UNIVERSITE DU BURUNDI
FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
DEPARTEMENT
D'HISTOIRE
MOURIR AU BURUNDI: GESTION DE
LA MORT ET PRATIQUES D'ENTERREMENT (de la période précoloniale
à nos jours)
|
par
Emmanuel NIBIZI.
.
|
Sous la direction de:
Dr Alexandre HATUNGIMANA.
|
Mémoire présenté et défendu
publiquement en vue de l'obtention du grade de licencié en Histoire.
|
Option:
Enseignement et Recherche
Bujumbura, Octobre 2006
i
DEDICACE
A ma chère épouse, A mes enfants,
A toute ma famille.
ii
REMERCIEMENTS
Au seuil de ce travail, nous éprouvons un grand plaisir
à exprimer notre profonde reconnaissance à tous les
éducateurs, de l'école primaire à l'Université du
Burundi pour la formation qu'ils nous ont dispensée.
Nos sentiments de gratitude s'adressent plus
particulièrement à Monsieur Alexandre Hatungimana, Docteur en
Histoire et Recteur de l'Université du Burundi, pour la
spontanéité et la compétence avec lesquelles il nous a
suivi du début à la fin.
Nos remerciements vont également à notre famille
et plus spécialement à tous les membres de la famille
Ndabahagamye Gabriel, Madame Ndayihimbaze Olive, pour leur attachement
indéfectible et leurs bonnes pensées envers nous.
Que l'APRODH trouve ici nos sentiments de reconnaissance.
Emmanuel NIBIZI
iii
SIGLES ET ABREVIATIONS
AL.: Alinéa
Art.: Article
APRODH: Association pour la Protection des Droits humains et
des Personnes
Détenues
BORU: Bulletin Officiel du Ruanda-Urundi
Dr.: Docteur
Ed.: Editions
EMI: Editrice Missionaria Italiana
ENS: Ecole normale supérieure
FLSH: Faculté des Lettres et Sciences Humaines
FPSE: Faculté de Psychologie et Sciences de
l'Education
G.G: Gouverneur Général
Ibid: Ibidem (même auteur, même article / livre,
même page)
LLA: Langue et littérature africaine
LLF: Langue et littérature française
Me: Maître
OHCDHB: Office du Haut Commissaire des Droits de l'homme au
Burundi
ONU: Organisation des Nations Unies
Op. cit.: Opere citato (dans l'oeuvre citée)
ORU : Ordonnance du Ruanda-Urundi
p. : page
pp. : de telle page à telle page
iv
PUF: Presses Universitaires de France PUL: Presses Universitaires
de Lyon TGI: Tribunal de Grande Instance UB: Université du Burundi www:
world wide web
v
LISTE DES TABLEAUX ET PHOTOGRAPHIES
Tableau n°1 : Répartition des condamnés
à mort par les Chambres criminelles
Tableau n°2: Les cimetières de la chefferie
Buyenzi-Bweru.
Photographie n°1: Cimetière paroissial de la
Cathédrale de Bujumbura. Photographie n°2: Cimetière de
Rusabagi
Photographie n°3: Cimetière des militaires allemands
de Rugombo
Tableau n°3: Comparaison des prix des cercueils selon les
pompes funèbres
vi
TABLE DES MATIERES
Dédicace i
Remerciements .ii
Sigles et abréviations iii
Liste des tableaux et photographies iv
Table des matières vi
INTRODUCTION GENERALE .1
1.Présentation du sujet 1
2.L'intérêt et motivation du sujet .1
2.1.L'intérêt du sujet ....1
2.2. La motivation du sujet 2
3. Délimitation du sujet 3
3.1.Le cadre spatial 3
3.2.Le cadre temporel .3
4.Articulation du sujet 3
CHAPITRE I . LA SOCIETE BURUNDAISE FACE A LA MORT 4
Introduction 4
I. Définitions et conception de la mort ..5
I.1.Définitions ...5
vii
I.1.1. Documents de la mort
|
8
|
I.2.La société burundaise et la conception de la
mort
|
10
|
I.3.Attitudes devant la mort
|
.14
|
I.4. La mort et la législation burundaise
|
16
|
I.4.1. Problématique de la peine de mort
|
..16
|
I.4.1.1. Vue générale sur sa conception et son
application
|
16
|
I.4.1.2.Le Burundi face à la peine de mort
|
.17
|
I.4.2. « Mourir autrement au Burundi »
|
22
|
I.5. Les rites de funérailles
|
26
|
|
I.5.1. Les rites musulmans
|
27
|
I.5.2 Les rites funéraires chez les protestants
|
.....29
|
I.5.3.Les rites catholiques
|
.29
|
I.5.4.Les rites traditionnels
|
31
|
I.5.4.1. Les funérailles d'un chef de famille
|
31
|
I.5.4.2. Autres formes de funérailles
|
33
|
I.5.4.3. Les pratiques de deuil
|
.35
|
I.5.4.4. Le rôle particulier du lait dans la pratique de
deuil
|
.38
|
I.5.4.5. Les dernières étapes du deuil: gestion des
affaires familiales et la pratique
du "feu des ancêtres"
|
40
|
I.5.4.6. Les "adieux"
|
42
|
Conclusion
|
..42
|
viii
CHAPITRE II LES SITES FUNERAIRES AU BURUNDI
|
43
|
Introduction
|
....43
|
II.1. Les cimetières ont une histoire
|
44
|
II.2.Leur réglementation
|
45
|
II.3. Les Types de cimetières
|
.48
|
II.3.1. Les Sépultures familiales
|
.48
|
II.3.2. Les cimetières paroissiaux
|
.49
|
II.4. Un secteur abandonné
|
51
|
II.4.1. La situation au niveau de la Mairie de Bujumbura
|
...51
|
II.4.2. Le cimetière de Mpanda
|
..52
|
II.4.3. Un seul cimetière officiel mais abandonné :
Rusabagi
|
.53
|
II.4.4. Des cimetières ségrégationnistes
|
..54
|
II.4.5. Cimetière des militaires allemands de 1914-1918
|
.56
|
II.4.6. Les nécropoles royales
|
58
|
Conclusion
|
..59
|
CHAPITRE III. LES SERVICES FUNERAIRES : VERS UN NOUVEAU
|
|
MODE DE GESTION DES MORTS
|
..60
|
Introduction 60
1. La pompe funèbre " La Différence" 60
2. La pompe funèbre de la 10ème
avenue à Bwiza 60
3. La Funèbre Sociale "FUS" ..61
4. La pompe funèbre " uwugukunda aguhisha uwawe"
...61
5. La pompe funèbre locale de Buyenzi 61
ix
III.1. Le personnel des pompes funèbres 64
Conclusion du chapitre 65
Conclusion générale 66
Sources et bibliographie 69
I. Sources écrites 69
I.1.Les ouvrages 69
I.2. Les mémoires .71
I.3. Articles de revues ..72
I.4.Les sources inédites .72
I.5. Les sites web ou moteurs de recherche 73
II. Sources orales . ..74
III. LES ANNEXES .75
1. Annexe 1: Liste des cimetières et leur localisation
au Burundi 76
2. Annexe 2 : Photographies de quelques sites
funéraires au Burundi 85
1
INTRODUCTION GENERALE
1. Présentation du sujet
D'une manière générale, le sujet du
présent travail n'est pas inédit. La situation des
cimetières a déjà fait l'objet de beaucoup
d'écrits. Cependant, au Burundi, les ouvrages sur le problème des
cimetières et de la mort restent encore moins nombreux, voire
quasi-inexistants. Certes, dans le monde entier, le sujet des cimetières
et, partant le sujet de la mort est « de tous les spectres de ce monde, le
plus effrayant»1 mais l'historien que nous sommes pourrait y
trouver son intérêt.
2. L'intérêt et motivation du sujet
2.1. L'intérêt du sujet
Le sujet des cimetières touche, en fin de compte
à des sensibilités extrêmes et au « tabou de la
mort». Mais, nous ne devons pas oublier que les cimetières posent
des problèmes réels à la société. A cet
égard, il suffit de se rappeler que la Paix confessionnelle d'Augsbourg
(Bavière en Allemagne) de 1555, l'Edit de Nantes de 1598 et les
Traités de Westphalie de 1648 qui, tous trois avaient pour but de
pacifier les catholiques et les protestants en Europe, comportaient des clauses
relatives aux cimetières. Ainsi, le droit de disposer des lieux de
sépulture appartenait à l'autorité civile. Elle devait
pourvoir à ce que toute personne décédée puisse
être enterrée décemment2. On comprend que cette
clause relative aux cimetières avait pour but de consolider la
cohésion nationale et d'assurer la paix confessionnelle entre
catholiques et protestants, paix durement mise à l'épreuve par la
kulturkampf3 après la proclamation du dogme de
l'infaillibilité du pape en 1870.
Et dans certains pays du monde, plusieurs sources font
état des pratiques innommables d'irrespect des cimetières,
notamment leur profanation dans les Balkans et ailleurs.
1. A. BARRAU, Socio- économie de la mort: De la
prévoyance aux fleurs de cimetière, Logiques sociales,
l'Harmattan,
2. L'article 53 al.2 de la Constitution Suisse de 1874.
3. Le mot "kulturkampf" désigne l'ensemble des mesures
(1871-1878) prises par Bismarck contre la montée du parti du centre,
parti des catholiques. L'enseignement devrait par exemple être
contrôlé par des laïques, des congrégations, comme
celle des Jésuites furent chassées,... Le kulturkampf ("
combat pour la civilisation") devait avoir des conséquences sur la
politique religieuse de la Suisse et de l'Autriche.
2
Ainsi donc, étant donné que les
cimetières constituent une "excellente" et incontournable demeure pour
les retraités de l'existence auquel tout le monde est appelé
à vivre par le sort, leur violation est un sacrilège. Ce n'est
pas là notre problème, l'objet de l'étude étant
d'insister sur l'évolution historique des cimetières au Burundi
dans la longue durée. Aussi, d'autres aspects de la mort méritent
d'être relevés même dans le cas de notre pays.
2.2. La motivation du sujet
Le choix du sujet a été motivé par deux
raisons:
- L'une est d'ordre sentimental : l'homme
éprouve une phobie grandissante après avoir eu connaissance de la
mort d'un voisin ou d'une parenté. Il nous a paru important d'analyser
les attitudes devant la mort et la conception de celle-ci en prenant l'exemple
de la société burundaise, de la période
précoloniale à nos jours.
- L'autre est d'ordre pratique : nous savons qu'au
cours du temps, les techniques, les croyances et les rites liés à
la mort ont changé. Chez nous l'enterrement est passé du «
rugo » à l'extérieur de l'habitat, du cadre
familial au cadre communal et les pratiques traditionnelles funéraires
se sont modernisées rendant ainsi le site funéraire un "village
touristique" et de recueillement (le cas de Mpanda actuellement avec des
constructions de plus en plus sophistiquées). Nous allons tenter de
comprendre ce revirement de comportement d'une société
majoritairement rurale.
3
3. Délimitation du sujet
3.1. Le cadre spatial
L'étude en soi est menée sur le territoire
burundais d'une façon générale et aux cimetières
péri- urbains de Bujumbura, en particulier.
3.2. Le cadre temporel
Notre travail s'étend de la période
précoloniale à nos jours. Le choix de la première
période est motivée par l'existence d'une abondance d'attitudes
fortement différentes de celles de la période qui a suivi,
c'est-à-dire la période coloniale. C'est à partir de cette
dernière que le Burundi, comme d'autres pays colonisés, a
été contraint de s'aliéner dans tous les points de vue,
suite à l'invasion de la civilisation occidentale. Ses empreintes sont
aujourd'hui indélébiles au regard du caractère de plus en
plus moderne de nos cimetières et des pratiques funéraires.
4. Articulation du sujet
A partir de la deuxième moitié du XIXème
siècle, date de l'invasion de la civilisation occidentale au Burundi,
avec surtout l'arrivée des missionnaires et de leurs agents
propagateurs, les Burundais commencent à rompre avec leur culture. Les
rites funéraires profanes cèdent petit à petit leur place
à un rite religieux accompli par le missionnaire. Le premier chapitre
porte sur La société burundaise face à la mort
où nous tentons une approche de définitions de la mort. Sa
conception, les attitudes des Burundais face à cet
événement et leurs rites intéressent également
notre réflexion. Le second chapitre revient sur Les sites
funéraires au Burundi. Dans cette partie, nous nous
intéressons à l'histoire des cimetières, leur
réglementation et leur catégorisation tandis que le
troisième et dernier chapitre se penche sur Les services
funéraires pour en dégager la complexité. Un accent
particulier va être mis sur le rôle joué par les pompes
funèbres, les appréciations et critiques des Burundais à
l'égard de ces services très contemporains dans notre
société.
4
CHAPITRE I. LA SOCIETE BURUNDAISE FACE A LA MORT
INTRODUCTION
Depuis toujours, les Burundais, comme d'autres peuples du
monde sont menacés à chaque instant par l'idée de la mort.
Bien qu'ils soient spectateurs de cette scène macabre qui est la mort,
les hommes ne s'y habituent pas. L'être humain est perplexe et inquiet de
devoir mourir un jour. Pendant fort longtemps, l'arrêt cardiaque quoique
souvent ignoré par les Burundais, a été conçu par
ces derniers comme le seul signe de la mort. En effet, la cessation des
battements du coeur et de la circulation sanguine impliquait automatiquement la
mort de celui qui en présentait les signes. Auparavant, le doute
n'existait pas. La personne dont le pouls n'était pas prévisible,
pendant une période même relativement brève, était
destinée à une mort inévitable. Les pleureuses
commençaient leur travail tandis que les hommes se
dépêchaient à l'évacuation du mourant. Avec
l'apparition de nouvelles techniques et technologies de réanimation
ainsi que le développement de la médecine de transplantation ou
de la science en général, l'arrêt des fonctions cardiaques,
au moins pour une période limitée, n'entraîne plus
nécessairement la mort. Cette réalité évidente dans
les pays développés ne concerne pas largement nos pays pauvres
où une grande partie de la population recourent toujours à la
médecine traditionnelle pour se soigner.
Vouloir comprendre l'attitude de la société
burundaise face à la mort revient à notre avis à se rendre
compte de la complexité de la notion même de la mort car d'une
part, comme le dit un logicien autrichien, Wittgenstein (1889-1951), "la mort
n'est pas un événement de la vie, [elle] ne peut pas être
vécue "13 pour en parler avec assurance et les
définitions varient selon les cultures et les époques, d'autre
part.
13. W. Ludwig, Tractatus
logico-philosophicus, p.84 in
www.dicocitations.com/resultat.php?id=4651
5
I. Définitions et conception de la mort
I.1. Définitions
Selon le Dictionnaire Larousse, la mort est une cessation
définitive de la vie14. La mort se définirait comme la
cessation irréversible de la vie et constituerait donc un changement
complet de l'état d'un être vivant et la perte de ses
caractéristiques essentielles.
Selon les spécialistes, pour un être vivant, la
mort intervient à plusieurs niveaux ou phases: c'est d'abord la mort
somatique considérée comme celle de l'organisme en tant
qu'ensemble intégré. Elle précède habituellement la
mort des organes, des cellules et de leurs composants. La mort somatique serait
marquée par l'arrêt du battement cardiaque, de la respiration, des
mouvements, des réflexes et de l'activité
cérébrale. Les mêmes spécialistes reconnaissent que
le moment précis de cette mort est parfois difficile à
déterminer parce que des états transitoires comme le coma,
l'évanouissement et la transe lui ressemblent beaucoup.
Aujourd'hui, la science médicale permet de distinguer
ces moments de la fin de la vie. Plusieurs études ont montré
qu'après la mort somatique, se produisent plusieurs modifications qui
peuvent être utilisées pour déterminer l'heure et les
circonstances du décès. Par exemple, le refroidissement du corps
(algor mortis), dépend surtout de la température de
l'environnement immédiat. On sait aussi que la raideur
cadavérique (rigor mortis), due au raidissement des muscles du
squelette, s'installe de cinq à dix heures après le
décès, mais disparaît trois ou quatre jours plus tard.
Concernant la lividité cadavérique (livor mortis), une
coloration bleue rougeâtre qui apparaît dans la partie
inférieure du corps, elle résulte de la stase sanguine. La
coagulation du sang commence peu de temps après la mort, de même
que l'autolyse ou la mort des cellules. La décomposition qui s'ensuit,
serait causée par l'action d'enzymes et de bactéries.
En somme, les organes meurent à des vitesses
différentes. Alors que les neurones du cerveau ne survivraient que cinq
minutes à la mort somatique, la durée de survie des cellules
cardiaques est estimée à environ quinze minutes et celles du foie
en moyenne trente minutes. C'est la raison pour laquelle des organes peuvent
être prélevés sur un corps récemment
décédé et greffés chez une personne
vivante.15
'4. Dictionnaire français, Editions
françaises Inc, Paris, 1995, p.413
'5. M.A. DESCAMPS, Les Définitions de la mort, in
http://www.europsy.org/ceemi/defmort.html.
6
On constate après tout qu'il n'y a pas de
définitions incontestables de la mort. Ainsi, celles que des chercheurs
utilisent actuellement changent du jour au lendemain. Selon Marc Alain Descamps
(professeur de psychologie, président du Centre d'Etude des
Expériences de Mort Imminente), on peut distinguer des
définitions scientifiques, qui portent sur le moment de la mort et des
définitions philosophiques, qui portent sur sa nature16.
Parmi les définitions philosophiques, les unes sont
matérialistes et les autres sont spiritualistes. Les médecins ne
peuvent que déterminer l'instant de la mort. Dire ce qu'elle est, est
une option philosophique, qui ne relève pas de la science. Ainsi donc,
les matérialistes définissent la mort comme: "l'état dont
on ne revient pas"; il s'agit de la définition philosophique la plus
répandue. Lorsque quelqu'un revient à la vie après avoir
été déclaré mort, le médecin se
désavoue et reconnaît s'être trompé dans son
certificat de décès, puisqu'il sait, par sa conviction
philosophique, que ce n'est pas possible.
Terrorisés par la mort religieuse, avec son alternative
entre l'éternité de jouissance du Ciel ou les souffrances sans
fin de l'Enfer, les philosophes matérialistes du dix-huitième
siècle, scientistes du dix-neuvième siècle, marxistes du
vingtième siècle ont inventé, créé, puis
diffusé obligatoirement une nouvelle définition de la mort. C'est
"la fin de tout, du corps et du principe de conscience"17. Ils ont
préféré inventer une mort qui serait la fin de tout. La
mort, pour eux serait la disparition du principe pensant (âme,
mémoire ou conscience,...), l'anéantissement total, après
il n'y aurait plus rien. C'est la mort matérialiste ou la mort-
anéantissement. On passe donc à la théorie de la fin d'une
vie dénuée de sens.
Selon Descamps, une telle croyance, indûment
diffusée au nom de la science (aucune preuve scientifique n'existe
à ce sujet), va avec le monde matérialiste que nous subissons:
l'acharnement thérapeutique (emploi de tous les moyens pour maintenir en
vie un malade), la vieillesse/catastrophe, les mouroirs/dépotoirs, la
désespérance et la nausée sartrienne.18
16. M.A. DESCAMPS, op.cit.
17. Ibid.
18. Ibid
7
Les Spiritualistes quant à eux, définissent la
mort comme « l'absence de corps physique et l'impossibilité de
communiquer avec ceux qui ont un corps physique ou de
chair.»19
En effet, dans son témoignage, Diane Chauvelot,
médecin psychanalyste, a montré en 1995 que pendant ses 47 jours
de coma, son esprit fonctionnait et enregistrait inconsciemment ses
perceptions. Les morts seraient « au milieu des
vivants».20 Et ceci est expérimenté dans de
nombreuses circonstances (opérations, accidents, chutes, noyades,
extases, transes, sorties du corps ...).
La mort peut-être aussi, d'après le même
courant, « le changement et l'oubli ». Cette conception de la mort
semble jouer sur un sophisme simple: si la vraie mort est dans le changement et
l'oubli, alors elle est de tous les instants et n'est pas séparable de
la vie. On peut en déduire que la condition humaine, qui est incluse
dans le temps, fait que nous mourons et renaissons à chaque instant. On
commence par être un nouveau-né, qui disparaît pour laisser
la place à un nourrisson, puis à un bébé, enfant,
adolescent, jeune, adulte, personne âgée , ...21
Au point de vue religieux, la mort se définit comme la
séparation de l'âme et du corps: " Que la poussière
rentre (...) et que l'esprit retourne à Dieu qui l'avait
donné". 22
Comme la définition de la mort reste d'une grande
complexité, cela ne fait qu'accroître le doute en ce qui concerne
l'identification d'un mort. De crainte d'enterrer un mort-vivant, on avait
adopté quelques précautions. En Occident, par exemple, on peut
retenir : un rappel par trois fois, à haute voix, du nom du
défunt présumé, les coutumes de la toilette, de
l'exposition du corps, du deuil dont le bruit pouvait réveiller le
mort-vivant, l'habitude de laisser le visage découvert, etc.
C'étaient des méthodes pragmatiques qui étaient
utilisées pour vérifier si le présumé mort
l'était réellement ou s'il s'agissait d'un coma profond. C'est la
stimulation nociceptive, c'est-à-dire faire très mal, dans les
comas profonds qui induit normalement une réaction, mais si le sujet est
bien mort, il n'y a aucune réaction (classiquement, on croquait le gros
orteil, d'où l'expression de croque-mort). Les veilles funéraires
jouaient aussi un rôle dans la
19. Ibid.
20. M.A. DESCAMPS, op.cit.
21. Ibid.
22. Alliance Biblique Universelle, La Bible,
Ecclésiaste XII, 7
8
certitude de la mort: la famille rassemblée pour prier
restait auprès du mort plusieurs heures et pouvait donc
éventuellement détecter des signes de vie. 23
Le code de droit canon de 1917 est explicite à ce
sujet:
"On n'enterrera aucun corps surtout si la mort a
été soudaine, sans avoir attendu un certain intervalle de temps,
suffisant pour dissiper tout doute autour de la réalité de la
mort".24
Au Burundi, selon une enquête menée en Mairie de
Bujumbura, pour éviter d'enterrer des personnes encore vivantes,
certaines précautions étaient prises par les
Barundi. Ces derniers vérifiaient la température du
corps, l'orientation des yeux et la position du corps (articulation des bras et
des jambes,...) car chez une personne morte, il n'y a plus d'articulation et du
mouvement du corps. Les membres de la famille qui alitent un malade,
vérifiaient aussi l'existence de battement du coeur. Un autre grand
signe que les anciens observaient est la présence des matières
fécales qu'un moribond présente dès qu'il coupe son
dernier souffle. Cette matière peut passer soit par la bouche soit par
l'anus. C'est pourquoi, au lit d'un malade devait rester une ou deux personnes
âgées et sages pour veiller à tous ces signes et lui
apporter ainsi des soins dont avait besoin une personne morte dignement:
l'aider à garder une position normale.25
Quant aux autorités administrative et médicale,
elles posent des conditions pour l'approbation de la mort. Il faut disposer des
documents attestant réellement le décès.
23. C.RAMBAUD, La personne
décédée et la définition légale de la
mort in
http://72.14.209.104/search?
(...)
infodoc.inserm.fr/ethique/cours.nsf/
(...) l+y+a+la+mort&hl=fr&gl=bi&ct=clnk&cd=
9infodoc.inserm.fr/ethique/cours.nsf/
(...) il+y+a+la+mort&hl=fr&gl=bi&ct=clnk&cd=9
24. A.A.SAMI, Les Cimetières, normes et pratiques chez
les Musulmans et leur implication en Suisse, L'Harmattan, Paris, 2001,
pp.67-68.
25. Témoignage de Me Nzobandora A., en Mairie de
Bujumbura, août 2005.
9
I.1.1. DOCUMENTS DE LA MORT
Un tel sujet paraît banal. Pourtant, dans les
sociétés à écriture, après la mort, les
membres du disparu sont officiellement appelés à fournir des
documents. Ces derniers ont pour but de lever les équivoques sur une
mort effective et permettre d'identifier sa nature s'il s'agit ou pas d'une
mort violente. Ces papiers sont le procès verbal du constat de la mort,
l'acte de décès et le permis d'inhumer.
Seul le médecin est habilité à remplir le
certificat de décès. Il s'agit souvent du médecin
d'état civil dans certaines villes, ou tout simplement le médecin
appelé au chevet du malade ou sur les lieux de découverte d'un
corps.
Sur le certificat, il précise le caractère
réel, le constat de la mort ainsi que les causes du
décès.26
Au Burundi, l'acte de décès officialise le jour
d'ouverture des procédures de succession.27 Il est
dressé dans les quinze jours, sur déclaration de deux
témoins faite à l'officier de l'état civil du lieu du
dernier domicile du défunt. L'acte de décès mentionne en
outre la date et le lieu du décès, les noms, prénoms,
profession et domicile du défunt ainsi que ses père, mère
et conjoint. Il précède en principe, le permis d'inhumation qui
doit être délivré 24h après l'acte de
décès.
Encore au Burundi, bien que la loi recommande que
l'enterrement soit sur exhibition d'un permis d'inhumation
délivré par un officier d'état civil, rares sont les
familles qui respectent la règle. On remarque que les personnes qui
déclarent les décès visent des avantages comme l'obtention
des frais d'inhumation auprès des employeurs de disparus, les frais de
l'I.N.S.S (Institut National de la Sécurité Sociale), les
retraits de l'argent se trouvant sur des comptes,...Les causes à ces
manquements seraient que notre pays n'a plus de cimetières
officiellement reconnus car sinon là où ils existent, il y a un
gardien qui veille sur les enterrements anarchiques.28
En somme, même si on est tenu de déclarer le
décès, les officiers de l'état-civil fustigent le manque
de volonté de la population qui ne fait pas enregistrer les
décès.
26. Généralement, l'original du procès
verbal est conservé dans le dossier médical du patient, un double
est remis au Directeur d'établissement et un double est conservé
par le ou les médecins ayant fait le constat. Enfin,
l'établissement de procès-verbal et la délivrance du
certificat de décès doivent se faire de façon
concomitante.
27. Décret-loi n°1/024 du 28 avril 1993 portant
Réforme du Code des Personnes et de la famille, art.41 et 42.
10
Des retards de déclaration seraient actuellement
nombreux surtout en Mairie de Bujumbura. A titre illustratif, on citera des
décès de 1972 dont les déclarations viennent d'être
faites en 2005. Les intéressés ne sont que des veufs et des
orphelins qui veulent entre autres l'exonération des impôts,
bénéficier des frais d'assurance car leurs parents
s'étaient fait assurer dans des compagnies d'assurance. Selon une
enquête effectuée au service de l'état-civil en Mairie de
Bujumbura, et on l'a déjà dit, ceux qui font des
déclarations de décès veulent des documents administratifs
leur permettant de bénéficier de certains droits naguère
détenus par le disparu. C'est notamment le droit d'hériter et les
droits fiscaux.
Après ce tour d'horizon sur les définitions
aussi scientifiques que philosophiques, nous pouvons maintenant nous poser la
vraie question de l'attitude des Burundais face à la mort.
I. 2. LA SOCIETE BURUNDAISE ET LA CONCEPTION DE LA
MORT
Indépendamment des sociétés, la
conception de cette terrible fin humaine pose beaucoup de problèmes. La
mort est conçue comme un événement difficile à
comprendre et suscite la crainte et des doutes quant à sa nature. Cette
crainte et sa problématique amènent par exemple les Burundais
à considérer la mort comme omniprésente,
inévitable, voisine, juste, omnivore et gourmande, ravisseuse,
méchamment déconcertante, impitoyable et enfin
jalouse.29
En effet, pour les Burundais, la mort est localisée
partout. C'est ainsi qu'ils donnaient à leurs enfants des noms tels que
: Ntirubahamwe (c'est-à-dire que la mort n'est pas dans un seul
endroit), Rurihose (la mort est partout). 30 C'est un
compagnon de route avec bien entendu une idée de persécution.
La mort est aussi considérée comme
inévitable. Tout le monde est unanime qu'on ne peut pas y
échapper. Personne ne peut la fuir. C'est pourquoi on a des noms rundi
comme Ntiruhungwa (personne ne s'y échappe), Ntibarukinga,
Ntirubuzwa (on ne peut pas lui interdire de prendre qui elle veut),
etc.
28. Enquête auprès d'un responsable des services de
l'état civil en Mairie de Bujumbura, août 2005.
29. P. Ntahombaye, Des noms et des hommes. Aspects
psychologiques et sociologiques du nom au Burundi, Karthala, Paris, 1983,
pp 166-177 passim.
30. P.Ntahombaye, op.cit, p.166
11
Quant à la proximité de la mort, les Burundais
voient que la mort est toujours tout près, au sein de l'enclos, à
la cour. D'où on a des noms comme : Ntirubakure (elle n'habite
pas loin); Rwamahafi (elle est toujours tout près) ;
Rurikumbuga (elle est à la cour).
Au point de vue de la justesse de la mort, il y a un consensus
du fait qu'elle arrive à tout le monde sans distinction. D' où
certains parents appellent leurs enfants : Basabose (ils ressemblent
à tous), Surwumwe (elle n'est pas d'un seul). 31
Cependant, malgré ce constat d'une mort juste, les Burundais ne manquent
pas d'évoquer une autre face de la réalité.
Ainsi, quand on vient de perdre un proche, on a l'impression
d'être la seule victime de la mort et de la souffrance. La mort devient
finalement sélective. Mais elle est surtout omnivore et gourmande. C'est
ainsi que des parents appellent leurs enfants Rusizubusa (elle ne
laisse rien), Ntirunena (elle emporte tout sans pitié, tout le
monde, les jeunes et les vieux, le laid et le beau, le pauvre et le riche).
La mort est toujours décidée et prompte à
ravir. Ce caractère décisif est exprimé à travers
des noms comme : Ruzanyingata (elle vient avec coussinet pour tout
emporter ), Rubanzingata (elle tresse un coussinet dans le même
objectif ). En effet, prendre le coussinet (ingata) lorsqu'on doit
aller chercher quelque chose est la preuve d'une décision
irréversible à remplir cette besogne.
Pour insister sur la méchanceté
déconcertante de la mort, on dit qu'elle sape les bases, qu'elle coupe
les nerfs. C'est pourquoi, on a des noms rundi comme Rucintango
(intango signifie une base, un commencement), Rucamirya
(imirya = nerfs de boeuf dont on fait des cordes pour
l'instrument de musique, représentation de force).
Après la mort du père, la mère pourra
donner à son enfant un nom évoquant la
méchanceté.
Par exemple, on a : Rukorikibi (elle fait mal),
Ruronona (elle abîme) 32, ...
Pour ce qui est de l'impitoyabilité, la mort n'a pas de
pitié du fait qu'elle tue des bébés, des innocents et
cela, après une longue période de souffrances. C'est ainsi que
l'on trouve des noms comme: Ruterimbabazi (elle cause pitié),
Ruteyintimba (elle rend triste, elle chagrine), Ruranika (elle laisse les gens
souffrir, elle malmène). A ce
31 . P.Ntahombaye, op.cit, p.169
12
niveau, il est important de rappeler que les Burundais
distinguent une mauvaise mort (celle qui tue quelqu'un après
s'être alité un long moment) d'une bonne mort (celle qui prend
quelqu'un après un bref temps de maladie), on dit:
«rwamunyarukije» pour dire qu'elle ne l'a pas fait traîner dans
la souffrance.
Enfin, citons cette dernière conception, celle de la
jalousie. Pour les Burundais, la mort ne veut pas que les gens soient à
l'aise, qu'ils aient des succès car elle surprend des personnes
réalisant des activités grandioses. Elle frappe un des
fiancés sur le point de se marier. C'est pourquoi, on donne aux enfants
des noms comme : Rwankineza (elle hait le bien), Rurankiriza
(elle fait échouer).
En somme, chez les Barundi, la mort naturelle n'existe pas.
Aucune personne ne meurt par accident ou suite à une maladie. Si l'on
meurt, c'est que tel ou tel autre a fabriqué ou proféré
des incantations.33 Tout honnête homme qui meurt, même
par suicide ou par accident est en principe tué par quelqu'un d'autre.
Des méchants et des bandits sont tués par les dieux même
s'ils sont assassinés. Aussitôt que l'on pousse le dernier soupir,
les membres du défunt procèdent à la recherche du
responsable du mauvais sort. C'est ainsi qu'ici et là, des personnes
sont lynchées en les assimilant aux sorciers. Si l'on demande à
ceux qui viennent de commettre le meurtre pourquoi ils ont fait cela, ils
disent qu'ils se vengent. On entendra par exemple cette phrase: «
Même le devin nous l'a dit, il tue même des mouches », pour
dire tout simplement qu'il excelle dans la sorcellerie. Ici, il y a lieu de
signaler l'importance que l'on attache aux devins (abapfumu). Ceux-ci
sont là pour prévenir dit-on, la société contre des
jeteurs de mauvais sort.
En outre, à part que les gens responsabilisent les
féticheurs dans la mort du voisin, le Murundi redoute la
jalousie des ancêtres.34 Il ne les néglige ni ne peut
les ignorer car ils pourraient troubler sa vie. Alors, cela fait que l'on n'est
jamais sûr de l'avenir. Quoique les mentalités ont dû
évoluer, le Murundi croit que des ennemis inconnus ou connus
rôdent autour de lui pour nuire à sa santé et ravir la
tranquillité de sa famille. Cette menace incessante de la mort est
manifestée par le recours à l'usage des fétiches, soit
contre le hasard (ibiheko vy'inzeduka) ou par la recherche des
fétiches de survie (ibiheko vy'agahanga). Appelés aussi
« ibiheko vy'amagara» ou «
32. P.Ntahombaye, op.cit, p.169
33. R. Manran, Batouala, Paris, Albin Michel, 1921,
p.125.
34 .M. Ntakirutimana, et A. Ntahondereye, « Les
pratiques concrètes du fétichisme », «
Que vous en semble? » n° 37, Bujumbura, 1979, p.40.
13
ibiheko vyo gukiza agatwe », ils seraient
susceptibles de jouer un rôle offensif vis-à-vis du malfaiteur
humain, en ce sens que tout en protégeant le possesseur, ils le vengent
en portant malheur au malfaiteur.
De surcroît, le Murundi, menacé par la mort dont
le responsable est celui avec qui il n'est pas en bon terme, éduquait
son enfant à avoir peur, non pas d'une attaque d'un animal, mais celle
causée par la nourriture offerte par un méchant voisin. C'est
pourquoi, on lui interdisait de manger n'importe où. S'il arrivait de le
faire on le conseillait d'éviter de prendre le premier la
première bouchée si celui qui a offert à manger ne
montrait pas l'exemple. On avait l'habitude de boire ou de goûter le
premier
ce que l'on présentait à son hôte. C'est
ce qu'on appelait " kurogora"
("désempoisonner").
Les Burundais avaient peur de ceux qui pouvaient arracher la
vie. C'est pour cette raison qu'on ne devait pas répondre
spontanément à aucun appel nocturne. On avait grand soin de
conserver ses choses (morceau de natte, de chalumeau, de motte de terre sur les
murs de sa hutte ou tous ces vieux vêtements) aussi bien cachées
que possibles ou de les avoir constamment sous ses yeux.
Etant donné que la mort est un sujet sur lequel les
gens n'osent pas échanger, les habitués de la mort y voient une
occasion de se tirer d'affaire. Sur le lieu de travail, un employé qui
n'est pas sûr de décrocher une permission de son employeur avance
des raisons de décès. Il accepte de sacrifier son père ou
un proche pour bénéficier d'un congé dit de circonstance.
D'autres personnes n'hésitent pas à user du mensonge (un cousin,
un proche parent décédé) pour arracher un geste de
solidarité (des bières au bistrot ou une petite somme d'argent
destinée à consoler l'infortuné !).
Lors d'une enquête effectuée en zone Buyenzi, on
nous a rapporté l'histoire certes anecdotique, d'une personne qui est
venue participer à une petite levée de deuil d'un enfant d'une
famille voisine mort à huit mois. Alors, ladite personne après
être accueillie et voyant qu'elle ne recevait pas de quoi manger ni
boire, s'est mise à pleurer en disant : «c'était mon
véritable ami, il était le plus buteur de notre équipe de
football. Notre équipe vient de perdre un grand joueur ! » . Tous
ceux qui se trouvaient là ont commencé à penser qu'il
s'agissait d'une personne anormale, peut-être un fou. Cependant, le
phénomène est devenu courant: ce ne sont pas
nécessairement les
14
proches du défunt qui pleurent beaucoup mais les gens
qui veulent tirer profit de la circonstance.
Peut-on en conclure que le propre de l'homme sur cette terre
est justement de faire l'expérience de la mort ? Ainsi, donc, la mort
devient un fond de commerce, un moyen de profit. C'est le cas de ceux qui
offrent des services funéraires. Quand il y a une personne qui vient
pour acheter un cercueil et qu'elle se presse, des vendeurs n'hésitent
pas de rehausser des prix en se disant que l'on ne va pas transporter son
cadavre dans la main. En tenant compte de ce comportement, on peut conclure que
les Burundais ont adopté de nouvelles habitudes face à la mort.
Actuellement, la mort constitue une occasion de manger, de boire ou de se
procurer de l'argent pour certains, en fournissant des services
funéraires (voir le chap.III) pendant que d'autres pleurent
véritablement leurs morts. L'homme essaie petit à petit de
transcender cette dimension tragique par le rire ou la banalisation. Bien qu'on
s'habitue à la mort, celle-ci nous touche au plus profond car elle
crée un vide dû à une perte d'une vie d'un proche.
Cependant, tout cela est humain parce que le sort de l'homme est de mourir et
son attitude n'est souvent que de se résigner, se soumettre sans
protestation.
I. 3. ATTITUDES DEVANT LA MORT
Devant la mort, les Burundais adoptent de nouveaux
comportements dus à la croyance qu'ils attachent aux ancêtres,
protecteurs des vivants. Mais cette croyance n'est pas restée sans
connaître d'évolution. Depuis que le Burundi est
pénétré par des Européens et d'autres personnes
d'autres horizons, les Burundais qui avaient une seule attitude, celle
léguée par nos grands-pères ont adopté plusieurs
attitudes selon la religion que l'on pratique.
D'abord, disons qu'au point de vue émotionnel, l'homme
est profondément angoissé et désorienté. Cette
angoisse vient du fait que l'on a l'impression de s'acheminer vers
l'inconnu35, il ne connaît pas le mode d'existence
outre-tombe. C'est pour cela qu'on s'attache plus farouchement à la vie
terrestre; le Murundi comme d'autres peuples lutte pour la protection
de sa vie et le renforcement de tous les éléments
périssables dont il résulte. Les manifestations de cet esprit de
pérennité sont entre autres: les pleurs, le soutien
apporté à la famille du défunt (kugarukirako),
les
35. M. Mulago gwa Cikala, « La religion traditionnelle des
Bantu et leur vision du monde », BCRA, Faculté de
théologie
15
qualificatifs donnés à la situation dure
(Rwashenye irembo quand c'est le père de famille qui meurt), on
est dans les moments difficiles ..., on se prive des activités
rémunératrices (kugandara), ...
Ensuite, au niveau pratique, avec la mort il y a des
comportements nouveaux. C'est la phase de deuil qui montre l'accent combien
particulier entourant ce départ imprévu d'un être cher.
Notons que la place que ce dernier avait au niveau social est tenue en
considération. Prenons le cas du décès du roi, tout le
pays était mis en deuil et toutes les activités créatrices
étaient complètement arrêtées pendant un mois.
Ainsi, il était interdit de s'adonner aux cultures et de forger le fer
avant l'investiture du nouveau. Les hommes suspendaient leurs relations
sexuelles et les taureaux étaient séparés des vaches, les
bracelets étaient recouverts d'écorce, les activités
habituelles devaient être modifiées. Ainsi, au lieu de baratter
dans les instruments en courges (ibisabo), on utilisait des pots en
argile. A la cour du roi, on ne ramassait plus la bouse des vaches. Bref, le
monde était à l'envers, livré au chaos. On disait que le
ciel s'était effondré (ijuru
ryakorotse).36
En outre, le défunt est habillé pour qu'il ne
soit pas nu dans l'au-delà. On dépose sur sa tombe des
ustensiles, des objets familiers, ou bien on y apporte de la nourriture pour
que le défunt puisse se nourrir!37
De manière générale, signalons que les
attitudes changent au fur et à mesure qu'évolue
l'homme.38 Avant, on observait un rituel coutumier qui est de plus
en plus supplanté par un autre plus religieux dénoué de
toute crainte. Ici, les enseignements religieux y jouent un grand rôle.
Les chrétiens comme les musulmans recommandent des invocations, des
chants devant un cadavre arguant que c'est pour lui préparer une place
heureuse dans l'au-delà.
Donc, les destinations des morts, jadis terrifiantes (enfer,
lieu destiné au supplice des damnés39)
entraînant par conséquent des pleurs, ne sont plus douteuses mais
consolantes. La mort chrétienne est associée au baptême et
à l'eucharistie. Le jour de la mort est aussi appelé "dies
natalis", c'est-à-dire jour de la naissance [à la vie
catholique, Kinshasa, 1980, p.48.
36. E. Mworoha, Peuples et rois de l'Afrique des
Lacs, Les Nouvelles Editions Africaines, Dakar, 1977, p.282 37 . M. Mulago
gwa Cikala, op. cit., p.48
38. P. Ariès, L'homme devant la mort, Paris,
Seuil, 1977, p.13
39. Dictionnaire français, Ed. Françaises,
Paris, 1995, p512.
16
éternelle] : c'est l'accomplissement du baptême
ou le passage de la mort à la vie avec le Christ.
En fin de compte, qu'on éprouve tel sentiment ou tel
autre, face à la mort il y a une manifestation ultime du respect de la
mort. Pour reprendre l'Ecclésiaste (VII, 2), mieux vaut aller à
la maison de deuil que d'aller à la maison de banquet, parce que c'est
la fin de tous les humains. Gardons l'aspect dogmatique de ces propos pour ne
pas en commenter.
I.4. LA MORT ET LA LEGISLATION BURUNDAISE
Au Burundi, comme partout ailleurs, le droit se
préoccupe de la mort, sous de nombreux aspects afin de préserver
la dignité humaine et le droit à la vie. Ainsi, beaucoup de
crimes entraînant la mort sont découragés et leurs auteurs
sanctionnés par la servitude pénale à
perpétuité ou la peine de mort, quoique cette dernière
semble de plus en plus contestée dans le monde.
I. 4. 1. PROBLEMATIQUE DE LA PEINE DE MORT I.4.1.1.
Vue générale sur sa conception et son
application
L'article 6 du Pacte International relatif aux droits civils
et politiques (PIDCP) définit strictement la peine de mort comme une
condamnation résultant d'une décision de Justice rendue par un
tribunal régulièrement constitué et conformément
aux règles du procès équitable. Elle est prévue par
le code pénal de l'Etat qui l'applique.40 Notons ici que la
peine de mort ne se confond pas avec "l'exécution
extrajudiciaire"41 ou l'euthanasie comme celle de
l'élimination d'individus jugés indésirables, des vies
sans valeur ou des faibles (handicapés physiques ou mentaux,...) ayant
parfois été pratiquée sous le nom d'euthanasie ou d'une
action caritative, d'une libération par la mort. Signalons que ces
pratiques étaient fréquentes sous le IIIème
Reich en Allemagne nazie.
40.
http://www.amnestyinternational.be/doc/article2806.html
41. "Il ne faut pas confondre peine de mort et exécution
sommaire ou extrajudiciaire. L'exécution extrajudiciaire consiste
à priver arbitrairement une personne de sa vie, en l'absence de tout
jugement d'un tribunal compétent, indépendant ou de tout recours.
Elle est strictement interdite par le Droit International, en période de
paix comme en situation de conflit. Un rapporteur spécial de la
Commission des droits de l'homme des Nations Unies est chargé de suivre
la question des exécutions sommaires. " Réf : dictionnaire
pratique du droit humanitaire de Mme F. Bouchet-Saulnier) in
http://www.amnestyinternational.be/doc/article2806.html
17
En effet, la peine de mort se conçoit comme un
châtiment, tandis que l'euthanasie n'implique pas une telle notion; elle
était administrée pour des motifs de plus en plus légers
comme des malformations diverses, incontinence, difficultés
d'éducation, bouche inutile,...En guise de rappel, on estime aujourd'hui
que des victimes arrivent à 275.000 dans ce "contexte hospitalier".
L'ouvrage de Karl Binding intitulé«La liberté de
destruction des vies indignes d'être vécues,
Leipizig, 1920» a beaucoup inspiré
cette pratique. Ce livre défendait la thèse selon laquelle
l'élimination "des gens sans valeur "devait être
légalisée. Les concepts de "vie sans valeur " ou "vie indigne
d'être vécue ", utilisés par les nazis viennent de ce livre
où Binding et Hoche42 y parlent "d'êtres humains sans
valeur". Ils y plaident pour "l'élimination de ceux qu'on ne peut pas
sauver et dont la mort est une nécessité urgente". Ils parlaient
de ceux qui sont au-dessous du niveau de la bête et qui n'ont ni "la
volonté de vivre ni celle de mourir". Ils évoquaient ainsi ceux
qui sont "mentalement morts " et qui forment "un corps étranger à
la société des hommes". Il serait inutile de revenir sur les
réactions indignées de la communauté humaine face à
ce dérapage naziste.
Par ailleurs, le fait pour un policier ou toute autre personne
de tuer, en état de légitime défense, un suspect ou un
criminel, ne constitue pas une application de la peine de mort. Il en est de
même pour les morts causées par les opérations militaires,
sauf dans des cas particuliers (procès militaires).
Ce qui est certain c'est que la peine de mort a
été appliquée dans presque toutes les civilisations
à travers l'histoire. De nos jours, presque toutes les
démocraties, comme la France ou l'Allemagne l'ont abolie respectivement
en 1981 et en 1987. Une majorité des Etats fédérés
des Etats-Unis, surtout dans le Sud, ont repris cette pratique après une
brève interruption dans les années 1970. Les Etats-Unis sont
l'une des rares démocraties, avec le Japon et l'Inde, à continuer
à l'appliquer. La peine capitale est toujours prononcée dans tous
les pays non démocratiques malgré sa prohibition par des textes
internationaux. Ainsi, par exemple, le protocole numéro 13 de la
Convention européenne des Droits de l'Homme, signé dans le cadre
du Conseil de l'Europe, interdit la peine de mort en toute circonstance. Ce
protocole n'a pas été signé par trois pays à savoir
l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Russie.
42. Hoche Alfred était le professeur de Psychiatrie et
directeur de la Clinique psychiatrique de Freiburg de 1902 à 1934. Il a
apporté une contribution valable à la Neuropsychiatrie.
18
I. 4. 1. 2. Le Burundi face à la peine de
mort
D'une manière générale, l'Etat burundais
préconise la peine de mort pour décourager et sanctionner des
crimes de sang, qui emportent des vies humaines. « Ainsi, la peine de mort
serait l'autodéfense sociale à la sanction proposée pour
satisfaire les ayants droits de la victime du condamné. »43
Signalons qu'actuellement, le Burundi fait partie de 83 pays
et territoires dont la législation prévoit la peine de mort pour
des crimes de droit commun et qui procèdent à des
exécutions. Le décret-loi n°1/55 du 19 août 1980 a
institué une
juridiction spécialisée appelée Chambre
criminelle (Sentare rubamba) au nombre de trois, aujourd'hui
(Bujumbura, Gitega et Ngozi). Sa spécialité s'analysait aux faits
graves qu'elle était portée à juger.
Quels sont ces crimes qui méritent la peine de mort au
Burundi? Les crimes sanctionnés par la peine de mort comme le
prévoit le Code pénal burundais dans ses dispositions sont:
1°) L'homicide (art.141). Par l'homicide, il faut
englober le meurtre, qui est puni de servitude pénale à
perpétuité ou à la peine de mort(art.142), le parricide
(meurtre des père, mère ou autres ascendants légitimes
ainsi que le meurtre des père et mère naturels) et l'assassinat
(meurtre commis avec préméditation) (art.143-142) ;
2°) L'empoisonnement (art.151) défini comme un
crime constitué par tout attentat à la vie d'une personne par
administration de substances toxiques qui peuvent donner la mort.
3°) L'anthropophagie : Même si elle d'un être
mort, la chaire humaine est si scrupuleusement sacrée que "quiconque
aura provoqué ou préparé des actes d'anthropophagie, y
aura participé, ou aura été trouvé en possession de
chaire humaine destinée à des actes d'anthropophagie" est puni de
mort (art.165).
4°) Des épreuves superstitieuses causant la mort
(art.159) ;
5°) Des tortures qui ont causé la mort (article
171) ;
6°) L'infraction de vol qualifié commis avec
violences causant une infirmité permanente occasionnée par
l'usage d'une arme (article 187) ;
7°) De l'infraction de meurtre commis pour faciliter le
vol ou l'extorsion ou pour en assurer l'impunité (article 190) ;
19
8°) L'enlèvement suivi de la mort du mineur (art.359,
alinéa 4) ;
9°) Le viol ou l'attentat à la pudeur ayant
causé la mort de la personne sur laquelle il a été commis
(art. 386).
10°) De l'infraction d'atteinte à la
sûreté intérieure de l'Etat, la trahison et l'espionnage,
certaines atteintes à la sûreté de l'Etat comme des
attentats et complots contre le Chef de l'Etat, des attentats tendant à
porter le massacre, dévastation, pillage et participation aux bandes
armées.44
Ainsi, les personnes dont la culpabilité est
établie suivant les infractions précitées sont
théoriquement punies de mort et l'exécution devrait être
par pendaison pour des civils et par des armes pour des militaires. Même
si la Chambre criminelle instituée en 1980 a régulièrement
prononcé ce jugement, les condamnés à mort
n'étaient pas exécutés directement. Le coupable disposait
de huit jours de pourvoi en cassation.
Statistiquement, selon l'Association Burundaise pour la
Protection des Droits Humains et des Personnes Détenues, APRODH en
sigle, depuis 1962 à octobre 2004, il y a, jusque là, huit cas
d'exécutions.45 Signalons que les huit cas concernent des
dossiers dans lesquels des prévenus sont coaccusés.
On peut retenir ici l'exemple de l'assassinat du prince Louis
Rwagasore. Ainsi, Kajorgis est pendu à Gitega, le 30 juin 1962, suivi de
ses complices, à savoir Birori Joseph, Ntidendereza Jean-Baptiste,
Nahimana Antoine et Iatrou Michel, pendus le 15 janvier 1963.
En décembre 1965, trois militaires accusés de
rébellion ont été exécutés par passation aux
armes au stade prince Louis Rwagasore. En 1966, trois
personnes civiles (Bamina Joseph, Nzobaza Mathias et Benyaguje Emile)
accusées d'être de mèche avec ces militaires ont
été exécutées par les armes, dans la prison de
Muramvya. En 1969, l'on signale un cas de certains militaires des camps Ngozi
et Gitega, auteurs du coup d'état avorté à la
rivière Nkaka qui ont été exécutés
publiquement, à Bujumbura, par passation aux armes. En
1972, d'autres condamnés à mort dans toutes les prisons du pays
ont été exécutés à coups de marteau ou de
43. APRODH, op. cit., p.2
44. Code pénal, articles de 393 à 397 ; 417, 419
et 421.
45. APRODH, op.cit., p.5
20
baïonnettes. Le Conseil de guerre s'est mis à
rassembler leurs mandats d'arrêt et procès verbaux d'arrestations
auprès des procureurs et officiers de police judiciaire et enfin
à exécuter les personnes cibles.46
En 1982 et 1983, des auteurs (civils) d'anthropophagie (
Nangayivuza qui signifie une harpe qui se joue) et des voleurs
qualifiés (Gatarina, un nom tiré de la méthode
utilisée pour défoncer les portes à l'aide d'un gros
caillou balancé contre celles-ci) ont été
exécutés à Musaga (Bujumbura) et à Karuzi. En 1997,
six auteurs de massacres et pillages de 1993 à Kibimba et Gitega, dont
un condamné du chef d'assassinat d'une femme douanière à
Bwiza ont été exécutés. En 2001, trois militaires
ont été passés aux armes, un à Nyanza-Lac et deux
autres à Gitega, après un verdict tombé au Conseil de
guerre. Notons que d'autres condamnations à mort ne cessent d'être
prononcées et seules les exécutions restent tardives.
En guise d'illustration, des Chambres criminelles ont
prononcé 648 peines de mort, de 1996 à 2004 47
réparties dans le tableau comme suit :
Tableau n°1: Répartition des condamnés
à mort par les chambres criminelles
Année
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
Peine de mort
|
179
|
71
|
47
|
97
|
99
|
61
|
53
|
28
|
13
|
Toutes ces personnes attendent dans le couloir de la mort avec
l'espoir qu'ils vont bénéficier de la grâce
présidentielle. Signalons à toute fin utile que l'actuel
président de la République, Pierre Nkurunziza alors au maquis
figure parmi ces condamnés. Il avait été accusé
avec six autres personnes (Léonidas Hatungimana alias Muporo, Ismail
Hussein, Jamal Nsabimana, Bosco Nyandwi, Hamadi Haruna et Nsanzurwimo Swedi)
d'« attentats et complots tendant à porter le massacre, la
dévastation ou le pillage » lors des faits qui se sont
déroulés à Nyambuye, en commune Isare, à Bujumbura
rural. Son dossier portait le numéro RPCC 803.48
"Sa victoire d'être encore en vie alors qu'il avait
été condamné à mort", pour reprendre sa phrase
prononcée lors de son interview avec la rédaction de
kirimba,49 le poussa à
46. Ibid.
47. OHCDHB, Note de présentation du séminaire
national de réflexion sur le thème: « L'assistance
judiciaire comme moyen de réalisation des Droits de l'homme, bilan des
réalisations et perspectives d'avenir », Bujumbura, mars 2005.
48.
http://www.netpress.bi/ts/301002.htm
49. C'est un privilège et une victoire d'être
encore en vie voir le site
http://www.burundi-info.com/article.php3?id_article=72
21
décréter une immunité provisoire des
prisonniers politiques, en date du 3 janvier 2006 sous le
numéro100/02.
Cette mesure est suivie d'une autre d'application,
l'ordonnance ministérielle n°550/18 du 9 janvier 2006
libérant 673 prisonniers dits « prisonniers politiques »
après avoir été identifiés par une Commission
créée par le décret n°100/92 du 7 novembre 2005.
Notons qu'il s'agit d'une mesure qui suscita beaucoup de
réactions au niveau de la classe politique et de la
société civile d'autant plus que des divergences
d'interprétation subsistaient au niveau de la notion de prisonnier
politique. Pour la comprendre, revenons sur la définition donnée
par Nelson Mandela, en visite au Burundi, du 21 au 14 juin 2000 :
« Toute personne qui aurait commis un crime de sang au
nom d'une idéologie ou d'un parti politique est un prisonnier politique
(...).».
La société civile représentée par
la ligue Iteka a même écrit une lettre au président de la
République au mois de janvier 2006 pour exprimer ses inquiétudes
et préoccupations sur l'élargissement provisoire des «
prisonniers politiques » détenus dans les prisons du Burundi. Mais
cela n'a pas empêché au président de relâcher des
détenus condamnés à mort ou à
perpétuité pour crimes de sang et autres violations graves des
droits humains.
Avant de clôturer le sujet en rapport avec la peine de
mort, voyons en peu de mots ses méthodes d'exécution.
Dans notre pays, les méthodes d'exécution
étaient aussi bien multiples que cruelles. Les exemples suivants sont
donnés à titre illustratif : 50
1°) Le massacre : considéré comme le plus
humain aux yeux de tous, il consistait en la suppression rapide de la victime
à coup de bâton, de glaive ou de serpe. On brisait la tête,
on coupait la gorge, ou l'on transperçait le coeur du
supplicié.
2°) La section des mains et des pieds: C'était le
mode d'exécution le plus courant. On touchait mains et pieds et on
abandonnait la victime palpitante à son triste sort. Le
50 . L. Nsabimana, La peine de mort en droit
pénal, Faculté de droit, U.B, Bujumbura, 1983, p.88
22
supplicié mourait d'hémorragie et il
était dévoré par les carnassiers. Ce mode était
réservé au criminel, brigands et gens de condition moyenne.
3°) Le dépeçage : La victime était
étroitement ligotée, dépecée, puis donnée
à manger aux chiens. Ce mode de suppression était surtout
usité lorsqu'il s'agissait pour le roi ou pour le chef puissant
d'exercer la vengeance.
4°) Le pal : Un bout de bois était
enfoncé dans l'anus du coupable jusqu'à ressortir par la
poitrine, ce qui débouchait à sa mort. Les Burundais le
qualifiaient de « châtiment exemplaire car la victime restait
exposée jusqu'à l'effritement du squelette que les rapaces et les
carnassiers s'étaient chargés de mettre à mal
».51
5°) La crucifixion : On clouait le
coupable à même le sol comme une vulgaire peau de vache, en lui
transperçant mains et pieds au moyen de piquets aérés; on
lui clouait un dernier pieu au milieu du ventre (...)
Les corps des suppliciés n'avaient pas droit à
la sépulture et chacun se gardait soigneusement de s'en
approcher.52 Ces méthodes étaient anciennement
pratiquées et aujourd'hui, celles qui sont utilisées sont la
fusillade par un peloton d'exécution (rare, excepté pour des
crimes militaires ou contre la sûreté de l'Etat, tels que la
trahison ou en temps de guerre) et la pendaison.
Enfin, disons que les modes d'exécution de la peine de
mort sont nombreux et ils ont évolué au rythme des changements
qu'a connus la société.
I.4.2. « Mourir autrement au Burundi »
Dans la société traditionnelle burundaise la
sorcellerie, les empoisonnements, la maladie, les crimes familiaux ou les
guerres claniques ont été à l'origine de nombreux
décès. Cependant, avant de traiter chacun des points
cités, il est nécessaire de préciser que les Burundais
distinguaient mal la mort par la maladie ou par la sorcellerie. Cette
dernière semblait primer sur d'autres formes de cause de
décès.
1°) La sorcellerie: Pour Cosmas Haule, c'est un pouvoir
mystérieux inné qui, mal employé, portera préjudice
aux autres, ou même leur causera la mort. D'autre part, il existe une
catégorie renfermant les malfaiteurs délibérés et
conscients qui essaient de
51. L. Nsabimana, op. cit,
p.32 52 . Ibid.
23
faire du tort à leurs ennemis ou à ceux de leurs
clients. Ils ne reculeront devant aucun moyen pour réaliser leurs cruels
desseins. La sorcellerie dans ce cas, est une technique apprise, un art, voire
un métier qui peut assurer aux magiciens - Barozi une heureuse
existence. Dans l'exercice de leur mort, les Barozi savent exploiter
avec habileté l'ignorance et la naïveté du peuple qui leur
reconnaît les forces invisibles. Tel est donc le Murozi, le
magicien dont on soupçonnait l'action à chaque
événement malheureux. 53 La puissance du Murozi
ne peut se comprendre que si l'on connaît son statut social. Le
climat de tension dans lequel vivait le murundi à cause des
événements malheureux auxquels il était affronté
à tout instant n'est pas sans effet. Pour le murundi, la force
du murozi lui était donnée d'en haut ou acquise; elle
était en grande partie renforcée par des croyances que le murundi
se faisait, dans son innocence scientifique, sur la complexité des
phénomènes de la nature.54 Pour le Murundi ancien, une
grande partie des malheurs, notamment la mort, étaient dûs aux
barozi - envoûteurs qui étaient même responsables
des victimes tuées par la maladie (étant donné que pour le
murundi, une simple maladie ne pouvait pas emporter une vie humaine).
A l'action des envoûteurs s'ajoutent les mauvais
présages signes qui, lorsqu'ils se produisent, annoncent l'imminence
d'un événement malheureux. Parmi les signes précurseurs,
on retient: un hibou qui vient chanter au-dessus de l'enclos pendant la nuit,
un chien qui grimpe sur une hutte, une poule qui chante...Il est
communément admis que le malheur auguré ainsi doit se produire,
à moins qu'il ne soit déjoué, ce que seuls les bapfumu
peuvent faire. Cette situation d'inquiétude dans laquelle le
murundi était continuellement plongé créait en
lui les sentiments de méfiance. Tout homme était susceptible
d'empoisonner, de causer donc la mort ou quelque autre malheur. Dès
lors, on comprend pourquoi il y avait une propension à la
méfiance ou au soupçon envers n'importe qui sur base d'indices
insignifiants.55 Partant, précisons que les substances
utilisées étaient connues sous le nom de burozi est,
selon Hilaire Ntahomvukiye dans son article: « Le phénomène
du burozi », paru dans la revue Que vous ensemble?
n° 22-23, 1975, d'un double aspect, à savoir le
burozi-poison et le burozi-ensorcellement, autrement dit
empoisonnement et envoûtement. En d'autres termes, on pourrait parler
d'uburozi par contact et d'uburozi à distance.
53. A.Vyumvuhore, « Efficacité de la magie noire au
Burundi », Q.V.E.S? n° 22-23, 1975, p29.
54. Ibid.
55. A.Vyumvuhore, « La conception du monde au Burundi
», Q.V.E.S? n°22-23, 1975, pp.24-25.
24
Le burozi par contact, l'empoisonnement donc, ne
nécessite pas d'amples explications. Tout le monde sait que le poison
existe dans les éléments de la nature, et que l'homme a su s'en
accaparer, tant pour le bien (les découvertes pharmaceutiques au service
de la médecine) que pour la destruction de l'humanité (...) Le
burozi ne peut s'entendre que comme magie noire au Burundi,
l'utilisation d'une force occulte impersonnelle, mystérieusement
dangereuse et comportant des rites magiques divinatoires
aversifs.56
Avec du burozi, on pouvait provoquer chez une
personne « la stérilité, la maladie, la folie,
l'appauvrissement, inspirer la haine, empêcher l'amour,
déchaîner une passion criminelle, tuer sans laisser de traces,
etc. »57
Notons en passant que le murundi ne craignait pas
seulement le murozi, il avait aussi peur à la maladie
causée entre autres par des activités malveillantes des esprits
des ancêtres défunts.
2°) Les trépassés malfaisants: Le
murundi croyait aussi en l'activité malveillante d'un grand
nombre de mizimu (esprits des ancêtres défunts). Ces
derniers sont généralement bienveillants et protecteurs.
Quelquefois, ils font sentir leur présence en causant toutes sortes
d'ennuis (des maladies par exemple) aux vivants de leurs familles. S'ils font
mal, ce n'est pas qu'ils soient mûs par la méchanceté, mais
c'est pour signaler leur présence aux survivants afin que ceux-ci ne les
oublient pas et satisfassent aux divers besoins de leur existence
d'outre-mort.58 A en croire Vyumvuhore Avit, la croyance en
ces esprits est tellement forte qu'à chaque événement
malheureux, on se précipitait chez le mupfumu, « le
sorcier-devin »59 afin qu'il indiquât le moyen de
l'apaiser.
Ainsi, disons que la croyance à l'existence des morts
causés par les empoisonnements, la maladie et les
trépassés malfaisants n'allait pas sans susciter des
inimitiés entre des familles ou des clans si bien que des familles
entières étaient décimées lors des crimes familiaux
ou guerres claniques au nom de la vengeance dans l'ultime objet de retrouver
l'honneur.
3°) Les crimes familiaux ou guerres claniques: durant la
période précoloniale, l'esprit belliqueux caractérisait
les Burundais qui n'hésitaient pas à se massacrer s'il advint
un
56. H. Ntahomvukiye, « Le phénomène du burozi
», Q.V.E.S?n°22-23, 1975, p2
57. Ibid.
58. Ibid.
59. Selon Hilaire Ntahomvukiye, il ne faut pas
confondre le mupfumu ou le sorcier devin avec le jeteur de
mauvais sort, l'ensorceleur, le maléficier, l'ennemi, le haïssable
personnage dont il faut éviter des relations (umwansi). Le
premier renseigne, explique, donne des remèdes, bénit, console,
le bienfaiteur, le muvyeyi.
25
conflit entre eux. « La vengeance était surtout
attestée pour le cas de guerres inter claniques qui étaient dues
à des rivalités autour des possessions ».60Quand
il y a un meurtre, « la victime, de même son entourage,
considèrent comme un déshonneur familial une mort physique,
sociale ou morale, qui n'est pas vengée ».61 C'est la
victime qui, la première, est invitée à se venger de
l'offense qui est faite à lui et à toute la famille; en second
lieu, c'est n'importe quel membre de la famille parentale, mais les plus
concernés sont ses enfants, ses frères et ses parents. Les femmes
peuvent aussi venger les membres de leur famille parentale, mais c'est dans des
cas extrêmes où il n'y a pas de garçons dans la famille ou
sont encore très jeunes pour accomplir leur devoir, car en fait la
vengeance apparaît (...) comme une obligation que la famille doit
remplir. Elle consiste dans le fait de rendre le mal pour le mal (...). L'objet
de coups ou de blessures, peut à son tour, et le cas
échéant, avec l'aide des siens, rendre à l'agresseur les
coups ou les blessures qu'il a reçus. Précisons que dans tous les
cas, la discrétion est nécessaire pour la réussite de la
vengeance. Ainsi donc, si on en croit Zénon Manirakira (dans l'ouvrage
ci-haut cité), les femmes et les enfants n'avaient pas le droit de
participer aux réunions préparant la vengeance. En fait, les
femmes ne gardent pas les secrets, c'est du moins ce que la tradition atteste.
La peur de l'esprit du défunt poussait une personne à se venger
et si elle y manquait, son esprit les attaquait, leur transmettait les
"maladies des ancêtres", et ils pouvaient en mourir.62
Cette vengeance s'exerce soit sur le criminel lui-même,
soit sur un membre de sa famille qui a un rôle important. Parfois, toute
la famille du membre du criminel est l'objet d'une extermination de la part de
la famille vengeresse, ceci pour éviter une vengeance à rebours.
Mais aussi, le degré de vengeance est en corrélation avec le
degré de haine.
A côté d'une vengeance par la victime ou par les
proches, il y avait le châtiment céleste. La sagesse
traditionnelle veut que même en cas d'extinction d'une famille, le mal ne
reste pas impuni. Dieu intervient pour punir le coupable, soit en le faisant
mourir, soit en le rendant infirme, soit en lui infligeant une autre punition,
proportionnelle à la faute qu'il a commise. Ainsi, l'irrespect de la
tradition, telle la profanation des tombeaux des défunts, la
négligence du culte dédié à Kiranga, et
aux « mizimu », la désobéissance à ses
parents, l'abandon de ces derniers dans des moments durs tels que la maladie ou
la vieillesse, tout cela était sanctionné par un
60. Z. Manirakiza, Guerre et paix dans le Bureundi
traditionnel. Une étude anthropologique et sémiotique de la
poésie guerrière. D'après une enquête menée
en commune Mpinga-Kayove, Bujumbura, U.B, 1991, p.42
61. E. Ntamahungiro, Le thème de la vengeance à
travers les contes rundi, L.L.A, U.B, Bujumbura, 1980, p.117
62. E., Ntamahungiro, op.cit , p.158.
26
châtiment divin.63 Vraisemblablement, Dieu
favorise la vengeance dans le but de faire régner la justice et de
combattre les mauvais penchants, ou si l'on veut, le mal qui règne sur
terre.
Par contre, toute vengeance n'aboutit pas à la mort.
Quand un malfaiteur était puissant par exemple et qu'on est incapable de
le tuer, en le médisant on lui enlevait ainsi sa dignité, ce qui
était déjà une façon de se venger.64 En
outre, cette vengeance consistait à mettre quelqu'un au ban de la
société, soit à cause d'un comportement antisocial, soit
à cause d'un déshonneur quelconque. Aussi, un individu
accusé d'être un envoûteur public « umurozi
», un empoisonneur, « uwutanga ishano », un
voleur, même si l'accusation était fausse, quand tous les
témoignages étaient concordants, il était mis en
quarantaine, mais d'une façon non officielle. On ne l'invitait plus lors
des festivités, on ne faisait même plus appel à ses
services, on laissait les vaches brouter dans ses champs, bref, on inhibait
tous les rapports sociaux qu'on devait entretenir avec lui.65 Le
chef de cette famille se considérait comme socialement mort. Il
cherchait par tous les moyens à discréditer les auteurs de son
malheur, et à l'extrême, cela pouvait conduire à une rixe
ou à un meurtre entre les membres des deux familles ennemies. Mais la
mort sociale n'avait pas toujours pour point de départ le mensonge et la
médisance. D'après la même source, une femme stérile
par exemple, ou même toute vieille femme sans enfants était
automatiquement considérée comme une empoisonneuse,
désireuse de se venger du sort en tuant tous les enfants qui lui
tomberaient sous la main. Ces malheureuses femmes étaient fuies par les
mères et les enfants, comme si elles incarnaient véritablement la
mort physique.66
Quelle était alors l'attitude des autorités
administratives face à cet acte macabre? A partir de 1921, les Belges
ont pris des mesures pour freiner les guerres intestines. La loi du 2 mars 1921
interdisait déjà aux indigènes de « porter des
lances, des javelots, des javelines ou des piquets empoisonnés
»67. Les années suivantes, beaucoup d'autres mesures ont
été prises. C'est le cas de la loi qui interdisait la mutilation
des cadavres.68 Tout mort devrait être inhumé suivant
les rites en vigueur.
63 .E. Ntamahungiro, op.cit, p.118
64 E. Ntamahungiro, op.cit., p.122
65. E. Ntamahungiro op.cit., p.188
66.Ibid.
67. R. Bellon et P. Delafosse, Codes et lois du Burundi,
Ferd. Larcier, Bruxelles, 1970, p.572
68. R. Bellon et P. Delafosse, op.cit., p.175
27
I. 5. Les rites de funérailles
Un rite funéraire par définition, est un
ensemble de cérémonies et gestes particuliers prescrits par une
religion69 ou par une croyance. Toute civilisation pratique des
rites, c'est la nécessité absolue de tout être humain pour
vaincre ses peurs et justifier son existence. L'homme a toujours
été mis en terre et protégé de toute
dégradation charnelle. Les premières inhumations datent de 100
000 avant J.C et les premiers cimetières retrouvés se situent
à 10 000 avant J.C. Le rite funéraire a pour but d'honorer le
mort; le cérémonial marque le franchissement d'un nouveau seuil,
dit-on. Chaque religion, chaque culture a ses rites. Aujourd'hui, les rites
semblent évoluer et être appropriés par la
famille.70
Au Burundi, comme partout en Afrique, la fin de l'homme est un
événement difficile à comprendre. La mort qui est un fait
très naturel pour l'homme moderne devient un phénomène
complexe pour l'Africain de la société traditionnelle. Les
attitudes qu'il adopte lors d'un décès sont très
variées et complexes en fonction des rites dans lesquels ils
baignent.71 Ainsi, certaines familles pratiquent des rites
traditionnels, d'autres des rites religieux (musulman, catholique ou
protestant). Rappelons que le 2 novembre est une journée du souvenir de
tous les défunts. Cette journée en mémoire des morts
remonte en 998, quand saint Odilon, abbé de Cluny, demande à tous
les monastères dépendant de son abbaye de célébrer
un office le lendemain de la Toussaint (le premier novembre) pour « la
mémoire de tous ceux qui reposent dans le Christ ».72
Cet usage s'est répandu à toute l'Eglise catholique et y demeure
aujourd'hui.
I. 5. 1. Les rites musulmans
Dans l'islam comme dans les autres religions
monothéistes, le croyant est placé dans la dimension de
l'éternité, la vie sur terre n'étant qu'un passage vers
l'au-delà. La mort n'effrayant pas, elle est justement
considérée comme une étape obligée avant la vie
éternelle.
69.
http://www.advitam.fr/advitam_vref-193.MD-ivdoc.html
70. Ibid.
71. M. Mujawaha, Le rituel à travers quelques romans
négro-africains et d'expression française, FLSH, LLF, U.B,
Bujumbura, 1971, p.70
72 .
http://www.croire.com/article/index.jsp?docId=21317&rubId=214
28
Selon Sheh Yusufu que nous avons approché lors de notre
enquête en commune urbaine de Buyenzi, au décès, le corps
du défunt est orienté vers la Mecque. Ses proches récitent
la profession de foi, la "chahada" ainsi que la sourate "Yassin". La famille et
les proches annoncent le décès à la communauté et
elle va pouvoir recevoir des condoléances durant ces moments
durs.73
Avant la cérémonie religieuse à la
mosquée et la mise en terre, la toilette mortuaire est l'un des
éléments les plus importants du rite.
Après le décès d'une femme, c'est une
autre femme qui exécutera la toilette. De même quand un homme
meurt, il sera lavé par une personne du même sexe. Seules
exceptions, le mari peut laver sa femme et une mère peut laver son fils
jusqu' à l'âge de 6 ans.
Un récipient d'eau chaude mélangée avec
de l'henné sera utilisé. Ce premier acte est préalable
à une seconde toilette plus complète, et présentera un
"corps définitivement pur ". On utilise parfois de l'eau à
laquelle on ajoute des huiles essentielles. Les organes génitaux sont
couverts. L'imam (ministre ou dignitaire religieux musulman) vient
alors pour la deuxième toilette, occasion pour réciter la
"chahada"( « attestation » ou « témoignage de
foi », en arabe). 74
A l'oreille droite, il prononce ces mots : "il n'y a de Dieu
que Dieu" tandis qu'à l'oreille gauche, il prononce: «Mohamed
prophète de Dieu".
Les jeunes filles sont maquillées et les cheveux des
femmes sont tressés. Le corps est alors recouvert par un linceul de
coton blanc parfois encensé trois fois. Le coton ou le lin sont
utilisés pour l'homme et la soie l'est parfois pour la femme. Le linceul
parfumé de girofle est enroulé de haut en bas en
commençant par le côté droit du corps. Quatre bandelettes
sont découpées et sont placées aux chevilles, aux genoux,
à la poitrine et enfin au-dessus de la tête. Le corps est à
nouveau encensé avant d'être enveloppé dans un drap blanc
et posé dans le cercueil du côté droit. A cet effet, des
coussins sont installés dans le cercueil et le corps "regarde" vers la
Mecque.
Dès lors, la prière d' "eljanaza" (elle
vient après celle de la confession de foi ou la chahada et qui
se termine par la formule: "la paix et la clémence de Dieu soient sur
vous") peut débuter. Elle est dite dans tout lieu où l'on peut
prier, par exemple à la mosquée,... Le cercueil est posé
sur un axe nord-sud et non est-ouest comme pour la
73. Enquête orale effectuée à Buyenzi
auprès de Sheh YUSUFU, octobre 2005.
74.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Chahada
29
toilette. L'imam se place devant le cercueil et l'assistance
pour entourer la prière normalement faite debout et sans
prosternation.
L'imam peut dès lors commencer par le "takbir"
("Dieu est le plus grand") suivi de la récitation de la
"fatiha" avant un deuxième "takbir",
clôturé par une sourate du Coran. A nouveau reprennent le " takbir
" et des invocations pour le défunt.
Le corps est facilement acheminé vers sa
dernière demeure et l'inhumation se fait en présence de la
famille et de l'entourage masculin du défunt (ou de la défunte).
En général, le corps est inhumé le même jour du
décès.
Après l'inhumation, un repas est servi en début
de soirée, où des passages du Coran sont psalmodiés et des
invocations dites. En cas de décès d'un père de famille,
la veuve observe un deuil de quatre mois et dix jours. Pendant cette
période, elle reste enfermée dans sa maison balayée de
tous les biens ménagers dès l'annonce du décès de
son mari. Elle portera une longue robe noire de la tête aux
pieds.75 Encore une fois, les rites funéraires
diffèrent d'une société à une autre ou tout
simplement elles sont tributaires des pratiques religieuses de chaque
communauté.
I.5. 2. Les rites funéraires chez les
protestants
Chez les protestants, deux cérémonies
très courtes sont observées : une pour la levée du corps
du défunt et une autre pour le cimetière. La
cérémonie la plus longue a lieu au temple. Le
cérémonial lié à l'enterrement, peut être
présidé par un fidèle à l'Eglise. La levée
de corps se fait dans l'intimité, suivie d'une inhumation. Lorsque l'on
transporte le cadavre dans sa dernière demeure, des chants des cantiques
l'accompagnent jusqu'au site funéraire. Il n'y a pas de sacrement des
malades ou des mourants (extrême onction) mais un accompagnement de la
communauté (visiteurs, pasteurs), une préparation au
départ.
Les protestants ne prient pas pour les morts qui, se trouvant
entre les mains de Dieu, n'auraient pas besoin de prière. Le rituel de
l'inhumation est sobre, dépourvu de fleurs, et le dernier geste d'adieu
consiste à jeter une poignée de terre ou de sable sur le
cercueil. Une simple croix de bois indiquera l'emplacement de la
sépulture.76 Qu'en est-il de l'Eglise catholique?
75. Enquête orale effectuée à Buyenzi
auprès du Sheh YUSUFU, octobre 2005.
76. Enquête orale effectuée à l'Eglise
vivante de JABE auprès du pasteur Edmond Kivuye, juillet 2005.
30
I.5.3. Les rites catholiques
Selon Butoyi Paul, un diacre que nous avons interrogé,
lors d'une enquête effectuée à la paroisse Mubimbi, la
célébration religieuse vise avant tout à honorer le
défunt. L'Eglise donne un sens à cet événement : la
mort est un élément de plus en plus présent dans notre
société. Ainsi, la cérémonie des funérailles
va exprimer la dignité de l'homme au moment de sa mort. Après
constatation du décès, la famille va rencontrer un
représentant paroissial, en l'occurrence un prêtre, pour
préparer la cérémonie. La pratique est surtout
observée en Occident. On profite de l'occasion pour parler de la
personnalité du défunt, définir ensemble le sens que l'on
souhaite donner à la cérémonie, choisir les lectures
appropriées à l'événement et enfin formuler les
intentions de prière pour la prière universelle. Les deux parties
s'entendent également sur la musique et les chants adaptés
à la circonstance. La question de la participation des proches et
éventuellement un témoignage sur le défunt
n'échappe pas généralement à l'échange.
A l'église, le cercueil précède la
famille qui se place au premier rang devant l'autel, suivie des amis et
connaissances du disparu. Selon les cas, le cercueil peut être
déjà présent ou alors, les maîtres de
cérémonie le feront entrer dans le choeur de l'église.
C'est après son installation que la famille et l'assistance pourront
s'asseoir. La décision de disposer les fleurs sur et autour du
défunt, ou de les laisser à l'extérieur appartient au
prêtre. On peut retenir que la cérémonie religieuse suit
quatre étapes :
- L'accueil et le rite de la lumière : c'est
le fait de prendre la flamme du cierge pascal pour allumer les cierges qui
entourent le cercueil pour signifier que la lumière du Christ
ressuscité est source d'espérance;
- Le temps de parole : le prêtre lit alors un
texte de l'ancien testament ou des apôtres, chante un psaume et termine
cette étape par la lecture de l'évangile et de
l'homélie;
- Le moment de la prière au cours duquel la
prière universelle et le " Notre père " sont dits.
Eventuellement, la prière eucharistique peut avoir lieu si la famille le
demande et si un membre de l'assistance souhaite communier;
- Le temps de l'adieu consacré aux chants pour
le dernier adieu, à l'encensement (signe de respect pour le
défunt symbolisant une prière qui monte devant Dieu) et à
l'aspersion de l'eau bénite. A l'issue de la cérémonie, la
famille bénira à son tour le défunt avec un goupillon
placé au pied du cercueil.
31
L'assistance (généralement la famille proche)
sera invitée par l'ordonnateur à bénir le cercueil et
à s'incliner devant le passage du défunt. La famille et
l'assistance quittent l'église, le corps est levé et le
cortège se dirige vers le cimetière. Le cercueil est ensuite mis
dans la sépulture, un dernier adieu est adressé par le jet des
fleurs (en milieu urbain) ou par des miettes de terre (en milieu rural), avant
la fermeture de la sépulture par un dépôt de terres.
Pendant l'inhumation, des chants soulageant les proches du disparu et mettant
en défaite la mort accompagnent cette célébration. Ainsi,
donc, les chrétiens voient la mort comme le début d'une vie
éternelle; c'est le "dies natalis" ou jour de la naissance pour
la vie éternelle.
Ces rites qui, comme on se rend compte, concernent
particulièrement le monde urbain diffèrent en quelque sorte des
pratiques funéraires rurales qui s'inspirent plutôt de la
tradition et se montrent tout simplement neutres.
I.5.4. Les rites traditionnels
Les rites funéraires traditionnels s'observent à
travers les funérailles et les pratiques de deuil.
Au Burundi, des funérailles variaient selon qu'il
s'agissait d'un décès d'un père ou d'une mère, des
adultes morts sans avoir eu d'enfants, des enfants et enfin selon des
circonstances de la mort.
Pour un père ou une mère de famille, les
funérailles étaient organisées avec attention de peur
qu'ils ne se vengent contre les survivants. Amate y'umuvyeyi ntakirwa:
on ne se remet jamais de la malédiction des parents.77
Cependant, la vengeance des parents au manque d'égards de leurs enfants
ne s'exercerait en fait que sur leurs petits enfants. D'où cet adage
rundi:
"Umuntu ntahahazwa na se ahahazwa na sekuru".
Pour dire qu'un homme n'est asservi que par son
grand-père. C'est ce qui motive le rite spécial des
funérailles, l'union et le respect indéfectible même
après le mort.
77 . E. Ndigiriye, « Les funérailles chez
les Barundi », Au coeur de l'Afrique, Bujumbura, 1969, p.260
32
I.5.4.1. Les funérailles d'un chef de
famille
Si on en croit Emile Ndigiriye, aussitôt que le moribond
expire, toute la famille père ou mère et les enfants s'assemblent
autour du mort pour les funérailles qui se déroulent
traditionnellement selon les étapes suivantes:
1°) Kuraba amavuta umupfu: faire des onctions au
mort.
La première onction est faite sur le front, la
deuxième sur les yeux fermés, la troisième à la
poitrine, la quatrième sur les paumes des mains et la cinquième
sur le dessus des pieds. Le beurre des onctions doit être blanc sans
mélange de parfum ou autre. La formule qui accompagne chaque onction
est, pour la mère de famille: « Urerera urugo n'abana,
uranyerera » (sois pour la famille, les enfants et moi-même la
cause de bénédiction et de prospérité. Chaque
enfant accompagnera son onction de ce simple mot uranyerera (sois pour
moi un sujet de bénédiction).
2°) Kuraba ivyeru umupfu :
cette cérémonie consiste à appliquer sur le
front et les mains du mort la farine du sorgho, une plante culturellement
chargée, au moyen de la pierre à moudre (ingasyiro)
chargée d'un peu de farine de sorgho.
Les deux précédents actes (aux numéros
1° et 2°) ont la même signification. La première est
l'expression de la piété filiale (l'hommage aux parents
défunts). La deuxième signification est de concilier les
bénédictions du défunt. Cela ressort de la formule
employée « uranyerera » (que tu me portes
bonheur).
3°) Kumwa : après cela on rasait le mort
pour ne pas l'enterrer avec les cheveux, et pour le rendre convenable dans
l'assemblée des Bazimu (les esprits).
4°)Gukûra ku gahanga: si
c'est une femme enceinte, on procède à une opération: la
mère et l'enfant seront enterrés séparément.
5°) Gutanga ibimazi : on donne
ou plutôt on revêt le défunt de ses objets religieux,
amulettes ( amasimbi), etc.
6°)Gutekera: on attache solidement les membres
inférieurs au cou et on lie les jambes ensemble. Cette façon est
importée des autres cultures des pays voisins comme le Congo et a
remplacé le gukonya (plier) où le mort
était plié sur lui-même pour être enterré dans
un tombeau cylindrique. C'était disait-on, empêcher son esprit
(muzimu) d'avoir des idées de divagation. Ne pas avoir
quelqu'un pour vous rendre ce dernier service, c'est être
délaissé de tous. On comprend dès lors le sens de
l'insulte: « uragatabwa indamvu ».
Selon cette pratique, on enveloppe le cadavre
entièrement ou au moins on enveloppe la tête et les pieds dans une
étoffe de ficus non encore apprêtée pour être
portée
33
(amacana). Le mort est ensuite mis dans une natte
faite à base d'une herbe de marais dont la première fabrication
est attribuée à Biti, premier roi et sauveur du
Burundi.78 Envelopper le cadavre dans une étoffe de ficus,
c'est le recommander une dernière fois à Dieu (Imana). C'est un
autre berceau mais cette fois-ci à sa disparition.
7°) Guhamba (enterrement) comprenait les
étapes suivantes:
a)Gusohora umupfu: sortir le mort de la chambre. On le
sort les pieds en avant, pour lui laisser l'impression qu'il reste toujours
dans la maison.
b) La tombe a la forme rectangulaire et verticale: On y
étend un peu d'herbe fine « umuryange ». Le travail
de la mise en terre est fait par la famille, à l'exception d'un membre
d'un ménage dont la femme est enceinte. Le défunt est
couché dans sa tombe sur le côté droit si c'est un homme en
signe de négation de faire l'acte conjugal (kuryamira ukuboko
kw'abagabo); sur le côté gauche si c'est une femme (en signe
de négation de faire l'acte conjugal).
c) Après avoir mis le mort en terre, on se lave les
mains sur la tombe avec de l'eau en utilisant certaines herbes ou plantes
spéciales pour ne pas emporter avec soi la mort dont on se croit
contaminé au contact du défunt.
d) On verse sur la tombe le lait qu'on avait donné au
défunt avant sa mort et qu'il n'avait pas bu entièrement. Le
reste de ce lait doit être bu en ce moment par ses enfants. C'est pour
que le mort garde le souvenir affectueux de sa famille et reste en communion
avec elle.
e) On plante quatre piquets minuscules aux quatre coins de la
tombe que la personne disparue ait l'impression de n'être jamais sortie
de chez elle.
f) Le fait de mettre quelques pierres sur la tombe ( si on le
peut facilement on en met plusieurs) était appelé
"agahabwa".
g) Après l'enterrement, on prend un repas copieux mais
sans sel ni viande, ni bière de sorgho. On parlait de "Kwikura
urutamva", signifiant littéralement se débarrasser de la
malchance due à la mort.
h) Pour un initié: on
procédait au rite d'initiation (kubandwa) avant d'entrer dans le
deuil.
Après avoir expliqué les funérailles d'un
chef de famille, voyons brièvement celles des adultes morts sans
enfants.
78 E. Ndigiriye, op. cit, p.261
34
I.5.4.2. Autres formes de funérailles
Les funérailles des adultes morts sans avoir eu
d'enfants sont des rites qui montrent l'importance attachée à la
fécondité en Afrique en général et au Burundi en
particulier. Pour le Murundi, un être vivant n'a de valeur que s'il est
fécond. Son respect et son honneur sont tributaires du nombre d'enfants.
Aussi les funérailles des gens morts sans avoir donné la vie sera
sans honneur et imprégnées d'une pitié plus blessante
qu'une méchanceté ouverte.79
Dans les funérailles des morts sans communiquer la vie,
certaines pratiques sont délaissées. Dès qu'un homme ou
une femme de cette catégorie rend son dernier soupir, le premier geste
consiste à prendre une racine de ficus (umuvumu) et d'erythrine
(umurinzi ) liés ensemble et enveloppés dans un peu
d'herbes ou dans
un morceau de natte pris à l'endroit où le mort
avait l'habitude de s'asseoir pendant la réunion familiale
(ubwicaro) . On fait passer le paquet sur le corps du défunt,
puis à travers le feu du foyer ( iziko) sans le laisser
brûler, puis à travers la hutte ou la fenêtre, si c'est une
maison moderne.
Le paquet sera exposé sur la tombe, après
l'inhumation. Selon la signification donnée par Ndigiriye
Emile, la racine d'erythrine signifie la providence du défunt sur la
terre, celle du ficus l'espoir de ce monde, le morceau de natte, le
bonheur en famille. Le contact du paquet sur le corps du défunt aurait
pour but d'inviter l'esprit (muzimu ) de sortir du défunt et de
se joindre au paquet. Le passage du paquet à travers l'âtre ardent
viserait à brûler tous les espoirs de la terre et les souvenirs de
la famille, afin que le défunt soit libéré de tout souci
et entre chez les esprits (bazimu) sans arrière-pensée
de la vie qu'il a vécue sur la terre et dans sa famille.80
Vient le tour de mettre un charbon éteint dans ou sur
les organes génitaux du défunt pour qu'il emporte le triste
souvenir qu'il est éteint dans la famille: "yazimye". Cette
cérémonie est très humiliante. Il n'y a pas de pires
malédictions que de maudire un jeune homme ou une jeune fille en disant
" Uragatanwa ikara " ( que tu sois enterré avec du charbon
éteint). Le reste des funérailles se fait comme plus
haut.
Les funérailles des enfants revêtent un
caractère particulier. Pour un enfant qui a l'usage de la raison, mais
n'est pas encore arrivé à la puberté voici comment on
79.E. Ndigiriye, op.cit., p.263
35
procède, dès qu'il expire, on lui ferme les yeux
comme on le fait à tous les mourants. Comme dans le cas
précédent, on prend deux racines, l'une de l'erythrine, l'autre
du ficus liées ensemble, dans un peu d'herbes prélevées
à celles de l'endroit où il avait l'habitude de s'asseoir en
famille. On promène le paquet sur le corps du défunt, puis on
fait passer le paquet à traverser le foyer en feu; on le reçoit
du côté opposé et on lui fait traverser les parois de la
hutte ou à travers la fenêtre jusqu'au dehors. Par après,
il sera exposé sur la tombe. La signification est la même que plus
haut: ne pas laisser partir le défunt avec les idées, les espoirs
et les souvenirs de la vie sur la terre et dans sa famille, ce qui ferait le
sujet d'une perpétuelle préoccupation d'esprit. Alors, on lui
remet ses objets religieux (amulettes,..). Ensuite, on l'enroule dans une
étoffe que sa mère portait. Nous ignorons la signification de ce
rite.
Pour les enfants à la mamelle, les funérailles
sont encore plus simples. Aussitôt que l'enfant expire, on lui ferme les
yeux. On l'enveloppe dans un des habits que portait sa mère, ou son
père s'il est orphelin de mère, ou sa tante, s'il est orphelin de
père et de mère.
On détache du berceau (ingovyi), les attaches
(imicisho) qui tenaient l'enfant à sa mère lorsque
celle-ci le portait sur le dos. Cette cérémonie, appelée
"guca umucisho", est poignante pour la mère qui comprend
qu'elle est séparée pour toujours de son enfant. Elle garde
encore le berceau pendant un certain temps à son oreille, pour garder
l'espoir qu'un jour elle aura un autre enfant. Puis elle le jettera, parce
qu'il est interdit de l'employer pour l'enfant suivant. L'inhumation se fait
comme pour les grandes personnes. Les garçons sont couchés sur le
côté droit et les filles sur le côté gauche.
Après les rites de funérailles, les choses ne devaient pas
s'arrêter là, il restait à faire le deuil.
I.5.4.3. Les pratiques de deuil
Concernant les pratiques de deuil au Burundi, on
célébrait des cérémonies de deux types : la
purification des traces de la mort et le réveil à la
vie.81
La veille, au coucher du soleil, les notables du clan familial
se réunissent pour préparer les cérémonies. Ils
déterminent l'essence du bois qui servira à alimenter un
80. E. Ndigiriye, op.cit., p.261
81. E. Ndigiriye, «Le lever de deuil chez les
Barundi», Au coeur de l'Afrique, Bujumbura, 1972, p.25
36
feu qu'on allumera à l'entrée du kraal (le
braisier des ancêtres: gicaniro c'abasokuru). Cette essence doit
être rare et peu utilisée comme bois de chauffage ou de
construction. En effet, un tison de ce bois sera déposé sur la
tombe ou jeté à une croisée de chemins. A partir de ce
moment, ce bois sera tabou (igiti kizira) et les sentiers ne seront
plus empruntés par les membres de la famille du défunt. Les
notables détermineront encore chez quelle famille on ira chercher les
bananes douces et le sel qui composeront, avec de la viande ou du sang de
boeuf, le repas spécial qu'on appelle "umurinzi"(repas
protecteur). Ce sel et ces bananes doivent être fournis par une famille
chez qui le clan n'ira plus jamais chercher ces denrées. Le bois pour le
feu et les victuailles doivent être sur place dès la veille du
lever de deuil.
Le conseil des anciens désignera aussi la personne qui
devra procéder aux purifications, le cérémoniaire, et il
choisira enfin le ruisseau des purifications et le chemin d'aller et de retour
qu'on empruntera.
La pratique de purification mérite d'être
explicitée. Elle concernait les personnes, les objets et les lieux de
tous les vestiges de la mort dont le défunt était le porteur
inconscient.
La purification suivait en outre cinq étapes. Vient en
premier lieu le rasage des cheveux : "kwiharangura" (se raser
complètement la tête) ou "kwikura uruhara rw'uwapfuye"
(prendre part au dépouillement du défunt). La personne qui a
été désignée la veille pour être le servant
des esprits des ancêtres (ikimazi c'abasokuru), aligne devant
elle tous ceux qui doivent être rasés. Elle prend un rasoir et
coupe à chacun une petite touffe de cheveux, jusqu'au dernier auquel, il
rase la tête complètement. Tous se font ensuite raser
complètement par un autre ; mais l'acte est attribué à
celui qui a commencé l'opération.
En deuxième lieu, le servant-kimazi monte sur
le toit de la case du défunt et y arrache la huppe (touffe d'herbes),
"isunzu ry'inzu", emblème de la virilité de l'homme qui
l'habitait, et le jette. Il fait sortir ensuite de la case le beurre, le sel et
la viande séchée qui s'y trouvaient au moment du
décès; on doit les jeter ou mieux, les donner en échange
de main - d'oeuvre.
En troisième lieu, viennent les ablutions:
"kwisukako ibirohe" (verser sur soi une eau trouble) ou
s'éclabousser, ou passer par l'eau (guca ku mazi). Ces
expressions ne signifient rien d'autre que faire sa toilette. Mais comme la
mort a terni la beauté de la nature aux yeux des personnes en deuil, et
comme l'acte de se laver rend de nouveau beau pour plaire, alors que la
personne à plaire n'est plus, on emploi ces paraphrases.
Ainsi, à l'aube, les enfants mâles du
défunt se rassemblent. L'héritier principal reçoit la
lance du père, signe d'autorité courageuse, son frère
l'arc, les autres fils les
37
Ce rite se passe très tôt le matin avant le lever
du soleil. La même personne qui a rasé les membres de la famille
endeuillée, précède tous les hommes et garçons et
elle les amène à un ruisseau éloigné, à
l'écart, en avant du gué, à un endroit non
fréquenté. Là, on se lave tout le corps. Les femmes et les
filles se lavent à la maison avec de l'eau puisée la veille.
Quelques personnes restées à la maison font des travaux de
nettoyage; elles font un grand feu avec les herbes qui ont servi de couchettes
durant le deuil; ce feu réchauffera ceux qui viennent de se laver.
La quatrième étape consiste à sortir de
la case les pierres du foyer : "ishiga ry'umugabo". En cas de
décès d'une femme mariée, on éloigne aussi le bois
du lit qu'elle occupait habituellement. On jette tout, loin des lieux
fréquentés par la famille, dans une croisée de chemins. Si
le conjoint reste en vie et envisage se remarier, le lit sera
complètement démoli. Un homme veuf qui reçoit dans sa
maison une nouvelle épouse, ou une veuve qui accueille un nouvel
époux dans la maison du défunt, ne pourraient coucher dans le lit
familial du défunt sans crainte de représailles du mort :
"uburiri burahinda" (le lit du mort répudie).
Enfin vient le moment de « se blanchir »,
(Kweza) : cette cérémonie se passe dans le secret le
plus absolu et elle n'est réservée qu'aux veufs et veuves encore
jeunes qui peuvent envisager de secondes noces. Si le conjoint mort
était un homme, le cousin du défunt (umuvyara) ou son
frère ou son familier fait l'acte conjugal avec la veuve. Si au
contraire, c'était la femme qui est morte, la cousine ou la soeur de la
défunte se donne au mari. Le but de ce coït rituel est d'effacer
toutes les traces de la mort dans le conjoint survivant. C'est la fin de la
première partie des cérémonies. Elle est séparable,
en temps illimité, des parties suivantes, dont le rite de "gutanga
amasuka" (« procurer des houes ») qui symbolise la reprise des
activités agricoles. On retardera en effet les cérémonies
suivantes comme le réveil à la vie pour permettre d'aller
cultiver les champs.
Cette renaissance est réalisée symboliquement
dans l'action de traverser un cours d'eau jusqu'à l'autre rive avec les
biens qu'on a arrachés à la mort. Cette cérémonie
est suivie d'une série d'actes juridiques et d'autres rites signifiant
le retour à la vie et à la prospérité. On retient
entre autres la marche vers l'abreuvoir et « le passage par l'eau »
des hommes et du bétail.
38
flèches. Notons que les filles sont exclues de cette
cérémonie. L'oncle paternel, ou à défaut le
familier du défunt, va au devant d'eux vers un abreuvoir d'un ruisseau.
Chacun des fils conduit sa part du troupeau, ou tous conduisent l'unique vache
représentant le cheptel. S'ils n'ont pas de bétail, ils font
rouler devant eux le fruit de l'olivier sauvage (intobo). Ils portent
avec eux des pagnes en écorce de ficus, tous neufs et non teints.
Souvent, tout le bétail que le défunt
possédait en propriété doit être mené au
ruisseau. On en exclut donc les vaches reçues en gage (imbitso)
et les vaches provenant de la dot, du moins si on n'a pas encore rendu au
gendre la première génisse née de ces vaches
(indongoranwa). Le cortège traverse le ruisseau et
arrivé sur l'autre rive et les descendant mâles du défunt
revêtent de nouveaux pagnes, ramassent des branchages et des herbes
sèches pour le feu des vaches. Ils coupent ainsi une brassée de
joncs (mivimu ou mihororo) et en tressent une corde qui servira
à lier les pattes arrière de la vache (injishi) pour
qu'elle se laisse traire plus facilement. On revient à la maison sans
refranchir le ruisseau par un chemin qui le contourne. Cela débouche sur
un deuxième acte qui est celui de la réunion et mise des nouveaux
pagnes (kuganira n'ukwambara imarirano). Le cortège des gens
venant du ruisseau trouve, à sa rentrée à la maison, les
deux tiers du « rugo » (cour intérieure depuis la
porte de la case) jonchés d'herbes de marais (uruhororo).
On fait d'abord entrer les vaches, suivent les hommes. Le
« feu des vaches » est allumé et on l'entoure pour causer et
manifester la joie de se rencontrer. On déplie les étoffes
nouvelles (ibimazi) appelées à protéger
les survivants des malveillances des esprits des défunts.
L'étoffe des enfants est procurée par l'oncle paternel ou
maternel, ou le familier (mugabire) du père défunt. Si
c'était la mère qui était décédée,
c'est le père qui les procure. L'étoffe de la veuve et des autres
femmes est en revanche procurée par la parenté qui a perçu
la dot au moment de son mariage. Les enfants et les femmes qui en ont le droit,
revêtent alors ces pagnes. Actuellement, l'étoffe d'écorce
de ficus battue est dans la plupart des cas remplacée par une cotonnade
blanche (« americani »).
On pourrait prolonger le descriptif des pratiques de deuil qui
nous replongent dans un univers de croyances populaires de notre
société. Evoquons par exemple, le barattage du beurre dont la
contribution au retour à la vie paraît fondamentale. Tout le monde
étant assis, le dos tourné vers la porte de la maison et face
à l'entrée du kraal,
39
les femmes mettent du lait dans une baratte; elles se la
passent après avoir fait semblant de baratter. C'est l'annonce de la
prospérité, une étape suivie par la
cérémonie du lait.
I.5.4.4. Le rôle particulier du lait dans la
pratique de deuil
Généralement, on distingue deux sortes de lait.
Le lait « de pioche » qui n'es rien d'autre que de la bière
épaisse de sorgho (impeke), et le lait de vache. Les deux
sortes de boisson peuvent être utilisées trois façons
indifférentes pour cette cérémonie: traire pour les
orphelins, dégustation du »lait » et laver le pot ou
calebasse.
D'abord, l'action de traire la vache est faite comme
d'habitude. Quand il n'y a pas de vache à traire, on « trait »
la cruche. On se sert de la même corde qu'on l'attache au goulot de la
cruche de bière et avec le gros orteil on tient le bout pendant de la
corde. Pour « traire » la cruche on la penche un peu et on verse la
bière dans une calebasse. Cette bière s'appelle donc le «
lait de la houe ». A d'autres endroits, on attache la houe
elle-même.
Après cette pratique, il y a ensuite la
dégustation du lait: tout le monde n'a pas le droit d'en boire. Seuls
les proches (basigwa), c'est - à - dire les enfants du
défunt, les femmes de ses enfants, les filles et leurs maris, puis par
privilège, l'un ou l'autre familier désigné par le
défunt de son vivant. Dans l'une ou l'autre contrée du Burundi,
on permettait parfois à quelques amis notables du défunt de boire
également le lait à cette occasion. On déguste le lait -
bière assis par terre, le dos tourné vers la porte de la case,
l'entrée du kraal étant en face, les jambes allongées
devant soi. Le tout évoque une disponibilité pour le voyage vers
la prospérité. C'est une seule personne qui trait. Elle remplit
toujours la même calebasse et la passe à chacun des ayant droit.
Chacun reçoit à son tour le récipient et le vide en ne
laissant rien au suivant. L'ordre suivi est le suivant: boivent d'abord les
fils, puis la mère, les brus, ensuite les filles et leurs maris et enfin
les familiers.
Laver le pot ou calebasse (kwongerezwa) vient en
troisième position. La même personne qui a servi le lait aux
autres, et qui est toujours le représentant du père
défunt, lave le pot à lait, ou la calebasse et aussi la cruche et
les pis de vache. Ce « lait » étant sacré et
doté d'énormes pouvoirs, la première eau des purifications
sera bue; la deuxième est jetée à un endroit secret. Le
pot lui-même sera sacré et seuls les usagers lors de la
cérémonie décrite pourront l'employer ou le faire
disparaître. En
40
effet, il y a des conséquences coutumières
liées à la dégustation de ce lait. La communion au lait,
par erreur ou par astuce, d'un non ayant-droit, engendre ipso facto une
parenté dans la mort, causant une égalité de droits et de
devoirs, une vraie fraternité avec les membres de la famille du
défunt, ainsi que les poursuites possibles de son « muzimu
»(esprit mâne).82 C'est pour cette raison que le
familier qui, par autorisation de son maître encore en vie, a pu boire le
lait avec les autres, devient fils au même titre que les fils de sang. Il
change alors de clan. 83 Après cet acte de laver le pot, il
vient un conseil de famille dont le but est de gérer la situation
d'après la mort.
I.5.4.5. Les dernières étapes du deuil:
gestion des affaires familiales et la pratique du "feu des ancêtres".
Les affaires traitées par le conseil de famille sont:
la recommandation des orphelins et de la veuve aux voisins et proches; le
remboursement des dettes; la relève des réalisations en cours du
défunt; la suite à donner, par l'héritier à ses
engagements; la condonnation si le défunt est mort sans avoirs. Entre
autres recommandations prendre soin de la veuve, des orphelins et du
bétail. Tout se résume dans cette phrase en kirundi:
« Inarupfu yaraye murazigame impfuvyi, umwana akiba
muratunge impfuvyi, inka ikona, muramenye ko yahora ari iy'umubanyi..."
On désigne ensuite le légataire, puis tous ceux
qui ont hérité, les garçons, les filles, surtout ceux qui
ont hérité des vaches ou qui reprennent à leur service des
familiers et domestiques dont on donne le nombre et les noms. On déclare
les dettes contractées par le défunt; par exemple contre-valeur
de services et prestations non encore fournies; dot dont on n'a pas encore
remis le produit (veau) au gendre, etc. Les affaires en cours, même
très importantes, qui par oubli ou autre négligence, ne sont pas
soumises au conseil à ce moment, sont par après classées
sans suite. L'héritier est chargé de toutes ces
responsabilités. Toutefois si le défunt n'a pas laissé de
quoi régler les dettes, on condonne (on annule).
Les "majambo" (paroles) sont suivies par la
dégustation de la bière de sorgho (umubira),
bière de sorgho qui n'a pas fini de fermenter. Le murundi y verra
un
82. E.Ndigiriye, op. cit., p.29
83 Ibid.
41
symbole du devenir, de l'avenir, de la
prospérité escomptée: cette bière en effet peut
encore s'améliorer en vieillissant. Un souhait exprime la même
idée: « uranyerera » (que tu portes bonheur pour
moi); un souhait de bonheur; qu'on puisse « devenir vieux »
et prospère comme la bière qui est encore épaisse. On
déguste la bière dans le même ordre que lors de la
dégustation du « lait ». Mais les serviteurs, familiers et
amis reçoivent une part toute spéciale ainsi que les petits-fils
après avoir lancé le fruit de l'olivier sauvage en direction de
la tombe du défunt: « ukwuzukuza » (se dit des petits
enfants qui taquinent leur grand-père).
Après cette cérémonie, les personnes
étrangères à la famille se retirent. Celle-ci se rassemble
autour d'un grand feu allumé par le « kimazi »
(serviteur) des ancêtres. Ce brasier des ancêtres est fait au
milieu de l'entrée du kraal au moyen du bois spécial choisi par
le conseil des anciens. On y ajoute du bois de plantes ou arbres qui
fournissent habituellement les médicaments traditionnels de base, par
exemple igicuncu, umuravumba, ntibuhunwa, nkurimwonga, umugombe,
ikizibakanwa,...
Le feu pour allumer le brasier doit venir d'une famille dont
on n'empruntera plus par après du feu, et ce même feu ne peut plus
être donné à d'autres foyers. On sortira un tison
brûlant lorsqu'on éteint le "brasier des ancêtres", pour
l'utiliser dans le foyer de la case. Le repas rituel qui suit est cuit sur les
braises du feu. On a déjà vu qu'il est composé de bananes
douces, de bétail saigné et de sel. La tradition veut, on l'a vu
aussi qu'on n'ira plus jamais chercher des bananes ou du sel chez les
mêmes fournisseurs. Les bananes sont grillées dans les braises et
on les trempe par le bout dans du sel en les mangeant: « kubidumba
umunyu » (tremper dans du sel). Si on est assez riche pour se le
permettre, on tuera un taurillon qui devra être mangé en un seul
repas. On l'égorge alors en laissant le sang pénétrer le
sol tout en disant: « que les ancêtres reçoivent par
là leur part! ». La viande est également grillée sur
les braises et mangée avec du sel comme les bananes.
A défaut de viande on saigne une vache; on lui tire
quelques litres de sang que l'on fera cuire dans les braises et que l'on
déguste avec les bananes et le sel. Si on n'a pas de viande et ne peut
saigner une vache (si le défunt n'avait qu'une vache et que celle-ci
vient d'être saignée peu auparavant) on coupe un bout de l'oreille
de la vache et on mélange ceci avec le repas (« murinzi »
ou repas protecteur). La vache qui a donné soit de son sang, soit
un bout d'oreille est après très respectée et
particulièrement bien soignée; c'est la vache des ancêtres:
« inka y'abasokuru ). Elle ne pourrait être
donnée
42
ni vendue; son lait et son sang seront uniquement
mangés par les participants au repas protecteur (« murinzi
»).
On est à la veille de la reprise de la vie normale le
feu des ancêtres est éteint. Pendant ce travail, le serviteur des
mânes retire du feu un tison du bois spécial et avec les braises
et cendres il va le jeter en un endroit retiré, au milieu d'un
croisement de chemins abandonnés (imisibu).
Désormais, il sera défendu aux membres du clan
d'utiliser cette sorte de bois, ni comme bois de chauffage ni comme bois de
construction ou comme bâton. Il devient l'arbre des ancêtres
(« igiti c'abasokuru ») et on lui doit respect.
Ainsi donc, la pratique de l'extinction du feu des
ancêtres est un passage entre la situation malheureuse et la
période de la reprise de la vie normale.
I.5.4.6. Les "adieux"
Une sorte d'un au revoir au défunt déjà
mis en terre clôture la période de deuil. Il s'agit d'une pratique
anciennement intégrée dans la culture burundaise. A la fin des
cérémonies de levée de deuil, on prend du kaolin (une
sorte de craie qu'on emploie pour embellir les cruchettes de bois pour le lait
et dont les gardiens se maquillent pour « amuser » les vaches),
délayé dans une calebasse douce (umuhiti w'umuhoro)
remplie d'eau dont on se colore réciproquement les tempes en
disant: « uranyerera »!, « que tu me portes
bonheur»!
Puis, avant de rentrer chez soi, on désigne quelques
membres du clan qui, à tour de rôle, viendront tenir compagnie
à la famille éprouvée par la mort, durant un ou deux mois,
pour l'aider à s'habituer à la solitude créée par
l'absence du défunt. Après quoi la vie reprend son cours
normal.84
84. E. Ndigiriye, op.cit.,
p.31
43
Conclusion
En fin de compte, la conception de la mort, les attitudes et
les rites de funérailles varient selon les pays et les croyances. Ils
évoluent aussi dans le temps. Au Burundi, par exemple, c'est peu de
familles qui pratiquent le rite traditionnel parce que
l'évangélisation ou l'influence étrangère est venue
mettre fin à ce rite riche d'événements. Cette importation
d'autres cultures a joué un grand rôle dans la conception de la
valeur que les Burundais donnaient à l'être humain depuis sa
naissance jusqu'à sa dernière demeure, c'est-à-dire le
cimetière. Il est donc certain que des influences extérieures ont
divisé notre patrimoine culturel et chambardé l'héritage
de nos ancêtres. On le constate davantage quand on
réfléchit sur les nouvelles pratiques d'enterrement et de gestion
des cimetières, l'objet du deuxième chapitre de notre travail.
85. E. Ngayimpenda, Histoire du conflit politico-
ethnique burundais. Les Premières marches du calvaire (1960-1973),
Ed. de la Renaissance, Bujumbura,2004, p2.
44
CHAPITRE II. LES SITES FUNERAIRES AU BURUNDI
INTRODUCTION
Dans notre pays, le domaine des sites funéraires bien
qu'il soit un patrimoine commun pour tous les retraités de la terre, une
autre façon d'appeler les morts, est pratiquement oublié par la
législation burundaise. Rappelons pour commencer que les sites
funéraires englobent les cimetières, les charniers, les tombes et
les mausolées. Tous ces éléments ne diffèrent pas
quant au but visé qui est celui d'accueillir les morts. Cependant, la
notion de cimetière a un champ plus étendu et peut englober les
tombes et les mausolées.
Il est vite apparu que la mise en valeur de ces sites
funéraires est l'une des façons de rendre l'être humain sa
dignité, même après sa vie. Ce serait en outre renforcer
l'unité entre les vivants et leurs proches disparus. Ainsi, dans les
sociétés où domine encore la civilisation de
l'oralité, les cimetières sont de véritables sources
d'information pour l'histoire d'un peuple. C'est ainsi que lors de
l'élaboration de la thèse de la fondation de la monarchie dite du
« Cycle court», on s'est appuyé sur le décompte des
sépultures des rois et des reines mères85 pour
connaître le nombre des rois ayant régné dans les temps
reculés sur le Burundi.
Dans cette partie, nous allons essayer de décrire
l'histoire du cimetière, de voir sa réglementation au Burundi et
enfin sa situation actuelle. Ainsi, avant de traiter les éléments
ci-haut, posons-nous cette question: est- ce que les Burundais attachent une
même importance aux cimetières que celle qu'on a pour l'habitat
des vivants ?
45
II.1. Les cimetières ont une histoire
Le mot « Cimetière » voudrait signifier en
grec «lieu où l'on dort ».86 Il est défini
comme un bien-fonds réservé à l'inhumation de restes
humains. Selon le Nouveau Larousse encyclopédique, le
cimetière vient du mot latin coemeterium, qui signifie lieu de
repos, un lieu où l'on enterre les morts.87 Les
définitions varient selon les sources écrites disponibles.
Ainsi, le Dictionnaire Larousse voit dans une tombe
une fosse, recouverte ou non d'une dalle, où l'on enterre un mort. Le
cimetière ne doit pas donc être confondu avec un monument, cette
sorte d'ouvrage d'architecture ou de sculpture destiné à
perpétuer le souvenir d'un personnage ou d'un événement.
Il diffère également d'un charnier qui est une fosse où
l'on tasse les cadavres en grand nombre. Pour M.Bacre Waly Ndiaye, Rapporteur
Spécial de l'ONU pour les exécutions extrajudiciaires, sommaires
ou arbitraires, il n'existe pas de définition juridique du charnier.
Ainsi, il définit les "charniers" comme étant
des endroits où trois ou plusieurs victimes d'exécutions
extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ont été
enterrées sans être décédées au combat ou
lors d'affrontements armés. Il n'y a pas non plus de confusion possible
avec une nécropole (du grec necro, mort et polis,
cité), comprise comme étant la « cité des morts
». C'est avant tout un ensemble de sépultures monumentales
agglomérées. L'archéologie la considère comme un
groupement de nombreuses tombes. La nécropole a plutôt un sens
noble dans la mesure où elle est attachée souvent aux dynasties
princières. Elle pouvait être, du moins en Occident, un
monastère ou une abbaye, où les princes d'une dynastie ou d'un
Etat ont coutume de se faire inhumer.88
Curieusement, en dépit de l'ancienneté des
pratiques funéraires, le terme de cimetière n'a été
introduit en français qu'au 17ème siècle, et en
anglais au 19ème siècle. On a aussi utilisé le
terme charnier, lieu où on mettait la chair humaine. Ce terme a par la
suite désigné l'ossuaire où on déposait les os,
où on les exposait et faisait partie du cimetière. L'homme a
toujours été mis en terre et protégé de toute
dégradation charnelle. En Europe, les premières inhumations
dateraient de 100.000 av. J.C,
86. A. Malaka, « Les Cimetières comme lieux de
commémoration », Réflexion sur les paysages culturels :
la question des Cimetières, Québec, 2003, p.8.
87. Nouveau Larousse Encyclopédique, Paris, 1994,
p.331 88 .
http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%A9cropole.
46
c'est-à-dire au paléolithique moyen89
et les premiers cimetières retrouvés se situent à 10.000
av. J.C.90 Vers le 14ème siècle de notre
ère, l'homme prit en effet l'habitude de retirer de la terre les os plus
ou moins desséchés des vieilles sépultures, afin de faire
de la place pour les nouvelles et de les entasser dans les greniers des
galeries ou sur les reins des voûtes. Dans l'espace entre les charniers,
on enterrait les pauvres, ceux qui ne payaient pas les droits
élevés de l'inhumation dans l'église ou sous les
charniers.
Avec la foi dans la résurrection et le culte des
martyrs et de leurs tombeaux, les chrétiens se sont familiarisés
avec les morts et ils les ont enterrés dans leurs églises ou
autour de celles-ci, près du corps des martyrs, garant de leur salut
dans l'autre vie.91 On les entassait dans de grandes fosses
communes, ...contenant jusqu'à 1500 cadavres. Toujours, en Occident, ces
fosses ont été créées au 14ème
siècle en raison de l'essor démographique, des
épidémies et de la famine. On ne pouvait alors enterrer
séparément chaque cadavre à cause du grand nombre de
morts.
II.2. Leur réglementation
Pour revenir au Burundi, les premiers textes
réglementant les cimetières datent de l'époque coloniale,
vers la fin de la colonisation allemande, en 1909. Il s'agit essentiellement de
deux Ordonnances: celle du Gouverneur général du 4 septembre 1909
en rapport avec le "Service des inhumations et police des cimetières en
milieu coutumier" et l'ordonnance du 14 février 1914 réglementant
le "Service des inhumations et police des cimetières dans les
agglomérations".
Ces deux Ordonnances ont été rendues
exécutoires au Burundi par l'O.R.U (Ordonnance du Ruanda-Urundi)
n°36 du 2 juin 1925. Ainsi, lesdits textes constituent un repère de
création des cimetières bien qu'elles aient connu toute une
série de modifications. A ces deux ordonnances est ajouté le
décret-loi de 1982, portant code de la santé publique et d'autres
mesures de protection des cimetières. Déjà,
récemment, en décembre 2004, le Ministère de
l'intérieur a rendu public un document intitulé:
«Instructions permanentes aux administratifs en matière des
cimetières".
La réglementation des cimetières en cette
période coloniale, comprend aussi des concessions créées
par l'arrêté du Gouverneur général du 16 mai 1907.
La législation burundaise sur les cimetières avait
préconisé à cette même période, la pratique
de
89.
http://www.chez.com/nassimit/prehistoire.htm
90 .
http://www.advitam.fr/advitam_vref-193.MD-1vdoc.html
91. A.A.SAMI, Les cimetières, normes et
pratiques chez les Musulmans et leur implication en Suisse, L'Harmattan,
Paris, 2001, p.37
47
l'incinération, l'exhumation et translation de restes
mortels à l'intérieur du pays comme vers l'étranger. En
vertu de l'ordonnance du 4 septembre 1909 de l'initiative du Gouverneur
général, elle a été rendue exécutoire au
Burundi par l'O.R.U n°36 du 2 juin 1925 et elle a été par
après modifiée par l'Ordonnance n°336/J. du 29 octobre 1947
rendue exécutoire par l'O.R.U n°91/29 du 16 mars 1948.92
Remarquons que certaines prescriptions légales relatives au service des
inhumations étaient loin d'être respectées; elles
étaient des mesures "très impopulaires" comme l'a fait remarquer
R.P. Dubois, le Père Supérieur de la Mission de Kiganda qui
parlait de l'exemple des cimetières de sous chefferies rendus
obligatoires. Dans sa lettre du 22 avril1955, adressée à
l'Administrateur de Muramvya, il disait:
"(...) Je me permets de vous faire remarquer que cette
mesure les obligeant à faire enterrer leurs morts dans ces
cimetières de sous chefferie, est très impopulaire : certains
sous-chefs m'ont déjà fait savoir que leurs gens ne s'y
résignaient pas (...)".93
Les réticences n'ont pas été faciles
à vaincre: le 30 avril 1957, le Vice-Gouverneur Général du
Ruanda-Urundi, par le biais du Secrétaire à l'intérim I.
REISDORF, a adressé une correspondance aux Administrateurs de
territoires pour qu'ils procèdent à la vérification du
respect de cette mesure. Rien ne vaut cet extrait de sa lettre:
" Monsieur le Résident, j'ai l'honneur de vous
demander de bien vouloir vérifier si les prescriptions légales de
l'Ordonnance du 14 février 1914 du Gouverneur Général
applicable au Ruanda-Urundi et relative au service des inhumations et à
la police des cimetières dans les centres d'occupation de
l'Administration et dans les endroits désignés (...) sont
respectées dans votre Résidence".94
Cette démarche, certes policière, porta des
fruits. Ainsi, par exemple, la chefferie Buyenzi-Bweru du territoire de Ngozi,
comprenant 19 sous-chefferies, comptait déjà en 1960,
37cimetières correspondant aux 37 collines.95 Le tableau
suivant donne leur répartition.
Tableau n°2: Les cimetières de la chefferie
Buyenzi-Bweru
92. B.O.R.U, 1948, p165.
93. Archives nationales, Kiganda, lettre du Père
Supérieur de la Mission de Kiganda à l'Administrateur du
Territoire Muramvya, le 22 avril 1954.
94. Archives nationales, Usumbura, lettre du 30 avril
1957 au Résident de l'Urundi.
95. Archives nationales, Ngozi B4 1960-1963, liasse1
Cimetières de chefferie avec plans.
96 .Archives nationales, lettre n°211/4632/1.705, au
Résident de l'Urundi à Kitega, Usumbura, 1954.
97. R. Bellon et P. Delfosse, Codes et lois du Burundi,
Ferd. Larcier, Bruxelles, 1970, p.620.
48
S/chefferies
|
Nombre de cimetières
|
Collines
|
1.Nzikobanyanka
|
2
|
Gakeceri, Kinyana
|
2.Birikundavyi
|
1
|
Kibonangoma
|
3.Rwemera
|
1
|
Kibonangoma
|
4. Muheto
|
1
|
Rweza
|
5.Kinunda
|
3
|
Mugogo, Kisuka et Ruvumu
|
6.Midaduko
|
2
|
Kidasha, Bitaganzwa
|
7.Sebigo
|
1
|
Ruhata
|
8.Mwamarakiza
|
2
|
Mufigi, Canamo
|
9.Hindaniro
|
2
|
Cimba, Bugogo
|
10.Ntibibuka
|
2
|
Nyakatovu, Rukongwe
|
11.Maderere
|
2
|
Runini, Muramba
|
12.Bicuncu
|
2
|
Butezi, Nyankurazo
|
13.Ntahomvukiye
|
2
|
Gitwe, Gishoka
|
14.Rugoyagi
|
3
|
Gisha, Tangaro, Mubwato
|
15.Seshahu
|
3
|
Cayi, Ruvumu, Munagano
|
16.Gapiya
|
2
|
Nyanza, Gihoma
|
17.Binagana
|
4
|
Mivo,Shango, Nyabikenke, Makaba
|
18.Nzirumbanje
|
1
|
Gatonde
|
19.Ntawe
|
1
|
Mukarambo
|
Les dimensions de ces cimetières variaient entre 100m
sur 100m et 25m sur 50 mètres suivant la densité de la population
environnante.
Selon l'ordonnance du 4 septembre 1909, dans son article 2, il
est stipulé qu'aucune inhumation ne pouvait être effectuée
hors de l'endroit déterminé, si ce n'était pour des motifs
exceptionnels.96 Chaque inhumation devait avoir lieu dans une fosse
séparée dont la profondeur était de 1,50 mètres et
deux mètres de longueur. La distante exigée entre deux fosses
devait être au moins d'un mètre sur tous les
côtés.97 Toute inhumation était portée,
sans retard, par l'intermédiaire du chef « indigène »,
à la connaissance du chef de poste qui mentionnait sur un registre
spécial l'identité du
49
décédé, la date et la cause du
décès ainsi que le lieu de la sépulture. A cette fin,
l'emplacement des tombes pouvait être, autant que possible,
repéré sur le plan des cimetières.98
L'on comprend que ce texte a été mis sur pied
pour bouleverser les pratiques d'inhumation ancestrales existantes. Comme les
Burundais pratiquaient le culte des ancêtres, ils avaient un grand
intérêt à inhumer leurs disparus dans un lieu non
public.
Remarquons que le souci d'hygiène a été
à l'origine de la création et de la consolidation des
cimetières. Le décret-loi n°1/16 du 17 mai 1982 portant code
de la santé publique stipule qu'aucune inhumation ne peut avoir lieu en
dehors des terrains affectés à cet usage sauf dérogation
motivée de l'administrateur communal (article 26). Le Ministère
de la Santé publique a un grand rôle à jouer dans
l'exécution du projet de création d'un cimetière. Il doit
mener des enquêtes pour vérifier si les conditions sont
réunies. Parmi ces conditions, on peut citer entre autres la distance
entre le cimetière et les habitations les plus proches d'une part et la
distance entre le cimetière et les sources d'approvisionnement en eau,
d'autre part.
Ainsi, si ces critères ne sont pas respectés,
ledit Ministère peut refuser l'autorisation d'exécuter le projet
de cette création. Mais joue-t-il réellement son rôle dans
ce domaine précis? Ce n'est pas notre sujet.
II. 3. LES TYPES DE CIMETIERE
On a eu l'occasion de le voir, l'art d'enterrer les morts a
évolué à travers le temps. Aussi les lieux d'enterrement
ont bougé dans l'espace.
II. 3. 1. Les sépultures familiales
On peut le rappeler ici, avant l'intrusion coloniale, les
Burundais enterraient les leurs soit à l'intérieur de l'enclos
soit dans les champs. Tout dépendait encore une fois du rang social de
la personne morte, mais aussi des époques.
En effet, le père de famille était
enterré dans le rugo, à l'endroit habituellement
réservé au feu pour le bétail (igicaniro). La
femme ou l'enfant étaient inhumés derrière
98 .Art. 6 de l'Ordonnance du G.G. du 4 septembre1909 telle que
modifiée par Ord. n°336/J. du 29 octobre 1947.
50
l'enclos. Les Burundais croyaient que le mari défunt,
s'il est mis devant la maison, pouvait continuer à veiller sur le
bétail et sur toute la famille.99 C'est aussi cet endroit
caché qui rendait facile aux Barundi de "pratiquer le culte des
ancêtres".100 Cela constitue le premier choix du site
funéraire.
Le deuxième choix du lieu de conservation des morts
portait sur les champs familiaux. Au décès d'un membre de la
famille, le cadavre qui était enveloppé dans des nattes,
était conservé dans la propriété familiale.
Au-dessus de sa tombe, on y entassait un amas de pierres (igihongo
c'amabuye). Il y a lieu de penser déjà que les
mentalités sur les morts connaissaient une mutation due aux contacts
avec les étrangers, surtout les colonisateurs. Une fois enterrés,
les restes humains étaient considérés comme impurs et tout
contact avec eux risquait de souiller les vivants.
Après, les cimetières familiaux localisés
dans la propriété familiale, une nouvelle innovation s'observe.
Des missionnaires nouvellement arrivés sur le sol burundais inventent
une stratégie pour convertir les gens au catholicisme, ce qui supposait
d'abord la chasse aux pratiques traditionnelles, rapidement jugées
rétrogrades. Les cimetières sont désormais "soumis
à une sorte de consécration (...), regardés comme des
dépendances ecclésiastiques".101 Il s'agit alors
d'"une cléricalisation des funérailles"102 mettant en
vogue la sensibilité religieuse qui a entraîné la
disparition du culte des ancêtres où les devins sont
remplacés par des prêtres, si l'on prend le cas de chez nous. En
outre, les espaces funéraires qui étaient localisés dans
l'enclos familial furent aménagés dans les champs, avant
d'être publics, réglementés et localisés loin des
lieux d'habitation. Autrement dit, on passe des sépultures «
anarchiques » des familles aux cimetières communaux
organisés.
II. 3. 2. Les cimetières paroissiaux
Avec la colonisation, les missionnaires venus au Burundi dans
le cadre de l'évangélisation ont bouleversé les pratiques
ancestrales trouvées sur place, sans oublier celles liées
à l'inhumation. Ils créent des cimetières tout autour des
postes de mission et des succursales avec la complicité de
l'autorité coloniale. Cela est à l'origine d'un
déplacement des sites funéraires passant de l'enclos ou des
alentours vers des
99. Enquête, Ntahondi, Rutana, juillet 2005
100. A.Vereycken, l'Administrateur de territoire Bururi,
Lettre n°840 / Cont. en réponse à la lettre n°1445
/Just. du 17.4.1954.
101. P..Ariès, L'homme devant la mort, Ed. du
Seuil, Paris, 1985, p.485
102. P. Ariès, op.cit., p.493
51
cimetières communaux. L'ancienne pratique a toutefois
résisté farouchement, comme le constate en 1954, l'Administrateur
du territoire de Bubanza, J. FREZIN :
« En ce qui concerne les païens, les
indigènes continuent à enterrer leurs morts dans leurs ingo...
».103
L'implication du clergé dans la résolution de ce
problème semble effective comme l'illustre la lettre de l'Administrateur
de Territoire de Ngozi au Résident de l'Urundi, en date du 20 avril
1954:
"... la question soulevée par son Excellence
Monseigneur Martin devient d'actualité en ce qui concerne les Missions
de KATARA et de BUSIGA. J'ai déjà recherché la
possibilité de disposer d'un terrain libre dans le voisinage de ces deux
missions mais l'occupation très dense ne permet pas de trouver une
solution sauf par des expropriations." 104
C'est le début de l'enterrement en dehors des
propriétés familiales. Notons que les cimetières
paroissiaux ont l'avantage d'être entretenus contrairement aux
cimetières communaux généralement, laissés pour
compte. Ce sont des "villes" entières chez les habitants de l'autre
monde! En s'y promenant, on a l'impression que ceux qui sont morts gardent leur
statut d'hommes puissants. C'est à cause de cette importance à
laquelle on leur attache, que des richesses entières sont
consacrées dans l'aménagement des espaces d'inhumation. Mais le
constat général reste que les cimetières au Burundi n'ont
jamais été l'objet d'attention des pouvoirs publics en dehors de
la zone urbaine.
103. J. Frezin, Lettre au Résident de l'Urundi
n°636/Just., du 28 avril 1954.
104. Lettre de l'Administrateur de Territoire de Ngozi au
Résident de l'Urundi, du 20/4/1954, Archives nationales, Ngozi
B1/1950-1953, liasse1
52
Photo n°1: cimetière paroissial
(cathédrale de Bujumbura)
II. 4. Un secteur abandonné
II. 4. 1. La situation en Mairie de Bujumbura
Selon une enquête effectuée auprès de la
population municipale, les familles rencontrent beaucoup de problèmes
quand elles vont enterrer les leurs. Ces difficultés sont en grande
partie liées à la distance entre les sites funéraires et
les habitations. On est souvent plus d'une dizaine de kilomètres.
Les morts de la Mairie sont principalement inhumés soit
à Mpanda soit à Kanyosha. Avec l'avènement de la crise de
1993, il est né d'autres types de cimetières.
- Cimetières créés anarchiquement par la
population indigente, incapable d'arriver au lieu habituel d'enterrement :
à ce titre, on peut noter le cimetière de Kamenge. Celui-ci a
été mis en place par un père blanc connu sous le nom de
« Buyengero »,
53
qui voulait que les indigents qui se faisaient soigner dans son
hôpital puissent, en cas de décès, y être
enterrés sans problèmes.
- Cimetières « inconnus » créés
à la suite de la crise de 1993 et localisés dans des zones
d'affrontement rebelles. Ainsi, par exemple, à Bujumbura rural, au mois
de février 2006, une visite de la Radio publique africaine a
découvert des cimetières105 créés par
des rebelles ou des groupes armés opérant dans la province.
Précisons que des familles dont un membre est enlevé, recourent
à ces lieux pour voir s'il n'y a pas une tombe récente qui
pourrait contenir le disparu.
Ainsi, parmi ces cimetières, on peut en citer trois:
- le cimetière de Bisekuro sur la colline Sororezo
où 19 tombes ont été identifiées,
- le cimetière de Muha sur la colline Rweza où 20
tombes ont été repérées,
- le cimetière de Bugazi, à un lieu
communément appelé "projet", sur la colline
Muhanamboga, au-dessus du campus Kiriri.
Signalons que ces cimetières ne sont pas les seuls qui
existent, il y a d'autres endroits sur le territoire national qui abritent les
corps humains et dont l'identification s'avère nécessaire pour
que les proches des disparus puissent les enterrer avec dignité.
II. 4. 2. Cimetière de Mpanda
Ce cimetière se situe à environ vingt
kilomètres de la capitale Bujumbura, en commune Gihanga ( Bubanza), de
part et d'autre de la route nationale Bujumbura-Cibitoke. La partie qui se
trouve à droite de la route est pleine, ce qui fait que l'enterrement
ait lieu dans la partie gauche, à l'ouest de la route
macadamisée, vers la rivière Rusizi. A l'Est, on a la
rivière Kajeke . Notons qu'au sud du cimetière, on a la
rivière du même nom, Mpanda. Ce site funéraire a d'abord
servi d'enterrement pour les habitants de la zone Buringa ou des environs. Ce
n'est qu'à la suite de la crise d'octobre 1993 que, d'autres personnes
en provenance de la ville de Bujumbura sont venues inhumer là. Il s'agit
d'une des conséquences de la "balkanisation" de la ville, en zones hutu
et en zones tutsi. Ce phénomène a également affecté
les cimetières qui ont été tribalisés à
l'occasion de la guerre civile. Le cimetière est ouvert
généralement à neuf heures et il ferme vers quatorze
heures, à cause de l'insécurité.
105. Enquête réalisée auprès de
Sindayigaya Merveille, journaliste de la RPA, Bujumbura, août 2005.
54
En effet, comme toute ville est habitée par des riches
(haut standing) et par des pauvres, Mpanda n'échappe pas à cette
triste réalité. Il y a deux parties observables:
L'une construite à l'image d'un bidonville est rarement
entretenue. On a peur d'y entrer car des herbes y sont abondantes comme
à la forêt. Il n y a pas de constructions et mêmes les rares
qu'on peut y localiser sont envahies par la végétation. Les
tombes sont construites en terre, comme les maisons que les défunts
occupaient de leur vivant. Il n' y a ni pierres sépulcrales ni croix ou
autres signes funéraires sur les tombes, excepté celles qui sont
fraîches où une croix modeste en bois résiste encore au
temps et aux termites. C'est un domaine des pauvres. Ceux -ci ne se
préoccupent pas de son entretien faute de moyens. Cette catégorie
de population ne recourt pas aux services des pompes funèbres. Ils
préparent les places et construisent eux-mêmes des tombes en
terre, sans ciment. C'est un lieu où des inhumations ne respectent
pratiquement aucune réglementation. Selon une enquête
effectuée auprès de la population résidant aux environs
dudit site, certaines personnes démunies y enterrent les leurs sans
permis d'inhumation, sur d'autres tombes et en dehors du temps
réglementaire. La raison principale est que l'on n'a pas des frais pour
s'acheter une place, des habits et de cercueil. D'où, ils
préfèrent enterrer clandestinement.
La deuxième constitue un domaine réservé
aux riches. Les places sont bien aménagées et les fossés
creusés à l'avance. Les tombes sont en matériaux durables
et elles sont clôturées à l'image des parcelles des
quartiers Rohero ou Mutanga. On rivalise dans l'invention des modèles
architecturaux comme si la mort offrait l'occasion d'étaler la richesse
du défunt ou celle de sa famille. Des maçons sont engagés
sur une période d'une semaine pour peaufiner la nouvelle demeure du
défunt.
II. 4. 3. Un seul cimetière officiel mais
abandonné : Rusabagi
Au Burundi, il n'existe pratiquement pas de cimetière
fonctionnel et légal. On constate qu'avant la crise de 1993, le seul
cimetière qui remplissait les conditions légales était
celui de Rusabagi, en commune Mutimbuzi, entre les zones Maramvya et Mubone,
dans la province de Bujumbura rural.106 Actuellement, il n'est plus
utilisé à cause de la crise déclenchée il y a 12
ans. Il faut dire que la guerre a rendu l'endroit inaccessible. Les Tutsi ont
abandonné ce site de peur d'être tués par des rebelles
106 . Enquête réalisée auprès d'un
responsable de l'état civil en Mairie de Bujumbura.
55
majoritairement hutu. Les Hutu ont eux-mêmes fui
redoutant des attaques des milices tutsi connues sous le nom de « sans
échecs » d'où l'abandon du cimetière.
Cependant, jusqu'ici, il n'y a pas d'ordonnance de la
fermeture de ce cimetière et la population enterre partout où
elle sent la sécurité. C'est le début des
cimetières ségrégationnistes.
Photo n° 2: Cimetière de Rusabagi II.
4.4. Des Cimetières ségrégationnistes
Une grande ségrégation caractérise les
cimetières surtout de Bujumbura et de ses environs. Il est
nécessaire de souligner quelques éléments d'exclusion
courants. Il s'agit de l'exclusion liée à la religion, au rang
social ou à l'ethnie.
En effet, concernant l'exclusion religieuse, on peut dire
qu'au Burundi, il y a une séparation entre les terrains
funéraires pour les musulmans et le reste de la communauté
(chrétienne et païenne). Pendant la colonisation, les catholiques
ont été séparés des païens d'une part et des
protestants, d'autre part, et ensuite des musulmans. Ainsi, la lettre n°
508/Just, écrite au Résident de l'Urundi à Kitega par
l'Administrateur du territoire de Rutana, le 20 avril 1954 est significative
à ce sujet. Selon cette correspondance là où l'on dispose
des terres suffisantes, les cimetières
56
communaux devraient avoir une superficie de quatre hectares
réparties comme suit: 2 hectares réservées aux
catholiques, 1,5 hectares pour les païens et 0,5 hectares pour les
protestants. 107
Comme on le constate dans cette lettre, on ne prévoit
même pas de place pour des musulmans dont "les tombes doivent occuper
un emplacement spécifique dans le cimetière, à
l'écart des tombes des morts d'autres religions. Il serait souhaitable
que cet emplacement représente l'équivalent de la population
musulmane résidant sur la commune (...)".108
Notons que cette répartition suivant les confessions
posait aussi des problèmes
pour les protestants pour lesquels rien n'était plus
prévu par la législation
coutumière. Ainsi, en date du
18 novembre1954, le Représentant Légal de World Gospel Mission
à Kayero (Rutana), Monsieur Harold SHINGLEDECKER a adressé une
correspondance à l'Administrateur de Territoire de Ruyigi pour l'amener
à prévoir un lieu d'inhumation pour cette catégorie de la
population. Voici ses propos:
« (...) quelle disposition vous pourvoyez pour
l'enterrement des morts protestantes. Est-il possible pour le sous-chef de nous
mesurer une partie du cimetière? Nos catéchistes près de
Buranga disent qu'il y a des cimetières de l'Etat près de chacune
de nos chapelles-écoles. Si nous en pouvons avoir une partie pour nos
indigènes (...) ».
La réponse de l'Administrateur territorial semble
catégorique à en croire sa lettre du 23 novembre 1954:
"(...) il ne peut être question de créer des
cimetières protestants avant que l'arrêté du Mwami relatif
à la création de cimetières indigènes n'ait
paru."
A Mpanda, par exemple, étant donné que les
musulmans constituent une minorité démographique, la place leur
réservée est très réduite comparativement à
celle occupée par d'autres composantes religieuses.
107. F. Vermuyten, l'Administrateur de Territoire Rutana,
lettre au Résident de l'Urundi à Kitega, Archives Nationales,
Bujumbura, Kitega AA 152, 1933-1960, liasse 1 (1954-1956).
108. A.A.SAMI, Les Cimetières, normes et pratiques
chez les Musulmans et leur implication en Suisse, l'Harmattan, Paris,
2001, p.34
57
Selon une circulaire de la Fondation des Cimetières
Islamiques Suisses (FCIS) de mars 1993, "les tombes des musulmans doivent
occuper un emplacement spécifique dans le cimetière, à
l'écart des tombes des morts d'autres religions". 109
Quant au rang social, on remarque toujours que ceux qui ont
été bien considérés sur terre, occupent des places
d'honneur au cimetière. En guise d'illustration, retenons la place
nouvellement réservée aux hauts cadres burundais à Mpanda.
Cette partie a été créée avec la mort de feu
Ministre de l'intérieur Simon Nyandwi. En multipliant les exemples de
ségrégation, on peut évoquer le cas des responsables de
l'Eglise catholique, c'est-à-dire les évêques qui sont
enterrés à l'intérieur des cathédrales.
Ainsi, les évêques André Makarakiza et
Joachim Ruhuna reposent à l'intérieur de la cathédrale de
Gitega pendant que les autres membres du clergé (prêtres et
soeurs) rejoignent le cimetière commun de Mushasha. Dans ce même
ordre d'idée, actuellement les tombes des gens aisés sont en
matériaux durables avec une architecture sophistiquée à
côté des tombeaux sans identité. Le
phénomène, quoique récent pose de sérieux
problèmes de reconversion des anciens sites d'inhumation. On assiste de
plus en plus à une demande accrue d'espaces supplémentaires
destinés à la clôture des tombes. Comme déjà
dit, à côté de ces espaces construits et
réservés, il existe d'autres sites funéraires dont les
tombes ne sont qu'une simple motte de terres surélevée et dont la
durée reste éphémère comme si les demeures de ces
retraités de la terre sont l'image de l'habitat des vivants qu'ils
furent.
Pour ce qui est de la division ethniste des morts, cela a
fortement été observé pendant la crise de 1993 surtout
dans les cimetières de Mpanda et Kamenge, devenus respectivement pour
Tutsi et pour Hutu. Ces pratiques séparatistes et ethnistes aux
cimetières étaient le prolongement de la "balkanisation" des
quartiers de la capitale en hutuland et en tutsiland.
II. 4. 5. Cimetière des militaires allemands
de1914-1918
Contrairement aux cimetières de l'intérieur du
pays, pour la plupart laissés pour compte, le cimetière allemand
de Rugombo (à 70 km de Bujumbura sur la route nationale n° 5) se
remarque par son bon entretien. Il est bien clôturé par un mur
en
109. A.A.Sami, op. cit, p.34
58
moellon d'une hauteur d'un mètre et demie. Signalons
que ce mur a été construit en 1997 sur l'initiative de
l'Ambassade d'Allemagne. Le cimetière s'étend sur une longueur de
28 mètres sur 18 mètres de large. Tout autour, se trouve un
espace libre de 6 mètres, balayé chaque matin. A
l'intérieur de la clôture, les tombes sont formées de 7
rangées. Une rangée en comprend deux, tandis que les six autres
en abritent six chacune. Sur chaque tombe sont plantés un rosier et
d'autres fleurs, entretenus régulièrement par un travailleur
engagé par la Représentation diplomatique allemande. Par souci de
propreté, du gravier est mis entre les rangées.
Des épitaphes portées par une croix en
béton comme EIN UN BEKANNTER DEUTSCHER SOLDAT GRAB-NR-31 ou EIN UN
BEKANNTER DEUTSCHER ASKARI GRAB-NR-5 sont visibles. D'après la lettre du
Service d'Identification et de Sépulture des Victimes de la Guerre
dépendant du Ministère de l'Intérieur Belge, dont l'objet
est le suivant: "Cimetière allemand 1914/18 à Nyakagunda
(Route Usumbura-Costermansville), Congo Belge"110, il s'agirait
des corps de 28 soldats Askari et de deux officiers allemands. On suppose qu'il
s'agit d'un cimetière qui a été établi plus tard
par les autorités Belges, par suite du regroupement de corps se trouvant
dans la région. Ainsi, les soldats allemands suivants pourraient y avoir
été inhumés:111
1. Hauptmann Schimmer, tombé le 12.1.1915 près de
Luvungi (Urundi)
2. Oberleutnant Leitner, tombé le 12.1.1915 près
de Luvungi (Urundi)
3. Ldwn Hurstel, tombé le 27.9.1915 près de
Luvungi (Kamanyola)
4. Freiwilliger Brillwitz, tombé le 27.9.1915 près
de Luvungi (Kamanyola)
5. Ldtstm MECHAU, tombé le 24/4/1916 près de
Shangugu
6. Vizewn TRIEBEL, tombé le 6.6.1915 près du
fleuve Mpanja
A côté de ce cimetière, il y a un autre
dit européen à Kitega qui abrite toujours deux tombes de
militaires allemands:112 celle de STEIDL Hans,
décédé le 9/6/1916 et celle de WERSTEMEIER Richard, sur
laquelle est apposée une plaque avec l'inscription exotérique
suivante :
Richard Westermeier, K. U. K. L. Imf. K . R . 8. et
Adjudant des Majors M. Wintgens + 12-6-1916 am.
110. Archives nationales, Lettre du Ministère de
l'Intérieur Bruxelles, du 21 juin 1955.
111. Ibid.
112. Archives nationales, Lettre n°10723 G31 du
1.12.1955 au Vice -Gouverneur Général , Gouverneur du Ruanda
-Urundi, Procès -verbal concernant l'identification de tombes de
militaires allemands au Ruanda-Urundi.
59
Photo n°3: Cimetière des militaires allemands
de Rugombo II. 4. 6. Les nécropoles
royales
Les nécropoles royales sont difficilement identifiables
à cause de l'absence de leur entretien d'une et de leur localisation
géographique dans des zones non accessibles.
Elles se composaient de deux ensembles. Les résidences
funéraires des rois eux-mêmes, échelonnées sur la
frange orientale de la Kibira, de la frontière rwandaise au sud de la
source de la Ruvubu (le bois sacré de Budandari étant
censé abriter quatre rois anciens et les derniers rois reposent
respectivement, Ntare Rugamba à Buruhukiro, Mwezi Gisabo à Remera
et Mutaga Mbikije à Ramvya) et d'autre part les bois sacrés de
Mpotsa ou Bunyange qui accueillaient les reines -mères.113
113. J.P.Chretien, "Les arbres et les rois,
sites historiques au Burundi", Culture et société. Revue de
civilisation burundaise, 1978, p.40
60
Conclusion
Tout au long de ce chapitre, nous avons vu l'histoire et les
types des cimetières, leur réglementation et leur situation. Au
Burundi, les cimetières datent de l'époque coloniale tandis qu'en
Europe, les premiers cimetières retrouvés se situent à
10.000 av. J.C. En parlant du Burundi, c'est à cette période
coloniale que les textes réglementaires ont été mis sur
pied. Avant, les Burundais enterraient leurs morts dans des lieux non publics,
autour de la maison, puis dans les champs et enfin dans les cimetières
communaux. Au fur et à mesure que les sites funéraires ont connu
des changements, a évolué aussi la façon de les
présenter au point de vue des constructions. Cependant, il existe un
grand écart entre l'état des cimetières urbains et celui
des campagnes. On a respectivement, des constructions sophistiquées et
une absence d'entretien faisant des cimetières ruraux une sorte de
forêt à l'intérieur de laquelle s'observent de petites
croix qui attendent d'être abîmées par des termites.
En considérant les points de vue des personnes
enquêtées, il y a un manque d'importance attachée aux
cimetières. Ils sont laissés à eux-mêmes. Sur trois
cent soixante cimetières recensés dans les cinq provinces
(Bururi, Cibitoke, Muyinga, Mwaro et Rutana), vingt cimetières seulement
sont entretenus. Pire, les lieux de conservation des morts, ont
été ces dernières années l'objet de
ségrégation ethnique, religieuse et sociale. Les
cimetières, spécialement ceux des villes, deviennent de plus en
plus de véritables chantiers où maçons et vendeurs des
services funéraires trouvent chacun son pain quotidien.
61
CHAPITRE III. LES SERVICES FUNERAIRES: VERS UN NOUVEAU
MODE DE GESTION DES MORTS
Introduction
Au Burundi, le domaine des services funéraires n'est
pas encore développé. Il s'agit d'un service très
récent né surtout en milieu urbain vers les années 1990. A
l'intérieur du pays, il n'y a que des groupes de menuisiers qui
s'occupent de la fourniture des cercueils. A la capitale de Bujumbura, cinq
pompes funèbres offrent généralement des cercueils, des
emballages et des gerbes de fleurs.
Les pompes funèbres identifiées
présentent des techniques rudimentaires étant donné
qu'elles ne datent que de quelques années comme on vient de le
mentionner. Elles ont un personnel réduit et sans qualification.
Signalons que leur localisation se limite dans le plein centre ville où
la demande est croissante. Il y a au total six sociétés dont cinq
sont privées et une attachée à la municipalité de
Bujumbura. Parmi les sociétés privées, trois se situent
sur la Chaussée du peuple Murundi tandis que les deux autres se
trouvent, l'une à Rohero I et l'autre à Buyenzi. Ces pompes
funèbres sont en perpétuel déménagement à la
recherche d'une clientèle plus offrant ou un loyer modelé.
Prenons en quelques exemples pour comprendre leur fonctionnement.
1. La pompe funèbre " La Différence"
Elle se situe à la Chaussée du peuple Murundi,
en face du bureau de la zone Buyenzi. Parmi les services qu'elle offre, on peut
citer: des cercueils de différentes qualités, des couronnes de
fleur, des véhicules funèbres, des décorations des
voitures et des maçons pour la construction des tombes.
2. Pompe funèbre de la 10ème
avenue à Bwiza
Située à la Chaussée du Peuple Murundi,
cette pompe funèbre comme les autres maisons de sa nature disponibilise
des cercueils des prix divers, des couronnes de fleur, des voitures pour le
transport des dépouilles mortelles, des décorations de voitures
et des maçons pour la construction des tombes et des monuments. Elle se
différencie de la première par son emplacement dans un quartier
populaire donc, aux faibles ressources.
62
3. Funèbre Sociale "FUS"
La funèbre "FUS" ou Funèbre Sociale se trouve
à la croisée de la Chaussée du Peuple Murundi et l'avenue
Mutoyi. Elle aménage des tombes, assure la vente des cercueils et des
couronnes de fleurs.
4 . Pompe funèbre"Uwugukunda aguhisha uwawe"
Cette pompe funèbre dont l'appellation nous semble pour
le moins curieuse
( son nom part d'un faux adage ! ) se trouve en zone Rohero,
à l'avenue de l'Eucalyptus dans le quartier Rohero I. Elle fabrique et
vend des cercueils et des couronnes de fleurs, elle offre des véhicules
pour le transport des morts, fournit des pierres tombales et elle organise
même des cérémonies funéraires comme le lavage
après l'enterrement (gukaraba), la petite levée de deuil
(gucakumazi) et la grande levée de deuil
(kuganduka).
A côté de ces maisons funéraires qui sont
plus ou moins modernes, il existe une autre que l'on peut qualifier de
traditionnel, c'est la Funèbre locale de Buyenzi.
5 . Pompe funèbre locale de Buyenzi
Elle est sise à la seizième avenue, sur la route
qui mène au marché de Buyenzi communément appelé le
marché de Ruvumera. Elle fabrique des cercueils en bois
nécessitant un tissu pour les emballer si l'acheteur le demande. Par
rapport à d'autres sociétés funèbres, les prix sont
bas. Ainsi, on a :
- Un cercueil, dont la longueur est d'un mètre et non
emballé pour un enfant vaut 8.000 Fbu,
- Un cercueil non emballé pour un adulte (2 mètres)
vaut 15.000 Fbu.
Concernant des cercueils emballés soit à
l'extérieur seulement, soit à la fois à l'extérieur
et à l'intérieur, on a, pour un adulte, des prix respectivement
estimés à 22.000 Fbu et à 25.000 Fbu.
- Pour un enfant, un cercueil emballé à
l'extérieur seulement coûte 10.000 Fbu et celui emballé,
à la fois à l'extérieur et à l'intérieur,
revient à 12.000 Fbu. Ailleurs, les prix se répartissaient comme
suit dans le tableau.
63
Tableau n°3: Comparaison des prix des cercueils selon
les pompes funèbres
Pompe funèbre/
prix selon les cercueils
|
Cercueil non emballé pour un enfant
|
Cercueil non emballé pour un adulte
|
Cercueil emballé seulement
à l'extérieur
|
Cercueil emballé à l'extérieur et
à l'intérieur
|
Pompe funèbre
locale de Buyenzi
|
8.000 Fbu
|
15.000 Fbu
|
20.000 Fbu
|
25.000 Fbu
|
"Uwugukunda aguhisha uwawe"
|
15.000 Fbu
|
25.000 Fbu
|
35.000 Fbu
|
45.000 Fbu
|
"FUS"
|
12.000 Fbu
|
20.000 Fbu
|
25.000 Fbu
|
35.000 Fbu
|
Pompe funèbre de la 10ème av.
Bwiza
|
10.000 Fbu
|
18.000 Fbu
|
22.000 Fbu
|
30.000 Fbu
|
"La
Différence"
|
10.000 Fbu
|
18.000 Fbu
|
22.000 Fbu
|
30.000 Fbu
|
Le coût des services de ces maisons funéraires
variait selon la valeur du dollar, nous a fait entendre leur personnel.
Selon les personnes rencontrées aux pompes
funèbres modernes, le coût d'une couronne de fleurs peut varier de
15.000 Fbu à 150.000 Fbu. Ces maisons s'inquiètent de l'absence
de clientèle à cause du faible pouvoir d'achat des familles des
défunts. Remarquons que les sociétés funèbres sont
encore au stade embryonnaire pour dire qu'en dehors de la capitale de
Bujumbura, peu de villes de l'intérieur du pays en sont
déjà dotées. En province de Bururi par exemple, les
fournisseurs des services funéraires sont le CFPP (Centre de Formation
et de Perfectionnement Professionnel), l'Economat et la prison. Les services
qu'ils offrent sont limités aux cercueils sinon les familles des
défunts se procurent du reste à partir de
Bujumbura.114
Disons que les pompes funèbres ont un grand rôle
à jouer dans des centres urbains. D'abord parce qu'elles mettent en
place un matériel dont les membres qui ont perdu les leurs se servent
sur place et sans perdre beaucoup de temps.
114. Témoignage de Nininahazwe
Acquilline, greffière au TGI de Bururi, août 2005
64
Il s'agit du matériel prêt à porter.
Ensuite, ces entreprises de la mort ont mis sur pied un personnel plus ou moins
qualifié dans l'art funéraire. Enfin, l'emploi qu'elles offrent
sert non seulement à venir en aide aux dépourvus mais aussi il
permet à ceux qui pratiquent ce métier de rehausser
l'économie du pays de par le payement des frais au trésor
public.
Cependant, il y a là un paradoxe, celui lié
à la culture burundaise même. Normalement, une famille qui perd un
membre devrait trouver des services gratuits sur place. Pour le cas des ces
entreprises de la mort, ce n'est plus le cas, l'entraide suppose
l'échange des services. Certains voient dans ces entreprises un statut
ambigu.
D'une part, on croit qu'elles sont des sociétés
sans but lucratif et d'autre part des entreprises commerciales qui
s'enrichissent aux malheurs des autres. En regardant leur prix majoritairement
contesté, il y a lieu de confirmer cette dernière
hypothèse. Le danger à tout cela, c'est que si l'enterrement
prend des allures d'une opération lucrative, il y a risque de
détérioration des pratiques et rites funéraires bafouant
ainsi le droit à une mort digne que chaque homme doive avoir. Ce risque,
lié au coût de la mort de plus en plus élevé,
apparaît au grand jour quand une famille qui perd un membre se trouve
dans l'impossibilité de l'inhumer dignement.
C'est ainsi qu'on entend dire surtout en milieu urbain que
vaut mieux prendre en charge cinq personnes que de s'occuper d'un mort. Cela se
remarque par le fait qu'après l'enterrement, la famille du
défunt, dans le but de limiter les dépenses liées au deuil
en ville, préfère l'organiser à la campagne où la
vie coûte moins cher. La formule en kirundi est connue: «
Ikigandaro kizobera ruguru » (le deuil se déroulera
à la colline natale). Même l'argent qu'on récolte lors des
visites de réconfort sert généralement à payer des
dettes contactées à l'occasion du décès.
Après s'être amusé à calculer le
montant que les services funéraires peuvent prendre, nous avons
constaté qu'il peut remonter à 200.000 Fbu en moyenne. Cette
somme se répartirait comme suit :
- Tombe: 10.000 fbu
- Cercueil: 15.000 fbu
- Tôle tombale: 25.000 fbu
- Draps + couverture +parfum: 50.000 fbu
- Rafraîchissement (gukaraba) dépendant du nombre de
participants: 50.000 fbu (en
moyenne)
- Frais de transport (défunt et les accompagnants du
défunt): 50.000 fbu
65
Ce total des dépenses ne prend pas en compte les
imprévus.
En conséquence, il est à remarquer que la mort
en plus qu'elle nous prend un être cher, elle nous pille de nos biens qui
pourraient permettre aux survivants de subvenir à leurs besoins
fondamentaux. Dans les pays développés, où le
système d'assurance-vie fonctionne, il existe des entreprises
contractantes, notamment des compagnies d'assurance, qui supportent dans la
mesure du possible certaines dépenses de leurs clients. Elles
remboursent par exemple les frais des obsèques d'un affilié ou de
son ayant droit.
Pour rester chez nous, la législation burundaise
oblige, à travers le Code du travail, chaque employeur à payer
les frais occasionnés par le décès de son employé.
Il s'agit généralement d'une participation qui ne couvre pas
l'ensemble des dépenses.
On comprend que dans la plupart des cas la solidarité
reste l'unique voix de recours dans de telles circonstances. En effet, quelles
sont ces familles burundaises qui peuvent payer des sommes aussi colossales
pour cet événement si inattendu ? A part certaines familles
disposant d'un certain revenu, nombreux sont des Burundais incapables de
supporter cette dépense par ailleurs rarement prévue dans le
budget familial. La mort profite bien entendu à ces maisons
spécialisées dans la gestion des cadavres et évitent par
tous les moyens toute concurrence. Un membre de la pompe funèbre
oeuvrant tout près de la commune Buyenzi que nous avons approché
nous a vite sorti à notre première question:
« Mwebwe Abarundi ndabazi mubonye ico umuntu yikoreye
muca muza kukimuterako ».
C'est-à-dire, vous les Barundi, je vous connais assez,
si vous voyez une activité que quelqu'un entreprend, vous venez
l'assaillir, vous faites la même chose que lui pour l'empêcher de
prospérer. 115
III.1. Le personnel des pompes funèbres
Le comportement des gestionnaires des services funèbres
est tout à fait différent de celui des membres de la famille du
défunt. En effet, sur le visage de ce personnel, en présence du
client rempli de douleur, apparaît une douleur artificielle
doublée d'une gaieté d'amasser des fonds pendant que le client
est totalement chagriné et désorienté.
115. Enquête réalisée
auprès d'une pompe funèbre en Mairie de Bujumbura, août
2005.
66
Leur façon de présenter leurs produits choque :
un joli cercueil qui ne s'abîme pas facilement ; nous sommes des
ingénieurs dans la construction des tombes!, etc. En outre, c'est un
personnel qui se presse car leur souci est de terminer vite puis partir,
oubliant ainsi l'état d'émotion des gens avec qui ils sont au
cimetière. Lors des échanges sur la personne
décédée, on observe que leur discours est
détourné bien qu'il ne porte pas atteinte à la
dignité de la personne défunte.
Par contre, quelque soit la religion ou le rang social du
disparu, le moment des obsèques est totalement incompatible avec
l'esprit de rapidité. Des proches et des gens de l'église sont
là pour chanter des cantiques rappelant notre vie
éphémère sur terre et notre espoir de se rencontrer dans
l'au-delà entre les amis, les parents du disparu et le défunt.
Conclusion du chapitre
Les services funéraires ne datent pas d'aujourd'hui
mais récente est leur "marchandisation".116
Ainsi, depuis longtemps, alors qu'on annonçait une mort
aux voisins, aux amis et aux membres proches et éloignés de la
famille du défunt, tout le monde accourait pour offrir à ceux qui
venaient de perdre ce qu'il pouvait: des larmes, de la nourriture pour le deuil
(ibiryazagu) et adresser ses adieux à celui qui venait de
partir en voyage sans retour.
Aujourd'hui, une modernité est venue pour bouleverser
cette situation. Ce sont les services des pompes funèbres avec leur
caractère lucratif et mercantile. Le personnel des pompes
funèbres a inventé une autre philosophie pour attirer sa
clientèle: "celui qui vous aime vous cache le tien (mort)". Il s'agit
d'une phrase littéralement traduite du kirundi:"Uwugukunda aguhisha
uwawe". C'est un faux adage, une invention au but commercial.
Par contre, ces entreprises ont un apport positif dans la
conservation des morts sans la participation directe de la famille
frappée par la douleur de la perte. Il suffit que cette dernière
accepte, si elle en a les moyens bien sûr, de dépenser ce qui lui
reste comme épargne. Néanmoins, il n'est pas facile de
répondre aux demandes de ces entreprises funéraires, exploitant
de la mort, comme certains les appellent étant donné
116.
http://www.France-obseques.fr/étude-credoc/pompes-funebres-service-funeraire.html
67
que l'événement malheureux arrive d'une
façon inattendue. Le retour à l'esprit de solidarité
pourrait dans beaucoup de cas être une alternative à l'ambiance
mercantile qu'on rencontre chez les pompes funèbres.
Conclusion générale
Réfléchir sur le sujet « Mourir au Burundi
: gestion de la mort et pratiques d'enterrement... » suppose qu'on jette
un regard sur la thématique de la mort et de sa gestion dans une
société traditionnelle où les rites et les cultes occupent
une place de choix.
Il ressort de notre étude que l'évolution des
rites et sites funéraires s'est opérée dans un contexte de
contact de notre pays avec le monde extérieur, plus
précisément dans le contexte de la colonisation allemande, puis
belge. Mais, une question se pose à ce niveau: les changements
observés dans les pratiques funéraires ancestrales, incluant
l'usage des cercueils et d'autres objets modernes (draps, parfum,...) ainsi que
l'aménagement minutieux des espaces funéraires (cimetières
et tombes) ont-ils eu des conséquences sur le vécu
sociétal des Burundais ?
Nous pouvons proposer des réponses axées sur les
trois thèmes qui ont fait l'objet de notre étude. Avec
l'introduction d'autres cultures étrangères, on s'achemine «
vers une perte de l'identité burundaise »117, à
la fin du XIXème siècle. Le Burundais a connu des bouleversements
de tout ordre dont celui des funéraires. Le Murundi traditionnel qui
consultait le devin au moindre problème touchant sa vie et ses biens,
est condamné à une nouvelle croyance, celle apportée par
les Européens. Ces derniers le soumettent à une sorte de croyance
fatale et à une imposition qui pousse à la rupture de
l'héritage du passé, « caractérisé par le
départ de tous ceux qui représentaient l'aspect religieux du
pouvoir traditionnel ».118 La mort devient le salaire du
péché, une explication donnée par le prêtre pendant
que de l'autre, elle résultait par exemple de l'ensorcellement, du non
respect des ancêtres,... Cela est exploité à bon escient
par les missionnaires qui, pour faciliter la colonisation jouent un grand
rôle dans la façon de voir le monde.
117. J.Gahama, Le Burundi sous l'administration belge,
Editions Karthala, Paris, 2001, p407. 118 . J.Gahama, op.cit. p407
119. Ibid.
68
Les rites funéraires prennent une autre forme, celle
copiée par « une nouvelle génération de chefs
gagnés à la religion catholique et aux modes de vie à
l'occidentale ».119 Les cérémonies
funéraires traditionnelles dont le rôle est sans mesure
(rassembler les familles, renforcer les relations inter claniques et le pouvoir
de l'autorité,...) sont limitées à une simple
présence de l'homme de l'église avec son eau bénite.
Cependant, il est important de préciser que tous les
éléments apportés par le blanc n'étaient pas
mauvais. Il y a certaines choses qui méritaient le changement. C'est
notamment le temps long passé sans travailler que les funérailles
prenaient et qui étaient à l'origine des famines. Il était
contradictoire de perdre une main d'oeuvre et de rester dans le deuil sans
penser au travail. Mais, il n'était pas nécessaire à notre
entendement de jeter en bloc tout ce qui constituait notre culture étant
donné que chaque société a ses caractéristiques.
Non plus, il ne fallait pas adopter les pratiques occidentales sur les morts en
faisant fi aux nôtres qui nous distinguent des autres. Malheureusement,
avec la force et l'habileté que les Européens sont venus, il
était difficile de résister à l'invasion culturelle. Les
cimetières et leur gestion ont dû eux-mêmes s'adapter aux
changements introductifs par le temps et par les civilisations d'ailleurs
(européenne surtout). Les morts, vont de plus en plus être
éloignés des vivants.
La sépulture dans l'enclos ou dans les environs
cède la place aux obsèques dans des lieux publics connus de
l'administration. Le prêtre s'invite au domicile du défunt pour le
mettre en contact avec Dieu, gestionnaire de la vie de l'au-delà. Ces
évolutions forcées de mentalités ont sans doute
entraîné des changements de comportement des Burundais dans la
gestion des morts.
L'argent dégomme la solidarité d'antan; les
services funéraires exonèrent la famille du défunt du
travail de préparer le mort autrefois conçu comme l'expression
d'un dernier attachement au sien que la mort venait de hacher. Les
cimetières, comme les tombes vont progressivement prendre l'allure de
cités qui, au milieu urbain, reflète le niveau de vie
matériel de la famille du défunt. A cette
ségrégation économique s'est ajoutée durant ces dix
dernières années la différenciation ethnique des
cimetières. Il s'agit d'une dérive déplorable dont les
ressorts méritent d'être identifiés à travers une
recherche de type sociologique ou anthropologique.
69
Les cimetières, comme patrimoine social, pourraient
faire l'objet de beaucoup d'attention, en proposant des stratégies de
leur protection et de leur réhabilitation.
Face à la pression démographique sur les terres
cultivables, une réflexion sur de nouveaux modes de conservation des
morts (exemple de l'incinération) se révèle à notre
avis nécessaire.
70
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIES
I. LES SOURCES ECRITES
I.1. Les ouvrages
1. Alliance Biblique Universelle, La Bible, TOB, Nouvelle
édition revue, Société Biblique et Edition du Cerf, Paris,
1988, 1861p.
2. ARIÈS, P., Essais sur l'histoire de la mort en
Occident. Du Moyen Age à nos jours, Paris, Seuil, 1975, 522p.
3. ARIÈS, P., L'Homme devant la mort, Paris,
Seuil, 1977, 641p.
4. BELLON, R. et Delfosse, P., Codes et lois du Burundi,
Maison Ferdinand Larcier, Bruxelles, 1970, 1092p.
5. BOURDEAU, L., Le Problème de la mort ; ses
solutions imaginaires et la science positive, Paris, 1904, 355p.
6. CAZENEUVE, J., Sociologie du rite, PUF, Paris, 1971,
334p.
7. CHESTON, L., Les révélations de la mort,
Plon, Paris, 1942, 230p.
8. CHRETIEN, J.P. (dir.), L'invention religieuse en Afrique.
Histoire et religion en Afrique noire, ACCT- Karthala, Paris, 1993,
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9. CHRETIEN, J.P., Burundi. L'Histoire retrouvée : 25
ans de métier d'historien en Afrique, Karthala, Paris, 1993,
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10. COLLART, R., Les débuts de
l'évangélisation au Burundi, EMI, Bologna, 1981, 407p.
11. COLLIN, J. De Plancy, Dictionnaire infernal, Slatkine
Reprints, Genève, 1980, 723p.
12. Dictionnaire Larousse, Ed. Françaises, Paris,
1995, 767p.
13. DUBOIS, J. et WIJNGAERT, L. V. D, Initiation
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14. DUFOUR, L., X., Face à la mort, Jésus et
Paul. Parole de Dieu., Seuil, Paris, 1979, 315p.
15. FAVRE, R., La mort dans la littérature et la
poésie françaises au siècle des lumières, Lyon,
P.U.L., 1976, 640p.
16. GAHAMA, J., Le Burundi sous l'administration belge: la
période du mandat 19191939, Karthala, Paris, 1983 Bujumbura,
465p.
17. HARDY, C., L'après-vie à l'épreuve
de la science, Ed. Du Rocher, Monaco, 1986, 305p.
18. JANKELEVITCH, V., La mort, Flammarion, Paris, 1977,
474p.
71
19. MANRAN, R., Batouala, Albin Michel, Paris,
1921.
20. MEHL, R., Le vieillissement et la mort, PUF,
Paris, 1956, 136p.
21. MERAND, P., La vie quotidienne en Afrique noire,
Harmattan, Paris, 239p.
22. MEYER, H., Les Barundi: une étude ethnologique
en Afrique orientale, 1984, 274p.
23. MORIN, E., L'homme et la mort, Seuil, Paris, 1970,
372p.
24. MUSANIWABO, T.M.L., Les chemins de la sagesse. Imana
et le Murundi, Centre d'Histoire des Religions, Louvain-la-Neuve, 1979,
231p.
25. MWOROHA, E., Peuples et rois de l'Afrique des Grands
Lacs, Les Nouvelles Editions Africaines, Dakar, 1977, 352p.
26. NGAYIMPENDA, E., Histoire du conflit politico-ethnique
burundais. Les premières marches du calvaire (1960-1973), Ed. de la
Renaissance, Bujumbura, 2004, 629p.
27. NTAHOMBAYE, P., Des noms et des hommes. Aspects
psychologiques et sociologiques du nom au Burundi, Karthala, Paris, 1983,
281p.
28. POUPARD, P. (dir.), Dictionnaire des religions,
P.U.F, Paris, 1984, 2218p.
29. ROZIER, R., Le Burundi, pays de la vache et du
tambour, les Presses du Palais Royal, Paris, 1973, 582p.
30. SABATIER, R., Dictionnaire de la mort, Paris,
Albin Michel, 1967, 540p.
31. SAMI A. ALDEEB ABU-SAHLIEH, Les Cimetières,
normes et pratiques chez les musulmans et leur implication en Suisse,
L'Harmattan, Paris, 2001, 96p.
32. SOUSBERGHE, L. de, Pactes de sang et pactes d'union
dans la mort de quelques peuplades du Kwango, Académie Royale des
Sciences d'Outre-Mer, Bruxelles, 1960, 160p.
33. THIBAUT, O., Maîtrise de la mort, Ed.
Universitaires, Paris, 1975, 22p.
34. THIBON, C., Histoire démographique du
Burundi, Karthala, Paris, 2004, 438p.
35. THOMAS, L-V., Anthropologie de la mort, Paris,
Payot, 1976, 540p.
36. THOMAS, L-V., Rites de mort. Pour la paix des
vivants, Fayard, Paris, 1985, 285p.
37. VAN NOTEN, F. L, Les tombes du roi Cylima Rujugira et
de la reine-mère Nyirabuhi Kanjogera: description archéologique,
Musée Royal de l'Afrique centrale, Tervuren, 1972, 82p.
72
38. VIDAL, R., Guide pratique de législation
funéraire, Librairies techniques, Paris, 1985, 383p.
39. ZUGLER, J., Les vivants et la mort : une investigation
médicale, Laffont, Paris, 1982, 314p.
I. 2. Les mémoires
40. BARANSANANIYE, A., La mort et l'après-mort, (
traduit dans la littérature rundi), Bujumbura, E.N.S, 1976, 75p.
41. GAHAMA, A., La reine mère et ses prêtres
au Burundi, ENS, U.B, 1976, 92p.
42. IMWIYITIRIRE, C., Bukeye, fin du domaine royal et
réalisations missionnaires (1915-1962), U. B., Bujumbura, 1982,
89p.
43. MANIRAKIZA, Z., Guerre et paix dans le Burundi
traditionnel. Une étude anthropologique et sémiotique de la
poésie guerrière. D'après une enquête menée
en commune Mpinga-Kayove. Bujumbura, U.B, 1991, 158p.
44. MUJAWAHA, M., Le rituel à travers quelques romans
négro-africains et
d'expression française, U.B., FLSH, LLF,
Bujumbura, 1971, 70 p.
45. MULAGO GWA CIKALA, M., La religion traditionnelle des
Bantu et leur vision du monde, BCRA, Faculté de théologie
catholique, Kinshasa, 1980, 211p.
46. NGAYIMPENDA, E., La Transition démographique en
situation coloniale: le cas du Burundi: environ 1930-1960, Bujumbura, U.B,
FLSH, 1984, 221p.
47. NGENDAKUMANA, I., Etude de quelques aspects
psycho-sociaux du deuil au Burundi: enquête menée dans la
région de Mubuga dans la commune de Ngozi, Bujumbura, U.B, FPSE,
1983, 165 p.
48. NSABIMANA, L., La peine de mort en droit
pénal, Bujumbura, U.B, F.D, 1983, 93p.
49. NTAMAHUNGIRO, E., Le thème de la vengeance
à travers les contes rundi, Bujumbura, U.B, FLSH, 1980, 225p.
50. TUZAGI, H., La Conception traditionnelle de la mort
à travers des proverbes rundi, Bujumbura, U.B, FLSH, 1985, 128p.
73
I. 3. Articles de revues
51. CHRETIEN, J.P., " Les arbres et les rois, sites
historiques au Burundi", Culture et société, revue de
civilisation burundaise, Ministère de la Jeunesse, des sports et de
la culture, Bujumbura, 1978, 124p.
52. GIRUKWISHAKA, E., « Nangayivuza au Burundi»,
QVES? n°7, 1969.
53. HAKIZIMANA, S., « La superstition au Burundi »,
QVES? n°37, 1979
54. NTABONA, A., « Le Monde des Esprits dans l'âme
du Murundi », QVES? n°7, 1969.
55. NDIGIRIYE, E., « Le lever de deuil chez les Barundi
», ACA, Bujumbura, 1972.
56. NDIGIRIYE, E., « Les funérailles chez les
Barundi », ACA, Bujumbura, 1969.
57. NTABONA, A., « Recherche d'harmonie, gage de la paix
dans l'axiologie burundaise traditionnelle», Au Coeur de l'Afrique,
n°2-3, Les Presses Lavigerie, Bujumbura, 1999, 208p.
58. NTABONA, A., « Le phénomène du burozi
», QVES? n° 22- 23, 1975.
59. NYANDURUKO, M.-J., « Burundi: de la lumière
à l'obscurité. La question lancinante du retour à la
Religion Traditionnelle », Au coeur de l'Afrique, Les Presses
Lavigerie, Bujumbura, 1999, 164p.
60. VYUMVUHORE, A., « Efficacité de la magie noire
au Burundi », QVES? n°2223, 1975
I. 4. Les sources inédites
61. Archives nationales, Kitega AA 152, 1933-1960,
liasse 1 (1954-1956), Cimetières pour indigènes, lettre
n°1446/just du 17/4/54 de Résident n°211/1928/997 du 6/4/54 de
V.G.G.
I.5. Sites web : Moteurs de recherche
http://www.google.com
http://fr.wikipedia.org/wiki
http://yahoo.fr
74
II. LES SOURCES ORALES Liste des informateurs
Nom et prénom
|
Age
|
Localité
|
profession
|
date d'enquête
|
1. Ndimubandi Dismas alias Makumba
|
50
|
Muyange(Gitanga)
|
Notable
|
Août 2005
|
2. Congera Abdatien
|
45
|
Kanyererwe(Giharo)
|
Représentant des notables et
secrétaire paroissial
|
12/08/05
|
3. Gahungu André
|
74
|
Bukemba
|
Cultivateur
|
18/07/05
|
4. Nahimana Pierre
|
64
|
Gifunzo
|
Notable
|
11/08/05
|
5. Mpfaguhora Sébastien
|
62
|
Mpinga-Kayove
|
Enseignant
|
Août 2005
|
6. Ngendabanyi-kwa Joseph
|
55
|
Musongati
|
Chef de secteur
|
Août2005
|
7. Mukerangabiro Salomé
|
34
|
Muyinga(Quartier Gasenyi)
|
Percepteur des taxes communaux
|
Août 2005
|
8. Nzeyimana Vincent
|
50
|
Gasorwe(Gishuha)
|
Chef de secteur
|
20/09/05
|
9. Macumi Boniface
|
52
|
Gasorwe(Nyungu)
|
Chef de secteur
|
Août 2005
|
10. Gahungu Claver
|
51
|
Gasorwe(Kagurwe)
|
Chef de secteur
|
Août 2005
|
11. Gahungu Jean
|
54
|
Gasorwe(Masasu)
|
Chef de zone
|
Août 2005
|
12. Mukankima Delphine
|
27
|
Gasorwe
|
Comptable communal
|
Juillet 2005
|
13. Bayubahe Chantal
|
24
|
Bururi
|
Observateur des droits de l'homme
|
Août 2005
|
14. Habarugira Immaculée
|
30
|
Muramvya
|
Secrétaire à la province de Muramvya.
|
Août 2005
|
15. Bizindavyi Emmanuel
|
30
|
Bujumbura
|
Etudiant U.B
|
Août 2005
|
16. Sheh YUSUFU
|
45
|
Buyenzi
|
Religieux (imam)
|
Août 2005
|
17. Wakora
|
50
|
Gitanga
|
cultivateur
|
Juillet 2005
|
18. Ntahondi
|
70
|
Gitanga
|
cultivateur
|
Juillet 2005
|
19. Ntahompagaze Jean de Dieu
|
37
|
Gitanga
|
enseignant
|
Juillet 2005
|
20. Nkeshimana Gabriel
|
20
|
Bujumbura
|
élève
|
01/08/05
|
21. Bimenyimana Ernest
|
35
|
Bubanza
|
enseignant
|
Août 2005
|
22. Mathias Habimana
|
37
|
Rugombo
|
Observateur des droits de l'homme
|
01/09/05
|
23. Niyonkomezi Salomon
|
35
|
Buyengero
|
Observateur des droits de l'homme
|
Août 2005
|
75
LES ANNEXES :
LISTE DE QUELQUES CIMETIERES IDENTIFIES AU BURUNDI ET
QUELQUES PHOTOGRAHIES DES SITES FUNERAIRES
76
ANNEXE 1 : LISTE DES CIMETIÈRES ET LEUR
LOCALISATION AU BURUNDI
PROVINCE
|
COMMUNE
|
COLLINE
|
NOM DU CIMETIERE
|
Entretenu(oui/non)
|
BURURI
|
BURAMBI
|
Murara
|
Musumba
|
non
|
|
|
Murago
|
Nkuvya
|
non
|
Gasasa
|
Gasasa
|
non
|
Murege
|
Murege
|
non
|
Duri
|
Duri
|
non
|
Musave
|
Musave
|
non
|
Gitaba
|
Gitaba
|
non
|
Gatobo
|
Busesa
|
non
|
|
Musenyi
|
non
|
Rusabagi
|
Rusabagi
|
non
|
Ruhora
|
Ruhora
|
non
|
Gisenyi
|
Gisenyi
|
non
|
Maramvya
|
Maramvya
|
non
|
Magana
|
Magana
|
non
|
Gishiha
|
Gishiha
|
non
|
Busaga
|
Gasasa
|
non
|
Bisaka
|
Bisaka
|
non
|
BURURI
|
Bamba
|
Bamba
|
non
|
|
Buta
|
Kagomogomo
|
non
|
Munini
|
Kamirindi
|
non
|
|
Rutozere
|
non
|
Kiremba
|
Kiremba
|
non
|
Kivoma
|
Kivoma
|
non
|
Kivuruga
|
Nyabigega
|
non
|
Kajabure
|
Kajabure
|
non
|
Nyundo
|
Nyundo
|
non
|
BUYENGERO
|
Gasenyi
|
Mborwe
|
non
|
|
|
Rugara
|
non
|
Mudende
|
Mudende
|
non
|
Rukoma
|
Cendjuru
|
non
|
Buzamano
|
Kinama
|
non
|
Kigogo
|
Kirama
|
non
|
Muyama
|
Muyama
|
non
|
|
Muanza
|
non
|
Runyinya
|
Runyinya
|
non
|
|
Gasoro
|
non
|
Nkizi
|
Muzenga
|
non
|
Gitsinda
|
Gitsinda
|
non
|
Mujigo
|
Mujigo
|
non
|
Kizuga
|
Kizuga
|
non
|
Cehwe
|
Cehwe
|
non
|
77
|
MATANA
|
Bihanga
|
Kibungo
|
non
|
|
|
Buraniro
|
non
|
Matana
|
Matana
|
non
|
|
Rukampanganya
|
non
|
Gisisye
|
Kavuza
|
non
|
MUGAMBA
|
Nyagasasa
|
Nyagasasa
|
non
|
|
|
Ruhunga
|
non
|
|
Gatwe
|
non
|
Mwumba(zone)
|
Gatanga
|
non
|
|
Kanyamiyoka
|
non
|
|
Nyamayezi
|
non
|
|
Gitaramuka
|
non
|
|
Gitaramuka
|
non
|
Kibezi (zone)
|
Kibezi
|
non
|
|
Ruhehe
|
non
|
|
Mukakaro
|
non
|
|
Kizuga
|
non
|
Muramba (zone)
|
Muyange
|
non
|
|
Taba
|
non
|
Kivumu
|
Kivumu
|
non
|
Vyuya
|
Vyuya
|
non
|
RUMONGE
|
Mugomere
|
Mugomere
|
non
|
|
Mbuga
|
Mbuga
|
non
|
Mitonto
|
Mitonto
|
non
|
Macombe
|
Mutambara
|
non
|
Mugara
|
Mugara
|
non
|
Karonda
|
Karonda
|
non
|
Gatete
|
Gatete
|
non
|
Busebwa
|
Busebwa
|
non
|
Cabara
|
Cabara
|
non
|
Mayengwe
|
Mayengwe
|
non
|
Kirwena
|
Gikumu
|
non
|
Buruhukiro
|
Buruhukiro
|
non
|
Cimbare
|
Cimbare
|
non
|
Munyagasaka
|
Munyagasaka
|
non
|
Muhanda
|
Muhanda
|
non
|
Kavimvira
|
Kavimvira
|
non
|
Kizuka
|
Gasarure
|
non
|
|
Vumbaganya
|
non
|
Minago
|
Kinani
|
non
|
|
Mwiresha
|
non
|
|
Minago
|
non
|
Muhuta
|
Mitonto
|
non
|
78
|
RUTOVU
|
Mwarusi
|
Mwarusi
|
oui
|
|
Gitobo
|
MuhwezaI
|
non
|
Rwamabuye
|
Batye
|
oui
|
|
Bwihete
|
non
|
Muhweza II
|
Rukinya
|
non
|
Bigomogomo
|
Bigomogomo
|
non
|
Karwa
|
Karwa
|
non
|
SONGA
|
Jenda
|
Gasara
|
non
|
|
|
Munoboke
|
non
|
Kivumu
|
Kivumu
|
non
|
|
Karambi
|
non
|
|
Gikokoma
|
non
|
Rumeza
|
Rumeza
|
non
|
Mutsinda
|
Mutsinda
|
non
|
Kiruri
|
Kiruri
|
non
|
VYANDA
|
Twaro
|
Kabuhori
|
non
|
|
Mwura
|
Rorero
|
non
|
Bugeni
|
Bugeni
|
non
|
Kaganza
|
Kaganza
|
non
|
Bwatemba
|
Bwatemba
|
non
|
Nyarusange
|
Kagoma
|
non
|
Rweza
|
Rweza
|
non
|
Kaberenge
|
Kaberenge
|
non
|
Muyuga
|
Muyuga
|
non
|
Nkunda
|
Nkunda
|
non
|
Migera
|
Kabwayi
|
non
|
CIBITOKE
|
BUGANDA
|
Cunyu
|
Gihara
|
non
|
|
|
Gasenyi
|
Rukatura
|
non
|
Ndava
|
Mirango II
|
non
|
Ruhagarika
|
Mangayame
|
non
|
Kagunuzi
|
Trans. II Nyamitanga
|
non
|
Nimba
|
Nimba
|
non
|
Mwunguzi
|
Mwunguzi
|
non
|
79
BUKINANYANA
|
Bihembe
|
Bitare
|
non
|
|
Biruhura
|
Gisegenyo
|
non
|
Nyamyeha
|
Ryahodari
|
non
|
Myave
|
Gashinge
|
non
|
Burimbi
|
Rusorore
|
non
|
Masango
|
Mataba
|
non
|
Nyagwumba
|
Gakomero
|
non
|
Gahabura
|
Gahabura
|
non
|
Mikoni
|
Gatwa
|
non
|
Tyazo
|
Murama
|
non
|
Sehe
|
Narubebe
|
non
|
Bumba
|
Rurambi
|
non
|
Butosho
|
Nyarurama
|
non
|
Rusenda
|
Kibuba
|
non
|
Nyangwe
|
Muzenga
|
non
|
MABAYI
|
Nyarure
|
Burambo
|
non
|
|
Buhoro
|
Rusengo
|
non
|
Rumvya
|
Busesa
|
non
|
Nyamusumo
|
Mayuki
|
non
|
Butahana
|
Rushiha
|
non
|
Gitukura
|
Gasebeyi
|
non
|
Mabayi
|
Kabere
|
non
|
Ruhororo
|
Ruhororo
|
non
|
Gasarabuye
|
Gasarabuye
|
non
|
Rungogo
|
Gafumbegeti
|
non
|
Rutabo
|
Rutabo
|
non
|
Ngara
|
Rutorero
|
non
|
Muhungu
|
Rusongati
|
non
|
MUGINA
|
Rubona
|
Mumaha
|
non
|
|
Muyange
|
Muyange
|
non
|
Rusagara
|
Rusagara
|
non
|
Rugendo
|
Rugendo
|
non
|
Nyamaramba
|
Kirinzi
|
non
|
Ntarure
|
Rugato
|
non
|
Nyabugimbu
|
Nyabugimbu
|
non
|
Mwarangabo
|
Cari
|
non
|
Buseruko
|
Mugina
|
non
|
Rushima
|
Rwatema
|
non
|
Kanombe
|
Ruziba
|
non
|
Nyamakarabo
|
Ntebe
|
non
|
Rwamagashwe
|
Nyempundu
|
non
|
Gikomero
|
Gikomero
|
non
|
Remera
|
Gitumba
|
non
|
80
|
MUGINA
|
Kagurutsi
|
Kagurutsi
|
non
|
|
Marumpu
|
Marumpu
|
non
|
Nyamihama
|
Ngoma
|
non
|
Rubirizi
|
Rudege
|
non
|
MURWI
|
Buhindo
|
Ruyaga
|
non
|
|
Kahirwa
|
Kahirwa
|
non
|
Mirombero
|
Mirombero
|
non
|
Kanombe
|
Kanombe
|
non
|
Mahande
|
Gatunguru
|
non
|
Murwi
|
Kavugo
|
non
|
Nyabwijima
|
Rwako
|
non
|
Ngoma
|
Rubagabaga
|
non
|
Kigazi
|
Remera
|
non
|
Muzenga
|
Muzenga
|
non
|
Buhayira
|
Buhayira
|
non
|
Buzirasazi
|
Buzirasazi
|
non
|
RUGOMBO
|
Kiramira
|
Nyagitenga
|
non
|
|
Cibitoke
|
Muvyiru
|
non
|
Rugeregere
|
Rugeregere
|
non
|
Gabiro
|
Ruvyagira
|
non
|
Mparambo II
|
Mparambo II
|
non
|
Mparambo I
|
Cimetière des militaires allemands
|
oui
|
Rukana I
|
Rukana
|
non
|
Ruvumera
|
Rusororo
|
non
|
Musenyi
|
Musenyi
|
non
|
GITEGA
|
GITEGA
|
Gitega-centre
|
Mushasha
|
Oui
|
|
|
|
ShatanyaII
|
non
|
Zege
|
Zege
|
non
|
Bwoga
|
Bwoga
|
non
|
MURAMVYA
|
MURAMVYA
|
Muramvya
|
Ndago
|
non
|
|
|
|
Musagara
|
non
|
|
Muyange
|
non
|
Masango
|
Gikanga
|
non
|
|
Biganda
|
non
|
Busimba
|
Kadasho
|
non
|
|
Kazuga
|
non
|
Murambi
|
Murambi
|
non
|
|
Buramba
|
non
|
Kigarama
|
Nziguri
|
non
|
Rugogwe
|
Kibaji
|
non
|
Mubaraji
|
Nyabayo
|
non
|
Bigera
|
Gatanda
|
non
|
81
|
MURAMVYA
|
Ruhinga
|
Nyamushi
|
Oui
|
|
Remera
|
Remera
|
Oui
|
Kinyami
|
Mirinzi
|
non
|
Mubira
|
Mubira
|
non
|
Gakenke
|
Gakenke
|
non
|
Kanyuro
|
Gishubi
|
non
|
Shombo
|
Kabuha
|
non
|
Gatwaro
|
Nyamushi
|
non
|
Mubira
|
Kinyovu
|
non
|
|
Gasenyi
|
non
|
Mirinzi
|
Musumba
|
non
|
MUYINGA
|
MUYINGA
|
Musenyi
|
Musenyi
|
non
|
|
|
|
Sanzwe
|
non
|
Buhura
|
Buhura
|
non
|
Nyamarumba
|
Nyamaruma
|
non
|
Mukoni
|
Mukoni
|
non
|
Ruyivyi
|
Ruyivyi
|
non
|
Ryabihira
|
Ryabihira
|
non
|
Kinyota
|
Kinyota
|
non
|
Banirwa
|
Muyinga
|
non
|
Nkoyoyo
|
Nkoyoyo
|
Oui
|
Ntamba
|
Ntamba
|
non
|
Munagano
|
Munagano
|
non
|
Murama
|
Murama
|
non
|
Kavumu
|
Kavumu
|
non
|
Kinazi
|
Kinazi
|
non
|
GASORWE
|
Gishuha
|
Migereka
|
non
|
|
Nyungu
|
Nyungu
|
non
|
Rukinzo
|
Rukinzo
|
non
|
Kagurwe
|
Kagurwe
|
non
|
Karira
|
Gahogo
|
non
|
Kiryama
|
Kabeja
|
non
|
Migunga
|
Mugunga
|
non
|
Kinama
|
Rabiro
|
non
|
Gasuru
|
Gasuru
|
non
|
Kigoganya
|
Kigogano
|
non
|
Mikimba
|
Mikimba
|
non
|
Ngogoma
|
Ngogoma
|
non
|
Kigarama
|
Kigarama
|
non
|
Kizi
|
Kididiri
|
non
|
Kivubo
|
Kivubo
|
non
|
Mpazi
|
Kizi
|
non
|
82
MWARO
|
NYABIHANGA
|
Murama
|
Murama
|
non
|
|
|
Nyabihanga
|
Nyabihanga
|
non
|
Mbogora
|
Mbogora
|
non
|
Gasongati
|
Gasongati
|
non
|
Nyabisindu
|
Nyabisindu
|
non
|
RUSAKA
|
Rwintare
|
Rwintare
|
non
|
|
Nyamiyaga
|
Nyamiyaga
|
non
|
Makamba
|
Makamba
|
non
|
Kibimba- Ngoma
|
Kibimba
|
oui
|
Yanza
|
Mirima
|
oui
|
BISORO
|
Munanira
|
Rugano
|
non
|
|
|
Ruko
|
non
|
Mashunzi
|
Nyakaki
|
non
|
Kivoga
|
Kivoga
|
non
|
Kiriba
|
Nyakero
|
non
|
GISOZI
|
Nyamiyaga
|
Nyarura
|
non
|
|
Kibimba
|
Kibimba
|
non
|
Nyagahwabare
|
Nyabigo
|
non
|
Nyakirwa
|
Kigogo
|
non
|
Kiyange
|
Nyaruma
|
non
|
|
Ruhinga
|
non
|
NDAVA
|
Gatsinga
|
Rubanga
|
non
|
|
Bugera
|
Bugera
|
non
|
|
Kuwimpfizi
|
non
|
KAYOKWE
|
Kibumbu
|
Kibumbu
|
non
|
|
Gihinga
|
Gihinga
|
non
|
Kinyovu
|
Kinyovu
|
non
|
Ngara
|
Ngara
|
non
|
RUTANA
|
BUKEMBA
|
Bukemba
|
Nyabihere
|
non
|
|
|
Bugiga
|
Nyarugusye
|
non
|
Murama
|
Rugwe
|
non
|
Gihofi
|
Gihofi
|
non
|
Muyombwe
|
Timbura
|
non
|
Ruranga
|
Ruranga
|
non
|
Kabuye
|
Kabuye
|
non
|
Butare
|
Ndoba
|
non
|
GIHARO
|
Kanyererwe
|
Gasaka
|
non
|
|
Rubanga
|
Rubanga
|
non
|
Giharo
|
Giharo
|
non
|
Gakungu
|
Gakungu
|
non
|
Kigunda
|
Kubaberenge
|
non
|
83
|
GIHARO
|
Murara
|
Murara
|
non
|
|
Musenyi
|
Musenyi
|
non
|
Muzye
|
Muzye
|
non
|
Ngomante
|
Ngomante
|
non
|
Bayaga
|
Bayaga
|
non
|
GITANGA
|
Muyange
|
Kunyavyobo
|
non
|
|
Nyakuguma
|
Nyakuguma
|
non
|
Ngoma
|
Ngoma
|
non
|
Musongati
|
Musongati
|
non
|
Nyagisambwe
|
Nyagisambwe
|
non
|
Gatwaro
|
Gatwaro
|
non
|
Nyamabuye
|
Nyamabuye
|
non
|
Kinzanza
|
Kinzanza
|
non
|
Kabago
|
Kabago
|
non
|
Gisenyi
|
Gisenyi
|
non
|
Cunda
|
Cunda
|
non
|
Bigina
|
Muhatire
|
non
|
Kiremba
|
Kiremba
|
non
|
Ntuku
|
Ntuku
|
non
|
Nyabikenke
|
Nyabikenke
|
non
|
Rukobe
|
Rokobe
|
non
|
Kivoma
|
Kivoma
|
non
|
Samahuge
|
Samahuge
|
non
|
Mutsindozi
|
Mutsindozi
|
non
|
Kabanga
|
Kabanga
|
non
|
Cikinga
|
Cikinga
|
non
|
MPINGA- KAYOVE
|
Rorero
|
Rorero
|
non
|
|
Ngarama
|
Ngarama
|
non
|
Munyika
|
Nyamiyaga
|
Oui
|
Kayove
|
Kayove
|
Oui
|
Juragati
|
Rukere
|
non
|
Butamya
|
Muzuga
|
non
|
Mpinga
|
Mpinga
|
non
|
Gihinga
|
Gihinga
|
non
|
Rasa
|
Rasa
|
non
|
Bayumbu
|
Bayumbu
|
non
|
Buranga
|
Gahe
|
non
|
Buranga
|
Mihama
|
non
|
Kiguhu
|
Kiguhu
|
Oui
|
Nyakazu
|
Ngoro
|
non
|
Mugongo
|
Nunga
|
non
|
84
|
MUSONGATI
|
Buhinga
|
Musongati
|
non
|
|
Nyabisindu
|
Muyange
|
non
|
Nyabisindu
|
Gisuriro
|
non
|
Buhinga
|
Bweru
|
non
|
Buhinga
|
Rubara
|
non
|
Buhinga
|
Kimburi
|
non
|
Yovu
|
Yove
|
non
|
Gatakazi
|
Gatakazi
|
non
|
Nyabigozi
|
Bihembe
|
non
|
Rusunu
|
Rusunu
|
non
|
Maganahe
|
Nyabitaka
|
non
|
Giheta
|
Nyamugongo
|
non
|
Runyoni
|
Muhingo
|
non
|
Nyabibuye
|
Gakome
|
non
|
Munywero
|
Nyakiruri
|
non
|
Mbuza
|
Mbuza
|
non
|
Gisasa
|
Gitongwe
|
non
|
Shanga
|
Shanga
|
non
|
Karera
|
Shanga
|
non
|
Nyangazi
|
Rugunga
|
non
|
RUTANA
|
Rutana
|
Rusange
|
non
|
|
Kayove
|
Rukoma
|
non
|
Maramvya
|
Runyange
|
non
|
Rongero
|
Rongero
|
non
|
|
Gisikara
|
non
|
Karinzi
|
Karinzi
|
non
|
Kibinzi
|
Kabinzi
|
non
|
Nyarubere
|
Nyarubere
|
non
|
Mwayi
|
Mwayi
|
non
|
Gakobe
|
Gakobe
|
non
|
Rushungura
|
Rushungu
|
non
|
Karibu
|
Karibu
|
non
|
Jomati
|
Jomati
|
non
|
Rushemeza
|
Nemba
|
non
|
Gitaramuka
|
Gitaramuka
|
non
|
Gitaba
|
Gitaba
|
non
|
85
Cimetière de KANYOSHA
Cimetière de RUSABAGI
ANNEXE 2 : PHOTOGRAPHIES DE QUELQUES SITES FUNERAIRES AU
BURUNDI
Cimetière détruit de KANYOSHA
Cimetière profané de KANYOSHA
86
Cimetière de la Cathédrale de BUJUMBURA
Cimetière de la Cathédrale de BUJUMBURA (suite)
87
Monument du soldat inconnu
Cimetière de MPANDA (côté
résidentiel)
88
89
Cimetière de MPANDA (côté moyen), victime
d'une catastrophe naturelle
Cimetière de MPANDA (côté
intermédiaire)