CHAPITRE I
GENERALITES CONCEPTUELLES
Ce chapitre sur les généralités
conceptuelles passe en revue les différents concepts utilisés
dans le présent travail. Ainsi, on abordera entre autres, les concepts
ci-après : pauvreté, santé, pauvreté et
santé, etc. Etant donné que ces derniers concepts sont
multidimensionnels, la maîtrise des interactions qui existent entre eux
nous permettra sans doute d'avoir une vision claire quant au choix des
techniques ou des méthodes à utiliser pour faire aisément
les analyses empiriques.
Section 1. Définition des concepts de
pauvreté et de santé
1.1. Concept de pauvreté
La recherche des voies et moyens pour réduire les
effets néfastes de la pauvreté est devenue une priorité de
la communauté tant internationale que nationale. En dépit des
efforts consentis sur le plan international, notamment le sommet de Copenhague
sur le développement social (1995) et celui de Johannesburg sur le
développement (2002), sans oublié le Sommet de New York relatif
aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (2000) ainsi
que l'élaboration des DSCRP nationaux, force est de constater que
l'ampleur des effets dévastateurs de la pauvreté n'est fait que
s'accroître (UNESCO, 2002). Cette évolution grandissante de la
pauvreté à travers le monde en générale et dans les
pays en voie de développement en particulier, suit son parcours normal
et sans entrave, son aggravation au fil du temps, reflet du mode de
fonctionnement et de gestion du système économique actuel (Fusco
Alessio, 2007). Ainsi, la préoccupation majeur de ce point est de savoir
comment peut-on définir et appréhender la pauvreté ?
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Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
1.1.1. Définitions de la pauvreté
A priori, il est facile d'appréhender la
pauvreté. Elle suppose, dans une société donnée,
qu'une ou plusieurs personnes ne peuvent atteindre un niveau du bien-être
matériel correspondant à un minimum acceptable par les membres de
cette société. Cependant, jusqu'à ce jour, il n'y a aucune
définition universellement acceptée pour désigner ce
concept. Cela est dû principalement au fait que sa détermination
soulève un problème d'identification et d'agrégation,
c'est-à-dire d'évaluation du bien-être des individus et du
seuil à partir duquel une personne peut être
considérée comme pauvre.
En effet, du fait de son caractère multidimensionnel et
subjectif, il paraît toujours complexe d'appréhender la
signification profonde du concept du bien-être dans une population ou
pour un individu donné. En procédant au recensement des
différentes pauvretés, la diversité et la
relativité des concepts actuellement utilisés, fondés sur
des méthodes différentes, apparaissent. La pauvreté est
généralement définie par deux types d'approches : les unes
sont quantitatives (utilitaristes), les autres qualitatives (non
utilitaristes).
1.1.1.1. Approche utilitariste de la
pauvreté
Cette approche apprécie l'état de la
pauvreté en fonction d'un minimum du bien-être économique
considéré comme standard au niveau de la société.
Dès lors qu'un individu ne peut atteindre ce niveau, il est
considéré comme pauvre. Cette approche tire ses origines dans la
théorie microéconomique moderne, principalement de
l'hypothèse de la maximisation du bien-être par les individus.
Elle repose sur les hypothèses ci-après:
- L'utilité est une bonne définition du
bien-être ;
- Une insuffisance d'utilité englobe tout ce que l'on
entend par pauvreté. (Stewart et al., 2007 ).
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Pauvreté des ménages et accès
aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
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Amartya Sen de son coté attribue à cette
approche monétaire fondée sur l'utilitarisme trois
propriétés distinctes en l'occurrence, le
conséquentialisme, l'additivisme et le welfarisme. L'approche est
conséquentialiste en ce sens que l'évaluation de diverses options
se fait sur la base de leurs conséquences sur le bien-être ou
l'utilité des individus. L'approche est additive pour autant qu'elle
s'inscrit dans une perspective d'agrégation, c'est-à-dire le
critère de choix collectif se fonde sur les conséquences des
actions sur le bien-être social qui se calcule par une simple addition
des utilités individuelles, chacun comptant pour un et pas plus qu'un
(sum-ranking). Enfin, l'approche est welfariste en ce qu'elle s'appuie sur la
modalité selon laquelle la seule information pertinente pour
l'évaluation du bien-être est celle fournie par l'ensemble des
fonctions d'utilités individuelles dont le bien-être est une
fonction croissante.
Parmi les faiblesses telles que synthétisées par
certains auteurs, il y a lieu de retenir que l'inadéquation de
l'utilitarisme au niveau de traitement de la pauvreté est motivée
par trois raisons : (i) l'utilitarisme suppose que les niveaux d'utilité
sont comparables d'un individu à l'autre ; (ii) il ne se
préoccupe que de l'agrégation des utilités, et de leur
somme, au lieu de s'occuper de la manière dont celle-ci est
distribuée entre les individus et ; (iii) la position utilitariste
suppose de recourir à un unique indicateur de bien-être,
l'utilité, qui semble trop lié à des
éléments individuels pour être prise en charge par la
société.
Ces considérations permettent de réaliser que
l'utilité n'est qu'une conception restreinte du bien-être car
limitée à une information psychologique, ce qui entraîne la
non-prise en compte des informations non liées à l'utilité
dans l'appréciation du bien-être. La nécessité de se
départir des hypothèses encombrantes liées au recours
à l'utilité dans la définition de la pauvreté a
conduit les économistes à opter pour l'utilisation du revenu.
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aux soins de santé en RDC. Une approche par la méthode d'Analyse
Factorielle des Correspondances.
1.1.1.1. Approche monétaire de la
pauvreté
Cette approche, basée sur le revenu ou la consommation,
reste très dominante dans l'étude de la pauvreté depuis
les travaux fondateurs de Booth et Rowntree. Elle considère comme
pauvres, les individus qui, à un moment donné, n'ont pas
accès à des ressources économiques suffisantes pour
acquérir la quantité des biens et services nécessaires
à la satisfaction de leurs besoins essentiels ou à l'atteinte
d'un niveau de vie considéré comme un minimum socialement
acceptable.
Partant de la considération selon laquelle le revenu
est une bonne approximation pour les différents aspects du
bien-être et de la pauvreté (que sont l'insuffisance des
ressources mais aussi la nutrition et la santé même sans
référence à l'utilité), cette approche soutient que
l'utilisation du revenu constitue un raccourci pratique qui permet
l'identification des pauvres sur la base des données largement
répandues. A cet effet, les hypothèses ci-après
émises par Stewart peuvent bien traduire l'équivalence entre
l'utilité et les dépenses/revenu :
- Les dépenses monétaires sont une
mesure satisfaisante de l'utilité ; - La justification
du seuil de pauvreté est satisfaisante.
Partant de l'équivalence entre l'utilité et
revenu/consommation en raison de la compatibilité entre l'approche
monétariste et les racines welfariste de la microéconomie, cette
approche permet d'éviter la spécification d'une fonction
paramétrique d'utilité dans l'appréciation de la
pauvreté en permettant d'approximer la valeur monétaire
d'utilité (money metric utility) par le revenu ou par les
dépenses réelles. Il y a lieu de souligner la différence
entre l'approche par les dépenses (consommation) et celle fondée
sur le revenu.
L'approche basée sur la consommation est
considérée comme une approche directe du niveau de vie des
individus en ce qu'elle renseigne sur les besoins effectivement satisfaits ou
non, tandis que celle basée sur le revenu est
considérée
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Pauvreté des ménages et accès
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comme indirecte ou potentielle pour autant qu'elle apporte une
information sur les moyens à la disposition des individus pour
satisfaire leurs besoins.
Comme précisé ci-haut, l'identification de la
pauvreté est assimilée à une insuffisance dans un
indicateur monétaire par rapport à un seuil. A la base de cette
approche se trouve la méthode comptable consistant à
établir un seuil monétaire en deçà duquel
l'individu est considéré comme pauvre et au-delà duquel il
ne l'est pas. Selon les deux composantes de l'approche monétaire, la
pauvreté est perçue comme une insuffisance de ressources qui
contraint les choix des individus et restreint leur ensemble de consommation.
Cette acception est assimilée à la pauvreté
économique qui se réfère aux «
caractéristiques externes qui conditionnent le comportement d'une
personne, et particulièrement son comportement dans les transactions
économiques: l'achat de biens de consommation, la vente des services
productifs, etc.» (Watts H, 1968).
L'une des critiques adressées à cette approche,
particulièrement au recours du revenu comme critère de la
définition de la pauvreté, réside dans le fait que cette
variable (revenu) se concentre plus sur le contenu des portefeuilles des
individus que sur l'évaluation de l'appauvrissement des vies et, dans ce
cas, elle ne permet de faire ressortir les types de déprivation dont les
individus sont l'objet ou victimes. En effet, comme le souligne Sen, même
si les biens mis à la disposition des individus fournissent la base
matérielle à partir de laquelle ces derniers vont retirer du
bien-être, la transformation de ces moyens en accomplissements n'est ni
automatique, ni identique pour tout le monde ; elle est contingente à un
ensemble de facteurs de conversion personnels, sociaux ou environnementaux.
Ainsi, en ne tenant pas compte de différentes
réalités socioéconomiques et environnementales auxquelles
les individus sont confrontés dans le processus de satisfaction de leurs
besoins, l'utilisation d'un indicateur des ressources tel que le revenu ne
permet pas de tenir compte de la diversité et de
l'hétérogénéité humaine. Partant de cette
considération, il y a lieu de retenir que la critique conceptuelle
majeure
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adressée à l'approche monétaire de la
pauvreté basée sur le revenu repose sur son caractère
indirect. Pour cette raison, certains auteurs comme Atkinson
préfèrent, dans les cas des mesures indirectes de la
pauvreté, parler des mesures de risque de pauvreté ;
réservant les mesures de pauvreté aux mesures directes.
Si les ressources (exprimées par le revenu) constituent
un moyen pour atteindre le bien-être, elles ne mesurent pas la même
chose que les indicateurs directs. D'où la nécessité
d'élargir l'espace d'informations en incluant les autres aspects non
monétaires dans l'appréciation de la pauvreté. Parmi ces
nouveaux aspects ou éléments figurent en bonne position les
réalisations et les fins des individus, tels que pris en compte dans
l'approche par les capabilités.
1.1.1.2. Approche par les capacités
humaines
L'approche par les capacités humaines apprécie
l'état de pauvreté en fonction d'absence d'opportunités
dont peuvent jouir les individus pour leur épanouissement. Elle va
au-delà des besoins essentiels pour prendre en compte une autre
dimension qu'est la non participation des pauvres à des décisions
importantes dans la vie de la communauté dans son
entièreté.
D'après ARMATYA S., l'approche par les capacités
présente plusieurs avantages relativement à celle fondée
sur le revenu, parmi lesquels il y a lieu de retenir :
- Il est réaliste d'identifier la
pauvreté en termes de privations de capacités : l'approche se
focalise sur des privations qui ont une importance intrinsèque à
la différence des bas revenus dont la signification est instrumentale
;
- D'autres facteurs influencent la privation
des capacités et donc, la pauvreté réelle hormis la
faiblesse des revenus (le revenu n'est pas le seul instrument qui produise les
capacités) ;
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Pauvreté des ménages et accès
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- La relation instrumentale entre
pénurie des revenus et pénurie des capacités varie d'un
pays à l'autre, d'une famille à l'autre, d'un individu à
l'autre (l'impact du revenu sur les capacités est contingent et
conditionnel).
Pour ces différentes raisons, l'approche par les
capacités permet une meilleure compréhension de la
pauvreté et des privations, par leur nature et leurs causes, en
déplaçant l'examen depuis les moyens (et l'un de ceux-ci, en
particulier qui reçoit une attention exclusive, en l'occurrence le
revenu) et vers les fins que les gens ont de bonnes raisons de poursuivre et,
conséquemment, vers les mises en jeu pour y parvenir. En dépit de
la distinction établie ici entre l'approche par capacités et
celle de revenu, comme le reconnaît Sen, il existe une relation
étroite entre ces deux réalités (inadéquation des
capacités et faiblesses de revenu), ne serait-ce que parce que le revenu
est un moyen essentiel pour développer les capacités.
Par ailleurs, l'amélioration des capacités dont
disposent les individus pour conduire leur vie tend, d'une manière
générale, à faciliter leurs possibilités
d'accroître leur productivité et leurs revenus. Pour illustrer
cette relation, on peut évoquer le fait que l'accès aux soins de
santé et à l'éducation qui, non seulement, a des
conséquences positives sur la qualité de vie, mais
également et surtout, il accroît la faculté d'une personne
de gagner sa vie et d'échapper à la pauvreté de revenu.
Cette approche de la pauvreté, élaborée à
l'initiative D'AMARTYA S., constitue une illustration par excellence de la
nature multidimensionnelle ou polysémique de la pauvreté.
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