Année universitaire 2011-2012
Université de Sousse
Faculté de droit et des Sciences Politiques de
Sousse
MEMOIRE POUR L'OBTENTION DU DIPLOME DE MASTERE DE
RECHERCHE EN DROIT PUBLIC (LMD)
Titre :
L'ONU ET LA DEMOCRATIE DANS LES PAYS EMERGENTS
Préparé et soutenu par : Sous la direction
de Mme :
Amina Fatnassi Boutheina Ajroud ép.
Sabri
JURY : Mr. Jamel Dimassi (Président) Mr.
Lotfi Tarchouna (membre) Mme. Boutheina Ajroud Sabri (membre)
DEDICACES
A ma mère pour son optimisme qui a
changé mon destin, à la mère qui me donne toujours un
sens différent pour vivre, à l'ange qui ne cesse pas
de sacrifier, de m'encourager et de prier pour moi.
A mon père pour le support qui il me
donne, je souhaite que ce mémoire représente un acte de
reconnaissance et de gratitude à l'homme qui m'apprend la joie de
vivre dans une famille.
A mes soeurs Rahma et Rihab pour le soutien
inconditionnel et précieux qui
elles m'offrent.
A mes frères Béchir, Hamdi et son
épouse faten, Lassaad, et Hamza pour l'aide qui ils
m'apportent.
A mes neveux Ahmed, mon porte bonheur, et
Azer A mes amies A tous ceux que j'aime A tous ceux qui
m'aiment.
REMERCIEMENTS
Je tiens, en tout premier lieu, à exprimer ma gratitude
et ma reconnaissance à mon encadreur de recherche le professeur madame
Boutheina AJROUD épouse SABRI pour la bienveillante attention qu'elle a
accordée à cette recherche.
Je veux exprimer mes remerciements à toute personne qui
a contribué à l'élaboration de ce mémoire de
prés ou de loin.
La faculté n'entend donner ni approbation ni
improbation aux opinions émises dans ce mémoire.
Ces opinions sont considérées comme propres
à leur auteur.
LISTE DES ABREVIATIONS
AFDI : Annuaire Français de Droit International
CEDH : Cour Européenne des Droits de l'Homme
CIJ : Cour Internationale de Justice
DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
MANUL : Mission d'Appui des Nations Unies en Libye
MINUHA : Mission des Nations Unies en Haïti
OEA : Organisation des Etats Américains
ONU : Organisation des Nations Unies
ONUSOM : Opération des Nations Unies au Somalie
OSCE : Organisation pour la Sécurité et la
Coopération en Europe
OUA : Organisation de l'Unité Africaine
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
RCADI : Recueil des Cours de l'Académie du Droit
International
UA : Union Africaine
UE : Union Européenne
SOMMAIRE
PREMIERE PARTIE: L'ACTION DE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES
POUR LA PROMOTION DE LA DEMOCRATIE DANS LES PAYS EMERGENTS (p12)
Chapitre premier : Le fondement de l'action de l'ONU
(p13)
Chapitre deuxième : La diversité des
modalités d'intervention de l'ONU (p32)
DEUXIEME PARTIE : LES LIMITES DE L'ACTION (p50)
Chapitre premier : Les obstacles juridiques (p51) Chapitre
deuxième : Les obstacles de fait (p66)
La démocratie est, d'abord, un état d'esprit.
Pierre Mendés France
1
2
« Le droit international a, par nature, une vocation
téléologique. Il n'a de légitimité que par les
valeurs qu'il porte » 1. Il ne peut pas être
isolé de son contexte. Il est en évolution continue. De ce fait,
on constate que le droit international, d'une manière
générale, et le droit international public, en particulier,
connaissent une mutation qui révise la substance même du droit
international public. On vise essentiellement à ce propos ses principes
et ses valeurs.
Ce changement suit une évolution globale qui apparait
au niveau international, national, historique, culturel, social, et même
démographique. Cela a donné lieu à l'apparition de
nouveaux principes et de nouvelles valeurs, c'est le cas du principe du non
recours à la menace ou à l'emploi de la force, du principe de non
intervention dans les affaires intérieures d'un Etat, du principe de
coopération, du principe du droit des peuples à disposer
eux-mêmes et enfin du principe de la légitimité
démocratique comme le mentionne le professeur Rafaa Ben
Achour2.
On peut ajouter, aussi, des principes tels que la justice,
l'égalité, la primauté de droit, le pluralisme, le
développement, l'amélioration des conditions de vie et la
solidarité3.
La promotion de la démocratie et les principes qui en
découlent est une préoccupation croissante de la
communauté internationale.
Pour les marxistes, la démocratie est «
l'affirmation du primat de l'égalité réelle dont la
liberté n'est qu'un corollaire». Pour eux, donc,
l'égalité est l'expression concrète de la
démocratie. Ce qui n'est pas le cas pour les libéraux
1 Ghali Boutros (Boutros), « le droit
international à la recherche de ses valeurs », RCADI,
tome286, 2000, p20.
2 Ben achour (Rafaa), « actualité des
principes de droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre Etats conformément à la charte des
Nations Unies », in « les nouveaux aspects du droit international
»,(colloque des 14,15,et 16 avril 1994), Paris, Pédone, 1994,
pp31-49.
3 De Velasco Vallejo (Manuel Diez), les
organisations internationales, Paris, Economica, 2002, p169.
3
qui considèrent que la liberté est la
concrétisation de la démocratie. Elle est, selon eux, une
concrétisation d' « un système du gouvernement qui tend
à inclure la liberté dans les relations de commandement à
obéissance inséparables de toute société
organisée. L'autorité y subsiste sans doute, mais elle est
aménagée de telle sorte que, fondée sur l'adhésion
de ceux qui lui sont soumis, elle demeure compatible avec leur
liberté» 4.
Abstraction faite de ces idéologies, on peut arriver
à adopter une définition plus simple qui considère la
démocratie comme étant « la forme du gouvernement dans
laquelle le pouvoir suprême est attribué au peuple qui l'exerce
lui-même ou par l'intermédiaire des représentants qu'il
élit » 5 .
Abraham Lincoln l'a défini dans sa
célèbre formule comme étant le gouvernement du peuple par
le peuple et pour le peuple. Une citation, à notre avis, qui
résume tout.
Il est notoire que la démocratie a été
évoquée depuis la Grèce antique6 et a connu des
moments de splendeur et sans doute elle a été adoptée par
diverses formes des régimes républicains ou monarchiques.
Il en résulte que le point commun entre ces
différents régimes est la consécration du «
pluralisme politique, des élections libres, du respect des droits de
l'homme et enfin de l'institution de l'Etat de droit »7.
Brièvement, ces éléments sont les garanties de la
démocratie de n'importe quel régime ou gouvernement.
4 Deux définitions citées par le
professeur Hamrouni (Salwa), « Souveraineté et démocratie
», in. Mélanges en l'honneur du doyen Ben Achour Yadh,
Tunis, CPU, 2008, p1332.
5 Shihata (Ibrahim F.I), « Démocratie
et développement », in. Mélanges Boutros Boutros
Ghali, Vol.I, Bruxelles, Bruylant, 1998, p1369.
6 La démocratie est du grec ancien
äçìïêñáôßá
:dçmokratía qui signifie la « souveraineté
du peuple », elle de ä?ìïò :dêmos,
« peuple »et êñÜôïò
:krátos, « pouvoir »ou« souveraineté
».
7 Ce sont les fondements du régime
démocratique cités par le professeur Laghmani (Slim), « vers
une légitimité démocratique ? », in « les
nouveaux aspects du droit international », (colloque des 14, 15, et
16 avril 1994), Paris, Pédone, 1994, p249.
4
Il est à relever qu'il existe, certainement, un lien
entre la démocratie et l'Etat de droit. Ce dernier signifie la
primauté du droit et cristallise le système institutionnel dans
lequel la puissance publique est soumise au droit. C'est « l'Etat dont
l'organisation interne est régie par le droit et la justice
»8. Les garanties de l'Etat de droit sont la
séparation des pouvoirs, l'indépendance des juges, le
contrôle de constitutionnalité des lois et de
légalité des actes administratifs et la protection des droits de
la personne humaine.
Il en résulte, donc, que l'Etat de droit est un
élément indispensable pour réaliser la
démocratie.
L'évolution au niveau de valeurs va étaler le
rôle qu'est joué par les sujets du droit international public.
Il est évident, et au niveau de ses sujets, le droit
des gens a un sujet originaire à savoir les Etats et des sujets
dérivés qui sont les organisations internationales
intergouvernementales.
Ces dernières vont commencer à jouer un
rôle important surtout après la 1ère guerre mondiale.
La Société des Nations est une première
tentative qui a échoué avec le déclenchement d'un
deuxième conflit planétaire. Une autre organisation
internationale intergouvernementale va naitre à savoir l'Organisation
des Nations Unies. Cette dernière a pour but le maintien de la paix et
de la sécurité internationale et la consolidation de la
coopération entre ces différents Etats membres.
8 Salmon(Jean), dictionnaire de droit
international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p456.
5
A priori, l'ONU est une organisation qui est « une
association d'Etats, constituée par traité, dotée d'une
constitution et d'organes communs, et possèdant une personnalité
juridique distincte de celle des Etats membres » 9.
Elle constitue un modèle propre. C'est une organisation
à vocation universelle qui comprend des organes principaux qui vont
créer au fur et à mesures des organes subsidiaires. Elle est
chargée de maintenir et de rétablir la paix et la
sécurité internationales et de faciliter le développement
et la coopération internationale.
Certaines confusions peuvent être faites entre l'ONU et
le système des Nations Unies. En fait, le système des Nations
Unies est chargé par les mêmes buts et objectifs mais sous une
structure plus diversifiée et importante.
Au niveau structurel, le système des NU comprend
« des organes principaux (l'assemblée générale,
le conseil économique et social, le conseil de
sécurité...) dans la mouvance desquels on trouve plusieurs
dizaines d'organes subsidiaires, et des institutions spécialisées
qui sont créées par voie d'accords intergouvernementaux,
attribuées des compétences dans des domaines spécifiques
et rattachés à l'ONU par des accords » 10.
Par ailleurs, le terme « conflit » ne se limite pas
au niveau des conflits entre Etats (interétatique), on constate,
aujourd'hui l'apparition de nouveaux conflits civils (intra étatique) et
complexes. Par conséquent, les moyens de résoudre et
d'empêcher les conflits ont évolué.
Devant cette réalité, il apparait évident
que l'ONU doit assurer la paix par des moyens préventifs. Parmi ces
moyens, on peut considérer la promotion de la démocratie comme le
moyen le plus intéressant. La démocratie apparait dans
9 Cette définition a été
adoptée par la commission de droit international public.
10 Weiss (Pierre), le système des Nations
Unies, Paris, Nathan Université, 2000, p6.
6
l'ordre interne de l'Etat et elle connait par la suite une
transposition sur le plan international.
Sur le plan universel, la démocratie n'était pas
parmi les préoccupations explicites de l'ONU. L'article 1er
de la charte ne la mentionne pas comme but onusien. En fait, la charte
elle-même ne mentionne pas le terme « démocratie » mais
il ne faut pas ignorer que les rédacteurs de cette convention ont
débuté le préambule par ces célèbres mots
« nous, peuples des Nations Unies » qui sont le reflet du
principe fondamental de la démocratie à savoir que la
volonté des peuples est l'essence de la légitimité des
Etats souverains et donc de l'ensemble des Nations Unies.
Au contraire, la déclaration universelle des droits de
l'homme du 10 décembre 1948 considère expressément dans
son article21 §3que la volonté des peuples est le fondement des
pouvoirs publics11, et dans son article 29 §2 elle insiste sur
la clause de la société démocratique12.
Le pacte international relatif aux droits civils et politiques
reconnait dans son article 25 le droit de tout citoyen de prendre part à
la direction des affaires publiques13.
11 L'article 21§3 mentionne que : « 3. La
volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs
publics; cette volonté doit s'exprimer par des élections
honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage
universel égal et au vote secret ou suivant une procédure
équivalente assurant la liberté du vote. »
12L'article 29 §2 prévoit que «
dans l'exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés,
chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par la loi exclusivement
en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés
d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre
public et du bien-être général dans une
société démocratique. »
13 L'article 25 du pacte international relatif aux
droits civils et politiques prévoit que : « Tout citoyen a le droit
et la possibilité, sans aucune des discriminations visées
à l'article 2 et sans restrictions déraisonnables:
a) De prendre part à la direction des affaires
publiques, soit directement, soit par l'intermédiaire de
représentants librement choisis;
7
Cette consécration du principe démocratique est
consolidée, d'une part, par les mutations politiques de l'Europe
centrale après la fin de la guerre froide, et de l'autre, par le
début de la montée de la communauté européenne
(devenue part la suite l'Union Européenne) en tant qu'un exemple
démocratique par excellence.
La tendance est, donc, de démocratiser les régimes
ce qui signifie le fait
d' « entreprendre des actions pour se diriger vers
l'idéal...Il s'agit de faire fonctionner un régime politique et
une société civile au sein desquels l'individu /citoyen se trouve
au centre de la relation de pouvoir, désigne ses représentants,
et participe à la définition de l'intérêt
général comme à la prise des décisions collectives
» 14.
A la fin des années 80 et au début des
années 90, il y a eu un contexte mondial qui a favorisé la vague
démocratique surtout avec la chute des régimes autoritaires qui
cèdent la place pour une chance à la transition
démocratique.
Le principe de la légitimité démocratique
est aussi adopté au niveau régional.
Pour le continent américain, les rédacteurs de
la charte constitutive de l'Organisation des Etats
Américains15 ont opté pour la démocratie
représentative qui est une condition pour l'adhésion à
cette organisation16.
b) De voter et d'être élu, au cours
d'élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et
égal et au scrutin secret, assurant l'expression libre de la
volonté des électeurs;
c) D'accéder, dans des conditions
générales d'égalité, aux fonctions publiques de son
pays.
14 Gounelle (Max ), op.cit., p201.
15 La charte a été adoptée le 30
avril 1948 à Bogota : voir :
http://www.oas.org/dil/french/traites_A-41_Charte_de_l_Organisation_des_Etats_Americains.htm#ch1
8
L'Europe a donné un exemple solide pour la
consécration des principes démocratiques par ces trois
organisations : le Conseil de l'Europe, l'Union Européenne et
l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en
Europe.
Le conseil de l'Europe a affirmé dans son statut
l'obligation de respecter la démocratie17.
La clause de « la démocratie véritable
» est une condition pour l'adhésion à cette organisation. Le
non respect des principes démocratiques conduit au retrait ou à
la suspension.
La Grèce s'est retirée en 1969 et a
été invitée à rejoindre le Conseil de l'Europe en
1974 lors de la restauration de la démocratie dans ce
pays18.
Pour l'Union Européenne, elle « respecte
l'identité nationale de ses États membres, dont les
systèmes de gouvernement sont fondés sur les principes
démocratiques » 19, elle insiste que sa politique
étrangère est fondée sur plusieurs principes tels que :
« le développement et le renforcement de la démocratie
et de l'État de droit, ainsi que le respect des droits de l'homme et des
libertés fondamentales » 20.
16 L'article 3 §d de la charte après
son amendement en 1967 déclare que « les Etats américains
réaffirment les principes suivants:...d. La solidarité des Etats
américains et les buts élevés qu'ils poursuivent exigent
de ces
Etats une organisation politique basée sur le
fonctionnement effectif de la démocratie représentative;...
»
17 Il déclare que les pays membres sont
«inébranlablement attachés aux valeurs spirituelles et
morales qui sont le
patrimoine commun de leurs peuples et qui sont à
l'origine des principes de liberté individuelle, de liberté
politique et de prééminence du droit, sur lesquels se fonde toute
démocratie véritable. »
Le préambule du statut du Conseil de l'Europe,
signé à Londres le 5mai 1949 :
http://conventions.coe.int/Treaty/fr/treaties/html/001.htm
18 Hamrouni (Salwa), la démocratie et
l'ONU, Mémoire pour l'obtention de D.E.A. de droit public et
financier, Faculté des sciences juridiques politiques et sociales de
Tunis, 1996, p5.
19 L'article F, §1du traité de Maastricht
du 7février 1992.
http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/dat/11992M/htm/11992M.html#0001000001
20 L'article J-1 du traité de Maastricht
9
La troisième organisation européenne qui
consacre le principe démocratique est l'OSCE. Ses Etats se sont
engagés «à édifier, consolider et raffermir la
démocratie comme seul système de gouvernement»
21.
Pour le continent africain, la charte constitutive de
l'Organisation de l'unité africaine (devenue par la suite l'Union
africaine) a déclaré dés son préambule que les
Chefs des Etats membres de l'OUA ont résolu « à
promouvoir et à protéger les droits de l'homme et des peuples,
à consolider les institutions et la culture démocratiques,
à promouvoir la bonne gouvernance et l'Etat de droit». Elle a
considéré que la promotion des principes et institutions
démocratiques, la participation populaire et la bonne gouvernance sont
parmi ses objectifs22.
Devant un contexte international fragile, la démocratie
est un besoin de l'avenir.
Pour l'ONU, en tant qu'une organisation internationale
intergouvernementale elle doit s'adapter pour garantir son efficacité
d'agir et de réagir et donc pour garantir même son existence et sa
continuité par le biais de l'universalisation des principes et des
valeurs démocratiques.
L'arrivée de Mr Boutros Boutros Ghali au
Secrétariat général de l'ONU23 a
encouragé la nouvelle conception du rôle de cette organisation.
L'enthousiasme de l'ONU en faveur de la promotion de la
démocratie a donné une nouvelle approche au principe de la
souveraineté au profit de la consolidation du principe de la
légitimité démocratique.
21 La Charte de Paris pour une nouvelle Europe,
adoptée le 21 novembre 1990, p1, publiée sur :
http://www.osce.org/fr/mc/39517
22 Voir l'article 1-G, p5 de la charte constitutive de
la charte de l'OUA, publiée sur :
http://www.africa-union.org/Official_documents/Treaties_Conventions_fr/Acte%20Constitutif.pdf
23 Mr Boutros Boutros Ghali a été le
secrétaire général de l'ONU pour un seul mandat du
1er janvier 1992 au 31 décembre 1996.
10
Cette approche est en perpétuelle mutation puisque
l'idée de la transition démocratique séduit encore les
pays arabes qui connaissent des changements politiques importants ce qui
encourage l'ONU de faire « la propagande » à
l'établissement d' « un ordre »plus « démocratique
et équitable »24.
Comme nous avons déjà vu, la consécration
normative des principes démocratiques est garantie presque dans les
quatre coins de la planète, mais il ne faut pas oublier que les Etats
intéressés par cette évolution sont essentiellement des
pays émergents.
Il est indispensable dans ce cas de clarifier le terme
«pays émergents ». Ce dernier ne signifie pas les pays
émergents au niveau économique25 mais plutôt
ceux qui connaissent une émergence démocratique lors d'une
indépendance ou pendant un processus de transition
démocratique.
Une telle étude concernant l'ONU et la
démocratie dans les pays émergents nous permet de
déterminer la conformité entre les assises juridiques de cette
action et les modalités d'intervention pour la concrétiser afin
de présenter une évaluation rationnelle et objective.
L'instauration de la démocratie n'est plus aujourd'hui
une lutte actuelle dans les pays développés. L'ONU tente
aujourd'hui d'universaliser le modèle
24 Un ensemble des résolutions
adoptées par l'assemblée générale dans les
dernières années A/RES /66/159 du 26 mars 2012, A/RES/65/223 du
11 avril 2011, A/RES/64/157 du 8 mars 2010, A/RES/63/189 du 18 mars 2009,
A/RES/61/160 du 21 février 2007, A/RES/59/193 du 18 mars 2005,
A/RES/57/213 du 25 février 2003, A/RES/56/151 du 8 février 2002,
A/RES/55/107 du 14 mars 2001 sur le même thème à savoir
« la promotion d'un ordre international démocratique et
équitable »
25 Le pays émergent, selon sa
définition économique, est « un pays dont le produit
intérieur brut est inférieur à celui d'un pays
développé. Il a pour caractéristique d'enregistrer une
croissance rapide, avec un niveau de vie qui tend vers celui d'un pays
développé. C'est au sein des pays en développement que
sont apparus les pays émergents. La Chine, l'Inde et l'Indonésie,
ainsi que les pays d'Amérique latine comme le Brésil et
l'Argentine sont régulièrement associées à cette
catégorie. »
http://www.trader-finance.fr/lexique-finance/definition-lettre-P/Pays-emergent.html
11
démocratique dans les pays du sud, mais une question
inévitable se pose : Est-ce que l'action de l'ONU dans la promotion de
la démocratie est efficace dans les pays émergents ?
Pour répondre à cette problématique, nous
traiterons, en premier lieu, l'action de l'Organisation des Nations Unies pour
la promotion de la démocratie dans les pays émergents
(PREMIERE PARTIE). Nous étudierons, en second lieu, les
limites de cette action (DEUXIEME PARTIE).
PREMIERE PARTIE : L'ACTION DE
L'ORGANISATION DES NATIONS
UNIES POUR LA PROMOTION DE
LA DEMOCRATIE DANS LES PAYS
EMERGENTS
12
13
La promotion de la démocratie dans les pays
émergents est susceptible d'être fertile et efficace sur la base
du fondement de l'action de l'ONU (chapitre premier) et en suivant des
modalités d'intervention diverses (chapitre deuxième).
Chapitre premier : Le fondement de l'action de
l'ONU
L'action de l'ONU en matière de la démocratie
est fondée sur un ensemble des principes qui sont la paix (section I),
le développement (section II) et le respect des droits de l'homme
(section III).
Il est notable de signaler que ces trois principes sont
complémentaires et interdépendants. Il n'y a pas un classement de
priorité entre ces trois objectifs. C'est tout à fait le
contraire, les trois buts constituent, eux mêmes, une priorité
à la charge de l'Organisation mondiale.
Section I : La paix, une condition pour la promotion de
la démocratie
Pour promouvoir la démocratie il faut maintenir la paix et
pour réaliser une paix durable il faut instaurer la
démocratie.
Paragraphe premier : Le maintien de la paix est la garantie
de la démocratie
L'article premier de la Charte des Nations Unies mentionne que
: « Les buts des Nations Unies sont les suivants :
1. Maintenir la paix et la sécurité
internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives
efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la
paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix,
et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux
14
principes de la justice et du droit international,
l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de
caractère international, susceptibles de mener à une rupture de
la paix;... ».
La paix, selon cet article, est non seulement un but
mentionné expressément, mais elle est également un but
primordial qui autour de lui tournent toutes les autres fins de l'ONU telles
que le développement et la coopération.
Donc, la paix comme étant un but mentionné
expressément est un moyen également pour servir un but non
déclaré et tacite tel que la démocratie.
Il est évident que la vague de la
démocratisation a eu lieu après une grande vague des
déclarations d'indépendance ce qui conduit à une
multiplicité d'Etats indépendants. Il est clair, ici, que la paix
est un gage pour réaliser la démocratie.
Mais, qu'est ce que la paix ?
On peut définir la paix, selon son sens étroit,
comme étant « le refus de guerre comme moyen de régler
les différends » 26. Son sens large permet
de la considérer comme « un objectif de la
société internationale tendant au maintien d'une situation
internationale sans guerre» 27.
Ce qui conduit, a fortiori, à éviter la guerre
comme une solution pour régler un conflit et à recourir à
d'autres moyens pour maintenir la paix .On peut considérer la promotion
de la démocratie comme un choix parmi d'autres qui consolide
l'état de paix.
26 Valticos (Nicolas ), « idéal ou
idéaux dans le monde actuel :la paix, le développement, le
démocratie », in. Mélanges B .B.Ghali, Vol.I,
Bruxelles, Bruylant , 1998, p 1410.
27 Salmon (Jean),...op.cit., p799.
15
Paragraphe deuxième : La protection de la
démocratie est la garantie d'une paix durable
Le rapport de complémentarité entre la paix et
la démocratie paraît évident et logique mais, en
réalité, il n'est pas absolu « ce pendant, une fois le
principe général admis, et étant donc entendu qu'un
régime démocratique est sans doute plus favorable à la
paix que des régimes d'autocratie, il faut bien admettre que la
règle n'est pas absolue et que ce n'est pas toujours le cas... A notre
ère aussi, il n'ya pas vraiment bien longtemps que les grandes
démocraties n'ont pas hésité à mener des
expéditions coloniales et à manier le `gros bâton ', comme
-on l'a dit, sur le dos de plus faible pays » 28 .
A Notre ère, on remarque l'existence de beaucoup de
régimes autoritaires qui arrivent à maintenir « la paix
» sociale en l'absence de la démocratie ou plutôt « une
paix forcée » maintenue par la force et non pas sur la base d'un
consensus collectif. La décision pour ce type des régimes est le
choix du dirigeant autoritaire et par le biais des moyens
antidémocratiques.
De ce fait, on peut déduire que la paix est une
garantie de la démocratie qu'est un gage pour préserver la
liberté et combattre l'autocratie.
Ce lien est affirmé par l'agenda pour la paix
adoptée le 31janvier 1992 par l'Assemblée Générale.
C'est un rapport élaboré par l'ancien Secrétaire
Général Boutros Boutros Ghali suite à une demande de la
part du Conseil de Sécurité. « Cet agenda s'inspire
directement des dispositions prévues par la charte, et il est, dans
l'ensemble, conforme aux buts et aux principes de ce texte fondateur»
29 , comme l'a considéré son auteur.
28 Valticos (Nicolas ), ... op.cit., p1410.
29 Ghali Boutros (Boutros), « le droit
international à la recherche de ses valeurs », RCADI, tome
286, 2000, p23.
16
On doit mettre ce rapport dans son contexte international, il
faut souligner qu'il est le résultat d'une prise de conscience
doctrinale et onusienne d'une faillite de l'ONU à mettre fin et à
prévenir le déclenchement des tensions.
« L'ONU a failli à sa mission principale de
maintien de la paix et de la sécurité internationales .Plus
exactement, l'innovation principale de la sécurité collective n'a
guère fonctionné et est tombée dans une
quasi-désuétude» 30.
Cette paralysie de l'ONU devrait être rattrapée
par un besoin d'innovation au niveau des opérations de maintien de la
paix.
Les opérations de maintien de la paix, qui sont
apparues depuis 1956, ont changé de nature. Ce sont des
opérations d'une nouvelle génération, elles sont
constituées de deux composantes : une composante civile et une
composante militaire.
L'opération ne se limite plus à mettre fin au
conflit par les moyens militaires mais elle s'étend à accomplir
d'autres fonctions pour traiter les raisons profondes des tensions.
Ces fonctions sont telles que l'acheminement des recours
humanitaires mais aussi la surveillance du déroulement
d'élections ,la vérification du respect des droits de l'homme et
l'aide à mettre en place des institutions étatiques telles que
l'institution policière et législative, des taches qui ont un
lien direct et étroit avec la promotion de la démocratie .
30 Ben Achour (Rafaa), « l'action des Nations
Unies en matière de maintien de la paix et de la sécurité
internationales », Etudes internationales (Tunisie), t1,
N°54, 1995, p5.
17
Mais, cet agenda a des effets limités puis qu'il
était incapable d'éviter le déclenchement des autres
conflits. En fait, quatre ans, après sa publication, étaient
suffisants pour montrer les limites des mesures prévues par ce rapport
surtout lors du conflit somalien et le conflit de l'ex-Yougoslavie.
Ce qui conduit le même auteur à émettre un
rapport supplémentaire en 1995 et surtout à élaborer un
deuxième agenda à savoir l' « agenda pour la
démocratisation » le 2 décembre 1996.
L'enthousiasme de Mr Boutros Boutros Ghali n'est qu'une
expression d'un enthousiasme de l'ONU à l'égard de la
démocratie. « En un mot, l'ONU est désormais convaincue
que la démocratie est une condition essentielle à la
concrétisation de la paix » 31.
Cet agenda est une initiative personnelle du Secrétaire
général et il prend en considération l'évolution
des opérations de maintien de la paix, c'est pour cela son auteur l'a
considéré comme étant « le plus important des
rapports » 32 qu'il a présentés à
l'Assemblée Générale même s'il connait une censure
de fait.
Dans ce même acheminement, le Conseil de
Sécurité a condamné les coups d'Etat lorsqu'un
gouvernement dictatorial remplace un gouvernement démocratiquement
élu.
31 Rich (Roland), « l'Organisation des Nations
Unies et la promotion de la démocratie », le monde des
parlements, N°31, septembre 2008, p12.
32 Ghali Boutros (Boutros), « le droit
international à la recherche de ses valeurs », op.cit., p35.
18
En fait, le Conseil l'a considéré dans plusieurs
reprises comme une menace contre la paix sur la base de l'article 39 de la
charte des Nations Unies33.
Pour le cas burundais, les coups d'Etat de 1993 et 1996 ont
conduit à une guerre civile et interethnique. L'ONU a réagi,
à l'époque, pour imposer la restauration de la
démocratie.
« Les prises de position des organes
compétents de l'ONU suggéraient de façon nette que ...la
démocratie, l'Etat de droit et le respect des droits de l'homme se
renforçaient mutuellement et que l'interruption brutale du processus de
démocratisation risquait d'affecter sérieusement le maintien de
la paix et de la sécurité régionales » 34.
Entre autre, la résolution 1040(1996) sur la situation
au Burundi a souligné dans son paragraphe deuxième le rapport
étroit existant entre la démocratie et la sécurité
et le rétablissement de l'ordre au Burundi35.
Pour le cas haïtien, la résolution 940 (1994) met
l'accent sur le lien évident entre la démocratie et la
paix36.
Il est notoire de signaler que cette résolution permet
« un élargissement significatif à la notion de la menace
contre la paix» .37
33L'article 39 de la charte prévoit que
« Le Conseil de sécurité constate l'existence d'une menace
contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et fait des
recommandations ou décide quelles mesures seront prises
conformément aux Articles 41 et 42 pour maintenir ou rétablir la
paix et la sécurité internationales. »
34 (Linos Alexandre ) Sicilianos, l'ONU et la
démocratisation de l'Etat : Systèmes régionaux juridiques
universels, Paris, Pédone, 2000, p214.
35 La résolution 1040 du 26 janvier 1996
« sur la situation au Burundi » prise par le Conseil de
Sécurité mentionne dans son deuxième paragraphe « 2.
Déclare qu'il appuie sans réserve l'action menée par le
Secrétaire général et par d'autres ... pour faciliter un
dialogue politique global visant à promouvoir la réconciliation
nationale, la démocratie, la sécurité et le
rétablissement de l'ordre au Burundi ;... »
36 S/Rés/940 du 4 aout 1994 sur « Question
concernant Haïti (autorisation force multinationale) ».
37 Ibid, p215.
19
La normativité de la pratique onusienne en la
matière va être ancrée essentiellement par la
résolution 1132 (1997) lors d'un coup d'Etat militaire du 25 mai 1997
qui a donné l'occasion aux juntes militaires en Sierre Léone
d'arriver au pouvoir et qui n'ont pas une légitimité
démocratique.
Cette résolution a considéré la violence
comme une menace contre la
paix.
Il en résulte que « le coup d'Etat contre un
gouvernement démocratiquement élu est considéré, en
tant que tel comme un facteur de déstabilisation qui peut avoir des
répercussions sur le maintien de la paix et de la sécurité
internationales ».38
La paix est une condition pour la promotion de la
démocratie, et une démocratie sans développement n'est
qu'une utopie.
Section II : Le développement, une garantie pour
ancrer la démocratie
Il est évident que la démocratie est une
politique qui se fonde sur plusieurs piliers. On peut considérer le
développement comme étant parmi les plus importants.
Paragraphe premier : La définition du
développement
Le développement est l'action de faire croitre, de
faire progresser, de donner de l'ampleur au cours du temps. C'est un «
processus de transformation des structures d'une société
lié à la croissance»39.
L'approche de l'ONU donne au développement une approche
globale. De ce fait, le développement recouvre « toutes les
formes de progrès sur le plan
38 (Linos Alexandre) Sicilianos, op.cit, p215.
39 Salmon(Jean), op.cit. , p336.
20
humain et implique une qualité de vie meilleure
»40. On parle d'un développement global. Par
conséquent, le développement ne se limite pas à une
amélioration matérielle des conditions économiques.
Cette notion globale du développement se retrouve dans
les résolutions et déclarations des Nations Unies.
La déclaration des Nations Unies sur le droit au
développement a estimé que le développement est «
un processus global, économique, social, culturel et politique, qui
vise à améliorer sans cesse le bien-être de l'ensemble de
la population et de tous les individus, sur la base de leur participation
active, libre et significative au développement et au partage
équitable des bienfaits qui en découlent
»41.
Malgré la vision globale de l'ONU en ce qui concerne la
notion de développement, cette dernière reste ambigüe.
L'ancien Secrétaire Général Mr Boutros Boutros Ghali a
déduit que « la charte des Nations Unies a prévu des
dispositions précises concernant le maintien de la paix, elle se
révèle beaucoup moins prolixe sur la question du
développement qui reste, jusqu'à aujourd'hui, un concept confus
et controversé ». 42
L'ambigüité de la notion résulte du fait
que le développement comprend plusieurs dimensions et, donc, il peut
faire l'objet d'une interaction avec d'autres notions telles que la
démocratie.
40 Shihata (Ibrahim F.I), op.cit, p1370.
41
http://www.un.org/fr/events/righttodevelopment/declaration.shtml
42 Ghali Boutros (Boutros), « le droit
international à la recherche de ses valeurs », op.cit, p27.
21
22
Paragraphe deuxième : L'interdépendance entre
le développement et la démocratie
Vu que la démocratie et le développement sont
des processus, tous les pays ne connaissent pas un progrès similaires
sur les deux niveaux.
Il est à noter que la complémentarité
entre la démocratie et le développement se concrétise
essentiellement lors du régime libéral, il est clair que la
libéralisation économique favorise la libéralisation
politique. Par cette concrétisation, on arrive à identifier la
substance même de la démocratie durable.
« Pour être durable, la démocratie doit
être enracinée dans le contexte local et résulter des
forces mêmes de la société » 43.
On peut ajouter à la libéralisation la
mondialisation comme étant un élément
d'accélération du processus de développement et de
démocratie.
En tout état de cause, la démocratie encourage
le développement « il est certain que le sous
développement encourage des régimes autoritaires et facilite les
conflits comme il est facile de dire que le développement permet la
démocratisation » 44.
Il est à relever que la démocratie est, aussi,
une garantie pour le développement, entre autre le développement
équitable et effectif suppose la transparence, la responsabilité
et la participation des citoyens. « La démocratie constitue de
toute manière une condition favorable pour le développement du
pays » 45.
43Shihata (Ibrahim F.I), op.cit, p1374.
44 Ghali Boutros (Boutros), « vers quelle
réforme de l'ONU ? », Géostratégiques, n14,
2006, p192.
45 Valticos (Nicolas), op.cit, p1412.
L'ancien secrétaire général Mr Boutros
Boutros Ghali a présenté un rapport intitulé « agenda
pour le développement » le 6 mai 1994 suite à une demande de
l'Assemblée Générale à ce propos.
Dans cet agenda, son auteur a fait le lien entre 5
éléments à savoir la paix, l'économie,
l'environnement, la justice sociale et enfin la démocratie. «
Pour Boutros Boutros Ghali, le développement a cinq dimensions: la
paix « fondement du développement, l'économie « moteur
du progrès », l'environnement « base de durabilité
», la justice sociale « pilier de la société » et
la démocratie « modèle de fonctionnement de l'Etat. Il
s'agit là d'une conception originale et novatrice du
développement» 46.
En plus, l'auteur de l'agenda « a cherché
à démontrer l'existence d'un lien naturel entre les deux
processus » 47.
En fait, la démocratie et le développement sont
complémentaires et indissociables pour quatre raisons :
Tout d'abord, la démocratie est une clé pour
éviter les conflits internes ce qui va garantir, a priori, une paix
sociale pour la promotion du développement.
Ensuite, promouvoir le progrès sur ces deux niveaux
peut être même un mode de conciliation pour garantir la
stabilité et l'état de paix.
Puis, la démocratie est l'essence pour consacrer le
droit à un développement équitable et durable en tant
qu'un droit fondamental.
46Ben achour ( Rafaa) , « la contribution de
Boutros Boutros Ghali à l'émergence d'un droit international
positif de la démocratie », in. Mélanges Boutros Boutros
Ghali, vol.II, Bruxelles, Bruylant, 1998.
47 (Linos Alexandre ) Sicilianos, op.cit, p140.
23
Enfin, la participation à la prise de décision
ou ce qu'on appelle souvent « la démocratie participative »
accélère et rationnalise le développement dans sa
conception globale.
Donc, sans démocratie réelle le
développement est en danger et sans un développement
équitable, la démocratie reste une idée purement
utopique.
Cette vision a été consolidée à
plusieurs reprises, c'est le cas par exemple de la résolution 51 /31
(1997) qui mentionne que « la démocratie, le
développement et le respect des droits de l'homme et les libertés
fondamentales sont interdépendants et synergiques ... »
48 .
La pratique onusienne cristallise cette interdépendance
entre ces deux préoccupations et non pas la priorité de l'un sur
l'autre. La preuve est que la Banque Mondiale - qu'a comme mission principale
l'aide au développement-peut être obligée par le Conseil de
Sécurité à interrompre ces relations économiques
avec des Etats non démocratiques sur la base des articles 40,41 et
42.
Les régimes autoritaires peuvent réaliser un
développement qui reste souvent un développement fragile alors
que les régimes démocratiques arrivent à réaliser
dans la plupart du temps un développement durable et continu. «
Le développement humain n'est possible que dans un cadre
démocratique et la démocratie et le développement sont
difficilement réalisables sans une coopération plus
élargie à l'échelle internationale » 49.
Mr Boutros Boutros Ghali, dans son agenda pour la
démocratisation, a conclu ce rapport complexe de
complémentarité existant entre la démocratie et
48 A /RES/51/31 du 10 janvier 1997.relatif à
« 51/31. Appui du système des Nations Unies aux efforts
déployés par les gouvernements pour promouvoir et consolider les
démocraties nouvelles ou rétablies »
49 Berrezoug (Mohamed), « l'ONU : Paix et
développement », Etudes
internationales(Tunisie),n°58, 1/1996, p43.
24
le développement. « La corrélation
entre le développement et la démocratie est plus complexe .On a
vu des pays se développer sous des régimes qui n'étaient
pas démocratiques .Toutefois, rien ne semble indiquer qu'un
régime autoritaire est nécessaire pour assurer le
développement, alors que tout tend à prouver à long terme,
la démocratie est un facteur essentiel de développement durable.
Le développement, quant à lui, est primordial pour qu'existe une
société véritablement démocratique dont toutes les
composantes peuvent, au delà de l'égalité de principe,
participer effectivement au fonctionnement de leurs institutions »
50.
La paix et le développement sont des conditions pour
promouvoir la démocratie. Le respect et la diffusion des droits de
l'homme sont indispensables pour fonder un régime démocratique.
En fait, une démocratie sans le respect des droits de l'homme reste un
rêve inachevé.
Section III : Les droits de l'Homme, une composante
essentielle de la démocratie
La primauté des droits de l'homme constitue un gage
pour la démocratie. L'interaction entre ces deux préoccupations
donne lieu à l'apparition d'un droit à la démocratie.
Paragraphe premier : La primauté des droits de
l'homme garantit la paix et la démocratie
Aristote avait déclaré depuis 350 ans av J.C que
« dans la démocratie, la liberté doit être
supposée, car il est généralement admis qu'aucun homme
n'est libre sous quelque forme de gouvernement que ce soit ».
50 Le paragraphe 121 de l'agenda pour la
démocratisation.
25
Il était évident pour ce philosophe que la
liberté est le fondement de la démocratie. Pour nous, le lien
entre la démocratie et les droits de l'homme est indiscutable.
L'ONU a, également, pris conscience de l'importance de
la protection des droits de l'homme qui garantit la paix et évite le
déclenchement d'un troisième conflit mondial.
Jerome Shestack a mis l'accent sur le rapport existant entre
la paix et les droits de l'homme. Il énonce que « la paix sans
les droits de l'homme n'est que néant» 51 , toute
violation des droits de l'homme peut conduire à déstabiliser
l'état de la paix.
La démocratie est l'état idéal d'une paix
durable -c'est une condition et une garantie, comme nous l'avons
évoqué au dessus- et elle est fondée, aussi sur la
primauté des droits de l'homme.
Nous définissons les droits de l'homme comme
l'«ensemble des droits et des libertés fondamentales
inhérents à la dignité de la personne humaine et qui
concernent tous les êtres humains » 52. Ces droits
sont protégés par des textes du droit interne, mais aussi, du
droit international ce qui conduit à l'apparition du droit international
des droits de l'homme. Ils s'appliquent à tout être humain
abstraction faite de son sexe, de sa nationalité, de sa religion ou de
sa fortune...
Les droits de l'homme connaissent des évolutions
successives et ils connaissent encore un élargissement significatif.
Nous présentons trois générations des droits de l'homme :
la première concerne les droits civils et politiques qui sont
fondés sur le concept de liberté ; la deuxième est
relative aux droits économiques, sociaux et culturels qui sont
fondés sur le concept d'égalité
51 C'est l'intitulé de son article : Shestack
(Jerome), « la paix sans les droits de l'homme n'est que néant
», in. Ouvrage collectif la guerre ou la paix, Paris, Unesco,
1980, pp 127-133.
52 Salmon (Jean), op.cit, p396.
26
et de justice sociale ; et enfin la troisième
génération concernant les droits de solidarité.
En tout état de cause, nul ne peut nier le
caractère politique de la protection des droits de l'homme. La promotion
des droits de l'homme résulte, essentiellement, de la remise en cause de
tout pouvoir abusif. Pour cela les droits de l'homme sont consolidés par
une protection exceptionnelle sur le plan régional et universel.
Ce qu'on peut déduire que la protection est
élevée là où la démocratie est bien
cristallisée, la protection européenne des droits de l'homme est
un modèle excellent où la protection ne se limite pas à
« des belles déclarations » mais elle s'étend à
la mise en place de tout un système.
Sur le plan universel, l'ONU a élaboré toute une
gamme de textes juridiques protégeant les droits de l'homme. D'abord, le
préambule de la Charte des Nations unies prévoit que «
nous peuples des Nations Unies, résolus ... à proclamer
à nouveau notre foi dans les droits de l'homme ,dans la dignité
et la valeur de la personne humaine ,dans l'égalité de droits des
hommes et des femmes ,ainsi que des nations ,grandes et petites...
».
La réalisation de la coopération internationale
« en développant et encourageant le respect des droits de
l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de
race, de sexe, de langue ou de religion » est parmi les buts des
Nations Unies cités dans l'article premier.
L'ONU, est obligée de respecter les droits de l'homme lors
de son
fonctionnement puisque « aucune restriction ne sera
imposée par
27
l'Organisation à l'accès des hommes et des
femmes, dans des conditions égales à toutes les fonctions, dans
ses organes principaux et subsidiaires» 53.
Entre autre, l'Assemblée Générale «
provoque des études et fait des recommandations en vue ...de
faciliter pour tous...la jouissance des droits de l'homme et des
libertés fondamentales » 54.
Le même organe est attribué de recevoir et
d'étudier des rapports des autres organes de
l'Organisation55. On vise, essentiellement les rapports
présentés devant l'Assemblée Générale
condamnant les violations des droits de l'homme. Le même pouvoir a
été confié au Conseil de
Sécurité56 .
Le Conseil Economique, à son tour, « peut
faire des recommandations en vue d'assurer le respect effectif des droits de
l'homme et des libertés fondamentales pour tous » 57.
Un pouvoir facultatif de recommandation qui reste, quand
même, significatif puisque ces recommandations peuvent être
communiquées à l'Assemblée
Générale58 et au Conseil de
Sécurité59.
En cas de l'administration internationale du territoire
établie par l'ONU, le régime de tutelle doit «
encourager le respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales pour tous ...et développer le sentiment de
l'interdépendance des peuples du monde » 60.
53 L'article 8 de la charte des Nations Unies.
54 L'article 13 de la charte des Nations Unies.
55 L'article 15 de la charte des Nations Unies.
56 L'article 24 de la charte des Nations Unies.
57 L'article 62 de la charte des Nations Unies
58 L'article 64 de la charte des Nations Unies
59 L'article 65 de la charte des Nations Unies qui
prévoit que « le conseil économique et social peut fournir
des informations au conseil de sécurité et l'assister si celui-ci
le demande. »
60 L'article 76 de la charte des Nations Unies.
28
De cette illustration, on déduit que le respect et la
diffusion de la culture des droits de l'homme constituent une
préoccupation vitale pour que cette organisation puisse maintenir la
paix et la sécurité internationales.
La Déclarations Universelle des Droits de l'Homme et
les deux pactes internationaux -plus précisément le pacte
international relatif aux droits civils et politiques - forment un
mécanisme de protection des droits de l'homme.
Les droits politiques sont protégés par la DUDH.
La protection de ces droits permet de protéger la démocratie.
Parmi ces droits politiques, le droit de voter et d'être
élu est consacré par la DUDH qui déclare que «
toute personne a le droit de prendre part à la direction des
affaires publiques de son pays, soit directement, soit par
l'intermédiaire de représentants librement choisis...
3. La volonté du peuple est le fondement de
l'autorité des pouvoirs publics; cette volonté doit s'exprimer
par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu
périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou
suivant une procédure équivalente assurant la liberté du
vote » 61.
Le droit de vote a été également
prévu par le pacte international des droits civils et politiques. «
Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucunes
discriminations visées à l'article 2 et sans restrictions
déraisonnables:...
b) De voter et d'être élu, au cours
d'élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et
égal et au scrutin secret, assurant l'expression libre de la
volonté des électeurs » 62.
61 L'Article 21 de la DUDH
62 L'article 25 du pacte international relatif aux
droits civils et politiques.
29
Cette illustration prouve la tendance à faire
référence « à un droit émergent à
des élections libres» 63 ce qui signifie que la
tenue d'une élection honnête et libre n'est qu'une expression du
respect de la liberté d'expression d'opinion et d'opposition.
« Le pacte relatif aux droits civils et politiques de
1966 consacre le droit à l'autodétermination interne, qui
s'analyse en un droit des citoyens à la participation et à la
direction des affaires publiques, c'est-à-dire à la
démocratie »64.
De même, le Comité des Droits de l'Homme des
Nations Unies donne des observations sur l'article 25 du PIDCP, il
considère que la consécration du droit aux élections
libres, périodiques et honnêtes est le noyau et le coeur d'un
gouvernement démocratique qui se fonde sur la volonté du peuple
librement exprimée65.
A vrai dire que le droit aux élections libres est
« le seul droit individuel reconnu par les textes internationaux se
rapportant à la forme du gouvernement» 66 . La
consécration du ce droit conduit à un autre droit émergent
à savoir le droit à démocratie.
Paragraphe deuxième : La contribution de l'ONU
à l'apparition d'un droit à la démocratie
Le droit à la démocratie est « un droit
complexe, formé par un ensemble de droits de l'homme _ et tout
particulièrement les droits politiques_ appuyés
63 Gounelle (Max), op.cit, p202.
64Huet (Véronique), « vers
l'émergence d'un principe de légitimité
démocratique en droit international ? », Revue trimestrielle
des droits de l'homme, n°67,2006.p548.
65 « Article 25 lies at the core of democratic government
based on the consent of the people and in conformity with the principles of the
convenant .», General Comment No. 25: The right to participate in public
affairs, voting rights and the right of equal access to public service (Art.25)
: . 12/07/1996.Publié sur: (
http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/(Symbol)/d0b7f023e8d6d9898025651e004bc0eb?Opendocument)
66 Huet (Véronique), op.cit, p549.
30
31
par la prééminence du droit, ainsi que par
la gestion transparente des affaires publiques » 67.
Pour la mise en place de ce droit l'ONU et plus
précisément l'Assemblée Générale a
adopté à plusieurs reprises des résolutions relatives au
« renforcement de l'efficacité du principe d'élections
périodiques et honnêtes» 68.
La Commission des Droits de l'Homme des Nations Unies a
contribué, de sa part, à l'apparition de ce droit 69
et à sa consolidation70 en affirmant que la démocratie
favorise la pleine réalisation des droits de l'homme et vice versa.
Il est à relever que ce type de droit pose, en
réalité, une polémique à propos sa nature. C'est
à la fois un droit et une charge : un droit garanti à chaque
citoyen de participer à la gestion des affaires publiques et une charge
qu'incombe à l'Etat d'organiser des élections libres et
honnêtes. C'est dans ce cadre que s'inscrit la clause de la
société démocratique qu'est énoncée dans la
DUDH.
En fait, « dans l'exercice de ses droits et dans la
jouissance de ses libertés, chacun n'est soumis qu'aux limitations
établies par la loi exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et
le respect des droits et libertés d'autrui et
67 Sicilianos (Linos-alexandre), op.cit, p151.
68 27 résolutions prises par l'assemblée
générale de 1988 jusqu'à 2012.
69 Résolution de la Commission des droits de
l'homme 1999/57 relative à la « Promotion du droit à la
démocratie », publiée sur :
http://www.unhchr.ch/huridocda/huridoca.nsf/89fcd6bdb9e223e7c1256991004bb853/c1294371fb2ae48f802567
68002fa465?OpenDocument
70 Résolution de la Commission des droits de
l'homme 2000/47 relative à la « Promotion et consolidation de la
démocratie », publiée sur :
http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/0/a3eae9837ad689a0802568d600579c94?Opendocument
afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de
l'ordre public et du bien-être général dans une
société démocratique » 71.
Ce qui nous pousse à nous interroger sur la valeur
juridique de ces textes juridiques.
Il n'y a pas de doute que le pacte relatif aux droits civils
et politiques a une valeur juridique contraignante ,au contraire, la valeur
juridique de la DUDH ne fait pas l'objet de l'unanimité doctrinale
72.
La Cour internationale de justice, dans l'arrêt
Barcelona Traction, a déclaré que « vu l'importance des
droits en cause, tous les Etats peuvent être considérés
comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient
protégés ; les obligations dont il s'agit sont des obligations
erga omnes. Ces obligations découlent par exemple ...des principes et
des règles concernant les droits fondamentaux de la personne
humaine... » 73.
La cour a affirmé dans cet arrêt que les droits
de l'homme sont des règles erga omnes, donc, elles sont
opposables à l'égard de tout les Etats abstraction faite qu'ils
soient parties de ces conventions ou non.
Il en résulte, donc, que les droits de l'homme qui
constituent la pierre angulaire de la démocratie sont des règles
erga omnes. Leur caractère
71 L'article 29 §2 de la DUDH
72 Le professeur Loshak(D) a conclu la valeur
déclaratoire de cette déclarations v. Loshak(Danièle),
« mutations des droits de l'homme et mutation du droit », Revue
internationale et juridique, 1984, p54 ; alors que le professeur De
Frouville affirme sa valeur obligatoire puisqu'elle contient des valeurs et des
principes concernant les droits de l'homme.
V. (Sylvestre Yawovi) Kpedu, « Existe-t-il un ordre
public démocratique en droit international ? », Revue de droit
international des sciences diplomatiques et politiques, vol.87, n°3,
2009.
73 CIJ, affaire Barcelona Traction, 5février
1970, p32, par33-34, publié sur :
http://www.icj-cij.org/docket/files/50/5386.pdf
32
obligatoire découle non pas de leur mode d'adoption
mais par les valeurs qu'ils proclament.
Au total, « ces deux concepts (la démocratie
et les droits de l'homme) se renforcent mutuellement. C'est grâce au
respect des droits de l'homme que les sociétés peuvent
ménager l'espace nécessaire à une constation
démocratique pacifique et c'est grâce aux processus
démocratique que les droits de l'homme trouvent leurs défendeurs
les plus ardents» 74.
Il est évident de signaler le rapport de
complémentarité qui existe entre les droits de l'homme et la
démocratie. Ce qui signifie que la violation des droits de l'homme remet
en cause la démocratie et le défaut de la démocratie
menace le respect des droits l'homme. Certains auteurs ont essayé de
nuancer ce rapport. Ils considèrent que les violations des droits de
l'homme n'impliquent pas, nécessairement, un défaut de la
démocratie et vice versa75.
Chapitre deuxième : La diversité des
modalités
d'intervention de l'ONU
Les fondements susmentionnés vont développer une
pratique ambitieuse. Dans cette étude, la pratique a consisté
dans l'assistance électorale (section I) et dans la condamnation des
Etats qui ne respectent pas la démocratie (section II).
Une action de promotion de la démocratie dans un pays
émergent peut utiliser l'une de ces deux modalités ou les deux
à la fois.
C'est l'exemple d'un coup d'Etat qui conduit à un
conflit interne et qui produit des violations des droits de l'homme. Ce qui
mène l'ONU à intervenir
74 Rich (Roland), op.cit, p13.
75 D'Asperont (Jean), l'Etat non
démocratique en droit international : étude critique du droit
positif et de la politique contemporaine, Paris, Pédone, 2008,
p30.
33
pour mettre fin à ces violations et lancer un processus
de transition démocratique par le biais d'élections libres et
honnêtes.
Section I : L'assistance électorale :
L'assistance électorale est la concrétisation du
droit de voter et d'être élu. Elle n'est pas uniforme. Elle peut
prendre plusieurs modalités mais elle est soumise à la même
procédure lors de sa demande.
Paragraphe premier : Les modalités de l'assistance
électorale
L'assistance électorale est la concrétisation du
droit de voter et d'être élu, elle est, par conséquent,
l'aspect pratique de la démocratie. En effet « l'activisme
démocratique de l'ONU s'est manifesté tout d'abord au niveau des
opérations d'assistance électorale » 76et
qui s'inscrit dans un « processus de création d'Etat
démocratique » 77.
Historiquement, la fin des années 1980 et le
début des années 1990 ont été marqués par
l'engagement dans des missions électorales et au cours de ces 20
dernières années, l'ONU78 a fourni le support
électoral à plus de 100 Etats membres.
76Ben Achour (Rafaa), «la contribution de
Boutros Boutros Ghali à l'émergence d'un droit international
positif de la démocratie », op.ct, p921.
77 Expression utilisée par D'aspremont
(Jean), « la création internationale d'Etats démocratiques
», Revue générale de droit international public,
Tome 109, 4/2009, pp889-908. Voir également Kpedu (Sylvestre Yawovi),
op.cit, p260.
78 Il est à signaler que l'ONU n'est pas la
seule sur la scène internationale qui fournit ce type d'assistance, on
trouve une présence importante et significative de l'Union
Européenne et d'Etats Unis d'Amérique.
34
35
Cette pratique montre que la légitimité
démocratique devient, jour après l'autre, une
préoccupation internationale ; et dans le même ordre d'idée
l'exercice de l'autorité doit être légitime par la tenue
d'élections libres et honnêtes qui cristallise la volonté
du peuple.
La légitimité signifie « la
conformité à une valeur »79, de ce fait la
légitimité démocratique est la conformité aux
valeurs démocratiques.
Cette pratique a été consacrée par
l'évolution des opérations de maintien de la paix. Ces
dernières ont des taches diversifiées et des missions
multidimensionnelles : elles sont constituées par une composante civile
telle que l'organisation d'élections80.
L'opération électorale peut prendre deux
étapes : soit l'assistance électorale soit l'observation
électorale
Pour l'assistance électorale, elle a été
définie dans un rapport du secrétaire général Mr
Boutros Boutros Ghali de l'ONU comme « divers service technique,
notamment des analyses, des conseils, du matériel ou une formation, aux
institutions gouvernementales en réponse à des besoins
spécifiques du pays dans le cadre du processus électoral. Cette
assistance peut comporter des services d'experts et de consultant en
matière juridique ou technique ainsi que la fourniture de
matériel de traitement des données ,de matériel
électoral ou d'une assistance concernant l'administration et la gestion
du processus électoral» 81.
L'assistance électorale est un support légal,
technique et logistique fourni aux processus électoraux et aux
institutions. Par le biais de laquelle, on couvre
79 Moran (Jacques Ivan), « institutions et
droit de l'homme vers des nouvelles exigences de légitimité de
l'Etat » in. l'Etat souverain à l'aube de XXI siècle
(colloque de Nancy organisé par la Société
Française de Droit International), Paris, Pédone, 1994, p290.
80 D'aspremont (Jean),...op.cit, p890.
81 A/46/609 du 19 novembre 1991, relative à
l' « amélioration de l'effectivité du principe
d'élections honnêtes et périodiques », §8.
l'établissement du cadre juridique créant
l'administration électorale, la mobilisation des ressources
financières et matérielles, l'implication de la
société civile et la sensibilisation des électeurs et des
candidats...
Elle peut être consolidée par une mission
d'observation.
L'observation électorale, par conséquent
,l'autre forme de l'opération électorale ,est « le
recueil d'informations concernant le processus électoral et le fait de
rendre des avis autorisés sur la conduite de ce processus sur la base
d'informations recueillies par des personnes qui n'ont pas la qualité
pour intervenir dans ce processus » 82.
Pour distinguer entre ces deux formes, l'observation
électorale est plus politique et moins technique que l'assistance.
L'assistance électorale prend, en
général, cinq formes83. Ces sont les plus
utilisées et qui sont les suivantes : la vérification, la
coordination et le soutien des observateurs internationaux, le soutien aux
observateurs électoraux nationaux, l'assistance technique et observation
; et l'observation « follow and report».
A- La vérification : l'assistance
électorale en Libye :
La vérification consiste à vérifier la
légitimité de tous les aspects du processus électoral.
Beaucoup des Etats84 qui ont connu une situation de transition
démocratique ont demandé à l'ONU d'assurer et de
vérifier la légitimité du processus électoral.
82Définition citée par Fau-Nougaret
(Matthieu), « approche critique des organisations internationales en
matière électorale », Revue belge de droit
international, vol XLII, 2/2009, p598.
83 Il y a deux autres formes qui sont
l'organisation et la conduite des élections et la supervision qui ont
tombé dans la désuétude puisque la souveraineté de
l'Etat réduit à son maximum.
84 Sous titre d'exemple, on peut citer l'Angola, le
Salvador, l'Erythrée, le Haïti, le Mozambique, le Nicaragua ...
36
L'exemple actuel de ce type des missions est la Mission
d'Appui des Nations Unies en Libye85. Elle est établie sur la
base d'un accord conclu avec le gouvernement provisoire libyen le 11 janvier
2012.
A vrai dire, c'est une opération multidimensionnelle
qui a pour but d'accomplir plusieurs taches y compris « l'appui
électoral 86» qui se cristallise par le fait de mettre
au point une législation électorale ,constituer un commission
électorale national supérieure qui a comme fonction de
créer un cadre juridique et institutionnel pour les élections au
Congrès National.
L'équipe de MANUL a des contacts avec la commission
électorale et la transmet des recommandations sur les projets des lois
électorales.
Par le biais d'une coopération avec le Programme des
Nations Unies pour le développement, elle a élaboré un
programme complet d'appui électoral destiné à la
commission électorale si elle en fait la demande.
Ces deux organes ont essayé, en outre, d'impliquer la
société civile, et de promouvoir une éducation civique sur
les questions fondamentales des élections, de la démocratie et de
la bonne gouvernance.
L'appui électoral en Libye est fondé sur la
coopération des trois organismes : la section électorale
intégrée de la MANUL, le PNUD mais également le bureau des
Nations Unies pour les services d'appui des projets. Ils ont attribué
à fournir une assistance électorale et des services consultatifs,
à assister à l'enregistrement des électeurs et des
candidats, à gérer le budget et au financement, aux achats et
à la gestion des avoirs électoraux .L'assistance
85 Une mission créée par le Conseil
de Sécurité par les résolutions : S /RES/ 2009 (2011) du
16 septembre 2011 , S/RES/2017 (2011) 31 octobre 2011 sur la situation en
Libye, son mandat a été prolongé par la résolution
S/RES/ 2022 (2011) du 2 décembre 2011.
86 L'expression utilisée par le
secrétaire général dans son rapport présenté
au conseil de sécurité S/RES/727(2011) du 22 novembre 2011 «
rapport du secrétaire général sur la Mission d'Appui des
Nations Unies en Libye ».
37
couvre aussi la fourniture de la logistique et la
réalisation des opérations sur le terrain.
Il est nécessaire de signaler que les taches
effectuées par cette mission sont nombreuses et importantes. Elles
couvrent tout le processus électoral ce qui nous permet de qualifier
cette mission comme une opération de vérification.
B- La coordination et le soutien des observateurs
internationaux: l'assistance électorale en Tunisie :
L'opération de la coordination et le soutien des
observateurs internationaux est, selon le professeur Fau-Nougaret (M), le cas
de l'Etat qui demande « à des organisations
intergouvernementales et non-intergouvernementales de venir observer les
élections » en attendant l'appui logistiques notamment des
bureaux de PNUD.
Elle a deux avantages : elle est caractérisée
par « une présence discrète de point de vue
politique..» et « elle est moins intrusive dans la
souveraineté de l'Etat »87.
Pour la tenue des élections de 23 octobre 2011, la
Tunisie a demandé cette forme d'assistance électorale du PNUD.
Le bureau de PNUD en Tunisie en coordination avec la division
de l'assistance électorale du Département des affaires politiques
des Nations Unies a créé le projet « Soutien au
processus électoral en Tunisie». Il a pour but de fournir une
assistance technique aux autorités nationales responsables de
l'administration du processus électoral (l'instance supérieure
indépendante pour
87 Fau-Nougaret (Matthieu), op.cit, p602.
38
39
les élections), il appuie, aussi, les organisations de
la société civile pour les activités de la sensibilisation
et pour la participation politique des femmes88.
Il est à noter que l'assistance électorale
fournie en Tunisie et en Egypte par l'ONU et le PNUD exprime la volonté
de cette organisation d'« accompagner la transition
démocratique en cours dans le monde arabe ...pendant l'année
écoulée. En Égypte et en Tunisie, l'ONU a fourni une
assistance technique et des services d'expert pour l'organisation
d'élections. L'élection des membres de l'Assemblée
constituante qui a eu lieu en Tunisie en octobre dernier et les
élections législatives et présidentielle qui son
déroulées en Egypte, respectivement, de novembre 2011 à
février 2012 et en mai et juin 2012, sont des étapes
décisives de l'évolution démocratiques de ce deux
Etats89 ».
C- Le soutien aux observateurs électoraux
nationaux : l'assistance électorale au Yémen :
La troisième forme d'assistance électorale est
le soutien aux observateurs électoraux nationaux. Ce soutien concerne
essentiellement le renforcement des capacités de l'assistance
chargée par le déroulement des élections
C'est le cas de l'assistance électorale au
Yémen. Sur la base d'un accord sur la transition démocratique
90 à l'initiative du Conseil de coopération du Golfe
et du Conseil de Sécurité , le gouvernement
yéménite a demandé l'assistance de l'ONU pour lancer le
processus électoral tout en coordonnant avec le PNUD qui a fourni une
aide technique et logistique à « la Commission suprême pour
les élections et le référendum » et qui a mis en
place une campagne de sensibilisation des électeurs.
88
http://www.onu-tn.org
89 A/67/1 : du 08 aout 2012 « rapport du
secrétaire général sur les activités de
l'Organisation » §34, p7et s.
http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/67/1
90 Un accord de paix signé 23 novembre 2011.
Les efforts déployés, à ce propos,
conduisent à « l'organisation d'élections ...dans de
bonnes conditions » tel qu'il est affirmé par le rapport du
Secrétaire général sur les activités de
l'Organisation.
Cette forme d'appui a été fournie, à
titre d'exemple, à la commission électorale nigérienne en
1999 et à la Commission électorale cambodgienne en 2001.
Pour les deux derniers types d'assistance à savoir
« l'assistance technique et observation » et « l'observation
follow and report » concernent, en réalité des choses, les
Etats ayant une expérience solide en matière de la gestion du
processus électoral.
Paragraphe deuxième : La demande de l'assistance
électorale :
La phase pré opérationnelle est entamée
par une demande préalable d'une autorité nationale reconnue de
l'Etat concerné à l'ONU. Cette lettre a pour mission de
déterminer le cadre d'intervention de l'organisation
sollicitée.
En tout état de cause, l'auteur de la demande de
l'assistance électorale peut être un pays en transition
démocratique(le cas égyptien, tunisien, yéménite et
libyen), un pays cherchant une fin pacifique au conflit, un pays venant
d'être décolonisé et enfin un pays qui organise des
élections dans le cadre du processus
d'autodétermination91.
En ce qui concerne l'acceptation de l'ONU de la demande de
l'assistance, elle est facultative et elle doit répondre à un
ensemble des conditions tel que l'évaluation du contexte
général du pays, l'évaluation de la période pendant
laquelle on va départir le processus ...
91 Laghmani (Slim), vers une légitimité
démocratique, op.cit, p267.
40
En revanche, l'assistance électorale,
théoriquement parlant, ne conduit pas à une ingérence dans
les affaires de l'Etat. La pratique peut donner toujours une version
tronquée.
Ce qu'est évident que « les Nations Unies ont
très bien compris qu'elles n'avaient pas les moyens humains et
financiers d'éteindre continuellement les foyers de conflits. Or la
recherche de la paix durable étant un des objectifs, si ce n'est la
raison d'être de l'Organisation, il est apparu nécessaire d'aider
les Etats à réussir leur transition démocratique, entre
autre, à les aider dans l'assistance électorale »
92.
Vu les expériences des Etats en la matière,
l'assistance électorale n'était pas dans la plupart des cas un
« événement » mais plutôt un processus et pour
être précis une étape vers une transition
démocratique complète.
La réussite de l'assistance est la première
évaluation de l'aptitude de l'Etat. En un mot, l'assistance
électorale est la clé de voute pour la réalisation des
trois objectifs étant intrinsèques la paix, le
développement et la démocratie.
Comme nous l'avons déjà signalé,
l'assistance peut être une action indépendante mais aussi, elle
peut avoir lieu après une condamnation d'Etats qui ne respectent pas la
démocratie qui fait l'objet de notre deuxième paragraphe.
Section II : La condamnation des Etats ne respectant
pas la démocratie :
La condamnation du non respect des exigences
démocratiques a lieu suite à un coup d'Etat ou suite à des
violations des droits des l'homme.
92 Fau-Nougaret (Matthieu), op.cit, p 605.
41
Paragraphe premier : La condamnation des coups d'Etat :
Il est à relever que la condamnation -comme
étant une modalité d'intervention dans les affaires d'un Etat-
n'est pas automatique, elle n'est pas encadrée juridiquement mais on la
remarque par une étude de cas par cas.
L'ONU a condamné certains coups d'Etat. Ces derniers
peuvent être définis comme étant « un changement
de gouvernement opéré, hors des procédures
constitutionnelles en vigueur par une action entreprise au sein même de
l'Etat au niveau de ses dirigeants » 93.
Parmi les cas de condamnation les plus fameux et qui
évoquent une polémique sont les coups d'Etat burundais et le coup
d'Etat haïtien.
L'ONU a pris une position « molle » 94 dans
le cas burundais, le Burundi a connu deux coups d'Etat successifs : le premier
est du 21 octobre 1993, il a renversé un gouvernement
démocratiquement élu. L'ONU a considéré que «
la transition démocratique est morte au Burundi au moment de
l'assassinat de l'ancien Président Ndadaye » 95.
Face à cette violation, l'Organisation mondiale a
réagi sur plusieurs nivaux :
Le Secrétaire a dépêché un
envoyé spécial. L'Assemblée Générale a
condamné le renversement et a exigé la restauration de la
démocratie. Le Conseil de Sécurité a, aussi, pris la
même position mais cette fois-ci par un ensemble des déclarations
condamnant l'interruption de la transition démocratique dans ce pays. On
va attendre à peu prés deux ans pour que le Conseil puisse agir
en condamnant «... dans les termes les plus vigoureux tous
93 Une définition citée par la
professeur Hamrouni (Salwa), ...op.cit, p1354.
94 Telle qu'elle est décrite par le professeur
Sicilianos (Linos-Alexandre),...op.cit, p183.
95 A/51/459, rapport intérimaire du Rapporteur
spécial sur la situation des droits de l'homme au Burundi, p8.
42
les actes de violence commis contre les civils, les
réfugiés et le personnel des organismes humanitaires
internationaux, ainsi que l'assassinat des membres du gouvernement »
96.
L'échec de l'ONU à gérer cette crise va
conduire à un autre coup d'Etat du 25 juillet 1996, le Conseil a
condamné cette action puisqu'elle a mis fin à l'accord du
gouvernement signé en octobre 1994 mettant en place un gouvernement de
coalition.
Cette réaction n'a pas empêché les
conflits interethniques. Par conséquent, le Conseil « Condamne
le renversement du Gouvernement légitime et de l'ordre constitutionnel
au Burundi; condamne aussi toutes les parties et factions qui ont recours
à la force et à la violence en vue d'atteindre leurs objectifs
politiques;...» 97.
De même, l'Assemblée Générale a
réagi face au coup d'Etat haïtien. En fait, le 29 septembre 1991,
le président haïtien Aristide a été renversé
après son arrivée au pouvoir grâce à une
élection démocratique vérifiée par un groupe
d'observateurs des Nations Unies ce qui provoque l'Organisation et
derrière elle l'Assemblée Générale à adopter
une résolution intitulée « la situation de la
démocratie et des droits de l'homme en Haïti
»98.
L'Assemblée Générale a
considéré que les coups d'Etat sont contraire au principe
démocratique puisqu'elle « condamne énergiquement tant
la tentative de remplacer illégalement le président
constitutionnel de Haïti que l'emploi de la violence, la coercition
militaire et la violation des droits de l'homme dans ce pays.
96S/RES/ 1049 du 5 mars 1996 sur la situation au
Burundi, p2, §2.
97 S/RES/1072 du 30 aout 1996, sur la situation au
Burundi, section A, §1, p3.
98 A/RES /46/7 du 11 octobre 1991 sur «La
situation de la démocratie et des droits de l'homme en Haïti
».
43
Déclare inacceptable tout entité de cette
situation illégale et exige sur le champ le rétablissement du
gouvernement légitime...ainsi qu'un retour à la pleine
application de la constitution nationale et, partant, au respect
intégral des droits de l'homme en Haïti » 99.
Il en résulte qu'il est clair que « l'organe
politique plénier des Nations Unies, le fondement essentiel, sinon
unique, de l'action de l'organisation en Haïti était le
rétablissement de la démocratie et de l'Etat de droit »
100.
De sa part le Conseil de Sécurité, dans cette
crise, ne se contente pas de condamner le renversement d'un gouvernement
démocratiquement élu, il va aller loin pour le sanctionner, cela
n'a pas été le cas lors de la crise burundaise.
Le Conseil a imposé ,conformément aux mesures
prises par l'Organisation des Etats Américains ,un embargo commercial,
un embargo sur le pétrole et les produits pétroliers , il
décide que « tous les Etats empêcheront la vente ...de
pétrole ,de produits pétroliers et de matériel connexe de
tout type ...à toute personne physique ou morale aux fins de tout
activité commerciale menée sur ou depuis le territoire
d'Haïti...»101. Le conseil décide,
également, de geler les fonds appartenant au gouvernement et aux
autorités haïtiens102.
Vu la dégradation de la situation sécuritaire et
l'échec des ces mesures de réparer le processus de transition
démocratique, il a renforcé les sanctions à l'égard
d'Haïti103 .
99Ibid, §1et2, p13, publiée sur :
http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/46/7&Lang=F
100 Sicilianos (Linos-Alexandre), op.cit, p189.
101 S/RES/841 ,du 16juin 1993,sur « Haïti »,
§5 et s,p3,publiée sur :
http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/841(1993)
102 Ibid, §8 et s.
103 S/RES/917 du 6 mai 1994, « Sanctions pour la
restauration de la démocratie et au retour du Président
légitimement élu en Haïti », publiée sur :
http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/917(1994)
44
La condamnation des coups d'Etat est expressive car comme il
est signalé dés la définition que le renversement est un
changement interne -même s'il est inconstitutionnel et illégitime-
il est une affaire interne de l'Etat concerné. Prenant en
considération ce constat, l'intervention de l'ONU est justifiée
dans la plupart des cas soit par une menace contre la paix (le cas
haïtien) soit par la violation des droits de l'homme (le cas
burundais).
En réalité , les coups d'Etat burundais et
haïtien ne sont pas les seuls (il y a d'autres coups d'Etats tel que :le
coup d'Etat au Niger an avril 1993,le coup d'Etat aux Comores en septembre
1995,au Sierre Léone en mai 1997...) mais ces deux exemples
représentent la divergence existante dans la pratique de l'ONU à
l'encontre des coups d'Etat :une réaction échouée et
tardive pour le cas du Burundi et une réaction significative face au
coup d'Etat haïtien et même cette affaire « est souvent
citée comme argument en faveur du droit de la
démocratie»104 . L'intervention onusienne dans
cette affaire a été significative et elle est allée au
delà de la condamnation pour sanctionner, intervenir militairement et
envoyer une Mission des Nations Unies en Haïti105(MINUHA) au
nom d'une « menace contre la paix » en appliquant le fameux chapitre
VII.
Il est légitime de dire, dans ce stade de recherche,
que cette pratique non uniforme et non constante cause une malaise pour les
chercheurs parce que la seule justification qui peut l'expliquer est l'enjeux
politique et non pas le défaut d'une règle juridique.
104 Hamrouni (Salwa), op.cit, p1355.
105 Elle a envoyé, également, la Mission Civile
en Haïti (MICIVIHA) et la Mission d'Appui des Nations Unies en Haïti
(MANUHA)
45
Paragraphe deuxième : La condamnation des violations
des droits de l'homme
L'ONU a consacré tout un arsenal juridique en faveur du
respect des droits de l'homme et a, également, tenté de
protéger la démocratie.
En Syrie, la coordination établie entre l'ONU et le
Conseil des Droits de l'Homme a créé une commission
d'enquête internationale indépendante pour enquêter sur
toutes les violations du droit international des droits de l'homme.
L'Assemblée est arrivée à condamner ces violations pour la
première fois depuis le soulèvement populaire en Syrie en mars
2011 par la résolution 66/176 sur la « Situation des droits de
l'homme en République arabe syrienne » 106.
En fait, elle « Condamne vivement les violations
graves et systématiques des droits de l'homme que continuent de
commettre les autorités syriennes, notamment les exécutions
arbitraires, l'usage excessif de la force, la persécution et
l'exécution de manifestants et de défenseurs des droits de
l'homme, la détention arbitraire, les disparitions forcées, la
torture et la maltraitance des détenus, notamment les enfants ;
2. Demande aux autorités syriennes de mettre
immédiatement fin à
»107.
toutes les violations des droits de l'homme, de
protéger la population et de s'acquitter pleinement des obligations que
leur impose le droit international des droits de l'homme, et demande
l'arrêt immédiat de toute violence en République arabe
syrienne ; ...
Dans d'autres occasions, l'assemblée a
évoqué la condamnation des violations des droits de l'homme dans
des résolutions relatives à la situation en Syrie en condamnant
« ... la poursuite des violations généralisées
et
106 S/RES/66/176 du 23 février 2012. Sur la «
Situation des droits de l'homme en République arabe syrienne »
107 Ibid, §1et s.
46
systématiques des droits de l'homme et des
libertés fondamentales par les autorités
syriennes...»108.
La condamnation des violations des droits de l'homme est une
forme de condamnation du non respect des principes démocratiques .C'est
une liaison affirmée par l'Assemblée Générale dans
ses 124e et 125e séances
plénières.
Cet organe plénier insiste sur l'exigence d'une
transition politique démocratique.
Il est à signaler que les intervenants (à
l'exception du représentant syrien) se contentent de faire des
déclarations de condamnation.
Le Secrétaire Général Ban Ki Moon a
considéré la situation actuelle comme « un test pour les
Nations Unies » 109.
De sa part, le président de l'Assemblée
Générale montre ces déceptions lors de l'échec du
conseil de sécurité à mettre fin à la crise
syrienne.
Fort est de relever que la condamnation des violations des
droits de l'homme n'est pas toujours le cas. Cet organe plénier se
contente de déclarer, seulement, les violations.
Les exemples types de cette position sont le cas de la
République islamique d'Iran et le cas de la République Populaire
Démocratique de Corée.
Dans plusieurs reprises concernant la crise iranienne des
droits de l'homme, elle « se déclare profondément
préoccupée par les violations graves et
répétées des droits de l'homme en République
islamique d'Iran, » et elle « ... demande au
Gouvernement de la République islamique d'Iran de répondre aux
graves préoccupations qui sont exprimées dans le rapport du
Secrétaire général ainsi qu'aux demandes expresses qu'elle
a elle-même formulées dans ses précédentes
résolutions, et de s'acquitter pleinement de ses
108 La même formule est utilisée presque dans ces
deux résolutions : A/66/253(A) du 21 février 2012 et
A/RES/66/253(B) sur la situation en République arabe syrienne
109 AG/11266 du 03 aout 2012, « Syrie: l'Assemblée
générale condamne les violations des droits de l'homme commises
par les autorités syriennes et leur enjoint de cesser d'utiliser des
armes lourdes », publiée sur :
http://www.un.org/News/fr-press/docs//2012/AG11266.doc.htm
47
obligations en matière de droits de l'homme, tant
en droit que dans la pratique..» 110.
Pour le cas de Corée du Nord, l'Assemblée
Générale a recouru au même langage en déclarant les
violations graves à l'encontre des droits de l'homme sans les
condamner.
Il est notoire que la situation des droits de l'homme dans ce
pays s'inscrit régulièrement dans l'ordre du jour de
l'Assemblée Générale.
Ce dernier adopte à chaque session une
résolution relative à la situation des droits de l'homme.
A titre d'exemple, la résolution 64/175 (2010) sur la
«situation des droits de l'homme en République populaire
démocratique de Corée » qui donne une vision
détaillée sur les violations qui s'étendent à la
pratique des tortures, la limitation des libertés fondamentales telles
que la liberté de circuler à l'intérieur du pays ou de
voyager à l'étranger, la liberté de pensée, de
conscience, de religion, d'opinion ,d'expression et de réunion...
La même résolution a qualifié ces
violations comme étant « graves, systématiques et
généralisées des droits civils, politiques,
économiques, sociaux et culturels » 111.
Malgré la dégradation de la situation humaine et
les violations graves des droits de l'homme, l'Assemblée
Générale reste en paralysie à cause de sa nature en tant
qu'organe politique par excellence.
Pour le cas libyen et suite à un soulèvement
populaire en février 2011 contre le régime qui règne
à l'époque, le conseil de sécurité a
considéré que « les attaques systématiques et
généralisées actuellement commises en Jamahiriya
110 V. A/RES/65/226 du 10 février 2011 ; A/RES/66/175
du17 février 2012 ; A/RES/64/176 du 26mars 2010 sur la « Situation
des droits de l'homme en République islamique d'Iran». C'est nous
qui soulignons.
111 A/RES/64/175, du 26 mars 2010 ; voir aussi A/RES/65/225 du
18 mars 2011 ; A/RES/66/174 du 29 mars 2012 sur la « Situation des droits
de l'homme en République populaire démocratique de Corée
»
48
arabe libyenne contre la population civile pourraient
constituer des crimes contre l'humanité » 112.
La dégradation de la situation des droits de l'Homme,
dans ce pays, a eu lieu suite à la répression exercée
contre des manifestants pacifiques et à la mort des civils à
cause de l'incitation à l'hostilité et à la violence
émanant du plus haut niveau du Gouvernement libyen et dirigée
contre la population civile.
Il est à relever que « les violations
flagrantes et systématiques des droits de l'homme » conduit le
Conseil de Sécurité à décider « de saisir
le Procureur de la Cour pénale internationale de la situation qui
règne en Jamahiriya arabe libyenne depuis le 15 février
2011» 113.
Suite à cette décision, Le Procureur de la Cour
pénale internationale a délivré trois mandats
d'arrêt contre le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, son fils Saif
Al-Islam Kadhafi, porte-parole du Gouvernement libyen, et Abdullah Al-Senussi,
Directeur des services secrets militaires114.
Il est notable que la réaction du Conseil de
Sécurité a été efficace et rapide pour condamner
les pratiques antidémocratiques en Libye.
Alors qu'elle est une réaction retardée et
inefficace face à la crise syrienne, qui est entre autre une crise du
respect des droits de l'homme.
Le conseil a échoué à mettre fin aux
violations des droits de l'homme. Deux projets de résolution ont
été rejetés115. Dans les deux occasions, la
Chine et la Fédération de la Russie se sont opposées
à toute intervention.
Le premier projet -celui proposé le 4 février
2012-« Condamne les violations flagrantes et
généralisées des droits de l'homme » ainsi que
le second du 19 juillet 2012 Condamne « la poursuite des violations
généralisées
112 S/RES/1970 du 26 février 2011 sur la «paix et
sécurité en Afrique », p1, publiée sur :
http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N11/245/59/PDF/N1124559.pdf?OpenElement
113 ibid, p2.
114 A/66/309 du 19 aout 2011, «rapport de la Cour
pénale internationale ».
115 S/2012/77 du 4fevrier 2012 et S/2012/538 du 19 juillet 2012
sur « la question au Moyen Orient-Syrie.
49
des droits de l'homme commises par les autorités
syriennes, ainsi que toute atteinte aux droits de l'homme commise par les
groupes d'opposition armés, et rappelant que les auteurs de ces actes
devront en répondre».
L'échec du Conseil de Sécurité d'agir de
la même manière dans les deux crises dévoile l`existence
des limites sur plusieurs niveaux.
50
DEUXIEME PARTIE : LES LIMITES
DE L'ACTION DE L'ONU :
51
La promotion de la démocratie dans les Etats
émergents reste inachevée à cause des obstacles juridiques
qui paralyse l'action de l'Organisation des Nations Unies (chapitre premier) et
des obstacles de fait qui bloque le processus de démocratisation
(chapitre deuxième).
Chapitre premier : Les obstacles juridiques :
L'échec de l'intervention de l'ONU en matière de
la promotion de la démocratie résulte de deux obstacles
juridiques, d'une part, le principe de l'autodétermination (section I)
et de l'autre la neutralité traditionnelle de l'ONU (section II).
Section I : Le principe de l'autodétermination
:
Le principe de l'autodétermination est le principe le
plus fameux dans l'arsenal juridique onusien. Il constitue le pilier solide
parmi les principes du droit international. Il implique, entre autre, la
liberté des peuples de déterminer leurs affaires internes
concernant leurs choix politique, économique, constitutionnel, culturel
et social.
Paragraphe premier : La consécration du principe de
l'autodétermination :
Le principe de l'autodétermination a connu une
consécration étendue. D'abord, l'article premier commun aux
pactes relatifs aux droits de l'homme a prévu « Tous les
peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils
déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur
développement économique, social et culturel ... »
52
Ces deux pactes ont une valeur obligatoire, ils sont
obligatoires à l'égard d'Etats qui les ratifient ce qui renforce
la conception hypertrophiée de la souveraineté des Etats.
De leur part, les différents organes de l'ONU
consolident la protection du ce principe.
Par conséquent, l'Assemblée
Générale a consacré ce principe dans plusieurs
résolutions, parmi lesquelles la résolution 2625 qui est la plus
importante (XXV) qui a pour titre la « déclaration relative aux
principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre les Etats conformément à la charte des
Nations Unies »116.
Cette résolution a consacré plusieurs principes,
qui sont des corollaires au principe de l'autodétermination, tels que le
principe relatif au devoir de ne pas intervenir dans les affaires relevant de
la compétence d'un Etat conformément à la charte.
En fait, ce principe est le socle du principe de
l'autodétermination, l'Assemblée Générale a
adoptée un sens large à l'interdiction de l'intervention.
«Aucun Etat ni groupe d'Etat n'a le droit d'intervenir, directement ou
indirectement, pour quelque raison que ce soit, dans les affaires
intérieurs ou extérieurs d'un autre Etat». Cette
résolution a prohibé, également, toute forme
d'ingérence que ce soit économique, politique, culturelle ou
autre.
Le principe de l'autodétermination et le principe de
non ingérence qui en découle peuvent être une limite
à la promotion de la démocratie, si on considère que cette
politique de démocratisation se fonde, essentiellement sur la logique de
l'implication dans les affaires internes d'un Etat.
116 A/25/2625(1970) du 4 octobre 1970 «
déclaration relative aux principes du droit international touchant les
relations amicales et la coopération entre les Etats conformément
à la charte des Nations Unies », publiée sur :
http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/2625(XXV)&Lang=F
53
Nous avons remarqué ce besoin d'implication surtout
lorsqu'on a traité la question relative à l'assistance
électorale et la condamnation des régimes ne respectant pas la
démocratie.
Même si l'assistance électorale est fondée
sur la demande de l'Etat concerné et, donc, sur le consentement de
l'Etat, l'action de l'ONU sur le terrain lors de la préparation pour la
tenue des élections est considérée comme une intervention
déguisée.
Dans beaucoup de cas, le recours à la demande de
l'assistance des élections de l'ONU est imposé. Il a pour but de
légitimer les élections aux yeux de l'opinion publique
internationale. Dans ce cas, l'Etat ne peut pas échapper à
l'intervention surtout lorsqu'on parle des Etats émergents
démocratiquement et sous-développés qui cherchent,
souvent, un appui international pour lancer le processus
démocratique.
En ce qui concerne la condamnation des Etats ne respectant pas
les principes démocratiques, la condamnation des coups d'Etat peut aller
à infliger des sanctions économiques et même militaires ce
qui est une intervention dans les affaires politiques. Ce type d'intervention
reste très rare par rapport à la multiplicité des coups
d'Etat. Nous pouvons justifier cette position par le renforcement du principe
de l'autodétermination.
La condamnation des violations des droits de l'homme, pour
certains, est une ingérence.
Malgré l'importance accrue du respect des droits de
l'homme surtout en prenant en considération sa place primordiale pour
fonder un Etat démocratique, la condamnation des violations des droits
de l'homme reste toujours une question purement politisée au nom du
principe de l'autodétermination.
54
Malgré l'importance de ces préoccupations,
« la notion de droit ou de devoir d'ingérence reste
étrangère au droit international. Il reste que le principe
relatif au devoir de ne pas intervenir dans les affaires relevant d'un Etat
subit d'importants infléchissements » 117.
Dans le même sens, La résolution 2625(XXV) a
mentionné, également, le principe de l'égalité des
droits des peuples et leur droit à disposer d'eux-mêmes, selon
laquelle « tous les peuples ont le droit de déterminer leur
statut en toute liberté et sans ingérence extérieure et de
poursuivre leur développement économique social et culturel, et
tout Etat a le devoir de respecter ce droit conformément aux
dispositions de la Charte.. ».
« En vertu de ce principe ,le droit international
reconnaissait à chaque Etat une autonomie constitutionnelle
,c'est-à-dire la possibilité de déterminer la nature du
régime ,sa forme, son organisation, ses institutions,...De même un
Etat n'est pas obligé par le droit international d'adopter une
idéologie déterminée » 118.
Un troisième principe est consacré par cette
résolution à savoir le principe de l'égalité
souveraine. Sur la base duquel, « tous les Etats jouissent de
l'égalité souveraine ils ont des droits et des devoirs
égaux et sont des membres égaux de la communauté
internationale », abstraction faite des différences existantes
sur le plan économique, politique, et culturel et social.
Sachant que ce principe est prévu par la Charte des
Nations Unies. « L'Organisation des Nations Unies et ses Membres, dans
la poursuite des buts énoncés à l'Article 1, doivent agir
conformément aux principes suivants :
117 Ben Achour (Rafaa), « actualité des principes
de droit international touchant les relations amicales et la coopération
entre Etats conformément à la Charte des Nations Unies »,
in. les nouveaux aspects du droit international, (colloque des 14,15et
16 avril 1994), Paris, Pédone , 1994, p42.
118 Ibid, p44.
55
1-l'Organisation est fondée sur le principe de
l'égalité souveraine de tous ses Membres » 119.
Ce principe est, également, inhérent au principe
de l'autodétermination. Il signifie que les Etats sont tous sur le
même pied d'égalité et l'Etat n'a pas de supérieur
qui contrôle ses actions.
L'ONU reste toujours fidèle à la
consécration de ce principe c'est pourquoi elle lui a donné un
aspect universel. La preuve en est l'adoption
régulière des résolution
intitulées « réalisation universelle du droit des
peuples à l'autodétermination »120 en
réaffirmant « que la réalisation universelle du
droit
à l'autodétermination de tous les peuples, y
compris ceux qui sont soumis à une domination coloniale,
étrangère ou extérieure, est une condition essentielle
à la garantie et au respect effectifs des droits de l'homme ainsi
qu'à la préservation et à la promotion de ces droits
» 121.
Le principe de l'autodétermination a été
consacré également par la jurisprudence de la Cour Internationale
de Justice à deux occasions : l'avis consultatif de Sahara Occidentale
et l'affaire relative aux activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci.
La cour a estimé, dans l'affaire des activités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci que «les
orientations politiques internes d'un Etat relèvent de la
compétence exclusive de celui- ci pour autant, bien entendu, qu'elles ne
violent aucune obligation de droit international. Chaque Etat
119 L'article 2 de la Charte des Nations Unies.
120 A/RES/66/145, du 29 mars 2012 ; A/RES/65/201 du 11mars 2011
;A/RES/64/149 du26 mars2010 ; A/RES/63/163du13 février 2009
;A/RES/62/144 du 28février 2008 ... sur « Réalisation
universelle du droit des peuples à l'autodétermination,
http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N11/467/53/PDF/N1146753.pdf?OpenElement
121 A/RES/66/145, du 29 mars 2012, sur «Réalisation
universelle du droit des peuples à l'autodétermination»,
§1.
56
possède le droit fondamental de choisir et de
mettre en oeuvre comme il l'entend son système politique,
économique et social » 122.
La même position a été prise par la cour
lors de son avis consultatif lorsqu'elle considère que « aucune
règle de droit international n'exige que l'Etat ait une structure
déterminée, comme la prouve la diversité des structures
étatiques qui existent actuellement dans le monde » 123.
Le renforcement du principe de l'autodétermination a
des effets sur l'action entreprise par l'ONU en faveur de la promotion de la
démocratie.
Paragraphe deuxième : Les conséquences de ce
principe sur l'action de l'ONU en faveur de la démocratie
Fort est de noter que l'attachement de l'ONU au principe de
l'autodétermination constitue pour elle une sorte de
schizophrénie. La contradiction normative existe entre les textes
juridiques qui consacrent le principe de l'autodétermination avec ses
différents principes corollaires d'une part, et, d'une autre part, de la
clause de la société démocratique (prévue par
l'article 29 §2dela DUDIT).
Il en résulte que « la liberté des
Etats de choisir leur système politique est limitée,
également, par la clause « d'une société
démocratique ». Toutefois, faute d'avoir pu être
intégrée à un système de valeurs bien
déterminé, la clause en question telle qu'elle figure dans les
instruments onusiens, n'a pas acquis la dynamique de son « homologue
»de la CEDH. Etouffée par le nivellement
122 CIJ, l'affaire des activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, Nicaragua C.les Etats Unis
d'Amérique, 27 juin 1986, § 258,
http://www.icj-cij.org/docket/files/70/6502.pdf
123 CIJ, avis consultatif de Sahara Occidentale, 16 octobre 1975,
§43.
http://www.icj-cij.org/docket/files/61/6194.pdf
57
inhérent au principe de l'équivalence des
régimes politiques, la référence à la
société démocratique apparaissait comme un oasis dans le
désert» 124.
Elle adopte, aussi, le principe et son contraire, l'exemple
type est l'adoption d'une résolution sur le « Renforcement de
l'efficacité du principe d'élections périodiques et
honnêtes » qu'est annexée par une autre
résolution adoptée (dans certains cas ) le même jour sur le
« Respect des principes de la souveraineté nationale et de la
non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats en ce qui
concerne les processus électoraux » 125 .
En réalité des choses, cette dualité de
langage dévoile le malaise de l'Organisation à faire concilier
entre ces deux préoccupations majeures : la promotion de la
démocratie et la consécration du principe de
l'autodétermination.
En plus, « Il est évident que ces
contradictions normatives de l'Assemblée générale ne
confortent pas la vision contemporaine du droit international»
126 .
La consécration du principe de
l'autodétermination a des conséquences néfastes sur
l'efficacité des mécanismes de contrôle. C'est pourquoi,
l'ONU se trouve dans plusieurs cas (tels que le cas iranien) dans une situation
de paralysie à l'encontre des violations des droits de l'homme,
«confrontés au triomphe du relativisme politique induisant la
présomption de légitimité de tous systèmes
124Sicilianos (Linos-Alexandre),...op.cit, p46.
125 De 1988 jusqu'à 2012 ,l'ONU a suivi la même
pratique par exemple : A/RES/44/146 du 15 décembre 1989 sur «
« Renforcement de l'efficacité du principe d'élections
périodiques et honnêtes » et A/RES/44/147 du 15
décembre 1989 sur « « Respect des principes de la
souveraineté nationale et de la non-ingérence dans les affaires
intérieures des Etats en ce qui concerne les processus électoraux
» ; A/RES/52/119 du 23 février 1998 sur « « Respect des
principes de la souveraineté nationale et de la non-ingérence
dans les affaires intérieures des Etats en ce qui concerne les processus
électoraux » et A/RES/52/129 du 26 février 1998 sur
«Affermissement du rôle de l'Organisation des Nations Unies aux fins
du renforcement de l'efficacité du principe d'élections
périodiques et honnêtes et de l'action en faveur de la
démocratisation » ; depuis 2008 l'organisation des Nations a
quitté cette dualité du langage en adoptant presque une seule
formule A/RES/66/163 du 10 avril 2012 sur le «Renforcement du rôle
de l'Organisation des Nations Unies dans la promotion des élections
périodiques et honnêtes et de la démocratisation ».
126 Kpedu (Sylvestre Yawovi), op.cit, p269.
58
politiques, ces instruments internationaux des droits de
l'homme ont été vidés de toute leur portée pratique
» 127.
De ce fait, La faiblesse des instruments de contrôle
peut bloquer la diffusion et la promotion du respect des droits de l'homme ce
qui conduit, forcément, à l'échec de la politique
internationale de démocratisation.
Cette dualité de langage va créer une
dualité des politiques et une dualité des mesures. « En
effet ,adhérer à l'hypothèse d'un ordre public
démocratique international ,c'est, a priori, admettre qu'au regard du
droit international ,l'exigence démocratique aurait acquis une valeur
telle que les Etats et leurs organisations seraient contraints à y
adhérer ,sous peine de perdre leur place au sein du concert des nations
.Or ,ceci est une vérité d'école, le droit international
,traditionnellement dominé par une conception bien établie de la
souveraineté ,ne s'est guère intéressé à
l'exigence démocratique que pour l'exclure de ses pratiques »
128.
Il en résulte donc, que le principe de
l'autodétermination est le principe en vigueur, et les valeurs et les
principes démocratiques restent une exception et font l'objet de
manipulations.
Il est évident, que le principe de
l'autodétermination est une limite à la promotion de la
démocratie mais pas de démocratie sous la colonisation. On
désigne, ici, une autre lecture au principe de
l'autodétermination celle qui prend en considération ce principe
comme un élément vital pour promouvoir la
démocratie. Son défaut ou son
inefficacité signifie que la transition démocratique sera une
pure utopie.
127 Kpedu (Sylvestre Yawovi), op.cit, p265. 128Ibid,
p260.
59
Le cas idéal qui prouve ce point de vue est l'affaire
palestinienne. L'Organisation mondiale a affirmé le droit de peuple
palestinien à l'autodétermination à plusieurs reprises.
En fait, plusieurs résolutions ont été
adoptées en affirmant ce principe. La résolution 3236 du 22
novembre 1974 sur la « question de Palestine » 129 a reconnu «
que le peuple palestinien doit jouir du droit à
l'autodétermination conformément à la Charte des Nations
Unies » 130 et affirmé « les droits
inaliénables du peuple palestinien en Palestine y compris :
a)le droit de l'autodétermination sans
ingérence extérieure, b) le droit à l'indépendance
et à la souveraineté nationales » 131.
En insistant sur ce principe, l'affaire palestinienne se
réinscrit à chaque session dans l'ordre de jour de
l'Assemblée Générale132, « le peuple
palestinien en tant que assujetti à une domination
étrangère, jouit du droit à l'autodétermination.
Nul ne s'étonnera que celui-ci ait été, presque
exclusivement interprété comme synonyme de l'indépendance
» qui est « planifiée par le droit et démenti
par les faits » 133.
En réalité, le droit à
l'autodétermination doit être accompagné d'un régime
démocratique et la démocratie ne peut trouver sa conception que
dans un Etat indépendant.
« Aujourd'hui que certains peuples n'arrivent
même pas à profiter de cette signification primaire, devant une
communauté indifférente, et nous
129 A/RES/29/3236 du 22 novembre 1974 sur la « question de
Palestine »
130 Ibid., le préambule de la résolution.
131 Ibid ,§1.
132 Voir par exemple A/RES/66 /146 du 26mars 2012 ;
A/RES/65/202 du 11 mars 2O11 ;A/RES/64/105 du 26mars 2010 ;A/RES/63/165 du 19
février 2009 sur « le droit du peuple palestinien à
l'autodétermination »
133 D'Aspremont (Jean), op.cit, p900.
60
pensons essentiellement au peuple palestinien, il serait,
à notre sens hypocrite de défendre un droit à la
démocratie en l'absence d'un droit à l'existence toujours au nom
du même titulaire » 134.
Au total, il est évident que le renforcement du
principe de l'autodétermination conduit à un retard d'action et
à une absence d'efficacité de réaction, dans plusieurs
cas. En outre l'action de l'ONU peut être limitée par sa
neutralité traditionnelle.
Section II : La neutralité traditionnelle de
l'ONU :
L'ONU est une organisation intergouvernementale qui consacre
un ensemble des principes tel que le principe de l'égalité
souveraine qui signifie l'égalité des tous les Etats abstraction
faite de leur puissance. Face à cette évidence, l'ONU doit
être neutre.
Paragraphe premier : La définition de la
neutralité
La neutralité est l'état d'une personne, d'un
Etat, d'une organisation qui évite de prendre parti, qui s'abstient, qui
ne s'implique pas, dans un débat, un conflit opposant des thèses
ou des positions divergentes. Elle est aussi une attitude et un
caractère. Selon le professeur Ranko PETKOVIC, la neutralité est
le fait « de se tenir à égale distance des participants
à un éventuel conflit » 135.
Historiquement, la notion de la neutralité a
été confondue avec une autre notion à savoir le non
alignement : en fait, la notion de la neutralité est une notion
très ancienne alors que la notion de non alignement est apparue
après le déclenchement de la première guerre mondiale.
134 Hamrouni (Salwa), op.cit, p1341.
135 Petkovic (Ranko), « Neutralité et non
alignement : Variations sur les ressemblances et les différences (Notes)
», Etudes internationales, Vol.17, n°1, 1986, p115.
61
« La neutralité a conservé sans la
moindre doute ses caractéristiques essentielles à toutes les
époques historiques, se ramenant fondamentalement à la non
participation à la guerre, sans égard au fait que l'accent a
été mis, selon le cas, sur telle de ses prémisses
juridiques et politiques » 136.
Toutefois, le non alignement est une action politique en
faveur de la paix, du développement économique et du
progrès social pour éliminer les causes profondes de la
guerre.
La neutralité de l'ONU est ancrée par
l'interdiction de la guerre. Elle implique, également que l'Etat
concerné par le conflit doit prendre, aussi, cette position en cas du
conflit. La charte des Nations Unies institue une neutralité permanente
dans l'ordre de paix. La neutralité est un devoir pour les Etats parties
de cette convention puisqu'ils sont tenus d'aider les victimes de l'agression.
Elle est une obligation à la charge de l'ONU et ses Etats membres.
En réalité des choses, le devoir
d'impartialité a pour but de sauvegarder la liberté et
l'indépendance ainsi que le maintien de la paix mondiale pour cela l'ONU
doit bénéficier d'une large marge de manoeuvre pour prouver sans
cesse sa volonté d'être et de rester neutre.
Paragraphe deuxième : La neutralité comme
étant un obstacle à la promotion de la démocratie
Comme on a déjà vu que la neutralité se
fonde sur le maintien de la paix. C'est pourquoi, il est justifié de
dire que l'existence même de cette entité en dépend. L'ONU
pourrait avoir sa fin à défaut de sa neutralité.
Une réalité souvent éclipsée est
que la promotion de la démocratie peut affecter cette neutralité.
La politique de démocratisation se base sur la logique
136 Ibid, p109.
62
de coopération internationale, l'assistance, le suivi,
le contrôle ; et en cas de violations, on légitime même
l'intervention pour renforcer la démocratie ou pour la restaurer.
Mais, il faut remarquer que la neutralité est le
principe, l'intervention et l'ingérence reste une exception dans la
logique sur laquelle se fonde l'ONU.
Un exemple historique qui prouve cette réalité
est l'exemple cambodgien, le Cambodge « a été
gouverné à partir de 1969 par les khmers rouges »il
« est resté coupé du monde pendant une décennie.
Pendant cette période la disparition d'un pourcentage important de sa
population (20 à 30%) n'a entrainé la curiosité d'aucun
Etat extérieur et par conséquent aucune intervention ou
ingérence » 137.
L'exemple type actuel qui démontre cette
évidence est le cas syrien. Face aux violations graves des droits de
l'homme et au conflit armé interne déclenché, la
réaction de l'ONU reste toujours au stade du règlement pacifique
du conflit.
Le Conseil de Sécurité a envoyé des
missions pour évaluer la situation sur terrain138. Sachant
que le conflit a eu lieu depuis mars 2011 faisant près de
137 Martin (Pierre Marie), les échecs du droit
international, Paris, QSJ, PUF, 1ère
édition,1996, p50.
138 Il a chargé trois missions :
1. S/RES/2042 du 14 avril 2012 : le conseil décide
d'autoriser la mise en place d'une mission préparatoire comprenant
jusqu'à 30 observateurs militaires non armés qui assureront la
liaison avec les parties et commenceront à rendre compte des
progrès accomplis sur la voie de cessation de la violence armée
;
2. S/RES/2043 du 21 avril 2012 : le conseil de
sécurité décide de créer une mission de supervision
des NU en Syrie (MISNUS) composé dans un 1er temps, de 300
observateurs militaires non armés et d'une composante civile
appropriée.
3. S/RES/2059 du 20 juillet 2012 : le conseil de
sécurité renouvelle le mandat de MISNUS pour une dernière
période du 30jours en prenant en considération les
recommandations de secrétaire général de reconfigurer la
Mission et en prenant compte des implications opérationnelles de la
situation sécuritaire de plus en plus dangereuse en Syrie.
63
25 000 morts fin août 2012 selon l'Observatoire syrien
des droits de l'homme 139.
Le Secrétaire Général, de sa part, a
été soucieux par la situation humanitaire sur le sol syrien. Le
conflit prend un tour dangereux. « Le soulèvement populaire
pacifique né il y a 16 mois s'est mué en confrontation violente
entre le Gouvernement et les groupes armés de l'opposition.
L'utilisation d'armes lourdes, notamment les bombardements aveugles au moyen de
tanks et d'hélicoptères, contre des zones peuplées de
civils, s'est intensifiée... La Syrie est maintenant engloutie dans la
violence et risque de devenir le théâtre d'une véritable
guerre civile, avec des graves conséquences pour le peuple de la Syrie
et pour les peuples de la région » 140.
Une telle neutralité a paralysé l'action et a
affaibli le rôle de l'ONU parce que malgré la dégradation
de la situation , « l'Organisation reste néanmoins
résolue à user des ressources de la diplomatie pour faire cesser
la violence et parvenir à un règlement politique, dirigé
par les Syriens et conforme aux aspirations légitimes du peuple syrien
à la démocratie » 141.
Dans ce cas, l'Organisation garde toujours sa
neutralité puisqu'il est approuvé de fournir de bons offices pour
renforcer la paix, un pas nécessaire pour promouvoir par la suite la
démocratie. Le devoir d'ingérence au nom de la démocratie
vient s'opposer à la neutralité.
139
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_civile_syrienne
140 S/2012/523 du 6 juillet 2012, Rapport du Secrétaire
général sur l'application de la résolution2034(2012) du
Conseil de Sécurité, §73,p17.
http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N12/407/82/PDF/N1240782.pdf?OpenElement
141 A/67/1 du 8 aout 2012 rapport du secrétaire
général sur l'activité de l'Organisation, §37, p7.
http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/67/1
64
Paragraphe troisième : L'avenir de la
neutralité de l'ONU
Il est notable que la neutralité pourra faire l'objet
d'une remise en cause. La mondialisation des conflits, aujourd'hui, a
marqué ce siècle. Les conflits ne sont plus une affaire interne
des Etats, c'est tout à fait le contraire. La multiplicité des
acteurs rend les enjeux politiques plus complexes. Il parait impossible pour
cette organisation de rester neutre.
Entre autre, «en pratique, bien sur, l'action d'une
organisation peut tout aussi bien résulter de la position
hégémonique d'un ou deux Etats membres de
celle-ci142 ». De ce fait, on ne peut pas fermer les yeux
sur l'absence de l'équilibre des forces au sein de cette
organisation.
Le rôle joué par les Etats Unis
d'Amérique, plus précisément, dévoile un
déséquilibre flagrant dans les relations internationales, en
général, et au sein de l'ONU, particulièrement. «
La réalité est que les Etats Unis d'Amérique restent
convaincus qu'ils doivent exercer leur leader ship sur la politique
internationale et que les moyens militaires ,techniques ,et économiques
dont ils disposent leur permettent de le faire » 143.
Mis à part tous facteurs politiques, l'ONU est
obligée de modifier son attitude traditionnelle de neutralité. Il
est indispensable, suite à la nouvelle conception onusienne pour le
respect des droits de l'homme et de la démocratie, de changer sa
position face aux régimes politiques.
L'ONU n'est plus le seul acteur sur la scène
internationale. En réalité, les organisations européennes
(Conseil de l'Europe, l'Union Européenne et l'Organisation pour la
Sécurité et la Coopération en Europe) constituent «
un
142 Martin (Pierre Marie ), ...op.cit, p51.
143 Bertrand (Maurice), l'ONU, Paris, LA DECOUVERTE,
3ème édition, 2000, p115.
65
concurrent » en matière de la promotion du respect
des droits de l'homme et le renforcement de la démocratie et l'Etat de
droit.
Le conseil de l'Europe, par exemple, a dépassé
la rigidité de la neutralité pour former une conception plus
souple à savoir la neutralité démocratique.
La cour européenne des droits de l'homme dans son
arrêt du 30 janvier 1998 sur l'affaire du Parti Communiste Unifié
de Turquie et autres c. Turquie, a déclaré que « la
démocratie apparait l'unique modèle politique envisagé par
la convention et, partant, le seul qui soit compatible avec elle»
144. Une telle affirmation qui se situe aux antipodes du principe de
la neutralité politique et idéologique. La CEDH a affirmé,
dans cette affaire, que le seul régime politique légitime pour
elle est le régime politique démocratique.
Ajoutant que le conseil de l'Europe peut retirer ou suspendre
un Etat-membre qui ne respecte pas les exigences démocratiques.
L'ONU ne peut pas retirer ou suspendre un Etat membre car une
telle hypothèse n'est pas conforme avec les dispositions de la charte
des NU.
La seule condition citée par cette charte concernant
les membres de l'Organisation est consacrée par l'article 4 : «
Peuvent devenir Membres des Nations Unies tous autres Etats pacifiques qui
acceptent les obligations de la présente Charte et, au jugement de
l'Organisation, sont capables de les remplir et disposés à le
faire.
L'admission comme Membres des Nations Unies de tout Etat
remplissant ces conditions se fait décision de l'Assemblée
générale sur recommandation du Conseil de
Sécurité. »
144 Parti communiste unifié de Turquie et autres c.
Turquie, 30 janvier 1998, § ..., Recueil des arrêts et
décisions 1998-I.
66
La neutralité traditionnelle est un obstacle qui
paralyse l'action de l'ONU et en plus elle a causé un retard de
réaction face à des situations des violations graves des droits
de l'homme.
L'arme qui est entre les mains de l'ONU à savoir
l'usage de la force est à double tranchant pour la neutralité.
« L'usage de la force remettait en question les principes de
neutralité et d'impartialité respectées depuis toujours
par l'ONU et s'inscrivait en contravention des dispositions du droit
international inscrites dans la charte de l'Organisation (respect de la
souveraineté de l'Etat, non intervention dans leurs affaires
intérieurs) »145.
Par ailleurs, pour lancer un processus démocratique, il
faut dépasser des obstacles politiques et des entraves
économiques.
Chapitre deuxième : Les obstacles de fait :
Les limites de l'action de l'ONU sont le résultat
d'obstacles juridiques et aussi d'obstacles de fait.
En réalité des choses, il y'a plusieurs
obstacles de fait qui entravent la promotion de l'action onusienne tels que les
faiblesses institutionnelles de l'ONU, mais on a choisi de se concentrer sur
les obstacles des Etats concernés et non de l'Organisation.
Les obstacles peuvent être liés par le contexte
politique et par la conjoncture économique.
145 Valerie Pascale, « les Nations Unies et la
sécurité en Afrique : jusqu'ou ira le désengagement ?
», la revue internationale et stratégique, n°33,
1999, p170.
67
Section I : Le contexte politique national
Il faut noter, a priori, que le contexte politique
international influence le contexte politique national. Dans cette
étude, il est indispensable d'étudier ces deux facteurs de pair
pour affirmer l'interaction existante entre la conjoncture politique nationale
et la conjoncture politique mondiale.
Paragraphe premier : L'inadéquation de la mission de
l'ONU dans certains cas
L'impossibilité d'arriver à réaliser une
unité nationale -par exemple le cas libyen- est le résultat d'une
faiblesse institutionnelle, d'une absence de traditions démocratiques,
et d'une intervention de l'ONU surtout par le biais de la MANUL.
Cette mission a été créée par la
résolution 2009 (2011) le 16 septembre 2011, elle est chargée par
un ensemble des taches dans des différents domaines tels que : l'appui
électorale, la promotion de l'Etat de droit, des droits de l'homme et la
justice transitionnelle, le maintien de la sécurité publique, la
reprise économique et coordination de l'aide économique,
l'information et la communication et les armes et les matériels
connexes146.
La MANUL a pour but, aussi, de présenter une
enquête à propos la situation des droits de l'homme sur le sol
libyen.
En réalité, il ne faut pas que le succès
de cette Mission 147 soit l'arbre qui cache la forêt ,une
telle mission homologue a été fournie au Cambodge (APRONUC) ,elle
est chargée ,aussi d'un ensemble des missions telles que :la supervision
du cessez le feu, le retrait des forces étrangères ,le
désarmement, les
146 Voir la résolution S/2011/727 du 22novembre 2011,
Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'appui des
Nations Unies en Libye (MANUL)
147 Ibib , §66.
68
missions civiles, la supervision des activités
administratives et des forces de police, la promotion du respect des droits de
l'homme et la supervision du processus électoral.
L'Etat concerné par ce type d'intervention est, dans
les pluparts des cas, prématuré ce qui implique
l'élargissement du champ d'intervention de l'ONU. Nous constatons, sur
le terrain, l'élargissement du rôle de l'ONU par rapport au
rôle de l'Etat. De ce fait, l'Organisation joue un rôle
déterminant. On parle dans ce cas d'une politique de
démocratisation plutôt imposée que voulue. La
démocratie n'est pas une volonté pure du peuple mais une
volonté de la communauté internationale.
Il ne faut pas oublier que la volonté du peuple est
celle qui va protéger l'Etat et l'aider à dépasser les
crises politique internes : le peuple libyen, aujourd'hui, n'arrive pas
à former le gouvernement.
L'extension du champ d'intervention démontre, aussi, le
vide politique et l'absence et le défaut des institutions politiques.
En fait, l'évolution vers la démocratie, qu'est
souvent suite à des conflits internes « conduit ...à
exacerber les crises latentes économiques, sociales et politiques
» 148.
La multiplicité des types d'intervention de l'ONU au
nom de la démocratie peut affaiblir la qualité d'Etat
souverain149.
En tout état de cause, cette intervention a pour but de
traiter les raisons profondes de conflit, mais elle peut avoir comme
conséquence
148 Kamensky (Catherine )et Kruk (Simon), le nouvel ordre
international, Paris, QSJ, PUF, 12ème édition, 1994,
p107.
149 Certains auteurs n'ont pas hésité de poser
la question suivante : en quoi consiste aujourd'hui la qualité d'Etat
souverain ? V. Mahmoud Mohamed Saleh Mohamed, mondialisation et
souveraineté de l'Etat, journal du droit international, n°3,1996,
p633.
69
l'appauvrissement de la qualité de l'Etat souverain.
Une telle conséquence pourrait réduire l'indépendance de
la prise de la décision nationale.
Il est indispensable à cet égard de
définir le devoir de l'ingérence. Ce dernier « apparait,
en revanche, comme un concept prospectif traduisant vaguement l'idée de
la légitimité des interventions humanitaires armées ou non
armées dans le territoire d'un Etat chaque fois que les droits de
l'homme y sont gravement violés » 150.
Dans plusieurs cas, ce droit a été
manipulé à cause des enjeux politiques. Le processus de
démocratisation peut échouer à cause de ces effets
néfastes de l'ingérence, l'exemple type est le cas somalien qu'a
conduit la doctrine à relever dans cette affaire que « la seule
différence entre les temps présents et ceux d'avant la
colonisation consistait en ce que l'occupation était désormais
gérée par la communauté internationale et dans le but
affirmé d'aider à la réconciliation nationale »
151. Certains auteurs exagèrent lors qu'ils
considèrent ces interventions comme une croisade pour la
démocratie152 .
En tout état de cause, l'ONU a été
déçue face à l'échec de l'opération en
Somalie. L'action a été paralysée et a
échoué pour plusieurs raisons parmi lesquelles l'ingérence
des Etats Unis d'Amérique. Ils « avaient une
responsabilité particulière à cet égard puisqu'ils
étaient livrés à une opération de guerre sans la
mener à bonne fin en laissant à l'ONUSOM la charge de la
poursuivre » 153.
150 .Mahmoud Mohamed Saleh Mohamed, mondialisation et
souveraineté de l'Etat, journal du droit international, op.cit, p657.
151 La même position adopté par Charpentier(
Jean) , « le phénomène étatique à travers les
grandes mutations politiques contemporaines » , in. L'Etat souverain
à l'aube de XXI siècle, (colloque de Nancy organisé
par la Société Française de Droit Internationale), Paris,
Pédone, 1994, p30.
152 Mbaye Kéba , « menaces sur
l'universalité des droits de l'homme », in. Mélanges
Boutros Boutros Ghali, Bruxelles, Bruylant, 1998, p1249.
153 Gerbet Pierre,Mouton Marie Reine, Ghébali Victor
Yves , le rêve d'un ordre mondial de la SDN à l'ONU,
Paris, Imprimerie nationale, 1996, p366.
70
L'échec du rôle de l'ONU est assumé par la
politisation de ses organes, et plus précisément le Conseil de
Sécurité.
Par conséquent, il est à relever que
l'efficacité de l'action entreprise de cette organisation découle
de la volonté politique de ses Etats membres permanents. La paralysie du
Conseil de Sécurité face à la crise syrienne est une
preuve.
Nous craignons la reproduction du même échec pour
le cas libyen surtout face à l'impossibilité de maintenir la
sécurité nationale.
Paragraphe deuxième : L'obstacle de
l'insécurité nationale : L'insécurité met
tout le processus démocratique en danger. « Les forces
de police libyennes n'ont pas encore été en
mesure d'assumer cette responsabilité. Ce sont essentiellement des
groupes révolutionnaires armés qui ont assuré le maintien
de l'ordre dans le pays, cela sans avoir reçu la formation
nécessaire et en dehors de tout cadre juridique approprié
»154.
De sa part, le système judiciaire hérité du
régime précédent «se
caractérisait par sa corruption, son
inefficacité, son manque d'indépendance et l'incompétence
de certains de ses membres du fait d'une formation lacunaire» 155.
De plus, un autre danger peut affecter la
sécurité nationale est l'armement du peuple libyen. «
L'un des problèmes majeurs auxquels la Lybie et la communauté
internationale sont confrontés en matière de
sécurité est la menace posée par la prolifération
d'armes et de matériel connexe, et des conséquences qu'elle peut
avoir pour la paix et la sécurité régionales et
internationales. Les
154 S/2011/727 du 22novembre 2011, Rapport du
Secrétaire général sur la Mission d'appui des Nations
Unies en Libye (MANUL), §29.
155 Ibid, p27.
71
stocks existants et les stocks nouvellement
découverts d'armes chimiques et de missiles sol-air portables
constituent un sujet de préoccupation particulière»
156.
Devant tous ces facteurs, il est difficile de lancer un
processus démocratique à court et à moyen terme.
L'instabilité sécuritaire en Tunisie
résulte des déficits du processus démocratique
commencé depuis janvier 2011.
Par ailleurs, le coup d'Etat du 22 mars 2012, dirigé
par des soldats de l'armée malienne pour renverser un gouvernement
démocratiquement élu,
conduit à la suspension de la constitution et à
la dissolution des institutions constitutionnelles. Face à cette
situation qu'est marquée par le l'absence des institutions
étatiques (la police, la justice...), des islamistes et des groupes
criminels ont mis trois régions du nord malien sous leur pouvoir en mois
d'avril.
De sa part, le président du Conseil de
Sécurité et suite à ces événements
précise la situation qui est marquée par «
l'insécurité et la rapide dégradation de la situation
humanitaire dans la région du Sahel, ... la présence de groupes
armés et de groupes terroristes, ... la prolifération d'armes en
provenance de la région» 157.
Octobre 2012, le Conseil de Sécurité
énonce qui il est préoccupée par «la
dégradation continue de la sécurité et de la situation
humanitaire dans le nord du Mali, la présence de plus en plus solidement
établie d'éléments terroristes, notamment d'Al-Qaïda
au Maghreb islamique (AQMI), de groupes qui lui sont
156 S/2011/727 du 22novembre 2011, Rapport du
Secrétaire général sur la Mission d'appui des Nations
Unies en Libye (MANUL), p37.
157 S/PRST/2012/7 du 26 mars 2012, Déclaration du
Président du Conseil de Sécurité sur « Paix et
sécurité en Afrique », publiée sur :
http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/PRST/2012/7
72
affiliés et d'autres groupes extrémistes, et
leurs conséquences pour les pays du Sahel et au-delà »
158.
Cette situation d'instabilité nationale et
régionale constitue une entrave à la transition
démocratique et cause les violations des droits de l'homme
commises par des rebelles armés, des groupes
terroristes et d'autres groupes extrémistes, les violences contre les
civils, les assassinats, les prises d'otages, les pillages, les vols, les
violences sexuelles, les déplacements forcées, les destructions
de sites culturels et religieux ,le recrutement d'enfants soldats et les
attaques ciblées contre la population civile, ...159
Le cas malien, dans ce sens, est une concrétisation
à la nécessité du respect de la souveraineté et de
l'unité et l'intégrité territoriale pour réaliser
la transition démocratique. L'atteinte à la souveraineté
et l'unité territoriale interrompt le processus de
démocratisation.
Comme réaction l'ONU a, finalement, adopté une
résolution condamnant les violations des droits de l'homme en attendant
une élaboration d'un plan d'intervention au Mali.
L'action de l'ONU en faveur de la promotion de la
démocratie peut être entravée, aussi, par les limites de
sous-développement.
Section II : Le sous-développement :
Les Etats émergents est une notion qui désigne,
à l'origine, les pays qui émergent au niveau économique et
qui vont se transformer jour après l'autre à des puissances
économiques. Dans cette étude les Etats émergents sont des
Etats
158S/RES/2071 du 12 octobre 2012 sur « la
situation au Mali », p1, publiée sur :
http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/2071(2012)
159 Ibid, p2
73
qui connaissent une émergence démocratique qui
ne signifie pas forcément une émergence économique. C'est
tout à fait le contraire, les revendications des transitions
démocratiques sont, aujourd'hui, de la part des pays sous
développés.
Plusieurs facteurs peuvent bloquer le processus de
démocratisation dans ces Etats tels que la limitation de leur
liberté de choix économique des Etats faibles à cause de
l'échec du modèle soviétique : une seule idéologie
économique à « consommer » à savoir
l'économie libérale.
A cause de plusieurs facteurs, les pays
sous-développés souffrent de l'endettement.
Paragraphe premier : L'endettement un obstacle à la
promotion de la démocratie
L'endettement massif des pays de tiers monde va créer
une situation de dépendance accrue.
L'obstacle de l'endettement a connu un surdimensionnement. Par
conséquent, l'endettement est une entrave au développement et il
donne «l'occasion d'en finir avec un droit au développement qu'a
toujours été regardé avec suspicion.160»,
donc, il est un obstacle à la promotion de la démocratie vu le
rapport étroit existant entre la démocratie et le
développement.
Il est indispensable d'évoquer les conséquences
de l'endettement sur le processus de développement et donc ses effets
sur la démocratie. L'endettement représente une faiblesse
économique de l'Etat.
En fait l'inflation des dettes est à l'origine de
l'échec d'un grand nombre des expériences de développement
et a retardé le processus démocratique. La preuve en est le cas
tunisien.
160 Mahmoud Mohamed Saleh Mohamed, op.cit, p630.
74
En réalité des choses, l'Etat tunisien se trouve
dans une situation économique ambigüe à cause de
l'augmentation des dettes. Il est évident, donc, que le
surdimensionnement des dettes crée une situation de dépendance.
« C'est dire que la dépendance des pays faibles s'est accrue au
point que leurs options économiques sont guidées ou
imposées de l'extérieur161».
Le manque de l'indépendance économique conduit
à une situation de dépendance politique.
Pour faire face à cette évidence, l'ONU doit
mobiliser des moyens énormes pour réaliser ses objectifs. Le
défaut des moyens retarde sa contribution à la remise en
état des institutions, à la réformation des services
publics et à la démocratisation d'Etat détruit par la
carence des pouvoirs publics.
Mr. Boutros Boutros Ghali a déclaré dans son
agenda pour la paix qui « il n'y a plus aucune commune mesure entre
les taches confiées à l'Organisation et les moyens financiers mis
à la disposition». Dans ce sens, « les taches de la
société internationale et donc l'ONU qu'en est l'institution
majeure s'accroissent considérablement, sans quelle dispose des moyens
matériels et juridiques et pour les mener pleinement à
bien» 162.
Il est évident que l'inflation des emprunts de l'Etat
est le signe de la faiblesse économique. La corruption constitue, aussi,
l'indice d'un régime antidémocratique.
161 Thierry( Hubert) , « l'Etat et l'organisation de la
société internationale »,in. L'Etat souverain à
l'aube de XXI siècle, (colloque de Nancy organisé par la
Société Française de Droit International), Paris,
Pédone, 1994, p200.
162 Thierry( Hubert), op.cit, p209
75
Paragraphe deuxième : La corruption une entrave
à la transition démocratique
La prolifération de La corruption et la malversation
est le reflet des régimes antidémocratiques.
Nous pouvons définir la corruption comme étant
une « fourniture directe ou indirecte de toute somme d'argent, bien,
avantage, ou protection à une personne investie d'un pouvoir de
décision publique ou privée en vue d'obtenir de la part de cette
dernière qu'elle adopte un certain type de décision, de
comportement ou d'abstention» 163. C'est une utilisation
systématique des charges publiques pour un avantage privé. Ce
dernier peut prendre la forme de l'argent, de la protection, de traitement de
faveur, de recommandation...
Il y a plusieurs formes de corruption tels : la corruption
politique, la corruption administrative, la corruption législative et,
enfin, la corruption bureaucratique.
Pour combattre ce dilemme, l'Assemblée
Générale a adopté la Convention des Nations Unies contre
la corruption par la résolution 58/4 du 31 octobre 2003. Elle a
déclaré le 9 décembre comme une journée
internationale de la lutte contre la corruption.
Il est notoire que la corruption a des conséquences
néfastes: Elle engendre les menaces pour la stabilité et la
sécurité de la société. Elle sape les institutions,
les valeurs démocratiques, les valeurs morales, la justice. La
corruption bloque le processus du développement .Elle vide le principe
du développement équitable de son sens. Elle menace l'Etat de
droit.
163 Salmon (Jean),opcit,p257 et s.
76
Fort est de noter que la corruption viole un principe
fondamental de la démocratie à savoir l'égalité
d'accès des citoyens aux marchés, aux emplois et aux services
publics qui doit se baser ,a fortiori, sur la capacité et le
mérite.
Consciente de toutes ces conséquences, la Convention
des Nations Unies contre la corruption traite les aspects les plus importants
de la lutte contre la corruption à savoir la prévention,
l'incrimination, la coopération internationale et le recouvrement des
avoirs.
Pour lutter contre cet obstacle, l'article 5 de la Convention
détermine les politiques à suivre telles que :
l'élaboration des politiques nationales de prévention de la
corruption ,la création des institutions indépendantes pour la
combattre, la mise en oeuvre des pratiques efficace, la diffusion de
connaissances ,la sensibilisation et la participation active de la
société civile, l'évaluation périodiques des
instruments juridiques et des mesures administratives et enfin la collaboration
entre les Etats et la coopération bilatérale, régionale et
mondiale .
La Convention des Nations Unies a été
entrée en vigueur le 14 décembre 2005 et a été
ratifiée, à ce jour, par plus des deux tiers des 193 États
Membres de l'ONU dont 16 pays arabes. La Tunisie est un Etat partie à la
Convention des Nations Unies Contre la Corruption depuis le 23 septembre 2008.
Elle est donc tenue de l'appliquer et de participer au mécanisme
d'examen
Une convention signée entre le PNUD et le gouvernement
tunisien164 permettra d'utiliser les instruments visant à
prévenir et à combattre la corruption, tout en favorisant
l'échange d'expertises avec les institutions internationales
conformément aux standards requis. A noter que cette
164 C'est la Convention relative à la lutte contre la
corruption et à la promotion de l'intégrité dans les pays
arabes signée le 16 avril 2012.
77
convention a pour objet d'évaluer la situation de la
corruption en Tunisie et de mettre en oeuvre les priorités
établies par le PNUD à cet effet.
Entre autre, une compagne de sensibilisation a
été fournie à l'occasion aux citoyens tout en prenant en
considération le rôle qu'occupe la société civile
à la mise en oeuvre de la stratégie nationale.165
Dans le monde arabe, un programme intitulé «
Réseau arabe pour le renforcement de l'intégrité et de la
lutte contre la corruption » est mis en place surtout suite aux
changements politiques dans la région.
Ces changements ont dévoilé la
prolifération de la corruption. « Chacun sait que certains
dirigeants qui comptent parmi ceux dont la situation économique et
sociale est la plus désastreuse possèdent sur des comptes
bancaires à l'étranger des équivalentes ou même
supérieures à la dette de leur
pays» 166
|
. C'est le cas des ex présidents de l'Egypte, de la
Tunisie, de Yémen, de
|
la Libye.
Dans beaucoup des cas, la corruption n'est plus une affaire
d'un dirigent corrompu profitant de l'absence d'un système interne de
contrôle et de responsabilité, elle peut aussi une
concrétisation d'un réseau de corruption qui peut être
soutenu par des entités extérieurs (Etats et organisations
internationales) qui ferment les yeux sur ces violations pour ne pas perdre les
enjeux politiques et économiques. «En réalité le
soutien tenace apporté à des personnalités corrompues, ou
n'ayant aucun égard pour les populations sur les quelles règnent,
démontre le partage des responsabilités entre les dirigeants en
cause et les Etats les soutenant » 167.
165
http://www.tn.undp.org/presscenter/articles/129.html
166 Martin (Pierre Marie), op.cit, p106.
167 Ibid., p107.
78
Il est à noter, enfin, que la lutte contre la
corruption est indispensable pour les Etats émergents qui visent
à ancrer la bonne gestion des affaires publiques,
l'équité, la responsabilité et l'égalité
devant la loi, sauvegarder l'intégrité, et à favoriser la
culture de refus de la corruption.
79
CONCLUSION
80
Démocratiser les pays émergents est une tache
récente attribuée à l'ONU et qui a pour but de
résoudre les raisons profondes du conflit.
Pour agir légalement, l'ONU fonde son action sur la
paix, le développement et les droits de l'homme.
C'est au nom de la paix que l'ONU intervient pour
protéger la démocratie. Celle-ci permet de réaliser une
paix durable. L'arrivée de Mr Boutros Boutros Ghali au
Secrétariat a conduit une évolution significative qui va toucher
même la nature des opérations de maintien de la paix.
L'action de cette organisation en faveur de la promotion de la
démocratie donne une place importante au développement. C'est
pourquoi, on insiste à considérer le développement comme
un pilier pour ancrer la démocratie ce qui pousse à parler du
développement global qui touche les différents aspects de la vie
humaine.
Les droits de l'homme et la paix sont indissociables. En fait
chaque démocratie doit être fondée sur le respect et la
diffusion des droits de l'homme qui sont une expression de la remise en cause
de tout pouvoir abusif et autoritaire. La protection des droits de l'homme est
une préoccupation de tous les organes de l'ONU.
Le droit de voter et d'être élu, le droit
à des élections libres et honnêtes sont la
concrétisation suprême d'un droit à la démocratie.
Un tel droit a été affirmé par l'ONU.
L'enthousiasme de l'ONU n'est pas resté au niveau
théorique mais il a été guidé dans la pluparts des
cas par une pratique diversifiée.
81
La pratique de l'ONU en matière de consolidation de la
démocratie se cristallise par l'assistance électorale aux Etats
demandeurs ce qui s'inscrit dans ce qu'on appelle la politique de
création des Etats démocratiques.
Les élections libres, honnêtes et
démocratiques ont été la première étape dans
le processus démocratique pour plus de cent Etats dans les quatre coins
de la planète et elles sont le premier pas pour des Etats tels que la
Tunisie, la Libye, l'Egypte, et le Yémen pour les soutenir à
réaliser leur propre transition démocratique.
La condamnation des Etats ne respectant pas les exigences
démocratiques est une autre pratique en faveur de la promotion de la
démocratie.
Dans ce sens, l'ONU a condamné certains coups d'Etat au
nom d'une menace contre la paix ou violations graves des droits de l'homme.
Nul ne peut nier que la politique de l'ONU est
sélective, non uniforme et non constante. Elle a condamné, aussi,
les violations des droits de l'homme, presque de la même
manière.
En tout état de cause, l'action de l'ONU n'est pas
parfaite. Au contraire, elle est inachevée puisqu'elle a des obstacles
juridiques qui sont principalement le principe de l'autodétermination et
la neutralité traditionnelle de cette organisation mondiale.
Le principe de l'autodétermination peut bloquer
l'action de démocratisation. La neutralité de l'ONU est aussi une
limite juridique qui cause une réaction tardive, molle et inefficace
Les obstacles de fait sont le contexte politique national et
le sous-développement.
82
Le contexte politique peut ne pas être propice à une
action efficace de l'ONU lorsqu'il est caractérisé par la
faiblesse des institutions mises en place, le déficit de l'unité
nationale et l'insécurité nationale.
De sa part, le contexte économique est
caractérisé par l'absence de choix économiques,
l'accroissement irrationnel des dettes, la dépendance économique,
et la corruption.
Il en résulte que la promotion de la démocratie est
une pratique en besoin d'une normativité pour la consacrer, tout en
étant convaincu que« la démocratie n'est pas un
modèle à copier mais un objectif à atteindre par tous les
peuples.»168
168 Discours du Secrétaire
général Boutros Boutros Ghali prononcé à
l'ouverture de la conférence mondiale sur les droits de l'homme, Vienne,
14 juin 1993.
L'ONU et la démocratie dans les pays
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l'Union Européenne
www.icj-cij.org: le site web
officiel de la Cour Internationale de Justice
www.oas.org : Site web officiel de
l'Organisation des Etats Américains
125
L'ONU et la démocratie dans les pays
émergents
www.osce. org : Site web officiel de
l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération
www.un.org: site web officiel de
l'Organisation des Nations Unies
www.undp.org : le site web officiel du
Programme des Nations Unies pour le Développement
www.unhchr.ch: le site web officiel
du Haut Commissariat des Nations Unies des Droits de l'Homme
L'ONU et la démocratie dans les pays
émergents
126
TABLE DES MATIERES
127
L'ONU et la démocratie dans les pays
émergents
INTRODUCTION 1
PREMIERE PARTIE : L'ACTION DE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES
POUR LA PROMOTION DE LA DEMOCRATIE DANS LES PAYS
EMERGENTS 12
CHAPITRE PREMIER : LE FONDEMENT DE L'ACTION DE L'ONU 13
Section I : La paix, une condition pour la promotion de la
démocratie 13
Paragraphe premier : Le maintien de la paix est la garantie de la
démocratie 13
Paragraphe deuxième : La protection de la
démocratie est la garantie d'une paix durable 15
Section II : Le développement, une garantie pour
ancrer la démocratie 19
Paragraphe premier : La définition du développement
19
Paragraphe deuxième : L'interdépendance entre le
développement et la démocratie 21
Section III : Les droits de l'Homme, une composante
essentielle de la démocratie 24
Paragraphe premier : La primauté des droits de l'homme
garantit la paix et la démocratie 24
Paragraphe deuxième : La contribution de l'ONU à
l'apparition d'un droit à la démocratie 29
CHAPITRE DEUXIEME : LA DIVERSITE DES MODALITES D'INTERVENTION DE
L'ONU 32
Section I : L'assistance électorale : 33
Paragraphe premier : Les modalités de l'assistance
électorale 33
A- La vérification : l'assistance électorale en
Libye : 35
B- La coordination et le soutien des observateurs
internationaux: l'assistance électorale en Tunisie : 37
C- Le soutien aux observateurs électoraux nationaux :
l'assistance électorale au Yémen : 38
Paragraphe deuxième : La demande de l'assistance
électorale : 39
Section II : La condamnation des Etats ne respectant pas la
démocratie : 40
Paragraphe premier : La condamnation des coups d'Etat : 41
Paragraphe deuxième : La condamnation des violations des
droits de l'homme 45
DEUXIEME PARTIE : LES LIMITES DE L'ACTION DE L'ONU : 50
CHAPITRE PREMIER : LES OBSTACLES JURIDIQUES : 51
Section I : Le principe de l'autodétermination :
51
Paragraphe premier : La consécration du principe de
l'autodétermination : 51
Paragraphe deuxième : Les conséquences de ce
principe sur l'action de l'ONU en faveur de la démocratie 56
Section II : La neutralité traditionnelle de l'ONU :
60
Paragraphe premier : La définition de la neutralité
60
Paragraphe deuxième : La neutralité comme
étant un obstacle à la promotion de la démocratie 61
Paragraphe troisième : L'avenir de la neutralité de
l'ONU 64
CHAPITRE DEUXIEME : LES OBSTACLES DE FAIT : 66
Section I : Le contexte politique national 67
Paragraphe premier : L'inadéquation de la mission de l'ONU
dans certains cas 67
Paragraphe deuxième : L'obstacle de
l'insécurité nationale : 70
Section II : Le sous-développement : 72
Paragraphe premier : L'endettement un obstacle à la
promotion de la démocratie 73
Paragraphe deuxième : La corruption une entrave à
la transition démocratique 75
128
L'ONU et la démocratie dans les pays
émergents
CONCLUSION 79
BIBLIOGRAPHIE 115
LES OUVRAGES GENERAUX : 116
LES OUVRAGES SPECIALISES : 117
LES MEMOIRES : 118
LES ARTICLES : 119
SITES INTERNET 124
TABLE DES MATIERES 125
129
L'ONU et la démocratie dans les pays
émergents
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