
Mêmement on s'intéresse aux Parties, aux agents, aux acteurs ou
aux individus sous l'angle des approches actionniste ou intentionnaliste.
Les deux pôles sont toujours liés. La théorie de l'habitus
est intermédiaire entre la structure et les éléments.
A propos des théories de l'action, entre les sciences
sociales et la philosophie, il faut distinguer la différence, par
exemple, qui existe entre les théories sociologique de l'action et
philosophique de l'action. « La première présuppose ce
que la seconde thématise, et principalement l'élucidation de la
structure propre à l'activité finalisé (et celle des
notions corrélatives de capacité d'agir et du choix rationnel).
La théorie sociologique de l'action se désintéresse des
problèmes fondamentaux que sont les problèmes du libre arbitre et
de la causalité, celui du rapport de l'âme et du corps, de
l'intentionnalité, etc., objet aussi bien de l'ontologie, de
l'épistémologie et de la théorie du langage.856(*)Le programme
épistémologique chez Jürgen Habermas reconstruit le Tout
à partir d'une totalisation concrète, non seulement formelle ,
mais phénoménologique de monde vécu. Les autres approches
déconstruisent aussi le Tout avec le postulat de la
détotalisation. A partir de l'hypothèse de la
détotalisation, il semble aujourd'hui difficile de maintenir la
sociologie au niveau de son présupposé essentiel de la
primauté de la totalité quand on voit comment se
développent les approches actionnistes ou constructivistes qui sont
fondées sur les Parties.
Il y a donc plusieurs variantes : la théorie
actionniste du choix rationnel en sciences économiques classiques, des
approches intermédiaires fondées sur l'entre deux (tout et
parties) , telles que l'approche bourdieuéenne de l'Habitus ou
searlienne de back ground, ou l'approche habermacienne de la communication ,et
parsonienne du « monde vécu ». La reconstruction du
pôle individuel part des Parties à proprement parler en
s'articulant avec le pôle de l'ordre social ou de la primauté de
la totalité. Tout ceci provenant du modèle général
de Tout et de ses Parties.
Les grands fondateurs des sciences sociales modernes
reconstruisent tous de manières différentes à travers
leurs approches les principes de base. En philosophie le modèle
équivaut à l'ontologie, c'est-à-dire à la notion du
Devenir, au concept grec d'apeiron d'Anaximandre, de
l'hylémorphisme de Stagirite et au concept égyptien de Kpr
(Kheper).857(*) -
cette architectonique théorique fonde les sciences sociales classiques
modernes et contemporaines. Il ne serait pas possible que les sciences sociales
soient coupées de la philosophie dans la tradition française et
belge (Jean Copans).
L'approche pragmatico-cognitive ne déconstruit pas ce
programme, il le reconstruit ou l'enveloppe au point de vue de la double
approche linguistico-pragmatique et cognitiviste. Ce qui est remarquable c'est
que nous avons tout ensemble dans ce programme, les états mentaux et les
actes de langage comme support de la représentation de la
réalité sociale ; ce qui ne manque pas de renvoyer à
son projet actuel qui tend à mettre ensemble : le langage,
l'action et l'esprit.
A la question théorique de l'icône, du concept ,
de signe ou du symbole qui nous permet de lire le projet pragmatico-cognitif,
il faut dire que le naturalisme biologique dans lequel il baigne est le type
de philosophie où la Nature est celle que découvre la
science positive et non la métaphysique. Tout est expliqué par la
Nature et la théorie évolutionniste ; d'où la
récurrence des questions liées au naturalisme biologique.
L'icône ressemble au mode de reproduction de la symbolique de
« scarabée égyptien » qui exprime le
Devenir et le sacré. Le scarabée illustre le
Devenir en ce que pour se reproduire, il dépose son larve dans
une bouse qu'il enroule. Après une certaine période, sort un
autre scarabée adulte. D'où, la conscience apparait suite
à un processus physicaliste et connexionniste du processus
neurobiologique et des relations synaptiques. L'esprit dans la Nature soit y
oeuvrer soit apparait à un certain niveau. Le dépassement se fait
pour nous au moyen de la dimension de sacré qui est laissé de
côté dans ce type de naturalisme.
Le constructivisme pragmatico -cognitif doit être un
programme a priori dans un contexte de l'anthropologie naturelle, sociale et
onto- théologique auquel on fait recours, qui prend en compte
théoriquement les concepts centraux suivants : la
matière, la forme, le langage, la parole, les actes de langage pour
être précis, les états mentaux tels que le désir,
l'intention, la conscience, et enfin le divin.
Notre effort quant à la méthodologie que nous
utilisons, consiste à remonter l'approche pragmatico-cognitif au sens de
la démonter afin de la recomposer avec l'objectif unique d'atteindre,
si cela est possible, le but que la théorie se serait
assigné : la domination. Ceci permettrait, ipso facto, d'en donner
l'explication au moyen d'une analyse des présupposés sous
-jacents anthropologiques et une réflexion plus nourrie qui, pour nous,
vise aussi le renouveau théorique des présupposés en
sciences sociales et humaines, spécialement en Afrique. Avant même
de procéder à une reconstruction de l'approche théorique
à travers ses schèmes généraux, ses concepts
principaux, il est logique de dire les problèmes que ces concepts
centraux posent. Ils ne sont pas créés ex-nihilo.
L'état de la question, la problématique et
l'hypothèse ainsi esquissées peuvent déjà laisser
percevoir le plan ou les étapes de notre reconstruction. Celle-ci
comporte quelques axes importants : le débat sur les
problèmes des sciences sociales dans le monde et en Afrique, et la
demande de leur réévaluation et de leur reforme. Mettre en
exergue les promesses de la théorie de la construction sociale.
Présenter la contribution du constructivisme pragmatico -
intentionnelle. Dégager la portée de l'oeuvre pragmatico -
constructiviste tout en montrant ses limites. Esquisser les perspectives de
dépassement des écueils de la théorie constructiviste.
De « Scarabée
sacré » à Une bible noire : le problème de
mentalité magique et la valeur des principes logiques de l'analogie et
de contraste
Jürgen Habermas a semblé montrer, ce qui est faux,
les limites d'une pensée magico-mythique en la reconstruisant avec
l'émergence de la conscience des temps modernes européens en
remplaçant le contenu par la forme de la pensée. Au niveau
préopératoire de l'enfant on ne pense pas encore l'abstrait et le
formelle (Jean Piaget), c'est le niveau mythique de l'ethnophilosophie.
Pourtant, les mythes ne sont pas à évacuer mais à
interpréter (Tshiamalenga Ntumba). Toute la science occidentale n'a pas
évacué la pensée mythico-religieuse de la science.
Heisenberg s'y est essayé sans succès en physique
théoriques, d'où le postulat tenace de relations d'incertitudes.
C'est le niveau de temps moderne place la pensée formelle toute
puissance au point de départ de l'action moderne. L'Afrique en serait
dépourvue. C'est l'épineuse question de standardisation et de la
normalisation (de la mesure) des savoirs traditionnels en Afrique (savoir
médical non normé).
Les sciences modernes, les mythes et l'astronomie sont -ils
des savoirs incommensurables ? Dans la négation, il ne serait pas
plausible de penser qu'un type de savoir est supérieur à l'autre.
L'argument que nous développons ici rejoint aussi la discussion à
propos de principe de cadres de référence en sciences ou de
schème conceptuel de mémoire culturelle. Son essai de
dépassement est une thèse qui présente le principe de la
structure analogique des savoirs.
Le
constructivisme dans les domaines de l'anthropologie de la santé et de
l'anthropologie des représentations
Yannick Jaffré et Jean Pierre Olivier De Sardan ont
écrit et dirigé un livre intitulé La construction
sociale de la réalité des maladies, entités nosologiques
populaires en Afrique de l'ouest, ce livre partage « l'espace
théorique commun au champ de l'anthropologie de la santé et au
champ de l'anthropologie des représentations. Dans cet espace
scientifique, affirment les auteurs, elle peut représenter une solution
possible (parmi d'autres) à certains problèmes plus
généraux, qui jusqu'ici ne nous semblent pas avoir
été traités de façon
satisfaisante ».858(*) La sociologie et l'anthropologie des
catégories sont un des grands noyaux de développement actuel de
l'analyse cognitive du social. Les catégories sont supposées
former entre elles une totalité culturelle qu'on doit envisager dans les
relations, notamment causales, avec les autres touts sociaux (et, tout
spécialement, comme projection de la structure sociale), mais ce
pourrait être aussi, comme chez Whorf et Sapir, de la projection de la
structure de la langue.
L'étude porte sur des « bribes de discours
médical reintépreté que se construisent les
représentations populaires ».859(*) Nous pouvons dire qu'ils
partagent avec La pragmatique cognitivisme le point de départ
théorique qui consiste à analyser le langage.
Ce qui nous intéresse ici, c'est le changement
d'attitude ethnologique sur un domaine de cette recherche vital. A la postface
du livre les auteurs affirment justement que l'ouvrage partage des choix
théoriques communs, notamment le refus d'une ethnologie
passéiste. La méthode utilisée est celle de la description
des sémiologies populaires. « Dans chacune des langues
considérées, les locataires recourent à un stock
déjà constitué de mots pour dire leurs maux, leurs corps,
leurs maladies, leurs traitements ».860(*) Les chercheurs s'occupent
des « entités nosologiques populaires », ces
maladies de sens commun Peul, Songhay- Zarma, Bambara, etc., (ils
s'intéressent à « la façon dont les
symptômes morbides étaient perçus, exprimés, et
organisés par les principaux
intéressés ».861(*)
L'avis porté sur les sciences sociales, c'est que
contre ces dernières, les auteurs affirment « la
nécessaire cohésion du langage de description en sciences
sociales qui se transforme souvent en une cohérentisation abusive des
référents empiriques sur lesquels il porte, (...) la
rationalité propre au langage savant ne devait pas être confondu
avec celle dont font usage les acteurs en situation ordinaire ».862(*)
Contre le concordisme, la confusion des langages et
l'isomorphie logico- philosophique, disons plus simplement à la suite de
la thèse de Wittgenstein II, qu'aucun langage n'est descriptif, tout
langage est toujours constructif. Le langage formel construit ses propres
êtres, les autres langages des sciences construisent le monde, Dieu ou
la société.
Là où nous relativisons les auteurs, c'est
quand ils affirment le fait « qu'il n'y a pas en Afrique, à
notre connaissance, de « médecine savante »
traditionnelle, les spécialistes populaires que sont les
« guérisseurs » (faisant traditionnellement un large
usage des plantes) ne recourant nulle part à un corpus stabilisé
et standardisé de savoirs organisé (du type médecine
chinoise ou indienne. (...) il faut bien admettre, après examen
attentif fait par chacun d'entre nous dans les cultures ici
considérées, que nulle part n'existe de théories des
rapports entre ces rapports, entre ces couples, fonctionnelles ou
philosophiques (à l'image des théories grecques ou chinoises), et
que leurs usages sont variables, non stabilisés, et largement
allusifs ».863(*)
Ils ajoutent : « nous n'avons pas
rencontré trace à travers nos parcours de recherche sur les
entités nosologiques populaires, de grandes constructions
théoriques indigènes. Ni de vastes systèmes
classificatoires. (...) Chaud/ froid, humide / sec, amer/ doux sont des
couples couramment utilisés dans toutes les langues où nous avons
travaillé. »864(*) Justement, cette opération est fondamentale.
Intellectuellement nous classons et opérons des distinctions de base
(masculin /féminin, classes d'âges, etc.), qui à leur tour
configurent ou construisent la vie quotidienne. Ce point de départ est
la façon de comprendre cette phrase de Bourdieu : « les agents
sociaux que le sociologue classe sont producteurs non seulement d'actes
classables mais aussi d'actes de classement qui sont eux-mêmes
classés ».865(*) C'est ce que Bourdieu appelle l'activité
structurante des agents. C'est un mode de connaissance
géométrique souvent incorporé et qui se reproduit
socialement.
Pierre Bourdieu tente de donner la genèse des
structures sociales et des classifications. Toutefois, il se démarque
d'une analyse de John Searle rivée sur la pragmatique du langage ou
d'une pragmatique de l'esprit en tant qu'essai d'une philosophie des
états mentaux. Pour lui, du moins à un certain niveau, les
unités minimales qu'ils dégagent fonctionnent en
deçà de la conscience et du discours, pour autant que le discours
n'implique pas la pratique (l'acte). « La connaissance pratique du
monde social (...) met en oeuvre des schèmes classificatoires (ou ,si
l'on préfère ,des « formes de
classifications »,des « structures mentales »,des
« formes symboliques »,autant d'expressions qui,si l'on
ignore les connotations ,sont à peu près
interchangeables),schèmes historiques de perception et
d' appréciation qui sont le produit de division objective en
classes (classe d'âge, classes sexuelles, classes sociales) et qui
fonctionnent en déçà de la conscience et du
discours ».866(*)Nous avons dit que nous étions là en
présence des actes structurants inconscients.
Les unités minimales de base qui se reproduisent sous
forme sociale relèvent des oppositions inscrites dans de la vie
même (sexe, langues différentes, âges, etc.) et se
projettent en construisant les institutions. « Les passions mortelles
de tous les racismes (d'ethnie, de sexe ou de classe) se perpétuent
parce qu'elles sont chevillées aux corps sous forme de dispositions et
aussi parce que les rapports de domination dont elles sont le produit se
perpétuent dans l'objectivité ».867(*) Son hypothèse est
que, par exemple, la domination entre masculin/féminin est inscrite
d'abord dans la différence physique qui est inscrite dans le corps.
L'habitus est la classe incorporée ,(incluant
des propriétés biologiques socialement façonnées
telles que le sexe ou l'âge) et, dans tous les cas de déplacement
inter- ou intra- générationnel, se distingue (dans ses effets )
de la classe objectivée à un moment donné du
temps (sous forme de propriété ,de titres, etc.),en ce qu'il
perpétue un état différent des conditions
matérielles d'existence, celles dont il est le produit et qui
différent plus ou moins en ce cas des conditions de son
actualisation »868(*). L'« habitus dominé (du point de
vue du sexe, de la culture ou de la langue), relation sociale somatisée,
loi du corps social (est) convertie en loi du corps ».869(*)
La construction s'oppose à la naturalisation. Pour
Bourdieu, « la vision naturalisée de région ou de la
nation, avec ses frontières « naturelles », ses
« unités linguistiques », ou autres,...toutes ces
entités substantielles ne sont que des constructions sociales, des
artéfacts historiques qui, souvent issus des luttes historiques
analogues à celles qu'ils sont censés trancher, ne sont pas
reconnus comme tels, mais appréhendés à tort comme des
données naturelles ».870(*)
En effet, « les opérations de classifications
par lesquelles les agents sociaux construisent le monde social tendent à
se faire oublier comme telles en se réalisant dans les unités
sociales qu'elles produisent, famille, tribu, région, nation, et qui
sont dotées de toutes les apparences des choses ».871(*) Ces considérations
sont essentielles comme hypothèses théoriques à
vérifier dans une enquête sociologique ou anthropologique selon
le cas ; ainsi « c'est l'ordre social lui-même qui,
pour l'essentiel, produit sa propre sociodicée ».872(*)
La philosophie de la Nature des temps modernes est ici sans
conteste un des cadres théoriques de Pierre Bourdieu. Nous allons
déjà en luminaire présenter ici une reconstruction
philosophique. Le postulat du concept de « distinction » ou
de « classement », dans son livre intitulé La
distinction ; critique sociale du jugement a selon notre
hypothèse son répondant dans le rationalisme cartésien.
René Descartes, dans son livre Regulae ad directionem
ingenii,fait de la notion de sériation comme la base de sa
mathématisation de la nature ; c'est le postulat de sa philosophie
même : « comprendre le monde c'est le
mathématiser, c'est le disposer en série
géométrique».
Pour tenter une reconstruction philosophique, nous essayons de
présenter l'origine philosophique de la théorie
considérée. En effet, nous savons que
« sérier » dans la mathématisation de la
nature chez Descartes, c'est construire des oppositions. Transposé
dans une construction sociale chez Bourdieu, cela devient :
la « matrice de tous les lieux communs qui ne
s'imposent si aisément que parce qu'ils ont pour eux tout l'ordre social
,le réseau d'oppositions entre haut(ou sublime, élevé,
pur) et bas(ou vulgaire, plat, modeste),spirituel et matériel, fin(ou
raffiné ,élégant) et grossier(ou gros, gras, brut, brutal,
fruste),léger(ou subtil, vif, adroit)et lourd(ou lent,
épais, obtus, laborieux, gauche),libre et forcé, large et
étroit ou, dans une autre dimension ,entre unique(ou rare,
différent, distingué, exclusif, exceptionnel, singulier,
inouï) et commun(ou ordinaire, banal, courant, trivial,
quelconque),brillant(ou intelligent) et terne(ou obscur, effacé,
médiocre),a pour principe d'opposition
entre « élite »des dominants et
la »masse » des dominés ,multiplicité
contingente et désordonnée, interchangeable et innombrable,
faible et désarmée ».873(*)
Le concept d'espace homogène de René Descartes y
est transposé, toutes choses restant égales par ailleurs, comme
espace social. « Le schéma de l'espace social (...) peut
être aussi lu comme un tableau rigoureux des catégories
historiquement constituées et acquises qui organisent la pensée
du monde social de l'ensemble des sujets appartement à ce monde et
façonnés par lui. »874(*) Seulement, il faut dire que Bourdieu est un
rationaliste d'un type nouveau qui théorise non pas l'espace
homogène mais l'espace social.
Sur la même question de construction de la
réalité sociale, Bourdieu reproche à certains
spécialistes en la matière le fait « qu'ils omettent de
poser la question de la construction sociale des principes de construction de
cette réalité que les agents mettent en oeuvre dans le travail de
construction, individuel et aussi collectif. »875(*) Ces principes ne sont autres
dans la société dite complexe que « les schèmes
pratiques de perception, d'appréciation et d'action ».876(*) « Dans les
sociétés peu différenciées ,c'est à travers
toute l'organisation spatiale et temporelle de la vie sociale et, aussi ,
à travers les rites d'institution établissant des
différences définitives entre ceux qui ont subi le rite (par
exemple la circoncision) et ceux (ou celles)qui ne l'ont pas subi(femmes) que
s'instituent dans le corps ,sous forme de schème pratique (plutôt
que des catégories),les principes de visions et division communs (dont
le paradigme est l'opposition entre le masculin et le
féminin) ».877(*)
Pierre Bourdieu est dans la ligne de ceux qui critiquent la
rationalité et la modernité et cela à l'envers de John
Searle au moyen du principe qu'il appelle l'habitus, schème constructeur
de la réalité sociale. En effet, « un concept qui,
comme celui de l'habitus ,dit-il, s'est imposé à moi à
l'origine comme le seul moyen de rendre compte des décalages
qui s'observaient ,dans une économie comme celle de l'Algérie des
années soixante(et encore aujourd'hui dans beaucoup de pays dits
« en voie de développement »), entre les structures
objectives et les structures incorporées ,entre les institutions
économiques importées et imposées par la colonisation (ou
aujourd'hui par les contraintes du marché) et les dispositions
économiques apportées par les agents directement issus du monde
précapitaliste. Cette situation quasi expérimentale avait
pour effet de faire apparaître en négatif, à travers toutes
les conduites qui étaient alors communément décrites
comme des manquements à la « rationalité » et
des « résistances à la modernité », et
souvent imputées à de mystérieux facteurs culturels, comme
l'islam, les conditions cachées du fonctionnement des institutions
économiques ».878(*)
Les africains doivent comprendre
leur paradigme épistémologique
Les intérêts liés à la science et
aux savoirs des forces sociales dominantes occidentales et ceux de l'Afrique
s' « ignorent » et sont fermés l'un et l'autre,
ils sont antidotiques, ils sont mutuellement mortifères. Il existe de
part et d'autre des principes irrévélables. La Chine a
réussit avec une « haute philosophie sociale »
à s'ériger comme une alternative crédible au capitalisme
en cinquante ans (1949 - 2000). Elle est véritablement consciente de la
lutte darwinienne régnante (lutte bestiale d'élimination raciale
à la base du capitalisme) que de la lutte des classes dans la
sphère internationale où elle doit entrer. Elle a définit
depuis 1978 une jointe- venture de modernisation, après la consolidation
d'un Etat-nation chinoise depuis la révolution culturelle fondée
sur leur mémoire culturelle et un appareil de l'Etat redoutable, qui ont
permis de sécuriser leur progrès technique ultérieur.
La production nationale des richesses est consécutive
à une maitrise préalable du domaine sécuritaire et de la
révolution de mentalité du peuple incrusté dans sa
culture. Le concept de l'histoire et des étapes de maturation nationale
sont vénérées. Les hommes ne peuvent efficacement lutter
contre la pauvreté que s'ils conjuguent leurs efforts au niveau local
des classes sociales, à l'échelle régionale et
sous-régionale à l'échelle mondiale tout aussi des classe,
pour la sécurité d'abord, une défense nationale
organisée, et font ensuite de la concertation et de la discussion
à l'intérieure des classes sociales l'espace
privilégié des initiatives et des décisions. Il faut
qu'à la discussion s'articule l'action collective des classes sociales
planifiées. Mais la concertation et la discussion menées dans un
espace public défendant à leur cor défendant des
intérêts foncièrement différents et inconscients
mais donnant semblent d'être intégré au niveau mondial et
africain est souvent le lieu de perte de repères et de trahison.
En ce qui concerne l'Afrique, l'articulation des actions
efficientes et des discussions sécuritaires concertées des
classes sociales internationalisées exige un renouvellement non
seulement des paradigmes scientifiques mais également celui d'une
mutation de contexte véritable de lutte bestiale darwinienne
d'élimination des concurrents (Kimbangu, Lumumba, Mzee Laurent
Désiré Kabila furent assassinés) à la lutte des
classes où on n'est pas encore entré.
Le développement de l'Afrique exige certes de grandes
actions à l'échelle du continent, il ne faut cependant pas perdre
de vue l'importance, l'utilité et l'efficacité de la
coopération nationale qui ne fait que dans le contexte des classes
internationalisées on ait des socles de fondement. L'avenir de l'Afrique
réside dans la conjugaison des énergies au niveau des programmes
d'actions nationales intégrés historiquement et
symphonisés en alignement des classes.
Il était prévisible que presque toutes les
tentatives d'intégration régionale tronquée comme la
CEPGL (communauté économique des pays de Grands Lacs) par
exemple, aient été étouffés par des crises de la
bourgeoisie internationale ou des multinationales , des lutte
congénitale au progrès de l'histoire comprises comme des conflits
armés, des rebellions et de malheureuses agressions entre Etats qui ne
sont autre que l'expression du moteur de l'histoire : la lutte sociale
darwinienne et la lutte des classes. Ces initiatives doivent être
comprises à la faveur d'une paix gagnée et
génératrice de dignité et de restructuration fondamentale.
Les fossoyeurs de la révolution afrique doivent s'inspirer des
modèles constructifs comme celui esquissé par Cheik Anta Diop,
dans les Fondements économiques et culturels d'un d'Etat
fédéral d'Afrique noire. Cet ouvrage-programme879(*) qui gravite autour de trois
points saillants, qui constituent les trois parties du plan.
La première partie du plan, qui s'apparente à
une révolution culturelle, doublée de la construction d'un
appareil de l'Etat national (armée nationale, police, administration)
s'intitule : «Unité historique : restauration de la
conscience historique africaine ». Les Etats nationaux
européens ont bâtis des armées depuis les XV è
siècle et inventé la mémoire culturelle de la
grécité. Ils ont respecté de principe de
l'historicité et de la maturation chronologique. Cette unité
psychologique cimentée par la mémoire culturelle doit se
construire autour de l'exhumation et de l'animation de l'histoire
millénaire, et du processus d'unification linguistique à
l'échelle continentale en Afrique. L'unité
confédérale débute par l'intégration
régionale de l'Afrique occidentale francophone et anglophone. Il est
donc question de travailler à l'essor d'une « seule langue
africaine de culture et de gouvernement, devant coiffer toutes les
autres ; les langues européennes, quelles qu'elles soient, restant
ou retombant au niveau de langues vivantes de l'enseignement
secondaire ». Concrètement, un cartel de Présidents ou
des Chefs d'Etat démocrate animerait un Etat fédéral
caractérisé par le bicaméralisme, et
l'égalité de sexe.
La troisième partie du plan, qui pour nous devait
être la deuxième,
s'intitule : « Industrialisation de l'Afrique »
à partir de huit zones : le bassin du Congo, la zone tropicale
(Sénégal, Mali, Niger), la région de golfe de
Bénin, le Soudan nilotique -Grands Lacs - Ethiopie), le Ghana et la
Côte d'Ivoire, le Bassin de Zambèze, la Guinée Sierra-
Leone- Liberia, l'Afrique du Sud. C.A.Diop finit par avouer que
l'industrialisation de l'Afrique noire n'est réalisable que par
l'unité politique ou tout au moins l'établissement d'Accords
bilatéraux. Il n'a pas de progrès possible sans un Etat
véritable et une unité psychologique. Il faudrait avant tout
compter sur soi en créant une armée moderne afin de faire face
souverainement aux tâches historiques qui pourraient nous attendre
encore.
Les affaires et le pouvoir sont inextricablement liés.
Bien sûr le pouvoir économique se mue toujours en pouvoir
politique, un pouvoir économique local devient le pouvoir politique
local. Cette situation concerne en priorité l'identification des
problèmes à résoudre selon les aspirations et les besoins
des classes sociales africaines qui vivent les vicissitudes innombrables :
la grande bourgeoisie et la bourgeoisie moyenne en RD Congo sont
étrangères (d'origine belges : Forest, Damson). Au Congo
domine dans les affaires et l'économie nationale les Indo-pakistanais,
les libanais. En plus, la petite bourgeoisie chinoise différente de la
grande bourgeoisie chinoise n'a pas su s'intégrer au niveau local dans
les villes. Elle est venu grossir le rand d'une classe opérant dans un
secteur réservé aux nationaux.
La dernière partie du plan qui est
complémentaire au deuxième, est intitulée :
« Recensement des sources d'énergie » qui fait
l'inventaire détaillé de toutes les sources d'énergie dont
regorge l'Afrique : hydraulique, solaire, atomique, thérmo-
nuclaire, éolienne, thermique des mers, marémotrice, de la
houille rouge, de l'énergie thermique de volcan, et de l'énergie
géothermique. Cet inventaire a pour
objectif : « L'utilisation par les africains eux
-mêmes, non pas pour créer des industries complémentaires
de celles de l'Europe, mais pour transformer les matières
premières que recèle le continent ».
Les contradictions étant inévitables à la
suite de la dialectique, on peut quant même dire que le partenariat avec
la Chine, avec le consortium privé des hommes d'affaires chinois, nous
semble globalement bien amorcé au Congo. Sur le plan pratique le
programme suit un autre sillon que celui des occidentaux. Cependant les Chinois
ne peuvent pas penser à notre place les priorités. Comment
comprendre qu'au Congo Kinshasa un contrat de plus de six milliards de dollars
ne puisse pas à court terme profité au social des populations. Ca
ne peut être qu'un contrat national mal négocié qui
commence exclusivement par les infrastructures.
Par ailleurs, les infrastructures devaient être
combinées avec une révolution agricole refusée
manifestement à la suite du refus de continuer le Service National
initié par Mzee. La chine au lieu d'imposer à l'occident bien
rodé la lutte militaire, lui impose la guerre économique
où ce dernier s'agénoue honteux. Dans le secteur des
infrastructures les travaux ont effectivement commencé au Congo
mais la population ne peut manger cela : seulement à la longue avec
l'assistance des institutions spécialisées dans chaque secteur,
se mettront en place des instituions et des cadres législatifs
subséquents d'un appui locale et national du secteur privé.
L'entretien et la gestion des infrastructures, en particulier dans les
régions urbaines et rurales pauvres doivent être faites par les
locaux et les nationaux.
Les cadres juridiques sont liés au travail
productif qui suivent les changements subséquents. Dans le même
temps, s'en suivrons ajustés à la réalité sociale
de nouveaux cadres de réglementation et de consolidation de la
capacité de formation de personnes responsables des ouvrages et
l'harmonisation des politiques. La superstructure idéologique
dépend de mode de production réelle, le développement
rural et l'agriculture. Les congolais ne sont pas encore entrés dans une
mentalité de progrès, cela exige le changement drastique des
techniques de production. Le plan devait tabler en priorité sur un
secteur rentable de cette sorte. Nous en sommes encore à la houe.
Il faut anticipativement penser à une
reforme agraire fondamentale. Le capitalisme exige le changement de
régime de propriété collective en propriété
privée dominante. Une expropriation du fermier campagnard. Dans cette
jointe -venture amorcée au Congo avec la chine, il faudra donc
promouvoir la participation des communautés locales : la politique
de carré minier nous emble être une expérience malheureuse
pour les autochtones à Tshikapa.
Au niveau de l'Initiative pour la gouvernance
économique et la gouvernance des entreprises, il nous emble important
d'en faire une priorité. La richesse du Congo est produite par le
portefeuille de l'Etat. Celui-ci doit être la base de l'organisation du
processus de reconstruction, un capitalisme d'Etat en symbioses avec le secteur
privé étranger porteur. Les multinationales chinoises sur base de
troc et des banques chinoises devaient collaborés avec le portefeuille
congolais intégré et organisé pour
bénéficier des flux financiers chinois bien
négociés, ce qui favorise certainement une intégration
avantageuse. Il faut ici nous emble -t-il revenir à la loi d'avant 1978
sur les entreprises publics en RD Congo.
La primauté de la pratique sur une excroissance
législative des textes n'est pas un slogan. Il faut un processus
historique et pratique qui intègre les pays en se fondant sur un Etat
existant. La Monusco ( la mission des Nations unies au Congo) peut être
à dessein perçue comme une armée d'occupation et une
menace au perchoir politique national. L'intégration est un processus
pratique, ça passe par les affaires et les forces vives de la nation.
Pour accéléra le développement, il faudra savoir à
quelle étape de développement nous sommes.
Le Congo a une vocation africaine : une diplomatie de
développement devait intervenir à quelle étape historique
pour atténuer les voracités et les convoitises des voisins et des
autres pays. L'Est du Congo est resté un passoir national. La chine
envahit le monde, son envahissement est un processus historique naturel des
forces industrielles nationales.
En ce qui concerne les technologies de l'information et de la
communication, elles doivent servir en appuyer à la force de production,
dont la première est les sciences et la technologie à la base
d'une révolution agricole que nous appelons de tous nos voeux. Les
ressources humaines sériées en classes sociales lisibles devaient
être organisées et politisées dans la participation
politique pour la lutte de progrès.
Le nouveau partenariat avec l'Afrique devait par delà
le Congo viser le repérage et la traçabilité de notre
contexte et notre étape historique : une étape
tournée vers l'extérieur et l'abandon de nos
souverainetés.
Tant que la fondation étatique est inexistante, sa
géo- économie, il ne peut y avoir une sphère
d'activités nationales. Il est aujourd'hui impossible de collaborer avec
fruit à l'échelle africaine à cause de l'absence d'une
révolution agricole.
Projet kheperien est une image mythique africaine, nous
essayons une reprise en épistémologie. Quel programme pratique
kheperienne pour la reprise de l'initiative africaine.
Revenons un peu au projet des institutions internationales. La
pauvreté socio-économique contemporaine telle que perçue
est due à plusieurs causes : à une insuffisance des
ressources, à l'exclusion d'un mode de vie matériel et culturel
dominant ou à la précarité de statut social, etc.
880(*)
En effet, les indicateurs de la pauvreté contemporaine
sont les suivants :
1) Les indicateurs symptomatiques traduisent la non
accessibilité du pauvre à certains biens et services jugés
indispensables pour la réalisation d'un niveau minimum de
bien-être : consommation calorique, structure de dépenses,
accès à l'eau potable, accès à l'éducation,
accès au service de santé ;
2) Les indicateurs qui renvoient à l'incapacité
du pauvre à gérer les moyens nécessaires à la
réalisation de ses objectifs de bien-être : capacité
de suivie et de revenus (opportunité d'emploi, d'entreprise,...),
capacité de mobilisation et de participation (actes de
solidarité), capacité de gestion du patrimoine naturel, culturel,
bonne gouvernance.881(*)
En effet, la pauvreté concerne d'une part, un pays en tant qu'il doit
pourvoir à certains biens et services indispensables à la survie
de la population et d'autre part, une personne physique qui peut être
frappée de la pauvreté psychologique.
L'exclusion sociale, la misère et l'extrême
pauvreté sont des problèmes de degrés différents.
Cette situation est due dans certains cas au phénomène de
domination, sous cet angle, elle est vécue avec acuité dans les
tiers - monde et appelle une dimension libératrice. La nature de la
pauvreté est perçue soit comme un phénomène
monétaire, soit sociologique ou soit encore psychologique pour une
personne physique ou morale (individu, ménage, pays).
Il existe plusieurs types de pauvretés
socio-psycho-économique dans le monde. En effet, plusieurs
critères sont mis en oeuvres pour mesurer le phénomène de
la pauvreté ; ils sont soit de l'ordre alimentaire et
diététique (la quantité de calorie à consommer),
soit de l'ordre économique ou sociale :
1) La pauvreté économique, celle qui semble
être la plus visible, se manifeste en tant que manque de capital
monétaire ;
2) La pauvreté sociologique, est vécue
plutôt comme, l'expression d'un déficit du capital humain et d'une
carence en relations sociales ;
3) La pauvreté psychologique, est le manque de ressort
personnel à compenser le déficit.882(*)
Comme nous pouvons bien le remarquer, le programme de lutte
contre la pauvreté se focalise sur toutes ces catégorise de la
pauvreté, et en tant que tel comporte une visée globale de la
société : le programme veut palier à la carence de la
consommation calorique, à la structure des dépenses
ménagères, à l'accès à l'eau potable,
à l'accès à l'éducation, à l'accès au
service de santé, à la capacité de la gestion du
patrimoine naturel, culturel et à la bonne gouvernance.
CHAPITRE VINGTIÈME :
LA RECONSTRUCTION CRITIQUE DE
L'EPISTEMOLOGIE DE JOHN SEARLE
La
portée de l'oeuvre constructiviste de John Searle
Apports positifs
La pensée de John Searle est fondamentale, et de grande
portée théorique en sciences sociales et humaines. En fait, la
reconstruction théorique de Searle s'efforce de traverser plusieurs
tendances, théories, courants et écoles, (évolutionniste,
fonctionnaliste, structuraliste, cognitiviste, philosophico- analytique,
logique, etc.), rejoignant certains et s'opposant de plusieurs
côtés à d'autres courants tels que le structuro-
fonctionnalisme d'Emile Durkheim, le structuralisme de Claude
Lévi-Strauss, le behaviorisme de Willard Van Orman Quine, etc. A propos,
pour Fabrice Clément et Laurence Kaufmann, « Searle (...) se
rapproche d'une perspective fonctionnaliste ».883(*)
John Searle que nous avons pris comme réflecteur
rejoint la mouvance actuelle en épistémologie des sciences
sociales, d'autant plus que, la connaissance de l'environnement social a
été diversement thématisé au cours de l'histoire
des disciplines. Elle a oscillé entre trois statuts :
- Celui de l'obstacle épistémologique : ce
que nous croyons savoir du social n'est qu'un ensemble des
préjugés ou des
« prénotions » ;
- Celui de l'objet d'étude : ce que les individus
pensent de leur monde, à une époque donnée, dans une
culture donnée, doit être étudié avec autant de
minutie que les diverses traces objectives disponibles ;
- Celui du fondement : la connaissance
« ordinaire » est ce sur quoi s'enracine toute
possibilité de compréhension du social. C'est cette
dernière voie qui aujourd'hui semble bien l'emporter. 884(*)
Le programme de John Searle endosse l'unité des
sciences comme « hypothèse de travail » : les
sciences sociales se situent au sommet d'un édifice dont la base est la
physique et les étages immédiatement inférieurs, la
psychologie et la biologie. Ces différents programmes dits de
« naturalisation » des sciences humaines et sociales
adoptent implicitement ou explicitement l'unité des sciences comme
« hypothèse de travail ».885(*) Une telle démarche
exige de déterminer les relations entre les philosophies et les sciences
sociales et humaines.
Quelle utilité pour ces
efforts d'intégration épistémologique ? Tous ces
efforts apparaissent à la suite du constructivisme social comme une
remise à plat pour comprendre en profondeur la réalité
sociale qui se dérobe à nos grilles de lecture traditionnelles.
Notre lecture de Searle tente de mettre ce programme en exergue.
Le projet de John Searle est en effet programmatique, il
comprend « les multiples dimensions de la réalité
psychologique et sociale sans imposer une rupture, aussi bien horizontale -
entre l'arrière-plan pré-intentionnel (les règles ou
l'arrière-plan) et les états intentionnels -que verticales- entre
les individus et les structures collectives. »886(*) Connexionnisme oblige, le
programme est similaire à la grammaire élaborée par les
sociologues qui décrit la manière dont les individus parviennent
à gérer leur insertion dans le social.
En effet, John Searle a ceci d'intéressant qu'il
combine la révolution linguistique et pragmatique en philosophie et le
cognitivisme. Pour nous, tel que Searle présente le cognitivisme, il
poursuit la critique du mentalisme et donc n'incarne peut être pas une
révolution à proprement parler. La pragmatique de l'esprit est
justement la théorie qui illustre l'effort de John Searle de
transformer le statut des états Intentionnels pour les rendre conformes
à celui des actes du langage. Cette transformation devait
s'avérer importante pour les sciences sociales.
L'ambition de John Searle est bien plus grande ; il
écrit en effet : « comme ces questions touchent,
pourrait-on penser, à des problèmes de fondements pour les
sciences sociales, on pourrait supposer qu'elles ont déjà
été abordées et résolues par ces diverses sciences,
et en particulier par les grands fondateurs des sciences sociales du XIX e
siècle et du début du XXe siècle. Je ne suis certes pas
expert en la matière, mais pour autant que je puisse en juger les
questions que j'aborde dans ce livre n'ont pas reçu de réponse
satisfaisante dans les sciences sociales. Nous devons beaucoup aux grands
philosophes -sociologues des XIX e siècle et XXe siècle -
songeons notamment à Weber, Simmel et Durkheim-, mais d'après
l'impression que je retire de ma fréquentation de leurs travaux, ils
n'étaient pas, me semble-t-il, en position de répondre aux
questions qui me préoccupent, parce qu'ils ne disposaient pas pour cela
des instruments nécessaires. En d'autres termes, et pour des raisons qui
ne leur sont pas imputables, il leur manquait une théorie
adéquate des actes de langage, des performatifs, de
l'intentionnalité, de l'intentionnalité collective, du
comportement régi par des règles, etc. ».887(*)
Searle maintient la structure des questions de nature
englobante : « la théorie des actes de langage se
présente en partie, dit-il, comme une tentative de réponse
à la question suivante : comment passons-nous, dit-il, de la
physique des énonciations à des actes de langage doués de
signification, effectués par des sujets parlant et
écrivant ? ».888(*)
Nous pouvons dire, à propos de la méthode que
John Searle opère une double reconstruction, celle qui est historique,
entendue comme une étape méthodologique
qui « replace » des concepts ou une thèse ou
encore leur restitution dans des traditions philosophiques ou scientifiques
antérieures pour voir en quoi ils innovent. Nous pouvons dans le cas
d'espèce parler des concepts ou des théories des actes de
langage, de l'Intentionnalité, de l'Intentionnalité collective,
des comportements réglés par des normes, de background, etc.,
dans la tradition scientifique des philosophes -sociologues fondateurs des
sciences sociales tels que Emile Durkheim, Max Weber ou George Simmel. Ainsi,
nous sommes- nous appesantis sur le fonctionnalisme d'Emile Durkheim et le
structuralisme de Claude Lévi-Strauss, etc.
Nous pouvons voir comment Searle intègre le point de
vue internaliste dans sa philosophie. John Searle n'hésite pas à
revenir à la « philosophie de la conscience »
longtemps transformée par sa révolution pragmatique dans la
philosophie du langage. Toutefois, nous pouvons percevoir le fait
avéré que ce n'est pas un courant homogène, il n'est pas
un programme de recherche univoque. Cette reconstruction se voulait
analytique - au sens de la philosophie du langage dans sa phase pragmatique- et
cognitive. C'est l'arrière-plan théorique. La construction de la
réalité sociale analytique se démarque de la construction
de la réalité sociale non analytique. Les deux approches
partagent cependant, un point de départ commun : les sciences
sociales et humaines réagissent aujourd'hui dans une mouvance
théorique entendue comme remise à plat des théories
sociales traditionnelles face à la profondeur de la
réalité sociale souvent tronquée, toujours changeante et
dynamique : la crise récurrente des gestions publiques, les
mutations sociales et culturelles, etc.
Ainsi, sous le label de « constructivisme
social » cette mouvance scientifico- philosophique renvoie
ultimement au besoin de révisitation des grilles d'analyse et de lecture
de la réalité sociale forgées en sciences sociales. Cette
reconstruction englobe l'élaboration d'une ontologie sociale entendue
comme une nouvelle réflexion sur le sens des concepts fondamentaux en
sciences sociales et humaines et la relation qu'ils entretiennent entre eux et
une construction d'un noyau conceptuel servant de fondement théorique
général.
Un tel programme épistémologique tente de
décongestionner l'affrontement des grands paradigmes à
visée totalisante, la profusion des hybrides théoriques et
l'hermétisme des écoles rivales, en remettant en cause les
sciences sociales et humaines qui, faute d'un minimum de consensus conceptuel,
multiplient les terminologies et les niveaux de description. L'abondance
conceptuelle va à l'encontre du principe analytique de parcimonie, le
fameux « rasoir d'Occam » selon lequel il ne faut pas
élaborer inutilement de nouveaux concepts pour expliquer des
phénomènes si ceux -ci peuvent être ramenés à
des entités dont l'existence est avérée. Une telle
« économie » conceptuelle a l'avantage de permettre
le rapprochement de phénomènes apparemment incommensurables au
sein d'une même armature logique et de discriminer
précisément les entités qui sont susceptibles d'avoir une
portée explicative.
Les difficultés d'analyse
de John Searle
A. Flottement des concepts
centraux
En épistémologie des sciences sociales et dans
les disciplines qui se préoccupent sérieusement de savoir ce
qu'est la réalité sociale, le phénomène social, le
fait social, les objets sociaux, et autres concepts semblables, il n'existe pas
d'unanimité, mais plutôt des points de focalisation
différents. Nous retrouvons dans la théorisation de John Searle
plusieurs focalisations :
- Les faits institutionnels tels que les normes (ce qui est
prescrit, permis, recommandé, etc.), l'argent, la
propriété, et autres phénomènes collectifs du genre
ou la valeur qui leur sont liée (impartialité,
fidélité, honneur, etc.).
- Les faits structurels (le pouvoir et sa distribution, le
pouvoir et son prestige, le statut économique ou légal, etc.).
- Les fonctions d'activités sociales et les
impératifs fonctionnels des groupes ou des sociétés
(c'est-à-dire ce qui est nécessaire au maintien ou à la
survie des groupes ou des sociétés).
- Les actions individuelles et collectives en tant qu'elles
sont orientées significativement vers autrui.
- Le rôle des croyances collectives et individuelles.
- Les phénomènes collectifs en tant qu'ils sont
les effets voulus ou non voulus d'actions intentionnelles individuelles.
John Searle laisse de côté d'autres
phénomènes tels que les données agrégés, par
exemple, le taux de chômage, de suicide, les changements de structure
familiale ou de pratiques religieuses, la socialisation, etc., utiles dans la
compréhension et la résolution des problèmes sociaux.
A propos, la reconstruction de John Searle au sujet de la
définition des concepts de la réalité sociale, de
phénomène social, de fait social, des objets sociaux, et autres
concepts ,est de nature globalement conceptuelle ou synchronique :
« la philosophie des sciences
« analytique »issue de la philosophie du langage est, dans
ses tendances dominantes, conceptuelle plutôt
qu'historique ».889(*)
Pris positivement :
1/ Ces travaux « se livrent par la discussion
rationnelle et la synthèse(...), à un effort d'intégration
souvent décisif, rendant possible une vision simultanément
globale et analytique de la réalité sociale. Ils
sélectionnent et articulent les niveaux pertinents et construisent un
indispensable « tableau d'ensemble »,
2/ ils proposent (...) des révisions conceptuelles, des
ajustements théoriques, des formes d'articulations des programmes
participant de l'indispensable travail d'autoréflexion des disciplines
sur elles-mêmes »,890(*)
3/ ils permettent ainsi aux chercheurs, suivant leur
sensibilité, de substituer à leur vulgate de
référence une base raisonnée et épurée de
travail, susceptible de susciter de nouvelles interrogations, d'ouvrir de
nouveaux champs d'investigation ou de renouveler la lecture de
phénomènes connus.
Pris négativement, à la suite de Jean-Michel
Berthelot, nous pouvons dire qu'il y a « deux limites fondamentales
qui, sans invalider ni dans leur fond ni dans leur visée, marquent au
fer rouge la spécificité - de fait, sinon de droit- de l'espace
de connaissance où ils s'élaborent. Ces théories,
systématiquement bâties sur un modèle conceptuel et non
propositionnel, laissent dans l'indétermination les modalités de
leur mise en oeuvre. (...) ».891(*)
B.
Contradictions de l'oeuvre de John Searle
Searle emprunte son concept d'arrière-plan à
plusieurs sources, notamment chez Wittgenstein sans trop le dire. Sandra
Laurier avance en 2001 la thèse selon laquelle pour John Searle l'oeuvre
du second Wittgenstein porte essentiellement sur
l'Arrière-plan.892(*) Sandra Laurier tente de donner les différents
usages de ce mot. Elle nous montre deux représentations de
l'Arrière-plan (background) : premièrement, celle qu'adopte
John Searle à partir de Wittgenstein II : les institutions
constituent l'arrière-plan qui nous permet d'interpréter le
langage, de percevoir, et de suivre des règles sociales, sans
forcément les connaître. Et deuxièmement, le terme
d'arrière-plan (Hinterground) apparaît dans les Investigations
philosophiques pour indiquer une représentation que nous nous
faisons (paragraphe 102), cela n'est pas pour expliquer quoi que ce soit.
Ainsi, l'arrière-plan ne peut avoir de rôle causal, car il est le
langage même -nos usages ordinaires. L'arrière-plan est le train
de vie (das Getriebe des Lebens). Ainsi donc, les statuts normatifs sont, pour
Brandom, en bout de ligne, constituées par des attitudes et des
évaluations normatives.
Nous disons que les reprises reconstructives scientifico -
philosophiques de John Searle que nous avons présentées dans le
chapitre précèdent laissent transparaître, de plusieurs
côtés, des contradictions. Tantôt John Searle soutient le
fait que les hommes ordinaires construisent la réalité sociale
parce que celle-ci n'est pas simplement donnée, qu'il s'agisse des faits
institutionnels comme l'argent, du mariage, de la propriété, de
procès, des normes, de l'avocat, du cuisinier, etc. La
société apparaît à partir de l'homme ordinaire comme
surgissant d'une trame compréhensive d'expériences, d'un creuset
des conversations multiples, permanentes et ininterrompues. Dans cette optique,
le constructivisme social rejoint le point vue de la révolution
pragmatique en philosophie : tout langage est toujours constructif, les
concepts explicatifs de base dans les études sociales sont toujours
déjà constructifs, et ne sont jamais descriptifs: qu'il s'agisse
des mots, des a priori conceptuels ou des principes théoriques.
Tantôt, il part de la construction de la réalité sociale
des savants, c'est-à-dire des concepts centraux de causalité, de
raison, des catégories, d'agent, de structure, de Tout et de ses
parties, etc. En somme, ce programme analytico-cognitiviste et critique tente
de remettre au point de départ la construction théorique de la
réalité sociale des savants et de la rapprocher de la
construction sociale de l'homme ordinaire. Searle oscille donc entre une option
a posteriori de construction sociale contre une option a priori de construction
théorique des savants. Ceci fait que Searle intègre des approches
en sciences sociales fort nombreuses.
John Searle combine les deux conceptions, savante et
ordinaire, ayant en plus ceci de particulier qu'il interprète les
données de base non seulement philosophiquement mais surtout en termes
de sciences sociales centrés sur l'élaboration des faits sociaux.
Devant cette abondance d'approches et d'écoles, son oeuvre est tout
simplement traversée par des options théoriques
antithétiques et des paradigmes contradictoires. En philosophie
analytique de John Searle présente une reconstruction philosophique des
paradigmes qui sont tout aussi antithétiques, le langage idéal et
le langage ordinaire doublé du mentalisme cognitiviste.
Très tôt, alors qu'il présente son
ouvrage monumental intitulé Les actes du langage en 1969, John
Searle adopte une posture double et une optique qui se comprennent à
travers une double conception à la suite de deux tendances de la
philosophie du langage - que l'on comprend par rapport aux deux types de
travaux de Ludwig Wittgenstein - que John Searle entend être
complémentaires.893(*)John Searle, de la philosophie du langage, il revient
aujourd'hui sur le thème de la conscience. Il tente d'ajouter ainsi
à cette démarche qui relève de la révolution
linguistique et pragmatique les points de vue internalistes. Le renversement
de la situation aboutit au fait que la philosophie de l'esprit et de l'action
chez John Searle englobent la philosophie du langage. Le langage et la
conscience y apparaissent comme des entités émergentes du
substrat biologique. Il reprend en somme les concepts mentaliste et
phénoménologique, auxquels il s'opposait avec sa théorie
des Actes de langage dans un réceptacle mêlé des a priori
de la philosophie analytique du point de vue pragmatique. Ainsi son
système apparaît comme une oeuvre de génie mais en
même temps, pour le moins contradictoire, ambiguë sinon
teintée d'une dose d'idéologie libérale manifeste. Tout
dépend de la grille de lecture dont on dispose. Ce préjugé
est renforcé d'un point de vue théorique par son passage des
questions épistémologiques et logiques à l'ontologie sans
ménagement. Selon Fabrice Clément et Laurence Kaufmann il
«confond le modèle de la réalité avec la
réalité du modèle ».894(*)
La portée de la reconstruction searlienne sur
l'Afrique est lié au programme searlien qui porte la marque de son
projet de départ inscrit dans son livre monumental Les Actes de
langage, essai d'une philosophie du langage, qui contenait
déjà son approche rivée sur deux paradigmes : la
philosophie du langage à la fois idéal et ordinaire, et les
concepts centraux de sa théorisation sociale (fait institutionnel,
règles constitutives, régulatives, etc.) Ce livre reconduit les
deux options de la philosophie analytique qui lui donne la latitude d'oeuvrer
sur un espace théorique fort large mais ambigu. Le passage de
l'analytique au cognitivisme comme théories internalistes est
truffé également des contradictions du même genre. De la
philosophie du langage, Searle rejoint donc plusieurs approches internalistes
en sciences sociales (i.e., le fonctionnalisme d'Emile Durkheim) à
partir d'une approche reconstructive. Une telle entreprise grandiose n'a pu
éviter à propos de la reconstruction africaine des apories
ethnologiques et de la violente symbolique.
La théorisation sociale de John Searle est
l'intentionalisation et repragmatisation cognitiviste des approches
très diverses. Ainsi, tantôt l'ordre social repose sur la force
du récit partagé entre les acteurs en tant que manières
dont la communication participe à la construction de la
réalité, pour l'homme ordinaire, tantôt l'ordre social est
soumis au background. 895(*)
Ce problème est celui de comprendre Searle face aux
ravages induits par un type des sciences sociales qui a cours en Afrique, en
l'occurrence l'ethnologie par rapport à la question de la
décolonisation intellectuelle. Il existe encore des usages des notions
ethnologiques chez lui telles « les sociétés sans
écriture »qui suppose des sociétés de manque
substantiel. Or, Guy Rachet commentant Le livre des morts des anciens
égyptiens affirment dès la première phrase la note
qui suit : « l'écriture apparait dans la
vallée du Nil à la fin du IVe millénaire avant notre
ère ».896(*) Même l'écriture syllabique se
développe à partir des hiéroglyphes cursif et
systématique. Cette question n'est pas principale dans notre analyse
mais elle donne matière à réflexion sur les
préjugés en sciences sociales occidentales.
En ce qui concerne l'ontologie de l'ethnologie que Searle
pratique dans l'usage des termes y relatifs, le projet est justement
imbriqué dans plusieurs présupposés qui ont marqué
l'émergence du discours ethnologique. Les aborigènes d'Australie,
les Noirs d'Afrique et les Indiens d'Amériques, pour ne pas le rappeler,
ont constitué un terrain de « bataille » pour des
chercheurs innombrables ayant chacun une vision de l'homme : les
réformistes, les contre -réformistes catholiques, les humanistes,
les rationalistes idéalistes ou réalistes, etc. Leur point commun
fut à quelques exceptions près la spécificité de
cet Autre de l'Humanité. Justement la vision « rationaliste
et réaliste » de Searle le condamne dans des
considérations récurrentes. Searle fait également usage
outre aux concepts problématiques des « sociétés
sans écriture », à ceux des Seigneurs de guerre en
Afrique. Tout porte à croire que ces questions doivent encore être
revisitées. La réalité sociale africaine semble avoir un
statut autre que celui de sociétés civilisées, des
sociétés à « histoire écrite »,
des « sociétés à démocratie »
aujourd'hui, elle dépend encore de l'essence d'une Humanité
autre. John Searle semble fixer une dichotomie paradigmatique entre la
rationalité digne de ce nom qu'il défend de toutes ses forces ,et
une sorte de pensée « prélogique »
incommensurable qui régente la réalité africaine, des
sociétés « sans écriture » dont la
force principale de recomposition sociale inhérente est le règne
de la violence(les Seigneurs de guerre).
L'attitude de John Searle de ce point de vue théorique
est celle de subordonner les structures logiques à la
réalité sociale empirique. Il y a plusieurs critiques que l'on
adresse à John Searle. Searle fait en effet appel à
certains systèmes logiques pour présenter sa théorie de
la construction sociale. Pour Fabrice Clément et Laurence Kaufmann,
Searle « tend à confondre, le niveau logique de ce qui doit
théoriquement être le cas et le niveau ontologique des causes qui
déterminent ce qui est effectivement le cas. Or, l'enquête
logique appartient à un mode formel de description de la
réalité qu'il ne faut pas confondre avec les
propriétés de la réalité elle-même. Les
comportements humains peuvent être décrits en termes de
règles bien qu'ils n'obéissent pas à des règles
». 897(*)
Les critiques de Fabrice Clément et de Laurence
Kauffmann, dans Le monde selon John Searle, sur cette question sont
claires : l'usage que Searle fait de la logique n'est pas légitime,
affirment-ils. D'où, « la précarité de
l'argument logique » de Searle.898(*) Searle « tend à confondre le
niveau logique de ce qui doit théoriquement être le cas
».899(*) Le
modèle structural fait glisser l'interprétation anthropologique
de l'ordre de la réalité sociale à l'ordre de la
pensée symbolique, de l'ordre du concret à l'ordre de l'abstrait.
Ceci est un « défi pour l'identité propre du
théoricien disposant comme observateur ou analyste d'un pouvoir de
totalisation (propre à l'ordre du discours) ».900(*)
Sur le plan paradigmatique, le reproche que nous lui
adressons, qui sera exposé dans ce chapitre, est qu'il aborde des
questions ouvertes qui ne peuvent être tranchées d'un coup. Sa
stratégie est très féconde, et le maintient longtemps dans
l'actualité scientifique, comme en témoigne son livre monumental
Des actes de langage qui reprend dans une visée unitaire la
révolution linguistique de Ludwig Wittgenstein de Tractatus
Logico-philosophicus et sa contre révolution pragmatique dans
Les Investigations Philosophiques. Ce chapitre ressasse en
détails les contradictions liées au choix de Searle de calfeutrer
les problématiques indicibles : l'être et le non être.
Cette position le fait tanguer entre les deux positions et fait trainer des
casseroles. Ceci conforte sa thèse de son
« Arrière-plan » non critique à quoi il
s'agrippe, des schèmes de pensées finalement non critiques : la
question de la culture non occidentale prise comme son
préréflexif constitue une sorte d'opinion fixe construite depuis
le temps d'esclavage africain et surtout indien. Mais c'est aussi une sorte de
reflexe de conservation en ce temps de crise. Cette situation justifie l'essai
critique des allusions à l'Afrique que nous amorçons dans ce
chapitre à partir des conceptions similaires dont Searle, en les
mettant en exergue et continue de se faire l'écho.
Nous critiquons par ricochet les scientifiques africains
victimes de la violence symbolique, qui ne manquent pas de talents,mais
maintiennent le renouveau des sciences sociales africaines longtemps
stériles au lieu d'oser résoudre nos problèmes et la
construction des modèles théoriques africains alors que ces
modèles de base sont nés en terre africaine, mais,
puisqu'aliénés jusqu'à la moelle des os, sans
exagérer, ils leurs reviennent sans qu'ils acceptent de les reconnaitre,
pire, ils les repoussent de toute leurs forces. Ils sont
répétiteurs à souhait et résignés.
Nous introduisons cette partie d'analyse avec une
pensée bien opportune quant à notre propos sur une échelle
réduite des sciences sociales. Selon Jürgen Habermas en effet,
« l'année 1929 a vu paraître un ouvrage remarquable en
sociologie intitulé Critique de la sociologie. Siegfied
Landshut y développe la thèse selon laquelle c'est la sociologie
qui, par la perspective qui est la sienne crée la
société ».901(*) Nous pouvons bien sûr le dire
également, sans que cela ne paraisse comme une révélation
importante, à propos des discours scientifiques dominants de
l'ethnologie ou de l'anthropologie sociale et culturelle dans la construction
des sociétés africaines. L'anthropologie structurale de Claude
Lévi -Strauss, l'approche structuro- fonctionnaliste, et bien d'autres
courants y ont participé largement.
Notre discussion appelle la problématique
épistémologique des programmes de l'ethnologie passéiste
à cause de la persistance des concepts anti-nègres qui ne sont
pas, on s'en douterait, évacués même du champ scientifique
et philosophique de Searle. L'Afrique Noire est encore placé sous le
signe des « sociétés sans écriture ».
Ceci est évoqué à quelques endroits par
John Searle dans son ouvrage principal sous analyse La Construction de la
réalité sociale. A ce sujet Searle affirme :
« Même dans les sociétés sans écriture les
pièces (de monnaie) sont facilement reconnaissables comme telles, et
ainsi des caractéristiques telles que la forme et la taille marquent le
fait conventionnel que l'objet est une pièce. »902(*) Quelques lignes avant, et
sur le même sujet, il venait de dire : « depuis des
sociétés sans écriture à nos sociétés
actuelles, il y a eu de nombreux marqueurs conventionnels qui ne sont pas
des mots mais fonctionnent exactement comme tels ».903(*) Dans un autre domaine, il
dit à propos de l'Afrique : « dans plusieurs pays
africains, il est absolument impossible de dire où finit l'armée
et où commencent les bandes armées, ou qui est un
« chef militaire » et qui est un « seigneur
de guerre » ».904(*)Cette façon de parler de l'Afrique rejoint
tout simplement l'esprit des sciences sociales coloniales et une certaine
façon de traiter à nouveau frais aujourd'hui cette question
primitiviste.905(*)
Cette façon trop peu critique de re-construire la réalité
africaine par un théoricien de cette trempe semble participer d'un champ
intellectuel néocolonial et préjuge d'un esprit ethnologique
passéiste préjudiciable.
La réaction à une telle attitude est multiple.
Pour nous le concept des « sociétés sans
écriture » et ses modalités actuelles est une image
fort négative de l'Afrique Noire et participe d'un ethnocide. Alfred
Maury déplore : « De Guignes fait dériver les
lettres hébraïques et grecques des hiéroglyphes
égyptiens. En cela, poursuit-il, il voyait juste ; (...) ce qu'a
montré récemment M.De Rougé, comment la dérivation
s'est opérée ».906(*)
CHAPITRE VINGT- UNIÈME :
LA NOTION DE PARTENARIAT EST AU CoeUR DE
L'INTERDISCIPLINARITÉ ET DE L'INTER-INSTITUTIONNARITÉ
Par où faut-il commencer pour reconstruire la
République Démocratique du Congo, notre beau pays ? Que
faut-il faire à l'étape actuelle du développement
historique de notre pays pour développer la République
Démocratique du Congo ? Cette double question est substantialiste et
non procédurale. Un des mécanismes qui a permis encore à
notre pays d'exister est celui de « partenariat », elle est
au centre de l'inter-institutionnarité. Nous proposons ici de diviser
notre projet de société en deux parties : un partenariat
traditionnel et un partenariat rénové. Il existe un
« partenariat traditionnel » qui a été mis en
place depuis notre indépendance en juin 1960, qui doit être
évalué de part la situation précaire actuelle du pays et
un « partenariat rénové » après les
années 2000 avec des pays émergents comme la Chine. Les
ressources propres doivent être mises en valeur au moyen de
mécanisme de partenariat avec les partenaires nombreux.
Après une brève évaluation de ce
partenariat traditionnel qui permet d'éclairer certains indicateurs
dans le processus historique de notre pays nous pouvons alors nous poser la
question s'il faut continuer dans cette ligne ou pas.
Quel est socle d'un pays moderne ? L'Etat- nation
restitué est la base d'un travail collectif productif. L'Etat et le
travail constituent le socle que nous allons présenter dans ce projet.
En effet, le progrès social est fondé sur l'existence d'un
appareil de l'Etat équipé, réel, et moderne
constitué d'une police, d'une armée, et d'une fonction publique
modernisé et l'animation de la mémoire collective ou culturelle.
Pour arriver à l'étape de mise en oeuvre d'un travail productif,
cette étape demande un temps de maturation historique.
Les Etats-nations européens sont partis de XV è
siècle pour se former avec la révolution agricole à la
clé ( la rentabilité des cannes à sucres dans les
plantations des Amériques entre autres) jusqu'au début du XIX
è siècle pour amorcer la révolution industrielle. L'Europe
s'est inventée culturellement en tant que nations dans la rupture avec
l'Egypte antique. Il fallait partir d'une mémoire culturelle grecque
pour construire les nations européennes base de
« leur » civilisation actuelle. Les armées autonomes
ont pris naissance depuis le XV è siècle comme fondement des
Etats modernes européens.
La reforme que nous proposons est stratégique, elle
touche le plan général de lutte nationale et historique pour le
progrès, elle priorise en terme d'étape le développement
de la maturation historique, de secteurs clés sur lesquels se greffent
les autres secteurs : la constitution de l'Etat-nation et l'amorce du
travail productif.
Cet exposé de notre Projet de société
présente d'abord l'état des lieux de notre étape de
développement : une étape de dépendance
économique très avancée fondée jusqu'il y a peu sur
un « partenariat traditionnel » dominant conjugué avec
les institutions financières internationales (banque mondiale et fond
monétaire international). Le partenariat traditionnel s'est
révélé progressivement faible avec de partenaires
traditionnels multiples, au niveau bilatéral et multilatéral, qui
a gardé le pays dans une situation à la limite de la
mendicité. Un partenariat traditionnel de plus en plus avilissant et
devenant dangereux pour la nation. Ce partenariat a fini par affaiblir la RD
Congo.
Il s'agit là d'abord de répondre à la
question de savoir quel est l'état de santé de notre pays
à l'étape actuelle de développement historique de notre
Etat-nation ?
La notion de « partenariat
traditionnel »pourrait être remplacé pour les plus
critiques par l'idée d'un paternalisme néocolonial sous couvert
de partenariat. Parc qu'il ne peut y avoir de partenariat véritable et
fort, de près de cinquante ans , sans un Etat véritablement
constitué. Un partenariat fort vise la constitution d'Etat- nation
mature et constitué. Est-ce concevable que l'armée congolaise
cohabite avec une armée onusienne de loin plus moderne qu'elle ,
qui peut à tout moment assassiner son président, ou
déstabiliser l'Etat en cas d'un conflit majeur qui le oppose ?
Le travail productif et sécurisé gage de tout
progrès social véritable devrait être basés sur
l'acquisition des moyens de production encadré par un Etat moderne, et
non simplement un Etat formel fait d'une administration ,d'une police et d'une
armée délabrées et faibles. Il faut ajouter à cet
Etat et la constitution d'une bonne mentalité collective des peuples,
c'est-à-dire une maturation idéologique de peuples encrés
dans leur mémoire culturelle.
Le Congo souffre d'une carence grave dans ces domaines depuis
cinquante ans. L'absence d'un appareil d'Etat moderne moulu dans une
mémoire culturelle unifiant les peuples. Sans cette première
étape, de révolution culturelle et de la constitution d'un
appareil de l'Etat moderne, l'acquisition de grands facteurs de productions en
termes de machines lourdes, des unités de production privées
d'envergures et organisées ne peuvent être sources de travail
productif réel et ne peut influer sur le progrès durable. Cela
à cause de l'insécurité permanente : la peur du
lendemain.
Le « travail réel » rendu possible
après l'instauration de l'Etat-nation et des ajustements
consécutifs au partenariat rénové, fort, gagnant- gagnant
, responsable et libre entre les parties prenantes interne et externe sont au
coeur des sociétés de progrès.
Les procédures sociales moralisées par la
justice d'un Etat réel est le cadre d'un partenariat moderne, les
institutions sociales sécurisés et la priorisation d'une
l'infrastructure culturelle forment les conditions de travail social productif.
Le partenariat est la suite des termes de contrats des citoyens partenaires de
l'Etat-nation.
Le partenariat entre les secteurs privés se constitue
comme des modes de base de régulations sociales de progrès. Ces
contrats réels des secteurs privés marchants et ces
négociations réelles sont intégrateurs des
activités innombrables d'un pays pour le progrès. Le
processus historique va de l'Etat-nation muri en premier lieu, de secteur
privé marchant constitué, de secteur privé non marchant
d'une la société civile libre, et des partenaires
extérieurs peu scrupuleux.
Le capitalisme et la démocratie à la base ne
s'excluent pas. La démocratie des peuples s'inscrit dans un
procès historique de maturation. En effet, le niveau des techniques de
production et de services acquis localement et sécurisé par une
Etat réel influe sur la mentalité des peuples en termes de
conscience historique. Cette mentalité est autant de qualité et
progressif que les techniques de production et de service s'acquièrent
dans le cadre d'un Etat -nation constitué. Cette étape peut
cohabiter avec une priorité expugnable de la constitution de l'Etat-
nation. Il n'y a pas de meilleure compagne de changement de mentalité
(civisme fiscal y compris) sinon dépendant de l'acquisition des facteurs
de production des biens et des services propres, et le travail réel et
valorisant subséquent dans le cadre d'Etat-nation constitué
historiquement.
Le processus est inscrit dans une lutte de classes , un monde
qui se révèle celui de cruauté occultée entre
classes sociales. L'Etat moderne doit être le rempart véritable de
tout progrès. L'idéologie invisible des classes sociales
dominantes ne permettent pas aux paysans d'acquérir la lucidité
nécessaire pour la lutte politique. Ces repères occultés
de progrès la base des civilisations modernes demeurent un enjeu
redoutable de la démocratie des peuples contre la démocratie d'en
haut. Les Etats faibles ne disposent pas de pouvoir d'agir et de l'initiative
historique tant qu'ils sont d'abord inscrits dans une concurrence
élitististe. Notre pays ne disposera pas de l'initiative historique tant
qu'il s'inscrira dans une telle perspective n'étant pas nous ne sont pas
conscient de la closonnement inconscient des classes.
Il s'agit en définitive , pour commencer la
présentation détaillée de notre proposition de
répondre à la question de savoir que représente en
qualité les secteurs clés et prioritaires de développement
historique des Etats modernes : le secteur de la police , de
l'armée et de la sécurité, et le secteur culturel ?
Nous nous référons au Document de
Stratégie pour la Croissance et la Réduction de la
Pauvreté (DSRP en sigle), pour donner cet état des lieux du fait
que le plan de développement national est l'unique cadre de
référence pour l'élaboration des programmes
d'investissement dans les secteurs clés et prioritaires, de plans
sectoriels de développement historiques subséquents. On le sait
les politiques de DSCRP sont celles de reformes continues et en
évaluation, mais dans quelle priorité se trouve-t-on ?
En termes de priorités :
LE PARTENARIAT TRADITIONNEL
Pour une brève historique générale de
partenariat traditionnel, il faut dire que les plans de développement
national successifs depuis 1960 ont mis l'accent sur une assistance technique
résidante et permanente depuis l'indépendance jusqu'aux
années 1980. Les années qui ont vu venir le Programme
d'Ajustement Structurel, le PAS. En effet, le PAS alliait le double volet
technique et économique, qui était en gros une conception
néolibérale du développement avec la priorité
accordée au mouvement des capitaux internationaux privés,
à la privatisation, et autres mécanismes corollaires. Les
résultats ont été catastrophiques pour le Zaïre
d'alors, le peuple s'en souvienne.
Les plans de développement de la RD Congo depuis 1960
ont culminé, au plan de développement de la décennie 2002,
au Plan d'Action Prioritaire du Gouvernement, PAP en sigle, programme qui a
précédé la Politique économique du gouvernement,
PEC en sigle. Ce dernier a été suspendu alors qu'il faisait
partie avec le Plan Relais de Consolidation des derniers dispositifs de plan
décennal qui a été conclu sous le label de cinq ans de
DSRP Intérimaire, soit de 2000 à 2005 et de cinq ans d'un DSRP
final (20005 - 2010) qui a abouti à l'effacement de la dette.
Il a toujours manqué à ces divers plans, cet
autre double volet proprement politique, d'une démocratie de peuples
à la base ,et culturel ,d'un encrage utile des peuples à leur
mémoire culturelle.
Un plan décennal de développement tel que celui
que nous avons conclu avec la communauté financière
internationale à travers le DSRP reste est une vision de la Nation, et
en tant que telle, il relève de la souveraineté de la Nation.
Après la disparition regrettable du Président
Laurent Désiré Kabila, le Président Joseph Kabila a rendu
possible la reprise des relations avec la communauté financière
internationale par l'élaboration de DSRP Intérimaire qui a permis
d'entrer de plein -pied dans la stratégie DSRP-PPTE en 2001. Le
processus d'élaboration a débuté en avril 1999 par
l'organisation d'un séminaire sous la tutelle des ministres de plan et
de commerce et mettant en valeur l'approche de la dynamique communautaire.
Théoriquement ,nous crayons qu'une telle mise en oeuvre
effective des mécanismes d'une gestion concertée avec la base de
notre société au moyens des projets ,des programmes et de
politiques de développement devait être un choix politique
salutaire dont nous devons considérer comme stratégie centrale
pour le développement de notre pays. L'Etat devait se gérer aussi
bien au sommet qu'à la base.
Le Gouvernement formé après les premières
élections démocrates de 2006 s'inscrivait déjà dans
la reprise de plan décennal qui a été interrompu, qui a
connu par ailleurs une exécution d'au moins six ans. En faisait foi
l'obtention d'un milliard de dollars en tant que Facilités pour la
Réduction de la Pauvreté et la Croissance (FRPC). Le Gouvernement
s'est proposé en son temps de négocier l'intégration d'un
plan triennal dans ce plan général qui n'a pas aboutit en 2006.
La Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la
Croissance (FRPC) du FMI et les prêts concessionnels de l'Agence
Internationale pour le Développement de la Banque mondiale constituent
un contrat de conditionnalité qui nous astreignait au respect des
clauses de ce plan.
Le plan national intérimaire contenait des reformes
structurelles et sectorielles. Nous allons présenter ici quelques
reformes et en apprécier l'évolution. Le DSRP devait impliquer
toutes les forces nationales (de la base au sommet) et des forces
internationales en faveur de la renaissance du pays. Tenez, nous constatons
collatéralement à ce plan la mise en place d'un espace
d'harmonisation des initiatives internationales sur la RD Congo qui comprend
les organisations internationales et plusieurs Etats ( Eufor , Union
Européenne, CIAT, MONUC, OIT, PNUD, etc.).
Les gens devaient savoir que le principe qui guide notre
projet sociétal est la notion de l'histoire. L'immense besoin qu'exprime
notre beau pays et les efforts pressants de disponibilisation des ressources
devaient dépendre d'un Etat constitué historiquement et d'une
maturité mentale délibérée. Ce qui appelle
l'exigence de mise en place de ces priorités véritables, des
secteurs véritablement porteurs, pour la mis en oeuvre de principe de
partenariat entre le public (l'Etat) - et le privé, le public et le
public (coopération mutuellement avantageuses d'Etat à Etat), et
enfin le partenariat entre le privé (le secteur privé) et le
privé ou marchant.
Le « partenariat rénové »
des années 2000 est fondé sur le principe responsable de gagnant
-gagnant. Le partenariat est mis en oeuvre dans le but d'accompagner les
reformes et de reconstruire notre pays. Le partenariat met l'ensemble les
bailleurs de fonds du secteur privé et du secteur public pour financer
des projets d'envergure dans plusieurs secteurs d'intervention ou
d'activité nationales, les institutions partenaires au niveau
multilatéral, des Etats partenaires au niveau bilatéral, la mise
en place les comités de pilotage et surtout le renforcement de la
gestion participative de la population qui devait être fait par un budget
participatif.
Le partenariat avec le Contrat Chinois, avec lequel nous avons
su visiblement tirer profit du secteur privé chinois est globalement
positif. Il s'agit d'un grand volume historique d'aide en termes des facteurs
de productions (machines lourdes et autres matériaux), dans la nature et
en mode de partenariat non exclusivement monétaire (le troc). Une
société de construction chinoise peut prendre en charge son
personnel au point de dormir dans le baraquements au lieu de loger des
hôtels luxiluants , ce qui fait une grande économie. Ce
partenariat avec la chine s'inscrit dans une continuité, depuis la
construction du palais du peuple, du stade de martyr , et autres ouvrages
réalisés au pays. C'est un partenariat qui est loin comparable
à ceux conclus avec des partenaires traditionnels.
Le partenariat chinois non sans quelques contradictions
aiderait à évaluer avec une certaine traçabilité
d'innombrables activités nationales qui se déroulent dans notre
pays avec le partenariat traditionnel avec l'occident de plus de 100 ans
depuis la conférence de Berlin : les programmes, les feuilles de routes
et des projets de développement consignés ou non, jusqu'au DSCP
actuel, le Document de Croissance et de Stratégie pour la
Réduction de la Pauvreté, le DSCRP en sigle, etc. C'est la
consécration d'une étape qui a atteint son apogée,
l'extraversion quasi- totale de notre pays et la dépendance
économique.
En fait, nous prônons une mise en oeuvre progressive des
politiques de reforme et accompagnons le gouvernement de la République,
les associations, le secteur privé ou marchant, les hommes de bonne
volonté responsables et patriotes dans la réalisation des
idéaux de la nation. Nous n'ignorons pas que la réalisation des
actions prioritaires programmées devaient dépendre de la
disponibilité des financements nécessaires, des actions
prévues devaient se réaliser dans le temps, les actions non
réalisées ou en souffrance devant être revues et
corrigées périodiquement.
Nous sommes un Parti politique appelé à
gérer le pays, sinon pour préparer nos membres à la
gestion publique du pays. Pour cela, il faudrait impérativement
commencer par suivre la gestion réelle du pays. Nous sommes plus
pratique, pour suivre les activités nationales, il est impérieux
de se référer au plan de développement officiel de notre
pays, en l'occurrence le DSCRP , le Document de Croissance et de
Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté.
Une telle approche a l'avantage d'être concret et
véridique. S'il est mis en place pour l'évaluation de partenariat
,il permet la programmation collective et le contrôle collectif dans la
réalisation des programmes : l'appropriation par le peuple des
fonds de développement mis à la disposition des différents
secteurs de la vie nationale et locale ,la définition des choix
collectif des priorités et le contrôle de l'attribution des
marchés et leur réalisation.
Nous allons nous référer au résumé
de DSCRP donné dans les encadrés du document en modifiant l'ordre
de présentation. Il s'agit ici de donner un état des lieux de
l'Etat dans tous les domaines d'interventions à partir de 2002 pour
permettre de suivre l'évolution de la situation du pays
jusqu'aujourd'hui et relancer l'avenir.
Le document donne l'impression que la RD Congo ne survit
qu'avec de l'aide extérieure au développement. Nous abordons
cette étude dans le cadre d'une philosophie proceduraliste qui englobe
la pédagogie morale. Notre objectif est le développement
socio-économique et culturel tangible de notre pays.
Le plan de développement de la RD Congo est, en
l'occurrence, le Document de stratégie pour la croissance et la lutte
contre la pauvreté et l'emploi, DSCRPE en sigle. Le DSCRPE est le cadre
de référence officiel pour la planification national, il est par
ce fait même le premier instrument de développement.
Notre Projet de société a pour vocation de
s'ancrer dans la marche réelle du pays en suivant le plan de
développement concret de la République Démocratique de
Congo coulé dans le Document de Croissance et de Stratégie pour
la Réduction de la Pauvreté (DSCRP en sigle ) publié en
2006 , document qui a pris en compte des données de 2002
jusqu'à l'échéance de 2015.
Ce que beaucoup de gens ignorent, est que le DSRPE est le plan
décennal de développement national de notre pays, c'est sur quoi
le gouvernement doit s'efforcer d'aligner l'ensemble des programmes nationaux,
les cinq chantiers, les budgets de l'Etat de chaque année, et autres
projets. C'est le défi à relever. Le DSCRPE est un plan de 10 ans
divisée en trois phases :
1) 2000-2002 : processus de paix, bonne gouvernance (le
renforcement des institutions) et stabilité économique ;
2) 2002-2005 : soudure entre la stabilisation
macro-économique et la croissance pro-pauvre (réhabilitation des
infrastructures, du capital humain, l'accès aux services sociaux, et des
capacités du gouvernement) ;
3) 2005-2010 : la relance de l'économie nationale
et croissance forte, durable et pro-pauvre.
Au point de vue des objectifs de DSCRP le point le plus
important pour nous comprend la capacité de participation des
populations à son élaboration, sa réalisation et son
contrôle, ce que le DSCRP appelle la dynamique communautaire. Ce point se
focalise au niveau du pouvoir exécutif alors qu'il devait
s'organisé en vrai pouvoir délibérant et de
contrôle. Il est en effet impérieux de savoir que
l'élaboration, la réalisation et l'évaluation de plan de
développement national exige une approche globale qui appelle toutes les
forces et toute l'expertise de la nation.
Aujourd'hui, après les premiers rapports
d'évaluation de la mise en oeuvre de la Stratégie de Croissance
et de Réduction de la Pauvreté et de la Promotion de l'Emploi
(avril 2007 à décembre 2008), et les résultats atteints,
la baisse de taux de mortalité infantile et l'exigence de l'alignement
du budget 2012 sur le DSCRP. Plusieurs considérations devront
être faites. Les résultats portent sur les indicateurs humains,
notamment la baisse de taux de mortalité des enfants du coté des
officiels en RD Congo. Les partenaires occidentaux de leur coté
demandent à ce que les projets soient crédibles eu égard
à la faiblesse de gouvernance économique et financière.
Pour son renforcement, le président de Comité de
Pilotage de DSCRP, le Professeur Kalonji Ntalaja, a proposé que le DSRP
soit débattu au Parlement, au lieu d'être un contrat qui ne
regarde que le Gouvernement et les partenaires extérieurs.
Nous devons après dix ans d'exécution de DSCRP
revoir la définition des priorités :
0. l'instauration de la paix, c'est-à-dire la
défense et la sécurité ;
1. La croissance ou la production des secteurs porteurs ;
2. La dynamique communautaire et la bonne gouvernance ;
3. L'accès aux services sociaux et la réduction
de la vulnérabilité ;
4. La lutte contre le VIH/Sida.
Ces matières sont à suivre et à soumettre
à l'évaluation par les groupes des responsables de chaque
secteur d'activités nationales. Le topo ci-dessous que nous
présentons a l'avantage de donner les domaines d'intervention, les
organes nationaux de pilotage, les timing, les institutions partenaires au
niveau multilatéral, des Etats partenaires au niveau bilatéral et
la hauteur des budgets qui viennent en appui à partir des
priorités.
LA SECURITE ET LES FORCES
ARMEES
L'administration de
l'Armée et de la Police
Nous partirons de la transition en reprenant in extenso le
résumé de DSCRP907(*). La réunion des Etats Majors des composantes
et des entités ayant souscrit à l'Accord Global et Inclusif a
permis la formulation d'un processus de réformes en deux phases :
(i) une phase d'intégration initiée depuis la fin 2003 avec la
mise en place d'un Haut Commandement Militaire Intégré, la
nomination des différents responsables des corps d'armée et des
régions militaires et la constitution d'une brigade de restructuration
des FARDC durant laquelle une réduction significative des effectifs
était prévue. La planification de cette phase est toujours en
cours. Le Gouvernement a entrepris et entend intensifier les mêmes
actions de réforme et d'intégration de la police nationale, afin
d'améliorer son efficacité sur l'ensemble du territoire.
Un séminaire concernant l'organisation administrative
des FARDC a été organisé par la Mission de l'Union
Européenne sur la Sécurité en RDC (EUSEC) au mois de
janvier 2005 pour ressortir les causes profondes qui seraient à la base
de la dégradation de la gestion administrative de l'Armée et
définir les voies de sortie afin d'obtenir un meilleur rendement. Ce
séminaire a permis d'identifier les causes profondes suivantes :
(i) Manque de contrôle administratif des personnels ; (ii) Absence
de nouvelles technologies ; (iii) Utilisation d'un personnel non
administratif à la place d'un personnel administratif formé (de
la base au niveau central) ; (iv) Importance prioritaire attachée
à la paie ; (v) modicité des salaires ; (vi)
Non-exploitation des documents de base ; (vii) Non respect des normes
administratives et (viii) Défaillance de l'administration au niveau de
l'Unité (Compagnie bataillon).
L'évaluation de ce secteur d'activité nationale
ne nous est pas encore disponible. Toutefois, nonobstant le travail de reforme
louable amorcé, il faut ajouter au système de
sécurité les services de sécurité nationale dans
son ensemble. Notons quand même non sans regret l'existence de
l'armée étrangère onusienne (la Monusco) de loin plus
équipée et moderne qui cohabite avec le système de
défense national et lui imprègne son idéologie.
LA FONCTION PUBLIQUE
La réforme de
l'administration publique :
Nous nous référons ici au DSCRP. Le diagnostic
des ministères principaux effectué depuis 2002 incluait les
révisions des missions, du cadre organique et du statut de certains
ministères (Fonction publique, Finances, Budget, Plan, Agriculture) et
d'une des régies financières. Ce diagnostic institutionnel a
été effectué par un cabinet d'expertise en septembre 2002.
Deux phases subséquentes ont prévu des études similaires
pour le reste de l'administration publique en 2006. Un audit des
systèmes de prestation de services a permis
d'analyser les mécanismes de prestation des services au
niveau local dans deux secteurs dits clés, à
savoir : l'éducation et la santé. Un audit sur les
procédures de gestion des dépenses du personnel de l'État
et adoption par le Gouvernement des recommandations de cet audit en
2004.
Un recensement des fonctionnaires civils a
démarré début 2005. La première étape n'a
concerné que la Ville de Kinshasa. Il s'est poursuivit en 2006 sur le
reste du pays. Il a connu l'adoption du programme de mise à la
retraite en 2005. Ce programme vise à la fois la liquidation
des indemnités de fin de carrière d'environ 100.000
fonctionnaires ainsi que la redynamisation de l'administration et le
rajeunissement des effectifs.
Les évaluations de ce travail amorcé n'est pas
encore disponible. Nous saluons des reformes amorcées en dépit
des faiblesse liées notamment au fait que sur la situation
générale, il faut dire que la légalité
administrative des actions collectives n'est pas garantie par la subordination
des cabinets politiques qui regorgent des experts qui ont littéralement
remplacé et paralysé dans une large mesure la fonction publique.
LE PORTEFEUILLE DE L'ETAT
Les entreprises de l'Etat devaient être la base de la
prospérité nationale, à ce titre, elles devaient
être organisées au premier chef. Le porte -feuille de l'Etat est
le fondement de la prospérité nationale. L'Etat congolais a ,en
effet ,mis en oeuvre, avec le soutien des partenaires divers ,notamment la
Banque mondiale, toute une série de réformes structurelles et
sectorielles couvrant les entreprises publiques (pensez au comité de
pilotage de la reforme des entreprises publiques (COPIREP en signe) issu des
Décrets n°136/2002 du 30 octobre 2002 et N°04/047 du 20 mai
2004 qui ,sur le plan des textes légaux devriez ,il nous semble se
pencher sur la loi-cadre n° 78/002 du 6 janvier 1978 applicable aux
entreprises de l'Etat. Ce domaine est resté très fragile.
Aujourd'hui nous assistons à l'émergence des entreprises
commerciales de l'Etat sans trop comprendre en quoi elles se
différencient de la privatisation des entreprises de l'Etat.
LA PROMOTION DU SECTEUR PRIVE
Actions et réformes
entreprises dans le secteur privé
Au niveau de cadre juridique, une grande
reforme a été entamée avec l'approbation de nouveaux
codes des investissements et du travail en 2002. Au plan sectoriel un nouveau
code minier a été publié en 2002 et ses principaux
décrets d'approbation en 2003.Un nouveau code forestier a
été promulgué en 2002. Des arrêtés portant
mesures d'applications ont été pris en 2003 et 2004. Dans le
domaine de la régulation des télécommunications, l'agence
de régulation des postes, Téléphones et
Télécommunication (ARPTC) a été créée
et la nouvelle loi sur la télécommunication a été
publiée en 2003.
Au niveau judiciaire, et
particulièrement pour les deux tribunaux de commerce que le gouvernement
compte mettre en place, les juges ainsi que le personnel de ces tribunaux ont
été formés à Rome en janvier 2004. La seconde
formation a été organisée à Kinshasa entre janvier
et mars 2005 avec l'appui du COPIREP sur le droit de l'OHADA au cours de
laquelle plusieurs catégories de personnes furent formées. Les
infrastructures physiques sont en voie de réhabilitation. Pour faciliter
l'administration des différents commerciaux, un centre national
d'arbitrage a été crée par arrêté
ministériel en juin 2003 et environ 30 arbitres enregistrés en
novembre 2004. Une gazette permettant de publier les lois a été
créée. Par ailleurs, le gouvernement a reçu en mars 2005,
le rapport sur l'étude des modalités d'adhésion à
l'OHADA. En vue de faciliter les opérations administratives relatives
aux investissements, une agence de promotion des investissements (ANAPI) a
été créée en 2002. Un guichet unique
d'agrément a été mis en place afin de réduire les
délais administratifs de création d'entreprises. En vue de
contribuer à l'amélioration de climat des affaires, le
gouvernement et parlement ont approuvés l'adhésion du pays
à l'agence pour assurance du commerce en Afrique (ACA). L`accord a
été notifié en février 2005. La RDC a
libéré sa contribution initiale au capital de l'ACA avec l'aide
da la Banque mondiale.
Au niveau de la fiscalité, des revues
du système fiscal et douanier ont été entreprise avec
l'assistance du FMI et de la Banque Mondiale. Il en a résulté la
publication d'un nouveau tarif douanier (dont l'objectif est de rationaliser
la structure de la protection douanier du marché intérieur) et
d'importantes reformes entreprises au niveau de la fiscalité indirecte,
dont l'introduction de la déductibilité au niveau de
l'impôt sur le chiffre d'affaire en vue d'améliorer la
compétitivité des industries locales vis-à-vis du
marché international et de préparer en même temps
l'instauration de la TVA pour 2006.L'ICA sur les exportation a
été supprimée en juillet 2004. Des actions sont entre
prises pour la mise en place et la rationalisation de la fiscalité
directe et indirecte applicables aux entreprises.
Dette intérieur. Un audit des
arriérés de paiement de l'Etat envers le secteur privé,
effectué par une firme d'expertise financière recrutée
avec l'appui de la Banque mondiale, a été achevé en
février 2004 pour les créances allant jusqu'au 31 décembre
2001. Le stock total de la dette certifiée a été
arrêté à 1.270 millions USD de dette commerciale. Les
négociations menées par Banque Sterling Merchant finance Ltd.
(négociateur du gouvernement recruté à cet effet) n'ont
portée que sur la dette commerciale. Les créanciers
représentant 365 millions USD ont pris part aux négociations qui
abouti à une décote moyenne de 75% en valeur actualisée,
ramenant ainsi le stock à 96 millions USD. L'apport de la banque
mondiale de 42,5 millions USD au titre d'appui budgétaire a servit
à payer la première tranche de 2005. Le plan de remboursement
pour les années 2006 et 2007 prévoyait le montant respectif de
29,5 millions et de USD et 24,7 millions.
Le secrétariat national dans ce secteur doit
préparer des plans d'étude pour compléter les informations
et suivre les décisions dans le secteur et émettre des avis
pertinents.
SECTEUR DE L'INDUSTRIE
Le gouvernement entend industrialiser l'économie en vue
de la rendre plus compétitive et pleinement intégrée dans
la dynamique d'échanges régionaux et internationaux. Les
principales actions ont porté sur la relance des activités
industrielles et de développement des activités porteuses de
croissance, l'élaboration et la surveillance des normes ainsi que la
gestion de la métrologie légale et de la normalisation, la
gestion de la propriété industrielle et la lutte contre la
contrefaçon, la relance de la moyenne et petite entreprise et l'appui au
secteur privé.
Des activités ont été amorcées
dans le cadre de la relance industrielle et du développement des
activités porteuses de croissance. Dans ca cade, le gouvernement a
procédé à l'actualisation du schéma directeur
d'industrialisation sous la direction de la Cellule d'Etude et de Planification
Industrielle (CEPI) du ministre de l'industrie. De même, le premier draft
du document de la nouvelle politique industrielle de la RDC a été
élaboré avec le concours de l'ONUDI. Ce document est disponible
depuis fin juin 2008 en attendant sa validation au cours d'une table ronde qui
sera organisée à cet effet. Par ailleurs, le site devant abriter
la nouvelle cimenterie de la province Orientale sur financement des fonds
indiens pour le montant des USD 13 millions a été
inaugurée en juin 2008. Prés de 50% du matériel
destiné à ce projet est arrivé à Kinshasa en
attendant son transfert sur le site. En outre, une concession de 600 hectares a
été acquise à Moanda pour l'installation d'une fonderie
d'aluminium d'une capacité de production annuelle de 600 000 tonnes.
Sur cette base, un courant de promotion a été signé avec
BHP BILLITON pour finaliser les études sur Inga III et réactiver
les activités de celui-ci.
Le processus d'élaboration des normes ainsi que de la
gestion de la métrologie légale et de la propriété
industrielle a démarré en 2008. Plus de 100 normes
harmonisées de COMESA ont été adoptés au premier
semestre de l'année 2008, contre deux normes dont disposait le pays
depuis plusieurs années. Deux projets de loi portant respectivement sur
la normalisation et sur la métrologie légale en Avril 2008 sont
sous examen au niveau du Gouvernement. Concernant la gestion de la
propriété industrielle et de la lutte contre la
contrefaçon, un premier draft du projet de loi révisant la loi
n°82/001 du 7 janvier 1982 régissant la propriété
industrielle en RDC est finalisée. Aussi pour la relance de la petite et
moyenne Entreprise, le Gouvernement a procédé à
l'élaboration et à la validation du document de la charte des PME
en RDC.
S'agissant de l'appui au secteur privé, plusieurs
actions ont également été entamées. Un financement
de la Banque Mondiale d'un montant d'un million de dollars est prévu
pour appuyer les études des filières (chaines des valeurs). Il
est également prévu un décaissement de 7,5 millions de
dollars au titre d'appui au développement du secteur des micro-finances.
Des études de faisabilité ont été financées
en vue d'améliorer l'accès aux services financiers. Celles-ci
sont disponibles et attendent d'être validées. De même le
projet du cadre devant régir ce secteur a été
élaboré de manière concentrée entre tous les
acteurs concernés et le Ministère de tutelle avec l'appui des
bailleurs. En outre les stratégies nationales visant à
améliorer la gestion du secteur ont été
élaborées et adoptées par toutes les parties prenantes.
SECTEUR DE l'EDUCATION NATIONALE,
LA CULTURE, ANIMATION DE L'HISTOIRE NATIONALE ET DE LA MÉMOIRE
COLLECTIVE
Actions dans le secteur de
l'éducation
En vue de promouvoir le système Educatif de la RDC dans
la vision des OMD, Objectifs du Millénaire pour le Développement,
le gouvernement devait réaliser des actions suivantes :
- La réhabilitation de 140 écoles
sélectionnées dans le volet social du PMURR ;
- La finalisation du rapport d'Etat du système
Educatif National (RESEN) et l'adoption de l'avant - projet du plan d'action
du programme Education pour tous (EPT);
- La mise en oeuvre du programme d'allocation trimestrielle
des fonds pour les frais de fonctionnement des écoles primaires et
secondaires publiques, en vue de réduire graduellement les frais
payés par les parents et ;
- La préparation du projet d'appui au secteur de
l'Education (PASE) financé par la BAD et du projet d'appui au
redressement du secteur Educatif congolais (PARSEC) financé par la
Banque Mondiale.
A. Projet d'Appui au Secteur de
l'Education (PASE).
L'objectif poursuivi par ce projet est de contribuer à
la reconstruction du système éducatif congolais en vue de la mise
en oeuvre des objectifs de l'éducation pour tous (EPT), à travers
l'appui à l'élaboration des reformes sectorielles et du
renforcement des capacités institutionnelles tant de planification que
de gestion. Le montant de financement étant de 5,23 million d'US au
titre de don, le PASE comprend quatre composantes que sont :
- L'appui à l'élaboration des réformes
sectorielles ;
- La mise en place d'un système d'information pour la
gestion de l'éducation ;
- Le renforcement des capacités institutionnelles de
planification, de formation et de gestion pédagogique ;
- La gestion du projet. Présentement, le PASE est
pleinement dans la phase de mise en vigueur. Le décaissement est de
l'ordre de 17% sur des engagements estimés à 69% en mai 2006.
B. Projet d'appui au Redressement
du secteur Educatif Congolais (PARSEC).
Financé par un don de 130 millions de dollars US par la
Banque Mondiale, ce projet a pour objectif :
- D'arrêter la dégradation du système
Educatif Congolais dans la fourniture des services essentielles au niveau de
l'enseignement primaire et ;
- Préparer le terrain en vue d'assurer le financement
et le développement durable du secteur.
Le PARSEC comprend quatre composantes :
Ø Accroitre l'accès et renforcer
l'équité au niveau de l'enseignement primaire ;
Ø Améliorer la qualité de l'enseignement
primaire ;
Ø Renforcer les capacités institutionnelle et
financière du secteur de l'éducation et ;
Ø Renforcer la gestion du projet.
Préoccupé par la réhabilitation du système
éducatif, le gouvernement congolais finalise présentement les
dossiers pouvant permettre la tenue de la réunion du conseil
d'administration de l'IDA qui examinera les conditions de mise en vigueur du
projet.
Le secrétariat national dans ce secteur doit
préparer des plans d'étude pour compléter les informations
et suivre les décisions dans le secteur et émettre des avis
pertinents.
Le système éducatif
congolais
Contrairement à la lettre éducative de 2006
résumé dans le DSCRP, la politique du gouvernement a porté
sur l'amélioration de l'accès au niveau primaire de la couverture
et de la qualité des services de l'éducation aux niveaux primaire
et secondaire et l'équité dans le secteur de l'éducation
sur la période 2006-08.
Pour accroitre l'accès dans le secteur de
l'enseignement Primaire et secondaire, le Ministre de l'EPSP et les bailleurs
ont mis en place un cadre consensuel de conception et de la mise en oeuvre de
la stratégie Nationale de réduction des frais Scolaires.
D'autres parts, le gouvernement a mis en oeuvre le mécanisme
d'allocation trimestrielle des fonds pour les frais de fonctionnement des
écoles primaires et secondaires publique, en vue de réduire
graduellement les frais payés par les parents. En appui à ce
mécanisme, interrompu en 2006 suite aux contraintes financières
du gouvernement, la première tranche trimestrielle de frais de
fonctionnement de l'année scolaire 2008-09 de l'ordre de USD 8,0
millions vient d'être versée à 25 978 écoles
éligibles au Projet d'Urgence pour la Réhabilitation Urbaine et
Sociale (PURUS) financé par la Banque Mondiale. Par ailleurs, 140
écoles ont été réhabilitées dans le cadre du
volet social du PMURR financé par la Banque Mondiale. L'Unité de
coordination et de gestion des projets (UCOP) est également en train de
finaliser les termes de référence pour la constitution de la
commission qui devra déterminer les critères de sélection
des 262 écoles à réhabiliter dans le cadre du projet
PARSE.
Le gouvernement a également mis un accent particulier
sur l'amélioration de la qualité du système
éducatif congolais. Une avancée significative a été
enregistrée dans la commission indépendante qui travaille
déjà à l'élaboration des projets de loi ainsi que
de textes réglementaires et juridiques du système
éducatif. Le projet d'appui au secteur de l'Education (PASE) mis en
place en 2004 financé par la Banque Africaine de développement
à permis de généraliser le Système d'Information
pour la Gestion de l'Education (SIGE), ce qui a abouti à la publication
des annuaires statistiques pour le secteur de l'éducation (EPSP,ESU et
Education non formelle) pour l'année 2006-07. Le PASE a également
permis la réalisation de cinq études thématiques de
l'enseignement et à l'amélioration de l'encadrement
administratif et pédagogique.
A cet effet, tous les élèves de la
première année primaire ont bénéficié d'un
don présidentiel en matériel scolaire depuis septembre 2008. Des
kits et des manuels scolaires ont aussi été distribués
à la rentrée scolaire 2008-2009 aux écoles primaires dans
le projet PARSE et d'une dotation fournie par l'UNICEF et la CTB.
Concernant le volet de financement et de gestion
financière du secteur de l'éducation, un fonds annuel de
promotion de l'éducation a été mise en place par le
décret présidentiel depuis 2005. Par ailleurs, la part du budget
National consacrée à l'éducation a connu une augmentation
relative, elle est passée de 8% en 2006 à 10% en 2007 pour
atteindre 11% en 2008, c'est - à - dire bien au-delà de
l'objectif de 10% fixé pour la période.
Les trois secteurs ainsi présentés devaient
être consolidés dans la durée pour atteindre la
maturité historique avec un budget de loin plus important que les autres
secteurs. Ces trois secteurs sont des conditions de possibilités des
autres. Tous les autres secteurs se greffent sur la fonction publique.
LE PARTENARIAT RENOVE
L'alignement du contrat chinois sur le cadre national de
planification est impératif, et des autres dons et prêts de tout
bord. Le contrat chinois a mis en avant l'idée centrale d'un
« Partenariat rénové » fondé sur le
travail négocié avec les acteurs non étatiques
internationaux avec la garantie des Etats. Les reformes à mener dans les
secteurs prioritaires de la création de l'emploi et la restauration de
l'Etat devait être fondées sur le partenariat de ce genre,
pensé et appliqué avec le secteur privé international.
Notre proposition s'inspire aussi au point de vue de la
politique extérieure de la coopération sous régionale, de
plan de NEPAD, le plan de développement de l'Afrique. Nous sous
inspirons donc de programme de NEPAD (nous y reviendrons) qui semble
dicté de leur priorité le contrat chinois.
Les hommes ne peuvent efficacement lutter contre la
pauvreté que s'ils conjuguent leurs efforts au niveau local, à
l'échelle régionale et sous-régionale, à
l'échelle mondiale, pour la sécurité des personnes et de
leurs biens d'abord, en instaurant une défense nationale
organisée et autonome, et font ensuite de la concertation, du
partenariat gagnant- gagnant avec le secteur privé et de la discussion
l'espace privilégié des initiatives et des décisions.
Il faut qu'à la discussion s'articule l'action
collective planifiée. Mais la concertation et la discussion
menées dans un espace public intégré au niveau mondial et
africain doit suivre. En ce qui concerne l'Afrique, l'articulation des actions
efficientes sur les discussions sécuritaires concertées exige un
renouvellement non seulement des paradigmes scientifiques mais également
celui de son encrage dans un contexte véritable de lutte de classe. Le
développement de l'Afrique exige certes de grandes actions à
l'échelle du continent, il ne faut donc pas perdre de vue l'importance,
l'utilité et l'efficacité de la coopération
régionale. L'avenir de l'Afrique réside dans la conjugaison des
énergies au niveau des programmes d'actions régionalement
intégrés.
La Chine a réussit avec une haute philosophie sociale
à s'ériger comme une alternative crédible au capitalisme.
Elle est véritablement consciente de la lutte des classes dans la
sphère internationale, la république populaire de Chine est
parvenue à y entrer depuis 1970 exclue qu'elle était lors de son
acceptation au conseil de sécurité des Nations- Unies. De modes
funestes d'élimination de plus faibles (la lutte implacable des mieux
adaptés), l'Afrique doit entrer dans la lutte internationale des classes
dont il a longtemps été exclue.
La Chine a définit depuis 1978 une jointe -venture de
modernisation qui a libéralisé son économie après
le principe de défense nationale et d'indépendance. Pour elle, le
progrès social est consécutif à une maitrise
préalable du domaine sécuritaire et de la révolution
intellectuelle du peuple. « Les puissances coloniales (ont
pillée l'Afrique) jusqu'en 1960 avant de pérenniser leurs
intérêts en y soutenant ses régimes les plus brutaux.
L'aide que l'on estime à 400 milliards de dollars pour toute la
période 1960 - 2000 (400 milliards, c'est l'équivalent du PNB de
la Turquie, mais aussi des fonds que l'élite africaine ont cachés
dans les banques occidentales), cela n'a pas produit l'effet escompté et
a même, selon une théorie en vogue, empiré les choses.
L'Afrique n'a survécu que grâce au sentiment de culpabilité
des Occidentaux, qu'elle a fini par décourager. En faisant
échouer tous les programmes de développement, en restant la
victime éternelle des ténèbres, des dictatures, des
génocides, des guerres, des épidémies et de
l'avancée des déserts, l'(Afrique) se montre incapable de
participer au festin de la mondialisation. »908(*)
Pourtant sur base des chiffres, aujourd'hui « la
Chine en Afrique est (...) plus qu'une parabole de la mondialisation, c'est son
parachèvement, un basculement des équilibres internationaux, un
tremblement de terre géopolitique. »909(*) Nous allons expliquer, la
suite de l'entr'aide chinoise qui « s'achève, dans le plus
grand silence, l'une des dernières étapes de la mondialisation et
la rencontre des deux cultures les plus éloignées que la terre
puisse porter. »910(*)Il s'agit en l'occurrence de la chine et de
l'Afrique.
On peut dire que le Partenariat avec la Chine, avec le
consortium privé des hommes d'affaires chinois, nous semble bien
amorcé au Congo. A propos, il s'agit de la gestion du prêt chinois
à la RD Congo. Ce prêt concerne deux volets :
1. La mise sur pied d'une plate-forme financière d'un
consortium des banques spécialisées dans les travaux de
réhabilitation et construction d'infrastructures et d'exploitation
minière pilotée par Exxim Bank de Chine. Ce volet consistera
à financer les infrastructures routières, ferroviaires,
aéroportuaires et sociales (écoles, hôpitaux,
universités).
2. Le deuxième accord piloté par un consortium
des entreprises ayant comme tête de fil la Banque de Développement
de Chine (CDB) , prévoit la création d'une plate-forme
financière chargée de :
- Collecter des fonds nécessaires au financement des
projets d'investissements de grande envergure ;
- Recenser les projets qui répondent au mieux aux
stratégies de développement de notre pays ;
- Mettre en place et développer rapidement le
marché bancaire et financier au Congo pour qu'il réponde au mieux
aux exigences du développement économique.
Le Congo a une vocation africaine : une diplomatie de
développement dans un tel contexte atténuerait les
voracités et les convoitises des voisins et des autres pays. Il est
regrettable que presque toutes les tentatives d'intégration
régionale comme la CEPGL (communauté économique des
pays de Grands Lacs) par exemple, aient été
étouffés par des crises, des conflits armés, des
rebellions et de malheureuses agressions entre Etats. Ces initiatives doivent
être reprises, affermies à la faveur d'une paix durable et
génératrice de développement et de restructuration.
Au demeurant, les constructeurs de l'Afrique doivent
s'inspirer des modèles qui constituent les trois parties
suivantes :
La première partie, devait être à la suite
de Cheick Anta Diop , celle de l' « Industrialisation de
l'Afrique Ȉ partir de huit zones : le bassin du Congo,
la zone tropicale (Sénégal, Mali, Niger), la région de
golfe de Bénin, le Soudan nilotique -Grands Lacs - Ethiopie), le Ghana
et la Côte d'Ivoire, le Bassin de Zambèze, La Guinée
Sierra- Leone- Liberia, l'Afrique du Sud. Cependant, il faut l'affirmer
ici : l'industrialisation de l'Afrique n'est réalisable que par
l'unité politique ou tout au moins l'établissement des Accords
bilatéraux. Toutefois, il faudrait avant tout compter sur soi en
créant des armées modernes afin de faire face souverainement aux
tâches historiques qui pourraient nous attendre encore.
La deuxième partie est celle de :
« Recensement des sources d'énergie » , elle fait
l'inventaire détaillé de toutes les sources d'énergie dont
regorge l'Afrique : hydraulique, solaire, atomique,
thérmo-nuclaire, éolienne, thermique des mers,
marémotrice, de la houille rouge, de l'énergie thermique de
volcan, et de l'énergie géothermique. Cet inventaire a pour
objectif : « L'utilisation par les africains eux
-mêmes, non pas pour créer des industries complémentaires
de celles de l'Europe, mais pour transformer les matières
premières que recèle le continent ».
La troisième partie est celle de la révolution
culturelle, et s'intitule : «Unité historique :
restauration de la conscience historique et de la mémoire
africaine ». Cette unité doit se construire autour de
l'exhumation et de l'animation de la mémoire collective et de
la conscience historique, et du processus d'unification linguistique à
l'échelle continentale. Il est donc question de travailler à
l'essor d'une « seule langue africaine de culture et de gouvernement,
devant coiffer toutes les autres ; les langues européennes, quelles
qu'elles soient, restant ou retombant au niveau de langues vivantes de
l'enseignement secondaire ».L'unité fédérale
débute par l'intégration régionale de l'Afrique centrale
francophone et anglophone. Concrètement, un cartel de Présidents
ou des Chefs d'Etat démocrates animerait un Etat fédéral
caractérisé par le bicaméralisme, et
l'égalité de sexe.
Des plans de développement comme le NOPADA qui a
échoué (le Nouveau Partenariat pour le Développement de
l'Afrique) représentent des exemples des programmes d'action qui n'ont
pas été appliqués face au partenariat international. Le
Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique(NOPADA) a
définit les secteurs prioritaires sans des moyens financiers
conséquents.
Les bailleurs de fonds attendus n'ont pas honorés leurs
engagements. Il s'agit de secteurs suivants :
- Infrastructures,
- Ressources humaines,
- Santé,
- Technologie de l'information et de la communication,
- Agriculture,
- Energie,
- Accès des exportations africaines aux marchés
des pays développés.
Le nouveau partenariat avec l'Afrique, largement
anticipé par la coopération africaine de la chine devait par
delà le Congo viser les actions multiples. Le Contrat Chinois est
inscrit dans une perspective africaine : l'Afrique bénéficie de
l'aura de la chine aujourd'hui parce que le partenariat est réel et le
volume important des investissements est PLUS QUE remarquable. La
différence essentielle dans le partenariat en Afrique avec le monde
extérieur est marquée la dernière décennie (2000-
2010) par un événement remarquable : la montée fulgurante
de la Chine et leur volume d'investissement public en Afrique. La hauteur, la
nature et le volume des ressources financières et matérielles
apportées par la Chine par rapport aux partenaires traditionnelles, tels
ACP- UE, et les anciens pays colonisateurs de l'Afrique sont sans commune
mesure.
Volume d'investissements publics chinois en Afrique
depuis 2006 911(*)
Pays africains
|
Argent public chinois investi
|
Principales activités
|
Autres activités
|
Algérie
|
612 millions d'euros
|
construction (habitat, autoroute, usine désalinisation,
raffinerie),
|
Coopérations militaires
|
Tchad
|
530 millions d'euros
|
Pétrole
|
|
Niger
|
330 millions d'euros
|
Uranium, pétrole, textile, construction
|
|
Guinée
|
690 millions d'euros
|
Mines, constructions
|
Barrages en construction ou projets approuvés
|
Nigeria
|
10, 7 milliards d'euros
|
Pétrole, construction, chemin de fer, raffinerie,
barrage, commerce, industrie
|
Barrages en construction ou projets approuvés
|
Cameroun
|
118,7 millions d'euros
|
construction, bois, commerce
|
Instituts confucius (centre culturel chinois),
Barrages en construction ou projets approuvés
|
Gabon
|
2,6 milliards d'euros
|
Bois, mines de fer, pétrole
|
Barrages en construction ou projets approuvés
|
Congo
|
373 millions d'euros (effacement de la dette 95 millions
d'euros)
|
Construction (Barrages, ministères, aéroports,
habitat), bois, commerce
|
Coopérations militaires, Barrages en construction ou
projets approuvés
|
Angola
|
4,5 milliards d'euros
|
Construction ( chemin de fer ,ports, aéroports,
habitat) ,industrie
|
Coopérations militaires, Barrages en construction ou
projets approuvés
|
Egypte
|
260 millions d'euros (2007)
|
Infrastructure, télécom, construction,
tourisme
|
Instituts confucius (centre culturel chinois),
Coopérations militaires
|
Soudan
|
10 milliards d'euros
|
Pétrole, agriculture, construction, (barrage,
routes)
|
Contribution chinois aux opérations de maintien de la
paix de l'Onu, Coopérations militaires, Barrages en construction ou
projets approuvés
|
Ethiopie
|
3 milliards d'euros
|
Barrage, bâtiments, routes, télécom
|
Coopérations militaires, Barrages en construction ou
projets approuvés
|
RD Congo
|
8,86 milliards d'euros
|
Mines, construction
|
Barrages en construction ou projets approuvés ,
Contribution chinois aux opérations de maintien de la paix de l'Onu,
Coopérations militaires
|
Zambie
|
420 millions d'euros
|
Mines, agriculture, industrie, commerce
|
Barrages en construction ou projets approuvés
|
Zimbabwe
|
390 millions d'euros
|
Agriculture, construction, armement
|
Instituts confucius (centre culturel chinois), Barrages en
construction ou projets approuvés, Coopérations militaires
|
Mozambique
|
2,18 milliards d'euros pour le seul barrage de Mepanda
|
Bois, mines, construction
|
Barrages en construction ou projets approuvés
|
Afrique du Sud
|
3,6 milliards d'euros pour la Standard Bank
|
Commerce, industrie, banques
|
Instituts confucius (centre culturel chinois),
Coopérations militaires
|
|
Total
|
|
|
Comparativement, les 25 pays de l'Union Européenne
devaient apporter pour la période 2000- 2007 une somme totale loin
inférieur de 23,5 milliards d'euros et pour la période de 2008 -
2013 le montant de 22 682 milliards d'euros aux 78 pays ACP.
Dans cette jointe -venture amorcée au Congo avec la
Chine, il faudra donc promouvoir la participation de secteur privé
national : la politique de carré minier nous emble être une
expérience malheureuse pour les autochtones des contrées
minières.
Le pouvoir économique se mue toujours en pouvoir
politique, un pouvoir économique local devient le pouvoir politique
local. Les affaires et le pouvoir sont inextricablement liés. Cette
situation concerne en priorité l'identification des problèmes
à résoudre selon les aspirations et les besoins des classes
sociales congolaises et africaines qui vivent les
vicissitudes innombrables : la grande bourgeoisie et la bourgeoisie
moyenne en RD Congo sont à majorité étrangères (les
PEM). Au Congo domine dans les affaires les Indo-pakistanais, les libanais, et
autres ouest - africains.
Les congolais, que nous sommes, ne sommes pas encore
entrés collectivement dans une mentalité positive de
progrès, cela exige le changement drastique des techniques et des moyen
des de production. Nous en sommes encore à la houe. Il faut aussi penser
à une reforme agraire fondamentale équilibré à la
suite du DSCRP. Le capitalisme exige le changement de régime de
propriété collective en propriété privée
dominante. Une expropriation du fermier campagnard (penser à
l'évaluation de Code forestier, Code minier, etc.). Le contrat chinois
au Congo et la planification des activités inhérents n'est pas
exempt des critiques : le contrat chinois devait associer
impérativement un programme rapide de mécanisation du monde rural
et de l'agriculture, ce qui aurait pour mission d'atténuer des
souffrances atroces dont continuent d'endurer notre peuple, qui si on ne tient
garde risque de se transformer en dynamites sociales comme cela se passe en
Tunisie, en Egypte et en Cote d'Ivoire.
Au niveau de l'Initiative pour la gouvernance
économique et la gouvernance des entreprises, il nous emble important
d'en faire une priorité. La richesse du Congo est produite par le
portefeuille de l'Etat. Celui-ci doit être la base de l'organisation du
processus de reconstruction.
La Chine envahit économiquement le monde entier, en
particulier l'Afrique. Les multinationales chinoises, dans le secteur
privé, sur base de troc et des banques chinoises - mécanismes
novateurs de coopération, devaient collaborer avec le portefeuille
congolais intégré et organisé pour
bénéficier des flux financiers chinois bien
négociés, ce qui favorisera certainement une intégration
avantageuse. Il faut ici dans la foulée, il nous semble, revenir
à la loi d'avant 1978 sur les entreprises publiques en RD Congo.
Dans le secteur des infrastructures, les travaux ont
effectivement commencé : à la longue avec l'assistance des
institutions spécialisées dans chaque secteur, il faudra mettre
en place des cadres politiques et législatifs pour encourager la
concurrence locale. L'entretien et la gestion des infrastructures, en
particulier dans les régions urbaines et rurales pauvres peuvent
être faites par les nationaux. Les cadres juridiques suivront les
changements induits par les infrastructures. Dans le même temps, s'en
suivrons de nouveaux cadres de réglementation et de consolidation de la
capacité de formation de personnes responsables des ouvrages et
l'harmonisation des politiques.
Par ailleurs, l'intégration régionale n'est pas
un décret théorique comme on l'a vécu il ya plus de
cinquante ans. L'intégration est un processus pratique, ça passe
par les affaires, le partenariat avec le secteur privé. Ce serait un
processus pratique qui intègre les pays (voir le contrat chinois). Pour
accéléra le développement, il faudra penser à
l'intégration africaine, tout prêt à croire que la Chine
nous aide dans ce sens.
AUTRE SECTEUR DE PARTENARIAT
TRADITIONNEL :
Appui à la dynamique
communautaire, ou dynamique de la société civile
La politique du gouvernement dans le cadre de ce pilier
consiste à renforcer les capacités des provinces dans la gestion
et la création des partenariats stratégiques entre la
société civil et les pouvoirs locaux, mettre en place des
opportunités d'emplois et des moyens de subsistance, réhabiliter
les infrastructures publiques dans des communautés
sélectionnées et renforcer la sécurité sociale.
Le gouvernement accorde une importance capitale à la
dynamique communautaire portée par les organisations de base. Les
communautés ont fait preuve d'une grande capacité de suivi en
développement des activités génératrices de revenu
durant la période de crise qu'a connu le pays, en finançant
l'éducation, en supportant le cout des soins de santé durant
toute cette période que le pays connue.
En ce qui concerne le renforcement des capacités de
gestion des autorités locales et la création des partenariats
stratégiques entre la société civile et les pouvoirs
locaux. Des programmes de développement communautaire en faveur des
zones à haut risque sont actuellement mis en oeuvre avec l'appui
technique de partenariat au développement à hauteur de USD 231,5
millions. Dans le cadre du programme d'appui aux initiatives de
développement communautaire (CLDC) dans les zones à haut risque,
13 CLDC qui ont été mis en place dans 10 provinces. Dans chacune
de ces entités, la dynamique communautaire à été
encouragée grâce au renforcement des capacités dans le
domaine de la conception, de l'élaboration, du suivi et de
l'évaluation des plans de développement communautaire à
l'évaluation des besoins et l'élaboration des plans locaux de
développement.
Des actions ont également été
menées en vue de la mise en place des opportunités d'emploi et
des moyens de substance en faveur des groupes vulnérables. Un atelier de
renforcement des capacités de gestion des veuves et filles mères
à été réalisé à Kinshasa et au Bas-
Congo, ainsi qu'un atelier de formation en entrepreneuriat en faveur des
communautés de base Coopératif à Idiofa (provinces de
Bandundu). Un atelier sur le stratégie d'accompagnement des femmes
leaders a été aussi organisé. En outre, les
opportunités d'emplois et des moyens de substance ont été
accrues à travers la mise en place de 4 250 activités
génératrices de revenus (AGR) dans les zones ciblées pour
un cout global de USD 170 millions, et touchant à divers secteurs de
production et de service dont la production, la transformation, la conservation
et la commercialisation des produits agricoles et l'élevage ; la
pêche, la couture. On peut aussi citer la distribution des semences de
haricot, soja, mais, arachides et du matériel aratoire à
976ménages à Goma / Nord- Kivu, l'appui à la
démobilisation des ex combattants par la formation en petits
métiers et par l'appui aux AGR (dons de kit pour commerce) à
Kinshasa, l'installation des petites unités de transformation des
produits agricoles Kasaï Occidental, et l'appui aux associations d'Isiro
par le micro financement et des crédits.
Le gouvernement a procédé à la
réhabilitation des Infrastructures Publiques dans des communautés
sélectionnées en utilisant l'approche HIMO et a renforcé
la sécurité sociale. 150Km des voies de desserte agricole ont
été réhabilités dans le Kasaï Occidental et 2
Centres de santé ont été reconstruits à Punia. En
vue de renforcer des réseaux des femmes pour l'assistance des victimes
de viol dans les zones à risque, des campagnes de sensibilisation ont
été organisées sur la résolution 1325 (Femme, Paix
et sécurité). Un réseau des acteurs de la
société civile impliqué dans la lutte contre la violence
faite à la femme et à la jeune fille a été
crée dans la ville de Bukavu (province du sud Kivu). Les organisations
locales dans la lutte contre les violences sexuelles ont été
appuyées dans la ville de Bandundu. Par ailleurs, dans le cadre de la
sécurité locale et de la réconciliation, des sites des
mines anti personnelles ont été identifies par Handicap
International, et un comité d'experts pour la réduction des armes
légères a été mis en place.
LE DEVELOPPEMENT RURAL,
L'AGRICULTURE, LA FORET ET LES EAUX
Lesecteur de l'eau et assainissement est la cible de plusieurs
bailleurs de fonds à travers les projets et programmes qui rentrent dans
les objectifs du millénaire (OMD). Les principaux bailleurs qui
interviennent dans ce secteur sont :
- La direction générale de la coopération
au développement(DGCG) de la Belgique ;
- L'organisation Allemande(KFW) ;
- L'Agence Française du Développement (AFD);
- La Banque Africaine du Développement (BAD) ;
- La Banque mondiale ;
- L'UNICEF et ;
- L'Union Européenne.
La BAD, la DGCD et l'UNICEF ont orienté leurs
investissements dans l'approvisionnement en eau des zones rurales, alors que
l'UE, la KFW et l'AFD se concentrent sur le secteur urbain. Les populations ont
pour mission chacun à son niveau de responsabilité, national ou
régionale de suivre la réalisation de ces projets sur le
terrain.
Programmes et Projets dans le
cadre de l'Agriculture et le Développement Rural
Ici la population devait suivre selon la province les
activités qui y sont programmées. Pour la relance du secteur
agricole et de l'élevage, l'Etat a mis en oeuvre, avec l'appui des
bailleurs, les programmes et projets ci-après : Programme
Multisectoriel d'Urgence de Réhabilitation et de Reconstruction (PMURR).
Ce programme a porté sur un financement additionnel de la Banque
Mondiale de 125 millions USD, dont 8 millions les principales
réalisations sont : (i) la production végétale par la
mise à disposition des paysans des boutures saines et des semences de
qualité de principales cultures vivrières ; (ii) la
production de semences améliorées (maïs, riz, arachide,
haricot, niébé, soya et manioc) ; (iii) la
réhabilitation de 1.310 km des pistes rurales qui sont destinées
à améliorer l'accès aux marchés des paysans
producteurs dans 7 provinces de la République Démocratique du
Congo ; (iv) la production animale à travers la formation des
formateurs des éleveurs et pisciculteurs dans les provinces de Kinshasa,
Bandundu et Bas-Congo et (v) la réalisation des études
sectorielles pour la relance des filières agro-industrielles du coton,
palmier à l'huile, hévéa, cacao, café, thé
et quinquina dont les enquêtes ont été menées dans
le Bas-Congo, le Bandundu, les 2 Kasaï, la Province orientale, le Kivu et
l'Equateur. Les comités de pilotages de ces projets devaient être
connus de la population de chaque province.
Projet d'appui à la Réhabilitation du secteur
Agricole et Rural (PARSAR). Ce projet financé par la BAD porte sur un
prêt et Don de 41.47 millions USD et touche le Bandundu et le Bas -Congo,
l'essentiel des activités sont : (i) appui aux structures de
recherche (INERA, SENASEM, SNV et SNSA) par le renforcement des
capacités ; (ii) publication de la loi semencière dont le
décret devait être préparé et (iii) la privatisation
des fermes semencières dans la Province du Bas-Congo.
Projet de réhabilitation du secteur Agricole et Rural
dans les Provinces du Katanga, Kasaï-oriental et Kasaï-occidental
(PRESAR). Ce projet porte sur un don de 59.04 millions USD et vise : (i)
le renforcement de la sécurité alimentaire par l'accroissement de
la production vivrière à travers le renforcement des
capacités des services d'appui à l'agriculture et au
développement rural ; (ii) le développement de la production
agricole et (iii) la réhabilitation des infrastructures rurales.
Projet d'Appui au Programme Régional
d'Aménagement du Lac Tanganyika (PRODAP). Dans le cadre de
l'aménagement de la pêche, ce projet devait être en cours
d'exécution et porte sur un prêt et don d'un montant de USD 11,75
millions. Il vise à réduire la pauvreté dans le bassin du
lac Tanganyika, par l'amélioration (i) des conditions sociales et
sanitaires (ii) de la situation alimentaire des populations. Les principales
activités sont : (i) le renforcement des capacités
institutionnelles ; (ii) l'aménagement de la pèche et la
protection de l'environnement et (iii) la réhabilitation des
infrastructures de développement local.
Le secteur des forêts
En 2002, la RDC a adopté un nouveau code forestier,
qui a remplacé la réglementation coloniale de 1949 et qui met en
avant les principes modernes de gestion durable des forêts et de
participation de la société civile et des communautés
locales. Le gouvernement a également mis en place, la même
année, un moratoire sur toute nouvelle acquisition de droit
d'exploitation, en attendant l'adoption des nouvelles règles
d'adjudication prévues par le code. Conformément au nouveau code,
les contrats qui n'ont pas été résiliés en 2002
feront l'objet d'une revue légale en vue de vérifier leur
légalité et le respect des clauses contractuelles, en vue de les
convertir en « contrats de concession forestière ».
A cet effet, un décret présidentiel a été
publié en octobre 2005 pour fixer les procédures et les
critères de cette revue légale. Ce décret met en place une
commission interministérielle élargie à la
société civile et au secteur privé.
En 2003, le gouvernement a accompli une revue
économique de la filière bois qui a aboutit à simplifier
la structure de la fiscalité forestière, à diminuer les
charges parafiscales, surtout dans le domaine du transport, tout en relevant
progressivement la taxe de superficie pour décourager l'immobilisation
spéculative des forêts du patrimoine national.
EVALUATION (2007 -2008)
La politique du gouvernement dans ce secteur a visé
l'amélioration des conditions des vies des populations rurales et
l'autosuffisance alimentaire. La grande préoccupation du gouvernement a
été de poursuivre les efforts déployés depuis 2002
consistant à l'améliorer les infrastructures en milieu rural,
relier les exploitants agricoles aux marché de consommation et
moderniser l'agriculture par le recours aux techniques nouvelles. Dans le cadre
de l'amélioration d'infrastructures en milieu rural, l'exécution
du PMURR a conduit à la réhabilitation d'environ 2213 Km de voies
de desserte dans les zones rurales qui ont impulsé la production
agricole ainsi que la fourniture des biens et des services sociaux dans les
milieux ruraux. Ces efforts ont été appuyés par le PARSAR
qui a permis d'acquérir 113 Kits de matériels informatiques,
d'élaborer des manuels d'évaluation physiques et
financières ainsi que d'exécution des pistes, d'ouvrages d'arts,
des voies navigables et communautaires. Plusieurs centres ruraux sont
connectés aux réseaux privés de
télécommunication.
La politique du gouvernement dans le secteur agricole a aussi
consisté à moderniser l'agriculture par le recours aux
technologies nouvelles et semences améliorées. Grace à
l'amélioration du PARSAR, 17 tonnes de semences
améliorées, 1375 kilomètres linéaire de boutures
saines de manioc et 200 000 tonnes rejets de bananiers ont été
produit en vue de contribuer au renforcement de sécurité
alimentaire dans les zones rurales. Le PMURR a permis de produire 417 tonnes de
maïs, 517 tonne de riz, 113 tonnes d'arachides, 73 tonnes de haricots, 126
tonnes de soja et 5.900 tonnes linéaires pour le manioc au cours de la
campagne agricole 2007. A ces réalisations s'ajoute la poursuite des
études des filières sur le coton. Le Fonds International de
Développement Agricole (FIDA) a financé deux projets a
savoir : le programme de relance du secteur agricole dans la province de
l'Equateur (PRAPE) et le programme de réhabilitation agricole dans la
province Orientale (PRAPO). Ces deux projets sont orientés
principalement vers l'amélioration de la sécurité
alimentaire et l'accès aux services sociaux des populations rurales
démunies. A travers la phase II du projet d'appui au
développement de l'horticulture urbaine et péri urbaine (HUP)
financé par la Belgique à hauteur de USD 6 millions, et
exécuté par FAO, environ 11 .000 ménages
maraîchers au bénéficié de micro crédits et
500 associations maraîchères ont été
encadrées.
Enfin, le gouvernement entend promouvoir la bonne gouvernance
et améliorer le cadre politique générale dans le secteur
agricole. En vue de renforcer l'Institut Nationale d'Etudes et Recherche
Agronomique (INERA), 69 agri- multiplicateurs et 64 encadreurs ont
été formés aux techniques de multiplication des semences
et des matériels ont été acquis dans le cadre du PARSAR.
De plus, le ministère de l'agriculture et développement rural a
bénéficié de l'appui de la BAD, a travers le PRESAR pour
la réhabilitation de ses bureaux au niveau central et en provinces
(Katanga, Kasaï oriental et Kasaï occidental) et l'acquisition des
matériels informatiques. En plus de ces projets, la BAD vient de lancer
un projet dénommé, étude de secteur agricole(ESA) en vue
d'élaborer les orientations stratégiques du secteur de
développement agricole des provinces et de formuler un programme
prioritaire de développement du secteur agricole.
Secteur forestier
Le gouvernement s'est assigné comme objectif de
restructurer le secteur forestier afin d'en garantir une exploitation durable
et d'en faire une des principales sources des revenus du Pays.
Conformément à l'agenda prioritaire résumé dans le
DSCRP, les efforts du gouvernement ont consisté à :
- Mieux réglementer et rationaliser l'octroi de
concession forestière ;
- Favoriser une exploitation industrielle
contrôlée;
- Associer les communautés riveraines et locales
à la gestion et à la protection de la forêt et
l'environnement afin de renforcer leurs droits et ;
- Assurer la protection de la biodiversité et la
réhabilitation des aires protégées.
En ce qui concerne la réglementation et la
rationalisation de l'octroi de concessions forestières, le moratoire
institué en 2002 continue d'être observé jusqu'à
l'accomplissement des conditions fixées dans le décret
présidentiel de 2005. En mars 2007, une dizaine de titres
accordés en violation de ce moratoire représentant, environ 3
millions d'hectares, ont été annulés par le gouvernement.
Par ailleurs, le processus de revue légale des anciens titres
forestiers, lancé par le décret présidentiel d'octobre
2005, est entré dans sa phase finale. Les membres de la locales et
à la société civile ont été nommés en
mai 2008. A l'issue de l'examen des 156 titres concernés par cette
revue, les superficies qui seront récupérées, seront
redistribuées par adjudication après une programmation
participative sur trois ans.
En vue de favoriser une exploitation industrielle
contrôlée, la lutte contre l'exploitation illégale et non
conforme aux normes par les contrôles de terrain et l'application des
pénalités est en cours. Une mission d'étude de
faisabilité portant sur l'observation indépendante des
forêts en RDC a été conduite par Global Witness du 19
juillet au 11 octobre 2007 sur financement de la Banque Mondiale. La
deuxième phase de cette mission interviendra avant fin 2008 en vue de
préparer la mise en place en 2009 d'un observateur indépendant
permanent qui assistera l'administration dans le contrôle forestier.
Pour renforcer les droits des communautés riveraines et
locales, le gouvernement a amorcé le processus visant à les
associer à la gestion et à la protection de la gestion et de
l'environnement. Dans ce cadre, il a mis en place des forêts
communautaires. En outre, un fonds d'appui aux initiatives communautaires de
développement et de diversification des activités
économiques (micro projet) en zone forestière sera mis en place
pour réduire la pression sur les ressources forestières et
améliorer les conditions de vie des populations locales.
Les actions du gouvernement ont également porté
sur la protection de la biodiversité. La réhabilitation des
principales aires protégées et la protection de la
biodiversité dans les espaces de production est en marche grâce
à des programmes d'urgence de réhabilitation qui sont en cours ou
en préparation dans plusieurs sites du Patrimoine Mondial et d'autres
parcs clés. Un montant des USD 7,0 millions, provenant du Fonds Mondial
pour l'Environnement (FEM),est prévu à cette effet dans le cadre
du projet forêt et conservation.
Eau et assainissement
La reconstruction du secteur de l'eau et de l'assainissement a
bénéficié d'une attention particulière dans le
cadre de la DCRP afin de mettre à la disposition de la population la
qualité d'eau quotidienne correspondante à la norme et un espace
vital plus salubre. L'action gouvernementale a porté sur
l'amélioration de la gestion opérationnelle et stratégique
dans le secteur de l'eau et de l'accès ainsi que de la couverture des
secteurs de l'eau et d'assainissement en milieu urbain et rural.
Le gouvernement s'attèle à financer les
documents de politique et stratégie de gestion intégrée de
ressource en eau et d'efficience en la matière conformément aux
recommandations du sommet Mondiale de développement durable de 2006.
Dans ce cadre, les travaux d'élaboration des principes fondamentaux de
l'organisation d'une gestion et l'utilisation globales des ressources en eau
sont en cours. Il s'agit de la formulation avec la participation des
ministères oeuvrant dans le secteur de l renforcer l'élaboration
de document de politique sectorielle (document de politique nationale de l'eau,
stratégie nationale de l'eau, code de l'eau, note d'orientation du cadre
institutionnel), d'un catalogue des normes et directives de la qualité
de l'eau et d'un nouveau cadre institutionnel avec l'assistance financier de
la Coopération Allemande. Les ébauches de ces documents ont
été élaborées et seront soumis au gouvernement par
le CNAEA au cours du troisième trimestre de l'année 2008. Ces
documents cadre sont basés sur les concertée de GIRE qui
prône la gestion globale et concertée opposée à
l'actuelle gestion parcellaire et fragmenter du secteur.
Le gouvernement prend les dispositions nécessaires pour
réhabiliter et renforcer le système d'alimentation de l'eau
potable en milieu rural et semi urbaine . Pour atteindre les objectifs
à l'horizon 2008, le gouvernement congolais, à travers la
REGIDESO, a identifié une vingtaine de centres d'exploitation dans le
cadre de réhabilitation et de renforcement du système
d'alimentation en eau potable en milieu urbain et semi- urbain. A ce stade,
une enveloppe globale des USD 9,3 millions a été mobilisée
auprès de partenaires au développement pour financer les
études techniques d'adduction d'eau dans 20 centres sur la
période 2007-08. Les études pour le lancement de ces projets sont
en cours pour le volet des investissements. Le gouvernement et ses partenaires
au développement ont également disponibilisé une enveloppe
de USD 60,4 millions pour réhabilitation et renforcement du
système d'AEP. Pour le maintien de l'activité de l'exploitation
de la REGIDESO, un montant d'environ USD 19,2 millions a été
mobilisé et a permis l'acquisition des intrants d'exploitation sous
forme d'appui à l'exploitation ou d'aide en marchandise auprès de
la Banque Mondiale, BAD,KFW et Coopération belge (FINEXPO).
En vue d'améliorer l'accès aux services de l'eau
en milieu rural, des programmes d'eau et d'assainissement ont été
opérationnalisés dans 100 zones de santé. Dans ce cadre,
des travaux d'adduction d'eau ont été réalisés
dans les quartiers de Bibwa, Mikonga, Mpasa I, II et IV. En outre, le
gouvernement a construit 19 forages dont 14 dans le territoire de Kabalo, 3 de
80 mètres avec mini réseau à Mpasa I, III et IV et 2
à Bibwa et Mikonga avec mini réseau et des bornes fontaines.
Des travaux de réhabilitation des infrastructures du
secteur sont en cours avec l'accompagnement des partenaires au
développement. Le gouvernement a financé un module de 18000
mètres cube par jour à l'usine de LUKAYA pour une
capacité prévue de 36000 mètres cube. Plusieurs bailleurs
interviennent dans le secteur. Les travaux de réhabilitation du captage
d'eau brute de N'djili et de deux modules existants d'une capacité de
totale de 2 x 110.000 mètres cube par jour sont exécutés
sur financement de la Banque Mondiale. Cette dernière finance
également le transfert d'eau au sud, ainsi que la construction du
troisième module de l'usine de N'djili d'une capacité de 110.000
mètres cube par jour. Tous ces travaux devraient prendre fin d'ici
à fin 2008. La BAD appuie les travaux de construction du deuxième
module de l'usine de Boma (d'une capacité de 10.000 mètre
cube/jour) et la réhabilitation du réseau, de centre de formation
de Kinshasa ainsi que l'atelier de maintenance et le laboratoire central. Quant
à l'Union Européenne, elle a soutenu financièrement les
travaux de réhabilitation des réseaux secondaire et tertiaire
dans 10 communes de la ville de Kinshasa.
Dans le cadre de l'assainissement, l'attention du gouvernement
a porté sur la mise à la disposition des populations d'un espace
vital plus salubre. A cet effet, le programme de sensibilisation sociale sur la
construction des latrines hygiéniques a été lancé.
Ainsi, des modules de sensibilisation sur la dite construction sont disponible
à Kinshasa, Matadi et Lubumbashi. Des parties prenantes (brigades
communales et territoriales d'assainissement ainsi que les ONG du secteur) ont
été identifiées. Trois place à vivre comportant
chacune une aire commerciale ainsi que des espaces pour activités
économiques, et sanitaire ont été construites.
LA JUSTICE
Avec l'appui de l'Union européenne, du PNUD, de la
MONUC(Monusco) , de la Banque mondiale, de la Belgique, de la France et du
Royaume Uni, un audit organisationnel du système judiciaire et programme
cadre de la justice en R.D.C a été réalisé. Un
atelier national de validation du rapport a été organisé
en novembre 2004. Conformément à la Déclaration
d'intention du Gouvernement représenté par le Ministre de la
Justice, un Comité Mixte de Suivi du Programme cadre de la justice a
été mis en place en vue notamment d'appuyer le Ministère
de la Justice à élaborer et mettre en oeuvre une politique
sectorielle de la justice et des actions prioritaires dans le domaine
judiciaire. Ce comité de suivi comprend les représentants du
Ministère de la Justice et ceux des Partenaires au Développement.
Les termes de référence du Secrétariat de ce Comité
ont été définis. Une fois le rapport de l'audit du secteur
mis à la disposition du Gouvernement, celui-ci mettra en place la
politique judiciaire.
Le domaine de la corruption
Le Chef de l'Etat a promulgué la Loi n° 005/006 du
29 mars 2005 modifiant et complétant le Livre II du Code pénal
congolais. Cette loi prend en compte les dispositions pertinentes de la
Convention des Nations Unies contre la Corruption et de la Convention de
l'Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption.
Elle a été publiée au Journal Officiel du 31 mars 2005. Il
importe de souligner que cette loi introduit les principales innovations par
rapport aux dispositions en vigueur dans le Code pénal notamment :
(i) la distinction entre la petite corruption et la grande corruption, cette
dernière visant principalement : (a) les actes de corruption commis
dans le cadre de la passation des marchés publics de travail, de
fournitures et des services, de l'octroi des droits miniers, des
carrières et des concessions forestières ou du processus de
privatisation ou de désengagement de l'Etat dans les entreprises
publiques ; (b) les actes de corruption ayant pour but l'entrave à
la bonne administration de la justice et (c) les actes de corruption commis
dans le cadre d'une organisation criminelle ; (ii) les actes de corruption
visant aussi bien un agent public qu'un particulier ; (iii) la
réaffirmation du rôle du pouvoir judiciaire dans la
prévention, la détection et la répression de la corruption
et des infractions similaires ; (iv) la protection des
dénonciateurs des actes de corruption (témoins, experts et
victimes et leurs familles) contre les actes de représailles ou
d'intimidation et leur absolution de toute poursuite pénale pour
dénonciation faite de bonne foi devant l'autorité judiciaire
compétente agissant dans le cadre d'une procédure
judiciaire ; (v) l'introduction des mécanismes d'entraide
judiciaire et d'extradition en matière d'enquêtes, de confiscation
et des poursuites judiciaires contre les actes de corruption commis hors du
territoire national ou dans le cadre d'une organisation criminelle et enfin,
(vi) la réévaluation des taux d'amende devenus très
modiques.
LES FINANCES ET BUDGET
Mesures et Réformes dans
le cadre de la Maîtrise de la Gestion des Dépenses Publiques
Les mesures ci-après ont été prises en
vue de maîtriser la gestion des dépenses publiques :
- Communication par le Ministère du Budget depuis juin
2005, du plan d'engagement à tous les Ministères et
intégration du plan d'engagement dans les procédures
informatisées de gestion des dépenses pour prévenir les
dépassements ;
- Publication des plans d'engagement prévisionnels et
des états de suivi budgétaire ;
- Exécution d'au moins 95 pourcent des dépenses
par ordres de paiement informatisés (OPI) ;
- Exécution dans les 48 heures après
réception des OPI de tous les paiements par la BCC ;
- Transmission par la BCC à la fin de chaque
journée ouvrable depuis fin juillet 2005 des soldes des comptes de
l'État ;
- Poursuite du renforcement de la chaîne de la
dépense. Ainsi, les dépenses de la paie des institutions
politiques, de la dette publique et celles sur les ressources
extérieures ont été intégrées dans la
chaîne de la dépense à partir d'avril 2005 ;
- Dans le cadre de la rationalisation des comptes de l'Etat,
le Gouvernement a procédé à la fermeture des comptes des
ministères ne répondant pas aux critères définis
par le Ministère des Finances pour leur ouverture ;
- Adoption d'un cadre comptable restreint applicable à
la DTO ;
- Envoi électronique des avis de débit et de
crédit par la BCC à la Direction du Trésor dans les 48
heures après tout mouvement des comptes de l'Etat.
Dans le cadre de la modernisation de l'administration
douanière depuis 2002, le Gouvernement a entrepris les
réformes ci-après : (i) promulgation en juillet 2004, de la
loi portant réforme du tarif douanier ; (ii) adoption par le
Parlement en juin 2005 du code des douanes ; (iii) conclusion du contrat
d'inspection avant embarquement des marchandises à destination de la
République Démocratique du Congo en date du 30 novembre
2005 ; (iv) signature du Décret portant institution du Guichet
Unique à l'importation et à l'exportation en date du 30
décembre 2005 et (v) conclusion d'un contrat par le Gouvernement pour le
compte de l'OFIDA avec une société internationale
spécialisée dans le contrôle des marchandises à
l'embarquement.
La modernisation de
l'administration fiscale
La modernisation de la Direction Générale des
Impôts a consisté en : (i) l'amélioration des
procédures de recouvrement ; (ii) l'ouverture du centre
d'impôt pilote à Kinshasa ; (iii) la promulgation et la
modification des lois portant : (a) réforme des procédures
fiscales ; (b) restauration du terme
« impôt » ; (c) modalités de calcul et de
perception des acomptes et précomptes de l'impôt sur les
bénéfices et profits et (d) modification de l'ordonnance-loi
n° 69-058 du 05 décembre 1969 relative à l'impôt sur
le chiffre d'affaires ; (iv) la signature du décret abrogeant le
franc fiscal ; (v) la limitation et la saisie des comptes bancaires par le
fisc aux seuls cas permis par la loi ; (vi) l'achèvement de la
Réforme du régime d'imposition des petites et moyennes
entreprises.
La modernisation de
l'administration non fiscale
La modernisation de la Direction Générale des
Recettes Administratives a porté sur : (i) la promulgation en
juillet 2004 et modification en mars 2005 de la loi concernant la nomenclature
des recettes non fiscales ; (ii) le recouvrement de la taxe de superficie
forestière pour 2003 et 2004 ; (iii) le versement au Compte
Général du Trésor des recettes perçues dans le
secteur minier ; (iv) la résiliation des contrats des concessions
dont les détenteurs n'ont pas acquitté la taxe de superficie
forestière de 2003 et la Publication des listes des concessions
résiliées et des concessions validées ; (v) la
publication des bilans de recouvrement de la taxe de superficie
forestière pour 2005 et de la liste des contrats à
résilier partant du bilan de recouvrement de la taxe de superficie pour
2004 ; (vi) le paiement de la redevance minière par tous les
exportateurs des produits miniers et par toutes les industries de
transformation des produits miniers ; (vii) le renforcement des
procédures pour le recouvrement des droits et taxes inscrits au Code
minier et au Code forestier ; notamment en améliorant la
collaboration entre la DGRAD, l'OFIDA et les services concernés ainsi
qu'avec les cabinets d'expertise privés pour ce qui est de la redevance
minière.
La gestion de la dette
publique
Le SYGADE est un logiciel de gestion automatisé de la
dette développé avec l'assistance technique de la
Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement
(CNUCED) et acquis avec le financement de la Banque Mondiale et de la BAD.
Parmi les activités menées et celles en cours dans le cadre du
projet OGEDEP/CNUCED de renforcement des capacités de gestion de la
dette publique, il y a notamment la collecte et la saisie des données de
base, ainsi que l'archivage et le contrôle des informations
enregistrées. Actuellement, le système dispose d'une base de
données assez complète contenant toutes les données
relatives à la dette extérieure et intérieure. L'analyse
de la viabilité de la dette devra être assurée à
travers un logiciel DSM +. Les formations relatives à l'utilisation du
logiciel SYGADE ont été dispensées et celles relatives
à l'analyse de la viabilité de la dette sont en cours.
LES TRAVAUX PUBLICS
La réforme des
marchés publics
Une Commission de Réforme des Marchés Publics
(COREMAP) a été créée par décret
présidentiel en octobre 2004. La mise en place effective de la COREMAP a
été réalisée au cours du premier semestre 2005 par
la nomination de son Secrétaire exécutif, l'acquisition et
l'équipement des bureaux ainsi que le recrutement du personnel. Des
cabinets internationaux sont recrutés pour : (i) la
rédaction du futur Code des marchés publics et (ii)
l'évaluation des capacités professionnelles de ce secteur. En
attendant, l'ancienne réglementation a été
actualisée et les seuils de recours aux adjudications ont
été fixés.
LE TRANSPORT
Programmes et projets dans le
secteur de transport
Un cadre de politique de transports République
Démocratique du Congo et son plan d'action 2003-2015 ont
été élaborés en 2002 avec l'appui de la Banque
mondiale pour l'amélioration du système actuel du transport.
Des actions prioritaires à entreprendre pour atteindre
les objectifs sectoriels des transports sont à réaliser à
travers le PMURR, le Programme d'Appui à la Réhabilitation (PAR),
les projets des ONG internationales, le Projet Compétitivité et
développement du Secteur Privé (PCDSP) et le Projet de Soutien au
Processus de Réunification Economique et Sociale (PUSPRES). Les projets
gouvernementaux. PMURR, PCDSP et PUSPRES sont exécutés
respectivement par le Bureau de Coordination des Marchés
d'Infrastructures (BCMI) et le Bureau Central de Coordination (BCECO), par le
Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises Publiques
(COPIREP) et par l'Unité de Coordination du Projet de
Réunification Economique et Sociale (UCOP). La Banque Mondiale et
l'Union Européenne sont, à l'heure actuelle, les principaux
bailleurs des fonds pour le secteur des transports.
Par ailleurs, le Gouvernement est en train d'élaborer
avec le concours de la Banque Mondiale, le projet sur le transport multimodal
avec comme objectif la réhabilitation des infrastructures des transports
ferré, fluvial, maritime et aéroportuaire à travers le
recours au partenariat public-privé.
En outre, le gouvernement est entrain d'élaborer un
projet d'appui au secteur privé articulé autour des axes
ci-après : (i) l'assistance technique aux entreprises
privées ; (ii) l'amélioration du climat des affaires et
(iii) l'amélioration et l'intermédiation financière et
l'accès au financement.
E. Secteur des transports
Conscient du contrôle catalyseur que joue le secteur
des transports dans l'économie congolaise, la politique gouvernementale
a consisté à améliorer l'accès à certains
pools socio- économiques du Pays et la qualité des
infrastructures des transports. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement a
renforcé le cadre légal régissant le secteur. Il a
également mis en oeuvre des programmes et projets visant la
réhabilitation, la modernisation et l'entretient des infrastructures en
vue d'assurer l'interconnexion des réseaux de transport routiers,
ferroviaires, aériens, fluviaux et lacustres.
Le gouvernement a finalisé les textes
réglementaires nécessaires à la protection du patrimoine
et de l'équipement routier. A cet effet, un projet de loi portant
création du Fonds National d'entretien routier a été
adopté et attend sa promulgation. Par ailleurs, le texte de loi portant
nouveau de l'aviation civile et création de l'agence nationale de
sécurité et de surveillance de l'aviation civile attend son
adoption au parlement.
Dans le domaine routier, les principales actions ont
concerné la modernisation, la réhabilitation et l'entretien
à large échelle des infrastructures visant à
améliorer la libre circulation des biens et des personnes. Avec l'appui
des partenaires au développement, 15 kilomètres de routes ont
été modernisées, 3 367 kilomètres ont
été réhabilités et 2 998 kilomètres
ont été entretenus. Ces interventions ont porté sur les
routes d'intérêt général (national et provincial),
la voirie urbaine et les pistes rurales. Ces réalisations prennent en
compte la réhabilitation de 11Okilometres des routes urbaines
provinciales et l'aménagement de divers sites érosifs dans les
deux Kasaï, travaux financés exclusivement par les Entités
Territoriales Décentralisées (ETD). En sus de ces actions
retenues dans le PAP, d'autres travaux ont été
réalisés sur financement local et extérieur.
En ce qui concerne le réseau fluvial, le gouvernement a
entreprise des travaux pour la construction du mur de quai du port de Mbandaka,
port de Kinshasa et de Boma. Outre ces travaux, il a également
réalisé le balisage des voies navigables sur le fleuve Congo en
2008 de la réhabilitation du quai de servitude du port de Boma. Grace
à ces travaux, le passage des navires dans le bief maritime ne pose plus
problème. De même, la RVM a été dotée d'une
vedette de balisage et hydrographique et d'un système GPRS. Elle a
également bénéficié de la remise en état de
la drague Tshuapa.
LES MINES
Le secteur minier
Un nouveau Code minier a été promulgué en
2002 et un nouveau règlement minier approuvé en 2003
(décret 038/2003). Aussi, des structures pour garantir une bonne
application de ce Code ont été mises en place, notamment le
Cadastre minier (CAMI), opérationnel depuis juin 2003 ; Le
Gouvernement a lancé la restructuration de la Gecamines , la plus grande
entreprise du secteur. Un consultant international, SOFRECO, a
été recruté le 19 septembre 2005 pour assurer la gestion
de la Gecamines pendant une période transitoire de 18 mois et un conseil
d'administration a été nommé en décembre 2005.
Pendant ce temps, l'audit des accords de partenariat signés par la
Gecamines devait être fait ;
Parallèlement, une commission de validation des titres
miniers a été mise en place en septembre 2005 pour mener (faire)
la revue légale de titres miniers litigieux ;
Pour assurer la transparence dans le secteur, le Gouvernement
a proclamé son adhésion aux mécanismes ITIE. A cet effet,
un comité national ITIE/RDC a été créé par
décret présidentiel du 18 novembre 2005. Les procédures
ITIE consisteront en : (i) la collecte des statistiques relatives, d'une
part, aux impôts et taxes payés par les entreprises extractives
(mines, hydroélectricité, hydrocarbures, forêts, etc.), et
d'autre part, aux recettes prélevées par l'État et les
EAD ; (ii) l'audit et la conciliation de ces statistiques par un auditeur
indépendant qui sera recruté et enfin (ii) leur publication sur
un site web. Un réseau de communicateurs sera également mis en
place au niveau des communautés de base. Auparavant, une étude
diagnostic du secteur minier sera réalisé par un consultant
indépendant.
Elle permettra d'identifier les priorités et de
générer un plan d'action de fonctionnement du mécanisme
ITIE. Elle concernera, dans un premier temps, trois produits à
savoir l'hétérogénéité, le cuivre et
métaux associés ainsi que le diamant. La mise en oeuvre effective
de ce mécanisme permettra au secteur minier de jouer son rôle
premier de soutien au développement économique et social de la
R.D.C.
Secteur minier (suite)
La stratégie prônée par le gouvernement
dans le secteur pendant la période de mis en oeuvre de la SCRP a
consisté à améliorer la contribution du secteur à
la croissance économique. Le gouvernement a ainsi bâti sa
politique autour de trois axes à savoir :
- La promotion des capitaux privés et,
- La relance de la production et l'amélioration de la
gestion.
En ce qui concerne la promotion des capitaux privés, le
gouvernement a poursuivi la vulgarisation du code et du règlement
minier, opérationnalisé la commission de validation des titres
miniers, finalisé les audits organisationnel et financier
restructuration.
Dans le cadre de la relance de la production minière,
le rôle du SAESSCAM a été renforcé pour
l'encadrement et la promotion des exploitants de la petite mine. Par ailleurs,
un projet est en train d'être mis en place en partenariat avec un
consortium d'entreprises chinoises pour un investissement des 3,2 milliards sur
3 ans. Une importante étude réalisée avec le soutien de la
Banque Mondiale a été présentée en octobre 2007,
qui démontre que la bonne gouvernance dans le secteur minier peut
contribuer à la croissance économique.
S'agissant de l'amélioration de la gestion,
les accords de partenariat entre le gouvernement, la Gécamines, la MIBA
et d'autres Entreprises avec les compagnies d'exploitation privés ont
été revisités en 2007. Le rapport de cette revue a
été publié en mars 2008 et un panel de 7 ministres vient
d'être mis en place pour renégocier les accords
considérés comme déséquilibrés. Dans le
cadre de la reconstruction de la Gécamines, un business plan
élaborer en 2007 est en cours d'exécution. Pour les autres
entreprises opérant dans le secteur, notamment la MIBA, des business
plan sont en élaboration. Pour renforcer la transparence dans le
secteur, la mise en oeuvre de l'ITIE est effective grâce à
l'adoption en décembre 2007 du plan d'action et de son budget ainsi que
la mise en place des structures de sa mise en oeuvre. La première
conférence internationale sur l'ITIE-RDC, qui ouvre la voie à la
RDC d'être déclarée « Pays candidat »,
s'est tenue en janvier 2008. D'ores et déjà, certaines compagnies
minières ont commencé à publier les revenus au
trésor public.
L'ENERGIE
Actions à suivre dans le
secteur de l'électricité
Les travaux de fiabilisation de la capacité de
production du barrage d'Inga avaient démarré. Les études
de fiabilisation et les appels d'offre devaient être effectués et
concernent aussi les travaux de réhabilitation et de transport sur
l'ensemble du réseau SNEL ainsi que les réhabilitations de
plusieurs centrales thermiques. Il ne devait rester que le démarrage
des travaux et la fourniture des équipements.
Secteur de l'énergie
électrique
La politique du gouvernement a consisté à
assurer une meilleure accessibilité de toutes les couches sociales
à une énergie électrique fiable. Pour y parvenir, le
gouvernement a axé ses interventions autour de trois axes, à
savoir :
- La réalisation des investissements prioritaire pour
fiabiliser et réhabiliter les infrastructures existantes et
développer de nouvelles infrastructures ;
- La promotion du développement du site d'Inga et la
construction des réseaux de transport associés et ;
- L'accélération de la mise en oeuvre des
réformes institutionnelles du sous secteur
électricité.
Le gouvernement est en train de réaliser des
investissements prioritaires pour fiabiliser, réhabiliter les
existantes et développer de nouvelles infrastructures. Dans ce cadre, le
projet de développement des Marchés d'Electricité pour la
Consommation Domestique et l'Exploration (PMEDE) et le Projet du Marché
de l'Electricité en Afrique Australe (SAPMP) d'un montant total des USD
900 millions ont été mis en place par la Banque Mondiale, la
Banque Européenne d'Investissement et la Banque Africaine de
Développement. Ces projets portent sur la réhabilitation des
centres électriques d'Inga 1 et 2, la rénovation et l'expansion
du système de distribution de Kinshasa et de sa banlieue, la
construction d'une nouvelle ligne HTCA 220 kv entre Inga et Kinshasa ainsi que
la réhabilitation et la rénovation de la ligne HTCC 500 kv entre
Inga et Kolwezi (1774 km). Par ailleurs, une étude de
préfaisabilité réalisée par Snc - Lavalin a
été finalisée en février 2008, pour la construction
de la Centrale Inga 3 d'une capacité minimale de production de 4320MW
(16 groupes de 270 MW chacun). En outre, BHP Billiton est prête à
financer l'étude de faisabilité à hauteur des USD 15
à 20millions.
Le gouvernement a amorcé des actions visant à
promouvoir le développement du site Inga et accélérer la
mise en oeuvre des réformes institutionnelles du sous secteur
électricité. A cet effet, il a obtenu de la BAD, un financement
de USD 15 millions pour réaliser des études de faisabilité
sur le développement du site d'Inga et des interconnexions
électriques associées. Par ailleurs, un nouveau code
d'électricité est en cours d'élaboration et une
stratégie nationale pour le secteur vient d'être adoptée en
mai 2008. Par ailleurs, la principale entreprise du secteur, la SNEL, sera mis
sous contrat de gestion dans le cadre du projet de stabilisation basé
sur le contrat d'assistance technique.
LE TRAVAIL ET A LA PREVOYANCE
SOCIALE
Actions à suivre dans le
secteur de l'emploi
Le gouvernement a élaboré une stratégie
sectorielle de l'emploi en cohérence avec les recommandations du sommet
des chefs d'Etat de l'Union Africaine qui s'est tenu à Ouagadougou du 03
au 09 septembre 2004 à la suite duquel un plan d'action National de
promotion de l'emploi et de lutte contre la pauvreté a
été élaboré et adopté en 2005.
Le Gouvernement a également adopté en 2002,
à travers un processus participatif, un vaste programme de
création d'emploi, en sigle PROCER. Un décret portant
création et fonctionnement de ce programme a été
signé en 2005. Ce programme est l'outil opérationnel du plan
d'Action National pour la promotion de l'emploi et de lutte contre la
pauvreté.
Action à suivre dans le
domaine de la protection sociale
Pour matérialiser cette vision, le gouvernement
congolais est doté d'un Projet d'Urgence d'Amélioration de
Condition de vie (PUACV), qui sera financé à la concurrence de 82
millions USD par la Banque Mondiale, ayant pour objectifs : - D'appuyer
les centres urbains moyens par le rétablissement et l'accès aux
services de base ;
- D'appuyer les chefs lieux de provinces par la stabilisation
et le renforcement de la situation socio-économique et contribuer
à la relance de l'activité économique par la mise en
oeuvre des investissements prioritaires ;
- Désenclaver les zones isolées par la mise en
état et l'entretien de 600 KM et ;
- Appuyer les institutions provinciales par la fourniture de
la formation de base, l'achat de matériels et la réhabilitation
minimale de bureaux.
En plus de ce projet, le Gouvernement dispose depuis le mois
d'octobre 2005 d'un programme National d'appui à la Protection Sociale
(PNPS) crée par décret présidentiel. Ce programme poursuit
les objectifs ci -après :
- Améliorer le statut social des personnes
vulnérables ;
- Faciliter l'accès des populations démunis aux
services sociaux, infrastructures et équipements de base ;
- Mettre en oeuvre les programmes de création de
richesse adaptés à la situation géographique cibles,
notamment à travers la micro finance et ;
- Promouvoir le développement communautaire.
A cet effet, les axes stratégiques suivants sont
définis :
- Le renforcement des capacités des structures et des
acteurs de protection sociale ;
- La réinsertion sociale, économique, et
professionnelle des personnes vulnérables sur base des programmes et
projets spécifiques à chaque catégorie ;
- L'amélioration de l'accessibilité des groupes
vulnérables aux services sociaux de base et ;
- La prise en charge communautaire des groupes
vulnérables.
Protection sociale
- La politique dans ce secteur a poursuivi
l'amélioration du statut sociale des personnes vulnérables et
leur accès aux soins sociaux de base.
- La stratégie de protection sociale a
été mise à jour et sa vulgarisation est en cours. De
même les initiatives ad hoc pour soutenir les groupes vulnérables
sont mies en oeuvres. Le gouvernement est en train de réhabiliter 5
hospices des vieillards à Kinshasa.
- Le gouvernement a élaboré des politiques en
faveur des personnes vulnérables.
- Il a validé un projet du code de protection des
enfants, qui a été voté par le parlement au cours de la
session ordinaire de juin 2008. Le document sur les lignes directrices de la
protection des enfants en rupture familiale après les consultations
provinciales a été élaboré. Le gouvernement a
réalisé un code de protection de l'enfant en rupture familiale
qui est actuellement sous examen au parlement pour adoption. Un plan d'action
National pour les Orphelins et autres Enfants Vulnérable (OEV) est en
cours d'exécution. Les enquêtes ont déjà
été réalisées sous la supervision de l'USAID. Les
ateliers zonaux de collectes des données sont en cours
d'exécution afin de les valider pour aboutir au plan d'action national
sur les OEV. Par ailleurs, des actions ont été amorcées
dans le cadre de l'adoption d'un plan national pour les OEV. Les
enquêtes RAAAP (Rapid Country Assessment Analysis, and Action Planning)
sur la situation des OEV ont été finalisées. La validation
d'un plan d'action est envisagée au cours du mois de juillet 2008.
12.000 enfants dans le travail des mines ont été retirés
et 570 jeunes affectés par la guerre ont été
réintégrés.
- AMELIORATION DE L'ACCES AUX SERVICES SOCIAUX DE BASE (PILIER
III)
- Le gouvernement vise l'amélioration substantielle de
l'accès de populations aux services sociaux de base notamment dans le
secteur de l'éducation, de la santé, de l'eau et de
l'assainissement, ainsi que la protection sociale des personnes
vulnérables.
LA SANTE
Actions à suivre dans le
secteur de la santé en général
Depuis 2001, le gouvernement a mené des actions
importantes conformément aux objectifs prioritaires du secteur de la
santé. Il s'agit notamment de :
§ L'élaboration des lignes de politique et de
stratégies mettant l'accent sur les soins de santé primaires et
les programmes spécialisés
§ L'augmentation du nombre des zones de santé, de
306 à 515, afin de fournir un cadre administratif nécessaire
à l'exécution du réseau des soins et améliorer
l'accessibilité géographique des services.
§ La définition des normes de
fonctionnalité des zones de santé et le contenu de paquet
d'activités ;
§ La décentralisation du système sanitaire
consacrant l'autonomie des zones de santé ;
§ Le soutient aux programme
spécialisé ; notamment le VIH/SIDA, le paludisme et la
tuberculose ;
§ L'augmentation progressive du budget alloué au
secteur de la santé ;
§ Le renforcement des
capacités institutionnelles au niveau provincial et
national ;
§ L'achèvement du Rapport d'Etat Santé
Pauvreté(RESP) qui avait permis d'établir le diagnostique sur le
secteur et annoncer le dialogue sur les problèmes de santé dans
le cadre du DSCPR ;
§ La préparation et la mise en oeuvre du programme
d'appui à la réhabilitation du secteur de santé (PARSS),
avec l'appui de la Banque mondiale ;
§ La ventilation du budget de la santé par
province, district, Zone de santé et par nature ;
§ L'envoi du budget ventilé de la santé aux
responsables de santé des EAD ;
§ La prise en compte de l'état des besoins des
prestataires des services de santé en vue d'améliorer
l'efficacité de l'allocation budgétaire des exercices à
venir ;
§ L'intervention aux médecins inspecteurs des
provinces et des districts d'effectuer des prélèvements sur les
centres de santé et hôpitaux pour le fonctionnement des niveaux
intermédiaire et central de l'administration, afin de rendre les
services de santé plus accessibles aux pauvres tout en veillant à
ce que le budget de l'Etat soutienne le fonctionnement des services du
Ministère de la santé.
Actions à suivre dans la
lutte contre le VIH/SIDA
Les actions suivantes ont été
réalisées :
- Promotion des condoms auprès des groupes
vulnérables (marketing social et distribution ciblée);
- Sécurité transfusionnelle et intentionnelle
pour la prévention du VIH par la mise en place des centres de
transfusion sanguine dans la grande agglomération et des Banques de sang
dans les hôpitaux ;
- Intégration de la lutte contre le VIH/SIDA en milieu
de travail et le milieu scolaire /académique ;
- Prise en charge des ARV et ;
- Prévention dans la Transmission Mère - Enfants
(PTME)
Santé
S'appuyant sur les grands axes de la Stratégie de
Renforcement sur le Système de Sante (SRSS) de 2006, l'objectif
poursuivi dans le DSCRP est d'assurer des soins de santé primaire de
qualité à toute la population et de combattre les grandes
endémies.
En vue d'améliorer l'accès aux soins de
santé de qualité, les priorités retenues par le
gouvernement sont :
- La révision du cadre législatif et normatif du
secteur ;
- L'amélioration de l'accès aux soins de
santé et l'équité ;
- L'équilibre de l'offre des ressources humaines en
santé ;
- L'offre régulière des Médicaments
Essentiels et Génériques (MEG) et ;
- L'établissement des mécanismes de financement
stable et durable du secteur, ainsi que la suppression des obstacles financiers
à l'accès aux soins de santé.
Le gouvernement a entrepris la révision du cadre
législatif et normatif du secteur de santé. Le processus de
définition du nouveau cadre organique et de planification ascendante
est en cours en vue de déterminer les objectifs sectoriels de la
Politique Nationale Sanitaire (PNS). Ce processus de planification ascendante a
été amorcé au niveau de zones de santé et dans six
provinces pour une consolidation au niveau local. En attendant la loi cadre
sectoriel, des mesures transitoires adoptés en mars 2008 ont
été validées au cours de la revue annuelle 2007 tenue en
avril 2008. Ces mesures vont alimenter le processus d'élaboration de la
loi cadre. Les programmes techniques du ministère de la santé
publique ne sont pas encore rationalisés, mais l'Audit institutionnel
et le processus de la réforme sanitaire ont été
amorcés. En outre la stratégie de communication et de
collaboration entre les directions centrales du Ministère de
Santé Publique(MSP) a été élaborée, mais il
persiste des déficiences. La législation sur
l'établissement, l'accréditation et l'autorisation des
prestataires à but finalisée au début de l'année
2008 et est actuellement en cours de lecture. Les projets de textes de loi
portant installation, accréditation et autorisation de pourvoyeur de
soins sanitaires à profit privé est en cours de finalisation. La
réforme du secteur a été amorcée à travers
la production de la première ébauche du nouveau cadre
organique.
Plusieurs actions ont également été
menées en vue d'améliorer l'accès aux soins de
santé équité. Au niveau central, un audit institutionnel a
été réalisé avec l'appui de l'OMS et les
recommandations de l'audit sur la structure organisationnelle ont
été mises en oeuvre. Le processus d'implantation des Paquets
Minimum d'Activités (PMA) et des Paquets Complémentaires
d'Activités (PCA) respectivement dans les centres de santé
agréés et hôpitaux généraux de
référence (HGR) des zones de santé est en cours de
réalisation. A cet effet, les normes de directives sanitaire
d'organisation et de fonctionnement de la zone ont été
révisées et diffusées en 2007. Près de deux million
d'enfants de moins d'un an ont été vaccinés au DTC3. Le
gouvernement a organisé le dépistage actif et passif de la THA
dans les aires de santé endémiques. Les zones de santé ont
été classées selon leurs potentialités de
développement dans les provinces. Aussi, les enquêtes sur le prix
des médicaments et des autres services sanitaires en RDC ont
été réalisées avec l'appui de l'OMS Genève,
l'Union Européenne et la Coopération Allemande en vue de
l'élaboration des principes sur la réduction des paiements
directs et prix des médicaments et des autres services. Des fonds
d'achat de service ont été rendu disponibles dans quatre
provinces avec le concours de l'union européenne pour la
réduction des paiements directs. Ces initiatives sont en cours de
validation pour la mise en échelle. Par ailleurs, les zones de
santés ont été appuyées en médicaments,
matériels sanitaires, équipement informatiques et de transport
ainsi qu'en instruments médicaux.
En vue d'assurer une offre équilibrée des
ressources humaines pour la santé . Des contacts ont
été entrepris entre le Ministère de Santé Publique
(MSP) et le Ministre de l'Enseignement s Supérieure et Universitaire
(MESU) en vue de l'établissement d'un comité conjoint de
réforme. Dans le cadre de l'élaboration de la stratégie de
réformes de la formation des s professionnels de santé, les
initiatives ont été amorcées à l'Université
de Kinshasa(UNIKIN) en 2007. Les moratoire pour la création de nouveaux
Instituts Techniques Médicale (ITM) a été signé et
vulgarisé en 2007. L'étude de la viabilité des Instituts
de formation des sciences de la santé est en cours de
réalisation. Les processus de conclusion d'un accord sur les niveaux de
primes incitatives entre le MSP et les membres du groupe inter - bailleurs de
la santé (GIBS) a été amorcé ; la grille de
primes a été initiée au niveau du GIBS, mais elle n'est
pas encore harmonisée avec le MCP.
En vue de garantir une offre continue et
régulière de médicaments essentiels et
génériques (MEG), les taxes et redevances administratives ont
été supprimées. Une commission a été mise en
place pour élaborer la stratégie et le plan d'action de la
production locale et de l'approvisionnement en MEG et d'un contrôle de
la qualité. Les mécanismes d'inspection des pharmacies
privés sont en cours d'établissement. La liste nationale des MEG
a été élaborée et diffusées dans toutes les
provinces en 2007. Des équipes cadres des zones de santés ont
été formées en gestion des médicaments et produits
pharmaceutiques.
Des mécanismes de financement stable et durable du
secteur sont en cours d'établissement ainsi que la suppression des
obstacles financiers à l'accès aux soins de santé. En
effet, des structures de concertation entre le ministère de la
santé et les partenaires sont opérationnelles. Des
réunions se tiennent sur le projet Global Alliance For Vaccins and
Immunisation- Renforcement du système de la santé (GAVI-RSS). Par
ailleurs, une étude des dépenses publiques a été
faite et les recommandations publiées sont progressivement mises en
oeuvre. La stratégie de financement du secteur de la santé pour
appuyer la prestation de soins n'est pas encore finalisée, cependant les
textes réglementaires y relatifs existante. Un groupe de travail a
été mis en place par la commission financement pour actualiser
les textes.
La lutte contre les grandes endémies a aussi fait
partie des grandes axes du gouvernement dans le secteur sanitaire pendant la
mise en oeuvre du DSCRP. A cet effet, dans la cadre de la mise en oeuvre du
projet d'appui à la réhabilitation du secteur de la santé
(PARSS) financé par la Banque Mondiale, un contrat d'acquisition de 2,99
millions de moustiquaires imprégnées d'insecticides de long
durée a été signé avec une société
japonaise. De plus, un groupe thématique a été mise en
place en mars 2008 pour définir les actions susceptibles
d'améliorer les indicateurs de la santé dans le cadre du DSCRP.
Plusieurs autres actions ont été réalisées dans le
cadre de la lutte contre les grandes endémies notamment le paludisme, la
tuberculose, l'onchocercose, etc..., avec l'appui des partenaires au
développement (USAID, UE, FM, OMS, UNICEF, etc...)
Lutte contre de Vih /Sida (pilier
IV)
Le gouvernement entend stopper l'expansion de
VIH/sida particulièrement dans le groupe à haut des personnes
vivants avec le VIH/sida (PVV) par leur prise en charge, atténuer son
impact sur le développement et le renforcement de la condition de suivi
et de l'évaluation des activités de lutte contre le VIH/sida.
La prévention a constitué
l'épicentre du programme pour réduire et contrôler la
propagation de cette pandémie. Le gouvernement a mis en place une
politique de communication. Une politique nationale d'approvisionnement et de
distribution des préservatifs a été également
formulée. Il a également procédé à
l'évaluation da la qualité de services du Programme de
Transmission Mère Enfant (PTME).
La politique a également consisté à
prendre a charge le PVV/sida.
Le gouvernement a élaboré et
opérationnalisé une stratégie de financement durable pour
fournir le traitement antirétroviral. Environ 20.000 PVV, y compris
celles déjà sous traitement, ont été prise en
charge à travers des actions visant l'amélioration de l'offre et
de l'accès au traitement. En vue d'élaborer une
stratégie de soutient aux orphelins et enfants vulnérables (OEV),
les ateliers zonaux de collecte des données dans la cadre de la
réalisation d'une enquête rapide sur la situation des OEV ont
été organisés.
Le gouvernement a pris des dispositions pour
atténuer l'impact négatif du VIH/sida et renforcer la
coordination, le suivi et l'évaluation des activités de lutte
contre cette épidémie. Une loi anti- discriminatoire en faveur
des PVV définissant les droits et devoirs de ces derniers a
été votée par le parlement au cours de la session
extraordinaire de juillet 2008. Le plan stratégique national de lutte
contre le sida est en cours d'élaboration avec la mise en place d'un
secrétariat technique. Par ailleurs, le rapport de l'audit
institutionnel de lutte contre le sida est en attente de validation. Une base
des données pour le suivi des financements et des dépenses
liées au sida a été élaborée selon la
méthodologie NASA- RTS de l'ONUSIDA. Au niveau de la politique
sectorielle, des plans stratégiques de lutte contre le sida ont
été élaborés dans les secteurs de l'Education et de
la santé.
La gouvernance politique
Entré en fonction le 30 juin 2003, le Gouvernement de
transition a mis sur pied les institutions d'appui à la
démocratie et a défini la structure institutionnelle
nécessaire au DDR en consultation avec les partenaires au
développement en mettant en place la Commission Nationale de
Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (CONADER). Un
Programme National de Désarmement, Démobilisation et
Réinsertion (PNDDR) a été élaboré. Le
Gouvernement a réunifié le territoire national. La Commission
Electorale Indépendante (CEI) a organisé le
référendum constitutionnel le 18 décembre 2005 et la
Constitution de la troisième République fut promulguée le
18 février 2006.
CONCLUSION GENERALE
Une commission
vérité- réconciliation mondiale
Le père De Haes (assassiné au Congo), d'heureuse
mémoire a lancé cette idée qui doit avoir fait l'effet
d'une bombe : l'instauration d'une commission
vérité-réconciliation à l'échelle mondiale
à propos de tant de méfaits commis par l'Occident sur l'Afrique.
Elle est de loin un projet humaniste que celui de John Ralws.
La décennie 2010 -2020 est une période propice
en Afrique noire en général qui nous permet, Heure de bilan, de
proposer pendant le cinquantenaire des indépendances africaines un
agenda épistémologique pour des nouvelles perspectives de
recherche et de reconciliation. De ce tournant politique, nous pourrons y voir
, comme lors de la période coloniale ,la convergence de deux
champs : savant et impérialiste qui se conjuguait
différemment (tel que l'ethnologie catholique et celle des libres
penseurs maçonniques au Congo- Kinshasa). En effet, à la suite de
Pierre Bourdieu, et de sa sociologie de connaissance, nous pouvons dire que
«la genèse de la science coloniale nous offre (...) l'occasion rare
de saisir le processus de constitution d'un « champ »,
espace social distinct et propre à la production de biens
symboliques » .912(*)
Le besoin en ontologie
sociale (l'exigence de remonter à la naissance des sciences sociales
classiques nous met en face des présupposés ontologiques de
l'action sociale : la rationalisation des images mythico-religieuses
déterminent l'action (M. Weber, J. Habermas), nous renvoie
également à la visitation de débat sur la
« pensée sauvage »,la pertinence de l'approche
structuralisme, etc.
Le besoin en épistémologie nous renvoie à
la question de fondement des sciences sociales au Congo qui se confond souvent
en une demande de reconstruction de méthodologie qualitative,
attestée par une demande formulée en termes
d'interdisciplinarité, et en termes de clarification et de
reconstruction théorique et conceptuelle.
Pour les plus théoriques et les plus conceptuels des
spécialistes des sciences sociales au Congo, on peut dire que
l'interdisciplinarité qui est demandée est plutôt un appel
à la reconstruction des théories de systèmes (approches
structuro-fonctionnaliste) et des théories de l'action (la
praxéologie, le constructivisme, le cognitivisme), et à la
compréhension de théories comme celle de l'habitus de Pierre
Bourdieu qui se situe entre les deux tendances ci-haut. Ou encore de
l'individualisme méthodologique de la théorie de choix pur
dominant en sciences économiques.
Le tournant pragmatique en sciences sociales est un autre nom
des théories de l'action qui a polarisée les recherches en
sciences sociales en Occident ces quarante dernières années. Ce
point de vue est reconduit en Afrique souvent sans une explication suffisante.
Les jeunes chercheurs africains armées des nouvelles approches
pragmatico -cognitives se plaignent de manque de souplesse des anciennes
générations de les intégrer. Le refus de débat
épistémologique et conceptuel en sciences sociales.
L'ancienne génération des chercheurs au Congo
semble plutôt privilégier les théories des systèmes
dans une sorte de mimétisme scientifique. Les enquêtes sur
terrain, sommes toutes fort utiles, sont devenues la clé passe partout,
des sciences sociales à la médecine sans un travail
théorique et conceptuel mené quelque peu en profondeur. Les
nations unies ont même le kilo d'inventer de méthodologie du genre
, matrice de fragilité sans qu'elle soit portée par des
hypothèses théoriques et conceptuels claires. En fait, les
chercheurs africains sont quelques fois affublés par des publications
étrangères abondantes qui ne leur donnent pas le temps de
réagir en conséquence.
Il y a plusieurs raisons à cet état des choses,
une des raisons est que le tournant pragmatique en science sociale s'est
opérée dans la pratique des sciences sociales en Occident sans
qu'elle ne soit accompagnée d'un exerce épistémologique
(ou philosophique) de reconstruction systématique, historique ni
créatrice clair. En Afrique le manque préjudiciable
d'intérêt que l'on voue à la philosophie à tord ou
à raison y est pour beaucoup. Les praticiens en sciences sociales en
Afrique ne sont pas souvent préparés à un tel travail
à proprement épistémologique ou métaphysique, c'est
souvent la besogne des philosophes-théologiens - c'est la tendance
dominante en RD Congo - qui, souvent sont accusés de spéculer
sur d'autres priorités, ne s'occupent pas de la même façon
des faits sociaux tels qu'ils opèrent et sans le souci préalable
d'assainir une terminologie réputée abstraite suspendue dans les
nuages.
L'épistémologie elle-même au
Département de philosophie à l'Université de Kinshasa ,et
d'autres Etablissements similaires , s'est beaucoup plus longtemps
développée dans le sillage des présupposés de la
proto-physique, de la physique théorique ,des mathématique , et
des sciences expérimentales, i.e.la médecine. Pour tenter
justement d'y remédier dans la perspective d'une analyse
intégrative de la métaphysique, de l'épistémologie
et de l'éthique, il s'agira de nous introduire dans
l' « épistémologie des sciences
sociales » qui est plutôt une discipline plus récente,
elle est une épistémologie particulière.913(*) Elle permet de reconstruire
les points de départ des sources théoriques et conceptuelles en
sciences sociales914(*).
On pourra pratiquer ici une Histoire des sciences sociales.
L'agenda ou le programme épistémologique de
cette nature pour être comprise demanderait justement une reconstruction
de certains concepts et des actions qui portent les sciences sociales. Il faut
pour cela trouver des repères pour penser un tel programme
épistémologique ,notamment savoir montrer dans cette
réflexion le passage des théories de connaissances aux
théories de l'action, ou leurs actions combinées et de montrer
comment les sciences sociales qui donnent priorité aux structures et
à l'action - la rupture épistémologique du point de vue
structuraliste est faite d'abord par Karl Marx915(*) - ont rejoint les
théories de connaissances qui alimentent les théories
constructivistes en sciences sociales.
Nous essayons de rappeler un agenda
épistémologique millénaire de traditions africaines qui
restitue les points de départ et des repères
épistémologiques dont nous avons certainement besoin pour
reconstruire la question de méthode qualitative en sciences sociales.
Devant des changements profonds de la réalité sociale et la
recherche consécutive des grilles de lecture scientifiques des
phénomènes sociaux, le retour à la philosophie
première, qu'on le veule ou pas, est devenu aujourd'hui une des voies
attitrée. Il s'agit ainsi de reconstruire les présupposés
théorique et pratique.
Notre hypothèse parmi d'autres à propos de la
rénovation des sciences sociales en Afrique et dans le monde est le
modèle des images mythico-religieuses et
métaphysico-cosmologiques. Les images telles celles de
« scarabée sacré »que nous exploitons pour
les sciences sociales. Dans la perspective des sciences déductivo-
nomologique (naturelle, exactes) nous proposerons l'image de diamant. La
psychanalyse peut être vu de plusieurs cotés comme l'analyse de
ces images vécues dans les rêves ( i.e.le vautour de Leonard
de Vinci).
Il ne s'agit pas à proprement parler d'inventer les
sciences africaines, c'est nous qui avons contribué de façon
décisive à son invention, il s'agit maintenant de les
rénover. A propos de la rénovation des sciences, semblablement,
comme Rudolf Carnap s'était donné pour un de ses buts la
recherche de « reformer les concepts de tous les domaines et donc des
sciences du réel ».916(*) Dans la perspective qui était la sienne, il
le faisait en choisissant « en premier lieu quelques concepts de base
simples ».917(*)
Sa méthode est celle qu'il dénomme
reconstructive, nous nous sommes référés à son
propre projet : « j'entends, dit-il, par reconstruction rationnelle
la recherche des nouvelles définitions pour d'anciens concepts. (...)
Les nouvelles définitions doivent l'emporter sur les anciennes en
clarté et en exactitude et surtout mieux s'intégrer dans un
édifice conceptuel systématique. Une telle clarification
conceptuelle, souvent nommée aujourd'hui
« explication », me semble demeurer l'une des tâches
les plus importantes de la philosophie, notamment lorsqu'elle se rapporte aux
principales catégories de la pensée
humaine ».918(*) Retenons qu'il y a ici deux notions
importantes : celle de la définition des concepts et celle de leur
relation pour rénover les sciences. Il s'agit en fait de partir des
concepts fondamentaux qui sont au coeur des sciences.
Notre méthodologie a fait l'inverse : clarifier
les nouveaux concepts par les plus anciens, des concepts architectoniques pour
ainsi dire. Justement, c'est le versant conceptuel de notre analyse :
l'icône et le symbole de « scarabée » nous a
servi pour ce faire, (c'est non seulement pris comme un des concepts centraux
de reconstruction des sciences sociales sinon un des modèles
généraux de la représentation de la
« réalité sociale »).
Notre enquête discute et vérifie un certain
nombre des thèses de Carnap présentées ici, une des
thèses est celle énoncée comme
suite : « la représentation du monde dans la science
est au fond une description structurale ».919(*) Bien sûr, ici il faut
reconstruire tout en le dépassant le présupposé du
modèle structural fondamental en sciences sociales classiques (voir le
structuralisme de Claude Lévi-Strauss). La théorie organiciste
à la base de l'approche structuro-fonctionnaliste est conçue
à partir de ce modèle (Emile Durkheim) ou les parties avec Adam
Smith.
Le kheper symbolisé par le scarabée,
comme notion architectonique est scientifique et philosophique, il signifie
également le Devenir : comme on le sait, c'est ce
modèle dit de Tout et de ses parties qui occupe une place
centrale dans la construction des sciences sociales classiques et
contemporaines. La théorie économique de choix rationnel qui
théorise les utilités est individualiste (elle recourt
aux parties du Tout) alors que la théorie holistique qui
privilégie le Tout est sociologique. Sont ici les deux grandes
disciplines qui polarisent les sciences sociales et humaines. D'où la
série de dichotomies ci-dessous dans l'analyse en sciences
sociales : structure-acteur, système-agent, etc. L'habitus de
Pierre Bourdieu se situant entre le Tout et ses parties.
La détermination causale, celles structurale
et fonctionnelle qui se systématisent dans le fonctionnalisme d'Emile
Durkheim, dans le structuralisme de Claude Lévi- Strauss, dans le
fonctionnalisme de Talcott Parsons ,dans les théories de l'action ( les
sciences de la communication sont nées après la deuxième
guerre mondiale sont ainsi globalement praxéologiques à la suite
des théories de l'action), et autres théories innombrables ,
peuvent être expliquées justement par la notion du
Devenir qui donne le modèle de Tout et de ses parties.
Nous avons tenté d'étudier quelque peu en
profondeur face à la nécessité de rénover les
sciences sociales dans certains de ses aspects, les arguments des
spécialistes des sciences sociales et leurs présupposés.
Le but est de décrypter les mérites des uns et des autres mais
aussi de surprendre certaines faiblesses dont la principale est le manque de
traçabilité de modèle de base qui sert de tremplin comme
en physique (voir le modèle de diamant ). Nous allons ensuite
tenter son dépassement par la clarification qu'apporte l'image de
scarabée ou kheper.
La réflexion a deux grandes orientations : nous
entreprenons de montrer la nécessité de la rénovation des
sciences sociales en Afrique. Nous recourons au modèle
épistémologique des sciences sociales parmi les plus
avancés, l'épistémologique analytique et cognitiviste,
situer en l'occurrence le constructivisme pragmatique dans le paradigme
onto-théologique au moyen du concept de kheper issu de
traditions africaines. Ce concept est justement reconstruit dans l'approche
structuro-fonctionnaliste, d'une part, et d'autre part, dans l'approche
pragmatique et cognitiviste. Enfin, nous initions dans le contexte de l'Afrique
une auto- critique de l'ordre institutionnel de la doctrine de Kheper.
Cette partie se veut ici résolument dialectique entre la
théorie et la pratique.
Sur le plan pratique et institutionnel, il s'agit de parer au
mépris que représentent les vues ethnologiques de savants encore
actuels d'une science sociale qui s'élabore dans les arcanes de
visées de domination qui continue par ailleurs, pour la restauration de
la justice et des normes communes de vie. Le programme de liquidation de tous
les facteurs métaphysique dans la science sociale moderne n'a pas
totalement abouti pour camper l'Afrique dans les mythes (voir les relations
d'incertitudes de Heisenberg). Les mythes sont à interpréter et
non à évacuer (Tshiamalenga Ntumba). Ces analyses supposent donc
une indispensable auto - critique nécessaire de programme
épistémologique de rationalisation sociale.
Le lecteur peut bien le remarquer, nous voulons donc tant soit
peu contribuer à l'effort de saisie plus critique et davantage
constructive de la « réalité sociale » qui
débouchera sans doute à l'exigence de la justice, d'auto
-critique et des normes de rationalité pour éviter son
effondrement que nous vivons aujourd'hui. La réalité sociale
n'est pas naturelle, elle est historique.
L'étude tente de montrer que l'image de Kheper
(la loi de la transformation du Devenir) donne des variantes tels
l'apeiron d'Anaximandre ou le Devenir infini, et
l'hylémorphisme de Stagirite, et bien d'autres. Ce
kheper pourrait aider à remettre à l'endroit
spécialement l'approche fonctionnaliste d'Emile Durkheim et le
structuralisme de Claude Lévi-Strauss. Car le concept de Kheper
peut être aussi pensé pour construire un ordre
institutionnel à la hauteur de la complexité des
sociétés contemporaines. Disons que les institutions sociales
mondiales actuelles, mutatis mutandis, se trouvent dans l'urgence de se
redéfinir face au processus complexe que nous appelons la
mondialisation. A ce propos, les questions de la philosophie du droit occupent
dans notre analyse une place centrale.
Notre objectif de recherche est finalement celui de tenter de
voir clair en disposant des repères et des points de départs
d'une discussion fort tentaculaire qui doit être bien plus
ratissée, c'est-à-dire, dans le cas d'espèces de resituer
dès le point de départ la question de la naissance des
sciences sociales.
D'un point de vue de la philosophie africaine,
nous avons voulu faire nôtre cet appel de Crispin Ngwey qui pense que
nous devons maintenant penser autrement : « la philosophie
africaine sortie des revendications de sa possibilité, fatiguée
d'ethnophilosophie ne se sent-elle pas obligée ces derniers temps de
prendre à bras le corps le vécu réel des africains.( ...)
Plus fondamentalement, ne sera-t-elle pas obligée de s'esquisser
systématiquement en termes de révision, de métaphysique,
de l'éthique, de l'épistémologie et même de la
cosmologie plus élargies et plus susceptibles de nous offrir un cadre
conceptuel, spéculatif et même métaphorique susceptible de
permettre de penser l'homme de cette fin de XX è siècle à
nouveau frais ? »920(*) Le cadre métaphorique est la ressource
fondamentale de rénovation, nous proposons l'image de scarabée
sacré et de diamant (d'où a émergé en partir de
l'épistémologie de troisième voie d'Ernest Cassirer, la
figure de la toile, de la réfraction, de la réflexion, de la
polarisation, et de la communication.
Une partie de notre analyse avait l'ambition de
participer à un tel élan. Pour nous, d'un point de vue
théorique, l'onto-théologie est le suppôt à partir
de quoi reposer le problème de l'Afrique. Il s'agit aussi de montrer les
dessous des sciences sociales. Nous avons tenté de reconstruire et
dégager les schèmes, les concepts centraux, les notions et
structures sous-jacentes et finalement d'aller à la genèse de
cette science pour identifier justement les acteurs, le leitmotiv, la nature,
la valeur de cette connaissance, les intérêts en jeu, etc.
En sciences sociales au Congo, la première
période pourrait être caractérisée par la science du
lointain. Ces sciences sont parties des grands travaux géographiques des
découvertes du bassin du fleuve Congo, dont notre destin en tant que
pays va dépendre ; ceci offre la structure et les conditions de
possibilités pour l'émergence de la science coloniale :
l'ethnologie, la colonisation comparée, l'administration indirecte, le
droit indigène, etc.
La science sociale congolaise est pourtant globalement
désajustée par rapport aux problèmes du pays.
Déjà, selon Poncelet, au lendemain de la deuxième guerre
mondiale, et à la suite d'un important activisme scientifique au Congo,
l'ensemble du dispositif métropolitain des savoirs coloniaux avouera son
extrême indigence quant à son accès sur le terrain. Face
à une crise sociale sans précèdent et à la nouvelle
attention internationale sur les colonies, on découvrira un Congo
dépourvu de toute possibilité d'appareillage scientifique
susceptible de reconfigurer l'image de la colonie, de donner à ses
responsables publics le sentiment qu'une direction nouvelle est à donner
à l'évolution sociale. Ce n'est guère qu'entre 1950 et
1955 que les universités descendront sur le terrain921(*). En fait, déjà
dans les années 1920-30, durant ce que Poncelet appelle l'âge d'or
de la science coloniale, seuls professaient des notables coloniaux, les
diplômés proprement dits portant le titre de licenciés sont
très peu nombreux.
L'indépendance du Congo fut en n'en point douter ce
moment qui consacra enfin la catastrophe épistémologique du
dispositif colonial savant. Le travail de la déconstruction à
entreprendre était, déjà alors, fort immense parce
que « dans les universités (belges), les centres de
recherche, les filières de cours, les diplômes, (aujourd'hui) les
dispositifs de coopération, etc., sont les héritiers directs de
l'institutionnalisation de sciences coloniales ».922(*)
Après la décennie 60 au Congo, les gros travaux
lancés furent une occasion manquée pour entamer collectivement
une reconstruction des présupposés théoriques et
idéologiques de cette science sociale coloniale qui a élu
domicile chez nous. Aujourd'hui, les gros travaux de reconstruction sociale
devraient être ce lieu d'évaluation du chemin parcouru et de
l'orientation théorique à prendre.923(*) Seulement ce genre d'enjeux
ne semble pas présent dans le processus d'élaboration de notre
science. Et qu'en dire pour un Etat qui octroie à la recherche une
allocation modique déjà difficile à décaisser sauf
pour des programmes bidons du secrétariat général au
Ministère de la recherche scientifique et technologique, qui se l'est
appropriée longtemps, un Etat qui ne prend pas en compte, avec son
Ministère , la vision de la science qui devait être
élaborée par le Conseil Scientifique National comme partout au
monde, un Conseil qui par ailleurs n'a même pas de bureaux. A se
référer aux administratifs entêtés, la science
semble répondre plutôt à une exigence exclusivement
spéculative, éparse et venue d'ailleurs ou de nulle part.
Quelle leçon faudrait-il tirer du travail et des
revers d'une bonne partie des sciences ? Ecoutons un avis pertinent :
« même une civilisation scientifique ne se trouve pas
dispensée de résoudre les problèmes pratiques, ajoute
Habermas ; c'est pourquoi l'on court un risque certain lorsque le
processus de scientifisation dépasse les limites des questions pratiques
sans se libérer pour autant de la rationalité bornée qui
caractérise une réflexion technologique. (...) La théorie,
lorsqu'elle se rapportait encore à la pratique en son sens original,
concevait la société comme l'ensemble composé par les
actions de sujets parlants qui intégraient leurs relations sociales
à un contexte communicationnel conscient et devaient s'y constituer en
sujet collectif apte à l'action ; sinon leur destin, au sein d'une
société qui dans le détail est de plus en plus
rigoureusement rationnalisée, échapperait à la discipline
rationnelle dont ils ont justement le plus besoin. Mais une théorie qui
confond le pouvoir d'agir et le pouvoir de manipuler les choses est incapable
de se placer dans cette perspective ».924(*)
Nous avons pris la question des
« sociétés sans écriture » comme
prétexte pour aborder les présupposés
épistémologiques généraux des sciences sociales en
Afrique à al suite de paradigme de la texture (texte et
écriture). Il y a lieu de montrer la trame discontinue des traditions
théoriques des sciences sociales telles qu'elles structurent et
déstructurent nos sociétés. A ce moment là, il
faudra identifier les différentes conceptions théoriques
à partir de quoi reconstruire philosophiquement. Plusieurs
théories de la société se chevauchent, l'effort de les
distinguer à partir de certains concepts opératoires ou
schèmes théoriques distincts liés à chaque
école théorique, se ferait justement sous le nom
générique de « reconstruction philosophique
». C'était notre méthodologie.
Avant même de procéder à reconstruire une
approche théorique à travers ses schèmes
généraux, ses concepts principaux, il était logique de par
notre méthodologie, de dire les problèmes qu'elle pose. Les
problèmes épistémologiques (théoriques et
idéologiques) des sciences sociales sont de plusieurs ordres, nous nous
sommes contenté d'en esquisser quelques uns, du moins concernant
quelques approches dominantes des études africanistes.925(*)
Il était aussi possible de constater les innovations
qui ont permis des ruptures ou des continuités plus opératoires
de ces notions. Ces notions théoriques centrales sont, hélas
restées, les mêmes mais leur signification peut différer,
on peut s'en douter, selon les champs d'application ce qui veut dire selon
qu'il s'agissait de l'Occident ou de l'Autre de l'humanité. Notre
explicitation devait avoir pour but de tenter de montrer l'innovation qui
survient avec chaque concept opératoire et être ainsi une matrice
théorique capable de présenter plusieurs niveaux d'analyse et de
donner des traits généraux aux adaptations théoriques.
Finalement il nous faudra dire en liminaire à propos
des sciences sociales qu' « il devient presque banal de le rappeler
-, les données relèvent d'une mise en forme à travers des
catégories et des relations déterminées :
répartition statistiques, descriptions d'interactions, les récits
d'histoires (...), les matériaux du chercheur peuvent être aussi
bien « données »-dans des archives, par exemple -que
« construits »- par observation, entretien, questionnaire,
etc. Dans les deux cas, ils sont
structurés, « parlent », suggèrent des
raisons, des mécanismes ; ils sont déjà porteurs
d'une intelligibilité qui n'est pas foncièrement
différente de celle du chercheur. »926(*) Et :« Le
travail de l'analyse n'est pas de « faire parler » une
nature muette, ( ) mais d'opérer les confrontations entre les
données, déjà signifiantes et organisées,
et une structure d'explication possible. (...) L'expérience des sciences
sociales prouve que le résultat - c'est-à-dire la structure
explicative proposée, quels que soient sa forme et ses ressorts - est
considérée comme recevable dès lors qu'il peut être
soumis à la discussion argumentative et empirique, c'est -
à- dire être confrontée à une explication autre, qui
paraisse plus raisonnable, et à des données
complémentaires et nouvelles ».927(*) Ceci est notre
hypothèse, pour autant que, de ce qui précède
dépend le statut même épistémologique des
schèmes reconstructeurs.
En effet, les problèmes épistémologiques
en sciences sociales et humaines ne sont pas liés qu'aux
problèmes théoriques, ils sont aussi de problèmes de leur
l'origine. Il a fallu par exemple interroger le fondement des découpages
disciplinaires : ils ne résultent ni d'une segmentation
« naturelle » de l'ordre des choses, ni d'un plan rationnel
de connaissance ; ils sont les héritiers et les produits
continûment retravaillés d'une histoire , qui n'est pas
seulement une histoire des idées , mais également une histoire de
la production sociale des connaissances et des savoirs , de la construction de
dispositifs pratiques de connaissance, dans lesquels se sont moulées des
procédures , se sont dessinés de schèmes de pensée
et d'action , et qui, par-delà leur renouvellement et leurs frottements
permanents , continuent d'être vivants.
Que de théories et de paroles ! Voilà le
reproche qui nous sera adressé si nous en restons à une approche
théorique. La réflexion a commencé par l'ontologie du
droit et la nécessité de penser l'opérationnalisation de
la pensée africaine, comme des institutions. Il reste à
construire une autre Afrique dans la pratique aussi. Bien entendu,
déjà cette attitude ethnologique que nous avons
stigmatisée est aujourd'hui fortement nuancée dans plusieurs
domaines : l'herméneutique, l'anthropologie et la sociologie des
catégories, etc.
Sur le terrain africain, cela est bien utile, mais il faut
passer à l'action. Nous avons présenté un essai de
reconstruction de quelques aspects des sciences sociales sur
l'Afrique ;tout cela s'est avéré nécessaire et
pertinent parce que , aujourd'hui encore, nous pouvons continuer d'affirmer
qu'il existe une relation étroite, par ailleurs nouée il y a bien
longtemps, dans le cas d'espèce entre la science coloniale et une
construction et les institutions actuelles chez nous : « les
institutions...qui survivent aux confins de quelques disciplines ou
filières universitaires,...étaient des héritages des
sciences coloniales, ou, plus généralement, étaient de
l'institutionnalisation des rapports politico -savants entre la
métropole et l'Afrique belge ».928(*)
Concluons que notre recherche nous a fait découvrir le
concept de kheper que l'on remonte à l'Égypte
pharaonique qui correspond au Signe ou à l'image de
« scarabée sacré »:
« C'est moi le Devenir de khepra,
lorsque devint pour moi le Devenir des Devenirs après
mon Devenir, car nombreux ont été les désirs
sortant de ma bouche... »929(*)
Comment, en plus, repenser la question de la dépendance
et de la dérivation de ce genre de corpus théorique de base,
entre l'Afrique et l'Occident, en sciences sociales ? La plupart des
concepts centraux sont puisés dans de plusieurs foyers de civilisation
et de culture. A propos, il y a un mal entendu qui porte sur cette question -
des concepts centraux qui sont au coeur des sciences sociales classiques.
Le corpus théorique de base en sciences sociales
provient de l'Occident, c'est la position officielle. Nous tentons de montrer,
ici, que ce corpus provient dans le cas d'espèce, aussi et avant tout de
l'Afrique Antique. Ainsi, il ne faut pas demander à devenir africain ce
qui l'ai déjà, à propos de ce qu'il convient de dire
à la suite de Jean Copans , l'impossibilité d'existence des
sciences sociales africaines. Notre position à ce sujet ce qu'on ne peut
pas africaniser ce qui est déjà africain. Une partie de notre
analyse avait l'ambition de participer à un tel élan.
Pour nous, d'un point de vue théorique, les
présuppositions des images onto-théologiques est le suppôt
à partir de quoi reposer le problème des sciences et les
problèmes de paradoxes grandissant qui se trouvent au coeur de la
société. Il s'agit justement de revenir aux sources et montrer
les dessous des sciences sociales.
Nous aimerions présenter les résultats auxquels
nous sommes arrivé après l'application de notre méthode de
reconstruction philosophique au-delà du fait qu'une bonne partie de
notre exposé a tout simplement été réflexive. Notre
réflexion a voulu après la présentation de l'exigence de
rénovation des sciences sociales en Afrique, restituer la double
doctrine du « réalisme et du constructivisme ».
L'objectif était d'étudier la réalité sociale,
telle que reprise en sciences sociales aujourd'hui, à partir des
traditions philosophiques antiques, et de sa reconstruction comme philosophie
de la Nature, de sa reprise dans l'approche structuro-fonctionnaliste. En
effet, ceci importe car le fonctionnalisme d'Emile Durkheim et l'anthropologie
structurale de Claude Lévi-Strauss ont constitué une double
approche est restée paradoxalement encore dominante en Afrique ; et
leur réplique dans la double approche pragmatique et cognitive chez John
Searle nous a servi de réflecteur.
Dans le prolongement des approches structuro-fonctionnaliste
et dialectique en sciences sociales, le débat essentiel actuellement est
entre l'holisme et le naturalisme, dans la mesure où il s'agit bien
là de deux formes de « causalisme (externe
/interne) ».930(*) En effet, « le débat avec les
sciences cognitives et le naturalisme a pris beaucoup d'ampleur (...) l'holisme
lui-même réapparaît ou tend à
réapparaître, au moins dans nombre d'études
philosophiques...le contexte d'une critique des sciences cognitives ...cela
veut dire aussi que le débat avec (...) le constructivisme social n'est
pas le seul débat actuel ».931(*) Tel a été le contexte actuel de notre
discussion.
Pour une étude plus approfondie, nous avons
abordé plusieurs questions théoriques, en l'occurrence, la
construction scientifique ad hoc tant bien sur la causalité que
concernant les quatre méthodes dominantes en sciences sociales (le
structuralisme, le fonctionnalisme et/ou systémique et la dialectique).
Ces quatre méthodes peuvent être subsumées en sociologie,
en démographie, en ethnologie ou anthropologie structurale et en
psychologie sociale, tout cela avec un statut explicatif problématique
pour l'Afrique Noire. Cette situation appelle une vision relativisée des
sciences sociales qu'une approche réaliste réfute. Nous sommes
tout de même parti de la théorie du relativisme avec pour fond ou
filigrane cette autre théorie de la mentalité primitive de Lucien
Lévi -Bruhl dans un contexte de philosophie du langage.
Chemin faisant, nous nous sommes particulièrement
attelé à l'étude critique de la pensée d'Emile
Durkheim dans son livre intitulé : Les règles de la
méthode sociologique. Justement le chapitre IV qui se focalise
sur : les règles relatives à la constitution des types sociaux.
Ce chapitre vise à montrer les parties constitutives dont est
formée toute la société. Ainsi, pour Durkheim
« l'évolution sociale commence par de petits agrégats
simples ; qu'elle progresse par l'union de quelques-uns de ces
agrégats en agrégats plus grands, et d'après s'être
consolidés, ces groupes s'unissent avec d'autres semblables à eux
pour former des agrégats encore plus grands ».932(*) Il s'agit des fameux
éléments minimaux qui structurent le mental, le langage et
l'interaction au moyen des systèmes de règles et de
l'Arrière-plan intentionnellement ou pas. Comme on pourra l'apercevoir,
à la lecture de ce chapitre, Durkheim n'en donne qu'une ébauche
sommaire, tout en affirmant le fait que « ce problème trop
complexe pourrait pouvoir être traité ainsi (tel qu'il le fait),
comme en passant ; il suppose, au contraire, tout un ensemble de longues
et spéciales recherches ».933(*) Searle tente de continuer justement ces recherches,
nous par ailleurs aussi.
Jean-Michel Berthelot présente une
périodicité topologique des repères chronologiques
à propos des sciences sociales. En effet, «l'histoire des sciences
sociales donne le spectacle d'un passage d'une polarité à l'autre
(par exemple de structuralisme (pôle II) à l'individualisme
méthodologique et au « au retour de l'action»
(pôle II) dans les années 1970- 1990 ; de ces
dernières à un possible retour au naturalisme causal ou
fonctionnel (pôle I) (Van Parijs, 1981 ; Kincaide, 1996 ;
Sperber ,1996) dans la période actuelle ».934(*)
Toutefois, notre thèse est partie de ce que nous
appelons les limites institutionnelles actuelles face à l'enjeu de
domestication des crises sociales, et de la nécessité pour nous
de recourir à l'anthropologie naturelle et onto-théologie pour
saisir le changement drastique de la réalité sociale.
Aujourd'hui, le contexte général des théories de
« réel social » comme procès multiforme ou de
la « construction de la réalité sociale » se
situe à notre sens dans la recherche de ce genre de ressources
onto-théologiques. Notre thèse s'est ressourcée
fondamentalement dans les traditions africaines millénaires et plus ou
moins récentes qui ont un impact certain sur la philosophie et la
science sociale. Nous avons présenté les aspects aussi bien
ontologiques qu'épistémologiques parce que la philosophie des
sciences sociales, par rapport à quoi nous nous situons, contient en son
sein une ontologie sociale, une épistémologie sociale et une
méthodologie. Une des idées sous-jacentes à notre position
fait prévaloir, c'est que la philosophie et la science restent
inextricablement liées.
Notre exposé a présenté ainsi les
différents aspects, liés l'anthropologie sociale, aux
phénomènes sociaux, de l'existence de la
« réalité sociale » en général.
Il a fallu définir le « réel social » comme
un procès multiforme ou le constructivisme social en opposition avec le
réalisme, le fameux dualisme entre la forme et la matière, les
particularités du constructivisme et du réalisme.
Le livre de John Searle intitulé La
redécouverte de l'esprit qui se penche sur la question de la
philosophie des sciences sociales en problématisela question du dualisme
cartésien, la question se développe aussi dans d'autres de ses
livres : L'Intentionnalité et dans La construction de
la réalité sociale. Les chapitres VII et VIII de La
construction de la réalité sociale sont consacrés
à cette question particulière du réalisme, Searle y
réfute les autres conceptions concurrentes du réalisme pour
présenter sa propre conception, étayant « l'un des buts
de ce livre (...) montrer comment cela est possible, comment le monde des
institutions fait partie du
monde « physique » ».935(*) Ainsi, le réalisme
est chez lui un outil méthodologique sur l'analyse de la
réalité sociale, le réalisme nous renseigne sur
l'Arrière-plan qui est une condition d'intelligibilité de la
réalité sociale. Pour arriver à montrer l'apport et la
faiblesse de John Searle, nous avons tenté de déconstruire sa
pensée en la démontant pour la reconstituer enfin ; nous
avons démontré « les théories dont on entreprend
l'appropriation critique » et « sa pensée propre se
retrouvant à l'horizon d'une (interprétation) des théories
critiquées ».936(*)
La méthodologie de la reconstruction que John Searle a
utilisée ne lui est pas exclusive ;elle a été
thématisée et pratiquée abondamment par plusieurs auteurs
dont Rudolf Carnap dans son livre La construction logique du monde et
Jürgen Habermas. Il a fallu expliquer le concept de la
réalité sociale en le redéfinissant. Rudolf
Carnap : « entends, par reconstruction rationnelle la
recherche des nouvelles définitions pour d'anciens concepts. ( ...) Les
nouvelles définitions doivent l'emporter sur les anciennes en
clarté et en exactitude et surtout mieux s'intégrer dans un
édifice conceptuel systématique. Une telle clarification
conceptuelle, poursuit-il, souvent nommée aujourd'hui
« explication », me semble demeurer l'une de tâches
les plus importantes de la philosophie, notamment lorsqu'elle se rapporte aux
principales catégories humaines. »937(*)Une telle clarification peut
se faire soit avec un concept unique soit avec plusieurs concepts.
John Searle a utilisé plusieurs concepts au niveau
théorique et conceptuel, les règles constitutives,
l'intentionnalité, l'intentionnalité collective,
l'Arrière-plan, etc. Nous avons tenté un dépassement par
le concept de kheper en faisant l'inverse, présenter une
clarification des nouveaux concepts par des anciens. C'est justement dans la
ligne de l'ontologie sociale que les chercheurs en sciences sociales, John
Searle compris, tentent une reprise à nouveau frais de l'étude la
« réalité sociale » avec la notion centrale
de back ground ou d'Arrière-plan. La transformation
épistémologique searlienne de plusieurs approches en sciences
sociales et humaines, tient à l'opérationalité et à
la fécondité de ce concept et outil central qu'il utilise, tel
qu'il se trouve être au centre de son entreprise programmatique. L'effort
épistémologique que nous déployons tente de dégager
les lignes de force des constructions théoriques de l'approche
analysée. Notre explicitation devait avoir pour but de tenter de montrer
aussi son innovation.
Il s'agissait également de chercher des relations soit
observables soit conceptuelles : il s'agit en fait de réduire
les concepts des choses à des concepts psychiques ou d'autres concepts
des choses au moyen des artifices mathématico-logiques. John Searle
passe du langage organiciste au langage logique à l'instar de Charles
Sanders Peirce à l'instar de ses trois grandes catégories de
priméité, secondéité et de tierceité. Les
règles de coordination liant les termes théoriques aux termes
observationnels, ceux du psychisme à ceux du monde vécu dans son
approche pragmatico- cognitiviste.
Jürgen Habermas utilise également cette
méthode. Chez lui la méthodologie a deux acceptions. La
première acception se comprend comme une recherche du caché et
comme une mise en évidence de l'implicite. 938(*) Elle fonctionne à
cette étape comme une restitution. La deuxième acception de la
méthode de la reconstruction est liée à tous les
philosophes de génie qui ont pratiqué pareille reconstruction
systématique et/ou historique des philosophies et des traditions
scientifiques antérieures. A cette étape l'auteur utilise les
concepts centraux restitués ou construits. La reconstruction
philosophique se fait en Egypte ( à l'école Memphitique ou
Héliopolitainne ou autres Amarna ) avec la concept de kheper,
chez Anaximandre avec l'apeiron, chez Aristote autour du couple
Matière et Forme, René Descartes dans la philosophie de
la Nature autour de l'espace homogène et de mouvement local, chez
Leibniz avec le concept d'entéléchie , la force qui remplace la
forme , Placide Tempels en philosophie africaine autour de la « force
vitale », John Searle avec la bipolarité de « forme
et matière » ou du constructivisme /réalisme qui
traverse sa logique illocutoire , sa théorie de direction d'ajustement
de l'esprit vers le monde ou vice-versa, son réalisme non relativiste,
son Arrière-plan, en tant que capacité , aptitude non
représentationnelle, etc.
L'intérêt d'une réflexion de ce genre,
à notre avis, rejoint, pour le rappeler une fois de plus, les
contributions parues en 2007 réunies dans le livre intitulé
Les sciences sociales au Congo -Kinshasa : Cinquante ans
après : quel apport ?939(*) En effet, les spécialistes en sciences
humaines au Congo-Kinshasa en appellent aujourd'hui à une recherche
urgente de l'innovation sur le terrain africain. Pour nous, repenser
fondamentalement les sciences sociales devrait revenir à subsumer leurs
présupposés philosophiques. Ces liens ne semblent suffisamment
pas pris au sérieux par beaucoup de scientifiques pour rénover
leurs approches.
Des problèmes épistémologiques des
sciences sociales en Afrique sont de plusieurs ordres, nous nous sommes
contenté d'en esquisser quelques uns, du moins quelques concepts
centraux des études sociales africaines en mettant au clair, dans le cas
d'espèce, les structures théoriques sous- jacentes ou l'ontologie
sociale de ces courants et écoles. Plusieurs théories de la
société se chevauchent, l'effort de les distinguer à
partir de certains concepts opératoires ou schèmes
théoriques distincts liés à chaque école
théorique, se ferait justement sous le nom générique de la
reconstruction philosophique. Une telle tâche que nous nous sommes
assignée a demandé de dialoguer avec d'autres experts de la
théorisation sociale afin de prendre acte de la
multidimentionnalité d'une telle recherche.
Au demeurant, la philosophie telle qu'elle se pratique
globalement encore dans notre Université est perçue globalement
par les autres collègues enseignants comme un discours
« dépassé » ; philosopher serait
s'enfermer dans des concepts que seuls nous philosophes comprenons. Le contexte
dans lequel prend forme la réflexion que nous proposons. Nous trouvons
à propos qu'il y avait un besoin d'échange théorique
réel qui demandait de jeter des ponts pour relier les sciences sociales
et humaines à la philosophie.
En général - le travail de Pierre Bourdieu par
exemple offre un modèle de ce genre. Pierre Bourdieu n'est pas
très connu chez nous au département de philosophie dans une
tradition où l'essentiel du personnel vient des grands
séminaires. Un tel contexte contrastait avec
l'épistémologie telle qu'elle s'enseigne dans notre
Université qui semble rester plutôt
« générale », alors que autres chercheurs
semblent attendre un échange théorique
« compréhensible » de notre part pour qu'ils se
dédouanent des multiples « impasses » qui ont
jeté leurs sciences dans une véritable routine, en même
temps que si de notre côté leurs calculs statistiques et
méthodes quantitatives pour les enquêtes sociales de tous ordres
nous laissaient pantois. En témoigne leur cri de coeur ; qu'il
suffise pour cela de citer plus récemment Bongeli Yeikelo Ya
Ato : « Le moment présent, marqué par une
crise multiforme et en apparence cyclique, se prête le mieux à la
réflexion épistémologique ».940(*) Et :
« L'impasse dans laquelle se trouve plongées les connaissances
produites face à une crise rebelle et le blocage actuel en sciences
sociales sur l'Afrique en général et le Congo en particulier
nécessitent que l'on s'interroge sur la validité des
méthodes classiques »941(*). Et : « Les réalités
sociales africaines, par exemple, peu ou mal étudiées sont
difficiles à reconstituer à partir de ses seules techniques
dominantes de recherche ».942(*)
Sans avaliser l'ensemble de ces propos, il faut dire que
là gisait notre motivation. C'est avec la volonté de tenter de
rencontrer ces multiples attentes que nous avons, bien au delà de ces
trois années de thèse de Doctorat, ces recherches diverses qui
attendaient une hypothèse adéquate pour les mettre en
ordre : le kheper.
Le thème de notre étude a
été justement La problématique de rénovation
des sciences sociales, lecture et reprise critique de la théorie
searlienne de la construction de la réalité sociale. Il faut
avouer que les différents sous- titres de cette dissertation que nous
proposons devenaient, au fil des recherches et par la force de
développement de la réflexion, des chapitres. Nous voulions
traiter du statut des normes dans le contexte de la mondialisation, le
thème s'est retrouvé en arrière-plan par rapport à
un examen critique nécessaire de la doctrine du constructivisme ;
l'essai de reconstruction des thèses de John Searle est un thème
qui s'est retrouvé « mis en minorité » par la
profondeur des traditions africaines qu'il contribue à illustrer qui le
justifient en « arrière-plan ».
Notre démarche a consisté donc à
déployer critiquement la théorie la reconstruction de John
Searle. Le défi était de taille devant la pluralité des
théories : évolutionnisme, fonctionnalisme, structuralisme, la
mouvance marxienne à laquelle Searle s'oppose, le constructivisme
radical, etc. Cette pluralité des démarches en sciences sociales
entraîne à coup sûr ce que Marc Maesschalck appelle la
« recomposition des cadres théoriques ».943(*) Sans être exempte
d'indéterminations, notre hypothèse a été de
montrer que toute reconstruction épistémologique et rationnelle
des sciences sociales dépend des outils théoriques indispensables
qui appellent chaque fois une évaluation.
Le problème c'est que, à la suite de Marc
Measschalck, nous sommes à « la fin de l'ordre
conventionnel (qui) se marque par la multiplicité des conflits de
frontières entre les régimes de justification ».944(*)
C'est « l'aboutissement naturel de la modernisation sociale
caractérisée par le polythéisme des valeurs et la
différenciation du monde vécu en fonction de cette pluralisation
des régimes axiologiques ».945(*) Ceci nous ouvre à d'autres formes de
recherches : dans ce contexte on peut mesurer le sens réel du temps
social, le régime historique capable de réaliser un ordre
juridique durable et les conditions cognitives. En fait, démocratie et
formation juridique par exemple pourraient supposer un régime historique
au niveau génétique. Nous pouvons nous référer au
concept de réciprocité et de répétition dans
l'arbre conceptuel de la normativité des normes chez Marc
Maessschalck.946(*)
Notre approche a
été ainsi globale, par rapport à la conception
continentale de l'épistémologie d'inspiration cartésienne.
La question concerne les différentes distinctions de critiques intra et
extra- épistémologiques. La critique extra
-épistémique touche les domaines suivants947(*): L'Histoire des sciences
qui tente de retracer la succession, le développement des
interprétations, le déroulement et/ou la croissance des
idées et des débats scientifiques, et même des ruptures
théoriques ; la Sociologie des sciences qui ouvre l'enquête
autour des questions sociales, des options politiques d'exigence des normes de
rationalité, des discussions sur le financement et la recherche
scientifique, de la localisation des sociétés savantes ou des
clubs des savants ; la Psychologie de la connaissance qui s'occupe de
l'origine subjective des formes de la connaissance. La question rejoint
aussi la critique intra -épistémique de la Méthodologie
qualitative et de la Philosophie des sciences. Cette réflexion peut
donc faire partie de la philosophie des sciences qui comprend outre la
méthodologie, l'Ethique des applications scientifiques et
l'ontologie.
Le Professeur Marc Measschalck résume le cadre pour
repenser ces enjeux : il englobe la situation des conditions
institutionnelles nouvelles en tant que conditions d'une démocratie
d'acteurs collectifs, telles qu'elles se structurent sur l'approche
pragmatique, cognitive, génétique et dans le domaine
épistémologique. Il pose au niveau génétique la
question de la sortie de la colonialité du pouvoir, question de la
modernité/colonialité, la question des rapports intergroupes
dans la création du droit social, de l'épistémologie
frontalière, et donc de la construction des nouvelles arènes
publiques, de l'apprentissage comme coopération intellectuelle et
auto-gouvernante au niveau cognitif, c'est-à-dire des ressources
cognitives qui accompagnent la génétisation ( une
génétisation de l'agir ,de l'activation de puissance ou de
l'immanence de l'action recherchée) des acteurs collectifs, de
l'intelligence collective des formes de vie possibles, et du temps social dans
lequel elles peuvent se réaliser, et enfin au niveau
épistémologique ,c'est-à-dire de l'interprétation
de la normativité propre à l`identification des ressources , du
point de vue immanent et de la transformabilité des affects.948(*)
Epistémologiquement parlant, l'heure parait à
plusieurs égards comme le moment de sauvetage général qui
est propice à la définition d'une nouvelle réalité
sociale : « dans la position constructiviste, l'organisation du
réel fait appel à l'équilibre entre les extrêmes.
Ainsi, elle reconnait une gamme de possibilités entre la
séparation et la connexion, entre l'inclusion et l'exclusion ;
c'est la pensée intégrée ».949(*) Et : « Les
constructivistes valorisent les stratégies objectives et les
stratégies subjectives dans leur façon de connaître selon
les contextes et les situations (...) (et) deux aspects distinguent la position
constructiviste des autres positions : l'intégration des voix
intérieures et extérieures et l'émergence d'une parole
authentique ».950(*)
Fabrice Clément et Laurence Kaufmann concluent au fait
qu' une fois réagencé, le système de Searle peut
malgré tout rendre de grands services aux sciences sociales en
permettant de réconcilier des démarches souvent conçues
comme radicalement antagonistes. 951(*) Les concepts principaux sont moulés dans un
seul réceptacle théorique. Ce réceptacle est
élaboré par John Searle sur plus de trois décennies en
suivant l'évolution de la science sociale et humaine. « Bien
que, pensent Fabrice Clément et alii, pendant fort longtemps, Searle
n'ait pas véritablement organisé ses interrogations dans une
démarche systématique, il est néanmoins possible de
décomposer son oeuvre en une série d'étapes qui, sans
avoir été nécessairement planifiées, dessinent en
creux une construction théorique qui se révèle remarquable
à plus d'un titre ».952(*) Nous nous sommes attelé à cette
tâche.
Cette façon de procéder a rejoint la question de
la fondation théorique des connaissances, en partant des sciences
sociales. Tiercelin, dans le post face de l'ouvrage de John Searle
intitulé La construction de la réalité sociale
signale sans ambages le fait que Searle rappelle toutes les sciences humaines
à l'ordre de leur fondation.953(*) Tout cela parce que, « dépourvues
d'une fondation théorique (...), les diverses recherches tendent
à générer leur propre typologie et à faire
coexister les instruments d'analyse qui, force de se régler sur leur
objet, deviennent des « simples » outils descriptifs
».954(*)
L'effort épistémologique que nous avons
déployé en tant que critique de l'objectivité scientifique
a tenté de dégager les lignes de force des constructions
théoriques de chaque approche analysée. Cette activité de
recherche essaie ainsi de mettre au clair, par ricochet, la structure
théorique sous - jacente ou l'ontologie sociale des courants et
écoles.
Au demeurant , d'un point de vue concret et pratique, nous
sommes parti du fait que le constructivisme social en général est
un démenti d'une longue tradition des sciences sociales et humaines qui
ont élu domicile ,sous le prétexte d'une réponse aux
mutations sociales et culturelles profondes aussi bien en Europe qu'en Afrique
(la décomposition des normes et leurs différents modes de gestion
qui appelle des médiations diverses, la différenciation de mondes
vécus et de systèmes, le désajustement des classes
sociales ,les sociétés très différenciées,
la rationalisation téléologique selon le terme de Jürgen
Habermas que Lukacs assimile au capitalisme, le passage des institutions aux
dispositions, l'exclusion sociale, bref, le désordre social et culturel,
etc.). Le constructivisme est une réponse aux problèmes
liés au statut épistémologique des savoirs, entendez
(l'absolutisation des savoirs et des normes venus de l'Europe).955(*)
A la question théorique et conceptuelle de
dépassement de la double approche structuro-fonctionnaliste, le concept
de kheper est notre paradigme de dépassement du conflit
réalisme -constructiviste. John Searle s'inscrit dans ce programme, il
le reconstruit ou l'enveloppe au point de vue de la double approche
linguistico-pragmatique et cognitiviste. L'icône ressemble au mode de
reproduction de la symbolique de « scarabée
égyptien » qui exprime le Devenir et le sacré.
Le constructivisme searlien est donc un programme a priori dans un contexte
onto- théologique au quel on fait recours et qui prend en compte
théoriquement les concepts centraux de : matière,
forme, langage, parole, actes de langage, états mentaux, et enfin le
divin.
En Afrique, spécifiquement, il s'est agi des
problèmes de l'ethnocentrisme occidental persistant, de la
« pauvreté », du déficit interne de la
gestion publique, etc. Les mutations sus - évoquées forment le
prétexte du renouvellement des théories et des approches en
sciences sociales :la norme est dès lors analysée dans une
approche globale qui implique la philosophie de droit, la philosophie politique
et la philosophie morale.
En somme, le constructivisme apparaît dans son usage
dominant comme une reconstruction épistémologique complexe de
reprise critique des acquis méthodologique, conceptuelle et
théorique à propos de la réalité sociale. Tout part
de la nécessité de la reconstruction de l'espace théorique
qui joue le rôle de fondement théorique pour saisir la nature
profonde de ces mutations, afin de considérer finalement sous un nouveau
jour l'ensemble des démarches antérieures.
Il faut cadrer le monde social bien plus complexe, on peut
schématiquement le présenter en trois sphères, toutes
traversées par une raison processuelle :
- La sphère stratégique des marchés, de
l'Etat lié au droit positif (positivisme juridique), de la connaissance
objective scientifique et de la technique, un monde qui se situe dans une
position de colonisateur par rapport à ces autres
sphères ;
- la sphère normative du monde vécu
(appropriation symbolique, production culturelle et institutions
traditionnelles et sociales), où nous trouvons la société
civile (tissu associatif, communautés, personnalités, espace
public), et ses usages sociaux : les droits de l'homme (jusnaturalisme),
l'opinion publique, la coutume, etc. et son arrière plan de
mémoire culturelle ;
- la sphère intentionnelle de la subjectivité,
le monde dramaturgique esthétique de l'art.
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LES ARTICLES :
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Representation", Critical Inquiry, Vol. 6, No. 3, 1980.
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- "The Word Turned Upside Down," The New York Review of Books,
October, 1983.
- «An Exchange on Deconstruction," The New York Reviewof
Books, February 2, 1984.
- "Indeterminacy, Empiricism and the First Person," Journal of
Philosophy, Vol. LXXXIV, March 1987.
- "L'indétermination, l'empirisme, et la
première personne," in Revue de Théologie et de
Philosophie, Geneva, 1987.
- «Is there a Crisis in American Higher Education?»
, Bulletin of the American Academy of Arts and Sciences, Vol. XLVI,
January 1993.
- (Text of a lecture presented at the Stated Meeting of the
Academy held on April 10, 1992)
- "L'université américaine, bastion du pouvoir
mâle et blanc?", Le Temps, Geneva, 1995.
- "Literary Theory and its Discontents", New Literary
History, Vol 25, Summer 1994.
- "La théorie littéraire et ses bévues
philosophiques", Stanford French Review, Vol. 17.22-3, 1993.
- "The Mystery of Consciousness" (Review of Francis Crick, the
Astonishing Hypothesisand Roger Penrose, Shadows of the Mind) in The New
York Review of Books, 1995.
- "Deux Biologistes et un Physicien en Quête de l'Ame",
La Recherche, Paris, 1996.
- "La conscience et le vivant", interview with JRS, in
Sciences Humaines, Auxerre: 86, 1998.
- "Langage, Conscience, Rationalité: une Philosophie
Naturelle", entretien avec John R. Searle, Le Débat, (Paris)
mars-avril 2000.
- «Langage ou esprit?» Un siècle de
philosophie 1900-2000, Gallimard/Centre Pompidou, Paris, 2000.
- «Le Temps»,Quelle philosophie pour le XXI
siecle?, Paris: Editions Gallimard/Centre Pompidou, 2001.
- «Culture and fusion; Reply to d'Andrade» in
«Searle on Institutions», Anthropological Theory, Vol. 6,
No. 1, 2006.
- «Searle versus Durkheim and the waves of thought :
Reply to Gross» in Anthropological Theory, Vol. 6, No.1, 2006.
- «Cerveau et Esprit», Le dictionnaire des
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- TSHIAMALENGA NTUMBA Marcel, « La
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- TSHIAMALENGA NTUMBA Marcel, «La philosophie en
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- VANDERVEKEN Daniel, « La logique
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Cahiers d'épistémologie, Département de
philosophie, Université du Québec à Montréal,
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- VANDERVEKEN Daniel, « La structure logique des
dialogues intelligents », in BERNARD MOULIN et alii (éds.)
Analyse et modélisation des discours. Des conversations humaines aux
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- VERLEY Patrick, « Crise économique
» dans Encyclopédie Univesalis, Paris,
réédition, 1997.
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- MESURE Sylvie et SAVIDAN Patrick (Dir.), Dictionnaire
des sciences humaines, collections `Grands Dictionnaires', Puf,
2006.
- HUISMAN Denis (Dir.), Dictionnaire des philosophes,
Puf, Paris, 1984.
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siècle, enjeux et renouvellement de la coopération, Actes de
la 9 è conférence générale de l'EADI, Karthala,
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- Histoire de l'humanité, Unesco, Paris,
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théologie et de philolophie », in Revue thomiste de Saint
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ethnocentriques selon Richard Rorty », in Yves-Charles Grandjeat
(Dir.),Le sens de la communauté, Pessac, Maison des sciences de
l'homme d'Aquitaine , Annales du CRAA, n°30, (Centre de recherche
sur l'Amérique anglophone), MSHA France,p. 223- 242, 2006 .
TABLE DES MATIERES
Nous dédions ce livre :
2
INTRODUCTION GENERALE
7
Brève historique des Centres de
recherche et Instituts de Recherches en RD Congo.
16
Période avant la Conférence de
Berlin
16
De la Conférence de Berlin
18
Changement de cap
19
De l'indépendance à la
deuxième République
19
Nature des Instituts et Centres de
recherche
23
Du Conseil Scientifique National
26
Brève reconstruction
historique de la réforme à l'Université au Congo.
29
La « race » une
hypothèse centrale des sciences coloniales
36
Objectif de la recherche
42
L'esquisse de l'histoire du droit et des
faits sociaux juridiques
77
Quelques mutations sociales de la
réalité juridique
77
Les trois dimensions constitutives du
droit
80
Brève historique théorique du
droit moderne à la suite de Jürgen Habermas
81
Introduction à l'histoire du droit :
problématique de l'émergence du droit
83
Les faits juridiques et les paradigmes
juridiques
85
Le concept de construction de droit Chez
John Searle
90
Les mutations institutionnelles
actuelles
93
Chapitre Quatrième :
97
Les problèmes des sciences
économiques en Afrique
97
Le système capitalisme et
l'Afrique
97
Chapitre Cinquième :
109
Problèmes méthodologique et
épistémologique
114
La notion de « monde
vécu » (habitus)
118
Le constructivisme et le relativisme en
sciences sociales
125
Enjeux : La menace du
réalisme et le post-modernisme
128
L'origine récente de problème
de relativisme moderne
129
La modernité sur la sellette
131
Le rationalisme en question
132
De la relativité linguistique et de
la relativité de la vérité
135
De la question des sciences sociales
à la notion de « réalité sociale »
137
La sémiotique en sciences
sociales
143
Le débat constructiviste en histoire
: Yves Valentin Mudimbe vs Jan Vansina
157
Actualité et intérêt
retrouvés du constructivisme en science sociale
167
Le constructivisme : de l'ontologie
sociale
168
Courants du constructivisme social
170
Constructivisme analytique en sciences
sociales : la révision générale des sciences
sociales
172
De l'objet de la construction sociale
173
La problématique de
l' « épistémologie sociale »
173
Les fondements du constructivisme
176
Les paradigmes des sciences nouvelles
178
La source de ces maux : de
l'annihilation anthropologique à la paupérisation
anthropologique.
188
Les conséquences de ces maux.
188
Quelle est la situation
épistémologique ? C'est notre réflexion ici
188
Les conditions modernes.
188
L'antidote de la misère : le
travail.
194
La dimension libératrice de la
domination.
196
A. Sens et tâche d'une reconstruction
socio-éthique en Afrique
202
L'autocritique de l'Ordre et de projet
kheperien
203
B. Le maintien des
inégalités
211
Le problème de mentalité
prélogique est encore d'actualité
224
Le principe d'analogique mythique
227
De l'anthropologie de la santé et
des représentations
233
Chapitre douzième :
241
Situation à la base de
l'interdisciplinarité en sciences sociales
241
De l'interdisciplinarité au point de
départ de l'anthropologie
241
Le principe isomorphique de
causalité et de la raison d'agir
244
Les sciences de la communication et de
l'information
245
Partir des limites des contextes socio-
culturels
247
Un procéduralisme de groupes
à groupes
250
Partir de projets communs comme processus
intégrateur
251
Chapitre treizième :
253
Les théories de l'action dans les
analyses de contenu, en sciences du langage et l'ontologie sociale en
sociologie
253
Analyse de contenu actionniste de la
pragmatique du récit
253
Analyse de contenu selon la théorie
actionniste du récit de Gérard Genette
256
Perspective narrative
257
Analyse de contenu selon le schéma
actantiel de Julien A. Greimas
257
Le concept de l'action sociale comme objet
des sciences sociales et humaines aujourd'hui
260
L'ontologie sociale : le
système ou la primauté de la totalité à la
primauté de théorie de l'action en sciences sociales
263
Les théories de l'action et les
différents modèles en sciences sociales et humaines
263
Une ontologie sociale en sociologie
265
La sociologie classique
266
L'apport de la sociologie
compréhensive et de la sociologie du savoir
268
L'approche fonctionnaliste
273
La primauté de concept de
totalité et du Tout
277
Le rapport fonctionnel
277
Brève historique du
fonctionnalisme
279
La réalité sociale
objective
279
Les entités émergentes
280
De la représentation
281
Les faits sociaux
282
A. Fonctionnalisme et structuralisme
284
B. Le structuralisme de
Lévi-Strauss
284
C. L'explication dialectique
287
La théorie actionniste et
constructiviste de Peter Berger
288
B. La société et le sens
289
C. La société et l'action
290
D. Changement social et problèmes
sociaux
291
Chapitre Quatorzième :
293
Les convergences et les divergences entre
l'approche structuro-fonctionnaliste et la pragmatique
293
L'application de programme
cognitivo-pragmatique à la création de la réalité
sociale
295
Le contenu de la fonction -statut
296
La nature des institutions
296
Le contexte et la sémantique de la
cognition
297
La transformation pragmatico - cognitive
des déterminations structuro -fonctionnelles
299
Chapitre Douzième :
303
Chapitre quinzième :
303
Jürgen Habermas et John
Searle :de la logique formelle à la logique pragmatique en sciences
sociales
303
De l'ajustement de rapport au monde
306
L'application du cadre théorique
pragmatico-cognitive à la création de la réalité
sociale
312
A. La capacité sociale
émergente
313
B. Grandes catégories et contenu de
fonction - statut
314
C. Le contenu de la fonction -statut
315
D. La théorie de pouvoir
déontique négatif
318
Notion centrale de l'Arrière- plan
chez John Searle
318
Du programme théorique de John
Searle
322
Chapitre Dix-Huitième :
329
Les présupposés
ontologiques de l'action sociale et des systèmes : la vision
sous-jacente
329
De « Scarabée
sacré » à Une bible noire : le problème de
mentalité magique et la valeur des principes logiques de l'analogie et
de contraste
334
Le constructivisme dans les domaines de
l'anthropologie de la santé et de l'anthropologie des
représentations
335
Les africains doivent comprendre leur
paradigme épistémologique
340
Chapitre Vingtième :
348
La reconstruction critique de
l'EPISTEMOLOGIE DE John Searle
348
La portée de l'oeuvre
constructiviste de John Searle
348
Apports positifs
348
Les difficultés d'analyse de John
Searle
351
A. Flottement des concepts centraux
351
B. Contradictions de l'oeuvre de John Searle
353
Chapitre Vingt-
unième :
361
La notion de partenariat est au coeur
de l'interdisciplinarité et de l'inter-institutionnarité
361
LE PARTENARIAT TRADITIONNEL
364
LA SECURITE ET LES FORCES ARMEES
369
L'administration de l'Armée et de la
Police
369
LA FONCTION PUBLIQUE
370
La réforme de l'administration
publique :
370
LE PORTEFEUILLE DE L'ETAT
371
LA PROMOTION DU SECTEUR PRIVE
371
Actions et réformes entreprises dans le
secteur privé
371
SECTEUR DE L'INDUSTRIE
373
SECTEUR DE l'EDUCATION NATIONALE, LA
CULTURE, ANIMATION DE L'HISTOIRE NATIONALE ET DE LA MÉMOIRE
COLLECTIVE
374
Actions dans le secteur de l'éducation
374
A. Projet d'Appui au Secteur de l'Education
(PASE).
375
B. Projet d'appui au Redressement du secteur
Educatif Congolais (PARSEC).
375
Le système éducatif congolais
376
LE PARTENARIAT RENOVE
377
AUTRE SECTEUR DE PARTENARIAT
TRADITIONNEL :
386
Appui à la dynamique communautaire,
ou dynamique de la société civile
386
LE DEVELOPPEMENT RURAL, L'AGRICULTURE, LA
FORET ET LES EAUX
388
Programmes et Projets dans le cadre de
l'Agriculture et le Développement Rural
389
Le secteur des forêts
390
EVALUATION (2007 -2008)
390
Secteur forestier
392
Eau et assainissement
393
LA JUSTICE
395
Le domaine de la corruption
395
LES FINANCES ET BUDGET
396
Mesures et Réformes dans le cadre de la
Maîtrise de la Gestion des Dépenses Publiques
396
La modernisation de l'administration
fiscale
397
La modernisation de l'administration non
fiscale
398
La gestion de la dette publique
398
LES TRAVAUX PUBLICS
399
La réforme des marchés publics
399
LE TRANSPORT
399
Programmes et projets dans le secteur de
transport
399
E. Secteur des transports
400
LES MINES
401
Le secteur minier
401
Secteur minier (suite)
402
L'ENERGIE
403
Actions à suivre dans le secteur de
l'électricité
403
Secteur de l'énergie
électrique
403
LE TRAVAIL ET A LA PREVOYANCE SOCIALE
404
Actions à suivre dans le secteur de
l'emploi
404
Action à suivre dans le domaine de la
protection sociale
406
Protection sociale
407
LA SANTE
408
Actions à suivre dans le secteur de la
santé en général
408
Actions à suivre dans la lutte contre le
VIH/SIDA
409
Santé
409
Lutte contre de Vih /Sida (pilier IV)
412
La gouvernance politique
413
Conclusion generale
414
Une commission vérité-
réconciliation mondiale
414
BIBLIOGRAPHIE SELECTIVE
437
TABLE DES MATIERES
450
* 1 Nous pouvons
présenter cette approche globale à la suite de Joseph Nkwasa
Bupele en nous référant à la conception continentale de
l'épistémologie d'inspiration cartésienne.
* 2 Cheikh Anta DIOP,
Civilisation ou barbarie, une anthropologie sans complaisance,
Présence Africaine, Paris, 1981, p.145.
* 3 Pierre BOURDIEU,
Méditations pascaliennes, éditions du Seuil, Paris,
1997, p.130.
* 4Ibidem.
* 5 Les recommandations de la
Conférence Nationale Souveraine se focalisent sur la
réhabilitation du Conseil Scientifique National comme
« intelligence nationale » pour piloter tous les Instituts
et Centres de Recherche en RD Congo.
* 6 Marc PONCELET,
Sciences sociales, colonisation et développement ; une histoire
sociale du siècle d'africanisme belge, thèse,
Université de l'Ille, p.365.
* 7 Voir Isidore NDAYWEL E
NZIEM, Histoire générale du Congo, De l'héritage
ancien à la République démocratique du Congo,
Duculot, Paris, 1998.
* 8 Jürgen HABERMAS,
« La démocratisation de l'Université : une
politisation de la science ? »in Théorie et
pratique, Payot, Préface et traduction de Gérard Raulet
,1975 , 2006,Paris, p.385.
* 9 Jürgen HABERMAS,
Théorie et pratique, Payot, Hermann Luchterhand Verlag, 1963,
éditions Payot et Rivages, 2006, Paris, p.321.
* 10 Cette notion est
évoquée ici sans connotation péjorative, il s'agit tout
simplement des études sur l'Afrique.
*
11BERTHELOT Jean-Michel « Programmes, paradigmes,
disciplines : pluralité et unité des sciences
sociales », dans, (Jean-Michel BERTHELOT, (Dir.),
Epistémologie des sciences sociales, Puf, Paris, 2001, p.488.
* 12Ibidem, p.
488.
* 13Engelbert MVENG,
l'Afrique dans l'Eglise Parole d'un croyant, L'Harmattan, Paris,
1985, p.209.
* 14 Ibidem,
p.210.
* 15Ibidem,
p.211.
* 16Ibidem,
p.211.
* 17Ibidem.
* 18 Ibidem,
p.212.
* 19Ibidem, 212.
* 20Ibidem,
p.213.
* 21Ibidem,
p.213.
* 22Engelbert MVENG,
l'Afrique dans l'Eglise Parole d'un croyant, L'harmattan, Paris,
1985, p.207.
* 23Ibidem,
p.207.
*
24Ibidem, p. 201.
* 25Ibidem,
p.210.
* 26 Engelbert MVENG,
l'Afrique dans l'Eglise Parole d'un croyant, p.204.
*
27Ibidem,p.204.
*
28Ibidem,p.206.
* 29
Ibidem,p.206.
* 30 Ibidem,
p.208.
* 31 Marc PONCELET,
Sciences sociales, colonisation et développement ; une histoire
sociale du siècle d'africanisme belge, thèse,
Université de l'Ille, p.421.
* 32 Jean -Michel
BERTHELOT, « les sciences du social »,
op.cit., p.205.
* 33Marc
PONCELET,op.cit., p.420.
* 34Ibidem, p.421.
* 35Ibidem,
p.422.
* 36Ibidem,
p.256.
* 37Ibidem,
p.256.
* 38 Marc MAESSCHALCK,
op.cit.,p.147.
*
39Ibidem,p.147.
*
40Ibidem,p.147.
*
41Ibidem,p.153.
* 42Ibidem,
p.262.
* 43 Jean-Michel BERTHELOT,
« Les sciences du social »,art.cit., p.205.
* 44Ibidem, ,
p.212.
* 45Ibidem,
p.205.
* 46 Jean -Loup AMSELLE et
ELIKIA M'BOKOLO (Dir.), Au coeur de l'ethnie ; ethnies, tribalisme et
Etat en Afrique, La Découverte, Paris, 1999, p.190.
* 47Ibidem,
p.190.
* 48 Gregory QUENET, Les
tremblements de terre aux XVII è et XVIIIè siècles :
la naissance d'un risque, Champ Vallon, Seyssel, 2005, p.68.
* 49Ibidem,
p.188.
* 50Jean -Loup AMSELLE et
ELIKIA M'BOKOLO (Dir.),op.cit., p.188.
* 51Ibidem,
p.188.
* 52Ibidem.
* 53Ibidem ,p.
11.
* 54Ibidem.
* 55Ibidem,
p.58.
* 56Ibidem.
* 57Ibidem.
* 58Ibidem.
* 59Ibidem.
* 60 Voir De Michel De
COSTER, Bernadette BAWIN-LEGROS, Marc PONCELET, Introduction à la
sociologie, De Boeck, Bruxelles ,2001
* 61 Marc PONCELET,
Sciences sociales, colonisation et développement, p.25.
* 62 Jean KINYONGO JEKI,
« L'histoire d'un drame », dans Philosophie et destins
des peuples, Actes des journées philosophiques de Canisuis, Mars
1999, éditions Loyola, 2000, p.24.
* 63Ibidem.
* 64Ibidem,
p.26.
* 65Ibidem.
* 66 Jürgen HABERMAS,
Théorie et pratique, p.320.
* 67 Pierre MTUNDA
MWEMBO, art.cit. p.47.
* 68
VERLEY, « Crise économique » dans
Encyclopédie Univesalis, p.770, cité par Pierre MUTUNDA
MWEMBO, art.cit. p.51.
* 69Ibidem,
p.320.
* 70 Jürgen HABERMAS,
Théorie et pratique, Payot, Hermann Luchterhand Verlag, 1963,
éditions Payot et Rivages, 2006, Paris, p.340.
* 71 Pierre MUTUNDA
MWEMBO, art.cit., p.51.
* 72 Léon de SAINT
MOULIN, « Histoire de l'organisation administrative du
Zaïre », in Zaïre- Afrique ,Vingt-huitième
année, N° 224, p.197.
* 73 Claudine VITAL
cité par Marc PONCELET, Sciences sociales, colonisation,
p.258.
* 74 Marc PONCELET,
Sciences sociales, colonisation et développement ; une histoire
sociale du siècle d'africanisme belge, thèse,
Université de l'Ille, p.254.
* 75Ibidem,
p.422.
* 76 Voir Jürgen
HABERMAS, Après Marx , traduit de l'allemand par
Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature,
Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.147.
* 77Ibidem,
p.420.
* 78 Voir Marc MAESSCHALCK,
MAESSCHALCK Marc, Normes et contextes, OLMS, Hildesheim -Zürick-
New York, 2001,p.159.
*
79Ibidem,p.159.
* 80Ibidem.
* 81Ibidem,
p.256.
* 82Ibidem,p.24.
* 83Ibidem,p.83.
*
84Ibidem,p.159.
* 85Jan VANSINA, VANSINA
Jan, Les anciens royaumes de la savane, les états des Savanes
méridionales de l'Afrique Centrale des origines à l'occupation
coloniale, 2è édition, Presses Universitaires du Zaïre,
Kinshasa, 1976, p. 183.
* 86 Marc PONCELET,
Sciences sociales, colonisation et développement, p.285.
* 87Ibidem,
p.284.
* 88 Marc PONCELET,
Sciences sociales, colonisation et développement, p.417.
* 89Ibidem,
p.417.
* 90 Jean-Michel BERTHELOT,
« Les sciences du social », dans Epistémologie
des sciences sociales, Puf, Paris, 2001, p.227.
* 91Ibidem,
p.227.
* 92 Marc PONCELET,
Sciences sociales, colonisation et développement, p.254.
* 93 Rodolphe GHIGLIONE et
Jean -François RICHARD (Dir.), Cours de psychologie, 3 e
édition, Dunod, Paris, 1999, p.19.
* 94Ibidem,
p.19.
* 95Ibidem.
* 96 Raymond MUTUZA KABE,
De la philosophie occidentale à la philosophie negro-
africaine ; apport des philosophes zaïrois, Universitaires
Africaines et Arc-en-ciel, Kinshasa, 2006, pp.247, 268.
* 97Histoire de
l'humanité, Unesco, Paris, 1969, pp.727-757, cité par
Raymond MUTUZA KABE, De la philosophie occidentale à la philosophie
negro- africaine ; apport des philosophes zaïrois,
Universitaires Africaines et Arc-en-ciel, Kinshasa, Kinshasa, 2006, P.268.
* 98 Jean -Loup AMSELLE et
ELIKIA M'BOKOLO (Dir.),op.cit. ,p. VIII.
* 99Ibidem ,p.
IX.
* 100 Jan VANSINA, Les
anciens royaumes de la savane, les états des Savanes méridionales
de l'Afrique Centrale des origines à l'occupation coloniale, 2
è édition, Presses Universitaires du Zaïre, Kinshasa, 1976,
p.13.
* 101Ibidem,
p.14.
* 102Ibidem,
p.16.
*
103Ibidem,p.15 .
* 104Ibidem,
p.16.
* 105Ibidem,
p.15.
* 106Ibidem,
p.16.
* 107Jan VANSINA, Les
anciens royaumes de la savane, p.16.
* 108Ibidem,
p.10.
* 109Ibidem,
p.7.
* 110Ibidem,
p.8.
* 111Ibidem,
p.10.
* 112 Jürgen HABERMAS,
Après Marx, p.166.
* 113Ibidem,
p.14.
* 114Ibidem,p.
182.
* 115Ibidem,
p.258.
* 116 Voir Marc MAESSCHALCK et
Christian BOUCQ, « Méthodologie d'action locale avec un
groupe », in L'esperluette (Les fiches pédagogiques n°
29), n°32, avril-mai-juin 2002.
* 117 Jürgen HABERMAS,
Logique des sciences sociales et autres essais, Puf, 1987, Paris,
p.61.
* 118 Voir Jean COPANS,
La longue marche de la modernité africaine : savoirs,
intellectuels, démocratie, 2 è édition rev.et
augment, Karthala, Paris, 1998, p.145.
* 119 Voir Pascale JAMOULE,
Des hommes sur le fil, construction de l'identité masculine en
milieux précaires, La Découverte/Poche, Paris, p.14.
* 120 Henri DARVIL, Robert
MAYER, Les problèmes sociaux - Tome I, Théories et
méthodologies, Sante - Foy, Québec, Canada, Presses de
l'Université du Québec, 2001,2OO7, p.159.
* 121 Serge Michel, Michel
Beuret, La Chinafrique, Pékin à la conquête du
continent noir, Hachette, éditions Grasset et Fasquelle, Paris,
2008, p.412.
* 122 I. Wallerstein.
* 123 Le socialisme
africain. La société de Jésus organise déjà
vers 1958 une série des rencontres scientifiques à Louvain pour
réfléchir sur le changement.
* 124 Cité par
Jean-Louis LE MOIGNE, Le constructivisme, tome 1 : Des
fondements, ESF, Paris, p.38.
* 125Ibidem, p.
XXII.
* 126Ibidem,
p.48.
* 127 Michel VIRALLY,
La pensée juridique, Panthéon -Assas, L.G.D.J., E.J.A.,
Paris, rééditée en 1998, p.XXI.
* 128 Manfred LACHS, Le
monde de la pensée en droit international ; Théorie et
pratique, Collection, Droit international, Economica, Paris, 1989,
p.48.
*On désigne par saint Empire romain, l'Empire romain
d'occident qui fait référence à la partie occidentale de
l'Empire romain à partir de sa division par Dioclétien en 286. Sa
capitale fut Milan jusqu'en 402, puis Ravenne.
* 129 Jürgen
HABERMAS, Droit et démocratie, entre faits et normes,
traduit de l'Allemand par Rainer Rochltz et Christian Bouchinndhomme,
Gallimard, Paris,1997, p. 160.
* 130Ibidem, p.39.
* 131 Benoit FRUDMAN,
« Le droit à la lumière de la philosophie de
l'action », in Pierre LIVET, (DIR.), L'argumentation :
droit, philosophie et science sociales, Sainte - Foy(Québec),
Presse de l'unversité de Laval, Paris, Montréal, L'Harmattan,
2000, p.146.
* 132Jürgen HABERMAS,
Droit et démocratie, p.459.
* 133 Eric CARPANO,
Etat de droit et droits européens, évolution du modèle
de l'Etat de droit, dans le cadre de l'européanisation de
systèmes juridiques, L'Harmattan, Paris, Budapest,
Turin,2005,p.352.
* 134 Samuel
JERRY, « Economie et le juge : réflexion sur la
théorie hayekienne du droit »in Cahier d'économie
politique : histoire de la pensée et théorie,
N° 54, L'Harmattan, 2008, p.71.
* 135Ibidem.
* 136Ibidem,
p.70.
* 137Ibidem.
* 138Ibidem,
p.72.
* 139Ibidem,
p.70.
* 140Ibidem.
* 141Ibidem,
p.71.
* 142Ibidem,
p.58.
* 143 Marc MAESSCHALCK,
« La loi, entre délibération et
apprentissage », dans Philippe ABADIE, Aujourd'hui, lire la
Bible, exégèses contemporaines et recherches universitaires,
Profac, Bruxelles ,2008, p.297.
* 144Ibidem,
p.296.
* 145Ibidem.
* 146Ibidem.
* 147Ibidem.
* 148Ibidem,
p.297.
* 149Ibidem,
p.298.
* 150Ibidem,
p.299.
* 151 Marc MAESSCHALCK,
« La loi, entre délibération et
apprentissage », p.302.
* 152Ibidem,
p.305.
* 153 John Rogers SEARLE,
La construction de la réalité sociale, p.125.
* 154Ibidem,
p.125.
* 155Ibidem,
p.154 ; dans les pays africains, il est absolument impossible de dire
où finit l'armée et où commencent les bandes
armées, ou qui est « chef militaire» et qui est
« seigneur de guerre ». C'est une
généralisation problématique.
* 156Ibidem,
p.154.
* 157Ibidem,
p.115.
* 158Ibidem.
* 159Ibidem.
* 160 Voir Du contrat
social, Livre II, chap.7, Du législateur.
* 161Ibidem,
p.130.
* 162 Marc
MAESSCHALCK, « Pour une approche génétique de
l'action collective. Relations intra-groupes et relations
exo-groupes », à paraitre.
* 163 Marc
MAESSCHALCK, « Pour une approche génétique de
l'action collective. Relations intra-groupes et relations
exo-groupes », p.22,à paraitre.
* 164Ibidem
,p.46.
* 165Ibidem .
* 166 Jürgen HABERMAS,
Après l'Etat-nation, p.54.
* 167Ibidem,
p.72.
* 168bidem.
* 169Ibidem,
p.68.
* 170.Jürgen
HABERMAS,Droit et démocratie, p.10.
* 171 Andre-Jean ARNAUD,
FARINAS DULCE Maria Jose, Introduction à l'analyse sociologique des
systèmes juridiques, Academia -Bruylant, Bruxelles, 1998, p.286.
* 172Jean -Louis GENARD,
"La justice en contexte" in Le rapport des citoyens à la justice:
composantes de la Problématique, Bruxelles, Centre d'études
sociologiques (FUSL) - Centre interdisciplinaire d'étudesjuridiques
(FUSL) - Département de sociologie (UCL), Louvain, 1999, p.15.
* 173 Jürgen HABERMAS,
Après l'Etat-nation, p.14.
* 174Marc MAESSCHALCK,
Normes et contextes, p.17.
* 175176 Jean - Pierre
Olivier de SARDAN, Anthropologie et développement ; Essai en
socio-anthropologie du changement social, Apad- Karthala, Collection
`Homme et société',1995, Paris, p.32.
* 177 Jean - Pierre Olivier
de SARDAN, Anthropologie et développement ; Essai en
socio-anthropologie du changement social, Apad- Karthala, Collection
`Homme et société',1995, Paris, pp.29, 32.
* 178 Cheik Anta Diop
* 179 Jürgen HABERMAS,
Après Marx, Fayard, édition française, Paris,
1985, p.226.
* 180 Jürgen HABERMAS,
Après Marx, Fayard, édition française, Paris,
1985, p.226.
*
181Ibidem,p.233.
* 182 Jürgen HABERMAS,
Après Marx , traduit de l'allemand par Jean-René
Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature, Suhrkamp , 1976,
Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.118.
* 183 Jean-Cassien BILLIER
et
Aglaé MARYIOLI, Histoire de la philosophie du
droit, Armand Colin,/VUEF , Paris, 2001, p.7.
*
184Ibidem,p.14 .
* 185Ibidem.
* 186 Voir Amartya SEN,
op.cit.,p.21.
* 187Ibidem,p.22.
* 188 Jean De MUNCK
,L'institution sociale de l'esprit ;Nouvelles approches de la raison
,Puf,1999,Paris, p.19.
* 189Ibidem, p.18.
* 190 Amartya SEN,
Ethique et économie, Puf, 2002, p.19.
* 191 George STIGLER , in
Tanner Lectures ,cité par Amartya SEN, Ethique et
économie, Puf, 2002,p.19.
* 192Amartya SEN,
op.cit., p.20.
* 193Ibidem.
* 194 voir Jürgen
HABERMAS, AprèsMarx, traduit de l'allemand par Jean-René
Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette littérature, Suhrkamp ,
1976,Fayard ,1985,Paris .
* 195 KABEYA TSHIKUKU,
op.cit .,p. 40.
* 196Ibidem,
37.
* 197Voir Amartia SEN.
* 198Ibidem, p.
38.
* 199Ibidem, p.
37.
* 200Ibidem,
p.205.
* 201 Jürgen HABERMAS,
Logique des sciences sociales et autres essais, Puf, 1987,
Paris , p.74.
* 202Ibidem.
* 203Ibidem, p.74.
* 204 Jürgen HABERMAS,
Logique des sciences sociales et autres essais, Puf, 1987, Paris ,
p.73.
* 205 Albert MILUMA MUNANGA
G.Tizi, Sociologie générale, sociologie africaine, Notions
d'anthropologie, éditions SOGEDES, Kinshasa, 2009, p.211.
* 206 Albert MULUMA MUNANGA
G.Tizi, Sociologie générale, sociologie africaine, Notions
d'anthropologie, éditions SOGEDES, Kinshasa, 2009, p.203.
* 207 L'approche
naturaliste englobe l'interactionnisme symbolique et l'ethno-
méthodologie. L'approche culturelle des organisations se compare
à l'étude anthropologique de forme de travail, du folklore et
d'une culture.
* 208 Ces recherches
devaient se développer à l'instar des travaux d'élan
novateur tels que la remise en question de Mabika Kalanda, l'histoire
immédiate de Benoit Verheagen, le schéma sociologique de Front
J.J.,la sociologie immédiate de Nyunda ya Kabange,l'anthropologie et la
critique praxéologique de O. Longandjo, la praxio interdiscursive de
Kambayi Wa K.,la psychanalyse sociologique de Ntumba Lusanga, etc.
* 209 Voir
François DUBET, Sociologie de l'expérience, Le Seuil,
Paris, 1994 ; CURCOFF Ph., Les nouvelles sociologies, Nathan,
Paris, 1995.
* 210Luc Van CAMPENHOUDT,
Jean-Michel CHAUMONT, Abraham FRANSSEN, La méthode d'analyse en
groupe ; applications aux phénomènes sociaux, Dunod,
Paris, 2005, p.34.
* 211 Voir Ali KAZANCIGIL
et David MAKINSON (Dir.), Les sciences sociales dans le monde,
l'Unesco,Maison des sciences de l'homme, Paris, 2001.
* 212 Luc Van CAMPENHOUDT,
Jean-Michel CHAUMONT, Abraham FRANSSEN, La méthode d'analyse en
groupe, p.27.
* 213Ibidem,
p.29.
* 214Ibidem,
p.1.
* 215Ibidem ,
p.313.
* 216Jürgen HABERMAS,
Droit et démocratie, entre faits et normes, traduit de
l'Allemand par Rainer Rochltz et Christian Bouchindhomme, Gallimard, Paris,
1997, p.152.
* 217 Le monde vécu
reconstruit et refont la grande sociologie européenne de l'action de
Talcott Parsons ; Jürgen HABERMAS, Logique des sciences sociales
et autres essais, Puf, 1987, Paris , p.140.
* 218 Le Congo RD souffre
d'une question essentielle de compétence.
* 219 Pierre COSSETTE,
L'organisation : une perspective cognitiviste, Presse de
l'Université de Laval, Québec, 2004, p.352.
* 220Ibidem.
* 221Ibidem.
* 222Ibidem,
p.62.
* 223Ibidem,
p.62.
* 224Ibidem,
p.81.
* 225 Jean de MUNCK,
L'institution sociale de l'esprit, Puf, l'interrogation philosophique,
Paris,1999,p.3.
* 226Ibidem ,
p.3.
* 227Ibidem,
p.4.
* 228Ibidem.
* 229Ibidem,
p.3.
* 230Ibidem,
p.92.
* 231Ibidem.
* 232 René
BOUVERESSE, Karl Popper, ou, le rationalisme critique, critique du
relativisme, 2è édition, Vrin, 1998, p.92.
* 233Ibidem.
* 234Ibidem.
* 235 Tom ROCKMORE, On
foundationalisme: A strategy of Metaphysical Realism, Lanham, MD [u.a.]
Rowman & Littlefield ,Harvard ,2004, p.18.
* 236 Les
présupposés philosophiques de John Searle ressemblent fort aux
présupposés du sens commun ou à ce qu'on peut appeler le
« réalisme naïf » : il y a une partie
importante de la réalité qui est indépendante de nos
représentations humaines. Dans son article intitulé
« Rationalité et réalisme : ce qui est en
jeu ? », un article qui présente un résumé
de son livre La construction de la réalité sociale,
à propos de la rationalité en question John Searle parle plus
précisément de la rationalité occidentale.
http://peccatte.karefil.com/SearleRR.html
* 237Ibidem,
p.203.
* 238 John SEARLE, La
construction de la réalité sociale, p.205.
* 239Ibidem,
p.195.
* 240Ibidem,
p.234.
* 241Ibidem.
* 242 John SEARLE, La
construction de la réalité sociale, p.202.
* 243 Jean De MUNCK,
L'institution sociale de l'esprit, p.3.
* 244 Yves BONNY,
op.cit., p.83.
* 245Ibidem.
* 246Ibidem,
p.119.
* 247Yves BONNY,
op.cit.,p.118.
* 248Ibidem,
p.53.
* 249Ibidem.
* 250Ibidem,
p.72.
* 251Ibidem,
p.73.
* 252Yves BONNY,
op.cit., p.72.
* 253Ibidem.
* 254Ibidem,
p.76.
* 255Ibidem,
p.126.
* 256 Voir John SEARLE,
La construction de la réalité sociale.
* 257Ibidem,
p.212.
* 258Ibidem,
p.243.
* 259Ibidem,
p.240.
* 260 Ibidem,
p.234.
* 261 Emile BENVENISTE,
Problèmes de linguiste générale, Gallimard,
Paris, 1966, p.65.
* 262 Voir Arthur
SCHOPENHAUER, Le Monde comme volonté et comme
représentation, Édition F. Alcan, Traduit en français
par A. Burdeau, Paris, 1909-1913.
* 263Ibidem.
* 264Ibidem.
* 265 Michel PATY, La
physique du XX è siècle, EDP Sciences, Paris, 2003, p.5.
* 266Ibidem.
* 267 Jean Michel
BERTHELOT, Sociologie : Epistémologie d'une discipline ;
Textes fondamentaux, Puf ,2000, Paris ,p.388.
* 268Ibidem ,
p.134.
* 269Ibidem,
p.133.
* 270 Cité par Jean
De MUNCK, L'institution sociale de l'esprit, p.3.
* 271Ibidem ,
p.134.
* 272 Charles TAYLOR,
Hegel et la société moderne, Cerf, 1998, p. X.
* 273 Stanley
HOFFMANN, « Mondes idéaux », dans John
RAWLS, Le droit des gens, Ed. Esprit, Paris, 1996, p.132.
* 274 Stanley
HOFFMANN, art.cit., p.132.
* 275Arnaud
SCHMIT, « Les communautés ethnocentriques, selon Richard Rorty
», in YC GRANDJEAT (Dir.) , Le sens de la communauté dans les
sociétés, les littératures et les arts d'Amérique
du Nord, Annales du CLAN n°30, Maison des Sciences de l'Homme
d'Aquitaine, Pessac ,2006, p.229.
* 276 John Rogers SEARLE,
La construction de la réalité sociale, p.212.
* 277Ibidem.
* 278Blandine DESTREMAU,
Agnès DEBOULET, François IRETON, op.cit.,38.
* 279 Gérard FOUREZ,
La construction des sciences : les logiques des inventions
scientifiques, 2001, De Boeck Université, Bruxelles, p.368.
* 280Ibidem,
p.375.
* 281Ibidem,
p.375.
* 282 Guy BOIS, La
grande dépression médiévale : ce
précédent d'une crise systémique, Puf, Paris, 2000,
p.173.
* 283 Saint MAXIMIN,
« Revue doctrinale de la théologie et de
philolophie »,inRevue thomiste de Saint Maximin(France),
Ecole de Théologie pour les missions, (Toulouse ,France),
Desclée,1914 ,p.376.
* 284Ibidem,
p.81.
* 285 Gérard
DELEDALLE, La philosophie américaine, De Boeck
Université, Bruxelles, 1998, p.96
* 286Ibidem,
p.99.
* 287 SANTAYANA,
Scepticisme and Animal Faith, New York, Charres Scribner 's, Ins.
1923, p.VII, cité par Gérard DELEDALLE, La philosophie
américaine, De Boeck Université, Bruxelles, 1998,
p.96.
* 288Ibidem.
* 289Ibidem,
p.101.
* 290 Gérard
DELEDALLE, La philosophie américaine, p.96
* 291 Robert
FRANCK, « Les explications causales, fonctionnelles,
systémiques ou structurales et dialectiques, sont -elles
complémentaires ? » in Faut-il chercher aux causes
une raison ? L'explication causale dans les sciences humaines, VRIN,
Paris, 1994, p.294.
* 292Ibidem,
p.294.
* 293Ibidem.
* 294Ibidem,
p.295.
* 295 Pierre
LIVET, « Action et cognition en sciences sociales »,
dans (Dir. Jean-Michel BERTHELOT) dans Epistémologie des sciences
sociales, Puf, 2001, p.295.
* 296 Voir Paul BARGUET,
Le livre des morts des anciensEgyptiens, Editions du Seuil, Paris,
1979 ; cité par Cheikh MOCTAR BA, Etudes comparatives entre les
cosmogonies grecques et africaines, L'Harmattan, Paris, p.251.
* 297Ibidem.
* 298 Théophile
OBENGA, L'Egypte, la Grèce et l'école d'Alexandrie :
histoire culturelle dans l'Antiquité : aux sources
égyptiennes de la philosophie grecque, L'Harmattan, Kinshasa,
Budapest, Paris, 2006, p.33.
* 299 Guy RACHET
(Présentation et notes), Le livre des morts des anciens
Egyptiens, France Loisirs, Paris, 1994, p.111.
* 300 Mbog BASSONG, Les
fondements de l'état de droit en Afrique précoloniale,
L'Harmattan, Paris, 2007, p.215.
* 301 Alan Henderson GARDINER,
Egyptian Grammar,1927.
* 302 Yves Valentin
MUDIMBE, L'odeur du père, Présence africaine, Paris,
1982, p.193.
* 303Ibidem,
p.194.
* 304Ibidem,
p.13.
* 305Ibidem,
pp.136.
* 306 Jean POUILLON, Pierre
MARTANDA, Echange et communication : mélanges offertes à
Claude Lévi-Strauss à l'occasion de son 60 è
anniversaire, Mouton, La Haye, 1970, p.944.
* 307Ibidem,
p.261.
* 308Ibidem,
p.263.
* 309 Jean-Michel
BERTHELOT, « Les sciences du social», dans
Epistémologie des sciences sociales, Puf, 2001, p.228.
* 310Ibidem,
p.228.
* 311 Raymond QUIVY, Luc
Van CAMPENHOUDT, La recherché en science sociale, 2006,
p.125.
* 312 Voir Lucien SFEZ,
La communication, Puf, 1991, Paris.
* 313 Raymond QUIVY, Luc
Van CAMPENHOUDT, La recherché en science sociale, 2006,
p.126.
* 314 Le
« système d'action et le monde vécu », est un
de postulat développé à partir de concept architectonique
de « Tout et ses parties », il couvre la plupart des
approches théoriques en sciences sociales, voir Jürgen HABERMAS,
Théorie de l'agir communicationnel, Pour une critique de la raison
fonctionnaliste, Tome 2, Fayard, 1987.
* 315Yves Valentin
MUDIMBE, « La culture congolaise », dans
(Dir.) Jacques VANDERLINDEN, Du Congo au Zaïre.1960-1980. Essai de
bilan, Centre de recherche et d'information socio-politiques- CRISP,
Bruxelles, 1980, p.398.
* 316 H.NTUMBA LUKUNGA,
art.cit., p.53.
* 317Ibidem,
pp.132-139.
* 318 Cités par
Barnabé MILALA, « La lutte contre la pauvreté et
le respect des droits économiques, sociaux et culturels en
Afrique : Apport du panafricanisme » dans Cahiers Africains
des Droits de l'Homme et de la Démocratie, N° 21, Vol.I,
Janvier -Mars 2005, Kinshasa, p.52 ; MUDIMBE
Y.V., « libération d'une parole africaine. Notes sur
quelques limites du discours scientifique », in MUTUZA KABE,
Apport des philosophes zaïrois à la philosophie africaine,
Presse universitaire du Zaire, Kinshasa, 1987, pp.132-139.
* 319Ibidem,
pp.132-139.
* 320 KASEREKA
KAVWAHIREHI, Y .V .Mudimbe et la ré -invention de
l'Afrique poétique et politique de la décolonisation des sciences
humaines, 2 è édition, Netlibrary ,Rodopi,
Amsterdam ;New York,2006, p.336.
* 321Ibidem,
p.217.
* 322 KASEREKA
KAVWAHIREHI, Y .V .Mudimbe et la ré -invention de
l'Afrique poétique et politique de la décolonisation des sciences
humaines, 2 è édition, Netlibrary ,Rodopi,
2006,Amsterdam ;New York,,p.336.
* 323 MAMADOU DIOUF,
L'historiographie indienne en débat : colonialisme,
nationalisme et sociétés postcoloniales, Karthala,
Amsterdam, 1999, p.29.
* 324Ibidem,
p.29.
* 325 Bernard MOURALIS,
Y .V.Mudimbe ou le discours, l'écart et l'écriture,
Présence africaine, 198, p.104.
* 326KASEREKA KAVWAHIREHI,
Y .V . Mudimbe, p.24.
* 327 Janet VAILLANT, Abdou
DIOUF, Vie de Léopold Sédar Senghor, Karthala, Paris,
2006, p.18.
* 328Présence
francophone : revue internationale de langue et de
littérature, Université de Sherbrooke, Centre d'étude
des littératures d'expression française, 2003, p.49.
* 329 Jules VANDERLINDER
(Dir.), Du Congo au Zaïre.1960-1980. Essai de bilan, Centre de
recherche et d'information socio-politiques- CRISP, Bruxelles, 1980, p.392.
* 330Yves Valentin
MUDIMBE, « La culture congolaise », dans
Jacques VANDERLINDEN (Dir.), Du Congo au Zaïre.1960-1980. Essai de
bilan, Centre de recherche et d'information socio-politiques- CRISP,
Bruxelles, 1980, p.390.
* 331Yves Valentin
MUDIMBE, « La culture congolaise »,
art.cit., p.398.
* 332Yves Valentin
MUDIMBE, « La culture congolaise »,
art.cit., p.395.
* 333 Yves Valentin
MUDIMBE, L'autre face du royaume, Lausanne, Éditions
L'Âge d'homme, 1973, p.35 ; Justin KALULU BISANSWA,
« V. Y. Mudimbe. Réflexion sur les sciences humaines et
sociales en Afrique », Cahiers d'études africaines,
160,2000 ; http://etudesafricaines.revues.org/document45.html
* 334NTUMBA LUKUNGA
, « La remise en question théorique et
méthodologique des sciences sociales et humaines au Congo : Effort
de contextualisation » dans Sylvain SHOMBA KINYAMBA( Dir.) , Les
sciences sociales au Congo -Kinshasa :Cinquante ans
après :quel apport ?,L'Harmattan, Paris,2007,p.52.
* 335 Benoit VHERAEGEN,
Introduction à l'Histoire Immédiate, Sociologie
nouvelle, Théorie, éd.J. Duculot , 1974,p.162.
* 336Ibidem,
p.159.
* 337 Mgr Gillon qui a
bâti l'Université Lovanium, aurait aussi
bénéficié de ce même genre de fonds.
* 338Robert HEINER,
Social problems: an introduction to critical constructionism , Oxford
University Press, Oxford, New York, 2002, p.68.
* 339 Le « fait
social » est une terminologie qui diffère des faits
institutionnels chez John Searle. Les faits sociaux prennent en compte aussi
bien les animaux puisque capables d'actions collectives que les hommes. Le
fait institutionnel renvoie plutôt à la structure de symbolisation
et l'imposition de fonctions -statut.
* 340 Magali UHL, Jean
-Marie BROHM, Le sexe des sociologues, La lettre volée,
Bruxelles, 2003, p.13.
* 341 Blandine DESTREMAU,
Agnès DEBOULET, François IRETON, Dynamique de la
pauvreté en Afrique du Nord et au Moyen -Orient, 2004, p. (64).
* 342Ibidem.
* 343Ibidem.
* 344Ibidem.
* 345Ibidem.
* 346 Ian HACKING,
Entre science et réalité sociale. La construction sociale de
quoi ?, la découverte, Paris, 2001, p.27.
* 347L'Europe et le Sud
à l'aube du XXI è siècle, enjeux et renouvellement de la
coopération, Actes de la 9 è conférence
générale de l'EADI, Karthala, Paris, 2002,p.68.
* 348 Monique HIRSCHHORN,
L'individu social : autres réalités, autres
sociologies ? Presse de l'Université de Laval, Laval,2007,
p.170.
* 349Ibidem.
* 350Ibidem.
* 351 Voir Smith BARRY,
John Searle, Cambridge, Cambridge University Press, 2003 ;Sylvie
MESURE, Patrick SAVIDAN (Dir.), Dictionnaire des sciences humaines,
collections `Grands Dictionnaires', Puf, Paris, 2006.
* 352 Georg SIMMEL,
Etudes sur les formes de la socialisation, Puf, Paris, 1999,pp.
63-79.
* 353 Linda ROULEAU,
Théories des organisations : approches classiques,
contemporaines et de l'avant-garde, Québec, Presses universitaire
de Québec, 2007, p.163.
* 354Philippe JONNAERT,
Compétences et socioconstructivisme : un cadre
théorique, troisième tirage, De Boeck, Bruxelles, 2006.
* 355 Blandine DESTREMAU,
Agnès DEBOULET, François IRETON, Dynamique de la
pauvreté en Afrique du Nord et au Moyen -Orient, Khartala,
2004, p.63.
* 356 Blandine DESTREMAU,
et alii, op.cit., p. 65.
* 357 Ian HACKING,
Entre science et réalité sociale. La construction sociale de
quoi ?, la découverte, 2001, Paris, p.27.
* 358 Henri DORVIL et
Robert MAYER (Dir.), Problèmes sociaux,Théories et
méthodologies, Presses de l'Université du Québec,
Tome 1, Sainte-Foy, 2001, p.117.
* 359 Linda ROULEAU,
op.cit., p.161.
* 360 John SEARLE, La
construction de la réalité sociale, p.11.
* 361Ibidem,
p.13.
* 362Ibidem, p.10.
* 363 Blandine DESTREMAU,
op.cit., p. 65.
* 364Ibidem, p.
(65).
* 365Ibidem.
* 366 Christian NADEAU,
La philosophie de l'histoire : hommages offerts à Maurice
Lagueux, Université de Laval, Saint -Foy, Québec, 2007,
p.282.
* 367 Gloria ORIGGINI
, « croyance, déférence et
témoignage » dans Elisabeth PECHERIE, Joëlle
PROUST(Dir.),La philosophie cognitive, Fondation de la maison de la
science de l'homme, Orphrys, Paris,
p.144.
* 368Ibidem.
* 369 Elisabeth PECHERIE,
Joëlle PROUST (Dir.), La philosophie cognitive, Fondation de la
maison de la science de l'homme, Orphrys, Paris,
p.147.
* 370 Gloria ORIGGINI,
art.cit., p.158.
* 371Ibidem.
* 372Ibidem.
* 373 Elisabeth PECHERIE,
Joëlle PROUST (Dir.),op.cit .,p.145.
* 374Ibidem,
p.152.
* 375Ibidem.
* 376Ibidem.
* 377Ibidem,
p.148.
* 378Elisabeth PECHERIE,
Joëlle PROUST (Dir.),op.cit .,p.156.
* 379 Linda ROULEAU,
Théories des organisations : approches classiques, Presses
Universitaires de Québec, Québec, 2007, p.161.
* 380Ibidem,
p.162.
* 381 Barthélemy
COURMONT, L'empire blessé : Washington à
l'épreuve de l'asymétrie, P.U.M, Montréal, 2001
p.77.
* 382Ibidem,
p.14.
* 383Ibidem,
p.15.
* 384 Voir Sylvie MESURE,
Patrick SAVIDAN (Dir.), Dictionnaire des sciences humaines,
collections `Grands Dictionnaires',Puf, p.2006.
* 385Ibidem.
* 386 Ruwen
OGIEN, « La philosophie des sciences sociales », in
Jean-Michel BERTHELOT (Dir.), Epistémologie des sciences
sociales, Puf, 2001, Paris, p.534.
* 387Alionne SALL (Dir.),
La compétitivité future des économies africaines,
Actes du Forum de Dakar 5 du 3 au 5 mars 1999 ,organisé par
l'équipe de Futur africain, éd. Khartala, Sankoré, Futur
africain, Abidjan, Dakar, Paris, 2000, p.9.
*
388Ibidem ,p.9.
* 389Ibidem,
p.12.
* 390Ibidem.
* 391Ibidem,
p.377.
* 392Ibidem.
* 393Ibidem,
205.
* 394Ibidem,
211.
* 395Ibidem,
211.
* 396Hannah ARENDT,
Condition de l'homme moderne, p.285.
* 397Ibidem,
p.283.
* 398 Ibidem,
p.284.
* 399Ibidem,
p.285.
* 400Ibidem,
p.286.
* 401 Ibidem,
P .279.
*
402Ibidem.,p.286.
* 403Ibidem.
* 404Jürgen
HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel, critique de la
raisonfonctionnaliste, T2, éd.Fayard, 1987, Paris, p.333.
* 405Hannah ARENDT,
Condition de l'homme moderne, p.284.
* 406 Ibidem,
p.160.
* 407Ibidem,
p.286.
* 408Ibidem,
p.286.
* 409 Jürgen HABERMAS,
Théorie de l'agir communicationnel, T.1, p.351.
* 410. Ibidem,
p.361.
* 411 .Ibidem,
p.374.
* 412 Ibidem,
p.384.
* 413Voir .HUISMAN
(Dir.), Dictionnaire des philosophes, PUF, Paris, 1984, p.1126.
* 414. Ibidem,
p.370.
* 415.Ibidem.
* 416Jürgen
HABERMAS, Connaissance et intérêt, Gallimard, Paris,
1976, p.24.
* 417Ibidem, p.67.
* 418Ibidem,
p.65.
* 419Ibidem,
p.60.
* 420Ibidem, p.19
(préface)
* 421Ibidem,
p.20.
* 422Jürgen
HABERMAS, Connaissance et intérêt, p.19.
* 423Ibidem.
* 424Ibidem,
p.60.
* 425Ibidem.
* 426Ibidem.
* 427Jürgen HABERMAS,
Après Etat-Nation, une constellation politique, Fayard, Paris,
p.19.
* 428Ibidem,
p.25.
* 429Voir HUISSMAN
(Dir.), Dictionnaire des philosophes, p.1130.
* 430Ibidem,
P.400.
* 431Ibidem,
p.11.
* 432Ibidem, p.63.
* 433Ibidem, P.
12.
* 434 MUTUNDA
MWEMBO, « Des fondements philosophiques des droits de
l'homme », dans Traité d'Educations de l'Homme en
République Démocratique du Congo, Sous la Direction de Prof.
KALINDYE BYANJIRA, Editions de l'institut Africain des Droits de l'Homme et de
la Démocratie, Kinshasa, 2004, p.73.
* 435Ibidem,
cité par MUTUNDA, John RAWLS, Théorie de la justice,
Paris, Seuil, 1987, Pp.30-31.
* 436 John RAWLS,
Théorie de la justice, éditions du Seuil, Paris,
p.206.
* 437Ibidem.
* 438Benjamin
BARBER, « Démocratie et économie de
marché », dans La démocratie est une
discussion, l'engagement civique dans les nouvelles démocraties et
anciennes, Connectitut College, 1997, p.32.
* 439 Michel WIEVIORKA,
Aude Marie DEBARLE, Les sciences en mutations, 2007, p.27.
* 440 Marc MEASSCHALCK,
Epilogue, Nivelles, (Belgique), 2009, p.270. (À paraitre). Ce
texte porte sur ce que nous pouvons appeler les tâches actuelles de la
philosophie des normes.
* 441Ibidem.
* 442Ibidem.
* 443Ibidem.
* 444Ibidem.
* 445 Janet VAILLANT, Abdou
DIOUF, Vie de Léopold Sédar Senghor, Karthala, 2006,
Paris, p.1
* 446 Georges BALANDIER,
Le « tiers monde », sous -développement et
développement, Puf, 1961, p.16.
* 447Marc MAESSCHALCK,
Normes et contextes, p.26.
* 448Ibidem,
162.
* 449Ibidem,
p.27.
*
450Ibidem,p.81.
*
451Ibidem,p.91.
*
452Ibidem,p.123.
*
453Ibidem,p.126.
*
454Ibidem,p.124.
* 455Ibidem,
p.30.
* 456Ibidem,
p.33.
*
457Ibidem,p.163.
* 458 Jürgen HABERMAS,
Théorie et pratique, Payot, Hermann Luchterhand Verlag, 1963,
éditions Payot et Rivages, Paris, 2006, p.345.
* 459 Marc MAESSCHALCK,
Normes et contextes, p.116.
*
460Ibidem,p.82.
* 461 Jürgen HABERMAS,
Théorie et pratique, p.342.
* 462Ibidem.
* 463Ibidem,
p.342.
* 464Ibidem,
p.30.
* 465Ibidem,
p.28.
* 466Ibidem,
p.128.
* 467 Jean De MUNCK,
L'institution sociale de l'esprit, Puf, Paris,1999, p.93.
* 468Ibidem,
p.93.
* 469 Marc MEASSCHALCK,
Normes et contextes, p.2.
* 470 Jürgen HABERMAS,
Théorie et pratique, p.345.
* 471Ibidem,
p.345.
*
472Ibidem,p.84.
*
473Ibidem,p.85.
* 474Ibidem,
p.26.
* 475Ibidem,
p.2.
* 476 Marc MAESSCHALCK,
« Entre éthique et gouvernance : la philosophie des
normes », Introduction. Manuscrit à paraitre.
* 477Ibidem.
* 478Ibidem.
* 479 Marc MAESSCHALCK,
Démocratie et acteurs collectifs ou
« comment construire les conditions d'une démocratie
d'acteurs collectifs ? », Note interne, Université
catholique de Louvain, Janvier 2009, CPDR, p.17 .
* 480Jean Jacques
ROUSSEAU, « Discours sur cette question proposée par
l'académie de Dijon : Quelle est l'origine de
l'inégalité parmi les hommes et si elle est autorisée par
la loi naturelle », dans Oeuvres philosophiques de Jean Jacques
Rousseau, Garnier, Paris, 1966, p.39.
* 481Philipe RAYMOND et
Stéphane RIALS, (Dir.), Dictionnaire la philosophie politique,
Puf, Paris, 1996, p.194.
* 482Ibidem,
pp.354-355.
* 483Philipe RAYMOND et
alii, op.cit., P.428.
* 484Ibidem,
p.429.
* 485Ibidem,
p.430.
* 486Ibidem.
* 487Ibidem.
* 488Ibidem.
* 489Ibidem,
p.432.
* 490Ibidem.
* 491Ibidem,
p.433.
* 492Ibidem,
p.434.
* 493Jürgen HABERMAS,
l'éthique de la discussion et la question de la
vérité, Bernard Gasset, Paris, 2003, p.78.
* 494Ibidem,
p.29.
* 495) Jürgen.
HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel. Rationalité de
l'agir et rationalisation de la société, Fayard, Tome 1,
Paris, p. 315.
* 496 Jacques DUBOIS,
Pascal DURAND, Le symbolique et le social : réception
internationale de la pensée de Pierre Bourdieu, Actes du Colloque
de Carisy -la- Salle, Edition de l'Université de Liège,
Liège, 2005, p.18.
* 497 Ibidem.
* 498
Frédéric KECK, Le problème de la mentalité
primitive, Lévy- Bruhl, entre philosophe et anthropologie,
Thèse de doctorat, Université, Charles de Gaulle -Lille III,
U.F.R. de philosophie, 2003, p.4. (Inédit)
* 499
Frédéric KECK, Le problème de la mentalité
primitive, Lévy- Bruhl, entre philosophe et anthropologie,
Thèse de doctorat, Université, Charles de Gaulle -Lille III,
U.F.R. de philosophie, 2003, p.4. (Inédit)
* 500 Patrick CHAMPAGNE et
Olivier CHRISTIN, Mouvements d'une pensée, Pierre Bourdieu,
Bordas, Paris, 2004, p.24.
* 501 Pierre BOURDIEU,
Méditations pascaliennes, éditions du Seuil, Paris,
1997, p.65.
* 502 Pierre BOURDIEU,
Méditations pascaliennes, éditions du Seuil, Paris,
1997, p.65.
* 503Ibidem,
p.4.
* 504Ibidem,
p.5.
* 505Ibidem,
p.7.
* 506 Ibidem.
* 507
Frédéric KECK, Le problème de la mentalité
primitive, p.8.
* 508Ibidem.
* 509
Frédéric KECK, Le problème de la mentalité
primitive, p.7.
* 510Frédéric
KECK, Le problème de la mentalité primitive, p.7.
*
511Ibidem,p.6.
* 512 Raphaël NTAMBUE
TSHIMBULU, La logique formelle en Afrique noire, Problématique,
enseignement et essais, Bruylant- Academia , Bruxelles, 1997, p.21.
* 513Ibidem,
p.11.
* 514Ibidem,
p.12.
* 515Ibidem.
* 516Ibidem.
* 517 Pierre POURDIEU,
La distinction, critique sociale du jugement, les éditions de
Minuit, Paris, 1979, p.545.
* 518 Willard Van Orman
QUINE, Le mot et la chose, traduit de l'américain par les
Professeurs Joseph Dopp et Paul Gochet, Flammarion, Paris, 1977, p.63.
*
519Ibidem ,p.331.
* 520
W.V.O.QUINE,op.cit.,p.81.
*
521Ibidem,p.60.
*
522Ibidem,p.31.
* 523 Cheik Anta Diop
indiquent que les deux schèmes peuvent être concurremment
indo-européen et africain.
* 524 Voir Tshimalenga
Ntumba sur le Projet africain au 17e congrès international de
philosophie à Mont Real au Canada en 1984.
*
525Ibidem,p.371.
*
9Ibidem ,p.38.
*
4Ibidem ,p.331.
* 5
Ibidem,p.342.
* 526 Jürgen Habermas,
La logique des sciences sociales et autres essais, Suhrkam Vergag,
Frankfurt am Main, 1984, puf, Paris, 1987, p.16.
* 527 Ernest CASSIRER,
Trois essais sur le symbolique, Oeuvres VI, Cerf, Paris,
1997,p.149.
* 528 Cassirer,
Philosophie des formes symboliques, t.I., (1923),trad.Ole Hansen Love et
J. Lacoste,Ed.de Minuit ,1972,p.19-20 ; Jürgen Habermas, La
logique des sciences sociales et autres essais, Suhrkam Vergag, Frankfurt
am Main, 1984, puf, Paris, 1987,p.15.
* 529 Fabien CAPEILLERES,
« Concept de forme symbolique dans l'édification des sciences
de l'esprit » in E. CASSIRER, Trois essais sur e symbolique,
Cerf, Paris,1997,p.150.
* 530 Ernest CASSIRER,
Trois essais sur le symbolique, Oeuvres VI, Cerf, Paris, 1997,
p.75.
* 531 Ernest CASSIRER,
Trois essais sur le symbolique, Oeuvres VI, Cerf, Paris, 1997,
p.75.
* 532 Ernest CASSIRER,
Trois essais sur le symbolique, Oeuvres VI, Cerf, Paris, 1997,
p.67.
* 533Ibidem,
p.284.
* 534Tiarko FOURCHE et
Henri MORLIGHEM, Une bible noire, Max Arnold, Bruxelles, 1976, p.37.
* 535 Ibidem, p.19.
* 3 Ibidem,p.9.
* 536 C'est un recueil qui
réunit des cosmogonies traditionnelles de la région congolaise
qui va de la rivière Lomami à la rivière Kasaï, en RD
Congo.
* 537Notre recherche est
menée dans le cadre de l'Institut des textes africains (ITA) crée
par Marcel Tshiamlenga Ntumba relayé par le Centre de recherche en
épistémologie des sciences sociales et Humaines , Cressh , qui se
sont assignés comme objectifs de collecter les textes africains, et de
tradition similaire (l'axe asiatique avec des connaissances védiques de
l'indianité ) les faire connaître, et les analyser. Tous ces
textes et ces livres sont philosophiquement présentés par le
Centre. Le Centre mène des recherches sur les aires culturelles de la
RD Congo pour le moment : Anamongo, Nekongo , Luba-Kasaï, Luba-Katanga
,Lunda- Kasaï, etc. La révélation de Tshiakani se
trouve dans cette dernière double aire culturelle. Le Centre veut en
fait philosopher à partir des textes africains et de la situation
africaine concrète. Il s'agit selon la démarche entreprise de
sérier la thématique en mythe, en récit religieux et
astronomiques, l'art, le récit totémique, etc., de restituer les
textes, les reconstruire historiquement, si possible de façon
systématique à partir des quelques concepts centraux, et enfin de
les reconstruire créativement en rapport avec des questions actuelles
selon la méthode de reconstruction de Tshiamalenga Ntumba. Notons que la
reprise de la thématique de la religiosité est récurrente
et peut être reconstruite et reprise profondément à partir
de l'oralité africaine,i.e. d'Une bible noire.
* 538Voir T.FOURCHE et
H.MORLIGHEM, Une bible noire, Max Arnold, Bruxelles ,1974.
* 539 C'est un recueil qui
réunit des cosmogonies traditionnelles de la région congolaise
qui va de la rivière Lomami à la rivière Kasaï, en RD
Congo.
* 540 Marc PONCELET,
Sciences sociales, colonisation et développement ; une histoire
sociale du siècle d'africanisme belge, Dissertation doctorale,
Université de l'Ille I, Tome I, 1995, (inédit), p.461.
* 541Ibidem,
p.462.
* 542Ibidem,
p.65 ; les commentaires soutiennent qu'à propos de la physiologie
d'Une bible noire, la conception de ce qui est appelé ici
les centres de l'homme, liés à des facultés et
pouvoirs, réunit des notions particulières de physiologie et une
notion très comparable à celle de Chakras Hindu. Cakras:
Sanskrit: «roue». Un lieu de concentration d'énergie et de
conscience situé dans les corps intérieurs de l'être
humain. Ce seraient les centres nerveux, plexus et ganglions, ainsi que les
glandes qui correspondent aux chakras principaux, qui se trouvent dans le corps
physique, le long de la colonne vertébrale, du bas jusqu'au sommet du
crâne. (Notons qu'il y a correspondance, et non identité entre les
chakras et les centres nerveux, glandes, etc.) Il y a sept chakras principaux
qui sont les plus connus et le plus souvent décrits dans les livres.
Mais en réalité, il y en a d'autres encore. On peut voir les
chakras par le psychique; ils ressemblent à des lotus aux nombreux
pétales de diverses couleurs. Voir: manipura-chakra, muladhara-chakra,
nadi, sahasrara-chakra.
* 543 Yannick JAFFRE et
Jean Pierre OLIVIER DE SARDAN (Dir.), La construction sociale de la
réalité des maladies, entités nosologiques populaires en
Afrique de l'ouest, Paris, Puf, 1999, p.7.
* 544Ibidem,
p.7.
* 545Ibidem
p.11.
* 546Ibidem,
pp.7,11.
* 547Ibidem
,p.17.
* 548 Yannick JAFFRE et
Jean Pierre OLIVIER DE SARDAN (Dir.), op.cit ., pp.18, 19.
* 549Ibidem,
p.18.
* 550Pierre BOURDIEU,
La distinction , p.545.
* 551Ibidem
,p.547.
* 552 Pierre BOURDIEU,
Méditations pascaliennes, p.216.
* 553Pierre BOURDIEU,
La distinction, p.512.
* 554 Pierre BOURDIEU,
Méditations pascaliennes, p.214.
* 555Ibidem
,p.217.
* 556Ibidem,
p.218.
* 557Ibidem,
p.217.
* 558Pierre BOURDIEU,
La distinction, p.546.
* 559Ibidem,
p.547.
* 560 Pierre POURDIEU,
Méditations pascaliennes, p.208.
* 561Ibidem
,p.209.
* 562Ibidem,
p.209.
* 563Ibidem,
p.189.
* 564 Robert VION, La
communication verbale, analyse des interactions, Hachette, 1992, 2000,
Paris, p. 17.
* 565 Si le mot
anthropologie est écrit tout seul il se réfère à
l'anthropologie physique.
* 566 Jürgen HABERMAS,
Après Marx , traduit de l'allemand par Jean-René
Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature, Suhrkamp , 1976,
Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.147,
* 567 Voir Jürgen
HABERMAS, Après Marx ,traduit de l'allemand par
Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature,
Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.147.
* 568 Voir Jürgen
HABERMAS, Après Marx ,traduit de l'allemand par
Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature,
Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.150.
* 569 Voir Jürgen
HABERMAS,Après Marx ,traduit de l'allemand par
Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature,
Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.151.
* 570 Cheick Anta DIOP,
Civilisation ou barbarie, une anthropologie sans complaisance,
Présence Africaine, Pris,1981, p.
* 571 Nous pouvons
étayer une thèse créationniste sans vraiment
perturbé la logique de la matière.
* 572 Voir Jürgen
HABERMAS, Après Marx , traduit de l'allemand par
Jean-René Ladmiral et Marc B.de Launay, Hachette Littérature,
Suhrkamp , 1976, Librairie Arthéme Fayard,1985, Paris, p.147.
* 573Ibidem.
* 574 Jürgen HABERMAS,
Logique des sciences sociales et autres essais, Puf, 1987,
Paris , p.138.
* 575 Voir Jürgen
HABERMAS, Logique des sciences sociales et autres essais, Puf, 1987,
Paris.
* 576 Jürgen HABERMAS,
Logique des sciences sociales et autres essais, Puf, 1987,
Paris , p.340.
* 577 Lucien SFEZ, La
communication, Huitième édition, puf, Paris , 1991, p.10.
* 578 Lucien SFEZ, La
communication, Huitième édition, puf, Paris , 1991, p.11.
* 579 « A propos de
Schütz parle de «stock of knowledge at land »
(réservoir de connaissances immédiatement disponibles) du
« (common sense knowledge »( savoir de sens commun ) qui
remplit le « every day world »(monde de tous les
jours). ... Anticipant par là certaines analyses husserliennes du
monde vécu », Jürgen HABERMAS, Logique des sciences
sociales et autres essais, Puf, 1987, Paris,p.140,142 .
* 580 Nathalie JANZ,
Globus symbolicus Ernest Cassirer un épistémologue de la
troisième voie ?, Préface de John Michael Krois,
éd . KIME,Paris, 2001,p.73.
* 581 Nathalie JANZ,
Globus symbolicus Ernest Cassirer un épistémologue de la
troisième voie ?, Préface de John Michael Krois,
éd . KIME,Paris, 2001,p.76.
* 582 Lucien SFEZ, La
communication, Huitième édition, puf, Paris , 1991,
p. 3.
* 583 Lucien SFEZ, La
communication, Huitième édition, puf, Paris , 1991,
p. 4.
* 584 Garde ton coeur plus que
toute autre chose , car c'est de lui que vient la source de la vie. Le coeur
est le siège de la vie. Les grands savants créent à partir
de leur culture.
* 585 Marc MAESSCHALCK,
« Les enjeux politiques se l'apprentissage collectif de
l'éthique », dans Revue d'éthique et de
théologie morale, éd. du Cerf, n° 251,2008, pp.65 - 81.
* 586 Marc MAESSCHALCK,
« Pour une approche génétique de l'action collective.
Relations intra-groupes et relations exo-groupes », p.22, à
paraitre.
* 587 Le terme pragmatique
peut prêter à confusion, lorsque l'on sait la pragmatique
universelle d'Habermas est toujours déjà pratique. Souligner les
types de représentation sociale reste d'une importance première.
Ce dernier ne semble s'être suffisamment étendu sur le
cognitivisme turn.
* 588 Marc MAESSCHALCK,
« Pour une approche génétique de l'action collective.
Relations intra-groupes et relations exo-groupes », p.25, à
paraitre.
* 589Marc MAESSCHALCK,
Normes et contextes, OLMS, Hildesheim -Zürick- New York,
2001,p.123.
*
590Ibidem,p.123.
* 591 Marc
MAESSCHALCK, « Pour une approche génétique de
l'action collective. Relations intra-groupes et relations
exo-groupes », dans Marc MAESSCHALCK (Dir.), Ethique et
gouvernance ; les enjeux actuels d'une philosophie des normes, OLMS,
Hildesheim- Zürich- New York, 2009,p.22.
* 592 P.WATZLAWICK,
J.HELMICK-BEAVIN et D.JACKSON, Une logique de la communication, Ed.du
Seuil, Paris, p.16.
* 593Ibidem,,p.16.
* 594Ibidem.
* 595 Ibidem,
p.158.
* 596 Ibidem,
p.157.
* 597 Ibidem, p.161.
* 598Ibidem, p.
* 599 Ibidem, p.168.
* 600 P.WATZLAWICK, J.
HELMICK-BEAVIN et D.JACKSON, Une logique de la communication, Ed. du
Seuil, Paris, p.152.
* 601Ibidem, p.1
* 602 Ibidem, p.154.
* 603 Paul WATZLAWICK,
J.HELMICK-BEAVIN et D.JACKSON, Une logique de la communication, Ed. Du Seuil,
Paris, p.155.
* 604 Gérard
GENETTE, op.cit., p.71.
* 605 Idem,
p.71.
* 606 Ibidem.
* 607 Gérard
GENETTE, op.cit., p.75.
* 608Idem,
p.74.
* 609Ibidem,
p.76.
* 610Ibidem,
p.74.
* 611 Gérard
GENETTE, op.cit., p.203.
* 612 Idem,
p.75.
* 613 Algirdas Julien
GREIMAS, sémantique structurale, Librairie
Larousse, « langue et langage », 1966, Paris,
p.173.
* 614 Oswald DUCROT et de
Tzvetan TODOROV, Dictionnaire encyclopédique des sciences du
langage, Edition du Seuil, Points, 1972, p.405.
* 615 Algirdas Julien
GREIMAS, op.cit. , p.180.
* 616Idem,
p.175.
* 617 Jürgen HABERMAS,
Théorie de l'agir communicationnel, rationalité de l'agir et
rationalisation de la société, Tome I, Fayard, 1987,
p.92.
* 618 Claude LEVI-STRAUSS,
Anthropologie structurale, Plon, Paris, 1958, p.37.
* 619Ibidem,
p.344.
* 620 Robert FRANCK,
« Histoire et structure », dans Jean-Michel BERTHELOT
(Dir.) Epistémologie des sciences sociales, Puf, p. 344.
* 621Ibidem,
p.52.
* 622Ibidem,
p.43.
* 623Ibidem,
p.48.
* 624 Voir Pierre LIVET et
Ruwen OGIEN, L'enquête ontologique du mode d'existence des objets
sociaux, éd. Ecole des Hautes études en sciences sociales,
Paris, 2000.
* 625 Laurent MCFALLS,
Nicolas LIORZOU, Julie PERREAULT, ANCA-ELENA MOT, Construire le
politique : contingence, causalité et connaissance dans la science
politique, Presses de l'Université de Laval, Québec, 2006,
p.19.
* 626 Voir Pierre LIVET et
Ruwen OGIEN, L'enquête ontologique du mode d'existence des objets
sociaux, éd. Ecole des Hautes études en sciences sociales,
Paris, 2000.
* 627 (R. GHUGLIONE et J-F.
RICHARD, Cours de psychologie, processus et application, Dunod, 1992,
1999, p.XX.
* 628Ibidem.
* 629 Yves BONNY,
« Introduction : Michel Freitag ou la sociologie dans la
monde » in Michel FREITAG, L'oubli de la
société : une théorie critique de la
postmodernité, Presses de l'Université de Laval, Laval,
Presse Universitaire de Renn, Renn, 2002, p.19.
* 630Ibidem.
* 631Ibidem.
* 632Ibidem.
*
633Ibidem,p.20.
*
634Ibidem,p.19.
* 635 Jean-Michel
BERTHELOT, « Programmes, paradigmes, disciplines :
pluralité et unité des sciences sociales », dans,
(Jean-Michel BERTHELOT, (Dir.), Epistémologie des sciences
sociales, Puf, 2001, p.466.
* 636 Alban BOUVIER,
Philosophie des sciences sociales, Puf, Paris, 1999, p.51.
* 637Emile DURKHEIM,
Les règles de la méthode sociologique, Puf, Paris,
1967.
* 638Ibidem,
p.51.
* 639Ibidem,
p.59.
* 640 BERGER Peter et
LUCKMANN Thomas, La construction sociale de la réalité,
Armand Colin, Paris, 2006, p.8.
* 641Ibidem,
p.137.
* 642Ibidem,
p.143.
* 643Ibidem,
p.136.Quand nous suivons Jürgen Habermas, le programme de Cicourel est par
ailleurs celui de savoir : « Quels sont les fondements
appropriés de la mesure en sociologie ? ».
* 644Ibidem,
p.141.
* 645 Jürgen HABERMAS,
La logique des sciences sociales et autres essais, p.144.
* 646Ibidem,
p.143.
* 647Ibidem,
p.143.
* 648 Peter BERGER et
Thomas LUCKMANN, op.cit., p.304.
* 649 Voir Sylvain SHOMBA
KINYAMBA (Dir.), Les sciences sociales au Congo - Kinshasa, 2007.
* 650Renée
BOUVERESSE, La philosophie et les sciences de l'homme,
Ellipses/édition Marketing S.A., Paris, 1998, p.15.
* 651 Francisco VARELA,
Quel savoir pour l'éthique ? Action, sagesse et cognition,
Editions La découverte, Paris, 1996, 2004, p.46.
* 652 Dans les
Règles de la méthode sociologique Emile Durkhrim postule
le fait que c'est la mentalité collective (fort de la primauté de
Tout) qui détermine la mentalité individuelle. L'inverse n'est
pas vrai. Il y a ici unilatéralité de la causalité.
* 653 Ruwen OGIEN,
« Philosophie des sciences sociales», dans, (Jean-Michel
BERTHELOT, (Dir.), Epistémologie des sciences sociales, Puf,
2001, p.532.
* 654 Robert
FRANCK, « Les explications causales, fonctionnelles,
systémiques ou structurales et dialectiques, sont -elles
complémentaires ? » in Faut-il chercher aux causes
une raison ? L'explication causale dans les sciences humaines,
Librairie Philosophique, Vrin, Paris, 1994, p.280.
* 655 Jürgen HABERMAS,
La logique des sciences sociales et autres essais, Quadrige /Puf,
Paris, 1987, p.103.
* 656 Jean-Michel
BERTHELOT, « Les sciences du social», dans
Epistémologie des sciences sociales, Puf, 2001, p.237.
* 657 Fabrice CLEMENT et
Laurence KAUFMANN, Le monde selon John Searle, Cerf, 2005, Paris,
p.90.
* 658Emile DURKHEIM,
Les règles de la méthode sociologique, p.XIII.
* 659Ibidem.
* 660Ibidem,
p.IX.
* 661Ibidem.
* 662 Robert
FRANCK, « Histoire et structure » dans Jean-Michel
Berthelot (Dir.) Epistémologie des sciences sociales, Puf,
p.338.
* 663 Emile DURKHEIM,
Les règles de la méthode sociologique, p.112.
* 664Ibidem ,p.
XVII.
* 665Ibidem,
p.XIX.
* 666Ibidem ,
p.XX.
* 667 Laurent MCFALLS,
Nicolas LIORZOU, Julie PERREAULT, Anca - Elena MOT, Construire la
politique : contingence, causalité et connaissance dans la science
politique contemporaine, Presses de l'Université de Laval,
Québec, 2006, p.249.
* 668Ibidem,
p.249.
* 669Ibidem,
p.235.
* 670 Emile DURKHEIM,
Les règles de la méthode sociologique, p.101.
* 671Ibidem,
p.283.
* 672Ibidem,
p.87.
* 673Ibidem,
p.280.
* 674Emile DURKHEIM,
Les règles de la méthode sociologique, p.280.
* 675Ibidem ,
p.279.
* 676Ibidem,
p.281.
* 677Ibidem,
p.280.
* 678Ibidem,
p.278.
* 679Ibidem.
* 680Ibidem.
* 681Emile DURKHEIM,
Les règles de la méthode sociologique, p.XXII
* 682Ibidem.
* 683Ibidem,
p.XVI.
* 684Ibidem,
p.XXII.
* 685Ibidem.
* 686Ibidem.
* 687Ibidem,
p.XXII.
* 688Ibidem,
p.80.
* 689Ibidem,
p.95.
* 690Ibidem,
p.XVII.
* 691 Robert
FRANCK, « Histoire et structure » dans Jean-Michel
BERTHELOT (Dir.) Epistémologie des sciences sociales, Puf,
Paris, p.340.
* 692 Luc Van CAMPENHOUDT,
Jean -Michel CHAUMONT, Abraham FRANSSEN, La méthode d'analyse en
groupe, application aux phénomènes sociaux, Dunod, Paris,
p.40.
* 693 Emile DURKHEIM,
Les règles de la méthode sociologique, p.XXII.
* 694Ibidem,
p.XI.
* 695Ibidem,
p.5.
* 696 Emile
DURKHEIM,Les règles de la méthode sociologique, p.XX.
* 697Ibidem,
p.XXII.
* 698 Fabrice CLEMENT,
op.cit., p.105.
* 699 SAVAS TSOHATZIDIS,
Intentional Acts and Institutional Facts :Essays on John Searle `s
Social Ontology, Springer ,2007,p.192.
* 700Ibidem,
p.6.
* 701Emile
DURKHEIM,op.cit., p.4.
* 702Ibidem,
p.103.
* 703Ibidem,
p.280.
* 704Ibidem.
* 705 Jean-Michel
BERTHELOT, « Les sciences du social», dans
Epistémologie des sciences sociales, Puf, 2001,p.236.
*
706Ibidem,p.236.
* 707 Thierry
LUCAS, « Sur le concept de nécessité en
logique » in Faut-il chercher aux causes une raison ?
L'explication causale dans les sciences humaines, Vrin, Paris, 1994,
p.234.
* 708 Jean-Michel
BERTHELOT, « Les sciences du social», art.cit.,
p.240.
*
709Ibidem,p.238.
* 710Ibidem,
p.283.
* 711 Robert
FRANCK, « Les explications causales, fonctionnelles,
systémiques ou structurales et dialectiques, sont -elles
complémentaires ? » in Faut-il chercher aux causes
une raison ? L'explication causale dans les sciences humaines,
Librairie philosophique J.Vrin, Paris, 1994, p.283. Mais, à vrai dire,
c'est aux formes empiriques d'associations sociales -non aux relations
sociales- qu'il oppose sa conception des structures sociales. Il refuse de
qualifier de structure les formes d'association auxquelles se
référait généralement la sociologie depuis
Durkheim, formes d'association qui étaient au centre de l'approche
fonctionnaliste de Parsons, par exemple, ou de Radcliffe-Brown : il ne
s'agit pas là de relations singulières, labiles et ponctuelles,
mais des réseaux stabilisés de relations, telles que
des « organisations ».
* 712 Robert FRANCK,
« Histoire et structure », dans Jean-Michel BERTHELOT
(Dir.), Epistémologie des sciences sociales, Puf, Paris,2001
,p.345.
* 713 ELUNGU PENE ELUNGU,
Etendue et connaissance dans la philosophie de Malebranche, Librairie
philosophique J.Vrin , Paris, 1973, p.23.
* 714 Robert
FRANCK, « Les explications causales, fonctionnelles,
... », art.cit. p.284.
*
715Ibidem,p.284.
*
716Ibidem,p.285.
* 717Ibidem.
* 718Robert
FRANCK, « Les explications causales, fonctionnelles,
systémiques ou structurales et dialectiques, sont -elles
complémentaires ? » ,p.285.
* 719Ibidem,
p.286.
* 720Ibidem,
p.287.
* 721Ibidem.
* 722Robert
FRANCK, « Les explications causales, fonctionnelles,
systémiques ou structurales et dialectiques, sont -elles
complémentaires ? », p.297.
* 723Ibidem.
* 724Ibidem.
* 725 Peter BERGER et
Thomas LUCKMANN, op.cit., p.17.
* 726Ibidem,
p.18.
* 727 Blandine DESTREMAU,
Agnès DEBOULET, François IRETON, op.cit., p. 56.
* 728 Peter BERGER et
Thomas LUCKMANN, Avant -propos de Danilo Martuccelli
,op.cit .,p.18.
* 729Ibidem,
p.22.
* 730Ibidem,
p.8.
* 731Ibidem,
p.9.
* 732Ibidem,
p.22.
* 733Ibidem,
p.24.
* 734Ibidem,
p.38.
* 735Ibidem,
p.36.
* 736Ibidem.
* 737Ibidem.
* 738Ibidem.
* 739Ibidem,
p.37.
* 740Ibidem,
p.123.
* 741Ibidem,
p.122.
* 742Ibidem,
pp.116-112.
* 743Ibidem,
p.169.
* 744Ibidem,
p.163.
* 745 SAVAS TSOHATZIDIS,
Intentionnal Acts and Institutionnal Facts :Essays on John Searle `s
social ontology, Springer, Dordrecht, 2007,p.191.
*
746Ibidem,p.192.
* 747 Voir Étienne LE ROY, Les pluralismes
juridiques, Laboratoire d'anthropologie juridique de Paris, Geneviève
Chretien- Vernicos -, Paris, 2004, p.84.
* 748 Jean-Michel
BERTHELOT, « Les sciences du social », dans
Epistémologie des sciences sociales, Puf, Paris, 2001,
p.240.
* 749Ibidem,
p.238.
* 750 Voir Thierry
LUCAS, « Sur le concept de nécessité en
logique » in Faut-il chercher aux causes une raison ?
L'explication causale dans les sciences humaines, Philosophique ?,
VRIN, Paris, 1994, p.234.
* 751Ibidem,
p.107.
* 752 Fabrice CLEMENT et
Laurence KAUFMANN, Le monde selon John Searle, Cerf, 2005, Paris,
p.91.
* 753John SEARLE, Du
cerveau au savoir, Hermann, Paris, 1985, p.116.
* 754Ibidem
,p.117.
* 755Ibidem,
p.119.
* 756John Rogers SEARLE,
La construction de la réalité sociale, p.14-15.
* 757Ibidem,
p.150.
* 758 John Rogers SEARLE,
La construction de la réalité sociale, p.35.
* 759Ibidem,
p.294.
* 760Ibidem,
p.36.
* 761Ibidem,
p.35.
* 762 John Rogers SEARLE,
La constrcuction de la réaliét sociale, p.18.
* 763 Marc MAESSCHALCK,
Normes et contextes, p.113.
* 764 John Rogers SEARLE,
La construction de la réalité sociale, p.18.
* 765Ibidem.
* 766 Pierre LIVET, Les
normes, Armand Colin, Paris, 2006, p.168.
* 767 John SEARLE, La
construction de la réalité sociale, p.167.
* 768Ibidem,
p.168.
* 769Ibidem.
* 770Ibidem.
* 771Ibidem,
p.169.
* 772John SEARLE, Les
actes de langage ; essai de philosophie de langage, Herman, Paris,
1972, p.93.
* 773 Jürgen HABERMAS,
La logique des sciences sociales et autres essais,
« édition Puf, 1987, première édition
« Quadrige », Paris, 2005, p.139.
* 774John SEARLE, La
construction de la réalité sociale, p.183.
* 775Ibidem,
p.182.
* 776Ibidem,
p.189.
* 777 C'est la
généralisation et l'extension théoriques de la logique
intentionnelle de Montague ; Daniel VANDERVEKEN, « La
logique illocutoire »dans R.Klibansty et J. Ayoub(éds),La
philosophie d'expression française au Canada, Québec
,Presses de l'Université de Laval,1998,(p.289-360).
* 778 Jürgen
HABERMAS, La logique des sciences sociales et autres essais, puf,
Paris, 1987,2005, p.74.
* 779 Jürgen
HABERMAS, La logique des sciences sociales et autres essais, puf,
Paris, 1987,2005, p.336.
* 780 Jürgen
HABERMAS, La logique des sciences sociales et autres essais, puf,
Paris, 1987,2005, p.378.
* 781Ibidem ,
p.83.
* 782 Jean-Michel
BERTHELOT, « Les sciences du social», art.cit.,
p.240.
* 783Ibidem,
p.238.
* 784 Daniel VANDERVEKEN,
« Aspects cognitifs en logique intentionnelle et théorie de la
vérité » dans Cahiers
d'épistémologie, Département de philosophie,
Université du Québec à Montréal, cahiers n°
2005-05,328e numéro, 2005, p.5.
* 785 John Rogers SEARLE,
La construction de la réalité sociale, p.172.
* 786Ibidem,
p.172.
* 787 Fabrice CLEMENT ET
Laurence KAUFFMAN, « Esquisse d'une ontologie des faits sociaux. La
posologie proposée par John Searle », in
Réseau, n°79 CNET,Paris, 1996.p.131.
* 788 John SEARLE,
L'intentionnalité ; Essai de philosophie des états
mentaux,traduction de l'américain par Claude Pichevin,Cambridge
University Press,1983,Les éditions de Minuit,
Paris,1985 ,p.25.
* 789 Fabrice CLEMENT et
alii, op.cit., p .131.
* 790 John Rogers SEARLE,
La construction de la réalité sociale, p.274.
* 791 Daniel
BOUGROUX, « les sciences du lange et de la
communication, », dans (Dir.) Jean-Michel BERTHELOT,
Epistémologie des sciences sociales, Puf, 2001, Paris,
p.194.
* 792John Rogers SEARLE,
La construction de la réalité sociale, p.273.
* 793Ibidem,
p.274.
* 794 John SEARLE,
L'intentionnalité, p.19.
* 795 Daniel VANDERVEKEN,
« La structure logique des dialogues intelligents » in
Bernard et Moulin et al (éds.) Analyse et modélisation des
discours. Des conversations humaines aux interactions entre agents
logiciels, Collection Informatique, l'interdiscipline, 1999, p.61-99.
(Voir p.28 -29)
* 796 Guy ROCHER,
Talcott Parsons et la sociologie américaine, édition
électronique, Collection « Classique des sciences
sociales », Centre de Recherche en droit public, Université de
Montréal, Québec, 1988, p.39.
* 797 John SEARLE, Du
cerveau au savoir, p.83.
* 798Ibidem,
p.84.
* 799Ibidem,
p.85.
* 800Ibidem,
p.90.
* 801 John SEARLE, La
construction de la réalité sociale, p.13.
* 802Ibidem,
p.107.
* 803Ibidem,
p.111.
* 804Ibidem,
p.37.
* 805Ibidem,
p.111.
* 806Ibidem,
p.112.
* 807Ibidem,
p.114.
* 808Ibidem.
*
809Ibidem,p.127.
* 810Ibidem,
p.125.
* 811Ibidem,
p.133.
* 812Ibidem,
p.139.
* 813Ibidem.
* 814Ibidem,
p.56.
* 815 Grégory ODE,
Analyse hétérodoxe de la monnaie appliquée à
l'euro : l'originalité et le pari d'une monnaie pionnière en
son genre, produit de la rationalité économique,
Mémoire de Master, Dirigé par Jérôme Lallement,
Université de Paris I, Panthéon -Sorbonne, Paris ,2005-2006,
p.3.
* 816Ibidem,
p.138.
* 817Ibidem.
* 818 John SEARLE, La
construction de la réalité sociale, p.153.
* 819 Grégory
ODE,op.cit.,p.5.
* 820 John SEARLE, La
construction de la réalité sociale, p.50.
* 821Ibidem,
p.140.
* 822Ibidem.
* 823Ibidem,
p.147.
* 824Ibidem,
p.143.
* 825John SEARLE, La
construction de la réalité sociale, p.184.
* 826Ibidem,
p.22.
* 827Francisco VARELA,
Quel savoir pour l'éthique ? Action, sagesse et cognition,
Editions La Découverte, Paris, 2004, p.78.
* 828Ibidem,
p.129.
* 829Ibidem,
p.26.
* 830Ibidem,
p.28.
* 831 John SEARLE,
L'intentionnalité ; Essai de philosophie des états
mentaux, traduction de l'américain par Claude Pichevin, Les
éditions de Minuit, 1985, Paris, p.175.
*
832Ibidem,p.29.
* 833Ibidem.
* 834Ibidem,
p.25.
* 835 Francisco VARELA,
op.cit., p.79.
* 836 John Rogers SEARLE,
La construction de la réalité sociale, p.183.
* 837 John SEARLE,
L'intentionnalité, Essai de philosophie des états
mentaux, Traduit de l'américain par Claude Pichin, Cambridge
University Press, 1983, Editions Du Minuit,1985,p.178.
* 838Ibidem,
p.179.
* 839Ibidem,
p.179.
* 840Ibidem,
p.179.
* 841 John Rogers SEARLE,
La construction de la réalité sociale, p.172.
* 842Jürgen HABERMAS,
Après Marx, Librairie Arthème Fayard,Paris, 1985,p.9.
* 843Ibidem.
* 844 Voir John SEARLE,
Les actes de langage ; essai de philosophie de langage, Herman,
Paris, 1972, p.55.
* 845 John SEARLE, La
construction de la réalité sociale, p.9.
* 846Ibidem,
p.10.
* 847Ibidem.
* 848John SEARLE, Du
cerveau au savoir, Hermann, Paris, 1985, p.105.
* 849Ibidem,
p.111.
* 850 John SEARLE,
Liberté et neurobiologie, Nouveau collège philosophique,
Grasset et Frasquelle, Paris, 2004, p.13.
* 851 John SEARLE, La
construction de la réalité sociale, p.9.
* 852Ibidem,
p.18.
* 853 John SEARLE, La
redécourte de l'esprit, The MIT Press, 1992, essais, Gallimard,
traduction française, 1995, Paris, p.19.
* 854 Marc MEASSCHALCK,
Normes et contextes, p.166.
* 855 John SEARLE,
L'intentionnalité : essai de philosophie des états
mentaux, Cambridge university Press, 1983, Les éditions de Minuit,
1985, Paris, p .9.
* 856 Voir Jürgen
HABERMAS, Logique des sciences sociales et autres essais, puf, Paris,
1987, p.414.
* 857 Le livre des morts
des anciens égyptiens.
* 858 Yannick JAFFRE et
Jean Pierre OLIVIER DE SARDAN (Dir.), La construction sociale de la
réalité des maladies, entités nosologiques populaires en
Afrique de l'ouest, Paris,Puf, 1999, p.7.
* 859Ibidem,
p.7.
* 860Ibidem
p.11.
* 861Ibidem,
pp.7,11.
* 862Ibidem
,p.17.
* 863 Yannick JAFFRE et
Jean Pierre OLIVIER DE SARDAN (Dir.), op.cit ., pp.18, 19.
* 864Ibidem,
p.18.
* 865Pierre BOURDIEU,
La distinction , p.545.
* 866Ibidem
,p.547.
* 867 Pierre BOURDIEU,
Méditations pascaliennes, p.216.
* 868Pierre BOURDIEU,
La distinction,p.512.
* 869 Pierre BOURDIEU,
Méditations pascaliennes, p.214.
* 870Ibidem
,p.217.
* 871Ibidem,
p.218.
* 872Ibidem,
p.217.
* 873Pierre BOURDIEU,
La distinction , p.546.
* 874Ibidem,
p.547.
* 875 Pierre POURDIEU,
Méditations pascaliennes, p.208.
* 876Ibidem
,p.209.
* 877Ibidem,
p.209.
* 878Ibidem,
p.189.
* 879Max KASONGO
MWEY, « Cheik Anta DIOP, les fondements économiques et
culturels d'un Etat fédéral de l'Afrique noire, Paris,
Présence africaine, 1974 ,124 pages » dans les
projets d'union africaine, bilans et perspectives, Alternative, oo5,
juillet 2001, p.32.
* 880MUSASA ULIMWENGU, U.,
« Comment les Kinois perçoivent-ils la
pauvreté » dans Congo-Afrique, nov. 1998, Kinshasa,
1998, p. 529.
* 881Ibidem.
* 882. MUSASA ULIMWENGU,
U., « Comment les Kinois perçoivent-ils la
pauvreté », dans
Congo-Afrique, nov. 1998, Kinshasa, p. 529.
* 883 Fabrice CLEMENT et
Laurence KAUFFMAN, Le monde selon Searle, Cerf, 2005, Paris, p.90.
* 884 Jean-Michel
BERTHELOT, « Programmes, paradigmes, disciplines »,
p.13.
* 885Voir Ruwen
OGIEN, « Philosophie des sciences sociales »,
p.525.
* 886 Fabrice CLEMENT et
Laurence KAUFMANN, « Esquisse d'une ontologie des faits sociaux, la
posologie proposée par John Searle », p.158.
* 887 John Rogers SEARLE,
La construction de la réalité sociale, p.10.
* 888Ibidem,
p.9.
* 889Ibidem,
p.522.
* 890 Jean-Michel
BERTHELOT, « Programmes, paradigmes, disciplines »,
p.55.
* 891Ibidem,
p.514.
* 892 Voir Jocelyn BENOIST
et Sandra LAUGIER-RABATE ,Strawson et l'idée de métaphysique
descriptive, J.Vrin, Paris, 2005.
* 893 Voir John SEARLE,
Les actes de langage ; essai de philosophie de langage, Herman,
Paris, 1972, p.55.
* 894 Fabrice CLEMENT et
Laurence KAUFMANN, Le monde selon John Searle, Cerf, 2005, Paris,
p.78.
* 895 Peter BERGER et
Thomas LUCKMANN, op.cit., p.9, Avant -propos de Danilo Martuccelli.
* 896 Guy RACHET
(Présentation et notes), Le livre des morts des anciens
Egyptiens, France Loisirs, Paris, 1994, p.7.
* 897Ibidem,
p.78.
* 898Ibidem,
p.79.
* 899Ibidem,
p.78.
* 900 Marc MAESSCHALCK,
Normes et contextes, Georg OLMS Verlag, Hildesheim-Zürich-New
York, 2001, p.115.
* 901 Jürgen HABERMAS,
Après l'Etat-nation, une nouvelle constellation
politique, Traduit de l'Allemand par Rainer Rochelitz, Fayard, Paris,
2000.p.43.
* 902 John SEARLE, La
construction de la réalité sociale, p.156.
* 903Ibidem,
p.102.
* 904Ibidem,
p.154.
* 905Voir la question de la
mentalité africaine chez Axelle KABU, Et si l'Afrique refusait le
développement, L'Harmattan, Paris, 1991.
* 906Alfred MAURY, Les
Académies d'autrefois. L'ancienne Académie des inscriptions et
belles lettres, Didier, 2è édition, Paris, 1864, p.262.
* 907 Voir le DSCRP
* 908 Serge MICHEL, Michel
BEURET, La Chinafrique ,Pékin à la conquête du
continent noir, Hachette, éditions Grasset & Fasquelle,
2008,p.18.
* 909Ibidem, p.21.
* 910Ibidem, p.16.
* 911 Sources Serge MICHEL,
Michel BEURET, La Chinafrique , p.410 .
* 912 Marc
PONCELET,op.cit., p.49.
* 913 Michel
Berthélot ,
* 914 Qu'est-ce qui peut
être qualifié des sciences sociales.
* 915 Marc Maesschalck
* 916 Rudolf CARNAP, La
construction logique du monde, Introduction de Elisabeth SCHWARTZ,
Traduction de Thierry RIVAIN, Librairie Philosophique J.VRIN, Paris,2002, p.47.
* 917 Rudolf CARNAP, La
construction logique du monde, Introduction de Elisabeth SCHWARTZ,
Traduction de Thierry RIVAIN, Librairie Philosophique J.VRIN, Paris,2002, p.47.
* 918 Rudolf CARNAP, La
construction logique du monde, Introduction de Elisabeth SCHWARTZ,
Traduction de Thierry RIVAIN, Librairie Philosophique J.VRIN, Paris,2002, p.45
(Préface de la seconde édition).
* 919 Rudolf CARNAP, La
construction logique du monde, Introduction de Elisabeth SCHWARTZ,
Traduction de Thierry RIVAIN, Librairie Philosophique J.VRIN, Paris, 2002,
p.302.
* 920 Crispin NGWEY NGOND'A
NDENGE, « Pour une pensée et une praxis autonomes des
sociétés africaines », dans Philosophie et destins
des peuples, Actes des journées philosophiques de Canisius, Mars
1999, Editions Loyola, 2000, p.109.
* 921 Marc PONCELET,
Sciences sociales, colonisation et développement, p.365.
* 922Ibidem.
* 923 Les recommandations
de la Conférence Nationale Souveraine se focalisent sur la
réhabilitation du Conseil Scientifique National comme
« intelligence nationale » pour piloter tous les Instituts
et Centres de Recherche en RD Congo.
* 924 Jürgen HABERMAS,
Théorie et pratique, p.321.
* 925 Cette notion est
évoquée ici sans connotation péjorative, il s'agit tout
simplement des études sur l'Afrique.
* 926 Jean-Michel
BERTHELOT, « Programmes, paradigmes », p.488.
* 927Ibidem, p.
488.
* 928 Marc PONCELET,
Sciences sociales, colonisation et développement, p.25.
* 929 Voir Paul BARGUET,
Le livre des morts des anciensEgyptiens, Editions du Seuil, Paris,
1979 ; cité par Cheikh MOCTAR BA, Etudes comparatives entre les
cosmogonies grecques et africaines, L'Harmattan, Paris, p.251.
* 930 Alban BOUVIER, La
philosophie des sciences sociales, Puf, Paris,1999, p.107.
* 931Ibidem,
p.107.
* 932Emile DURKHEIM,
op.cit.,p.81.
* 933Ibidem,
p.84.
* 934Ibidem,p.460.
* 935 John SEARLE, La
construction de la réalité sociale, p.158.
* 936 Jürgen HABERMAS,
Après Marx, Fayard, 1985, Paris, p.9.
* 937 Rudolf
CARNAP, La construction logique du monde, Librairie philosophique
J. Vrin, Paris, 2002, p.45.
* 938 Voir Jürgen
HABERMAS, Après Marx, p.11.
* 939 Voir Sylvain SHOMBA
KINYAMBA (Dir.), Les sciences sociales au Congo -Kinshasa : Cinquante
ans après : quel apport ?, L'Harmattan, Paris, 2007.
* 940 BONGELI YEIKELO YA
ATO, Sociologie et sociologues africains: pour une recherche sociale
citoyenne au Congo- Kinshasa, L'Harmattan, Paris, 2007 ,p.43.
* 941Ibidem,
p.44.
* 942Ibidem,
p.61.
* 943 Marc MEASSCHALCK,
Normes et contextes, p.7.
*
944Ibidem,p.2.
* 945Ibidem.
* 946 MAESSCHALCK Marc,
Démocratie et acteurs collectifs ou « comment construire
les conditions d'une démocratie d'acteurs collectifs ?»,
Note interne, CPDR, UCL, 2009, p.23.
* 947 Ceci corrobore la
topologie de Joseph N'KWASA BUPELE, Cours d'épistémologie des
sciences de la communication, Unikin ,2008.
* 948 MAESSCHALCK Marc,
Démocratie et acteurs collectifs ou « comment
construire les conditions d'une démocratie d'acteurs
collectifs ?», Note interne, CPDR, UCL, 2009, pp.14-16.
* 949Ibidem,
p.90.
* 950Ibidem,
p.89.
* 951 Voir Fabrice CLEMENT
et Laurence KAUFMANN, « Esquisse d'une ontologie des faits sociaux
», p.125.
* 952Ibidem,
(Avant-propos).
* 953 Voir John Rogers
SEARLE, La construction de la réalité sociale, p.
1995.
* 954 Fabrice CLEMENT et
alii, op.cit., p.125.
* 955 Ces mutations
affectent par ailleurs l'Afrique.
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