Faculté de Médecine de Grenoble
Université joseph Fourier
Mémoire
Pour le diplôme inter-universitaire
« Soins palliatifs et accompagnement »
L'instant d'après
Isabelle Gaillard, infirmière libérale.
2011-2013
L'instant d'après
Remerciements
Je tiens à remercier Anne- marie Labastrou, qui a eu la
gentillesse d'accepter de me guider dans chaque étape.
Mille mercis pour ses précieux conseils, son regard plein
de bienveillance et sa formidable passion pour notre métier
d'infirmière.
Merci à ma soeur Nathalie, qui m'a aidé à
mettre en page mon travail, malgré mes modifications incessantes.
Merci à mes deux filles, Elise et Marie, pour leurs
sourires et leur patience durant ces deux années.
Merci à la vie, aux rencontres, aux expériences, et
aux épreuves, qui m'ont menée jusqu'à cette recherche, et
cette réflexion.
Ce mémoire est dédié à ma
mère, qui s'est éteinte en 2008, avec qui j'ai eu la chance de
partager un instant d'après qui restera dans mon coeur à
jamais.
Sommaire
1/ Introduction
2/ Problématique
3/ Cadre conceptuel
4/ Méthodologie
5/ Questionnaire
6/ Présentation des réponses
7/ Un instant
8/ Discussion
9/ Conclusion
10/ Bibliographie
11/Annexes
Un foyer comme les autres, quelque part, non loin d'ici
Il fait nuit, nous sommes en automne.
Le vent souffle dans les arbres.
Un souffle.....
Le souffle éteint d'un être cher, dans un dernier
adieu,
Le souffle court d'un proche, face à l'inacceptable.
En un instant, la vie, fragile, a basculé.
Derrière la vitre, le temps semble suspendu.
L'ambiance est lourde, pesante.
Un certain flottement, impalpable, est perceptible.
Le monde du soin, doucement, va se retirer, laissant place au
monde du rituel.
Entre temps, cet instant, « entre
deux ».
Il est éphémère, intense, intime, difficile
sans doute, mais si précieux.
Cet instant, je le connais, il m'interpelle, il me questionne,
depuis toujours.
Je suis infirmière à domicile, depuis 14 ans
maintenant.
Ni débutante, ni ancienne, j'en suis juste là, dans
un cheminement qui est le mien.
J'approche du perron, marque une pause, hésitante.
Je connais bien cette maison, et chacun de ceux qui
l'habitent.
Ce seuil, je l'ai franchi tellement souvent.
Ces derniers jours, mes visites étaient si
fréquentes, et si longues.
Avec ce que je sais, ce que j'ignore,
Mes connaissances, mais aussi mes doutes,
Je vais entrer.
Faire ce qui me semble être juste, en m'imprégnant
de cette situation si singulière.
Puis, je rentrerai chez moi, riche d'une expérience
nouvelle, pouvant certainement m'enseigner quelque chose.
Apprendre de cet instant.
Oui, intuitivement, je le pense, il a quelque chose à me
dire.
Savoir faire, savoir être.
Ai-je seulement su ?
Ce mémoire se propose d'être un parcours : entrer
dans ce temps particulier, essayer d'en saisir l'essence, ressentir sa
portée.
Traverser le vécu des proches, croiser le regard des
soignants.
Un mémoire, une recherche.
Tel un voyage intérieur afin de savoir mieux franchir de
prochains seuils, en d'autres foyers, en d'autres saisons.
Tel est le voeu qui habite ces pages
Problématique
L'infirmier libéral est amené à suivre de
nombreux patients dans le cadre de soins palliatifs.
Pour certains d'entre eux, le projet est de demeurer au
domicile, et ce jusqu'au dernier souffle.
Portés par ce désir, les proches vont
s'investir, accompagnés au quotidien par l'équipe
infirmière, jusqu'au terme de la prise en charge, le décès
du patient.
Bien qu'attendu, il n'en demeure pas moins brutal, les proches
étant parfois désemparés, perdus,
sidérés.
En structure de soins, le moment qui suit le
décès répond à une organisation précise, et
les proches sont guidés par l'équipe soignante. Celle-ci sera
présente auprès d'eux, jusqu'au départ du corps.
A domicile, les proches sont seuls, et l'infirmier est souvent
le premier appelé suite au décès.
Des soins au corps du défunt, de l'aide apportée
aux proches pour les démarches administratives, du soutien, de
l'écoute, des gestes au choix des mots, les initiatives de l'infirmier
lors de cet instant ont sans doute une portée non négligeable.
Comment peut-il être au plus près des besoins de
ceux qui restent ?
Les attitudes, les mots, les gestes, peuvent ils avoir un
impact sur les proches en cet instant bien particulier ?
Quel peut être le soutien apporté par
l'infirmier libéral, juste après le décès du
patient, à domicile ?
Je propose d'aborder ce questionnement par une recherche
théorique, en portant mon regard sur trois angles distincts :
Le premier se propose d'explorer les particularités et
l'intensité de cet instant qui suit le décès, ainsi que la
spécificité du domicile, coeur de l'intimité du foyer.
Saisir ce lieu, ce temps, si particuliers.
Le second sera celui des proches. Mettre en lumière
leur parcours en tant qu'accompagnants, afin de comprendre l'épuisement
physique et moral qui peut être le leur en cet instant.
Approcher leurs ressentis lors de cette confrontation à
la mort, essayer de saisir cette relation si particulière qui se tisse
avec le défunt, empreinte de rites et de croyances. Nombre de gestes en
cet instant sont teintés de ritualité.
Reconnaître pleinement le choc qu'est le
décès, ses répercussions psychologiques et physiques
immédiates. Explorer cette étape permettrait sans doute
d'accompagner les proches au plus près de leurs besoins.
Enfin, envisager l'empreinte que peut laisser la vision du
défunt, au domicile. La mémoire pourrait-elle imprimer d'une
manière plus ou moins durable l'ambiance, les images, les odeurs qui
sont associés à cette scène de l'après
décès ?
Le troisième angle propose de se pencher sur les
infirmiers. Comprendre dans quelle mesure leur place auprès des familles
est particulière. Envisager l'incidence que peuvent avoir les soins
portés au défunt et à ses proches.
Se questionner concernant l'accompagnement qu'ils peuvent
proposer aux familles, le discernement face aux mots, aux gestes pouvant
être associés à cette situation si intense et
délicate.
Mettre en évidence l'empreinte que peuvent laisser
parfois de multiples détails semblants, à tort, insignifiants.
Au coeur des émotions, des pleurs, de la peine, les infirmiers sont en
immersion dans les profondeurs d'une intimité bien douloureuse.
Evoquer leur présence en cet instant suppose une
recherche de la juste place, qui se veut étrangère à
l'indifférence ou l'indiscrétion.
Je propose donc de parcourir ces différents
thèmes, afin de mieux saisir l'enjeu de cet instant.
Quelle serait la juste attitude, face à celui qui n'est
plus, et face à ceux qui restent ? La recherche de justesse sera
sans doute empreinte de subtilité.
Loin de penser ou vouloir tout maitriser, je suppose et
formule l'hypothèse que les gestes, les attitudes, si modestes soient
ils, peuvent adoucir certains aspects dont la portée nous échappe
parfois. Ce travail n'a pas pour objectif de dire comment s'y prendre, ou
d'établir le détail des attitudes adaptées ou non à
cet instant. Il est bien évident qu'aucune notion de protocole ou de
gestion technique ne saurait approcher avec finesse et respect la
singularité d'un instant si fragile, si précieux, sans en
écarter toute la richesse et l'humanité.
Il se veut juste être un questionnement, une recherche,
permettant de mettre en lumière la subtilité de l'approche
infirmière.
Au delà de la recherche théorique, qui se veut
être le point de départ de mon travail, je propose dans la partie
exploratoire d'interroger les infirmiers libéraux, afin de
découvrir le regard qu'ils portent sur cet instant. Enfin, une
discussion sera envisagée en fin de travail, afin de mettre en lien
l'apport théorique et l'expérience infirmière.
Cadre conceptuel
1 Un instant, un lieu
1-1 Un instant, hors du temps
1-2 Un instant, entre deux
1-3 Un instant soumis
à des réalités matérielles.
1-4 Un lieu
d'intimité
1-5 Un instant, un mystère
2 Les proches
2-1 Le parcours de ces familles
2-2 La confrontation à la mort
2-3 La relation au défunt
2-4 L'impact des rites et croyances
2-5 Les répercussions physiques et
psychologiques
2-6 La mémoire d'un instant, d'un
lieu
3 L'infirmier
3-1 Une place particulière
3-2 Les soins portés au corps
3-3 L'accompagnement des proches
1 Un instant, un lieu
1-1 Un instant, hors du temps :
Entre la survenue du décès et le transport du
corps, le temps imparti est d'une durée plus ou moins longue, selon le
souhait des proches de rester auprès du défunt.
Bien que limité, cet instant peut paraître durer
une éternité. Certaines familles relatent très bien cette
notion d'un moment qui semble se figer, se cristalliser, autour de cette
scène si intense.
L'écoulement des minutes n'a plus de prise sur le
proche, en total décalage avec ceux qui l'accompagnent.
Concernant le choc initial qu'est l'annonce du
décès, Alain de Broca évoque un « instant
d'éternité. »1(*)
Le proche endeuillé semble être placé hors
du temps, dans une autre dimension. Les repères temporels s'estompent,
et le proche n'a plus la même perception du temps que les soignants.
1-2 Un instant, entre deux :
Le patient, vient de s'éteindre, quittant le monde des
vivants. D'un monde à l'autre.
Le monde du soin va se retirer dans quelques heures à
peine, laissant place au monde du rituel.
Entre l'avant et l'après, cet instant marque une totale
transition : Tout se mélange, les pensées vaporeuses du
proche se tournent vers les souvenirs, l'avenir, l'instant présent. Tout
s'enchevêtre si vite, une brume mêlant ces images. Il revoit
défiler les images antérieures, le passé lointain, puis la
valse incessante des soins, et se projette subitement, percevant l'avenir sans
celui qu'il aime tant :
« Adieu pour toujours, ou à jamais !
Comment l'écho poignant de ces paroles remplira-t-il le désert
infini du temps ultérieur qui commence ce soir ? Pourrons-nous
peupler l'immensité de notre solitude quand l'être aimé
nous aura quittés ? L'homme au bord du néant voudrait
rattraper in extremis cet instant ultime, cet instant béni qui coule
dans le lac obscur. »2(*)
Son regard se pose sur celui qui n'est plus, essayant de
retenir la vue de celui qui bientôt aura totalement disparu :
« Le corps du mort, qui n'est jamais seulement
ce corps inanimé, est le lieu ou se confondent les temps
d'un « encore ici » et d'un « plus jamais
là »3(*)
En cet instant transitoire, la présence du proche est
précieuse. Les minutes auprès de l'être cher sont
désormais comptées. Et bien que cet instant soit douloureux, son
caractère éphémère lui donne une indéniable
intensité.
1-3 Un instant soumis aux réalités
matérielles :
Dans les heures qui suivent le décès, les
proches sont dans l'obligation de prendre plusieurs décisions, et de
réaliser un certain nombre de démarches.
Ils peuvent se sentir bousculés par ces
différentes obligations à prendre en compte.
En premier lieu, il leur incombe de contacter le
médecin, afin de constater le décès. Celui-ci doit
attester qu'il n'y ait aucun obstacle au transport du corps, (problème
médico-légal, maladie contagieuse, corps en mauvais état
de conservation.) Cela peut être effectué par un autre
médecin que celui ayant suivi le patient.
La famille doit dès lors envisager le transport du
corps en chambre funéraire, et contacter l'entreprise de pompes
funèbres de son choix. Elle a la possibilité de garder le
défunt au domicile plus ou moins longtemps, selon son désir.
Se pose ensuite la question de la religion, et des rites qui y
seront associés. Selon l'appartenance du défunt à une
communauté religieuse, l'organisation sera différente.
Les proches sont donc soumis à ces contingences
matérielles, et des démarches administratives, dans un instant
qui ne s'y prête peu, car ils sont absorbés par la peine et
l'émotion.
1-4 Un lieu d'intimité :
La famille vit le décès d'un proche au coeur
même de son lieu de vie, témoin de son histoire, de son
passé. Lieu familier, intime, il incarne l'identité à part
entière, se voulant sécurisant, rassurant.
« Ce lieu d'intimité s'organise autour
de fonctions symboliques, qui renvoient le sujet aux balbutiements de son
histoire et aux multiples agencements de
l'intimité. »4(*)
La mort d'un proche ayant souvent lieu en structure de soins,
elle reste la plupart du temps tenue à distance, et n'est que rarement
intégrée à la vie d'un foyer.
Bien qu'une grande majorité de français
émette la volonté de vivre ses derniers instants de vie à
domicile5(*) , cela est
rarement le cas, une hospitalisation précédant bien souvent le
décès.
En effet, la proportion de personnes hospitalisées
passe du simple au double le mois précédant la survenue du
décès.6(*) En
2009, seuls 27% des décès eurent lieu à domicile, contre
59,5 % en structures hospitalières, et 12% en maison de
retraite.7(*)
La mort est donc peu présente au sein des
foyers :
« Lorsque le plus grand nombre vivait à
trois générations sous le même toit, dans la même
maisonnée, tous les membres de la famille et en particulier les enfants,
vivaient avec leurs malades, assistaient au vieillissement progressif des
aïeux puis à leur mort et tout ce qui l'entourait. Maintenant que
l'immense majorité des familles ne comporte plus que deux
générations on ne vit plus la mort chez soi. »8(*)
1-5 Un instant, un mystère :
« Il n'est pas certain que l'homme soit
immortel, mais il n'est pas certain non plus qu'il ne le soit
pas »Vladimir Jankélévitch9(*)
En se réunissant auprès du défunt, les
proches et l'infirmier se trouvent ensemble face à la mort, mais
également face au mystère que celle ci représente pour
chacun.
Ce mystère commun, inhérent à leur
condition d'être humain, efface toute différence entre soignant et
soigné, infirmier et famille. L'universalité de la condition
humaine se trouve pleinement présente en cet instant.
Ce partage si rare, si précieux, fait toute
l'intensité de ce temps particulier, suspendu.
Face à l'inconnu, convictions et doutes se rejoignent,
autour de cet après qui nous échappe, et au sujet duquel chacun
élabore en secret suppositions, idéaux, croyances, désirs
ou espérances :
« Cette espérance ne serait pas
nécessaire si l'idée de l'immortalité était
parfaitement rationnelle ; elle serait impossible si la certitude de
l'anéantissement nous condamnait au désespoir...Heureusement pour
nous l'anéantissement non plus n'est pas une évidence...Aussi
n'est il pas exagéré de dire que l'inintelligibilité du
néant est notre plus grande chance, notre mystérieuse
chance. »10(*)
Ainsi, entre intolérable incertitude ou croyance
aveugle, les regards se croisent, se rassurent, se réconfortent.
S'y hasardent parfois les mots, fragiles, incertains,
prononcés de manière vive, emportée, ou au contraire
choisis de façon réfléchie.
Jamais connaissance et méconnaissance ne se
mêlent et s'entrecroisent avec autant d'ardeur que dans cet
instant :
La connaissance de la mort, dans sa réalité, sa
matérialité, son inéluctabilité. Elle s'impose,
présente, connue, et reconnue.
Mais aussi la méconnaissance de son sens, de sa
signification, de ce qui éventuellement lui succède.
Intolérable fin pour certains, passage, transition,
changement de dimension pour d'autres : sciences, religions, ne peuvent
répondre au questionnement éternel de l'être humain levant
les yeux au ciel en attente de réponse sur la réalité de
son existence.
Le prêtre Bernard Feillet évoque un aspect de la
théologie, qui est celui du manque. En effet, d'après lui, aucune
religion ne peut affirmer l'existence d'une vie éternelle, bien que
certaines en cultivent l'espérance :
« Les religions ont pensé pouvoir
compenser l'inconnaissance. Leur enseignement-éclairant la vie- est mis
à défaut par l'inconnaissance de la confrontation à la
mort. 11(*)
L'espérance, le questionnement. Face à la mort,
les proches et l'infirmier sont face aux silences, aux questions restées
sans réponse, aux doutes :
« Le temps de la vie est un long bavardage sur
Dieu et sur Dieu le temps de la mort est silencieux. » 12(*)
Accueillir cet instant, suppose d'accepter ce qu'il comporte
d'inconnu. Accepter cette méconnaissance partagée, mais
reconnaître et respecter malgré cela les croyances, les espoirs de
chacun.
Cet espoir garde une place forte, face aux postulats que sont
la possibilité de l'immortalité, ou l'existence de Dieu.
« Il est impossible de ne pas être
frappé par la force, et peut-être devrions nous dire, par
l'universalité de la croyance en l'immortalité. »
13(*)
Jacques Rolland évoque cette notion
d'immortalité en postface de l'ouvrage d'Emmanuel Levinas, Dieu, la mort
et le temps, « elle peut seulement être
espérée. L'espoir dont il s'agit alors, et qui est comme un tiers
exclu entre affirmation et négation, inscrit un peut-être dans
l'indéniable néant de la mort. »14(*)
Un peut-être comme seule réponse possible au
questionnement que fait surgir la mort. Un peut-être ne faisant que
renforcer le mystère, ou l'énigme (Levinas utilisa cette
terminologie) que celle ci constitue pour nous tous.
La mort suscite la recherche de réponse, Emmanuel Levinas
aborde ce questionnement suscité par la mort : «
La question que soulève le néant de la mort est un pur point
d'interrogation. Point d'interrogation tout seul, mais marquant aussi une
demande (toute question est demande, prière). »15(*)
Et à ce questionnement, le soignant ne détiendra
pas davantage de réponses.
La proximité qu'il peut avoir avec la mort d'autrui,
récurrente dans sa pratique, ne lui confère pas davantage de
connaissance sur ce qu'est la mort.
Pour Emmanuel Levinas, « la relation avec
la mort d'autrui n'est pas un savoir sur la mort ni l'expérience de
cette mort dans sa façon d'anéantir l'être...Il n'y a pas
de savoir de cette relation exceptionnelle. Le pur savoir ne retient de la mort
d'autrui que les apparences extérieures d'un processus
(d'immobilisation) ou finit quelqu'un qui jusqu'alors
s'exprimait. »16(*)
Proches et soignants sont à cet instant même
plongés face à un mystère entier, partagé, dont
aucun ne peut prétendre détenir davantage de savoir. Ainsi
peuvent-ils, réunis autour du défunt, partager le questionnement,
et l'espoir, à la mesure des croyances cultivées et entretenues
par chacun.
« Ainsi tout le monde a le coeur serré
et se recueille en silence devant ce mystère sans profondeur. Car on
reconnaît la quoddité de l'avoir-vécu et de
l'avoir-été sans en comprendre le
pourquoi. »17(*) Face à ce mystère, infirmier et proches
n'ont alors qu'une seule certitude, celle de ne pas savoir.
2 Les proches
2-1 le parcours de ces familles
Le décès vient marquer le terme d'une prise en
charge qui la plupart du temps s'est avérée être longue et
douloureuse. La famille, les amis, les voisins, se sont relayés,
soutenus, afin de rendre celle ci possible.
Le décès, attendu dans la majeure partie des
cas, n'en demeure pas moins difficile à vivre, bien qu'un sentiment de
soulagement soit parfois perceptible. La peine, la tristesse, se mêlent
à l'apaisement, au terme d'une souffrance physique, psychologique, tant
pour le défunt, que pour ses proches, fragilisés par la
mobilisation qui a été la leur.
Ceux ci manquent de sommeil, sont affaiblis,
épuisés, ayant souvent mis leurs propres besoins et exigences
entre parenthèses durant de longs mois, afin d'assumer davantage de
contraintes, de responsabilités.
Lorsque survient le décès, la marge
d'épuisement est souvent largement franchie.
Au delà des conséquences physiques, de
nombreuses modifications dans la dynamique familiale ont eu l'occasion de se
dessiner.
Ainsi, les proches se trouvent parfois unis, rapprochés
comme jamais, par les instants d'entraide, de solidarité qu'ils ont eu
à tisser à l'occasion d'une telle expérience.
Tandis que d'autres familles auront la désillusion de
voir s'exacerber les tensions, les conflits, les difficultés, se
fissurer les liens, les soutiens, l'unité qui était la leur.
Ce cheminement unique donnera une tonalité
singulière au sein de chaque foyer, de chaque coeur, de chaque
mémoire.
La durée de la prise en charge antérieure, les
conditions de survenue du décès, la libre circulation de la
parole, l'entente avec les soignants, sont des éléments ayant une
portée non négligeable sur le psychisme de chacun.
L'ambiance régnant au sein de chaque foyer sera donc
bien empreinte de ces facteurs, inhérents à chaque prise en
charge.
2-2 La confrontation à la mort
La vision du mort
La vue du corps sans vie de l'être aimé est un
choc pour la plupart des proches.
Bien que douloureuse, cette confrontation est essentielle, et
revêt une importance dans l'élaboration du travail de
deuil :
« Etre situé ainsi devant la
réalité du corps permet aux uns et aux autres de
« faire le deuil », c'est à dire ce travail
d'intégration de l'événement. »18(*)
Ce regard porté vers celui qui n'est plus est sans
doute un premier pas dans ce long cheminement. Les soignants, ayant
connaissance de cet aspect, peuvent essayer de mettre en place les conditions
les plus favorables à son déroulement.
D'après Elisabeth Kubler Ross, cet instant devrait
bénéficier d'un temps conséquent :
« Je pense qu'il est important de laisser aux
proches suffisamment de temps pour rester avec leur parent
décédé »19(*)
Le regard se porte alors sur ce corps. Or dans la
littérature concernant la mort, la vision du corps reste peu
traitée :
« Il est curieux de constater que, parmi les
nombreux ouvrages consacrés aux problèmes de la mort, le cadavre
se trouve quasi-systématiquement escamoté. S'agit-il d'un oubli
pur et simple ? Nous ne le pensons pas, car le cadavre par
définition est là ; `rien' peut être pour beaucoup,
mais surtout `pire que rien' puisque le fait d'être là souligne
que celui qui l'animait n'est précisément plus
là. » 20(*)
D'après louis Vincent thomas, cet oubli est une
conduite de fuite, et l'homme, face au cadavre, se retrouve en quelque sorte
face à son destin, d'ou des conduites diverses, telles que peur,
répugnance, abandon.
Il est vrai que cette vision du défunt peut susciter
des réactions très ambivalentes, qui parfois s'opposent
diamétralement. Le ressenti pouvant ainsi aller de la terreur à
la fascination :
« Le corps est une chose, une chose
sacrée, à la fois qui provoque la répugnance et qui
oriente vers le sublime. »21(*)
Georges Bataille évoque ce vacillement entre deux
registres réactionnels différents :
« D'un côté l'horreur nous
éloigne, liée à l'attachement qu'inspire la vie ; de
l'autre, un élément solennel, en même temps terrifiant,
nous fascine qui introduit un trouble souverain. »22(*)
Ce trouble face au corps est bien souvent partagé par
les proches, ainsi que l'infirmier présent au domicile.
Le regard se porte vers le corps, qui revêt à
présent un caractère sacré, faisant l'objet de
prévenance et d'hommages.
« En bref, la dépouille mortelle n'est
pas une chose, elle fait l'objet d'une piété de la part des
autres, c'est vers elle que se dirigent les hommages qui lui ont parfois
été contestés de son vivant. » 23(*)
L'aspect du corps semble avoir un impact réel
aux yeux des survivants. Pour Louis Vincent Thomas, la vision d'un
corps « idéal », calme, et non
altéré par la souffrance, atteste d'un refoulement de ce qui
touche à la perte. En effet, la vision d'un corps abimé
rajouterait à la douleur de la perte de l'être cher celle de la
vision du saccage subi par le corps en souffrance.
Ainsi, sans trahir la réalité de la mort, la
présentation d'un corps serein, apaisé, peu endommagé
permettrait d'adoucir cette confrontation.
Malgré cela, l'image du corps ne devrait pas être
considérée avec plus d'importance qu'elle n'en représente
vraiment pour le survivant. Celui ci voit au delà de l'apparence.
Patrick Baudry met l'accent sur ce regard: « Devant le cadavre,
les gens ne voient pas strictement un corps. Ils ne cherchent pas à
fixer le mieux possible dans leur mémoire la dernière vue de
l'être aimé. On le voit sans le voir. On le regarde au delà
de ce que l'on voit. » 24(*)
L'aspect du corps revêt une importance, certes, mais
celle ci demeure relative, le survivant voyant sans doute bien au delà.
La vision de la mort
Si l'infirmier, de par sa profession, est amené
à côtoyer régulièrement la mort, cela n'est bien
entendu pas le cas des familles
La mort, et plus particulièrement la vision de
la mort, est étrangère à beaucoup d'entre elles.
« Le plus grand nombre de nos contemporains,
à l'exception de certains professionnels, atteignent la cinquantaine
sans avoir vu quelqu'un mourir. » 25(*)
Nombreux sont ceux n'ayant jamais vu la mort de près.
Pourtant, jamais celle-ci n'a autant été montrée,
affichée, exposée.
En effet, les medias proposent quotidiennement des faits ayant
traits à la mort : accidents, guerres, assassinats, attentats.
L'être humain actuel, par le biais de nombreux vecteurs d'informations,
est en contact étroit avec le décès de l'autre, de la
personnalité, et bien souvent, de l'anonyme à ses propres
yeux.
Cette vision familière et parfois banalisée de
la mort d'autrui contraste avec la vision de celle d'un proche, souvent encore
étrangère au cheminement personnel.
De ce fait, la mort d'un parent, et la vision de sa
dépouille est souvent une première fois dans le parcours des
familles.
2-3 La relation au défunt
Le proche ne va pouvoir s'approcher du corps du défunt
qu'en un temps limité. Entre le décès et l'enterrement, ou
la crémation, le temps imparti sera court. Cette dernière
permission au toucher, ces derniers face à face, n'en demeurent que
plus précieux. Ils ont d'ailleurs une fonction bien particulière
pour l'endeuillé, comme l'explique Louis Vincent Thomas :
« Il importe de comprendre le jeu d'émotions que le corps
présentifié permet d'extérioriser. Cette ultime relation
d'un genre particulier provoque en effet une abréaction qui
dénoue l'angoisse et peut aider au travail de
deuil. » 26(*)
Auprès du défunt, le proche peut exprimer
pleinement son chagrin et ses émotions :
« Le survivant, dans les heures qui suivent le
décès, parle au mort à défaut de parler avec lui.
Il lui dit sa peine, lui adresse des reproches, car il y a dans
l'expérience décisive de la mort du prochain quelque chose comme
un sentiment d'une infidélité tragique de sa part. Il se
remémore les joies et les peines vécues avec lui ou a cause de
lui, il multiplie les aveux et les pardons, explique ses décisions,
promet de se souvenir de lui. » 27(*)
Cette relation paraît être bénéfique
au proche, lui permettant d'exprimer pleinement ses ressentis, en
présence de celui qui n'est plus en capacité d'interagir avec
lui.
Avant de faire face à l'absence, cette étape est
essentielle. Prendre conscience de la réalité de la mort ne peut
se faire qu'en présence du corps du défunt.
«Par le contact même, le chagrin de
l'endeuillé s'exprime dans toute son authenticité à la
faveur de cette ` pseudo `relation à la mort. Il faut pour
cela que chaque parole qu'il n'entend pas, que chaque baiser qui ne suscite
plus de désir, s'adresse à une réalité corporelle
qui donne l'illusion d'être corps vivant sans cesser d'être reconnu
comme mort véritable. »28(*)
La présence du corps permet cette confrontation avec la
réalité, et les gestes et paroles adressés au
défunt ont une fonction précieuse dans l'élaboration du
travail de deuil.
C'est autour de ce corps sans vie que va s'articuler le
rite.
2-4 l'impact des rites et croyances
« Tout le rituel
funéraire s'articule autour de ce support symbolique de la
présence-absence de celui qui est toujours là, tout en
étant plus »29(*)
L'instant qui suit le décès marque une
transition, une sorte de passage. En effet, le proche vient de mourir, mais son
corps est encore présent. Le rite trouve sa place en cet instant
particulier, permettant de signifier la séparation.
« L'épreuve de réalité est
favorisée par les rites funéraires qui soulignent la
séparation. » 30(*)
Le corps serait donc un support au rituel
permettant cette transition dans le psychisme du survivant.
D'après Patrick Baudry, le décédé
ne peut être qualifié de défunt, et n'obtiendra ce statut
qu'une fois la séparation effectuée. Celle ci étant
opérée par le rituel :
« Le décédé n'est pas
encore un défunt, et tout l'enjeu de la ritualité
funéraire consiste à faire place au défunt en ritualisant
la séparation avec le mort. »31(*)
Sans développer les rituels plus tardifs, liés
aux cérémonies, il semble intéressant de voir à
quel point la ritualité s'installe dès l'instant qui suit le
décès.
Au domicile, les proches sont dans une intimité toute
particulière, et le rite s'insinue subtilement dans les gestes de
chacun.
Bien que souvent en lien avec une croyance religieuse, cela
n'est pas systématique : « le rituel n'est pas
nécessairement religieux, il a sa place dans le deuil quelle que soit la
croyance ou l'absence de croyance. »32(*)
L'effritement actuel des rituels funéraires, tels
qu'ils étaient conduits il y a quelques années, a laissé
place une plus grande personnalisation. Ainsi musique, bougies, photos, textes
écrits de façon singulière, sont autant de supports venant
s'inscrire dans un rite qui s'improvise délicatement. En
s'éloignant des protocoles établis par certaines religions, les
proches créent leur rituel, teinté de croyance, de
création, s'imprégnant de divers courants de pensées.
D'autres, en revanche, se retrouvent perdus,
désemparés, n'ayant pas de repères précis leur
permettant d'établir ce rituel :
« Le développement de l'individualisme
moderne invite à préférer l'authenticité des
réactions supposées spontanées, c'est à dire non
codifiées, au formalisme des convenances ; il implique le rejet, en
tout cas dans le discours conscient, du conventionnel, du ritualisé qui,
au demeurant, n'existe presque plus. Cette exigence de
spontanéité _formulation paradoxale_ peut laisser démuni,
inhibé, voire en grande souffrance pour accomplir ce travail de deuil
dont Freud lui-même avait reconnu qu'il était « une
tâche psychique d'une difficulté
particulière »33(*)
Face à ces difficultés, certains soignants
admettent aider les familles à inventer un rite, participant de
manière active à quelque chose de très intime :
« Lorsque la mort survient, les soignants de
notre équipe, présents ou arrivés en hâte tentent
non pas de combler le vide laissé par le rituel domestique aujourd'hui
disparu mais d'inventer dans ce moment unique un nouveau rite de
séparation.34(*)
La mise en place des rites, quels qu'ils soient, est une
étape essentielle, permettant à chaque proche de signifier et
d'amorcer cette nécessaire séparation.
2-5 Quelles répercussions physiques et
psychologiques pour l'entourage?
L'annonce du décès, et la phase de
sidération qui lui est caractéristique, marquent le début
du processus de deuil.
En latin, le mot deuil se dit « dolere »,
souffrir. La souffrance va donc s'exprimer au cours de ce long
processus .Marc louis bourgeois décrit le premier stade du deuil
comme un choc, mêlé à de l'incrédulité.
Bowlby distingue deux phases au sein de ce premier stade,
l'obnubilation et l'incrédulité
Tout s'écroule, et l'agression que représente la
perte de l'être cher est d'ordre affective, émotionnelle.
Le bouleversement est tel qu'il peut provoquer des
réactions très différentes d'un individu à l'autre.
L'endeuillé est prostré, anéanti, pétrifié,
ne peut prononcer une parole, ou, à l'inverse, se manifeste au travers
de pleurs et de cris.
Comme l'explique Marie-Frédérique Bacqué,
« de telles réactions se voient fréquemment en
situation de catastrophe, mais aussi à l'hôpital ou au domicile
d'un grand malade. » 35(*)
Mais cette agression diffuse au delà, et peut ainsi
atteindre l'intégrité physique de l'individu.
Comme le précise Pierre Cornillot, il semble que notre
société ait du mal à prendre en compte la souffrance
physique présente au cours du deuil : « Curieusement
le deuil, dans nos société modernes, a beaucoup de mal à
faire sa place dans le discours médical et soignant et à se voir
reconnu le caractère d'une souffrance globale qui pourra
éventuellement s'exprimer plus ou moins violemment dans le corps comme
au niveau des comportements. »36(*)
Pourtant, certains travaux ont été menés
afin de faire le lien entre les chocs affectifs, les émotions
ressenties, et certaines manifestations physiques.
W.B Cannon a fait ce lien
émotion-stress-réponse de l'organisme, entre 1914 et 1928. De
même, Hans Selye a mis en évidence le syndrome
général d'adaptation.
Ces différents travaux permettent de démontrer
l'impact physique que peut avoir une agression d'ordre affective,
émotionnelle.
A l'annonce d'un décès, le proche ressent
diverses réactions liées au « premier
saisissement » : évanouissement, vertiges, chute de
tension, dyspnée, ralentissement du rythme cardiaque, pouvant aller
jusqu'à l'arrêt cardiaque.
Ces manifestations sont brèves, laissant place dans un
deuxième temps aux différentes réactions de défense
de l'organisme vis à vis du stress :
Accélération du rythme cardiaque, augmentation
du tonus musculaire, sueurs froides, vasoconstriction
périphérique, élévation de la tension
artérielle.
Selye évoque une phase d'alarme, durant quelques
minutes, puis une phase de résistance, de quelques heures à
plusieurs jours. Si la situation d'agression ne cède pas au terme de
cette phase, le sujet entre en phase d'épuisement, qui devient
dangereuse, car il n'a plus la capacité de lutter.
Ces réactions physiques peuvent également
perdurer. Les travaux de Selye ont mis en lumière l'apparition de
maladies d'adaptation ; En effet, les différentes modifications
engagées par l'organisme, peuvent, si elles perdurent, favoriser
l'apparition de maladies à plus ou moins long terme. D'ou la question du
suivi des endeuillés et le l'aide qui peut leur être
proposée à long terme.
Pour Martine Lussier, ces manifestations motrices,
« actions de décharge » sont toujours
présentes dans les premières heures qui suivent le
décès, et se traduisent par une agitation, un besoin de
s'activer, quelle que soit l'action mise en oeuvre.
« L'endeuillé tente de se soustraire
à la souffrance psychique comme il le fait de manière reflexe,
par une action musculaire, pour se soustraire à la souffrance physique.
Il déplace les investissements du psychique sur le physique, dans un
mouvement de régression. 37(*)
Le proche est donc soumis à différentes
réactions physiques et psychologiques, en réponse au stress
qu'il vient de vivre.
La présence de l'infirmier peut avoir un
intérêt de par le soutien et la surveillance de cet état,
qui nous l'avons vu, peut être plus accentué, et aller
jusqu'à l'évanouissement, l'arrêt cardiaque. La
fragilité antérieure du proche, le contexte du
décès, sont des éléments à prendre en
considération.
La prise de conscience de la perte peut ne pas se faire
immédiatement : « les premiers mots à
l'annonce du décès sont des paroles d'incrédulité
et de refus. Les personnes restent prostrées, bouche ouverte,
paralysées, hébétées. D'autres s'effondrent,
d'autres enfin ne réalisent pas et poursuivent ce qu'elles sont en train
de faire. Cette véritable incapacité à comprendre
s'appelle, en termes psychologiques, une incongruence cognitive (N.Dantchev et
al, 1989).Elle bloque toute activité psychique Des
représentations mentales affluent en masse sans que l'intellect sache
comment réagir. » 38(*)
Quel que soit le mode réactionnel engagé par le
proche, l'émotion intègre inévitablement cet instant.
D'après MF Augagneur, l'unanimité n'est pas
faite entre différents auteurs, concernant sa définition.
Dérivé du nom latin « motio », signifiant
mouvement, certains utilisent la traduction
d « emotus », soit agitation, ou encore
« ex movere », voulant dire se mouvoir vers
l'extérieur.
« En intégrant ces nuances, l'on peut
définir l'émotion comme étant le mouvement des sentiments
qui s'extériorisent. C'est la manifestation à l'extérieur
de ce que le sujet ressent à l'intérieur de
lui-même. » 39(*)
Face à la mort, les proches peuvent lâcher prise,
et ne plus être dans le contrôle de leurs attitudes.
L'émotion peut alors s'exprimer plus ou moins intensément, son
caractère incontrôlable étant à prendre en compte.
« La véritable émotion ... est
subie. On ne peut en sortir à son gré, elle s'épuise
d'elle même, mais nous ne pouvons
l'arrêter. »40(*)
Or l'émotion peut être sommée de se faire
discrète, dans une société qui appelle bien souvent au
contrôle de soi.
« Comme tout mouvement, l'émotion
déplace et dérange des éléments que les citoyens
mettent tant de soin à garder dans l'ordre établi, ordre physique
et mental, auquel ils attribuent tant d'importance. »41(*)
Marie-France Augagneur développe le fait que l'opinion
publique tolère mal de nos jours l'expression de l'émotion,
celle-ci pouvant être considérée comme une faiblesse de la
personnalité, dans une société ou l'individu soit
s'adapter de plus en plus rapidement aux événements, sans semer
le moindre désordre. Or l'émotion dérange l'ordre et le
rythme établi !
Ceci explique le fait que l'émotion soit contenue,
retenue, au détriment parfois du respect de soi, de ses ressentis, de
son corps. D'après Marie-France Augagneur, ce mépris de
l'émotion serait à mettre en lien avec le mépris du corps
qui fut longtemps prôné par un christianisme, mal
interprété. L'homme devant rester à tout pris maitre de
lui même, d'autant plus de son corps. Or le lien corps esprit est
clairement mis en évidence lors de l'expression des émotions.
L'émotion devrait-elle rester dans le domaine du
privé, de l'intime, et ne pas être mise à la portée
de l'autre, du regard extérieur, au risque de ne pas être
tolérée, comprise, entendue comme telle ?
Dans l'intimité familiale, elle peut sans doute
s'exprimer plus librement, la peur du jugement ou du regard d'autrui
étant moindre.
Le fait d'exprimer sa douleur serait pourtant
bénéfique :
« Quand on se refuse à vivre sa
douleur, on ajoute à sa peine par le fait de retenir ses pleurs. On ne
laisse pas couler, s'écouler, le trop plein de chagrin qui
étouffe notre coeur. Et on met tant d'énergie à refouler
ses larmes, à contenir ses mots, que l'on se vide de ses
forces. 42(*)
2-6 La mémoire d'un instant, d'un lieu
« D'instant en instant un souvenir vous tombe
sur le coeur et le meurtrit...et on retrouve mille petits riens qui prennent
une signification douloureuse parce qu'ils rappellent mille petits
faits » 43(*)
La vision du corps :
La vision du corps laissera sans doute une empreinte dans la
mémoire des proches. Certaines photographies de cet instant pouvant
être gardées en mémoire.
Louis Vincent Thomas évoque cette mémorisation
par les proches, avec cette image du défunt, qui reste ancrée de
manière forte, au détriment parfois du souvenir vivant de celui
ci :
« En effet, les proches, singulièrement
les enfants, conservent souvent de la mort le souvenir du mort en
présence duquel ils se trouvent. Cette prime vision du cadavre, ils
peuvent l'immobiliser, la cristalliser au point qu'elle prédominera
ensuite sur l'image même de l'être qu'ils ont aimé. Au point
de l'occulter parfois. »44(*)
Ils se remémoreront un visage, un corps, une
expression, qui peut être apaisante, angoissante ou effrayante.
Dans cet instant transitoire de l'après
décès, le corps n'est pas encore confié aux services
funéraires, qui ont en charge les soins de thanatopraxie : Soins
qui permettront d'apaiser les survivants, en donnant au corps une image
fidèle à ce qu'était le défunt.
La présentation du corps revêt donc une
importance non négligeable pour les proches présents au domicile,
sachant que d'autres membres de la famille s'y présenteront ensuite.
Le contexte :
Au delà de l'événement en lui-même,
le contexte peut être intégré à la
mémorisation de la scène.
Le contexte extérieur, imprégné de
l'ambiance générale, du fait qu'il fasse jour, ou nuit, des
personnes en présence, des événements concomitants, des
bruits extérieurs.
Mais aussi le contexte intérieur de chacun,
influencé par l'état d'esprit, la stabilité psychologique
du moment.
D'après Jean-Yves et Marc Tradié, la mise en
mémoire est étroitement liée à la charge affective
associée à l'événement, et la volonté
n'intervient que très peu dans ce phénomène.
« Certains faits ordinaires de l'existence
peuvent rester en mémoire, mais le plus souvent c'est parce qu'ils ont
fait parti du contexte, de l'environnement d'un fait plus important ou
répété qui les a engrammés dans son
aura »45(*)
Cela expliquerait pourquoi certains détails paraissant
anodins sont mémorisés à plus ou moins long terme. Un
parfum, une ambiance, un mot, un objet, associés à la
scène qui suit le décès, peuvent prendre une toute autre
dimension au sein de la mémoire du proche.
La mémoire affective :
D'après Anne Muxel, la mémoire intime,
très personnelle, est basée sur les émotions, les
ressentis et les perceptions sensorielles telles que les odeurs, les
décors, les ambiances, les sons. Cette forme de mémoire est en
lien direct avec la sphère affective.
D'après Jean-Yves et Marc Tradié, l'acquisition
des souvenirs est nettement conditionnée par les affects. Ainsi, toute
perception sensorielle va entrainer une décharge neuronale
proportionnelle à la charge affective qui y est associée. Cette
décharge neuronale va ensuite stimuler les neurones de l'hippocampe,
afin que l'événement soit mis en mémoire.
La charge émotionnelle et affective liée
à l'événement détermine donc la mémorisation
de celui-ci, ce mécanisme demeurant involontaire.
« La décharge affective face à une
situation présente donnée est indépendante de notre
volonté et c'est elle qui conditionne en grande partie le fait que nous
allons nous souvenir, parfois toute notre vie, de telle ou telle
scène. »46(*)
Les supports de la mémoire :
Pour jean-Hugues Déchaux , la mémoire ne
peut pas être considérée comme une entité purement
spirituelle. En effet, pour exister au niveau mental, elle a besoin de supports
matériels.
Il distingue ainsi deux supports à la
mémoire : le « support narratif », utilisant
la parole, et le « support choses », qui
intègre les lieux, les objets, et les images.
Les lieux seraient donc supports de mémoire,
chargés d'une aura particulière et symbolique ; Le lieu
serait un appel au souvenir. Parmi ces lieux, la maison, coeur de la vie
familiale, rappelle le vécu avec le défunt, mais aussi ses
derniers instants. Le salon, la chambre ayant recueillis la souffrance, portent
en eux le poids du souvenir :
« Mais cette évocation des lieux peut
aussi faire surgir des fantômes hostiles, venant rappeler des
souffrances, des rancoeurs difficiles à contenir. Les maisons sont
parfois hantées de mauvais souvenirs et peuvent rester à tout
jamais associées à des épisodes de douleurs. Là
mort, la maladie, peuvent imprimer les murs et éloigner durablement les
souvenirs heureux. »47(*)
Les objets du quotidien sont également un support de
mémoire. Le lien de l'objet avec le défunt le rappelle dans ce
qu'il était, vivant. Ainsi, les objets apparaissent être bien
plus que des choses inertes, une mémoire s'inscrivant en eux, qui
rappelle le défunt.
Il peut être difficile pour les proches de vivre
à nouveau le quotidien dans un foyer rappelant chaque jour la fin de vie
et le décès d'un être cher. Le lit conjugal en est une
illustration :
« Les proches, également, se risquent
dans cet accompagnement dont ils savent qu'il va les mener jusqu'à
accepter le corps mort de celui ou celle qu'ils aiment dans le lieu même
ou ils ont vécu ensemble, peut être dans le lit ou ils
continueront à dormir après. »48(*)
La mémoire sensitive est la moins contrôlable, en
témoigne le pouvoir d'évocation d'une odeur précise, d'une
atmosphère, d'un air de musique.
Marcel Proust évoquait la mémoire dite
involontaire, qui s'impose à l'être, sans qu'il n'ait l'intention
de retrouver une séquence mémorielle particulière. Cette
mémoire porte en elle l'émotion de l'instant, et le flot de
sensations qui y étaient associées.
Ce souvenir ne se recontacte pas
délibérément. Ainsi, il peut ressurgir au hasard d'une
odeur, d'une musique, perçue de façon fortuite,
aléatoire:
« Il dépend du hasard que nous le
rencontrions avant de mourir, ou que nous ne le rencontrions
pas.»49(*)
Chaque odeur, chaque son, chaque décor, peut être
rattaché à une expérience vécue, donnant lieu
à sa réminiscence.
Dans l'instant qui suit le décès, nombre de
facteurs relatifs au corps et à l'environnement sont susceptibles
d'être enregistrés par les proches.
« L'activité des sens imprime la
mémoire de repères plus ou moins identifiables, plus ou moins
enfouis, mais toujours présents, pour se situer dans le temps,
dans l'espace, et dans l'univers de ses relations
affectives. »50(*)
D'après Marie Christine Haman, psychologue,
spécialisée en neuropsychologie, une image possédant une
charge émotionnelle forte sera davantage retenue qu'une image neutre. De
ce fait, ce qui touche affectivement le sujet est d'autant mieux
mémorisé.
Malgré cela, les éléments associés
à une émotion négative seraient moins bien retenus que
ceux liés à une émotion positive : « ce
phénomène serait une forme de protection mentale, le
négatif étant en quelque sorte écarté pour
privilégier le positif. Un mécanisme similaire expliquerait qu'au
fil du temps les informations négatives auraient tendance à
être progressivement oubliées. »51(*)
Cependant, des informations à charge négative
extrêmement intense et traumatisantes, telles que les deuils, les
accidents, sont mémorisés durablement.
Les objets ayant traits aux soins.
« Parmi les objets, certains présentent
un statut particulier : ceux qui ont touché de près le
défunt. Tantôt on s'en débarrasse au plus vite, soit pour
confirmer l'anéantissement du mort tout en libérant
l'agressivité du survivant à son endroit, soit parce que leur
présence souligne l'absence douloureuse de l'être
aimé. »52(*)
Les objets de soins ont un statut particulier, car ayant
touché le défunt au plus près de son intime, ils sont le
reflet des derniers soins, douloureux, invasifs, ou plus doux, voués au
confort.
Les familles sont souvent pressées de faire disparaitre
ce matériel au plus vite, voulant neutraliser tout ce qui reste de cette
période douloureuse.
Mémoire du corps, mémoire du contexte.
Tout de cet instant, même un détail, peut
être important.
Un corps, serein ou apaisé.
Une odeur, celle d'un savon utilisé pour la
dernière toilette, d'un parfum, d'une crème, d'un produit de
soin.
Un bruit, celui d'un lit que l'on remonte, du mobilier, si
souvent déplacé, rangé.
Un objet : le dernier livre lu par le défunt, la
tablette sur laquelle reposaient ses effets personnels, le matériel de
soins, les derniers vêtements portés.
Une ambiance : la luminosité d'un lever ou d'un
coucher de soleil, une veilleuse, une bougie, une musique.
Un échange : un regard, un mot, un geste.
Tout de cet instant peut être fixé,
immobilisé dans la mémoire du proche, plus réceptif que
jamais à des détails pouvant paraître peu signifiants.
Cette sensibilité exacerbée serait sans doute à prendre en
compte.
3 L'infirmier
3-1 Une place particulière : une relation
antérieure tissée au fil des mois.
Le suivi du patient en fin de vie s'est bien souvent
déroulé sur plusieurs mois, voire années.
Les passages de l'infirmier ont été
récurrents, suivant l'évolution de la maladie, mais aussi le
cheminement des familles, sur la voie difficile de l'accompagnement.
Au fil du temps, cette connaissance réciproque, ces
événements partagés, font naitre une certaine relation
d'intimité. Intimité partagée avec le patient en fin de
vie, mais aussi avec sa famille.
Le mot intime, qui vient du latin intimus, peut être
défini ainsi : « ce qui lie étroitement
par ce qu'il y a de plus profond. »
La maladie, la fin de vie, la mort, peuvent être
considérées comme des éléments profonds et
signifiants de la vie des êtres.
Ce partage est propice au rapprochement entre l'infirmier et
les proches. L'intimité tissée revêt plusieurs aspects.
L'intimité émotionnelle est nourrie de confidences,
d'échanges, d'aveux, qui se sont succédés au fil des mois,
au détour des soins, d'un café pris ensemble, d'une rencontre
bien souvent informelle.
L'intimité spirituelle se tisse elle aussi au
gré de ces échanges. Les proches, au travers de leur cheminement,
de leurs questionnements, sont en quête de sens. Cette recherche est
souvent propice à l'évocation des croyances.
Epauler les familles ne peut se faire sans se rapprocher
d'elle, et donc forcement créer une certaine intimité, comme
l'évoque Bernadette Fabregas :
« Le soignant perçoit rapidement que ce
qui arrive à cet étranger est précisément ce dont
il pourrait, un jour, être la première victime. Ce sentiment,
même inconscient, rapproche sérieusement les
individus ! »53(*)
L'infirmier à domicile tient une place
particulière, la qualité de la relation établie au fil du
temps avec les proches en fait un interlocuteur privilégié, qui
sera contacté lorsque surviendra le décès du patient.
3-2 Les soins portés au corps
Une dernière toilette
Après le décès, l'infirmier est
amené à effectuer différents soins, dont parfois la
toilette du défunt.
Le retrait des différents appareillages, sondes,
cathéters, patchs médicamenteux. La réfection de
pansements, la fermeture des brèches cutanées
éventuelles Le positionnement du défunt demande une attention
particulière, étant réalisé en accord avec
d'éventuelles pratiques religieuses. Le coiffage, le rasage ou le
maquillage peuvent être envisagés avec la famille, dans le respect
des habitudes antérieures.
La toilette mortuaire est effectuée par certains
infirmiers, mais cela n'est pas systématique, et cet acte est absent du
référenciel actuel des soins infirmiers. Il semble que les
soignants n'aient pas tous la même façon de l'envisager.
Cela est sans doute influencé par le sens que ce soin
particulier revêt pour chacun :
« La toilette mortuaire ne revêt pas le
même sens pour tous les soignants. Pour les uns, il s'agit de rendre un
visage humain, une dernière dignité, pour d'autres, d'une
corvée sans beaucoup de sens vite exécutée par ceux qui ne
peuvent s'y soustraire, et que d'autres encore réussissent à
éviter. »54(*)
Au-delà de son utilité, qui serait de retirer du
corps les diverses salissures qui l'encombrent, elle revêt sans doute une
forte portée symbolique. De nombreuses cultures font de cette
dernière toilette un moment déterminant, crucial, souvent
même très protocolaire.
L'hygiène n'apparaît pas comme étant le
but ultime de ce soin. Comme le décrit louis Vincent thomas,
« laver le défunt ne répond pas seulement aux
exigences de l'hygiène et de la convenance ; cela revient, au
regard de l'imaginaire, à éliminer la saleté de la
mort ; »55(*)
Ce lavage, serait donc assimilé à une forme de
purification. Mais en quoi un corps serait-il souillé, impur, au point
de nécessiter tant de mesures d'hygiène ? Louis Vincent
thomas évoque « le fantasme universel de l'impureté
du cadavre.»56(*)
Expliquant que dans nombre de civilisations, le corps du
défunt doit être lavé, au même titre que ceux qui
s'en sont approchés, l'ont touché, ou même encore les
objets lui ayant appartenus. Considéré comme impur, serait
dangereux de par le risque de contagion que sa présence susciterait.
D'ou le mécanisme de défense mis en jeu par les survivants, afin
de se prémunir de cette possible contagion de la mort. Peur du mort,
peur de sa propre mort.
La mort d'autrui rappellerait à chacun sa propre
finitude, et cette réalité, de par l'effroi qu'elle suscite,
imposerait de s'en protéger.
Les soins prodigués au corps ont donc très
souvent un impact sur les proches, et peuvent être une demande
précise de leur part.
Une dernière image
La toilette du défunt, perpétuée depuis
toujours, ne l'est pas pour les mêmes raisons :
« Elle était jadis destinée
à fixer le corps dans l'image idéale qu'on avait alors de la
mort, dans l'attitude du gisant qui attend, les mains croisées, la vie
du siècle à venir. C'est à l'époque romantique que
l'on a découvert la beauté originale que la mort impose au visage
humain, et les derniers soins eurent pour but de dégager cette
beauté des salissures de l'agonie. Dans un cas comme dans l'autre,
c'était une image de mort qu'on se proposait de fixer : un beau
cadavre, mais un cadavre. »57(*)
Au-delà d'une recherche de la beauté du corps,
il semble que l'atténuation des marques de souffrance soit une
priorité dans notre societé actuelle.
De nos jours, comme l'explique Louis-Vincent Thomas, la
toilette « a davantage pour objectif de dissimuler les effets
dévastateurs de la mort sur le corps, déformant les
visages.»58(*)
En effet, la toilette peut avoir un impact sur l'image du
corps, qui s'imprimera au coeur des souvenirs.
« L'attention portée à ce soin
particulier qu'est la toilette funéraire, révèle toute son
importance vis à vis des proches, qui emporteront avec eux la
dernière image, le dernier souvenir. »59(*)
Une image, qui, sans vouloir inspirer la beauté,
devrait éviter de choquer, d'apeurer, ou encore de refléter la
douleur de l'agonie.
Un dernier hommage
Selon louis Vincent thomas, la toilette du
défunt « répond encore aujourd'hui au souci
d'obéir à la décence et de témoigner au
défunt de la déférence.»60(*)
Il met en lumière deux notions différentes.
La décence d'une part : Il s'agirait de
faire disparaître toute trace pouvant faire injure au défunt, au
regard de ce qu'est la décence dans notre culture actuelle. Respecter le
corps dans son intégrité, son intimité, lui retirer les
salissures, secrétions, comme lorsqu'il était empreint de vie.
Et la déférence d'autre part, plus
abstraite, car celle ci sous entend une relation au défunt, bien qu'il
ne soit plus vivant. Plus que le respect du corps, il s'agit davantage du
respect du défunt, dans toutes ses dimensions.
Mais aussi respect d'un engagement, lorsque le mourant a
confié ses désirs, ses demandes, pour sa dernière
présentation. Respect d'un droit, prévu par la
législation : « j ai le droit d'attendre qu'on
respecte mon corps après ma mort. »61(*)
Ce soin serait une dernière marque de
considération vis à vis de celui que l'on a bien connu :
« Faire la toilette mortuaire d'un malade,
disent certaines infirmières, c'est offrir un dernier hommage à
cette personne. Le vivre comme un hommage, comme un dernier acte que l'on peut
encore faire pour ce malade, ne prend son sens que dans la
relation. 62(*)
Certains soignants décrivent cette forme d'hommage
rendu au patient qu'ils ont longtemps suivi. Une enquête menée
concernant la toilette mortuaire au domicile 63(*) a clairement mis en évidence cette notion
d'hommage, et d'adieu.
Le cadre du décès fait sans doute
différer les pratiques. Louis Vincent thomas l'évoque
ainsi :
« Il n'y a guère que dans les milieux
ruraux, et en cas de mort à domicile, que la toilette du mort garde
quelque chose du maternage traditionnel s'il se trouve des femmes, des
religieuses généralement, pour
l`assumer. »64(*)
Trois notions sont abordées, et leur portée est
intéressante :
La notion de maternage, évoquant le fait de prendre
soin de l'autre, comme on le ferait d'un enfant, face à la
fragilité qu'il nous renvoie. Accompagner vers la mort, à
l'inverse d'une sage femme, qui, dans son domaine de compétence,
accompagne vers la vie.
Ces deux extrémités de la vie font sans doute
écho aux soignants, faisant resurgir en eux cet instinct de prendre
soin, voire de materner. Comme l'ajoute Louis-Vincent
Thomas : « on n'en finirait pas
d'énumérer les comportements traditionnels qui, sous tous les
cieux, dénotent la prise en charge du mort comme s'il s'agissait d'un
petit enfant qu'on équipe et rassure avant son
départ.»65(*)
Autre notion que soulève louis Vincent thomas, la
féminité des acteurs du soin : les femmes seraient-elles
plus enclines à prodiguer ces derniers soins ? Y aurait-il une part
instinctive qui les guiderait vers ce soin qu'est la toilette ? Soignantes
ou proches du défunt, mais aussi mères, soeurs, épouses.
Ces femmes seraient-elles intuitivement amenées à effectuer ce
soin de façon plus naturelle que les hommes.
Enfin, louis Vincent thomas évoque les
religieuses. En effet, ce soin était prodigué par celles
ci dans le passé, la profession d'infirmière n'existant pas
encore. Ce dernier soin, si particulier, était imprégné de
religieux, intimement associé au don de soi, au
bénévolat.
Une dernière exposition :
Dès le décès, le corps sera visible,
entouré des proches, et la notion d'exposition entre en jeu :
« Cela nous renvoie à la question de
l'exposition du cadavre : son but immédiat est d'être un
dépassement de la mort qui facilite, nous y reviendrons, le travail de
deuil. De nos jours, le fait que l'on meurt souvent hors de chez soi et
l'exigüité des logements rendent difficiles les veillées
funèbres. »66(*)
La veillée du corps, bien que plus rare de nos jours,
n'en demeure pas moins un désir réel pour certaines familles.
Elles peuvent en effet faire le choix de garder auprès
d'elles le corps du défunt, et de se réunir autour de celui ci.
Quelle que soit la durée de la présence du corps, celui ci sera
inévitablement exposé au regard des proches.
Les soins apportés auront probablement une incidence
sur ce temps particulier d'exposition, les regards étant portés
avec attention sur ce que dégagent ce visage et ce corps
désormais sans vie.
3-3 L'Accompagnement des proches
« L'action d'être et de cheminer avec une
personne, de l'entourer, de la soutenir
Physiquement et moralement. »67(*)
Lorsque les proches sont confrontés au
décès de celui qui leur est cher, l'infirmier est bien souvent
présent auprès d'eux, et sa démarche se propose bien
entendu de les accompagner dans cette étape difficile :
« Ce sont les soignants qui sont la clé
de voute de cette phase d'accompagnement, quand se présentifie
l'angoisse de mort. »68(*)
Face à cette angoisse ressentie par les proches,
l'infirmier peut assurer un soutien face à la douleur s'exprimant tant
au niveau physique que psychologique.
Sensible à la personnalité de chacun, il est
avant tout le fruit d'une rencontre singulière :
« L'accompagnement est toujours une clinique du singulier, d'une
personne à une autre personne, d'une équipe à une famille,
d'une famille à son proche. »69(*)
En l'instant qui suit le décès, cet
accompagnement, bien qu'influencé par la relation établie
antérieurement, sera fonction du contexte, de l'individualité de
chacun, et de l'imprévisibilité des réactions.
Un devoir vis à vis des
proches :
« Ma famille a le droit de recevoir de l'aide afin
de mieux pouvoir accepter ma mort. »70(*)
L'accompagnement de l'entourage fait partie intégrante
de la démarche palliative.
La loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit et
l'accès aux soins palliatifs évoque cet aspect :
« les soins palliatifs et l'accompagnement sont
interdisciplinaires. Ils s'adressent au malade en tant que personne, à
sa famille et à ses proches, à domicile ou en
institution. »71(*)
Cet accompagnement se définit plus
précisément comme une relation d'aide et de soutien
psychologique. Cette notion est bien présente comme faisant partie du
rôle propre infirmier dans le code de la santé publique du 29
juillet 200472(*)
Face aux familles venant de perdre un proche, l'infirmier est
donc amené à établir une relation que l'on pourrait
qualifier d'aidante, ou de soutien.
« La relation aidante, ou de soutien,
s'instaure spontanément en réponse à un besoin
d'écoute de la personne. Elle permet l'accueil des émotions de la
personne soignée et de ses proches. »73(*)
Comme décrit dans la circulaire DG5/3D du 26 aout 1986,
relative à l'organisation des soins et à l'accompagnement des
malades en phase terminale, au chapitre 4 : « le rôle
de l'équipe se poursuit après le décès du malade,
dans le but d'assurer le suivi du deuil, et de prévenir ainsi, autant
que possible, l'apparition de pathologies consécutives à la perte
d'un proche. »
La présence de l'infirmier pour soutenir la famille en
cet instant s'inscrit dans le soin, au même titre que l'aide
apportée antérieurement au patient lui-même.
Une présence :
Le soignant dispose d'un temps, qui même s'il est
restreint doit être pleinement investi. Se situer dans l'instant
présent, sans autre projection de l'avant, de l'après. Etre
disponible à la relation, tant physiquement que psychologiquement.
Cela nécessite d'occulter les perspectives d'un
tournée qui doit se poursuivre, d'une prochaine visite, d'un appel
téléphonique, et d'éviter ces parasitages qui entravent
forcement la qualité de présence à l'autre.
La présence du soignant peut être rassurante,
apaisante, et permettre au proche de vivre pleinement ce dernier instant.
« D'ou l'importance immense des donneurs de
présence et de temps qui sont des passeurs de vie. Car c'est avec ce
rien apparent qu'est la présence ou le temps que l'on reconstruit un
monde qui s'est défait.» 74(*)
Reconnaître la souffrance du proche, être juste
là, près de lui.
« Les soutenir dans cette confrontation à
l'autre qui n'est plus, dans un face à face redouté avec
l'horreur de la mort, du cadavre, consiste parfois simplement à
reconnaître leur souffrance et à être auprès d'eux
comme « proches » pour leur permettre de
rester. »75(*)
Une écoute :
« Écouter, c'est d'abord
l'hospitalité d'une présence.» Laure Marmilloud
Offrir une écoute attentive est essentiel, mais semble
difficile, lors d'une conversation ou chacun est parfois tenté de
parler, trop vite, pour n'entendre parfois que son propre dialogue
intérieur, au détriment de l'autre. Savoir écouter demande
du recul, de la réserve :
« La parole qui rompt avec le bavardage a besoin de
venir au jour, d'hospitalité, de temps, de confiance. Elle a besoin
d'une écoute qui ne s'effarouche pas du silence premier ; d'une
écoute consciente que son premier travail est de créer de la
présence, plutôt que d'attendre la parole. »
76(*)
Suite au décès, les mots, les pleurs,
côtoient les silences, ou les cris.
Pour florence Plon, l'écoute doit être
teintée d'une « neutralité bienveillante »,
permettant d'accueillir la souffrance, mais sans complaisance. D'entendre un
vécu sans y apposer de projection ou d'affects personnels.
Accueillir l'autre, lui permettre d'être entendu, de
verbaliser le choc, la souffrance, la colère, le sentiment d'injustice,
est intimement lié à la capacité d'écoute.
S'il est difficile de répondre à la souffrance
par des mots, il est primordial de l'entendre, de l'accueillir totalement.
« Devant la souffrance de l'autre, que dire et
comment le dire, quel droit et quel devoir d'en parler ?(...) il est vrai
que la souffrance ne se partage pas et qu'il est abusif de proclamer que l'on
comprend l'autre souffrant. Ce sera toujours une approximation. Ne nous y
trompons pas, nous parlerons toujours mal de la souffrance aux
souffrants. »77(*)
Sans doute n'est-il pas question d'avoir une réponse ou
une quelconque clé à donner.
« En terme d'implications éthiques,
prendre soin du prochain-patient supposera de pouvoir le reconnaître
depuis une commune humanité mais sans pour autant prétendre
pouvoir lui dire « je sais ce qu'il te
faut ». » 78(*)
Accepter humblement de ne pas savoir est légitime,
entendre et reconnaître la douleur ressentie n'impose pas
l'élaboration d'une réponse quelconque.
Il peut sembler préférable d'éloigner en
cet instant les conseils et phrases toutes faites, formules
préétablies, pour pleinement écouter.
Des silences :
« La parole et l'absence de parole demeurent
cependant les signes qui permettent de saisir la densité incomparable
du temps de la mort. »79(*)
Le temps qui suit le décès est ponctué
par le silence. Silence qui parfois fait peur, et auquel nous sommes souvent
tentés de vouloir mettre un terme au plus vite, tellement il peut
sembler déstabilisant. Or il se dit tant de choses dans un silence, en
l'absence de mots.
Le silence se fait l'écrin d'une expression
subtile : regards, gestes, pensées, s'échangent et se
ressentent d'autant plus intensément.
Il peut être un appel, l'attente d'un mot tendu, comme
une perche permettant l'expression de sa peine. L'attente d'une invitation
à dire, parler :
« Mais au milieu de ce silence de pierre, de ce
silence plein, il faut bien qu'une parole se lève, et qu'elle exorcise
cela même que cache le silence. » 80(*)
Oui, laisser vivre ce silence, puis doucement le briser, pour
laisser place aux mots.
Des mots
« La parole n'est pas
seulement un son ou un symbole écrit. C'est une
force. »81(*)
Que dire à celui qui vient de perdre un être
cher ? L'embarras de l'infirmier dans ce dialogue avec le proche est
parfois palpable. Pourquoi s'introduit-il dans la relation ?
Peut-être est il lié au fait de n'avoir aucune réponse
à donner, aucun savoir sur la mort que n'aurait le proche lui
même. Patrick Baudry évoque cet embarras :
« c'est ce caractère précieux de l'existence rare,
si brève, si étrange à nos propres corps, qui provoque
notre embarras. Moins un embarras en fait qu'une réserve. Pourquoi
faudrait-il savoir quoi dire à celui qui devient veuf ou orphelin, quand
toute l'intelligence de la mort nous vient de partager notre incapacité
à savoir ce dont il s'agit ? »82(*)
Une réserve, sans doute, face au discours qui devrait
être tenu. Choisir les mots justes induit un réel questionnement,
tant sur le fond, que sur la forme.
Certains mots sont intuitivement évités et
écartés du langage relatant le décès :
« Le langage traduit fort bien le déni
thanatique dont il a été souvent question. Pour fuir le trauma de
la mort, l'occidental évite souvent d'en prononcer le nom :
`disparu', `manquant', `victime' deviennent des substituts fréquents,
à moins qu'on ne préfère les formules apaisantes (`il est
parti','il repose'), réconfortantes (`pieusement
décédé', `rappelé à dieu', `a remis son
âme dans les mains du seigneur',`a rejoint les anges'), ou simplement
énonciatrices (`il n'est plus','il nous a quittés'). On notera de
même, l'emploi de périphrases pour éviter de parler du
cadavre, pourtant seule manifestation de la présence /absence du
défunt. »83(*)
Soignants et proches, imprégnés de la même
culture, partagent sans doute cette difficulté à prononcer
certains mots. L'infirmier est amené, intérieurement, à
peser chaque terme avant de l'employer. Le peser, au regard de la norme
culturelle actuelle, mais aussi de ses propres conditionnements.
Ainsi, des termes peuvent paraitre imprononçables au
regard de notre culture commune :
Cadavre, dépouille, mort : ces mots sont
instinctivement remplacés par d'autres, considérés comme
plus doux, moins violents, moins choquants.
« Si l'on dit « le
corps » et non pas « le cadavre », ce n'est pas
par pudeur, convenance, refus d'affronter « la mort ».
Mais parce qu'il s'agit de refuser l'inhumain. »84(*)
Difficile tâche que de choisir et prononcer ce mot qui
qualifiera le défunt. Comme le dit Bossuet : « Ce
qui reste du vivant quand il meurt n'a plus de nom dans aucune langue.»
Quand vient l'heure de nommer le défunt, le mot retenu,
puis prononcé, aura pour le proche une résonnance très
particulière. La sensibilité de chacun au pouvoir
d'évocation d'un mot reste si singulière. Et le sens donné
à ce mot pourtant commun peut être si différent, soumis
à tant d'influences qui nous échappent. L'âge, le
vécu, l'éducation, la culture, sont autant de facteurs pouvant
donner aux mots de multiples nuances :
« Les gens ont des langages
différents : ils emploient les mêmes mots, mais pas dans le
même sens. Ecoutez le sens, plutôt que les mots. Si vous
écoutez les mots, vous ne comprendrez jamais les gens. Ecoutez le sens,
c'est quelque chose de totalement différent. »85(*)
Le souci du mot juste est sans doute lié au fait de ne
pouvoir rattraper un terme qui, trop vite prononcé, serait mal choisi.
Ce caractère presque irrémédiable de ce
qui est dit, du mot prononcé, que l'on ne saurait rattraper, pèse
forcement sur nos choix sémantiques.
« Ce qui est dit est dit, un attelage de quatre
chevaux ne saurait le rattraper »86(*)
Au delà de l'incidence que pourraient avoir les mots
sur les proches, cet intérêt porté au discours est
révélateur du rapport entretenu avec la mort. Le choix du terme
peut en être une projection plus ou moins consciente :
« Par la toute puissance du verbe, de
régler des attitudes et des comportements, soit qu'on apprivoise la
mort, soit qu'on s'en prémunisse. Ce langage n'est pas simplement fait
de mots et de phrases, mais aussi de silences, d'incantations, d'interjections,
de gestes et de mimiques. Fruits de l'intelligence spéculative, il
demeure le plus souvent pénétré de fantasmes individuels
et collectifs, en relation avec le système socioculturel ; peu
importe qu'il soit d'ordre oral ou scriptural, gestuel ou
attitudinal. »87(*)
Ainsi, par le biais des choix sémantiques ou des
attitudes, chacun porte et révèle la réalité de ce
qu'est son rapport à la mort:
« enfin, évoquons la parole de la mort,
c'est à dire la dénomination personnelle de la mort, puis la
forme individuelle du discours devant le décès de l'autre ou le
sien propre, ou chacun parle de son statut ou son rôle ou sa classe
sociale sans doute, mais aussi selon ses dimensions
caractérologiques : indifférence totale, voire soulagement,
travail du deuil conforme aux règles du groupe, relation nostalgique
à l'objet(...) sans oublier « le mot de la fin »,
les silences, les cris, les chuchotements. »88(*)
Face au mort, face à la mort, les mots prononcés
sont le reflet de l'être qui les prononce. Ainsi le discours soignant ne
peut il prétendre vraiment à la neutralité.
Un regard, un geste
Les mots se font rares, le silence s'insinue doucement.
Tellement de choses peuvent être dites, au travers d'un seul regard, d'un
simple geste.
Il peut être intéressant de prêter
attention aux attitudes. Un regard peut être distrait, fuyant,
pressé, inquiet, accueillant, bienveillant, chaleureux ou rassurant. Les
yeux se font le reflet de l'âme, des sentiments, des pensées, les
trahissant parfois :
« L'infirmière doit veiller à
être attentive à la contradiction qui peut exister entre la parole
et les sentiments exprimés par le regard. En effet, le regard
porté par le soignant sur la personne peut aussi bien être une
aide ou un frein dans la relation. »89(*)
Mettre en accord la pensée, et le corps. Etre attentif
aux gestes, aux regards, cela pourrait s'apparenter à une mise en
scène de soi dans le cadre des soins. Cet aspect peut susciter le
questionnement.
Pour Jacques Simon, cette mise en scène est une
réalité qui ne s'avère pas être choquante :
« Des témoignages qui suggèrent
qu'après la parole, la communication est possible sans la parole mais
elle exige une remise en question considérable et l'acceptation d'une
forme de projet, l'élaboration d'une sorte de mise en scène. Un
terme qui n'a rien ici de déplacé. »90(*) En effet, sachant l'impact que
peuvent avoir certaines attitudes, il peut être louable de s'y attarder.
L'expression du corps dans son ensemble adresse à autrui de nombreux
messages. Une attitude d'ouverture à l'autre peut s'inscrire dans le
corps, et favoriser la confiance, la confidence. Lui permettant de
lâcher-prise, de ne plus censurer l'expression des émotions, de
laisser enfin couler les larmes, tout simplement.
« Et permettre, au milieu de cet orage, qu'une
vrai parole monte aux lèvres, qu'elle se dise, qu'elle s'entende et que,
par elle, se libèrent de vrais regards, même mouillés de
larmes, de vrai gestes de tendresse. »91(*)
Ces gestes de tendresse peuvent trouver place dans
l'accompagnement. S'approcher de celui qui souffre, s'asseoir près de
lui, crée inévitablement un rapprochement physique.
« La rencontre avec une personne en grande
souffrance morale et physique impose une proximité qui situe la relation
dans un espace personnel ou intime. Les ressentis de cette rencontre sont avant
tout influencés par la présence corporelle de
l'autre. »92(*)
Le proche peut ainsi pleurer sur l'épaule de
l'infirmier, en ressentir le besoin pour laisser couler ses larmes. De
même, l'infirmier peut ouvrir spontanément les bras, pour
accueillir cette peine.
« La présence et l'écoute ne
suffisent pas toujours, notamment chez les personnes ayant besoin de
proximité, d'un enveloppement affectif tactile et
contenant. » 93(*)
La charge émotive de l'instant n'est pas
étrangère à ce rapprochement qui demeure exceptionnel.
Cette approche doit bien sur être initiée par le proche, et ne
s'impose pas.
« Il peut être très important,
voire nécessaire dans certaines situations, d'établir un contact
par le toucher, mais si ce geste est imposé, sans écoute, il
manquera de ...tact, précisément ! »94(*)
Une juste place
L'aide apportée en cet instant est avant tout une
proposition. Les proches doivent demeurer libres de juger si celle ci leur est
nécessaire. L'accepter, ou la refuser, le plus librement possible. La
vulnérabilité qui est la leur en cet instant ne doit pas leur
valoir d'être dépossédés de leurs choix.
L'infirmier, témoin de cette souffrance, fait ce pas légitime
vers celui qu'il sent en difficulté. C'est cette part du chemin qui lui
incombe totalement. Cette proposition est avant tout une invitation à
être aidé. L'autre part revient à l'endeuillé, qui
peut accepter ou refuser cette aide, en accord avec son ressenti.
« L'accompagnement ne s'impose donc pas. Il
résulte d'une disponibilité et d'une prise en
considération des besoins. Il trouvera sa raison d'être seulement
si la famille a des besoins et accepte d'être
aidée. »95(*)
L'infirmier doit ainsi respecter le besoin exprimé par
chacun, et sans doute garder une certaine humilité. Il est impossible,
inutile, et dangereux de vouloir tout maitriser.
« De l'acharnement thérapeutique, il est
possible de glisser à l'acharnement relationnel à vouloir
médicaliser, psychologiser, instrumenter ce qui reste une aventure
humaine unique. »96(*)
Le rôle de l'infirmier n'est pas d'imposer ce qu'il
pense être juste, au regard de ses connaissances ou de ses
acquis :
« Il ne saurait être question gérer
techniquement le deuil. Le deuil n'est pas gérable ; il reste
à vivre et à vivre ensemble.»97(*)
De même, être présent dans un instant
clé de la personne ne devrait pas laisser s'insinuer une quelconque
dépendance.
Florence Plon évoque bien l'aspect transitoire de
l'intervention soignante : « C'est donc être sois
même en mesure d'être quitté et accepter de n'être
associé qu'à un moment limité dans le temps, et de
n'être là que pour faciliter un passage, bref se faire le
passeur. »98(*)
Bien que transitoire, cette rencontre entre l'infirmier et le
proche sera d'une grande intensité, imprévisible, teintée
de partage et d'humanité.
L'approche infirmière est un compromis entre une
présence trop envahissante, et une distance exagérée,
pouvant s'apparenter à de l'indifférence. Recherche d'une juste
place, permettant d'aider le prochain, mais lui laissant la capacité de
repartir, seul, pour affronter le chemin qu'il lui reste à parcourir.
Soutenir la famille, avoir un regard sur chacun, mais
préserver aussi son intimité, et s'effacer lorsque le temps sera
venu.
La relation instaurée en cet instant est subtile,
délicate et singulière.
Paul Ricoeur évoque la
« spontanéité bienveillante »
inhérente à cette relation, qui selon lui, doit
allier « la distance du respect et l'union de
l'amour. »
Favoriser le partage :
La famille se retrouve autour du défunt. Ainsi
réunie, elle se fait l'écho de toute sa diversité.
L'intensité des émotions partagées exacerbe bien souvent
les différences. Les réactions, les attitudes, peuvent être
divergentes, voire diamétralement opposées : Repli sur soi,
agressivité, expression vive de la peur, de la colère, du
chagrin. Le soignant peut s'attarder auprès de celui qui s'effondre, en
retrait, ou de celui qui, plus expansif, hurle sa peine. Il peut se faire le
lien entre ces proches qui vivent chacun à leur manière cet
événement.
« Les intervenants sont efficaces s'ils savent
amener les proches, au moment du décès, à en parler entre
eux, et après, dans la durée, afin que les souvenirs soient
racontés aux plus jeunes ou aux plus
éloignés. »99(*)
Apaiser la culpabilité :
Il arrive que les proches se sentent coupables de n'avoir pu
être davantage présents, actifs, ou investis dans la prise en
charge antérieure. Ils expriment alors cette culpabilité, bien
lourde à porter. Certains supposant même que leur absence ait eu
une incidence sur l'échéance du décès. Il peut
être important de rassurer les familles concernant cet aspect :
« La notion d'accompagnement...inclut la
possibilité de transmettre aux familles cette notion du choix du sujet
à décider de sa mort et de son moment...Cela désengage et
désamorce la culpabilité des proches, d'accepter le choix de
l'autre comme lui appartenant. »100(*)
La quête de sens :
« La question brûlante du sens se pose
devant toute situation de souffrance qui vient comme arrêter le
déroulement de nos existences, qui sont bien loin d'être de longs
fleuves tranquilles. »101(*)
Quel sens donner à la souffrance ? Souffrance
physique, endurée par celui qui vient de nous quitter, et souffrance
morale, ressentie si fortement par celui qui reste.
Les proches interpellent souvent l'infirmier à ce
sujet, comme un témoin de ce questionnement, de cette
incompréhensible réalité.
Pour certains, la souffrance est perçue comme
scandaleuse, absurde, et aucune croyance ne saurait en adoucir la violence.
Pour d'autres, la croyance en la réincarnation induit un karma,
punissant dans cette vie ci les erreurs faites dans une vie
antérieure.
D'autres, s'appuyant sur des fondements religieux, chercheront
à expliquer l'épreuve endurée, évoquant
l'idée d'une souffrance rédemptrice.
L'intervention de la religion est toute proche en cet instant,
comme l'évoque l'immam Tareq Oubrou : « L'homme
convoque la religion pour comprendre ce qui lui
arrive. »102(*)
Afin de comprendre ce qui semble inexplicable, inacceptable,
l'homme lève les yeux au ciel, cherchant une réponse à ce
qu'il ne peut expliquer :
« Quand l'horizontal se ferme, le vertical
s'ouvre, la transcendance. » propos de l'imam Tareq Oubrou
La plupart des religions sont essentiellement fondées
sur le sens qu'elles donnent à la perte, à la douleur et à
la mort. Mais cette quête de sens peut s'affranchir de l'aspect
religieux :
« Dans cette quête de sens, la tradition
religieuse peut certes offrir un secours valable, mais ceux qui ne souscrivent
à aucune vision religieuse du monde peuvent aussi, sur la foi d'une
réflexion attentive, trouver signification et valeur à leur
souffrance. »103(*)
Cette recherche de sens est inhérente aux grandes
épreuves jalonnant nos vies.
« Toute interrogation sur le sens va de pair
avec une interrogation critique sur nos représentations de la maladie,
la souffrance et la mort. »104(*)
Mais si légitime soit cette interrogation, faut-il
pour autant lui donner réponse ?
« S'il est dangereux de dire que la souffrance
a un sens, il est encore plus dangereux encore de n'en faire qu'un
non-sens »105(*)
Infirmiers et proches sont face au même questionnement,
dont aucun ne détient la réponse. L'ignorance du sens de la mort,
de la souffrance, pourrait il permettre de restituer tout son sens à la
vie ?
« Ce n'est pas parce qu'il y a de la souffrance
que la vie n'a pas de sens, c'est parce que la souffrance existe que la vie
doit avoir d'autant plus de sens »106(*)
Une remise en question :
Il peut sembler intéressant de se questionner
concernant la motivation à partager ces instants avec les proches.
Au delà du cheminement commun, cette situation reste
propre à l'histoire de la famille, et le regard extérieur doit
être juste, et ne pas tendre vers une forme de voyeurisme.
Ainsi le soignant peut il s'interpeller sur sa motivation
à observer une telle scène, et sur l'éventualité
d'un bénéfice secondaire qui manquerait de justesse. Peut-il au
travers d'une certaine attraction pour cette scène, se rassurer,
trouver un moyen de soigner ses propres blessures?
L'attitude inverse, qui serait de fuir ces instants
partagés, de refuser cette présence à l'autre, peut
également interpeller. L'attitude de l'infirmier se fait parfois
l'écho de ses propres mécanismes de défense. Ainsi,
l'agressivité, la banalisation, la fuite, sont des modes
réactionnels parfois mis en oeuvre involontairement. Le besoin de tout
maitriser n'en demeure pas moins anodin :
« Ils fonctionnent alors par des
réassurances factices auprès des malades et des familles, et
cherchent à avoir réponse à tout ; ou encore un
hyperactivisme dans le domaine des gestes pratiques et matériels visant
à tout contrôler, tout maitriser, pour ne pas être
confrontés à ce vide béant de
l'angoisse. »107(*)
Il peut être bénéfique pour l'infirmier de
se pencher sur lui-même, sur son fonctionnement, et ses attitudes, afin
de trouver justesse et cohérence dans le cadre de l'accompagnement qu'il
effectue au quotidien. Sa pratique, évoluant au fil des remises en
question, n'en serait que plus pertinente.
Sans être le juge trop sévère de sa
pratique, il peut ainsi soulever certain aspect de son fonctionnement, mieux se
connaître, et améliorer sa relation à l'autre, au coeur du
soin.
« L'accompagnement apparaît donc comme le
fil d'Ariane de l'aventure humaine Il ne cesse d'évoluer et de
s'approfondir tout au long de l'existence. Notre mot clé sera là
encore comprendre : se comprendre et comprendre
l'autre. »108(*)
L'accompagnement des familles face à la mort peut
susciter chez le soignant le besoin d'effectuer un travail sur lui même.
Travail ayant une incidence indéniable sur sa pratique, bien
délicate en cet instant.
D'après les différents concepts
étudiés, nous pouvons affirmer qu'en effet, l'instant qui suit
le décès a une importance non négligeable sur les
proches.
Selon Alain de Broca, tout événement survenant
à cet instant sera inscrit profondément dans la mémoire de
l'endeuillé :
« Toutes nouvelles informations et toutes
paroles vont donc s'inscrire dans une autre dimension temporelle. Toutes les
phrases dites par le personnel soignant, tous les gestes vont ainsi se fixer
pour toujours dans leur mémoire et pourront, s'ils sont mal entendus ou
mal perçus, être la source de questionnements ou de pointes
irritatives pour l'endeuillé pendant de longs mois.»109(*)
L'infirmier, par son attitude, ses mots, ses gestes, pourrait
avoir un certain impact sur cet instant.
Je souhaite mettre cette hypothèse à
l'épreuve du terrain, en approchant les infirmiers libéraux.
Découvrir leur vision de cet instant, ainsi que leurs pratiques.
Méthodologie de l'enquête exploratoire
Apres avoir exploré différents concepts, et mis
en lumière les connaissances nécessaires à une approche la
plus adaptée possible, il semble intéressant de se tourner vers
les professionnels infirmiers.
Les objectifs de l'enquête:
Evaluer la place faite à cet instant dans la pratique
infirmière : fréquence, disponibilité, participation.
Découvrir quel regard portent les infirmiers sur cet
instant particulier: impact, conséquences, valeur.
Recueillir des informations concernant leurs pratiques, leurs
actions, leurs habitudes.
Le choix de l'outil :
Pour approcher les infirmiers libéraux, le
questionnaire m'a semblé être un bon outil, adapté à
la charge de travail qui est la leur, à leur disponibilité.
J'ai donc établi une succession de questions afin de
connaître leur approche de cet instant, leurs pratiques, leurs habitudes.
Population cible, et méthode
d'échantillonnage
L'échantillon était constitué
d'infirmiers libéraux du département de l'Isère, choisis
de façon aléatoire, par tirage au sort des localités, puis
deux infirmiers par localité.
Le nombre d'individu fût limité à 110, en
raison du budget restreint alloué à mon travail: papier,
impression, affranchissement.
Elaboration du questionnaire :
La pré-enquête a consisté d'une part, en
une importante recherche bibliographique.
Celle ci m'a permis de m'imprégner pleinement du sujet,
de le percevoir sous de multiples aspects.
D'autre part, les échanges informels au sujet de mon
travail, avec plusieurs collègues infirmiers, ont fait émerger
certains aspects pratiques non négligeables.
J'ai fait le choix de mêler questions fermées
à choix multiple, et questions ouvertes, à réponse
textuelle.
Laisser une large part aux commentaires libres était
essentiel à mes yeux dans un domaine aussi complexe que la fin de vie
à domicile.
En effet, envisager cet instant, au fil de mon travail,
n'écarte pas la possibilité de tenir certains aspects non moins
intéressants à distance, et ce par oubli, ou
négligence.
Le fait que les infirmiers puissent exprimer ce qui leur
semblait être important sans être entièrement cadrés
par le fil rigoureux des questions fermées me paraissait
impératif.
Test du questionnaire :
Un premier fût établi, et testé
auprès de plusieurs collègues.
Certaines questions furent remaniées au détour
de cet essai. En effet, certaines se sont avérées peu explicites,
ou devant faire preuve de clarification.
Certaines questions furent supprimées afin de
raccourcir le temps de réponse .Rajout de quelques aspects non
envisagés.
La durée de remplissage estimée à environ
10 minutes me semblait un temps imparti raisonnable.
La distribution du questionnaire :
Celui ci fût envoyé en septembre 2012, par voie
postale, accompagné d'un courrier expliquant l'objet de mon travail, et
d'une enveloppe timbrée permettant de me l'adresser par retour.
Il fût spécifié sur le courrier le
caractère anonyme de l'enquête.
Le délai octroyé pour la réponse
fût d'un mois et demi, cela donnant le temps à chacun d'y
répondre au moment le plus opportun.
Taux de retour :
56% des infirmiers questionnés ont répondu
à l'enquête, soit 62 individus.
Ce taux ne veut et ne peut être statistiquement
représentatif, mais permet une première approche, si modeste soit
elle.
En effet, la population des infirmiers libéraux en
Isère est de 1516 individus110(*)
Le panel de réponse ne correspond qu'à 4% de la
population mère considérée.
Saisie des données :
Les réponses aux questions fermées à
choix multiples seront exprimées par représentations graphiques,
afin de visualiser plus clairement leur répartition.
Les commentaires libres seront synthétisés,
restant en lien avec chaque question dont ils découlent.
Les réponses écrites ayant été
parfois longues, je propose d'en extraire les mots clés
récurrents, et de chiffrer leur apparition en nombre de
récurrences.
Interprétation :
Les réponses seront mises en lien avec le cadre
conceptuel, afin de permettre une discussion constructive et critique.
Présentation des résultats
Infirmiers interrogés :
Les infirmiers ont pour 78% entre 30 et 49 ans. 6% ont moins
de 30 ans, et 16% plus de 50 ans.
L'ancienneté de l'exercice en secteur libéral
est très variée, allant de 4 à 34 ans.
Infirmiers et soins palliatifs :
La place des soins palliatifs dans la pratique des
infirmiers libéraux :
64 % des infirmiers admettent suivre parfois des patients dans
le cadre de soins palliatifs. Souvent et très souvent : total de
36% .Aucun d'entre eux n'est jamais amené à effectuer des soins
dits palliatifs.
Il semble donc que les soins palliatifs soient
intégrés pleinement à la pratique des infirmiers
libéraux. Cette catégorie de prise en charge se
révèle être périodique et récurrente.
La fréquence des décès survenus
à domicile, par année :
Les décès surviennent rarement au domicile du
patient.
Aucun décès : 9
Un décès par an: 28
Deux décès par an: 24
Trois décès par an: 1
Les infirmiers relatent pour la plupart entre 1 et 2
décès par an à domicile.
Infirmiers et présence après le
décès:
La disponibilité des infirmiers vis
à vis de cet instant:
La majorité des infirmiers interrogés (61%)
affirme proposer spontanément aux proches de les appeler lorsque
surviendra le décès.
Il y a donc une proposition faite aux familles, l'infirmier
évoquant la possibilité d'être appelé lors de cet
instant.
Certains prennent l'initiative de donner leurs
coordonnées téléphoniques personnelles afin d'être
joignables plus facilement :
Si le décès survient la nuit, la majorité
accepte de se déplacer au domicile (88%) :
Nous pouvons souligner l'acceptation des infirmiers à
être sollicités sur un temps consacré à la vie
personnelle, à savoir la nuit.
Le recours à l'infirmier lors du
décès :
La famille a donc fréquemment recours à
l'infirmier lorsque le décès survient.
Le temps consacré à cet
instant :
Les infirmiers estiment rester au domicile pour la
majorité entre 1H et 2H.
35% d'entre eux évaluent leur présence entre
30min et 1h.
Infirmiers et soins au défunt :
La réalisation de la toilette par
l'infirmier :
Les infirmiers sont partagés concernant le fait
d'effectuer une dernière toilette.
Les commentaires leur ont permis d'expliciter leurs
divergences à ce sujet.
Commentaires libres :
Sachant que ce soin est effectué par les entreprises
funéraires dès la prise en charge du corps, certains estiment
qu'il n'est plus nécessaire de le réaliser : 12
récurrences.
Beaucoup expliquent avoir fait évoluer leurs
pratiques ces dernières années, affirmant effectuer ce soin
bien plus souvent par le passé : 16 récurrences.
A l'inverse, ceux qui continuent à la réaliser
expliquent y voir une dernière marque de respect, un
dernier hommage : 16 récurrences
La réalisation de la toilette du défunt est donc
peu uniforme, selon le profil de chaque soignant.
Par contre, la présentation du défunt a une
importance certaine à leurs yeux :
Importance de la présentation du corps du
défunt :
Les soignants sont donc presque unanimes, approuvant l'impact
que peut avoir l'image du corps sur l'entourage et la famille.
Commentaires libres :
Visage apaisé : 23 récurrences.
Visage serein : 8 récurrences.
Un beau visage : 5 récurrences.
Faire disparaître l'équipement
médical du corps : 16 récurrences.
Le positionnement du corps, et des mains : 6
récurrences.
Influence des croyances sur les soins
pratiqués :
81% des soignants prennent en compte les croyances lors des
soins au défunt
Seul 19% affirment ne pas en tenir compte.
La majorité des infirmiers admet donc que
les croyances ont un impact sur la réalisation des soins au
corps.
Commentaires libres :
Ils évoquent la toilette (7), l'habillage
du défunt(4), la position de ses mains(5), la
présence d'objets symboliques(7) et de bijoux.
La notion de religion(19) est évoquée.
Infirmiers et accompagnement des proches
Ancienneté de la relation :
97% des infirmiers ont suivi les patients dans le cadre de
soins, avant la phase dite palliative.
Pour la plupart, la durée du suivi peut être
estimée à plus de deux ans.
Les prises en charge tardives semblent plus rares.
Il apparaît que les infirmiers libéraux aient
donc une relation ancienne avec les patients
suivis en soins palliatifs, les ayant bien souvent accompagnés en amont
lors de la phase dite curative.
Leur connaissance du patient se comptant parfois en
années.
Ils ont donc un lien ancien avec la famille proche,
présente au domicile.
Isolement des proches :
52% des infirmiers admettent se retrouver parfois avec un
proche isolé, seul auprès du défunt.
29% admettent que cette situation se présente
souvent.
Il n'est donc pas rare qu'un proche soit seul après le
décès, sans avoir de famille venant l'accompagner dans cette
étape.
Une aide pour les formalités
administratives
La majorité des infirmiers interrogés est
amenée à expliquer les formalités administratives aux
proches.
D'après les infirmiers, la constatation du
décès par le médecin est une procédure bien connue
des familles (71%).
En revanche, les conditions de transport du corps par les
entreprises de pompes funèbres le sont beaucoup moins. 90 % des
infirmiers affirment que celles si sont mal connues des proches.
Commentaires libres
Sont mal connus : le délai de conservation du
corps à domicile (12), le choix libre d'une entreprise de
pompes funèbres (10), le lieu ou sera déposé le
corps en attente de l'inhumation, ou la crémation
(6).
Certains infirmiers relatent effectuer les
démarches à la place de la famille : 23
récurrences
Ils en donnent plusieurs raisons :
Les familles sont perdues, incapables d'agir,
paralysés, perturbés, en plein désarroi.
Le grand âge du conjoint survivant
intervient.
Certains pensent important de décharger la famille,
d'autres soulignent au contraire qu'il faut leur laisser effectuer ces
démarches. Dans ce cas, les infirmiers affirment conseiller,
orienter, être un appui, un soutien.
La mise en place d'un dialogue infirmier/
famille
42% des infirmiers ont sont souvent l'occasion
d'établir une discussion approfondie avec les proches, après le
décès.
Commentaires libres :
Ils évoquent des thèmes divers abordés
lors de cet échange :
Le défunt : sa vie, son parcours, sa
personnalité, les regrets concernant bons moments
partagés, mais aussi les remords inhérents aux
différents conflits familiaux
Le vécu de la maladie : le soulagement de la
douleur, la souffrance morale, le délai
écoulé avant le décès.
Les circonstances du décès :
Durée de l'agonie, souffrance, « pensez vous qu'il se
soit senti partir ? »
Le proche : Sa façon d'envisager l'avenir, la
tristesse, le soulagement de voir se terminer une situation insupportable.
Les croyances : l'au delà, la vie après
la mort, ou au contraire, la remise en cause de ces croyances.
Le sens : « pourquoi lui »,
« il n'a jamais fait de mal à personne »,
« pourquoi autant de souffrance. ». Recherche dans
la vie menée d'une raison expliquant la souffrance subie.
L'importance des mots :
Presque la totalité des infirmiers (97%), estiment que
les mots ont une portée, au delà de
l'échange qu'ils ont eu avec la famille.
Mots difficiles à choisir pour 61% d'entre
eux :
Commentaires libres :
Plus que les mots, le contenu du discours semble poser
problème aux infirmiers : Certains ont peur de choquer (5
récurrences), d'avoir des propos maladroits (9
récurrences ). D'autres ne savent pas quoi dire face à
la souffrance (15 récurrences ), ne trouvent pas les mots(3
récurrences ). Certains expliquent écouter le proche
avant de parler à leur tour (22 récurrences), ne pas
briser le silence (14 récurrences).
Suivi après le
décès :
La majorité des infirmiers affirme revoir les proches
à distance du décès.
Commentaires libres :
Cela survient de façon fortuite (dans la rue,
les commerces), 34 récurrences.
De nombreux infirmiers précisent planifier une
visite auprès du proche à distance du
décès : 19 récurrences. L'objectif étant
de dépister la détresse, l'isolement. De boucler,
finaliser la prise en charge. Les proches ayant besoin
d'évoquer la période palliative, le soulagement de la
douleur.
Parfois, la famille convie l'équipe
infirmière autour d'un repas ou d'un café pour remercier : 5
récurrences.
De nombreux infirmiers évoquent l'absence de suivi
des proches après le décès du patient, et ressentent
le devoir de visiter le proche à posteriori.
Plusieurs évoquent une faille au sein de la
société dans ce domaine, voyant des proches livrés
à eux mêmes, ne sachant vers qui se tourner pour obtenir de
l'aide : 6 récurrences.
Infirmiers et approche de cet
instant :
L'impact de l'infirmier sur l'ambiance qui
règne au domicile
71% des infirmiers pensent qu'ils ont un rôle à
jouer concernant l'ambiance régnant au domicile après le
décès.
29% affirment n'avoir aucun impact dans ce domaine.
Commentaires libres :
L'ambiance globale idéale : La
sérénité (8 récurrences),
l'apaisement (10 récurrences), le calme
(14 récurrences ) , sont des notions récurrentes
dans leurs écrits.
La vision de la scène : L'aspect
et l'installation du défunt (23 récurrences),
le rangement de la pièce centrale (6
récurrences ), sa démédicalisation (21
récurrences), avec la disparition du matériel ayant
trait aux soins.
La luminosité est
évoquée : l'éclairage, la pénombre,
les bougies, les volets mis clos : 3 récurrences
L'odeur est citée : 4
récurrences.
La relation entre le défunt et ses
proches : le pourtour du lit doit être
dégagé, afin de permettre la libre circulation des
proches (9 récurrences). Le fait de disposer des chaises
autour du lit.
La juste place de l'infirmier : la
notion de disponibilité (11 récurrences ), de
discrétion (9 récurrences ).
L'accompagnement : avec la notion
d'écoute (26 récurrences ), d'accueil des
proches arrivés sur le lieu du décès (8
récurrences ).
Le bruit, avec la nécessité
d'en faire le moins possible (3 récurrences). L'usage de la
musique à la demande de la famille (1 récurrences).
Leurs gestes dans ce domaine :
Attitude : Gestes calmes (28
récurrences), écoute attentive (16
récurrences), Respecter souhaits défunt(6
récurrences )
Discours : Rassurer sur la souffrance (11
récurrences), l'acceptation de la mort par le
défunt(5 récurrences), discussion sur le fait de
garder le corps au domicile plus ou moins longtemps (4
récurrences ).
Actions concrètes : Ménage chambre (8
récurrences ), élimination matériel(15
récurrences), toilette de défunt, installation
avec ou sans l'aide de la famille.
Ambiance : réglage de la lumière
(6 récurrences ), Musique de fond (1
récurrences), utilisation de parfum ou désodorisant
si odeur désagréable (3 récurrences ).
L'attitude de l'infirmier :
Presque la totalité des infirmiers (97%) admet le fait
que son attitude globale lors de cet instant est importante.
Seul 3 n'abondent pas en ce sens.
Commentaires libres :
Etre calme, serein, posé, faire
preuve de douceur : 26 récurrences
Faire preuve de disponibilité, sans toutefois
se montrer envahissant : 20 récurrences
Ecouter activement, en faisant appel à la
reformulation.19 récurrences
Rester professionnel et respectueux.13
récurrences
Savoir aider, soutenir les proches.12
récurrences
Rassurer les proches concernant l'absence de
douleur, les réconforter : 9 récurrences
Atténuer les regrets : 3
récurrences
Respecter les désirs du
défunt :3 récurrences
Vécu de cet instant par les
infirmiers :
La majorité des infirmiers (74%), affirme
apprécier cette présence auprès des proches, dans
l'instant qui suit le décès.
Commentaires libres :
Les infirmiers soulignent le fait de devoir accompagner
jusqu'au bout le patient et sa famille, même pour cette dernière
étape.
Ils évoquent une relation humaine faite
d'amitié (2 récurrences), le lien
construit (12 récurrences), l'intimité avec la
famille (8 récurrences), la compréhension
(5 récurrences), le partage réciproque
(7 récurrences), la notion d'accompagnement
(16) récurrences.
Certains soulignent le fait d'apprendre beaucoup de
ces moments de vie(6) récurrences.
D'autres évoquent le sentiment d'un travail
achevé(8), une manière de clôturer la
relation (5 récurrences).
Certains ont souligné le terme utilisé dans ma
question, à savoir « aimez-vous » :
Ce mot n'était pas celui qu'ils auraient choisi (4
récurrences). Certains l'aurait remplacé par : plaisir
d'un travail bien fait (1 récurrences), devoir vis à vis
des proches (3 récurrences).
78% d'entre eux estiment que cela fait partie
intégrante du métier que d'accompagner les proches
après le décès du patient.
Gratuité des soins
La majorité des infirmiers déclare ne recevoir
aucune rémunération pour le temps passé
auprès des proches, les conseils, et l'aide apportée dans cet
instant.
68% d'entre eux effectuent toujours cette aide
gracieusement.26% souvent 6% parfois.
Il est donc question dans la majorité des cas d'un acte
gratuit, d'un don de présence auprès des proches.
Commentaires libres :
Pour 12 infirmiers, la gratuité de cet acte est
considérée comme évidente et normale. Les
critères motivant cette démarche étant multiples :
Acte de soin ne relevant d'aucune prescription
médicale, donc ne pouvant être l'objet d'honoraires. (15
récurrences).
Démarche entièrement volontaire et
personnelle : 6 récurrences.
En accord avec des valeurs personnelles : 4
récurrences.
Infirmiers et questionnements :
La demande de formation
La question de la formation est nettement
plébiscitée.
Ainsi, la grande majorité des infirmiers (71%) pense
qu'une formation concernant l'après décès pourrait
être bénéfique à leur pratique.
Commentaires libres :
Huit infirmiers ont malgré tout souligné le fait
qu'établir une conduite à tenir rigoureuse serait
absurde, retirant toute spontanéité, toute liberté dans
cette prise en charge. La notion de protocole (5 récurrences))
a été utilisée, expliquant le peu
d'autonomie que ceux ci laissent aux infirmiers.
D'autres ont évoqué une demande de connaissance
concernant le choc initial (2 récurrences), et le travail
de deuil du proche survivant. (9 récurrences)
Commentaires libres :
La notion de questionnement est apparue de façon
significative dans le champ commentaires et témoignages libres.
Les infirmiers évoquent à maintes reprises le
manque d'espace de parole (17 récurrences) pour
évoquer et partager leurs expériences. Certains se remettent en
question, et regrettent l'absence de supervision (6
récurrences) dans le secteur libéral. Selon eux, un
débriefing (8 récurrences) au terme de
certaines prises en charge serait salutaire, afin d'ajuster leurs attitudes.
Beaucoup expliquent se réunir entre collègues au sein du
même cabinet pour se questionner autour de leurs difficultés
(12 récurrences).
D'autres cherchent un regard extérieur, en se
mettant en relation avec des médecins et professionnels de santé
connu de leur réseau (5 récurrences).
Plusieurs d'entre eux mettent l'accent sur la
solitude inhérente à l'exercice libéral (8
récurrences).
Un instant....
Nous sommes en hiver,
Il fait nuit, il est 2h50 à ma montre,
Mr B vient de s'éteindre, sa fille vient de
m'appeler.
Je me gare devant la maison, ma collègue me rejoint.
Nous entrons, ensemble, la famille nous attend.
Les deux filles sont présentes.
L'ainée, calme, d'apparence forte et sure d'elle,
réconforte sa mère.
La plus jeune est assise et pleure dans le salon.
Le médecin arrive, nous le retrouvons avec ma
collègue, dans la chambre du défunt.
Tous les trois, nous faisons la toilette, puis l'habillons
avec les effets choisis par sa femme. Elle tient à le voir ainsi, elle a
choisi avec soin cette dernière tenue
Nous quittons la chambre, le médecin dresse le
certificat de décès.
L'ainée vient voir son père, lui parle, sa
sérénité est évidente.
Des pleurs surgissent dans le salon, timides, contenus.
La plus jeune pleure.
Ma collègue s'approche d'elle, la prends doucement dans
ses bras.
Elle fond en larmes, explique sa tristesse.
Elle n'arrive pas à se diriger vers la chambre, ne peut
pas voir son père.
C'est au dessus de ses forces.
Elle voit sa soeur le faire, l'admire, voudrait rendre elle
aussi cet hommage, embrasser son père, le voir, le toucher, mais ne peux
pas.
Je suis en retrait, plus loin, j'écoute l'ainée,
qui retrace le déroulement des derniers mois ;
Je devine les mots de ma collègue, je l'entends
chuchoter.
Puis je vois cette jeune femme allumer une petite bougie,
prendre un petit morceau de papier, écrire quelques mots pour son
père, en regardant la lueur de la flamme.
Je la vois apaisée.
Elle a entendu qu'elle pouvait être présente
à sa façon, rendre un hommage différent, avec son coeur,
ce qu'elle est, sans exiger d'elle même ce qu'elle ne peut supporter.
Juste quelques mots...glissés en cet instant
Quelques mots, tous simples, glissés dans le creux de
son oreille, et de son coeur, au bon moment.
Discussion
Cet instant, si rare
Les infirmiers libéraux suivent
régulièrement des patients dans le cadre des soins palliatifs.
26% d'entre eux déclarent prendre en charge des
patients dans le cadre de soins dits palliatifs assez souvent. 64% parfois, 10%
très souvent.
Les résultats de l'enquête exploratoire indiquent
une prise en charge périodique, et récurrente dans la pratique
des libéraux. Malgré tout, il est rare qu'ils puissent mener le
suivi jusqu'au décès du patient.
En 2009, seuls 27% des décès eurent lieu
à domicile, les réponses infirmières sont donc le reflet
de cette réalité, avec en moyenne entre 1 et 2
décès par an à domicile.
De ce fait, les infirmiers ne sont que très rarement
confrontés à cette situation, et à l'instant particulier
qui succède au décès.
Cet infirmier, présent à l'instant
58% des infirmiers admettent être toujours
appelés par la famille lorsque survient le décès. 26% le
sont assez souvent, 16% parfois.
Cette présence de l'infirmier est à mettre en
lien avec la disponibilité qu'il accorde à cet instant. En effet,
61% d'entre eux proposent spontanément d'être appelés par
les proches lors du décès.
81% des infirmiers acceptent d'être contactés la
nuit si le décès intervient sur ce temps là. 42% d'entre
eux sont amenés à donner leurs coordonnées personnelles de
façon systématique, et 26% assez souvent. Ils acceptent ainsi
clairement d'être sollicités hors des horaires de travail
établis, sur un temps consacré à la vie personnelle.
Après le décès 42% des infirmiers
affirment passer entre 1H et 2h au domicile. 35% restent sur place entre 30
minutes et une heure. Plus rares sont ceux qui restent sur une période
très courte (moins de 30 minutes) ou très longue (plus de deux
heures).
Ce temps imparti peut être considéré comme
conséquent dans le cadre d'une tournée de soins à
domicile. La charge de travail des infirmiers libéraux, bien que
variable, reste relativement lourde.
Ce défunt, objet de tant d'égards
Le corps objet de tous les soins :
La réalisation de la toilette du défunt semble
très inégale, d'un infirmier à l'autre. Les
professionnels semblent partagés concernant ce soin.
Bien qu'absent du référenciel des soins
infirmiers, il était largement effectué il y a quelques
années. Ainsi, plusieurs infirmiers précisent avoir fait
évoluer leurs pratiques, la toilette étant bien plus
pratiquée par le passé.
26% des infirmiers interrogés n'effectuent jamais ce
soin. Plusieurs d'entre eux ont argumenté ce choix, expliquant
qu'à présent, la toilette est prise en charge par les entreprises
de pompe funèbres, et que celle ci disposent de techniques bien plus
adaptées. En revanche, 23% admettent la réaliser de façon
systématique. Les raisons évoquées sont multiples.
Certains y voient un hommage rendu au patient, au travers de
ce dernier soin. Cela rejoint les écrits de Louis Vincent Thomas,
explicitant le fait que la toilette ne réponde plus uniquement aux
exigences de l'hygiène, mais davantage à la notion d'hommage.
Cette déférence vis à vis du défunt est clairement
mise en évidence. Certains infirmiers expliquant respecter un engagement
pris antérieurement avec le patient, ou évoquant un ultime
devoir.
D'autres y voient une manière de mettre fin à la
prise en charge, de boucler la relation avec le patient, en approchant une
dernière fois ce corps devenu familier :
« Faire la toilette peut donc être une
manière de terminer un processus d'accompagnement et de laisser partir
l'autre. »111(*)
Il est à noter que 43% des infirmiers ont
répondu parfois. Cette nuance pourrait mettre en lumière une
disparité de leur conduite, en fonction du contexte. La
réalisation du soin pourrait être fonction de différents
facteurs plus ou moins objectifs, parmi lesquels la relation établie
avec le patient, sa famille, ou les engagements tenus préalablement.
Le souci de l'image
L'image renvoyée par le corps semble avoir une
importance capitale aux yeux des infirmiers.
97% d'entre eux estiment que la présentation du
défunt a un impact sur les proches.
Les commentaires libres qualifiant cette image ont
été nombreux, se rejoignant pour la plupart. L'expression du
visage est largement évoquée, et les qualificatifs
« apaisé » et « serein » sont
parmi les plus cités. Cette volonté peut être mise en lien
avec plusieurs concepts détaillés précédemment.
Apparaît clairement le désir de dissimuler les
effets dévastateurs de la mort sur le corps, notion soulevée par
Louis Vincent Thomas. Eviter que le visage ne reflète la douleur,
l'inconfort, la crispation. Sans doute ce souci de l'image est il une
volonté de rendre la confrontation à la mort moins violente pour
les survivants. Bien que le proche voit au delà de l'image en elle
même, comme le précisait Patrick Baudry, cette vision demeure une
préoccupation réelle. Ce souci du dernier souvenir visuel fait
référence à la mémoire, la mémorisation de
la scène étant sous jacente.
Quelques infirmiers évoquent la beauté se
dégageant du visage, ce qui, nous l'avons vu précédemment,
rejoint une conception plus ancienne, apparaissant dans les écrits de la
période romantique.
Cette préoccupation portée sur le visage est
bien souvent partagée par les proches :
« Les proches sont très sensibles
à l'aspect du visage qui, souvent, a retrouvé une certaine
sérénité et même une beauté effaçant
toute marque de souffrance. Parfois un sourire se dessine. Dans d'autres cas,
le visage abimé par la maladie reste difficile à regarder
malgré les soins apportés. »112(*)
Le positionnement du corps est cité,
précisément des mains et des bras, Il est choisi avec soin, en
accord avec la famille.
Plusieurs infirmiers soulignent l'importance de faire
disparaître rapidement le matériel médical. Cette attitude
peut avoir une portée symbolique, faisant disparaître le monde du
soin, désormais devenu illégitime, laissant ainsi place aux
rituels.
L'intérêt porté à l'apparence du
défunt est en lien direct avec l'exposition de celui ci au regard. Cette
présence des proches auprès de lui est un temps d'observation
avant tout. L'image a donc une importance, qui, bien que relative, est prise en
compte par la grande majorité des infirmiers.
Le respect des croyances
81% des infirmiers admettent que les croyances du
défunt ont un impact sur les soins qu'ils réalisent. Le rituel
inhérent à chaque religion intègre le soin,
particulièrement la toilette, le positionnement du corps et des
mains.
Plusieurs objets symboliques ou religieux peuvent être
disposés auprès de défunt.
Les infirmiers expliquent suivre dans ce cas les
recommandations de la famille.
Ce proche, au coeur de l'attention
Ce proche, bien connu de
l'infirmier :
L'ancienneté de la relation avec le patient est
intimement liée à la connaissance des proches. En effet, en
intervenant au domicile du patient, l'infirmier est intégré au
domicile, à l'intimité, et rencontre forcement les proches, les
amis, la famille.
97% des infirmières affirment avoir suivi les patients
avant qu'ils ne soient en soins dits palliatifs. 43% d'entre eux ont pris soin
de ces patients depuis plus de deux ans. 37% entre un et deux ans. 15%
entre 6 mois et un an. Les prises en charge pour des durées inferieures
à 6 mois apparaissent extrêmement rares.
Les interventions à domicile sont donc conduites sur de
longues périodes, permettant un contact étroit et
récurrent avec la famille et les proches du patient.
Les infirmiers ont sans doute une connaissance assez
importante des proches, du contexte de vie, et des relations familiales
entretenues par chacun.
Une aide concrète :
Lorsque survient le décès, la famille doit
effectuer différentes formalités.
Les infirmiers sont amenés à expliquer certaines
d'entre elles aux proches. Ainsi, 45% le font assez souvent, et 49% parfois. Le
constat du décès par un médecin semble être bien
connu des familles. D'après les réponses infirmières, ce
constat ne serait mal connu que dans 29% des cas. En revanche,
les conditions de transport du corps leur apparaissent comme mal connues dans
90% des cas. Les commentaires libres ont permis de mettre en évidence
plusieurs aspects distincts : le délai de conservation du corps
à domicile, le libre choix d'une entreprise de pompes funèbres,
le lieu ou sera déposé le corps en attente de l'inhumation, ou de
la crémation.
Rétrospectivement, une nuance aurait sans doute pu
être portée à la question. Sachant qu'il peut s'agir en
effet d'une méconnaissance réelle des démarches, mais
aussi d'un trouble lié à la situation, le proche perdant sa
capacité à réfléchir, à rassembler ses
idées, perdant en quelque sorte ses moyens.
Cet aspect a été évoqué à
juste titre par différents commentaires, évoquant bien le
trouble, le fait d'être submergé et paralysé par
l'émotion suscitée.
Un échange, plus subtil :
Au delà des soins au corps et de l'aide apportée
concernant certaines démarches, les infirmiers sont amenés
à échanger avec les proches. Echange qui se traduit par une
discussion plus ou moins approfondie.
Ainsi, 42% établissent cette discussion assez souvent,
29% parfois, 26% toujours.
Cette conversation permet d'aborder plusieurs thèmes
récurrents, mis en évidence par les commentaires.
Ainsi les remords, les regrets sont très
présents dans le discours des proches. La vie du défunt est
évoquée, les un regrettant les jours heureux, les évoquant
avec nostalgie. D'autres relatant les erreurs, les conflits, les mots
prononcés trop vite, les actes malheureux.
« Si le souvenir-regret est voisin du remords,
c'est que le regret de l'irréversible et le remord de
l'irrévocable ne peuvent être entièrement
dissociés...L'homme regrette son bonheur enfui, sa
jeunesse « en allée », mais il ne regrette pas
moins, à l'inverse, la faute qu'il a commise ;il regrette celle-ci
et ceux là, celle ci parce qu'il voudrait ne l'avoir jamais commise,
ceux là parce qu'il voudrait les revivre. » 113(*)
Les proches reviennent aussi sur le vécu de la maladie,
et les circonstances du décès. Certains ayant besoin d'être
rassurés sur l'absence de souffrance, le soulagement de la douleur.
La quête de sens apparaît dans cette discussion,
elle est évoquée par de nombreux infirmiers. Le proche
recherchant la faute, l'erreur commise, justifiant une fin de vie
considérée comme injuste. Les croyances éventuelles sont
intimement mêlées à cette quête.
Enfin, en dernier lieu, le proche évoque parfois
l'avenir, ses perspectives, sa capacité ou non de survivre à
cette disparition de l'être aimé.
La teneur de cette discussion entre l'infirmier et le proche
se révèle être très riche, de par la
diversité des sujets abordés, mais aussi leur profondeur.
Des mots, difficiles à
trouver :
La grande majorité des infirmiers (97%) estime que les
mots employés ont une portée non négligeable sur les
proches, et 61% d'entre eux peinent à trouver le mot juste.
Beaucoup évoquent la difficulté à trouver
les mots face à celui qui vient de perdre un être cher.
« Pourquoi faudrait-il savoir quoi dire à
celui qui devient veuf ou orphelin, quand toute l'intelligence de la mort nous
vient de partager notre incapacité à savoir ce dont il
s'agit ?»114(*)
La quête de sens est largement relatée par les
infirmiers. Quel discours avoir face à celui qui cherche un sens
à la douloureuse perte qu'il vient de vivre ? Doit-on donner sens
à cette perte, quelle attitude adopter ?
D'après Elisabeth Kubler-Ross, il n'est pas
nécessaire de trouver un sens, et d'élaborer une réponse
à ce questionnement :
« Selon moi, ce phénomène
procède de notre besoin de rationnaliser et de donner un sens à
la mort d'un être cher pour masquer notre manque de préparation et
notre difficulté à parler à une famille endeuillée.
C'est pour la consoler que nous tentons de trouver une explication
précise à la mort. Il me semble que pour vous, la meilleure forme
de consolation consisterait à tenir la main d'un membre de la famille
dans la votre et à lui faire sincèrement partager vos
sentiments. » 115(*)
Face à ces difficultés, plusieurs infirmiers
expliquent laisser place au silence, et permettre aux proches de verbaliser
leurs ressentis en premier lieu. Les mots de l'infirmier se posent ensuite, se
faisant l'écho de ce qui a été exprimé dans cet
échange. L'usage de la reformulation ayant été beaucoup
cité.
Qualifiant cette écoute, les infirmiers estiment devoir
faire preuve de douceur, de calme, être posés, sereins, se montrer
disponible, sans paraitre envahissant. Rester professionnel et respectueux.
Certains rassurent les proches, réconfortent,
atténuent les regrets. Cet aspect peut être source de
questionnement. Est-il juste d'atténuer la douleur, par le biais du
discours tenu aux proches. Devant la souffrance, il peut être tentant de
vouloir livrer au proche les mots rassurants qu'il souhaite entendre. Or bien
que compréhensible, cela peut parfois manquer de justesse.
D'après Marie Sylvie Richard, « L'aide proposée
aux endeuillés n'a pas pour visée de minimiser ou
d'atténuer leur souffrance mais de les aider à l'accueillir,
à la ressentir. »116(*)
Et cette écoute, qui limite les mots, qui évite
les pièges, est très difficile à établir.
Délicat exercice que d'écouter une souffrance sans pouvoir y
apposer de mots qui adoucissent, apaisent, rassurent. Ecouter dans un instant
d'une telle intensité ne peut être si évident, l'infirmier
pouvant être partagé entre ses connaissances théoriques et
la réalité de ce qu'il vit en cet instant. Cet écart entre
le mental et l'émotionnel est une réalité inhérente
à cet instant. D'où sans doute la nécessité de
travailler sur cette écoute, afin de trouver une certaine justesse dans
les prises en charges ultérieures. L'écoute serait sans doute
comparable à un art qui se travaille, se construit, se dessine,
évoluant au gré du travail personnel effectué par le
soignant.
Une juste place :
Evoquer ce que peut apporter la présence de l'infirmier
après le décès ne doit pas nous faire oublier
l'humilité inhérente à cette démarche. Cet aspect a
été souligné à très juste titre par
plusieurs infirmiers. En effet, cette aide est avant tout une proposition, une
invitation. Elle ne peut en aucun cas s'imposer :
« Malheureusement, la
vulnérabilité de la fin de vie alimente la sensation de pouvoir
que certains soignants pensent avoir, et qu'ils justifient par un discours
instrumenté de soins de qualité, ramenant les patients et leurs
familles à des objets de soins. Ainsi les soignants doivent savoir
garder leur place, toute leur place, mais rien que leur place. »
117(*)
Elle est avant tout définie par le besoin des proches,
et saura se conformer, s'adapter, se plier à la tonalité et la
couleur de l'instant.
L'intervention de l'infirmier n'a pas vocation à
façonner, formater l'instant, selon l'image idéale qu'il peut en
avoir, au regard de ses connaissances, de ses expériences.
Ainsi, sa vision des choses reste personnelle, et ne demeure
être que sa vérité. Chaque membre de la famille doit
être présent à cet instant, en accord avec ses ressentis,
ses capacités, ce qu'il se sent capable d'accueillir, de voir,
d'entendre. Libre de rester, ou de fuir. De voir, ou de fermer les yeux. Aucune
contrainte ne saurait être acceptable et juste vis à vis d'un
proche confronté à la mort d'un être cher.
A chacun d'accepter et de respecter ses limites. L'infirmier
peut sans doute veiller à maintenir cette autonomie si
précieuse :
« Être autonome, c'est être libre de
décider à chaque instant ce qui est bon pour soi, le cadre et les
règles auxquelles ont se soumet »118(*)
Intuitivement, chacun sait mieux que personne ce qu'il peut ou
non vivre de cet instant.
Cette ambiance, si particulière
L'ambiance de l'instant est au centre de l'attention. 71% des
infirmiers pensent avoir un rôle à jouer concernant l'ambiance qui
régnera dans la pièce ou se trouve le défunt, ou plus
largement, au domicile.
97% des infirmiers estiment que leur attitude globale est
importante.
Plusieurs mots clés qualifiant l'ambiance idéale
ont été largement cités : Le calme, l'apaisement, la
sérénité.
Les infirmiers s'en référent aux
différents sens permettant de percevoir cet instant
clé :
La vision sur la scène est envisagée :
l'apparence du défunt, son installation, l'aspect de la pièce, la
disparition des objets médicaux, la luminosité, semblent autant
d'éléments qui prennent de importance lorsqu'ils sont soumis aux
regards des proches. L'odeur régnant dans la pièce est
citée à quatre reprises. Le bruit est également pris en
compte, avec le souci de le limiter au maximum, et la volonté de
certaines familles d'associer une musique particulière à cet
instant.
La relation au défunt est entrevue : Beaucoup
d'infirmiers relatent le fait de dégager le pourtour du lit, et d'y
placer plusieurs assises. Un détail ayant son importance, permettant aux
proches de s'approcher du défunt, à différents niveaux, et
de s'asseoir à ses cotés.
Enfin apparaît l'accompagnement des proches, avec la
notion d'écoute : De la famille, des amis, présents ou juste
arrivés. Les infirmiers ayant le souci d'accueillir les proches au fur
et à mesure de leur arrivée au domicile. La juste place de
l'infirmier est évoquée, avec un souci de disponibilité,
tout en sachant faire preuve de discrétion.
Un instant empreint d'engagement
Les commentaires infirmiers concernant cet instant laissent
percevoir un réel engagement. Leur disponibilité, leur
présence, le souci porté aux proches sont des
éléments qui révèlent une volonté
d'être pleinement engagés dans cet instant clé de la vie
des familles.
Cet aspect, largement mis en lumière par
l'enquête exploratoire peut susciter un questionnement.
Cet engagement important de l'infirmier libéral
pourrait être mis en lien avec la rareté d'une telle situation
dans sa pratique. En effet, les décès à domicile
étant occasionnels, nous pourrions émettre l'hypothèse que
l'investissement au sein d'une situation ponctuelle, isolée, soit plus
important que si celle ci se présentait fréquemment. Autre
facteur pouvant influencer cet engagement, la connaissance ancienne du patient,
et le fait d'avoir établie une relation de longue date. Les liens
tissés avec la famille peuvent être un élément
déterminant cette volonté de l'infirmier à répondre
présent.
Au delà de ces simples suppositions, quel peut
être le mouvement psychique qui presse l'infirmier à se
déplacer, à donner de son temps ?
Au delà de sa conception du métier, du strict
cadre de ses compétences, pourquoi cette présence ?
Le philosophe Damien Le Guay évoque à ce propos
le concept de vocation humaine :
« Ce qui se révèle dans cette
vocation humaine, c'est bien ce moment particulier ou quelque chose en nous
nous dit que la souffrance de l'autre est au dessus de nos propres
intérêts. » 119(*)
Quelque chose bascule, et les priorités ne sont plus
identifiées de la même manière.
Cette vocation humaine est convoquée lorsque le
soignant se retrouve face au mourant, mais nous pouvons penser qu'une telle
conception soit engagée dans l'instant qui suit le
décès.
La souffrance vécue par les proches peut être un
appel profond et cette présence s'impose, se pose, indiscutable,
incontournable. Levinas quand à lui, parle d'une épreuve
d'humanité.
Face à la souffrance des proches, l'infirmier pourrait
passer en quelque sorte cette épreuve d'humanité.
D'après André Comte-sponville,
« il y a place ici pour un nouvel humanisme, qui ne serait pas
jouissance exclusive d'une essence ou des droits qui y sont attachés,
mais perception exclusive_ jusqu'à preuve du contraire d'exigences ou de
devoirs que la souffrance de l'autre, quel qu'il soit, nous
impose. » 120(*)
Damien Le Gay explique cette vocation proprement humaine, qui
est celle du désintéressement et du souci de l'autre. L'homme,
interpellé dans son humanité, a la faculté de se
décoller de lui-même, vivre pour l'autre, prendre en charge celui
qui est davantage dans l'épreuve qu'il ne l'est lui même. Cela
passe par le visage, ce visage qui appelle, qui regarde.
Cette vocation réquisitionne le soignant, et semble
dépasser le raisonnement.
Ce mécanisme à lieu, même
« en position d'inconfort, et même si la reconnaissance
sociale n'est pas là » Damien le Gay.
Cet aspect qu'est la reconnaissance sociale est à
souligner. L'infirmier libéral n'étant pas forcement reconnu
dans ses actions discrètes, singulières, et souvent peu
ébruitées. Cet aspect a d'ailleurs été
relaté par plusieurs infirmiers.
Les infirmiers interrogés évoquaient
différentes valeurs semblant teinter leurs actions : le souci du
prochain, la gentillesse, la compassion.
Ces valeurs sont individuelles, et sont plus ou moins
développées, en fonction du parcours de chacun. Le
Dalaï-lama définit ce qu'il appelle « la
spiritualité élémentaire » :
« Il s'agit des qualités humaines de
base, la bonté, la gentillesse, la compassion, le souci des autres...En
tant qu'êtres humains, en tant que membres de la famille humaine, nous
avons tous besoin de ces valeurs spirituelles
élémentaires. »121(*)
Cette compassion a été largement citée
par les infirmiers. En effet, comment approcher celui qui souffre sans
être sensible à ce qui l'atteint, le touche ? Ce sentiment
est sous doute un moteur fort de l'engagement en cet instant :
« Une fois admis que la compassion n'a rien
d'infantile ou de sentimental, qu'elle est réellement digne
d'intérêt, une fois perçue sa valeur profonde, alors cela
vous donne immédiatement la volonté de la
cultiver. »122(*)
Sans doute l'approche infirmière est elle empreinte de
cette compassion.
Gratuité : Pour une
majorité de soignant, l'aide apportée aux familles ne donne lieu
à aucune rémunération. C'est le cas pour 68% des
infirmiers interrogés, qui agissent toujours gratuitement. 26%
répondent assez souvent à cette même question. Certains
d'entre eux considèrent cela comme tout à fait normal, cette
démarche étant volontaire et ne répondant à aucune
prescription. En effet, le soutien effectué auprès des familles
ne donne lieu à aucune prescription médicale. Effectuer cette
aide demeure un choix personnel, qui se veut être en lien et en accord
avec certaines valeurs. Cette logique de don présente dans la
démarche infirmière peut susciter la curiosité, faisant
indéniablement écho aux fondements historiques de la profession,
initiée par les religieuses.
Mais cette démarche peut être en partie
expliquée par la grande réciprocité de l'échange
ayant lieu en cet instant.
« L'idée de
générosité n'est jamais très loin lorsqu'on
évoque le don. Et elle peut être objet de gratitude, perçue
comme étant un supplément d'âme ajouté au
professionnalisme, elle est aussi objet de méfiance : quand elle
s'accompagne par exemple d'un débordement affectif suscitant un
positionnement professionnel déviant. »123(*)
Bien que le don puisse sembler suspect dans une
société qui valorise bien plus le profit ou l'échange de
bons procédés, il peut aussi sembler louable, dans une situation
si délicate et douloureuse.
L'empathie vis à vis des familles, l'hommage rendu au
défunt semblent être des moteurs forts à cette forme
d'entraide et de soutien. Cet acte gratuit évoque une forme de don de
soi, dans un instant d'une intensité que l'on peut qualifier
d'exceptionnelle.
Le plaisir
La question « aimez vous être présent
auprès des proches à cet instant » a fait réagir
certains soignants. Quelques uns m'ont interpellée au sein du
questionnaire, précisant que ce mot n'était pas celui qu'ils
auraient choisi. En effet, le choix de cette formulation n'est sans doute pas
neutre, et la question soulevée par leurs commentaires est tout à
fait légitime. Certains d'entre eux ont spécifié
préférer l'usage d'autres termes: plaisir d'un travail bien fait,
devoir vis à vis des proches, être en accord avec ses valeurs.
Un devoir, sans doute, au regard de la majorité des
interrogés : 78% d'entre eux estiment que l'aide apportée
aux proches en cet instant fait partie intégrante de la profession
d'infirmier.
Bien que divisés concernant la sémantique de la
question, « aimer vous être présent »
auprès des proches en cet instant », 70% d'entre eux ont
répondu oui, et 24% non. 6% se sont abstenu de répondre. Une
abstention à considérer avec grand intérêt, en lien
direct avec l'aspect déstabilisant de la question, et sans doute de sa
formulation.
Pour autant, la notion de plaisir, bien que nuancée,
est semble t il à prendre en compte dans l'exercice de la profession.
L'infirmier peut il aimer, ressentir du plaisir au travers de
son exercice, et plus particulièrement dans un moment si difficile pour
son prochain ?
Dans l'affirmative, peut il l'admettre sans être
suspecté de se réjouir du malheur d'autrui ?
Face à la souffrance, apporter une aide, un
réconfort, donne du sens à la présence soignante. Cette
quête de sens est intimement liée au cheminement intérieur
des infirmiers, qui sont au plus près du patient, de ses proches.
Ce rapport perpétuel et récurent à la
mort, la maladie, ne peut être que le terrain fertile d'un questionnement
permanent sur le sens, et la qualité de la relation entretenue avec les
patients.
Avoir plaisir à soutenir le prochain, l'aider, porte
parfois une large connotation négative, le regard critique pouvant n'y
voir qu'une forme de perversion, ou de don suspect.
« Le plaisir des soignants à donner de
soi fût largement perverti par l'histoire religieuse dont la profession a
encore bien du mal à s'émanciper. »124(*)
En effet, l'implication soignante est sans doute
corrélée au plaisir de donner, d'aider, d'accompagner. Donner de
la valeur, du sens à son métier, ses mots, ses gestes.
Face aux patients en fin de vie, puis aux proches
endeuillés, l'infirmière, au coeur d'une intensité
affective, émotionnelle, plus forte que jamais, donne du sens à
sa profession.
« Même s'il est rarement
évoqué, il faut bien parler de ce plaisir sans lequel la
profession infirmière ne serait qu'un métier
épouvantablement ingrat et probablement impraticable. »
125(*) Mais il peut y
avoir une forme malsaine à cette approche, décrite par J.D
Causse :
« Le geste moral peut avoir quelque chose du
rapace qui se nourrit de la détresse et de l'angoisse de l'autre en y
trouvant une consistance ou une
légitimité. »126(*)
Il est possible que cet aspect soit un élément
ayant suscité les remarques des infirmiers. Le terme de plaisir, d'amour
du métier, au coeur de cet instant, évoque sans doute autant ce
qu'il peut révéler de noble que de pervers. Ces notions,
n'étant pas neutre, peuvent prêter à toutes sortes
d'interprétations diamétralement opposées.
Cet aspect met d'autant plus en lumière la
nécessité de clarifier ses intentions, sa démarche, en
faisant preuve d'une réelle introspection.
.
Un instant source de questionnements
Une
formation plébiscitée:
71% des infirmiers interrogés pensent qu'une formation
concernant « l'après décès » pourrait
les aider. Ils sont donc une majorité à vouloir parfaire leurs
connaissances dans ce domaine bien précis.
L'intérêt de la formation serait de donner des
repères intellectuels, éthiques, psycho affectifs aux infirmiers.
« La formation est un des moyens essentiels,
socialement organisé, pour nous permettre ou nous imposer
l'élaboration ou le réaménagement des repères dont
nous avons besoin pour nous situer dans chacune des positions sociales que nous
occupons ou pour effectuer des taches dont nous avons la
responsabilité. »127(*)
Face à la mort, les soignants sont amenés
à se questionner sur leurs croyances, leurs connaissances, leur
système de valeur, leur savoir être.
« La fréquentation de la maladie, de la
souffrance et de la mort suppose des systèmes de défense
efficaces et souples que la formation peut contribuer à enrichir et
à nuancer, aussi bien sur le plan intellectuel que sur le plan
psychologique ou organisationnel. 128(*)
Toute activité permettant la réflexion, l'apport
de connaissances peut être d'un intérêt inégalable
pour le soignant. Les groupes de paroles, d'échange et d'analyse de la
pratique, les formations, sont autant de moyens d'y parvenir.
« La pratique des soins palliatifs est donc,
à l'évidence, doublement concernée par la formation,
l'éducation et le conseil. D'une part dans la mise en oeuvre des soins,
vis à vis du patient et de leur entourage ; d'autre part à
l'égard des soignants et des institutions de soin qui ont besoin de
soutien et de conseil pour agir, évoluer et supporter les souffrances
qui leur sont adressées. »129(*)
La formation, au delà des connaissances qu'elle
véhicule, aurait sans doute la possibilité de donner quelques
clés pour mieux vivre ces situations si singulières,
intégrant le fait que l'infirmier à domicile soit relativement
isolé. Cet isolement a par ailleurs été cité par
plusieurs d'entre eux, évoquant la solitude inhérente à
l'exercice libéral. Partager ses expériences serait donc un
apport intéressant.
Supervision :
De nombreux infirmiers regrettent de ne pas avoir accès
à un groupe de parole pour analyser leurs pratiques. Les termes
supervision, débriefing ont été cités. Cette
volonté de réfléchir au sujet de ses pratiques est
clairement apparu au sein des réponses. Plusieurs d'entre eux expliquent
se réunir entre collègues pour évoquer leurs
difficultés, et échanger à ce sujet.
« La supervision semble être un bon moyen
de décoder les situations permettant de modifier certains comportements
envers les patients. »130(*)
Elle pourrait être un moment de partage riche,
permettant de distinguer les différents comportements face à une
situation similaire.
La solitude des soignants s'y effacerait, permettant la
circulation de l'information, l'analyse des pratiques, des attitudes.
Le partage des expériences au sein d'un groupe peut
être intéressant et permettre une remise en question constructive.
Partager ses questionnements, ses difficultés, mais aussi ses solutions,
ses astuces, peut être grandement valorisant et riche pour chacun. En
effet, de nombreux infirmiers ont une expérience de l'instant qui suit
le décès fort instructive et enrichissante.
Le questionnaire, et les réactions qu'il a
suscitées l'ont bien démontré. De grands
développements écrits ont été relatés, avec
un réel désir de partager à ce sujet.
Cette supervision peut manquer à certains infirmiers
à domicile, du fait de l'exercice au sein d'une équipe
restreinte, ou en solitaire.
Un instant difficile à évaluer
Comment évaluer la qualité de l'aide
apportée par l'infirmier en cet instant ? Quelles attitudes peuvent
être considérées comme positives, ou
négatives ? Et serait-il possible d'évaluer cela de
manière fiable ?
Comme le dit Albert Einstein : « Ce qui
peut être compté ne compte pas toujours, et ce qui compte ne peut
pas toujours être compté. »
La qualité du soin, de la prise en charge, aux yeux de
l'infirmier, peut être considérée au delà des
chiffres et des statistiques :
« La qualité dont parle ces
infirmières, c'est celle de leur quotidien, c'est le plaisir de faire un
bon travail, reconnu par sa hiérarchie, ses pairs, et ses patients.
C'est le plaisir de faire un travail qui a du sens, d'en maitriser les
méthodes et de les changer si nécessaire...C'est une
qualité non mesurable par des échelles, des scores. C'est une
qualité qui s'insère mal dans les présentations PowerPoint
ou les tableaux Excel. C'est une qualité intimement liée à
des échanges humains nombreux, permanents, informels. C'est une
qualité qui privilégie l'action, l'innovation, l'autonomie
réelle associée à un bon relationnel avec les autres
groupes comme celui des médecins ou des
administratifs. »131(*)
En effet, la complexité de ce qui se joue en cet
instant peut être approchée, évoquée,
discutée, mais son évaluation, si celle ci doit être
envisagée, ne peut être si évidente.
En revanche, obtenir le regard des familles pourrait
être un moyen de percevoir l'utilité de l'intervention
infirmière. La justesse d'une action devant sans doute être
l'objet d'un feed-back.
Un instant bien éloigné des protocoles
Evoquer les différentes perceptions, pratiques,
habitudes concernant l'instant qui suit le décès, ne peut
empêcher de se poser une question, si contestable soit elle :
Voulant faire au mieux, serait il envisageable et salutaire de
définir une sorte de conduite à tenir idéale ?
Plusieurs infirmiers ont soulevé ce thème, et tous ont fait part
de leur exaspération face à ces protocoles qui inhibent toute
autonomie et responsabilité.
D'après le Dr Dominique Dupagne, le fait
d'établir des procédures figées retire toute latitude et
paralyse l'action soignante :
« Avec une définition de ce qui est
autorisé, ou tout au moins vivement recommandé, la liberté
d'action est brutalement restreinte à un dénominateur commun
sclérosant. L'homme est transformé en machine dépendante
de celui qui la programme. La perversion de la qualité apparaît
dès son nom. »132(*)
Rechercher la qualité des soins est tout à fait
louable, et comme le dit bien Franck Lepage : « qui oserait
être contre la qualité ? »133(*).
Cette recherche de la justesse est indispensable. Or celle ci
ne passe pas forcement par l'apprentissage d'un descriptif
détaillé, cadré, et rigide de ce qui doit être mis
en oeuvre.
Ce cadre de référence externe n'est pas toujours
celui qui s'avère être le plus efficace, ou même le plus
juste. Il peut être parfois bien loin de la réalité.
Le bon sens ne risque t il pas de s'effacer, au
détriment d'un protocole trop rigide ?
« Nous n'avons besoin que d'une chose : du
bon sens. Bien souvent, hélas, l'abus de connaissances philosophiques ou
scientifiques appauvrit le bon sens. Les excès de connaissances rendent
parfois aveugles aux vérités les plus
simples. »134(*)
L'introspection, la remise en question, le partage
d'expériences, sont des outils qui non seulement valorisent le soignant,
mais donnent des résultats dont la portée et la profondeur seront
bien plus intéressantes.
De même, il est impossible de prévoir chaque
situation, devant la richesse et l'unicité des individus :
singularité de l'entourage, des conditions du décès, de
l'histoire de la famille, de la relation soignant soigné.
« Dans l'action humaine et les services, comme
dans le monde vivant en général, l'imprévu est la
règle. »135(*)
La recherche de la qualité peut être
étroitement liée à l'épanouissement professionnel,
au libre arbitre, à l'autonomie, à la juste et créative
expression de ce qu'est chaque infirmier, au sein de sa pratique.
Une procédure adaptée à l'instant si
singulier qui suit le décès ôterait sans doute la
subtilité et la richesse qui font l'essence même de cet
instant.
Comme l'évoque Eric Fourneret,
« Attention, les cheik up tuent l'humanité.»
Un instant, et après ?
Le suivi des proches :
Durant les soins palliatifs, les proches sont
écoutés, soutenus, entourés avec la plus grande attention.
La démarche soignante les intègre à juste titre jusqu'au
décès de celui qu'ils ont accompagnés.
Or la survenue du décès marque la fin des
passages infirmiers, qui souvent étaient pluri quotidiens.
Ces temps d'échanges informels autour d'un café,
dans un coin de salon, sur le pas de la porte, malgré leur
simplicité apparente, avaient une importance non négligeable.
La relation tissée, les mots, l'écoute faisait
pleinement partie de la prise en charge des proches.
Les familles sont coupées aussi subitement de cette
relation qu'elles le sont du défunt.
Coupure brutale des visites, confrontation à une maison
devenue vide, la solitude des survivants est à prendre en compte.
Or aucune place n'est faite à l'infirmière
après le décès. Le suivi des proches endeuillés
n'existe pas au niveau de la nomenclature des actes infirmiers, dressée
par la sécurité sociale. Seul le patient est
considéré, et lorsqu'il n'est plus, ses proches ne sont en aucun
cas objet de soin.
Il est donc impossible de réaliser ce suivi
après le décès, n'ayant plus d'actes infirmiers à
prodiguer au sein du foyer. Aucun dispositif ne permet à l'infirmier
d'exercer un quelconque rôle auprès des familles à
domicile.
Cela pourrait sembler regrettable, sachant la connaissance que
celui ci a de la famille, des éléments passés, des
différentes problématiques et interactions familiales.
Ce partage commun des événements au sein du
foyer aurait été sans doute un atout dans la relation.
Malgré cela, les infirmiers sont souvent amenés
à revoir les proches. 48% d'entre eux les revoient assez souvent, 42%
parfois, 10% toujours. Les rencontres fortuites sont largement
évoquées au sein des commentaires libres. Les infirmiers
étant intégrés au paysage urbain, ils exercent dans un
secteur géographique bien restreint et défini. Les occasions sont
donc fréquentes de croiser les proches endeuillés. Mais au
delà des rencontres aléatoires, un grand nombre d'infirmiers
affirment se rendre volontairement auprès de la famille à
distance du décès.
Certains précisent programmer cette visite deux
semaines, ou un mois plus tard.
Celle ci a sans doute un intérêt partagé,
et les infirmiers évoquent deux raisons principales la justifiant :
La première est motivée par la
nécessité de boucler la relation, dans la
sérénité. Elle permet en quelque sorte de finaliser la
prise en charge, à distance de l'intensité émotionnelle
suscitée par le décès.
La deuxième est centrée sur
l'intérêt du survivant : Dépister sa détresse,
son isolement ou ses difficultés éventuelles. Le proche ayant
souvent besoin de partager ses ressentis, d'être entendu et reconnu dans
sa souffrance, sa légitimité, prenant à témoin
celui qui sait, qui a vu, qui ne peut que reconnaître cette
réalité. Cela permet de reparler de la période palliative,
du décès, du manque.
Nombreux sont les proches ayant besoin de clarifier des
éléments précis de la prise en charge antérieure.
Ayant parfois des questions restées sans réponses, il est
important pour eux de trouver des éléments leur permettant
d'apaiser certaines inquiétudes.
Les infirmiers évoquent à maintes reprises le
soulagement de la douleur, ou encore l'acceptation de la mort par le
patient.
La culpabilité des survivants est souvent
présente lors de ces échanges. Certains ayant besoin d'être
confortés, rassurés sur le fait d'avoir agit au mieux.
Le tissu familial et amical parfois très pauvre ne leur
permet pas toujours d'exprimer suffisamment leurs difficultés.
« La solitude de l'endeuillé privé
de l'aide des autres est préjudiciable pour son équilibre
psychologique.»136(*)
Le proche a besoin de parler du passé, de faire
revivre devant témoin ce qu'était la personne qui s'est
éteinte :
« Comme l'irréversible ne sera jamais
revécu, la conscience, souffrant de ce vide qui se creuse
derrière elle, cherche à redonner un corps et une consistance au
passé vaporeux. »137(*)
Face à la solitude des endeuillés, il est
possible que certains soignants veuillent remplir un rôle qu'il leur est
impossible de tenir :
« La loi du 9 juin 199 ...peut parfois renforcer
l'illusion chez certains « palliatologues »
d'être investis d'une mission de prise en charge du patient et de son
entourage avant et après la mort. »138(*)
Cela peut être le cas lorsque l'infirmier est face
à un proche isolé. Il est compréhensible qu'il
s'investisse au delà de son champ d'action, percevant la grande
difficulté de certains proches. Où se situe la frontière
entre le rôle infirmier et le rôle social. Puisque de toute
évidence, l'infirmier rempli une tâche pour laquelle personne
n'est officiellement assigné ?
Palier à un manque, hors du contexte de son domaine de
compétence, devient un problème de société. Cela
met l'accent sur certaines insuffisances, la société peinant peut
être à prendre en compte les proches endeuillés.
« L'accompagnement des familles, c'est aussi de
la responsabilité de la société. Entraide,
compréhension, solidarité envers celui qui souffre et se sent
différent, sont à développer et à faire entrer dans
la culture, voir l'éducation. » 139(*)
A distance du décès, les infirmiers relatent
l'isolement des proches, certains ayant le sentiment que la
société ne prête guère attention au suivi du deuil
et aux difficultés qui en découlent.
Les associations existantes peuvent être d'une aide
précieuse, permettant à l'endeuillé d'être soutenu
et accompagné dans son cheminement. Restent plusieurs questions qui
peuvent être la base d'une réflexion à plus long
terme :
Ces associations sont elles suffisamment connues du grand
public ?
Notre société devrait elle prendre davantage en
compte le suivi des personnes endeuillées ?
Devrait-elle aller au devant de leurs besoins, les solliciter,
leur tendre la main, ou au contraire attendre que cela soit une démarche
purement volontaire de leur part ?
Est-ce le rôle de la société dans son
ensemble, devant définir une prise en charge précise, rigoureuse,
administrative ? Ou cela doit il rester une démarche solidaire,
individuelle, basée sur l'entraide mutuelle, et assurée par le
réseau relationnel du survivant ?
Quelle place pourrait être faite à l'infirmier,
qui, une fois les soins terminés, ne peut plus exercer aucune aide
auprès de ceux qu'il a soutenus et qu'il connaît
parfaitement ?
Conclusion
Par ce travail, je souhaitais approcher et comprendre ce qui
se jouait pour les proches en cet instant particulier qui suit le
décès. Je voulais percevoir l'incidence que pouvait avoir la
présence et l'attitude de l'infirmier.
Tout d'abord, la recherche théorique, basée
essentiellement sur la bibliographie, m'a permis de mettre en lumière
les différents aspects de ce temps si particulier.
Cet instant m'a semblé cristalliser à lui seul
un large panel d'émotions, d'interrogations, et de sentiments.
Bien qu'il soit éphémère, il semble
suspendre le temps, laissant aux proches la sensation étrange
d'être dans une dimension particulière, parfois inexplicable.
L'intensité des émotions face à la perte,
à la vue du corps, se mêle aux questionnements sur le sens, le
mystère de la vie. Cette scène suscitant des sentiments aux
nuances infinies, à l'image de la personnalité de chacun, de son
histoire, de ses croyances, de sa force, de ses fragilités.
Les pensées se succèdent, se contredisent, se
précipitent. La colère, la tristesse, la révolte
côtoient le soulagement, la culpabilité, les remords, ou les
regrets. Les larmes se retiennent, pudiques, ou s'expriment, inconsolables.
De cette scène, le proche percevra parfois un
détail : une image, une odeur, un mot, un geste, qui s'imprimera
malgré lui parmi ses souvenirs.
Au coeur de ce temps suspendu, le rituel s'insinue,
subtilement, dans une relation nouvelle face à celui qui n'est plus.
Les gestes, les mots, les regards adressés à ce corps sans vie
sont un premier pas, hésitant, difficile, sur ce long chemin qu'est le
travail de deuil.
Face au choc, et à la vulnérabilité de
certains proches, l'intervention infirmière pourrait être
bénéfique, sous plusieurs aspects.
La présentation et l'apparence du défunt font
l'objet de tous les soins, sachant que ce visage, ce corps, vont être
exposés aux regards, et sans doute gardés en mémoire.
L'attention portée à chacun est d'autant plus
fine que l'infirmier connaît les proches de longue date.
Une confiance permettant l'échange de mots, de gestes,
de regards, qui apaisent, soulagent. Une écoute pouvant accueillir le
silence, l'infirmier ayant été témoin de ce passé,
de la maladie, de ce long parcours, il sait.
Les réponses et commentaires des infirmiers ont
apporté un éclairage concernant leurs pratiques et leur approche
de cet instant.
Si modeste soit cette première approche, les
éléments recueillis permettent l'ébauche d'une
réflexion.
Cet instant se présente peu, la mort étant de
moins en moins fréquente à domicile. Or lorsque cela survient,
les infirmiers s'engagent à accompagner la famille, et font preuve d'une
disponibilité importante.
Ils sont un soutien pour les proches en cet instant, et
portent attention à leurs attitudes. Pour beaucoup, cela est source de
questionnement, de réflexion.
La présence infirmière peut être une aide,
pour que chacun puisse s'inscrire en ce lieu, en ce temps limité. Que
chaque proche, selon son désir, son ressenti, son cheminement, trouve la
place qui sera la sienne, en accord avec sa plus profonde
vérité.
Une juste place, qui ne sera empreinte d'aucune
idéalisation, et ne sera en aucun cas soumise à l'idée que
d'autres se font de cet instant. Rester ou partir. Regarder ou éviter.
Approcher ou s'éloigner.
Tenir à distance ses propres croyances, ou certitudes.
Approcher chaque membre de la famille, et lui permettre d'être en accord
avec ce qu'il est.
Donner à chacun, s'il le désire, la
possibilité de vivre pleinement cet instant, ou le regard porté
vers le défunt, l'échange, la relation instaurée avec lui,
au travers du rite, permettra de mieux se séparer ensuite.
Vivre pleinement sa peine, aller au fond de sa douleur, de ses
émotions, pour avoir la possibilité de mieux les dépasser
ensuite.
Eviter le regret parfois tardif, d'avoir écarté
ou écourté cet instant difficile, mais si précieux.
De ce travail, il découle certainement la
nécessité d'approfondir un certain nombre de questions.
Tout d'abord, obtenir le regard des familles serait important.
Connaître leur vécu de l'instant, à domicile, et les
détails ayant eu de l'importance à leurs yeux.
Recueillir ensuite leurs sentiments concernant l'intervention
de l'infirmier, percevoir si celle ci a pu leur être
bénéfique sous certains angles.
Enfin, envisager le suivi des endeuillés au sein de
notre société. Bien qu'ils puissent obtenir de l'aide, celle ci
est elle suffisante au regard de la grande vulnérabilité qui est
la leur durant de longs mois ?
Car cet « instant d'après » est
avant tout une première page. Celle d'une vie à venir, à
reconstruire.
Une première ligne maladroite, que la plume peine
à écrire.
Mais un ouvrage sur lequel chacun de nous devra un jour se
pencher.
Nous sommes en juillet
Le ciel clair se fait l'écrin d'un soleil chaud et
radieux
La dernière page de mon travail se tourne
Voyage au coeur d'un instant
Opportunité de mûrir, de grandir
Parcourir de nombreux ouvrages,
Découvrir la richesse de leurs auteurs, de leurs
écrits.
Effleurer la mort,
Caresser son mystère, qui rend si précieuses
nos vies.
Ressentir la portée des attitudes
Tenir éloignés d'insolentes certitudes
L'infirmière passe,
Croise les extrémités de la vie.
Délestée du poids de l'ego
Subtilité d'une approche
Proposition d'une présence
Invitation à l'écoute
Esquisse d'un mot, d'un geste,
Simplicité d'un partage
Humilité de ne pas savoir
Conscience d'être si peu dans cette immensité qui
nous dépasse
Mais tant dans ce partage, ce passage, cette difficile
séparation
Juste une « petite main »,
Une main tendue à cet autre soi qu'est le prochain
Une aide à traverser notre commune humanité
Juste un, dans ce grand tout,
Comme chacun de nous.
Bibliographie Ouvrages
1- Augagneur Marie-France. Vivre le deuil, Chronique
sociale. Avril 1995.
2- Ariès Philippe, L'homme devant la mort, la mort
ensauvagée, Seuil, Paris, 1985, 343p
3- Bacqué Marie- Frédérique,
Deuil et santé, Odile Jacob, 1997,
206p.
4- Bataille Georges, L'érotisme,
Minuit, 2011, 286p.
5- Baudry Patrick, La place des morts, L'Harmattan,
Paris, 2006, 205p.
6- Bensaid Catherine, La musique des anges, s'ouvrir au
meilleur de soi, Robert Laffont, Paris, 2003, 160p.
7- Burdin Léon, Parler la mort, des mots pour la
vivre, Desclée De Brouwer, Paris, 1997, 282p.
8- Causse.Jean-Daniel, L'instant d'un geste. Le sujet,
l'éthique et le don, Labor et Fides, 2004.
9- Clerget Joel, la main de l'autre, le geste, le contact
et la peau, approche psychanalytique, érès, Ramonville
Saint-Agne, 1997, 214p.
10- Comte-Sponville André, Petit traité des
grandes vertues, presses universitaires de France, Paris, 1995, p149
11- Cornillot Philippe et Hanus
Michel, Parlons de la mort et du
deuil, Frison-Roche 1997, 296p.
12- De Broca Alain, Deuils et
endeuillés, Elsevier Masson,4° édition, 2006, 240p.
13- Dupagne Dominique, La revanche du rameur, Michel
Lafon, Neuilly-sur-Seine, 2012, 349p.
14- Déchaux Jean-Hughes, Le souvenir des
morts, presses universitaires de France, 1997, 352p.
15- Egli René, Le principe LOLA, Le dauphin
blanc, 2003.
16- Hacpille Lucie, avec l'équipe mobile de soins
palliatifs du chu de Rouen, Soins palliatifs. Les soignants et le soutien
aux familles, Lamarre 2006, 131p.
17- Hanus Michel, les deuils dans la vie, deuils et
séparations chez l'adulte et chez l'enfant, Maloine, Paris, 1994,
331p.
18- Hanus Michel, De la Génardière Claude,
Bertheloot Chantal, et all, Etudes sur la mort. Le deuil des
accompagnants. L'esprit du temps, janvier 2000
19- Hirsch Emmanuel (dir). Rédaction Patrice Dubosc,
Face aux fins de vie et à la mort. Espace
éthique / AP-HP, Vuibert, 3°édition, 2009, 392p.
20- Jankélévitch Vladimir, La mort,
Flammarion, 2008, 474p.
21- Jankélévitch Vladimir,
L'irréversible et la nostalgie, Flammarion, Paris, 2011,
392p.
22- Kubler-Ross Elisabeth, Accueillir la mort,
Editions du Rocher, Paris, 2002, 189p.
23- Le Dalai-Lama, et Howard Cutler, L'art du
bonheur, édition j'ai lu, Paris, 2000, 283p.
24- Lepage Franck, Incultures, tome1, Editions du cerisier,
2007.
25- Levinas Emmanuel, Dieu, la mort et le temps, Le
livre de poche, Grasset, 1993, 285p.
26- Lussier Martine, Le travail de
deuil, presses universitaires de France, 2007, 254p.
27- Marmilloud Laure, Soigner, un choix
d'humanité, éditions Vuibert, 2007, 124p.
28- Mattheeuws Alain, Accompagner la vie dans son dernier
moment, Edition parole et silence, Paris, 2005, 157p.
29- Maupassant, une vie, Le livre de poche, 1979,
247p.
30- Mehl Roger, le vieillissement et la mort, presses
universitaires de France, 1962, 138p.
31- Mercadier Catherine, le travail émotionnel des
soignants à l'hôpital, éditions Seli Arslan, 2002,
287p.
32- Morin Edgar, L'homme et la mort, Editions du
Seuil, Revue et augmentée, 417p.
33- Muxel Anne, Individu et
mémoire familiale, éditions Nathan, Paris, 2002, 226p.
34- Osho, Un art de vivre et de mourir, le
relié poche, 2006, 257p.
35- Perraut-Soliveres Anne, Infirmières, le savoir
de la nuit, Presses universitaires de France, 2002, 291p
36- Péruchon Marion (dir), Rites de vie, rites de
mort. Avec Jean-Pierre Berthon, Michel Boccara, Yolande Govindama, et all,
ESF, Paris, 1997, 231p.
37- Plon Florence, Questions de vie et de mort. Soins
palliatifs et accompagnement des familles, Champ Social, Nîmes,
2004, 150p.
38- Proust Marcel, du coté de chez Swann,
Gallimard, 1988, 527p.
39- Queneau Patrice, Soulager la
douleur, patrice Queneau, Gérard Ostermann, Odile
Jacob, 1998, 540p.
40- Richard Marie-Sylvie, Soigner la relation en fin de
vie, Dunod, 2004, 172p.
41- Ricoeur Paul, Soi-même comme un autre,
Seuil, Paris, 1990,
42- Ruiz Don Miguel, les quatre accords toltèques,
éditions Jouvence, 2005, 119p.
43- Ryckmans Pierre, les entretiens de Confucius,
Gallimard, collection connaissance de l'orient, 1987.
44- Salomé Jacques, Le courage d'être
soi, Pocket, Paris, 2001, 217p.
45- Thomas Louis-Vincent, Anthropologie
de la mort, Payot 1975.
46- Thomas Louis-Vincent, Que sais-je, la
mort, presses universitaires de France, 1998, 128p.
47- Thomas Louis-Vincent, Rites de mort,
pour la paix des vivants, Fayard, 1985, 294p.
48- Tradié Jean-Yves et Marc, Le
sens de la mémoire, Gallimard 1999, 356p.
49- Vergely Bertrand, Sens ou non sens de
la souffrance, études assas, Paris, 1993.
50- Vergely Bertrand, La
souffrance, recherche du sens perdu,
Gallimard, Paris, 1997, 333p.
Bibliographie revues
1-La toilette mortuaire, fondation oeuvre de la croix Saint-
Simon
2-Soins infirmiers autour du décès, revue de
l'infirmière N° 43 novembre 1998
3-Centre Francois-Xavier Bagnoud - Mourir à la maison -
Laennec, Janvier 2002, n° 1
4-Brossier-Mével Françoise, Si l'intime
m'était conté, Dialogue, recherches cliniques et
sociologiques sur le couple et la famille, 2008, N°182, 4°
trimestre, p75.87
5- Daydé Marie-Claude, La relation d'aide en soins
infirmiers, aspects réglementaires et conceptuels, SOINS
n°731- Décembre 2008 p35
6-Fabrégas Bernadette, « l'intimité et
la relation soignant-soigné », Soins n°652-
février 2001 p31
7-Haman Marie-Christine, psychologue spécialisée
en neuropsychologie, Article rédigé d'après la
conférence à l'IRIPS le 19 février 2009
8-Hirsch Godefroy, Jousset jacky, « toilette
mortuaire à domicile. » Actes du congrès, 2000, pages
241-245)
9-Hollin Yannick, « le transport du corps sans mise
en bière », Soins n°721, décembre 2007, p
38-39
10-K .Maus-Bielders, « le chant du
corps », european Journal of palliative car, Vol 2 n°1,
11-Michon florence, , la relation d'aide, une approche
humaniste des soins, Soins n°731-décembre 2008
12-Prayez Pascal, Le toucher, le tact et la juste distance,
Jalmav n°85, Juin 2006
13-Richard Christian, Accompagnement de l'entourage, valeurs
et limites ?, Objectif Soins, Janvier 2004, n° 122,
p19.20.
14-Vérani Laurence, « accepter
l'intimité dans les soins » Soins n°652-
février 2001 p33
15-Viallard Marcel-Louis, éditorial,
Médecine Palliative, février 2008, volume 7, Elsevier
Masson
16-Vilbrod Alain, Douguet florence, le travail de soins des
infirmières libérales, Perspectives soignantes,
Décembre 2006, N°27, p124.132
Bibliographie medias
Télévision
1-Émission c'est dans l'air présentée par
Yves Calvi du 19/10/2012 intitulée « La guerre des
religions aura t elle lieu ? »Avec l'immam tareq Oubrou
Internet
2- Franck Lepage : conférences
gesticulées
Annexes
Questionnaire
? Quel âge avez-vous ?
? < 29 ans ?
De 30 à 49 ans ? 50 ans et plus
?Depuis combien de temps exercez vous en secteur
libéral ?
--------
? Etes vous amené(e) à prendre en charge
des patients dans le cadre de soins palliatifs ?
?Jamais ?parfois ? souvent ?
très souvent
? Avez vous suivi ces patients avant qu'ils ne soient
en soins palliatifs ?
? Oui ? non
? Si oui, vous diriez les prendre en charge
depuis :
? + de 2 ans ? + d'1 an ? 6 mois à 1 an ? 3
et 6 mois ?moins de 3 mois
?En moyenne, à combien estimez vous le nombre
de décès à domicile, parmi ces patients, chaque
année ?
........
? La famille du patient vous appelle t'elle lorsque
survient le décès ?
?Toujours ?Assez souvent ?parfois ?
jamais
? Proposez-vous spontanément aux proches de
vous appeler lorsque surviendra le décès ?
?Toujours ?Assez souvent ?parfois ?
jamais
? Etes vous amené à donner vos
coordonnées téléphoniques personnelles, afin
d'être
Joignable plus facilement ?
?Toujours ?Assez souvent ?parfois ?
jamais
? Vous êtes vous déjà
déplacé la nuit, si le décès survient à ce
moment ?
? Oui ? non
? Etes-vous amené à expliquer les
formalités administratives aux proches :
?Toujours ?Assez souvent ?parfois ?
jamais
? Si oui, quelles formalités sont mal
connues :
Constatation du décès par un
médecin: ? Oui ? non
Conditions de transport du corps: ? Oui ?
non
?Vous arrive t il d'effectuer ces démarches
à leur place ?
? Oui ? non
? Si oui, pour quelle
raison ?
..........................................
Si vous deviez estimer le temps passé au
domicile après le décès, vous diriez y
rester :
?+ de 2h ?+ d'1h ?de 30 minutes à 1h ?moins de
30 minutes
? Faites vous la toilette du
défunt ?
?Toujours ?Assez souvent ?parfois ? jamais
? Pensez-vous que la
présentation du corps, juste après le décès, ait un
impact sur les proches ?
? Oui ? non
? Les croyances du défunt et
de ses proches ont elle un impact sur les soins
pratiqués ?
? Oui ? non
? Si oui,
lequel ?
..............................
? Pensez-vous que l'infirmier ait un rôle
à jouer concernant l'ambiance qui régnera dans la pièce ou
se trouve le défunt, ou de manière plus vaste, au
domicile ?
? Oui ? non
Si oui, quels éléments vous semblent
importants, concernant l'ambiance dans son ensemble ?
..........................................
? Quels sont vos gestes, vos
habitudes dans ce domaine ?
...................................................
? Au-delà des soins, et des conseils, vous
arrive t'il d'avoir une discussion plus approfondie avec les
proches ?
?Toujours ?Assez souvent ?parfois ?
jamais
? Quels sont les thèmes
abordés lors de cet échange ?
..............................
Pensez-vous que les mots utilisés aient une
portée au-delà de cet échange ?
? Oui ? non
Est-il difficile pour vous de choisir les mots que
vous employez ?
? Oui ? non
D'après vous, votre attitude globale est-elle
importante ?
? Oui ? non
Si oui, quelle attitude essayez--vous
d'adopter ?
......
? Aimez vous être
présent auprès des proches à cet
instant ?
? Oui ? non
Si oui, pourquoi ?
...............
Pensez-vous que cela fait partie intégrante de
votre métier d'infirmier ?
? Oui ? non
Pour le temps passé auprès des familles,
il n'existe aucune cotation dans la nomenclature de la sécurité
sociale, êtes-vous amené à effectuer ce soin sans
rémunération ?
?Toujours ?Assez souvent ?parfois ?
jamais
Etes-vous amené à revoir les proches
ultérieurement ?
?Toujours ?Assez souvent ?parfois ? jamais
Si oui, à quelle occasion ?
.........
Pensez-vous qu'une formation concernant
l' « après décès » pourrait vous
aider dans votre pratique ?
? Oui ? non
Commentaires et témoignages libres
L'instant d'après
Le patient vient de s'éteindre, au sein de son foyer,
entouré de ses proches.
L'infirmier libéral se rend auprès d'eux.
Cet instant, bien qu'éphémère, est d'une
grande intensité.
La confrontation à la mort, dans sa
réalité, est un choc pour les proches.
Que se joue t il pour eux lors de ce temps
particulier ?
Comment l'infirmier pourrait il les accompagner lors de ce
passage ?
Quelle serait alors la justesse de son intervention ?
Son approche ne peut être qu'empreinte de
subtilité, de finesse, et de délicatesse.
Ce mémoire se propose d'approcher cet instant, et
d'essayer de percevoir son incidence sur les proches.
Puis il tente d'explorer le regard porté par les
infirmiers, découvrir leurs expériences, leurs ressentis, leurs
pratiques.
Voyage au coeur d'un instant fragile, qui dévoile et
révèle en chacun de nous, à la fois notre grande
singularité, mais aussi notre commune humanité.
3 mots clés : confrontation à la mort,
accompagnement, justesse
* 1 De Broca Alain,
Deuils et endeuillés, Elsevier Masson, 4°
édition, 2006, p.13.
* 2
Jankélévitch Vladimir, L'irréversible et la
nostalgie, Flammarion, Paris, 2011, p.48.
* 3 Baudry Patrick, La
place des morts, L'Harmattan, Paris, 2006, p.125.
* 4 Brossier-Mével
Françoise, Si l'intime m'était conté,
Dialogue, recherches cliniques et sociologiques sur le couple et la
famille, 2008, N°182, 4° trimestre, p75.87.
* 5 IFOP 2010
* 6 Rapport annuel de
l'observatoire national de la fin de vie ONFV mars 2013
* 7 INSEE statistiques de
l'état civil
* 8 Cornillot Philippe et
Hanus Michel, parlons de la mort et du deuil,
Frison-Roche 1997, p.12.
* 9
Jankélévitch Vladimir, La mort, Flammarion, 2008,
p.438.
* 10 Ibid., p.440.
* 11 Hirsch Emmanuel (dir).
Rédaction Patrice Dubosc, Face aux fins de vie et à la
mort. Espace éthique / AP-HP, Vuibert, 3°édition,
2009, p.275.
* 12 Ibid., p.277.
* 13 Morin Edgar,
L'homme et la mort, Editions du Seuil, Revue et augmentée,
p.36.
* 14 Levinas Emmanuel,
Dieu, la mort et le temps, Le livre de poche, Grasset, 1993, p.273.
* 15 Ibid., p.129.
* 16 Ibid.,p.25.
* 17 Jankélévitch
V, La mort, Op.cit., p.465.
* 18 Mattheeuws Alain,
Accompagner la vie dans son dernier moment, Edition parole et silence,
Paris, 2005, p.66 .
* 19 Kubler-Ross Elisabeth,
Accueillir la mort, Editions du Rocher, Paris, 2002, p.107.
* 20 Thomas
Louis-Vincent, Anthropologie de la mort,
Payot 1975, p.250.
* 21 Baudry ,P, La
place des morts, op.cit., p.153.
* 22 Bataille
Georges, L'érotisme, Minuit, 2011,
p.51
* 23 R.Mehl, le
vieillissement et la mort 1956, p.119
* 24 Baudry, P,
La place des morts, op.cit., p.132.
* 25 Cornillot, P et Hanus,
M, op.cit., p.12.
* 26 Ibid., p.49.
* 27 Ibid., p.50.
* 28 Thomas,
Parlons de la mort et du deuil,
Frison-Roche 1997, p.50.
* 29 Thomas
Louis-Vincent, Rites de mort, pour la paix des
vivants, Fayard, 1985, p.141.
* 30 Lussier
Martine, Le travail de deuil, presses universitaires
de France, p.219.
* 31 Baudry, P, La
place des morts, op.cit., p. 46.
* 32 Richard Marie-Sylvie,
Soigner la relation en fin de vie, Dunod, 2004,p.112.
* 33 Lussier M,
Le travail de deuil, op.cit. , p.233.
* 34 Centre Francois-Xavier
Bagnoud - Mourir à la maison - Laennec, Janvier 2002, n°
1
* 35 Cornillot, P et Hanus,
M, op.cit. , p.142.
* 36 Ibid. p.243.
* 37 Lussier M,
Le travail de deuil, op.cit. , p.99.
* 38 Bacqué Marie-
Frédérique, Deuil et santé, Odile Jacob, 1997,
p.24.
* 39 Augagneur Marie-France.
Vivre le deuil, Chronique sociale. Avril 1995, p.124.
* 40 Sartre Jean-Paul,
l'être et le néant, Gallimard, Paris, 1943.Reed 1992.
p.40.
* 41Augagneur M-F. Vivre
le deuil, op.cit., p.124.
* 42 Bensaid Catherine,
La musique des anges, s'ouvrir au meilleur de soi, Robert Laffont,
Paris, 2003, p.30.
* 43 Maupassant Guy, une
vie, p.195.
* 44 Cornillot, P et Hanus,
M, op.cit. , p.49.
* 45 Tradié Jean-Yves et
Marc, Le sens de la mémoire,
Gallimard 1999,p.120.
* 46 Ibid., p.125.
* 47 Muxel Anne,
Individu et mémoire familiale, éditions Nathan,
Paris, 2002, p.47.
* 48 Centre Francois-Xavier
Bagnoud - Mourir à la maison - Laennec, Janvier 2002, n° 1
* 49 Proust Marcel, du
coté de chez Swann, p.44.
* 50 Muxel A, Individu et
mémoire familiale, op.cit., p.99.
* 51 Art
rédigé d'après la conférence
présentée à l'IRIPS le 19 février 2009 par marie
Christine haman
* 52
Thomas .L-V, Anthropologie de la mort,
op.cit., p.164.
* 53 Fabrégas
Bernadette, « l'intimité et la relation
soignant-soigné », Soins n°652-
février 2001 p.31.
* 54 Mercadier Catherine,
Le travail émotionnel des soignants édition seli
arslan, p.130.
* 55 Thomas
Louis-Vincent, Que sais-je, la mort,
presses universitaires de France, 1998, p.93.
* 56 Ibid. p.94.
* 57 Philippe Ariès
la mort inversée éditions la maison dieu, p.73.74.
* 58
Thomas .L-V, Anthropologie de la mort,
op.cit., p.267.
* 59 Soins infirmiers autour
du décès, revue de l'infirmière N° 43
novembre 1998.
* 60 Thomas .L-V, Rites
de mort, pour la paix des vivants, op.cit., p.153.
* 61 Les droits du mourant
et du défunt, Conseil de l'Europe, 1976.
* 62 K .Maus-Bielders,
« le chant du corps », european Journal of palliative car,
Vol 2 n°1, 1995, p.26.
* 63 Hirsch Godefroy,
Jousset jacky, toilette mortuaire à domicile. Actes du
congrès, 2000, p.241-245.
* 64 Thomas.Louis-Vincent
* 65 Thomas .L-V, Rites
de mort, pour la paix des vivants, op.cit., p.152.
* 66 Id.,
Anthropologie de la mort, op.cit., p.270.
* 67 Dictionnaire
encyclopédique des soins infirmiers, Reuil Malmaison, Lamarre,
novembre 2002, p.4
* 68 Plon Florence,
Questions de vie et de mort. Soins palliatifs et accompagnement des
familles, Champ Social, Nîmes, 2004,p 78.
* 69 Ibid. p.84.
* 70 Les droits du
mourant et du défunt, conseil de l'Europe, 1976
* 71 Programme national
du développement des soins palliatifs2002-2005.ministère de
l'emploi et de la solidarité. Ministère
délégué à la santé p6
* 72 Décret
n°2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties 4 et 5 (dispositions
réglementaires) du code de la sante publique et modifiant certaines
dispositions
* 73 Florence Michon, la
relation d'aide, une approche humaniste des soins, Soins
n°731-décembre 2008, p.36.
* 74 Vergely Bertrand,
La souffrance. Recherche du sens perdu, Gallimard, Paris, 1997,
p.304.
* 75 Centre Francois-Xavier
Bagnoud - Mourir à la maison - Laennec, Janvier 2002, n°
1
* 76 Marmilloud
Laure, Soigner, un choix d'humanité,
éditions Vuibert, 2007, p.24.
* 77 Queneau
Patrice, Soulager la douleur,
patrice Queneau, Gérard Ostermann, Odile Jacob, 1998, p.275.
* 78 Marmilloud,L,
Soigner, un choix d'humanité, op.cit., p.19.
* 79 Bernard Feillet
prêtre, Hirsch Emmanuel (dir). Rédaction Patrice Dubosc, Face
aux fins de vie et à la mort. Espace éthique /
AP-HP, Vuibert, 3°édition, 2009, p.277.
* 80 Burdin Léon,
Parler la mort, des mots pour la vivre, Desclée De Brouwer,
Paris, 1997, p.249.
* 81 Ruiz. Don Miguel,
les quatre accords toltèques, Editions Jouvence, Danemark,
2005, p.37.
* 82 Baudry, P, La
place des morts, op.cit., p. 163.
* 83
Thomas .L-V, Anthropologie de la mort,
op.cit., p. 427.
* 84 Ibid., p.427.
* 85 Osho, Un art de
vivre et de mourir, le relié poche, 2006, p.122.
* 86 Ryckmans pierre,
Les entretiens de Confucius, Gallimard, collection connaissance de
l'orient, 1987
* 87
Thomas .L-V, Anthropologie de la mort,
op.cit., p.432.
* 88 Ibid.p.400.
* 89 Florence Michon, la
relation d'aide, une approche humaniste des soins, Soins
n°731-décembre 2008, p37.
* 90 Prayez Pascal, Le
toucher, le tact et la juste distance, Jalmav n°85, Juin 2006,
p11.
* 91 p269 parler la mort
* 92 Prayez P, Le toucher,
le tact et la juste distance, art.cit.p.14.
* 93 Michon.F, la relation
d'aide, une approche humaniste des soins, art.cit., p.37.
* 94 Prayez P, Le toucher,
le tact et la juste distance, art.cit., p 14.
* 95Richard Christian,
Accompagnement de l'entourage, valeurs et limites, Christian Richard,
Objectif Soins-janvier 2004- n°122, p19.
* 96 Ibid., p.19.
* 97 Cornillot, P et Hanus,
M, op.cit., p.14.
* 98 Plon F, Questions
de vie et de mort. Soins palliatifs et accompagnement des familles,
op.cit., p.51.
* 99 Ibid. p143
* 100 Ibid. p 136
* 101 Queneau P,
Ostermann.G, Soulager la douleur,
op.cit., p.275.
* 102 Emission c'est dans
l'air présentée par Yves Calvi, Le 19/10/2012,
intitulée « La guerre des religions aura t elle
lieu ? »
* 103 Le Dalai-Lama, et
Howard Cutler, L'art du bonheur, édition j'ai lu, Paris, 2000,
p179.
* 104 Queneau P,
Ostermann.G, Soulager la douleur,
op.cit.,p.285.
* 105 Vergely
Bertrand, Sens ou non sens de la souffrance,
études Assas, Paris, 1993.
* 106 Id,
La souffrance, recherche du sens perdu,
op.cit.,
* 107 Plon F, Questions
de vie et de mort. Soins palliatifs et accompagnement des familles,
op.cit., p.79.
* 108 Hacpille Lucie, avec
l'équipe mobile de soins palliatifs du chu de Rouen, Soins
palliatifs. Les soignants et le soutien aux familles, Lamarre 2006,
p82.
* 109 De Broca.A,
Deuils et endeuillés, op.cit., p.13.
* 110 Au 31 mai 2013
données cpam Isère
* 111 Mattheeuws.A,
Accompagner la vie dans son dernier moment, op.cit., p.65.
* 112 Richard Marie-Sylvie,
Soigner la relation en fin de vie, Dunod, 2004, p.111.
* 113
Jankélévitch, L'irréversible et la nostalgie,
op.cit., p.326.
* 114 Baudry, P, La place
des morts, op.cit., p.163.
* 115 Kubler-Ross
Elisabeth, Accueillir la mort, Editions du Rocher, Paris, 2002,
p.110.
* 116 Richard M-S,
Soigner la relation en fin de vie, op.cit., p.115.
* 117 Richard Christian,
Accompagnement de l'entourage, valeurs et limites, Objectif Soins,
Janvier 2004, n° 122, p.20.
* 118 Bensaid.C, La
musique des anges, s'ouvrir au meilleur de soi, op.cit., p.75.
* 119 Le Gay Damien,
* 120 Comte-Sponville
André, Petit traité des grandes vertues, presses
universitaires de France, Paris, 1995,p.149.
* 121 Le Dalaï-lama,
et Cutler .H, L'art du bonheur, op.cit., p.273.
* 122 Ibid. p.68.
* 123 Marmilloud.L,
Soigner, un choix d'humanité, op.cit., p.77.
* 124 Perraut-Soliveres
Anne, Infirmières, le savoir de la nuit, Presses universitaires
de France, 2002, p.243.
* 125 Ibid., p243.
* 126 Causse.Jean-Daniel,
L'instant d'un geste. Le sujet, l'éthique et le don, Labor et Fides,
2004, p.27.
* 127 Hirsch
Emmanuel (dir). Rédaction Patrice Dubosc, Face aux fins de vie et
à la mort. Espace éthique / AP-HP, Vuibert,
3°édition, 2009, p
* 128 Ibid, p
* 129 Ibid, p100, Alain
Bercovitz.
* 130 Daydé
Marie-Claude, La relation d'aide en soins infirmiers, aspects
réglementaires et conceptuels, SOINS n°731-
Décembre 2008, p.31.
* 131 Dupagne Dominique,
La revanche du rameur, Michel Lafon, Neuilly-sur-Seine, 2012,
p.247.
* 132 Ibid., p.122.
* 133 Lepage Franck,
Incultures, tome1, Editions du cerisier, 2007.
* 134 Egli René,
Le principe LOLA, Le dauphin blanc, 2003, p.13.
* 135 Dupagne D, La
revanche du rameur, op.cit., p .127.
* 136 Thomas-V,
Que sais-je, la mort, op.cit., p.108.
* 137
Jankélévitch, l'irréversible et la nostalgie,
op.cit., p.271.
* 138 Richard Christian,
Accompagnement de l'entourage, valeurs et limites, Objectif Soins,
art.cit., p.20.
* 139 Plon F, Questions
de vie et de mort. Soins palliatifs et accompagnement des familles,
op.cit., p.106.
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