0. INTRODUCTION
La santé occupe aujourd'hui un rang plus
élevé que jamais dans les priorités de la
communauté tant nationale qu'internationale, et celle des pauvres
devient un axe essentiel de l'action en faveur de la croissance et du
développement. Les pays sont d'avis que bénéficier des
meilleures conditions de santé possibles est un droit fondamental pour
chaque être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses
convictions politiques et sa situation sociale et économique.
Abstraction faite de sa valeur intrinsèque pour chaque individu, la
santé est essentielle pour le développement humain en
général et pour la réduction de la pauvreté en
particulier. Or, les populations pauvres sont les plus vulnérables
à la maladie.
Pour améliorer l'état de santé des
pauvres, il est nécessaire d'adopter une approche de la santé
soutenue par les gouvernements. La nature de ce soutien et la définition
des priorités dépendent du contexte de chaque pays
concerné. Il faut en priorité augmenter les ressources
financières en faveur de la santé, que ce soit dans les budgets
des pays ou dans les aides extérieures reçues. Les pays doivent
aussi s'engager plus résolument à améliorer leur gestion
et mieux axer leurs politiques sur le problème de la pauvreté.
En effet, les pauvres sont en moins bonne santé et
voient leur espérance de vie à la naissance se réduire
d'année en année; leur taux de mortalité infantile et
maternelle ainsi que l'incidence de la maladie sont en moyenne plus
élevés que dans d'autres catégories des populations;
l'accès aux soins de santé et aux dispositifs de protection
sociale est plus limité.
La santé constitue un atout d'une importance capitale
pour les pauvres, la clé de leur survie. Elle demeure la
préoccupation majeure des gouvernements dans n'importe quelle
circonstance car, il est prouvé qu'il existe une relation directe entre
la santé et la productivité et, l'état de santé
s'améliore avec la croissance économique. Améliorer les
conditions de santé des populations permet de perdre moins de
journées
![](Pauvrete-des-menages-et-acces-aux-soins-de-sante-en-RDC-Une-approche-par-l-analyse-factorielle13.png)
2
Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
de travail et d'allonger la durée de la vie active.
Ainsi, l'offre de travail se trouve accrue en volume et en qualité.
Le présent travail s'efforce d'étudier les
conséquences de la pauvreté des ménages sur l'accès
aux soins de santé de qualité en RDC. La problématique de
base est centrée sur l'impact de la dégradation des conditions
socio-économiques sur le développement du capital humain dont la
santé constitue l'une des principales composantes.
![](Pauvrete-des-menages-et-acces-aux-soins-de-sante-en-RDC-Une-approche-par-l-analyse-factorielle14.png)
3
Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
0.1. Problématique
Le contexte économique, politique et social des pays de
l'Afrique au Sud du Sahara s'est caractérisé au cours de cette
dernière décennie, par une dégradation constante. Des
causes aussi bien internes qu'externes ont présidé à cette
situation précaire. Sur le plan interne, les conditions politiques
défavorables, la mauvaise gouvernance et la faiblesse du cadre
administratif et institutionnel ainsi que l'étroitesse du marché
intérieur, ont créé un environnement préjudiciable
au processus de développement de ces pays en général, et
de la République Démocratique du Congo en particulier.
En effet, pays très vaste (surface de 2.345.350
km2) et riche en ressources du sol et du sous-sol, la RDC figure
paradoxalement parmi les pays les plus pauvres de la planète et, est
constamment soumise à des chocs endogènes et exogènes,
caractérisés par des difficultés que connaissent la
population à accéder de façon convenable et durable aux
biens et services publics. Les conséquences actuelles de ces
différents chocs se traduisent sur le terrain par des crises
socio-politiques graves, devenues des menaces permanentes pour la
stabilité du pays.
La RDC est un Etat fragile, en dépit de son potentiel
immense en ressources naturelles. Le Produit Intérieur Brut par habitant
représente moins de 140 dollars Usd, près de 71% de la population
(soit 7 ménages sur 10) vivent en dessous du seuil de pauvreté
et, dans certaines régions du pays, le niveau de pauvreté
dépasse 80%. Le pays a vu sa position se dégrader dans le
classement par rapport au développement humain et occupe
désormais la dernière place sur une échelle de 187 pays en
2011, avec un IDH situé à 0,286, une espérance de vie
à la naissance de 48 ans et une durée moyenne de scolarisation de
3 ans et demi (PNUD, 2011).
A l'instar d'autres pays du monde, la RDC a, en 2000, souscrit
aux OMD et, en 2005, adopté son Document de Stratégie de
Croissance et de Réduction de la Pauvreté (DSCRP) dont les
principaux piliers étaient en phase avec les OMD. En vue de mesurer de
façon précise les progrès accomplis, sur le plan social,
vers l'atteinte des
![](Pauvrete-des-menages-et-acces-aux-soins-de-sante-en-RDC-Une-approche-par-l-analyse-factorielle15.png)
4
Pauvreté des ménages et accès aux soins
de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
OMD à l'horizon 2015 et alimenter la base de
données socioéconomiques susceptible de fournir des indicateurs
fiables et à jour pour l'élaboration du DSCRP de deuxième
génération, le Gouvernement de la RDC a réalisé en
2010, sa troisième enquête par grappes à indicateurs
multiples (INS et UNICEF, MICS-RDC 2010).
Malgré ces initiatives louables, les progrès
sociaux demeurent toujours lents, et le pays risque de ne pas être en
mesure d'atteindre la plupart des OMD à l'horizon 20151. En
effet, la grande majorité de la population n'a pas accès aux
services sociaux les plus élémentaires : seulement 40 à
50% de la population a accès aux soins de santé, on note une
moyenne de 11 médecins pour 100.000 habitants, le taux de
mortalité infantile est estimé à 97 pour mille naissances
vivantes, alors que la probabilité pour un enfant de
décéder avant d'atteindre son cinquième anniversaire est
de 158 pour mille et, 24% d'enfants souffrent d'insuffisance pondérale
modérée ou sévère2, 4 enfants sur 10 ne
sont pas scolarisés, plus de 3 personnes sur 5 n'ont pas accès
à l'eau potable (seulement 47% de la population consomment l'eau issue
d'une source améliorée) et 4 personnes sur 5 n'ont pas
accès à l'électricité (PNUD, 2011).
Par ailleurs, l'utilisation des toilettes
améliorées (celles qui séparent d'une manière
hygiénique les excréments humains du contact humain) est
réduite en RDC où elle ne concerne que 14% des ménages. A
l'opposé, 72% utilisent des installations sanitaires non
améliorées, tandis que 14% n'utilisent pas de toilettes et
pratiquent la défécation à l'air libre. En ce qui concerne
le degré de promiscuité, 14%
1 Selon le Country Economic Memorandum,
CEM de la Banque Mondiale (2011), la croissance en RDC est ralentie par
. · (i) la faiblesse des institutions et de la gouvernance ayant
résulté en la vulnérabilité de l'économie
congolaise, le manque de diversification et les échecs du marché,
(ii) le manque d'infrastructures d'énergie et de transport et (iii) le
faible niveau d'investissements dans le capital humain et la protection
sociale. Il faut aussi rajouter la faiblesse de l'investissement qui ne
représente que 4 pourcent du PIB, largement en deçà de 27%
requis pour atteindre une croissance à deux chiffres. En
conséquence, le rapport recommande la mise en place d'institutions
solides, la levée des contraintes par des politiques volontaristes et la
diversification de l'économie.
2 Les indicateurs clés
couramment utilisés pour l'évaluation de l'état
nutritionnel des enfants de moins de 5 ans sont . · (i) l'insuffisance
pondérale (exprimé par l'indice poids-pour-âge) ; (ii) le
retards de croissance ou malnutrition chronique (exprimé par l'indice
taille-pour-âge) ; (iii) l'émaciation ou malnutrition aiguë
(exprimé par l'indice poids-pour-taille).
![](Pauvrete-des-menages-et-acces-aux-soins-de-sante-en-RDC-Une-approche-par-l-analyse-factorielle16.png)
5
Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
aussi des ménages ont en moyenne une chambre à
coucher par personne et 43% dorment à 4 ou plus par chambre à
coucher3(INS et UNICEF, MICS-RDC 2010).
La situation de pauvreté a été
aggravée par les différents conflits qui ont
émaillé la vie politique du pays au cours de ces dernières
années. Ces conflits ont causé et continuent à causer au
pays un désastre humain, auquel s'ajoute un désastre
écologique qui a des conséquences économiques; ce qui
contraint encore aujourd'hui de nombreuses populations à vivre dans des
conditions précaires. Ces conflits se sont également traduits par
des déplacements massifs des populations (près de 2,6 millions de
personnes selon les Nations Unies). Cet état des choses prouve à
suffisance que la situation socioéconomique de la majorité des
populations congolaises demeure précaire avec plusieurs facettes dont :
la faiblesse du revenu, la non satisfaction des besoins alimentaires, et
l'accès difficile aux soins de santé, à la scolarisation
et à un logement décent.
En matière de la santé, la RDC accuse un retard
considérable. Dans l'opinion publique internationale, l'image de la RDC
reste associée à des guerres et des catastrophes. Un
système de santé en pleine dégradation ne peut faire face
à une démographie galopante et à une urbanisation encore
plus rapide. Les maux de la RDC sont multiples, depuis le Sida jusqu'à
la Trypanosomiase, que la médecine coloniales se vantait d'avoir vaincue
et qui néanmoins réapparaît. Enfin,
l'épidémie d'Ebola ravive toute les peurs, même si elle est
moins dévastatrice que celle, plus fréquente, de la
Poliomyélite, la Rougeole ou la Méningite. Cette image de la RDC
efface progressivement une autre, qui fut très présente dans les
milieux universitaires et chez les professionnels de la santé : dans les
années 70 et 80, la RDC était considérée comme un
des pays africains les plus avancés dans le domaine de la santé
publique.
La baisse de la qualité de service de santé, le
faible revenu des ménages ainsi que l'insuffisance des centres de
santé constituent la toile de fonds d'un accès
3 dans un ménage est défini par le nombre de
personnes par chambre à coucher. Il montre l'encombrement des personnes
dans ces chambres. Dans ce rapport, on considère qu'il y a une grande
promiscuité lorsqu'il y a 4 personnes ou plus par chambre à
coucher.
![](Pauvrete-des-menages-et-acces-aux-soins-de-sante-en-RDC-Une-approche-par-l-analyse-factorielle17.png)
6
Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
difficile de la population aux soins de santé. En
effet, la pauvreté et la mauvaise santé vont de pair. En
matière de santé, le pays tend à réaliser de moins
bons résultats et, à l'intérieur on remarque que les
pauvres se portent moins bien que les riches. Cette association
révèle un lien de causalité à double sens : la
pauvreté engendre la mauvaise santé et la mauvaise santé
entretient la pauvreté. La mauvaise santé peut influer
profondément sur le revenu des ménages et même faire toute
la différence entre être au-dessus ou en dessous du seuil de
pauvreté. Les pauvres souffrent d'une multitude de privations qui se
traduisent par des niveaux élevés de mauvaise santé. Ils
se trouvent donc piégés dans un cercle vicieux : la
pauvreté engendre la mauvaise santé et la mauvaise santé
entretient la pauvreté.
Au regard de ce qui précède, il apparaît
clairement impérieux, à travers ces écrits, d'attirer
l'attention des pouvoirs publics congolais pour qu'ils s'orientent dans une
démarche de développement économique en vue
d'améliorer les conditions de vie des populations. Mais la mise en
oeuvre d'un développement économique et social durable requiert
un programme de lutte contre la pauvreté centré sur le
développement des ressources humaines. En fait, l'investissement dans le
capital humain en vue d'améliorer l'offre des services est une
composante majeure des actions de développement. L'importance de
l'investissement dans le capital humain tient principalement aux effets
irréversibles qu'engendre l'absence de tel investissement.
En effet, lorsqu'une génération d'enfants ne
bénéficie pas de soins de santé adéquats et d'une
bonne nutrition, ou qu'elle n'est pas correctement ou pas du tout
scolarisée, aucune autre mesure ne saurait remédier aux
dégâts constatés qui se manifestent lorsque ces enfants
atteignent l'âge adulte (Kacou Kouamela et Tano Kouadio, 2008).
Vu l'importance de la santé dans le processus de la
croissance et du développement ainsi que dans l'amélioration des
conditions de vie des populations en RDC, la maîtrise des facteurs de
l'accessibilité des ménages aux soins de santé requiert
une analyse approfondie. C'est ainsi que la présente étude se
préoccupe
![](Pauvrete-des-menages-et-acces-aux-soins-de-sante-en-RDC-Une-approche-par-l-analyse-factorielle18.png)
7
Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
d'appréhender, d'une manière cohérente,
les effets de la pauvreté sur l'accès aux soins de santé
en RDC. Cette dernière préoccupation constitue sans doute le fil
conducteur de la présente réflexion.
Ainsi, nous essayerons, en suivant une méthodologie
appropriée, de proposer certaines pistes de solution dans le but
d'améliorer l'accès des populations congolaises aux soins de
santé de qualité car, la santé est l'un des moteurs de la
croissance et du développement d'un pays.
|