SOMMAIRE
Introduction générale
PREMIERE PARTIE :
Petite histoire de la photographie au
Sénégal
Chapitre 1 : Naissance et facteurs de diffusion de
la photographie au Sénégal
Section 1 : Le rôle des administrateurs, des
militaires et des missionnaires
Section 2 : L'appropriation de la photographie par les
populations locales
Chapitre 2 : Apparition des premiers photographes
sénégalais et des studios
Section 1 : Les précurseurs et l'âge d'or
des studios
Section 2 : De quelques héritiers...
Chapitre 3 : Emergence des
« ambulants » et déclin des studios photo
Section 1 : L'apparition des laboratoires et de la
photographie couleur
Section 2 : L'arrivée des
« ambulants » ou la démocratisation de la
photographie
Section 3 : La décadence des studios
DEUXIEME PARTIE :
Le photojournalisme au Sénégal :
Zoom sur une corporation sous-valorisée
Chapitre 1 : Présentation du cadre
méthodologique
Section 1 : L'enquête sociologique
Section 2 : Présentation des résultats
Chapitre 2 : Etat des lieux du photojournalisme au
Sénégal
Section 1 : Précarité et
sous-valorisation
Section 2 : « Les petits soldats du
journalisme »
Chapitre 3 : Les raisons d'une
sous-valorisation
Section 1 : Manque de formation et faible niveau
d'études
Section 2 : Absence d'une culture de l'image dans la
presse sénégalaise
Conclusion générale
Références bibliographiques
Annexes
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
Le Sénégal peut se targuer d'une longue
tradition photographique. L'outil photographique y fit son apparition peu de
temps après son invention en 1839.1(*) Après une rapide appropriation par les
élites locales, la pratique a connu des mutations profondes au fil des
époques. De l'âge d'or au déclin des studios tenus par des
Sénégalais en passant par l'avènement des photographes
ambulants, on assiste aujourd'hui à un engouement pour la photographie
de presse ou photojournalisme.
Notre étude a pour objet de permettre une bonne
connaissance de cette corporation aux contours difficiles à cerner,
à travers une analyse approfondie du statut professionnel et social des
reporters photographes sénégalais. Relatant les faits avec des
images, ceux-ci traitent l'information comme le font les journalistes de la
presse écrite. Mais dans la réalité, ils sont loin
d'être considérés comme tels.
Le choix de ce sujet obéit à plusieurs raisons.
L'état actuel de la recherche montre que
« la ` découverte ` de la photographie
africaine, c'est-à-dire sa construction en tant qu'objet d'étude
(...) est un phénomène récent. »
L'étude de la photographie africaine est surtout à mettre
à l'actif de chercheurs en majorité d'origine européenne
ou nord-américaine qui, au début des années 1990, ont
entrepris, en ordre dispersé et dans un climat d'intense
compétition, de déchiffrer cette terra
incognita de la culture africaine.2(*)
Ce travail trouve son intérêt dans sa
contribution à la connaissance de la photographie au
Sénégal, notamment celle des reporters photographes, une
sous-corporation de la famille des journalistes. D'autant que les travaux de
recherche sur la photographie au Sénégal sont rares. Ce
mémoire sur les reporters photographes et la photographie de presse,
espérons-le, contribuera ainsi à combler la connaissance
parcellaire sur les photojournalistes.
Cette absence d'étude scientifique consacrée
à cette corporation n'est-elle pas révélatrice d'une
certaine indifférence vis-à-vis de ces praticiens ? A
l'image de leurs confrères rédacteurs, les reporters photographes
sont des membres à part entière des rédactions.
Aujourd'hui, on imagine mal un journal (quotidien, magazine ou presse en
ligne) sans image. Néanmoins, leur situation socioprofessionnelle,
comparée à celle des journalistes, est peu enviable. Ce qui nous
a amené à voir les raisons de leur sous-valorisation.
Au plan théorique, notre recherche s'inscrit dans le
cadre des travaux axés sur les professionnels des médias. Ces
travaux ont débuté en France au début des années
1980. Conciliant des approches à la fois sociologique et ethnographique,
ils ont débouché sur ce que d'aucuns ont qualifié de
« sociologie du journalisme ». Les études les plus
représentatives ont été menées par Rémy
Rieffel, Jean-Marie Charon et Erik Neveu3(*). Ces auteurs ont montré que le champ
journalistique a ses pratiques, ses rites, ses normes organisationnelles, ses
imaginaires, mais surtout que c'est un lieu de compétitions où se
nouent des rapports et des enjeux de pouvoir entre les différents
acteurs. Certains ont du pouvoir et d'autres n'en ont pas. En outre, ils ont
insisté sur le rôle des professionnels au sein des
différentes entreprises de presse. Ce sont les aspects liés
à la question du pouvoir -avec l'attribution des places- et au
rôle des professionnels dans les entreprises de presse qui ont
inspiré notre démarche dans le cadre de cette recherche sur les
conditions des reporters photographes au Sénégal.
Au plan méthodologique, nous avons adopté une
démarche sociologique, qui nous a semblé pertinente avec des
enquêtes de terrain. S'inspirant de la démarche proposée
par Remy le Saout4(*), notre
méthodologie nous a permis de mettre en relation des discours, des
pratiques, des manières de faire avec les positions sociales des
individus en cherchant à dégager des rapports de causalité
entre les deux. 5(*)
Pour ce faire, nous nous sommes adossé à
quatre outils de recueil de données : l'enquête quantitative
par questionnaire, l'enquête qualitative par entretien, l'observation et
la recherche documentaire.
L'intérêt du questionnaire consiste à
démontrer de manière statistique la validité d'une
hypothèse, mais il permet aussi de présenter une lecture des
résultats obtenus sous forme de données chiffrées. Ce qui
offre une plus grande lisibilité du phénomène
étudié. Mais auparavant, il nous a fallu déterminer la
population à interroger en utilisant la méthode de
l'échantillon par quotas à l'image du sociologue qui, très
souvent, a recours au principe de l'échantillonnage qui permet de ne
questionner qu'une partie significative de la population globale.
Nous avons utilisé également la méthode
de l'entretien qualitatif pour obtenir des informations précises
qui tiennent compte des systèmes argumentaires, des explications, des
interprétations.6(*)
Et comme nous avons exploré un terrain peu ou prou
défriché, cette technique nous a permis de recueillir des
témoignages et des informations de personnes évoluant dans le
milieu de la photographie de presse afin de mieux nous imprégner de
cette corporation.
Pour ce qui est de l'observation, le paradigme
interprétatif a constitué une grille d'analyse des relations
symboliques entre les reporters photographes et les différents membres
de leur environnement professionnel et social. De plus, le paradigme
interprétatif qui investit la communication dans l'étude de son
contenu et de sa substance, nous servira d'outil permettant de démontrer
comment le partage des normes et des rituels procure aux membres d'une
organisation donnée un terrain symbolique commun, l'organe de presse, en
l'occurrence. A cet effet, il a contribué à expliquer, par
exemple, les « conflits » entre les acteurs de cette
corporation et ainsi d'offrir la possibilité de les anticiper.7(*)
Ces différentes techniques de recueil de
données nous ont fourni des matériaux d'analyse et permis de
vérifier, compléter, illustrer et valider notre hypothèse
de recherche qui a trait à la sous-valorisation de la photographie de
presse au Sénégal.
Nous avons subdivisé notre travail en deux grandes
parties. Nous procédons, dans la première partie de ce
mémoire, à l'étude sur la longue durée de la
trajectoire de la photographie au Sénégal, depuis son apparition
jusqu'à l'époque récente. Dans la seconde partie, nous
présentons le cadre méthodologique, les résultats obtenus
et insistons sur les principales raisons du manque de considération dont
les reporters photographes sont victimes.
PREMIERE PARTIE :
PETITE HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE AU
SENEGAL
Peu de temps après son invention en Europe, la
photographie fait son apparition en Afrique de l'Ouest au XIXe
siècle.8(*) Les
zones côtières plus riches et plus densément
peuplées étaient ouvertes plus tôt à l'influence
occidentale par rapport aux régions de l'intérieur. Au
Sénégal, Saint-Louis et Dakar ont naturellement été
les portes d'entrée de cette invention apportée par la
colonisation. C'est ainsi que, « dès les années
1840, on trouve des daguerréotypistes qui expérimentent ce
nouveau médium, tout le long des côtes africaines : de la
côte des Somalis (...) à Saint-Louis du Sénégal, en
passant par le Cap »9(*).
A ses débuts au Sénégal, la photographie
est principalement l'apanage des colons. Suivant leurs activités
professionnelles, militaires, évangélistes et civils
(explorateurs scientifiques, commerçants, industriels, fonctionnaires de
l'administration coloniale, aventuriers) s'emploient à enregistrer leurs
« premiers contacts » avec l'Afrique par le biais de la
photographie.10(*) A leurs
yeux, la photographie apparaît comme un support incontournable de leur
conquête. Les images prises des populations locales dénotent d'une
certaine volonté des colonisateurs de témoigner de leurs
récits de voyage et de la domination qu'ils exercent sur cette terre
africaine et ses habitants.
En dépit des appréhensions liées à
la nouveauté de l'invention et du fait que « la
photographie (est) restée un outil très
surveillée qui doit d'abord servir les intérêts
coloniaux », elle est néanmoins adoptée, peu de temps
après, par des praticiens sénégalais, en contact
permanent avec la communauté française. Tous, à quelques
exceptions près, ont fait leurs armes « chez les
Blancs ».11(*)
Interprètes, tirailleurs et porteurs sont les premiers
intermédiaires entre la mission coloniale française et les
populations.12(*) De fil
en aiguille, ces autochtones prennent goût à la pratique de la
photographie. Leur collaboration avec l'administration coloniale aidant, ces
Sénégalais, qui deviendront les premiers photographes issus du
terroir, en ont profité pour faire ou parfaire leur apprentissage.
Chapitre 1 :
NAISSANCE ET DIFFUSION DE LA PHOTOGRAPHIE AU
SENEGAL
Au Sénégal, la photographie apparaît
à Saint-Louis puis à Dakar. Durant toute la période
coloniale, elle est restée un outil très surveillé qui
devait d'abord servir les intérêts coloniaux en vertu du
décret Laval (alors ministre des Colonies) voté en 1934 : le
contrôle de la production et la diffusion des films et des disques est
strictement réglementé dans toute l'AOF.13(*) Mais au fil des ans, la
photographie finit malgré tout par se diffuser à l'ensemble de la
population.
Section 1 : Le rôle des civils, des
administrateurs, des militaires et des missionnaires.
Si la photographie comblait pleinement les attentes de
certains civils occidentaux avides d'exotisme, pour beaucoup d'autres
(administrateurs, militaires et missionnaires), elle est partie
intégrante de leur mission colonisatrice.
A/ Le rôle des civils et des administrateurs
En cette première moitié du XIXème
siècle, Saint-Louis est une ville européano-africaine où
le commerce est florissant.14(*) Témoins de ce passé, les vestiges des
« comptoirs des Bordelais », décrits par
Frédérique Chapuis dans les Précurseurs de Saint-Louis
du Sénégal, croulent sous le poids des âges.
Aujourd'hui, ces vastes bâtisses, occupées pour certaines par les
populations locales, sont encore visibles sur les quais. Dans la capitale de
l'Afrique occidentale française (AOF), véritable comptoir
commercial, se concentrent d'innombrables commerçants, administrateurs,
militaires, aventuriers en mal de sensation et...photographes.15(*) On y recense quelques 700
commerces, parmi lesquels on trouve le premier studio de daguerréotypie
ouvert en 1860 par Washington de Monrovée.16(*) D'autres commerçants ou
aventuriers suivront le mouvement. En 1861, Decampe ouvre son commerce.
Bonnevide aussi s'installe à Saint-Louis avant d'aller à Dakar
où il ouvre en 1885 l'un des premiers studios. Il laisse ainsi la place
à d'autres : Hostalier, son ex-assistant et éditeur de
cartes postales, Tacher, Hautefeuille etc. En 1908, Etienne Lagrange, qui
formera nombre de photographes africains, installe, à son tour, son
studio à Saint-Louis.17(*)
En outre, les explorateurs scientifiques, mais aussi les
commerçants et les industriels apportent dans leurs bagages cette
nouvelle invention. Ils utilisent la photographie comme témoignage de
leur rencontre avec cette lointaine terre africaine. Ce foisonnement
de la pratique de la photographie est en partie facilité par les
avancées techniques en la matière. Dès les années
1880, conjointement au début de cette conquête, la photographie
instantanée se développe grâce à une nouvelle
émulsion à base de gélatino-bromure d'argent et à
la commercialisation d'une chambre 9X12 « tout
terrain ».18(*)
Comme on peut l'imaginer à cette époque, toute cette photographie
reste d'abord le témoignage de la civilisation européenne,
fortement ethnocentriste.19(*) Tout est photographiable et donc avidement
photographié, remarque Frédérique Chapuis.20(*)
Pour asseoir ses rêves de grandeur politique et
économique, la France entreprend rapidement une vaste campagne de
travaux publics (routes, voies ferrées, ports, ponts, etc.). A
la fin des années 1880, Ernest Portier, directeur du Service du Chemin
de fer du Soudan français, réalise des photographies illustrant
la construction du chemin de fer du Haut-Sénégal. Ces grands
travaux, qui monopolisent la force de centaines de milliers d'Africains
déplacés et contraints au travail, sont également
l'occasion d'établir de nouveaux contacts culturels et techniques entre
les populations et les coloniaux.21(*)
A Saint-Louis, mais aussi à Dakar, les commerces
photographiques, répliques des studios parisiens avec les
intérieurs bourgeois, sont tenus par les coloniaux. Bien que son nom
soit lié à la région de Bamako, la capitale du Soudan
(ancien nom du Mali), pour y avoir ouvert le premier magasin de
photographie,22(*) Pierre
Garnier est venu vivre à Dakar entre 1955 et 1956. Dans cette ville, il
a poursuivi son commerce photographique pour subvenir aux besoins de sa
famille. Quelques décennies plus tôt, Oscar Lataque, un autre
photographe français, avait établi ses quartiers à Dakar.
Tennequin dirigeait le Comptoir Photographique de l'Afrique occidentale
française (AOF), sis à l'avenue Roume, actuelle avenue
Léopold Sédar Senghor. Leurs studios comptaient dans les
années 1920 parmi les plus célèbres de la place.23(*) Deux pionniers de la
photographie sénégalaise, Mama Casset (1908-1992) et Amadou
Guèye « Mix » (1906-1994), eux aussi originaires de
Saint-Louis, seront initiés par Lataque, qui réalisait
essentiellement des cartes postales.
Edmond Fortier, photographe-reporter le plus prolixe du
Sénégal des années 192O, est rendu célèbre
par les cartes postales qu'il réalise sur cette contrée longtemps
présentée comme hostile. Les photographies de monuments, de
paysages, ou bien de scènes de vie en brousse servent de trait d'union
entre la colonie et la Métropole. Très vite, l'édition se
développe à Saint-Louis, et l'engouement que suscitent les images
est tel que le pays compte plus d'une cinquantaine d'éditeurs avec une
production de 5000 images différentes. Des journaux comme Le Monde
illustré ou Le Tour du monde participent à leur
diffusion.24(*) Mais comme
on peut le penser, toute cette production photographique reste le reflet
du « regard partial et ethnocentriste du colonisateur ».
L'image, c'est connu, produisant un impact psychologique plus intense quant
à la durée, ces photographies ont-t-elles
contribué, peu ou prou, à asseoir les
représentations racistes toujours actuelles du Blanc sur le
Noir ? Frédérique Chapuis
répond : « (...) Les seules images que nous reconnaissons
aujourd'hui, ne l'oublions pas, sont celles qui furent au service de
l'idéologie coloniale ».25(*)
B/ Le rôle de l'armée et des
missionnaires
Partie intégrante du dispositif de domination,
« la photographie est donc le support privilégié d'une
grande partie des acteurs de la conquête coloniale, à commencer
par l'armée. »26(*) Parce qu'elle s'avère un outil précieux
de la conquête coloniale, l'idée d'organiser des missions
photographiques conjointement aux expéditions militaires s'impose
rapidement. Le 20 janvier 1857, le ministre de la Marine et des Colonies envoie
au gouverneur du Sénégal, Faidherbe, une lettre relative à
la première mission photographique. Le capitaine d'Infanterie de marine,
Dèrème, devra emmener du matériel photographique pour
lever des plans de Saint-Louis sur le fleuve. L'appareil n'arrivera
jamais à quai, puisque Le Podor, le bateau qui le transportait
échoua. En 1862, l'expérience est reconduite une seconde fois,
avec succès,27(*)
sous l'impulsion de Disdéri, qui contribua à la vulgarisation de
la photographie en inventant le format standard bon marché dit
« carte de visite ». L'industriel suggère de mettre
en place dans l'armée, des moyens rapides, exacts et puissants que
la photographie met aujourd'hui entre nos mains.
C'est ainsi qu'à côté des civils
occidentaux, l'armée coloniale a grandement contribué à la
diffusion de la photographie au Sénégal. Ce qui paraît
évident, puisque selon Erika Nimis, « l'armée
coloniale aurait introduit de nombreuses innovations technologiques en Afrique
de l'ouest notamment dans le domaine de la photographie. »
28(*)
Le rôle de l'armée dans la propagation de
la photographie prend toute sa dimension lors des deux conflits mondiaux, qui
marquent la première moitié du XXe siècle. D'après
Erika Nimis, qui se réfère aux écrits de l'historien Marc
Michel consacrés à l'armée coloniale en Afrique
Occidentale Française, « pendant la Grande Guerre, un peu
plus de 40 000 Soudanais sont envoyés combattre pour la
France. » 29(*) Et durant la Seconde Guerre mondiale, la
participation de l'AOF est encore plus importante. A quelques rares exceptions,
beaucoup parmi les premiers photographes sénégalais ont, soit
fait leur apprentissage dans la grande muette, soit y ont approfondi leurs
connaissances de la pratique photographique.
Après l'apprentissage et la pratique chez Lataque et
Tennequin, Mama Casset a continué à pratiquer la photographie
durant son service militaire. Idem pour Samba Diop, ancien formateur en
photographie au CESTI, aujourd'hui âgé 79 ans, qui a
continué à faire de la photographie durant son séjour dans
l'armée en 1952. Comme le note Erika Nimis, tous, pour se hisser au
rang de photographe ou progresser dans leur carrière, ont dû
composer avec l'administration coloniale.30(*)
A Saint-Louis puis à Dakar, « au hasard des
rencontres avec les membres de l'administration coloniale, des amitiés
se sont nouées et l'appareil photographique fut un intermédiaire
-comme a pu l'être la musique jazz. »31(*). Pour les populations locales,
l'armée coloniale a été un tremplin pour l'apprentissage
ou le perfectionnement à la pratique de la photographie. Ainsi, nombre
de photographes sénégalais, parmi les pionniers, ont
choppé le virus dans l'armée.
A côté des administrateurs et des militaires, les
religieux catholiques ont également joué un rôle dans la
diffusion de la photographie au Sénégal, même si c'est dans
une proportion moindre par rapport aux militaires et aux civils. En
effet, les missionnaires - conformément aux instructions
laissées par le cardinal Lavigerie, fondateur des Pères Blancs -
sont envoyés d'abord pour annoncer l'Evangile, d'où
peut-être leur impact moindre par rapport à celui de
l'armée dans la diffusion de la photographie. Malgré tout, pour
ces missionnaires, la photographie apparaît également comme un
support incontournable.32(*)
C'est ainsi que de la même manière qu'il envoie
ses militaires avec des appareils faire des relevés topographiques,
l' « empire colonial » français en fait de
même les missionnaires évangéliques qui témoignent
des bienfaits de la religion chrétienne sur les populations
autochtones.33(*)
Dès lors, écrit Erika Nimis, la photographie
« devient un outil de communication incontournable en cette
seconde moitié du XIXe siècle, dominée par les
conquêtes coloniales européennes. »34(*)
Ville très tôt occupée par les troupes
françaises, Saint-Louis, a donc accueilli les premiers missionnaires
évangéliques du Sénégal. Issus de la
Congrégation des Frères de Ploërmel, ils ouvrent des maisons
d'éducation où des jeunes autochtones sont initiés
à l'enseignement scolaire et à divers métiers dont la
photographie. Adama Sylla, né dans les années 1930, a
été initié à la photographie en 1957 à la
Maison des Jeunes de Saint-Louis du Sénégal avant de
bénéficier d'une bourse de l'UNESCO qui lui permit de
compléter sa formation au Musée de l'Homme de Paris.35(*)
Jusqu'à aujourd'hui, les missions catholiques
continuent de former des jeunes à la photographie à Saint-Louis.
Le Centre Daniel Brottier, actuellement dirigé par le Père
Lambrechts, organise pendant les grandes vacances scolaires des sessions de
formation à l'intention des jeunes de la vielle cité, qui sont
initiés aux métiers de l'audiovisuel (photographie, radio,
vidéo) et à l'informatique.
Dans des proportions différentes, les acteurs de la
conquête coloniale ont joué le rôle de diffuseurs de la
photographie, après en avoir été les canaux par lesquels
cette nouvelle invention est apparue au Sénégal, dont la
population locale finit par se l'approprier.
Section 2 : L'appropriation de la photographie par
les populations locales
La photographie a fait l'objet d'une appropriation rapide par
les élites locales avant de se diffuser à l'ensemble de la
population (Werner & Nimis, 1998).36(*) A Saint-Louis mais aussi à Dakar, la
bourgeoisie locale a très tôt fait usage de ce médium venu
d'ailleurs, soit en tant que photographe, soit comme photographié.
Contrairement à Saint-Louis, la photographie reste
à Dakar la chasse gardée des colons. Dans le très connu
studio de Tennequin, se trouve, parmi les nombreux apprentis, un jeune
garçon d'une douzaine d'années, Mama Casset, qui deviendra un
célèbre photographe dakarois.37(*) Cependant, la photographie n'est pas encore
populaire et reste le fait d'une certaine élite, d'une population
citadine qui se prête plus volontiers au jeu du photographe que la
population paysanne encore peu concernée.38(*) Parmi les premiers clients,
à côté des fonctionnaires de l'administration coloniale, il
y avait les fils et filles de chefs de cantons, les mulâtres et les
mulâtresses, les « Signares » (femmes ou
maîtresses locales des colons), les
« Linguères » (femmes de caste supérieure),
les « gourmettes » (jeunes captives catholicisées et
affranchies) etc. Qu'il s'agisse de photos prises dans les maisons, dans
la rue ou dans un jardin, pour ces femmes de Saint-Louis,
« l'élégance et le goût de la
représentation ne sont pas de vains mots. »39(*) La description par
Frédérique Chapuis d'une photo de Meïssa Gaye datée
de 1910, renseigne sur la situation sociale des clients autochtones. Elle
écrit : « au papier épais, (...) pose
un jeune richement vêtu d'un tchawali*. (...) L'homme tient la
main d'une jeune femme altière, elle aussi parée de nombreux
bijoux. (...) Elle est l'une des petites filles de la reine du
Walo ».40(*)
Il faut attendre le lendemain de la Seconde Guerre mondiale
pour voir la photographie connaître une plus grande appropriation par les
populations locales. Formés au contact des colons, les photographes
sénégalais, démobilisés de l'armée,
collaborateurs dans l'administration coloniale, entreprennent à leur
tour de diffuser la photographie. Après avoir maîtrisé
l'usage de l'appareil, ils pratiquent la photographie dans un premier temps
comme simple passe-temps. Mais lorsque la passion devient plus pesante sous la
poussée de la demande, le deuxième boulot s'est imposé en
activité professionnelle principale. Petits évènements et
temps forts de la vie sociale, évènements officiels, tout passe
sous l'objectif de leurs appareils. Par leur travail, les photographes
deviennent des témoins incontournables des évènements qui
rythment la vie de la société. Les cérémonies
familiales comme celles qui touchent la communauté tout entière
sont gravées sur leurs négatifs. Mémoires vivantes de leur
temps, la communauté leur reconnaît un rôle
d'utilité sociale indéniable. Car, comme le dit Pierre Bourdieu,
« les photographes renforcent le sentiment de cohésion
familiale. Par conséquent, la photo a une utilité
sociale. »41(*) Ainsi, tous les évènements, joyeux
ou malheureux qui rythment la société, sont immortalisés
au moyen de la photographie. L'image photographique fait dès lors
partie du quotidien : de la simple photo d'identité
(nécessaire pour toute démarche administrative) à
l'incontournable photo de mariage, en passant par la célébration
des anniversaires, des diplômes, de tous les évènements qui
jalonnent la vie d'une personne jusqu'à son dernier souffle.42(*)
L'Etat colonial avait placé d'emblée
le rapport des Africains à la photographie sous la domination de la
« mimesis » (terme grec qui signifie ressemblance au
réel, à la réalité). Mais, au fil des
années, ces derniers vont apprivoiser cette technique venue d'ailleurs
et le pouvoir mimétique de la photographie va être progressivement
mis à distance par les photographiés au profit de
représentations qui tendent à brouiller les limites entre
réel et fiction.43(*) Cet engouement pour la photographie, qui s'est
d'abord manifesté à travers le portrait tout d'abord chez le
particulier, puis en studio, répondant dans un premier temps aux besoins
de la bourgeoisie africaine naissante, puis d'une administration
centralisatrice transformant la pratique photographique en
phénomène populaire à partir des années 1950 et
1960.44(*)
La mode du portrait photographique en noir et blanc,
réalisée selon des normes esthétiques
précisément codifiées, s'est diffusée dans
l'ensemble de la société au point que les groupes sociaux les
plus démunis (sous-prolétaire urbain, paysan) sont
désormais concernés.45(*) « La photographie
n'était pas si élitiste qu'on veuille le faire croire»,
soutient Samba Diop, l'ancien assistant de Mama Casset, parlant des
années 1946.46(*)
Qu'il s'agisse d'une photo individuelle ou d'une photo de
groupe, l'image revêt une grande importance pour les populations,
« Tout le monde venait se faire photographier. Les bonnes
dames, les personnalités civiles et religieuses, des chérifs
- religieux musulmans de la Mauritanie - tout le monde venait se
faire photographier. On se faisait de l'argent avec les photos de chefs
religieux, les lutteurs, les footballeurs etc., que les gens s'arrachaient
comme de petits pains. » Des décennies plus tard, Samba
Diop n'en revient toujours pas. « Mon Dieu ! Il y
avait des files interminables qui se formaient devant le
studio.»47(*) En
réalité, l'image photographique suscitait une grande
curiosité à l'époque pour les populations
sénégalaises. La nouveauté de l'invention les attirait.
Aussi, étaient-elles très amusées de voir leur sosie en
miniature sur du papier. « Les gens faisaient eux-mêmes
notre publicité », nous confie Samba Diop.48(*)
En plus de la photographie de portrait, la pratique
très répandue de la photo d'identité a joué un
rôle déterminant dans la diffusion au sein des
sociétés africaines d'une conception de la photographie comme
d'une image dotée de vérité.49(*)
Car, si au début de la vulgarisation de la pratique de
la photo au Sénégal l'image photographique était pour le
photographié une manière de montrer son appartenance à
une communauté donnée, au fil des années, elle
représentait la volonté du photographié de s'affranchir un
peu de son milieu, de s'incarner dans un personnage imaginaire.
A ce jeu, le studio photographique s'y prêtait à
merveille. Se faire photographier devenait alors un rituel avec une mise en
scène où les accessoires de mode, les signes distinctifs de la
bourgeoisie etc. faisaient partie intégrante de la pose. Dans cette
optique, l'espace de prise de vue obéissait à un décor et
un dispositif scénique qui offrait au photographié un large choix
de l'image qu'il aimerait faire passer. Jean-François Werner
décrit parfaitement cet état de fait : « Les
clients (...) avaient à leur disposition des accessoires (chaise, fleurs
artificielles, téléphone postiche, vêtements) avec lesquels
ils pouvaient jouer à leur guise, de même que les hommes
désireux de se présenter autrement que dans leurs habits
africains, pouvaient emprunter au photographe des vêtements (veste,
costume sombre, chemise blanche, cravate, chapeau). Dans le même ordre
d'idée, divers instruments (miroir, peigne, brosse, talc pour absorber
la transpiration) étaient mis à la disposition des hommes et des
femmes désirant ajuster une dernière fois vêtements et
parures, se peigner ou rafraîchir un maquillage. A tous ces
éléments scénographiques trouvés sur place, il faut
ajouter les accessoires apportés par les photographiés
eux-mêmes : mobylette, radiocassette, mouton, instruments de travail
etc. » (...) Le studio a été
l'instrument privilégié d'une appropriation de l'image
photographique par les photographiés. »50(*)
Toutes choses qui font que la photo était le
résultat d'un compromis entre photographiant et photographié. Car
si les photographes étaient en mesure d'imposer leur vision des choses
à travers les contraintes techniques, l'aménagement du studio et
les normes réglant la prise de vue, les photographiés avaient
aussi leur mot à dire non seulement parce qu'ils avaient le choix du
moment de la prise de vue et du costume (au sens théâtral du
terme) mais surtout parce que le photographe, en bon commerçant,
cherchait avant tout à satisfaire sa clientèle. 51(*)
Cependant, il faut remarquer qu'au début de
l'apparition de la photographie, des préjugés étaient
liés à sa pratique (imitation du Blanc), de même qu'une
certaine hostilité des photographiés vis à vis d'un
instrument venu avec la conquête coloniale. Les premières
expériences photographiques des populations locales ont
été « laborieuses » pour ne pas dire
conflictuelles. «Il en résulte de grandes difficultés
pour photographier les personnages car cette opération ne peut pas se
faire à la dérobée ou à l'insu des personnes, comme
un dessin (...) » écrivait, en 1855,
l'« explorateur photographe », Pierre Trémaux dans
son commentaire qui accompagne quelques-unes des planches de son atlas
Voyage au Soudan oriental.52(*) Confrontées à leur première
expérience photographique, certains faisaient montre d'une réelle
réticence. On imagine donc que ces derniers se sont pliés
à la pose contraints et forcés.
Dans un pays fortement islamisé comme le
Sénégal, la religion fut d'abord un écueil à la
diffusion de la photographie. En effet, l'Islam interdit la reproduction des
êtres animés.53(*) Mais au fil des ans, l'engouement des populations
pour la photographie a montré que ces contraintes n'étaient pas
pour autant aussi rigides. Par conséquent, la photographie était
loin d'être menacée par la religion. L'exemple le plus
achevé est que les gens se font même photographier dans l'enceinte
des mosquées, en train de prier.54(*) Les fêtes religieuses, comme
l'Aïd-el-Kebir ou Aïd-el-Fitr, sont parmi les
évènements pendant lesquels les photographes font le plus de
recettes.
Chapitre 2 :
APPARITION DES PREMIERS PHOTOGRAPHES SENEGALAIS ET DES
STUDIOS.
Ouvert à Saint-Louis par un Européen, c'est en
1860 qu'apparaît le premier studio - de daguerréotypie - du
Sénégal. Mais, comme le note Antoine Freitas, « ce
ne sera réellement qu'au début du XXe siècle que les
premiers photographes africains auront une pratique privée puis
installeront quasiment dans toutes les capitales et grandes villes d'Afrique,
leurs propres studios, après avoir côtoyé, souvent comme
employés, les studios européens installés sur place ou
après un service militaire dans les armées coloniales.
»55(*)
Le Sénégal n'échappe pas à ce
phénomène. Il a donc fallu attendre près d'un
siècle plus tard pour voir le premier studio tenu par un
Sénégalais. Dans les années 1940 Mama Casset, le
photographe lé plus populaire du pays, installe à la
Médina, à Dakar, African Photo.56(*) Si Mama Casset est le
premier praticien du pays à ouvrir un studio,57(*) Meïssa Gaye est par
contre le premier photographe du Sénégal, sinon de
l'Afrique.58(*) Originaire
de Saint-Louis comme Mama Casset, Meïssa Gaye ouvre son studio,
Tropical Photo, dans la partie nord de l'île en 1945.59(*) D'autres pionniers suivront.
Portraitistes de renom, ce sont ces précurseurs de la
photographie au Sénégal et leurs congénères dont
nous présentons les profils dans la première section de ce
chapitre. A leur suite, apparaitront d'autres photographes talentueux,
nés dans les années 1950 et 1960, qui suivront les traces de
leurs illustres prédécesseurs.
Section 1 : Les précurseurs et l'âge
d'or des studios
La photographie sénégalaise a vécu ses
moments les plus fastes avec ses précurseurs. Dans leurs studios, la
maîtrise technique dont ces photographes ont fait montre et leur passion
ont permis une plus large diffusion de la photographie au sein de la
société.
A/ Les précurseurs
Fils unique d'une famille de commerçants, Meïssa
Gaye (1892-1993), né à Coyah en Guinée, fréquente
l'école coranique comme les jeunes Saint-Louisiens de son âge,
puis l'école des missionnaires catholiques de Ploërmel, quand ses
parents reviennent s'installer à Saint-Louis. Il y décroche son
certificat d'études.60(*)
En 1910, Meïssa Gaye a 18 ans lorsqu'il part au Congo
comme apprenti menuisier sur des chantiers de construction de bateaux et de
ponts. Là, il fait une rencontre qui bouleversera sa vie. Sur le
chantier, il se lie d'amitié avec un Européen
équipé d'un appareil à plaques, qui lui en apprend le
maniement, la technique de développement, et finit par le lui vendre
avant son retour en France en 1913.61(*)
C'est en 1923, à son retour à Dakar,
après un passage dans la douane, en Guinée, que la photographie
devient véritablement un second métier pour Meïssa Gaye. Il
prend un poste dans l'administration, à la Délégation de
Dakar, et pendant son temps libre, il fabrique lui-même son appareil
photo Diony-Diony (« Ici-et-Maintenant ») et va
faire des photos de maison en maison.62(*) Par ce procédé, Meïssa Gaye
inaugure la pratique de la photographie ambulatoire. Quoi de plus normal pour
ce photographe enthousiaste, doublé d'un globe-trotter. Toujours est-il
qu'entre 1929 et 1932, il demande une disponibilité de trois ans et
s'installe à Kaolack d'où il part sillonner tout le
Sénégal, appareil au dos.63(*)
Du coup, Meïssa Gaye apparaît comme le premier
photographe sénégalais à avoir diffusé la
photographie à l'intérieur du pays. Que Meïssa Gaye se soit
inspiré des trucs et astuces d'A. Le Mée, détaillés
dans son ouvrage La photographie dans la navigation et aux
colonies64(*) semble
évident. Car, d'après Erika Nimis, « les
témoignages des premiers photographes de studio ouest-africains
attestent de l'utilisation de toutes ces techniques, comme celle dite de la
lampe électrique, citée en maintes reprises. »65(*) En effet, dans La
photographie dans la navigation et aux colonies, l'auteur, un enseigne de
vaisseau, donne des tuyaux pour faire de la photo dans un environnement peu
propice comme les colonies.
« Le chapitre 3, consacré à
« l'installation d'un laboratoire à bord et à
terre », fournit de nombreuses astuces pour organiser un laboratoire
de brousse. Par exemple, il rappelle que « toute lampe
électrique à incandescence peut être transformée en
lanterne de laboratoire en l'enveloppant de papier et de toile rouge
rubis. » (p .53) Plus loin, l'auteur décrit
« le laboratoire portatif permettant d'opérer à toute
heure du jour et de la nuit, en en tout lieu » (pp-56 et 57),
ancêtre de la chambre photographique « à la
minute ». Ces techniques importées vont améliorer les
conditions de travail des photographes pionniers qui les adaptent selon leurs
besoins. »66(*) Ce que fit admirablement Meïssa Gaye.
Durant ses trois ans de disponibilité, il conçoit et
réalise un agrandisseur pour des formats allant jusqu'au 30x40
cm.67(*) Des formats qu'il
obtenait après avoir passé ses plaques dans la gigantesque
chambre qu'il s'était lui-même confectionnée (125X70 cm de
profondeur) et qui lui permettait d'obtenir des images de format plus
important.68(*)
Homme cultivé, passionné par l'art, Meïssa
Gaye était un personnage habile des mains. « Nombre
de ses photos sont colorées à la main. Il n'hésitait pas
à sensibiliser des parties de tissu (chemises, foulards, cravates) pour
y faire apparaître les photos
désirées. »69(*) Aussi, relate Frédérique Chapuis,
« après la prise de vue et le développement, il
s'affirme comme un extraordinaire retoucheur. »
« Mon père était un sorcier », dira
à la journaliste un des fils du maître, par ailleurs son
assistant, émerveillé par la maîtrise technique du
père.70(*)
En 1933, Meïssa Gaye retourne dans l'administration.
Après un bref séjour à Dakar, il est affecté
à Ziguinchor. En 1939, il retourne à Saint-Louis où il est
nommé photographe au service de l'identité judiciaire.71(*) Equipé de son
Roleiflex, il photographie les défilés militaires du 14
juillet, la visite d'une personnalité venue de la Métropole, ou
encore les réunions politiques locales, avant d'aller en fin
d'après-midi, tirer le portrait dans les quartiers.72(*)
Lorsqu'il prend sa retraite en 1945, Meïssa Gaye
s'installe à Saint-Louis où il ouvre son studio, Tropical
Photo dans le quartier nord de l'île. C'est, l'un des studios les
plus réputés de la ville avec celui du Martiniquais
Caristan.73(*)
L'écrivain sénégalais, Aminata Sow Fall, alors gamine, se
rappelle de cette période faste de la photographie au
Sénégal. « On se photographiait en grande tenue
comme partout ailleurs, sans doute, à l'époque. On en
rêvait quand on était un enfant(e) fortement
impressionné(e) par les toilettes (et le parfum !) qui
préparaient - avec - une effervescence inouïe - une séance
chez l'un des deux photographes professionnels les plus cotés :
Meïssa Gaye au quartier Nord et Karistan au quartier Sud, à
quelques mètres de chez moi, sur le quai du fleuve, »
relate-t-elle, nostalgique, dans un texte intitulé, Souvenir d'une
photographie confisquée.74(*)
« Dans l'état actuel de nos
connaissances, écrivent sa fille, Absa Gaye, et Gilles Eric Foadey,
Meïssa Gaye est le premier photographe africain. »
Celui que l'on ne manque pas de citer de Saint-Louis à Dakar, lorsque
l'on parle de photographie, comme étant l'ancêtre, le plus ancien.
L'un de ceux qui, avec Mama Casset, dépasse la simple
appropriation technique, pour faire de la photographie un projet
esthétique.75(*)
Dans l'histoire de la photographie sénégalaise,
Mama Casset est sans doute le praticien le plus célèbre.
Né en 1908, il s'éteint en 1992 après une vie
passée d'abord à Saint-Louis du Sénégal puis
à Dakar. Initié à la photographie du temps de la
colonisation par le Français Oscar Lataque, il sera enrôlé
dans l'armée française pour réaliser des photographies
aériennes.
En 1940, il installe son studio, African Photo,
à la Médina, pour devenir le photographe à la mode de
Dakar. Chacun voulait avoir une image -en noir et blanc- de Mama Casset.
Celui-là même qui a réalisé un célèbre
timbre-à-sec76(*) ; lui, le maître incontesté du
portrait, créant les stéréotypes de la pose en studio,
souvent repris dans la peinture et la photographie de studio sur tout le
continent. Ses portraits de la bourgeoisie comme du peuple dakarois deviennent
des références et inspirent toute une génération de
photographes et de peintres de souwère
(fixés-sous-verre), comme Bouna Médoune Sèye ou Gora
M'Bengue.77(*)
De passion de jeunesse, la photographie était devenue
un art pour Mama, « comme le plus grand des
arts ». Mama Casset savait qu'il était artiste. Il se
présentait d'ailleurs avec un nom d'artiste (son vrai nom était
Kassé). Quand il parlait de son art, il le considérait
comme une technique exigeante avec ses recettes, ses trucs et sa
science.78(*)
« C'était un travail spécifique : retoucher
des photos. Après la prise, on pouvait dévêtir quelqu'un de
son boubou pour lui faire porter un costume par le travail de retouche. Salla
avait embauché un Russe-on l'appelait Père Basile du fait de son
grand âge. Il était très fort en retouche »,
se souvient Samba Diop, assistant des frères Casset (Mama et
Salla).79(*)
Ayant vu le jour dans une famille aisée de Saint-Louis,
Mama Casset a 12 ans lorsqu'il est confié par son père à
Oscar Lataque, son ami. Mama Casset occupe le poste d'assistant de studio. En
même temps qu'il fréquente Lataque, il poursuit ses études
à l'école de Thionck, en même temps que de futures
personnalités de la vie politique et culturelle
sénégalaise comme Birago Diop.80(*)
A la fin de ses études primaires, Mama quitte Lataque
et se fait embaucher par Tennequin, un autre Français qui dirige le
Comptoir Photographique de l'A.O.F, à l'avenue Roume. 81(*) Dans ce studio à la
mode, à Dakar, dans ces années 1930, il y croise un autre
pionnier, Amadou Guèye dit « Mix » (1906 - 1994),
originaire comme lui de Saint-Louis. Homme cultivé- à l'instar de
nombre de précurseurs- et anticonformiste, la mise toujours impeccable,
« Mix » investissait les salons et les cercles militaires
et politiques de la capitale (du Sénégal depuis 1958).
Parallèlement, « Mix » avait
installé son propre studio et, véritable homme du sérail,
savait nouer des relations et se faire admettre dans tous les milieux. Aussi,
devient-il le photographe officiel de la plupart des manifestations. Fort de
cette expérience, Il est nommé en 1959 chef de la Section photo
de la Fédération du Mali, puis du ministère de
l'Information et des Actualités Sénégalaises. Dans les
premières années de l'indépendance, il suit Senghor pas
à pas. Ce qui fait d'Amadou « Mix » Guèye le
premier photo-reporter africain, à en croire Frédérique
Chapuis.82(*)
Même s'il s'est illustré comme photographe de
studio, Mama Casset était aussi un reporter au vrai sens du terme, avec
des qualités professionnelles indéniables comme en
témoignent ses photos. « Pas de pathétisme, ni de
tristesse mais la distance de la dignité et la proximité de
l'âme », écrit Jean Loup Pivin à propos de
la démarche ou du style de Casset.83(*) Cela renseigne sur le regard journalistique de Mama
Casset, qui partage avec son aîné Meissa Gaye, le titre de
précurseurs de la photographie sénégalaise. Frère
cadet de Mama, Salla Casset (1910 - 1974) fait partie des précurseurs de
la photographie au Sénégal. Grand portraitiste comme son
frère, il avait installé son propre studio,
Sénégal Photo dans la Médina de Dakar,
après avoir fait ses armes, dans les années 1930, chez Lataque,
où il avait remplacé Mama.
Parmi les précurseurs da la photographie au
Sénégal figure Alioune Diouf. Né en 1910, il est d'abord
secrétaire dans l'administration à Cotonou avant de devenir, de
1937 à 1942, greffier auprès d'Octave de Saint-André, le
président du tribunal de Conakry, qui l'initie à la photographie
et lui offre un appareil. Après 36 ans de vie professionnelle,
rythmée par les affectations, les humiliations racistes, les conflits,
les bagarres pour un peu de dignité et de reconnaissance, Alioune Diouf,
la « forte tête », se consacre entièrement
à la photographie. Avec son appareil, il sillonne les villages
périphériques de Saint-Louis. Ce qui n'était pour lui
qu'un second métier lui permit d'arrondir sa retraite.84(*)
Doudou Diop, né en 1920, une autre figure de la
photographie à Saint-Louis était comptable dans
l'armée coloniale, où il fit son apprentissage photographique. A
la fin de l'année 1952, il reçoit en cadeau un appareil
photographique et un agrandisseur. Comme Meïssa Gaye, il lui arrivait de
retoucher délicatement ses images, les coloriant à la main pour
pallier les limites des capacités techniques de l'appareil. Jusque dans
les années 1980, Doudou Diop a réalisé les portraits de
ses clients Saint-Louisiens. Equipé d'un Rolleiflex puis d'un
Yashica, il avait installé son studio, Studio Diop,
dans le quartier de Sor.85(*)
Dans ce faubourg de la capitale de l'Afrique occidentale
française, un autre studio, Doro Sor Photo est ouvert en 1953
par Doro Sy. Né dans les années 1920, il est initié
à la photographie en 1950 lors d'un stage à Paris où il
poursuivait ses études. A son retour à Saint-Louis, il
installa son studio. Doro Sy réalisait non seulement des portraits
devant le légendaire cocotier qu'un ami Nigérien lui avait peint,
mais aussi de nombreux reportages : il était le photographe
attitré de la ligue de football du Fleuve et exécutait par
ailleurs, pour le compte du tribunal, des photographies de reconstitution de
délits et de meurtres. « Mais c'est grâce au
très joli décor avec le cocotier, que Doro Sy, se fit
connaître », note Frédérique
Chapuis.86(*)
Adama Sylla quant à lui, aimait les images de
paysages, mais bien plus qu'un simple décor peint sur le mur d'un
studio. A telle enseigne que, « pour lui, et pour lui seul, il
photographiait des paysages (fait rare chez les photographes africains), ou son
quartier en continuelle transformation. »87(*) Né en 1934, il a
été initié à la photographie en 1957 à la
Maison des Jeunes de Saint-Louis. En 1963, il est embauché comme
photographe pour s'occuper du laboratoire du Musée de l'IFAN de
Saint-Louis. Deux ans plus tard, il ouvre son studio à Guet-Ndar. Les
affaires marchent bien dans ce riche quartier de pêcheurs, coincé
entre le fleuve et l'océan. Les jours de fête ou après le
retour d'une saison en mer, on vient se faire photographier dans le studio
d'Adama Sylla.88(*)
B/ L'âge d'or des studios
Ayant été à bonne école, celle des
colons qui ont amené dans leurs bagages l'outil photographique, les
précurseurs sénégalais ont connu leurs heures de gloire de
la période qui a précédé de peu
l'indépendance jusque vers la fin des années 1980. Cette
époque faste est caractérisée par la maîtrise des
opérations techniques en laboratoire et leur sens artistique reconnu par
les populations qui posaient devant leur objectif.
Dans leurs studios qui accueillaient de nombreux clients sans
distinction sociale, le dispositif scénique constituait un
élément important. « Le studio de Meïssa Gaye
était en fait un salon très sobre dans sa maison. Quelques
fauteuils, une chaise, un appareil sur pied. Je vois encore le photographe qui
me fait asseoir et me donne un bouquet de fleurs à tenir. J'entends
Dioundiou : « Souris, souris ! » et le
photographe qui me demande de regarder dans le trou noir de l'appareil. Je
perçois un déclic : « Tac ! » C'est
fini, » écrit avec une certaine nostalgie
l'écrivaine sénégalaise, Aminata Sow Fall.89(*)
Les praticiens se frottaient les mains. Adama Sylla se
souvient qu'il lui fallait des sacs pour emporter le fruit de ses longues
journées de studio.90(*) Salla Casset a « pellé »
de l'argent, renchérit son ancien assistant, Samba Diop, en mimant le
geste. « Je ne dis pas gagner, mais
peller », insiste-t-il. Nous sommes dans les années 1950
et « des files interminables se formaient devant le studio deux heures
durant, de 21 heures à 23 heures. Il y en avait même qui ne
parvenaient pas à se faire photographier. »
A cette époque, écrit Erika Nimis,
« à Dakar, le commerce de la photographie
(s'était) développé beaucoup plus tôt et de
façon plus significative. »91(*) La photographie était
réservée à la classe aisée qui en avait les moyens.
C'était également valable pour la pratique photographique,
puisque les praticiens faisaient partie de la classe aisée.
« Toute la partie de la production photographique de Mama Casset
était consacrée à la fabrication et à la vente
d'images qui, encadrées, devenaient l'ornement des maisons, comme
aujourd'hui les posters. » C'est qu'en effet, « la
mémoire des familles passait par ces photographies. (Et)
chacun y reconnaissait ses parents, sa famille.»92(*) Ce qui faisait que,
« enracinés dans leurs quartiers, jouant un rôle
important et reconnu par la communauté en tant que chroniqueurs visuels
des petits évènements de la vie familiale et des temps forts de
la collectivité, les photographes des années 1980, l'âge
d'or des photographes de studios », étaient
respectés et admirés.93(*) « Ce n'est pas comme maintenant,
constate Samba Diop. En ce temps, la photo n'était pas
dévalorisée. ». Cette admiration et ce respect
étaient dus à la maîtrise des opérations techniques,
de la prise de vue au développement des films. A en croire l'ethnologue,
Jean François Werner, « la maîtrise des
opérations techniques mises en oeuvre dans la chambre noire
s'acquérait au cours d'apprentissages relativement longs (deux à
trois ans, souvent plus) et qu'elle était la pierre angulaire de
l'identité professionnelle des photographes et le fondement de leur
légitimité sociale. »94(*) Doudou Diop ne dit pas autre chose
lorsqu'il évoque son statut de photographe comme un privilège,
une position artistique qui lui a été donnée dans le
quartier de Sor. « Le soir de 19 heures (et parfois
jusqu'à une heure du matin les soirs de fête) on se pressait au
« Studio Diop ». Il pouvait y avoir jusqu'à 50
personnes faisant la queue. »95(*)
Pour Samba Diop, le constat est sans
équivoque : « Les premiers photographes sont
meilleurs que ceux de la nouvelle génération.» Car,
ils devaient régler la distance, le sujet,
l'éclairage, la pose. Les accessoires, le décor, l'habilement du
photographié, rien n'était laissé au hasard. En
studio, la pose se prépare. On l'habillait selon sa
volonté, à l'occidentale ou en boubou
traditionnel. Après la prise de vue, il y avait la
retouche, ce qui n'existe pas actuellement. »96(*)
Le portrait était le genre par excellence et les
photographes de studio faisaient preuve d'une maîtrise technique
incontestable pour rendre une image en noir et blanc qui satisfaisait le
client. Aujourd'hui, les anciens photographes de studio se désolent de
la disparition progressive de la photographie noir et blanc avec tout le
savoir-faire inhérent au métier (comme le travail en chambre
noire).97(*)
« Demandez aujourd'hui à un photographe de suivre la
fabrication d'une photographie, de la prise de vue au tirage, beaucoup n'y
parviendront pas », disait encore Mama Casset à Bouna
Médoune Sèye quelque temps avant sa mort.98(*)
Section 2- De quelques héritiers...
Si « au début du XXème
siècle, le destin de photographe d'un jeune home africain est toujours
lié à la rencontre d'un photographe blanc venu dans les bagages
de la colonisation »,99(*) les générations suivantes de
photographes sénégalais tentent, quant à elles, de
perpétuer l'héritage des pionniers. En dépit des
réalités qu'ils vivent, installés dans la routine
de leur commerce, qui sont incompatibles bien souvent avec un travail de
recherche,100(*) ils
essaient, à leur tour, d'apporter une part à la construction
d'une photographie africaine parfumée par les effluves charmeurs de la
beauté des femmes et du peuple sénégalais sans exclusive.
Nous ne pouvons pas citer tous les héritiers. Nous nous contenterons
donc de présenter certains qui se sont illustrés par leur
professionnalisme et leur esprit d'innovation.
A/ La première vague
Samba Diop est ancien tirailleur de l'armée coloniale,
âgé aujourd'hui de 79 ans. Il fait ses armes chez les
frères Casset, d'abord chez Mama qui l'initie, puis chez Salla pour qui
il officie comme assistant. Par la suite, il s'enrôle dans l'armée
coloniale où il continue d'exercer sa passion. A la fin de son service
militaire, il travaille à Montrouge, avant d'intégrer la
photothèque de Paris pour sa formation. Il intègre par la suite
le service photo de l'Agence France Presse (AFP). A son retour au bercail en
1976, Samba Diop s'attèle à transmettre ses connaissances. Il
intègre le Centre d'Etudes des Sciences et Techniques de l'Information
(CESTI), où il initie les futurs journalistes à la pratique de la
photographie et au travail en laboratoire. Reclus dans sa demeure, à la
Sicap Darabis, à Dakar, le vieux Diop ne sort plus de chez lui. Depuis
quelques années, une méchante arthrose l'oblige à se
déplacer en fauteuil roulant.
Ses étudiants du CESTI l'appellent Monsieur Bathily ou
Pa' Bathily. Natif de Saint-Louis, en 1942, Abdoul Aziz de son
prénom, suit ses premiers cours de photographie par correspondance,
à Eurelec, en 1965 tout en se faisant la main dans le Labo photo
Joseph Reich, à Saint-Louis. Après un bref passage au
ministère de l'Information, Bathily intègre l'Agence Delta
Presse, qui avait ses quartiers à la rue Carnot, à Dakar. Le 15
juin 1974, précise-t-il, « j'entre au CESTI qui prend
entièrement en charge le cours de photographie que je préparais
à Eurelec. » Ensuite, cap sur Montréal, en 1977,
pour des stages dans différents organes de presse canadiens. Il y
retourne l'année suivante pour compléter sa formation pour une
durée de cinq mois. Depuis cette date, M. Bathily est formateur en
photographie au CESTI. A près de 70 ans aujourd'hui, l'ancien reporter
photographe a eu à collaborer avec beaucoup de magazines
étrangers comme Amina, Afrique Football, Jeune
Afrique etc. Au niveau national, il fut photographe au journal Le
Sportif - qui ne paraît plus - qui était dirigé
à l'époque par Mamadou Koumé.101(*)
Il est impossible de parler de photographie de presse au
Sénégal sans citer feu Ibrahima Mbodj, « le plus
grand reporter photographe du pays », selon les termes d'Abdoul
Aziz Bathily. Au quotidien Le Soleil, en tout cas,
l'évocation de son nom fait resurgir le souvenir des bons moments
passés avec « Grand Mbodj ». Disparu en 2006,
à l'âge de 71 ans, Ibrahima Mbodj a marqué de son empreinte
Le Soleil qu'il a intégré à ses débuts,
dans les années 1970.102(*) Dans une nécrologie, le journaliste
Serigne Aly Cissé - aujourd'hui disparu - retraçait le
remarquable parcours professionnel de son « ami
inséparable », Un cursus qui a conduit Mbodj de
l'Unité africaine, l'ancien journal de l'Union
progressiste sénégalaise (UPS) à l'hebdomadaire dakarois
Nouvel Horizon, en passant par Paris-Dakar,
Dakar-Matin et Le Soleil.103(*) « Formé
par son oncle Abdoulaye Bâ, ancien chef du service Photo de la
Présidence de la République, Ibrahima Mbodj a marché
fidèlement sur les traces du maître et a rapidement fait son
chemin. Le bon professionnel qu'il était forgea progressivement son
style et imposa son « label » (...) Chaque document qu'il
présentait était une belle oeuvre et, à la limite, un
chef-d'oeuvre. L'angle de vue du sujet, sa valeur expressive, sa densité
émotionnelle, sa valeur technique, et la réalité qu'il
exprimait, avec une intensité rare, faisaient du document une petite
merveille de l'expression photographique. A l'évidence, avec Mbodj, la
photo parle. Elle restitue la beauté et la réalité de
l'image. La photo est aussi vraie que le sujet qu'elle présente. En
professionnel de la communication et, surtout, de la photo, Ibrahima Mbodj a
joué sa partition avec une remarquable dextérité,
c'est-à-dire avec le trait de génie des grands artistes qui ne
meurent jamais.»104(*)
Dans le service photo que dirigeait Ibrahima Mbodj, se
trouvait une jeune femme qui s'adonnait au même travail que les hommes.
Son nom : Awa Tounkara, première femme reporter photographe du
Sénégal. Née en 1949 à Dakar, la pionnière
atterrit au Soleil, en 1972. De cette date jusqu'à sa retraite
en 2009, Awa Tounkara a écrit « l'information
avec l'image, un appareil photo en bandoulière, parcourant le
Sénégal en long et en large, à travers pistes et bois,
mais aussi, dans les salons huppés de Dakar et les grands rassemblements
populaires de la capitale. »105(*)
B/ La génération en activité
L'un des plus illustres est Boubacar Touré dit
« Mandémory », 54 ans. Il réalise sa
première exposition, en 1986, sur le thème des « fous
de Dakar ». Se définissant comme
« photodidacte », il rappelle avec un brin de
fierté qu'il s'intéresse à la photographie depuis 1969,
« à l'école primaire »
déjà. Essentiellement reporter de rue, Mandémory tient
à son statut de photographe free-lance. Car,
« aucun organe de presse de la place ne peut me payer
500 000 francs CFA », justifie-t-il. Aussi, collabore-t-il,
en sus de ses expositions au Sénégal, en Afrique et dans divers
lieux parisiens, avec de grands journaux français comme
Libération et Télérama.
Reporter photographe, il a travaillé pour Le
Journal, Dakar Soir, des quotidiens dakarois aujourd'hui
disparus. C'est lui qui a démarré le service photo de l'agence
Panapress basée à Dakar. « J'ai été
recruté à la Pana avec un salaire d'un million de
francs CFA», révèle-t-il. Mais « je
suis parti au bout de quelques mois, parce que je ne peux travailler sous
l'autorité de personne. Je ne suis pas
du genre à recevoir des ordres, à être trimballé
comme on le fait avec les photographes dans les
rédactions. » 106(*) Par la suite, cette forte personnalité a
collaboré avec l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF)
où il a travaillé sur de grands projets photographiques.
Reporter dans l'âme, Boubacar Touré dit
« Mandémory » se consacre actuellement au grand
reportage, effectuant des voyages auprès des groupes ethniques du
Sénégal (Bassaris, Bedik, Diolas) et de la Sierra Léone
(Timinis), etc. La photo de presse est sans aucun doute son domaine de
référence. Son style est fait d'angles de prises de vues
inhabituels dégageant des plans aux perspectives contradictoires. Il en
résulte une image dynamique qui donne le meilleur de l'information dans
son aspect anecdotique ou essentiel.107(*)
A l'image de Boubacar Touré dit
« Mandémory », un autre photographe
sénégalais a travaillé pendant cinq ans sur les fous et
les laissés-pour-compte qui squattent les trottoirs de Dakar. Il s'agit
de Bouna Médoune Sèye. Sous la forme d'une compilation de 51
photographies, cette oeuvre a fait l'objet d'une publication.108(*) Dans l'introduction, Jean
Loup Pivin écrit : « Ces milliers de formes
émergentes des trottoirs de poussière, ces groupes aux carcasses
d'acier hurlantes sur le bitume, ces flingues et ces matraques, ces bras
gourmettés d'or qui défilent à la hauteur des trottoirs de
Dakar, Bouna M. Sèye les a photographiés pour ne plus avoir
raison contre la folie, parce que la folie de sa ville est un trottoir sans
autre dedans, sans autre pouvoir. » 109(*)
Grâce à la photographie, Bouna Médoune
Sèye fait le tour du monde (Canada, Brésil, Portugal, France,
Afrique du Sud, Allemagne, Mali, Suisse, etc.) Pouvant être défini
comme un touche-à tout artistique, il tourne en 1994 son premier
court-métrage, Bandits Cinéma, et s'oriente vers la
réalisation cinématographique. Auparavant, il a collaboré
comme directeur artistique à la réalisation de différents
films et documentaires, dont Set setal Dakar de Moussa Sène
Absa. Le chanteur sénégalais, Youssou N'dour ne s'y est pas
trompé en lui confiant, en 1992, la direction artistique de ses clips
Gorgui et Chimes of Freedom.110(*)
En digne héritier des précurseurs, Bouna
Médoune Sèye s'est inspiré de l'oeuvre de Mama Casset
qu'il a rencontré à maintes reprises en 1991, un an avant la mort
du vieil homme, pour rendre hommage à son travail. Malheureusement, Mama
Casset n'assistera jamais à cet hommage à lui rendu dans le
cadre du « Mois de la Photographie de Dakar » de 1992.
Médoune Sèye exposera quand même une trentaine des photos
de Mama Casset, la même année à Paris, dans le cadre de
l'exposition « Revue Noire et les photographes africains ».
Parmi les héritiers, on peut également citer
Djibril Sy. Né en 1950, ce photographe free lance a
suivi une formation à l'école des Beaux-arts de Dakar en 1978
ainsi qu'à l'Université de Columbia, à Washington D.C, en
1989. Par la suite, il a participé à une dizaine d'expositions
internationales et a pris part à plusieurs résidences artistiques
au Sénégal, en France, en Suisse, en Angleterre et aux
États-Unis. Il a travaillé de 1984 à 1994 à titre
de photographe attaché au maire de Dakar et comme professeur de
photographie dans son ancienne école (École de Beaux-Arts de
Dakar, de 1993 à 1996). A son actif, Djibril Sy, comme on l'appelle dans
la corporation, compte plusieurs expositions au Sénégal, au Mali,
en Grande Bretagne, en France, etc., sur le recyclage des ordures (1998), la
photo peinture, etc. Actuellement il travaille sur le thème des
talibés ou enfants de la rue de Dakar, et sur celui de
l'émigration des Sénégalais vers les grandes
métropoles occidentales.111(*)
Né en 1956 à Diourbel, Matar Ndour commence
la photographie en 1987 après des études de comptabilité.
N'ayant pu trouver du travail, il se tourne vers la
sculpture. « J'avais la chance de pouvoir faire des choses
avec mes mains », confiait-il dans une interview.112(*) Deux ans plus tard, il
trouve enfin un boulot de comptable et, faute de temps pour allier profession
et passion, il laisse tomber la sculpture qui lui rapportait pourtant de
l'argent. A cette époque, son neveu qui pratiquait la photographie, est
arraché à son affection. Il hérite du matériel et
s'exerce lui-même en photographiant sa femme et ses enfants.
Parallèlement, il dévore revues spécialisées et
encyclopédies qui traitent de la photographie. Autodidacte ayant une
soif inextinguible de connaissances photographiques, Matar Ndour sillonne les
expositions et suivait à la télévision comment se
faisaient les cadrages, le travail sur la lumière, etc. «
J'étais très curieux et je prenais mon appareil pour faire des
essais », dit-il. C'est ainsi qu'il réalise sa
première exposition en 1995, au Centre culturel français de Dakar
dans le cadre du « Mois de la Photo ». Il s'agissait d'une
série de portraits d'un marchand ambulant, dont il aimait bien la
"gueule" et qui chantait des airs d'opéras dans la rue pour attirer les
passants et vendre ses mouchoirs ! Depuis lors, Matar Ndour s'est
entièrement consacré à la photographie car, entre-temps,
il avait perdu son travail. S'étant fait un nom dans la profession, il
réalise des commandes pour le Port autonome de Dakar (PAD) et quelques
sociétés de la place sur le thème de la photographie
industrielle. Parallèlement, il réalisait des reportages dans le
cadre de cérémonies familiales (mariages, baptêmes...). Ce
qui lui rapportait une plus-value non négligeable qu'il
réinvestissait dans d'autres projets photographiques, mais
également dans la prise en charge de sa famille. Après avoir
versé dans la photographie appliquée à ses débuts,
il développe, à partir de 1995, une approche plus personnelle en
s'intéressant notamment au patrimoine culturel
sénégalais.113(*) « Je porte mon regard sur
l'esthétique, le beau et ses attributs. Ensuite je traduis toute mon
émotion et ma personnalité à travers mes images, parce que
chaque photographie a une histoire qui appartient à la
postérité. J'aime bien faire ressortir l'effet de dynamisme dans
mes photos car j'estime que la vie n'est pas figée (....) A cet
effet, j'ai travaillé sur un triptyque avec un auteur compositeur et des
poèmes de Senghor comme « Femme noire ». Je suis
parti de son concept enracinement et ouverture pour faire un
synopsis », confiait-il au
magazine dakarois, 221. 114(*) L'enfance, au-delà des
clichés sur la pauvreté, les petits métiers ou comment les
jeunes arrivent à économiser sous après sous pour se payer
un visa, les mystères de la ville, « ce grand
théâtre où chacun vient avec son histoire »,
sont autant de thèmes de prédilection de ce photographe
artiste.115(*)
Reporter photographe au quotidien Le Soleil, Pape
Seydi met son talent au service de son environnement.
« Journée à Khar Yalla », « Levée du
jour à Khar Yalla », « Journée d'une mère
nourricière 1 et 2 », « Ma ville », « Grand
Médine A et B », « Linge et bain de midi », «
Levée du jour à Matam » sont autant de ses oeuvres qui
« mettent l'être humain et son milieu au centre de ses
pérégrinations. »116(*) Né il y a 45 ans à Kaolack, ses
expositions sont aussi bien appréciées au Sénégal
qu'à l'étranger. En 2008, lors de l'exposition
« Off » de Biennale de Dakar, ses photos des lutteurs ont
attiré l'attention des visiteurs. L'année suivante, c'est en
Algérie, à l'occasion de la deuxième édition du
Festival panafricain d'Alger (Panaf 2009) que « l'émotion,
la vie et la lumière des lieux et des personnages »117(*) de son pays ont
été portées sur les cimaises. Récemment, du
1er mai au 29 juin 2010, Pape Seydi a pris part à un projet
d'échanges culturels entre Sénégalais et Américains
au Bronx Museum of Arts de New York au cours duquel, outre des formations en
écriture de projets artistiques et sur les droits d'auteur, il a
présenté des oeuvres sur le monde de la presse, le
tout-consumérisme des Sénégalais et sur l'encombrement du
marché le plus populaire de son pays, Sandaga.118(*)
Nous pouvons aussi citer dans ce lot de reporters photographes
sénégalais Mamadou Seylou Diallo et Mamadou Gomis. Agé de
42 ans, Seylou, comme on l'appelle communément dans le milieu de la
presse, s'intéresse à la photographie depuis l'âge de 19
ans, en 1987. Son amour pour l'image le pousse d'abord à l'apprentissage
de la caméra, mais il finit par trouver sa vocation pour la
photographie. Reporter photographe pour la presse locale, notamment à
Sud Quotidien, il sert aujourd'hui à l'Agence France Presse
où il est l'adjoint au chef de la région ouest-africaine en plus
du Tchad. Au total, Cellou supervise quatorze pays.119(*)
Agé de 34 ans, Mamadou Gomis est un jeune reporter
photographe, qui officie au quotidien dakarois Walf Grand'Place. Il a
auparavant travaillé avec des journaux sénégalais comme
l'Evénement du Soir, puis effectue des reportages pour
Le Quotidien, Stades (quotidien de sport), Le
Journal,
Thiof et
Nouvel horizon mai aussi des Ong comme Plan International, Pam, Fao.
Il a aussi collaboré avec des agences de presse internationales, dont
l'Agence France-Presse (AFP), Panapress, et Reuters. Aussi fut-il, après
le départ de Mandémory, le responsable du département
photographique du quotidien Le Journal à Dakar en
août 2004 où il publiait quotidiennement une photo sous la
rubrique «Arrêt sur image... ».Ces clichés choisis
à cause de leurs éloquences reflètent le quotidien de la
capitale sénégalaise. Depuis 2005, il collabore avec le groupe de
presse Wal fadjri où il réédite la même
rubrique sous une autre appellation : «Clin D'oeil ». Ses
photographies ont été exposées en 2006 lors de
Snap Judgments à New York. Le reporter photographe a
aussi participé au projet « Africalls » en 2007 en
Espagne. De même qu'il a pris part à l'exposition African
Now à Washington DC avec la Banque mondiale. En 2008, Gomis est
primé meilleur photographe lors du concours organisé par Goethe
institute de Dakar. Ses images ont illustré le livre écrit par
un journaliste sénégalais intitulé, El hadji Diouf le
footballeur et rebelle.120(*)
Chapitre 3 :
EMERGENCES DES AMBULANTS ET DECLIN DES STUDIOS
PHOTO
L'émergence des photographes ambulants et la
démocratisation de la photographie au Sénégal n'ont pu
être possibles que grâce aux progrès techniques
enregistrés dans le domaine de la photographie. Ces progrès
techniques ont pour nom l'apparition des laboratoires et de la photographie
couleur.
Avec l'avènement de la couleur dans les années
1980, concomitamment à la multiplication des labos, la photographie au
Sénégal a connu de profondes mutations. En plus de la
décadence des studios et, par ricochet des photographes
sédentaires, on a assisté à l'apparition de nouveaux
praticiens appelés « photographes ambulants » ou
« ambulatoires ». Si pour les photographes de studio, ces
innovations techniques ont généré des effets pervers, pour
les nouveaux arrivants, il s'agit plutôt d'une démocratisation de
la pratique photographique. Une situation qui contraste avec celle des
années 1960 correspondant à la période fastes des studios.
Section 1 : L'apparition des laboratoires et de la
photographie couleur
Alors que dans d'autres pays d'Afrique comme la
Côte-d'Ivoire les films en couleurs étaient encore traités
en France, le Sénégal avait déjà
étrenné son premier laboratoire couleur au début des
années 1960. Dans la période comprise entre 1960 et 1966,
Difco Foto est ouvert à Dakar par un coopérant
français. En ce temps, la photographie couleur était à ses
balbutiements. Elle était chère et seuls les occidentaux et une
infime partie de la bourgeoisie sénégalaise avaient accès
à cette nouvelle invention. Il faudra attendre les années 1970,
avec notamment l'apparition des machines à développer pour que
les labos se multiplient petit à petit.121(*)
Rapidement, le Sénégal devint un centre de
traitement des films couleurs pour les pays voisins. Hormis les photographes
Maliens, « Gambiens et Mauritaniens envoyaient leurs films à
Difco Foto pour le tirage en couleurs. »122(*)
Dans les années 1980, un autre laboratoire ouvre ses
portes, toujours à Dakar. A l'instar de Difco Foto, Tiger
Photo traitait également les films en couleur pour des photographes
de la sous-région. Propriété d'un Coréen
installé à Dakar, ce laboratoire faisait partie des trois
succursales installées successivement à Lagos (Nigéria)
puis à Abidjan (Côte d'Ivoire)123(*), deux géants de la photographie en Afrique de
l'ouest. Comme a pu le constater Jean-François Werner, les Asiatiques
(en majorité des Sud-Coréens) se sont taillés la part du
lion sur ce marché en pleine expansion, suivis par des hommes d'affaires
africains et des commerçants libanais.124(*) Les noms Diongue à Saint-Louis et Dakar et
Saffiédine dans plusieurs villes du pays sont ainsi devenus
célèbres dans le monde de la photographie
sénégalaise grâce à leurs machines de
développement et de tirage de films en couleur.
Avec l'apparition des labos, « les
opérations les plus techniques (développement des films et tirage
sur papier) sont à présents réalisées par des
machines sophistiquées (minilabs) capables de produire plusieurs
milliers de photos à l'heure tandis que seules restent à la
charge du photographe les opérations liées à la prise de
vues qui ne nécessitent pas de grandes compétences
techniques. »125(*) Ainsi, l'apparition de la photographie en
couleurs est « favorablement accueillie par les praticiens qui
dans un premier temps voient leur activité augmenter du fait d'une
demande très forte pour un produit nouveau dont l'efficacité
mimétique est supérieure à celle du noir et blanc. En
même temps, leurs revenus augmentaient (le prix était relativement
plus élevé) et une partie des gains était investie dans
l'acquisition de véhicules pour les reportages à
l'extérieur, l'aménagement de studios (décoration,
téléphone, climatisations, accessoires de mode) et l'achat de
matériel de prise de vue plus adapté aux nouvelles normes
techniques imposées par les laboratoires dont les machines ne traitent
que les films de format 24x36 mm. En conséquence, note
Werner, les appareils moyen-format sont mis au
rencart. »126(*)
Mais dans un second temps, la diffusion de la couleur allait
avoir des conséquences d'une extrême gravité pour la
profession puisque c'est l'existence des studios qui s'est trouvée
menacée.127(*) Et
petit à petit, les praticiens de studio ont été
privés de la maîtrise du processus technique par les laboratoires.
Même leur monopole sur la photo d'identité s'est
érodé, car les innovations techniques permettent de
réaliser des photos d'identité en noir et blanc avec des films
couleur. Mais aussi, ils ont vu leur domination sur ce secteur particulier
remise en question par les interventions de l'Etat dans ce domaine, qui
cherche à éviter les falsifications de photographies
d'identité.128(*)
Ainsi, une nouvelle catégorie de photographes dits ambulants s`emparait
d`une part importante du marché de la prise de vue.
Section 2 : L'arrivée des ambulants ou la
démocratisation de la photographie.
Dans les années 1990, caractérisées par
la situation économique difficile du pays et la crise du système
scolaire, beaucoup de jeunes se tournèrent vers la pratique de la
photographie comme source de revenus. Ces nouveaux praticiens qui sillonnent
les artères des villes, leur appareil en bandoulière, sont connus
sous l'appellation de photographes ambulants par opposition aux photographes
sédentaires des studios. Ce rush, qui a bouleversé l'ordre
établi, n'a pu être possible qu'avec l'apparition dans les
années 1980 de la photographie couleur et des laboratoires. Les
photographes ambulants - qui ne sont pas toujours des professionnels - ont
ainsi envahi le marché et déstabilisé l'ordre
érigé au début du XXe siècle.129(*)
Ironie du sort, ce sont pourtant les photographes
sédentaires qui ont commencé « à sortir de
leurs studios pour réaliser des reportages lors de
cérémonies privées (mariages, baptêmes,
funérailles) ou de manifestations publiques (visites d'officiels,
d'autorités, compétitions sportives) ou encore répondre
aux sollicitations des services de police (accidents, homicides),
etc. » Les photographes de studios ont ainsi dans un premier
temps commencé à sortir de leurs ateliers avec
« l'arrivée des appareils 24x36, beaucoup plus maniables
(souples) et équipés de flash qui permettent de travailler de
jour comme de nuit en s'affranchissant des encombrants projecteurs du
studio. »130(*)
Mais quelques années plus tard, ils ont eu à
faire face à de sérieux concurrents : des photographes de
rue, qui appliquent des prix modestes et proposent des
« photos-minute ». Ces nouveaux praticiens, pour la grande
majorité d'entre eux, cherchent avant tout un emploi facile
d'accès, où l'investissement est relativement peu
coûteux.131(*) Des
fois, ils n'ont même pas besoin d'investir aucun centime. Un parent ou un
voisin, photographe ambulant ou ancien praticien de studio, ayant mis la
clé sous le paillasson, leur sert de rampe de lancement.
Ces ambulants courent les cérémonies familiales
et les fêtes de toute sorte sans pour autant être invités,
s'ils ne trouvent pas directement leurs clients chez eux. Ce qui fait que ces
derniers n'ont plus besoin d'aller dans un studio. Ce que résume
Werner en ces termes : « (...) Si autrefois la photo de
famille était le résultat d'un acte volontaire et
programmé, elle est de plus en plus tributaire du hasard, des rencontres
imprévues et, en règle générale de tout ce qu'une
grande ville peut produire comme occasions de se faire photographier depuis
l'apparition de ces photographes ambulants qui la sillonnent de jour comme de
nuit. »132(*)
Le mode opératoire des ambulants, efficace, est
basé sur la rapidité avec laquelle ils s'exécutent. Une
fois la photo prise, ils se précipitent vers le laboratoire le plus
proche afin de rendre la photo avant la fin de la cérémonie pour
pouvoir rentrer dans leurs fonds. Dans leur jargon, ils portent le nom de
« Dreadmen » ou « Dread ». Ce sont des
photographes qui s'invitent dans des manifestations et prennent en photos les
invités parfois sans leur aval. Et ces clichés doivent
impérativement être rendus avant la fin de la
cérémonie et la dispersion des clients pour rentrer dans leur
frais.133(*) L'essentiel
pour ces jeunes photographes ambulants sans expérience c'est juste de
gagner leur vie.
N'ayant besoin d'aucun ou de peu d'investissement,
contrairement aux photographes de studios, leur sens des relations de
sociabilité avec leurs clients suffit à les ferrer davantage et
gagner leur fidélité. Avec leur matériel léger (un
appareil, bien sûr, et une sacoche pour les négatifs, les
livraisons des clients et les films), ils arpentent les places animées
de la ville, du quartier ou du village (marchés, boîtes de nuit,
lieux de culte, écoles et universités etc.)
Dynamiques et agressifs commercialement parlant, ils proposent
des tarifs qui défient toute concurrence. Ils n'ont pas non plus de
charge liée au paiement d'une facture d'électricité, de
location, etc. Ces photographes de rue font même du porte-à-porte
et, contrairement aux photographes sédentaires, peuvent travailler de
jour comme de nuit, jusqu'à des heures tardives.
Pour eux, la photographie domestique constitue une
activité particulièrement rémunératrice. Pour toute
cérémonie ou manifestation familiale, on fait appel à eux.
De fil en aiguille, des amis de la famille entrent aussi dans la
clientèle, grâce au bouche-à-oreille. « Si
les premiers (photographes de studios) peuvent être de plein
droit qualifiés de professionnels, de par leurs connaissances
très grandes, les seconds (ambulants) n'ont pas suivi les
traces de leurs prédécesseurs. A qui la faute ?
A ces appareils de plus en plus sophistiqués où il n'est
besoin que de presser sur un bouton pour réaliser un cliché. A
ces laboratoires couleur qui assurent le développement et le tirage,
d'où cette ignorance de plus en plus fréquente sur les techniques
proprement photographiques. »134(*)
Beaucoup d'ambulants n'ont pas acquis de connaissances
techniques comme le travail de laboratoire. Leur savoir-faire se limite
à la prise de vue. Le reste du travail est laissé aux
laboratoires.135(*) Ce
qui fait dire à Jean-François Werner qu'en
définitive, les propriétaires de laboratoires apparaissent comme
les véritables maîtres du jeu. Ce faisant, ils agissent selon une
logique marchande commerciale axée sur la recherche du profit le plus
élevé dans un minimum de temps. Avec comme conséquence,
une tendance à privilégier la rapidité au détriment
de la qualité.136(*) Conséquence : les photos se conservent
moins longtemps, surtout dans nos pays où les conditions climatiques
(chaleur et humidité) ne s'y prêtent pas souvent. Ce sont ces
ambulants qui se sont convertis en reporters photographes pour le compte des
média dans le contexte de l'explosion de la presse au milieu des
années 1990. Ils ont ainsi contribué à fragiliser le
statut de cette corporation.
Section 3 : Le déclin des studios
Privilégiés dans les années 1960 avec
l'âge d'or de la photographie sédentaire, les photographes de
studios, ces grands portraitistes, ont vu leur carrière freinée
par les avancées techniques de la photographie deux décennies
plus tard. La pratique sédentaire de la photographie a
décliné au profit de la photographie ambulatoire. Dans son
article, Côte d'Ivoire. Le crépuscule des studios,
paru dans l'Anthologie de la photographie africaine et de l'océan
indien137(*),
Jean-François Werner se demande si les photographes de studios se
relèveront de la crise que connaît leur corporation. Toujours
selon Werner, « la profession photographique a subi depuis le
début des années 1980 un bouleversement en profondeur
qui met en question jusqu'à l'existence même de ces photographes
de studio qui, à l'instar de Mama Casset, (...) ont
réalisé des images qui relèvent d'un savoir-faire comme
d'un sens artistique certain. »138(*)
Cette situation nouvelle ressemble à celle des
sociétés industrielles, au lendemain de la seconde guerre
mondiale quand la démocratisation de la photographie amateur a
entraîné la disparition des ateliers photographiques de rue. Pour
le regretté Mama Casset, ce n'est ni plus ni moins que la mort de la
photographie. « Je ne peux que regretter, disait-il, la
mort de la photographie dont l'acte de décès a été
signé par l'avènement de la couleur et des laboratoires
automatiques. »139(*) Selon Samba Diop, « ces
avancées techniques ont dénaturé la photographie. Il n y a
aucun réglage à faire. Tout est automatique et il suffit juste
d'appuyer sur le bouton et le tour est joué. »140(*) Alors que,
« la vraie photographie, le noir et blanc, c'est une autre paire
de manches. Il faut s'y connaître », poursuit-il.
D'ailleurs, Samba Diop rechigne à donner aux ambulants le titre de
photographes. Pour lui, ils ne sont que des
« presse-boutons ».141(*) Cette situation actuelle « est
caractérisée par la marginalisation professionnelle des
praticiens de studio et la désaffection du public pour le rituel
photographique, un phénomène qui reflète
l'émergence de constructions identitaires plus individuelles que
collectives », écrit Werner.142(*) La preuve en est aujourd'hui
la floraison des appareils qui permettent aux non initiés d'immortaliser
un évènement ou un lieu.
Mis en péril par les avancées techniques en
matière de photographie et par les ambulants, « les
photographes de studio sont en définitive les grands perdants de cette
guerre à la fois économique, technique et symbolique, dans la
mesure où l'un des enjeux principaux reste le pouvoir de définir
qui est photographe et qui ne l'est pas », constate
Werner.143(*) Pour lui,
« les photographes de studios ont été doublement
marginalisés. D'une part, les compétences techniques autour
desquelles s'était construite leur identité professionnelle, sont
devenues subitement obsolètes, d'autre part, ils ont vu leurs studios
désertés par des clients dont les goûts ont
changé. »144(*)
L'histoire de la photographie au Sénégal peut
être scindée en deux grandes phases : son apparition à
la faveur de la colonisation et son appropriation par les populations locales.
Formés au contact des Blancs, les premiers photographes
sénégalais connaitront leurs heures de gloire avec l'ouverture de
studios à Saint-Louis et à Dakar. Mais l'avènement des
laboratoires et de la photographie couleur sonneront le glas d'une
génération talentueuse de praticiens et contribueront au
déclin des studios. Cette période va coïncider avec
l'émergence d'une catégorie de photographes appelés
« ambulants ». Non contents d'avoir porté
l'estocade aux photographes sédentaires, les photographes ambulants ont
investi en masse une presse sénégalaise en pleine effervescence.
Ils y ont transposé leur manière de travail informel à tel
point que le photojournalisme au Sénégal est devenu une
corporation en quête de reconnaissance.
DEUXIEME PARTIE :
LE PHOTOJOURNALISME AU SENEGAL :
ZOOM SUR UNE CORPORATION SOUS-VALORISEE
Pour permettre une bonne connaissance de la profession de
reporter photographe et ainsi étayer notre hypothèse de
départ, nous allons présenter plus en détail la
méthodologie utilisée. Les données recueillies,
présentées sous forme de graphiques circulaires, ont trait
à l'expérience et au statut professionnel, au niveau
d'études et de formation, au type de média pour lequel le
reporter photographe travaille etc. La conversion des réponses en
chiffres offre non seulement une meilleure lisibilité, mais aussi elle
permet de construire une grille de lecture la plus objective possible de
l'état des lieux de cette profession.
Chapitre 1 :
PRESENTATION DU CADRE METHODOLOGIQUE
Avant de présenter les résultats de nos
enquêtes, nous allons exposer plus en détail la
méthodologie utilisée
Section 1 : L'enquête sociologique
Nous avons procédé par une méthodologie
basée sur l'enquête sociologique. Dans un premier temps, nous nous
sommes entretenu avec les reporters photographes pour nous imprégner de
leur corporation. Les méthodes utilisées sont : les
enquêtes qualitative (entretien semi-directif) et quantitative
(questionnaire). Avec un échantillonnage représentatif de la
population des reporters photographes, nous avons procédé
à leur classification par quotas (âge, sexe, niveau
d'études, expérience professionnelle...)
A/ L'échantillonnage
Dans le cadre de notre étude, nous avons choisi la
méthode de l'échantillon par quotas. Nous avons
sélectionné un échantillon de vingt reporters photographes
à partir de critères significatifs exprimés en pourcentage
par rapport à une population globale (répartition par âge,
sexe, type de média etc.) Cette méthode d'échantillonnage
par quotas se justifie par le fait qu'il est très rare que l'on puisse
interroger toutes les personnes concernées par l'étude.
Mais avant de nous lancer dans une telle entreprise, nous sommes passé
par une phase exploratoire durant laquelle nous avons rencontré des
reporters photographes et des personnes qui ont autorité à parler
de cette profession. La recherche documentaire, très difficile du fait
de la rareté de travaux scientifiques sur cette corporation au
Sénégal, nous a également permis de confronter certaines
idées. Une fois l'échantillon construit, nous avons
élaboré notre questionnaire.
B/ L'enquête quantitative par questionnaire
Dans son principe de réalisation, l'enquête
quantitative ou l'enquête statistique ou bien encore l'enquête par
questionnaire est simple. Il s'agit de mettre en relation des causes et des
effets.145(*) A travers
les questions posées, nous avons tenté de construire des
relations causales entre divers facteurs qui ressortent dans le profil des
reporters photographes sénégalais. Par exemple, entre le nombre
d'années de pratique professionnelle d'un reporter photographe et le
poste occupé dans sa rédaction. Selon Rémy Le Saout, un
questionnaire sociologique est toujours élaboré en deux
parties : des questions qui traitent du sujet d'enquête et celles
qui permettent de repérer les principaux déterminants sociaux
susceptibles d'expliquer les pratiques, les représentations, les propos
développés par les enquêtés.146(*) Dans le cas de notre
étude, en suivant cette démarche sociologique, nous avons
interrogé notre population-cible sur des facteurs qui font ressortir la
sous-valorisation de la profession de reporter photographe (poste occupé
par le praticien, regard des journalistes au sein de la rédaction,
rémunération etc.). Dans la seconde catégorie de
questions, nous nous sommes intéressé à la formation
professionnelle, au niveau d'études, aux années passées
dans la profession etc. Dans ces différentes questions, nous avons tenu
compte de la possibilité de la conversion en chiffres des données
recueillies.
C/ Les entretiens qualitatifs ou semi-directifs
L'expression « enquête
qualitative » renvoie à deux techniques : l'enquête
par entretien et l'enquête par observation. L'enquête par entretien
est essentiellement fondée sur l'échange, l'enquête par
observation sur la capacité à regarder des gens à
agir.147(*) Avec
l'enquête qualitative, nous avons cherché « à
recueillir de la finesse, du détail ; ce que l'enquête par
questionnaire permet beaucoup moins. »148(*) Même si le nombre de
personnes à rencontrer est beaucoup plus réduit. Aussi, avons-
nous parlé à une dizaine de personnes dans le cadre de notre
étude. Dans ce lot figurent des photographes de renom ou reconnus par
leurs pairs, un directeur de rédaction, un rédacteur en chef, des
chefs de service photo, des journalistes et des lecteurs. Avec eux, nous avons
utilisé un guide d'entretien, c'est-à-dire « des
questions souvent très larges qui vont déterminer les principaux
thèmes à aborder et guider l'entretien. »149(*)
Quant à l'observation, selon Remy Le Saout, elle
« permet de saisir à l'instant présent des
situations, des comportements qui ont lieu directement »150(*) sous notre regard.
L'observation nous a également été d'un grand apport dans
notre travail de recueil de données. Exerçant dans un groupe de
presse privée, cette méthode nous a permis de vérifier
in visu certaines de nos hypothèses.
Section 2 : Présentation des
résultats
Sur une population estimée à un peu plus d'une
trentaine de reporters photographes, nous en avons interrogé vingt qui
forment notre échantillon. Les réponses qu'ils nous ont
données- converties en statistiques- constituent dès lors notre
base de données. Celle-ci est composée de 90% d'hommes et de 10%
de femmes, âgés entre 30 et 54 ans, répartis comme
suit : 50% ont entre 30 et 39 ans, 25% entre 40 et 49 ans. C'est le
même taux pour la tranche d'âge 50-59 ans.
Le premier constat qui se dégage de cette population
est qu'elle est majoritairement jeune et masculine. Ainsi, la place
réservée aux femmes reste à prendre. Awa Tounkara, s'en
désole mais ne trouve pas d'explication à cette
situation.151(*)
Dans notre échantillon, 75% sont mariés dont les
70% ont au moins un enfant, contre 10% de célibataires sans enfants et
15% de divorcés avec enfant pour la plupart. Ainsi, nous constatons que
90% des enquêtés sont des responsables de famille.
Exceptés les 10% qui travaillent en
free-lance, 70% des reporters photographes que nous avons
interrogé exercent pour la presse privée, répartis entre
les quotidiens (60%), magazines (20%). 10% sont dans une agence
internationale (Panapress, AFP) et les 20% qui restent travaillent pour le
public, essentiellement pour Le Soleil.
Le constat qui saute à l'oeil nu est que la presse
privée accueille le gros de la troupe. Cela peut s'expliquer par le fait
que les agences et le service public, offrant la garantie d'un contrat
dûment signé, avec les avantages y afférents, sont plus
regardants sur le profil à recruter. Les organes privés, quant
à eux, préfèrent souvent traiter avec le premier venu
à qui ils proposent des cachets à la limite de leurs moyens, sans
tenir compte du barème légal.
La majorité de nos enquêtés (60%) disent
être sous contrat avec leur organe de presse. Mais en
réalité, il s'agit d'une entente verbale entre
l'employeur et l'employé sur des termes comme la
rémunération. Sur ces 60%, les 35% sont effectivement
embauchés, les 25% étant constitués de pigistes.
Concernant leur expérience professionnelle, les
reporters photographes que nous avons rencontrés présentent un
profil différent. 40% d'entre eux sont dans la presse depuis 11 ans au
moins ou 15 ans au plus. Cette période qu'on peut dater de la fin des
années 1990 à aujourd'hui, correspond à celle de
l'explosion des journaux au Sénégal. 20% de notre
échantillon ont une expérience professionnelle n'excédant
pas cinq ans. Nous avons ce même taux pour ceux qui ont une pratique
professionnelle comprise entre 6 et 10 ans et 10% ont entre 21 et 25 ans de
pratique. Seulement 10% peuvent se prévaloir d'une expérience
professionnelle de 26 à 30 ans, pratique hors-presse comprise. Au total,
nous avons une moyenne de 15 ans, avec notamment un reporter photographe qui
compte 28 ans de métier.
Pour ce qui est du poste occupé dans leur
rédaction, seuls 20% sont chefs de desk ou chefs de service photo.
Néanmoins, ce titre n'obéit à aucune considération
d'ancienneté ou de professionnalisme. Le choix de celui qui le porte
ressort du pouvoir discrétionnaire de l'employeur, et souvent au
gré de ses affinités ou de considérations subjectives.
Dans le profil des interviewés, nos questions ont aussi
porté sur leur formation en photojournalisme et sur leur niveau
d'études générales. Sur le premier point nous remarquons
que les reporters photographes, dans l'ensemble, sont tous formés sur le
tas (70%). La raison principale est qu'il n'existe pas au Sénégal
d'école de formation en photojournalisme ou de photographie tout
court
Comment sont-ils venus à la presse ? Ces reporters
photographes ont été initiés, soit par un parent ou un ami
photographe (40%), soit en fréquentant les labos photos (15%), soit en
autodidacte, se faisant la main lors de cérémonies familiales et
les fêtes religieuses (15%).
Cependant, il faut noter qu'il est toujours possible
d'acquérir les rudiments de la pratique photographique dans un cadre
formel. Le Centre d'Etudes à la Vie Active (CEVA), communément
appelé Centre de Bopp, de manière épisodique et le
Média Centre de Dakar -un institut qui initie aux métiers de
l'audiovisuel- offrent des modules payants en photographie. Les 30% restants de
notre échantillon ont d'ailleurs acquis les rudiments de la photographie
dans l'un ou l'autre de ces deux structures. En gros, nous remarquons qu'aucun
reporter photographe n'a suivi une véritable formation qualifiante. Ils
ne sont pas mieux lotis s'agissant de leur niveau d'études
générales : 10% ont le niveau du primaire ; 20%, celui
du Cours moyen ; 45% ont atteint le secondaire contre 20% pour le
niveau supérieur. 5% de nos enquêtés n'ont pas
fréquenté les bancs.
Nous constatons dès lors que la majorité des
reporters photographes a un faible niveau d'études. Ce qui peut
expliquer le fait qu'ils ne soient pas considérés comme des
journalistes à part entière. Car, pour être journaliste, il
faut au moins être titulaire du Bac, comme l'exigent les conditions
d'entrée dans les écoles de journalisme.
Chapitre 2 :
ETAT DES LIEUX DU PHOTOJOURNALISME AU SENEGAL
Au Sénégal, comme ailleurs sur le
continent, la photographie fait partie du quotidien des populations.
Malgré leurs réelles galères, l'absence de statut, les
photographes qui évoluent dans les capitales africaines restent des
témoins de l'évolution de leur société. A Dakar,
par exemple, ils constituent une petite corporation informelle qui s'agrandit
d'année en année.152(*) Avec son lot de précarité et de
préjugés.
Section 1 : Précarité et
sous-valorisation
Selon la Convention Collective des Journalistes et de la
Communication Sociale du Sénégal, le reporter photographe, qu'il
soit formé ou pas, est avant tout un journaliste. Ce que semble ignorer
le reporter photographe dont la corporation est sous-valorisée dans le
monde de la presse sénégalaise. Toutefois, pour
se donner un statut et ainsi se considérer comme journaliste, 60% de nos
enquêtés définissent le reporter photographe comme
« celui qui prend des photos appliquées au
journalisme. » En d'autres termes, comme un journaliste qui
relate un fait ou un événement par le biais de l'image. On parle
dans ce cas d'information visuelle.
Cependant l'absence de statut professionnel les laisse
à la merci des employeurs qui, au meilleur des cas, les recrutent sur la
base d'un contrat verbal. Ils sont 60% à avoir
« signé » un contrat par entente directe, contre 35%
qui sont embauchés. Les 10% préfèrent travailler en
pigistes en l'absence d'un statut clairement défini. Malgré ce
choix d'indépendance vis-à-vis des rédactions, les
écueils ne manquent pas. A en croire Héric Libong, chef du
service photo de l'Agence de presse panafricaine (Panapress),
« les quelques photographes cherchant à développer
des travaux d'auteur ou de journaliste en souffrent énormément.
Pas uniquement pour des raisons lucratives, car ils parviennent à
exporter leurs productions vers les média occidentaux ou à les
proposer à des ONG sur place, mais surtout parce que cette absence de
statut les empêche d'exister en tant que tel. De proposer leur regard sur
leur société à leurs concitoyens.»153(*)
Toutes choses qui font que les reporters photographes
travaillent également dans une situation d'insécurité. 60%
d'entre eux ne disposent d'aucune assurance alors qu'ils exercent un travail
risqué ou dangereux. Sans filet de protection ni moyens, les reporters
photographes vivent dans la précarité. Ils sont obligés de
se rappeler au bon souvenir de la pratique ambulatoire en répondant
à des commandes de reportage lors de baptêmes, mariages,
anniversaires, etc.
« Dans nos rédactions, il n'y a pas
cette notion organisationnelle qui fait qu'il existe une rédaction
photo, avec un rédacteur en chef photo au même titre que le
rédacteur en chef classique »154(*), remarque M. G. Fort de
ses 18 ans de pratique professionnelle, il se considère de
facto comme le rédacteur en chef photo de son journal, car
« pour le même nombre d'années d'expérience,
le rédacteur passe du simple statut de reporter à celui de chef
de desk, de rédacteur en chef et même
plus. » Ce jeune reporter photographe
éprouve le sentiment d'être sous-valorisé lorsqu'il voit
« tous ces nouveaux devenus aujourd'hui chefs de desk,
rédacteurs en chef, alors qu'ils ont tous fait leur stage sous
mes yeux. Pourquoi, nous n'avons pas de promotion comme
eux ? », se lamente M. G.
En attendant, seuls 20% des reporters photographes occupent
le poste de chef de desk ou de service photo. C'est un titre plus ou moins
honorifique, puisque l'avancement au niveau du salaire, la prise en charge des
primes de responsabilité et les avantages y afférents ne suivent
pas. Rares sont ceux qui assistent aux réunions de rédaction. Et
même dans ce cas, leurs avis ne sont pas pris en compte.
Au plan du traitement salarial, 30% des sondés
perçoivent entre 50 000 et 100 000 francs CFA, 35% entre
100 000 et 200 000 francs CFA. 20% touchent entre 200 000 et
300 000 francs CFA et 15% ont entre 300 000 et plus. Ce qui donne une
marge salariale de 160 000 francs CFA.
Dans les deux derniers lots des reporters photographes les
mieux payés, on trouve les agenciers, les free-lance, ensuite
viennent ceux qui travaillent dans le public. Autre remarque : ces
reporters photographes totalisent plus d'années d'expérience.
Dans ces différents organes de presse, la législation en
matière de rémunération est mieux respectée que
dans le privé où nombre de reporters photographes sont
rémunérés selon une convention-maison,
en-deçà de qui est prévu par la Convention Collective des
Journalistes et Techniciens de la Communication sociale du
Sénégal. Ce protocole, adopté en 1991 par les entreprises
de presse et l'Etat du Sénégal d'une part et avec le Syndicat des
professionnels de l'Information et de la Communication du Sénégal
(SYNPICS) d'autre part, range les reporters photographes dans la Classe III, au
même titre que le journaliste reporter ou le secrétaire de
rédaction titulaire d'un Bac + 2 ou 3 avec un salaire de base de
près de 170 000 francs CFA.155(*) Pour combler le gap financier, 80% d'entre eux
travaillent pour leur propre compte en dehors de leur rédaction. Parce
que, disent-ils en choeur, « les organes de presse proposent des
cachets très bas. » Pour ces hommes en charge d'une
famille -75% sont mariés et ont au moins un enfant- il faut bien
arrondir les fins de mois pour essayer tant bien que mal de faire face aux
difficultés du quotidien. Ainsi, il arrive même que des reporters
photographes collaborent avec des journaux concurrents !
B. D est reporter photographe pour le magazine people
dakarois, une publication qui traite de sujets sur les femmes (mode, coiffure,
couture etc.). Ce qui ne l'empêche pas de vendre des
photographies à d'autres publications (magazines et
quotidiens) de la place. Une image publiée à la une d'un
quotidien lui a rapporté 20 000 francs CFA à son auteur. En
France, elle peut valoir 250 euros (environ 165 000 francs CFA). Pourtant,
soutient ce jeune reporter photographe, le titre dont il fait allusion - l'un
des plus lus du pays - compte parmi ses clients qui offrent les meilleurs prix.
Il arrive même à B. D de céder une photographie à
5 000 francs CFA. « La photographie n'est pas
rémunérée à sa juste valeur dans la presse
sénégalaise », estime-t-il. C'est sans doute l'une
des raisons pour lesquelles, l'agence Panapress préfère
faire affaire avec des journaux étrangers. Selon Héric Libong,
« les prix diffèrent suivant, l'intérêt du
sujet, la périodicité, le client, la taille de l'image etc. Cela
dépend aussi du pays. Ici (Au
Sénégal), on ne vend presque rien, comparé à
l'Afrique du Sud. Les journaux sud-africains sont de gros consommateurs
d'images de presse, contrairement à la presse
sénégalaise. »156(*)
Dans cette agence panafricaine, la stratégie
utilisée consiste à vendre un package qui comprend à la
fois le texte et l'image. Leurs meilleurs clients se trouvent en France et en
Europe. En effet, depuis quelques années les journaux occidentaux
choisissent un oeil endogène pour raconter l'histoire de l'Afrique. En
2003, le reportage sur les rats démineurs, des rats de Gambie
(Cricetomys gambianus), avait fait sensation auprès de journaux
européens. Dans ce sujet en deux parties, le reporter photographe
effectue une plongée dans l'univers de ces rongeurs élevés
et dressés dans le Centre Apopo de l'Université d'Agriculture
Sokoine de Morogoro (Tanzanie), pour la détection de mines
anti-personnel Bien entraînés pour flairer l'odeur des mines, ces
rats dont le poids ne peut faire sauter une mine, accomplissent leurs missions
dans des zones du Mozambique, pays où quelques 500 000 mines sont
toujours actives, sous l'objectif du photographe de la Panapress.
« Ce reportage a été repris par beaucoup de
journaux européens comme Science et Vie, l'hebdomadaire
allemand, Stern, qui a publié une de ces photos en double page,
montrant un de ces rongeurs géants en action etc. »,
confie Héric Libong,157(*) le chef du service photo de Panapress. Ce
reportage a également reçu le Prix Fuji au Festival international
de photojournalisme de Perpignan, Visa pour l'Image en 2005.
« On a également bien bossé sur la Côte
d'Ivoire aux heures les plus chaudes, en essayant de montrer l'envers du
décor. Il ne s'agit pas de se voiler la face devant ce qui est moche,
mais de montrer qu'une réalité en cache beaucoup
d'autres. »158(*) Toutefois, la réalité de
Panapress contraste avec la situation d'ensemble des reporters
photographes sénégalais, qui ne sont pas considérés
comme des journalistes à part entière. 75% des
enquêtés le reconnaissent sans équivoque. Cette
sous-valorisation, conséquence de l'inexistence d'un statut clair pour
les reporters photographes les expose à moult contraintes. Sur le
terrain, les principales difficultés auxquelles ils se heurtent ont pour
noms : les interdictions administratives, les actions répressives
des services d'ordre et une certaine « animosité »
qui se manifeste vis-à-vis de leur profession.
Boubacar Touré dit
« Mandémory », 54 ans, est photographe professionnel
depuis près d'une trentaine d'années. En 1990, il a
initié le premier « Mois de la photographie », avec
des collègues et amis comme Bouna Médoune Sèye, Mamadou
Touré Béyan, Moussa Mbaye, Pape Bâ, Djibril Sy, Vieux
Sané etc. Mandémory travaille inlassablement sur son entourage.
Après avoir sévi dans quelques rédactions dakaroises, il a
choisi depuis quelques années d'évoluer en free-lance.
Régulièrement, il répond aux commandes de journaux et
d'organismes occidentaux ou de grosses pointures du secteur culturel
sénégalais et d'ailleurs.159(*) Pour résumer le rapport que la
société entretient avec le photographe, il se souvient de ses
déboires avec un policier alors qu'il effectuait le plus
légalement du monde un reportage à la gare ferroviaire de Dakar,
sur ce qu'il appelle « l'effervescence dans la capitale »,
c'est-à-dire les gens qui s'agrippent aux portières des
véhicules de transport, le train de banlieue etc. Au moment de son
reportage, il obtient un scoop : un accident terrible survient sous
ses yeux. « Je ne voulais pas prendre d'image, parce que ce n'est
pas ma démarche photographique. Mais d'un geste brusque, un jeune agent
de police m'empoigne par derrière, au niveau du collet. Sans
explication, il me brutalise et arrache mon appareil, comme ça, sans
raison. »160(*) Pour Mandémory, l'attitude de ce
policier résume à elle seule le manque de considération
dont sont victimes reporters photographes et photographes dans la
société sénégalaise. « Dans la rue, tu
vois un enfant te héler : `Toi-là, viens me prendre en
photo. De 500 francs le prix d'une photo, le client propose 300 francs. Parce
qu'à la base, c'est la conscience que les gens ont du photographe. En
fait, ils n'ont aucun respect pour le photographe. Pour eux, la photographie
est une profession banale, méprisable. »161(*)
Nous avons voulu vérifier ces propos en soumettant un
guide d'entretien à cinq (05) lecteurs qui achètent un quotidien,
au moins deux fois par semaine. Une des questions que nous leur avons
posées quel était de nous préciser le nom de celui qui
réalise des photographies pour un journal. Les quatre ont
répondu : « photographe ». Autrement dit, ils
ne font aucune différence entre le reporter photographe et le
photographe ambulant qui arpente les rues de Dakar et sa banlieue ou court les
cérémonies familiales et autres fêtes religieuses. Cette
perception sociale du reporter photographe est révélatrice d'une
méprise dont il est souvent victime dans l'imaginaire populaire.
« C'est-à-dire que la photographie est tellement
méprisée en Afrique, qu'il n'y a pas de démembrement
officiel de l'Etat qui a pu prendre en charge cette corporation. Il y eut un
temps, le ministère de la Culture ne savait même pas que la
photographie faisait partie des arts visuels », ironise Boubacar
Touré Mandémory.162(*)
Entre absence de statut et regard dévalorisant de la
société sur le photographe, Boubacar Touré
Mandémory se résigne presque dans son interrogation.
« Où est-ce que tu vas trouver, à Dakar, quelqu'un
qui va te parler de photographie au Sénégal ? Il n'y a
personne. Que ce soient les journalistes ou les universitaires. Les occidentaux
connaissent l'histoire de notre photographie mieux que nous mêmes. Il y a
toute une éducation à faire. »163(*) Poussant un peu loin sa
critique, Mandémory semble ignorer l'état de la recherche dans ce
domaine. Depuis quelques années, des travaux scientifiques sur la
photographie de presse et la corporation des photographes dans une perspective
sociologique et sémiotique sont réalisés par des
chercheurs sénégalais.164(*)
L'observation des relations entre les rédacteurs et les
reporters photographes au sein d'une rédaction permet de se faire une
idée sur la réalité de tels propos. Les rédacteurs
ne considèrent pas les reporters photographes comme des journalistes
à part entière. Les reporters photographes sont 75% à
répondre non à cette question (fermée) : «
Vos confrères rédacteurs vous considèrent-ils comme un
journaliste à part entière ? »
Ce qui ne semble pas freiner les ardeurs de jeunes qui
investissent de plus en plus le photojournalisme. En règle
générale, le photographe, qu'il soit de presse ou non est avant
tout un passionné de son art. Pour nombre d'entre eux, travailler pour
la presse offre un certain prestige. Anciens ambulants pour la plupart, ils
croient accéder ainsi à une marche supérieure sur
l'échelle sociale. Ils veulent être des
« photojournalistes », c'est-à-dire des journalistes
qui relatent l'information avec des images comme d'autres le font avec des
mots, qui écrivent avec un appareil photo comme d'autres avec une
machine à écrire ou un clavier d'ordinateur.165(*) « Il faut que
cesse cette attitude des journalistes qui « trimballent »
le reporter photographe comme s'il s'agissait d'un vulgaire appareil
photo »166(*), s'agace Boubacar Touré Mandémory
pour qui, le passage dans les rédactions n'a pas laissé que de
bons souvenirs. En effet, dans les rédactions, c'est au moment de partir
en reportage que le journaliste informe « son » reporter
photographe. Informer ? Il met plutôt le photographe devant le fait
accompli. Sans connaître le sujet du reportage, sans préparation
ni discussion avec le journaliste, le reporter photographe le suit sur les
lieux de l'événement. Dans ces conditions, il ne faut pas
s'étonner de voir dans les journaux le règne de ce qu'on appelle
dans le jargon des reporters photographes les « rangs
d'oignons » : la sempiternelle image du présidium d'une
conférence de presse ou d'un séminaire, la photographie
officielle d'une personnalité connue ou celle d'un groupe, les joueurs
de l'équipe de football, tous bien alignés et figés,
sans expression.167(*)
« Allez demander à Djibril Sy
[reporter photographe à la Panapress] ou Mandémory
[Babacar Touré] pourquoi ils ne publient pas dans la presse
locale », s'interroge malicieusement Héric Libong. Ce
sont des photographes talentueux. Tous organes de la place leur ouvriraient
grandement leur porte. »168(*) C'est qu'en réalité, les
reporters photographes sont confrontés à des problèmes qui
résultent souvent d'incompréhensions découlant de leurs
relations avec les cadres ou les rédacteurs de la presse écrite,
lesquels n'ont donc a priori aucun intérêt à en
faire cas dans les journaux.169(*) C'est pourquoi, ceux qui ont plus
d'expérience ou sont un peu plus âgés
préfèrent travailler pour leur propre compte ou dans le public
(Le Soleil, APS, par exemple).
Mamadou Seylou Diallo (42 ans) de l'Agence France Presse a eu
des relations difficiles avec un rédacteur en chef du temps où il
travaillait dans la presse quotidienne sénégalaise. Cette
situation l'a poussé à tourner définitivement le dos aux
rédactions. Actuellement sous contrat avec l'agence filaire
française, ce « photojournaliste »
expérimenté est également le photographe attitré
d'un ministre de la République.
Dépréciés dans l'imaginaire social, les
reporters photographes sénégalais le sont tout autant par leurs
confrères rédacteurs, qui ne les considèrent pas comme des
journalistes à part entière. Dans les pages des journaux, l'image
occupe la portion congrue de l'information. C'est pourquoi, les reporters
photographes estiment leur travail fort peu pris en compte dans les
rédactions et ravalé au rang de bouche-trous, alors que les
articles sont privilégiés et valorisés.170(*)
Conséquence ? « Il y a une certaine insatisfaction,
pour ne pas parler de rancoeur, des reporters photographes longtemps et encore
trop souvent considérés comme des
« presse-bouton » par leurs confrères de plume. Leur
écoeurement vient du peu de considération que leur accordent les
rédacteurs en chef, les chefs de services, les secrétaires de
rédaction, les maquettistes, les directeurs artistiques dont certains se
conduisent en petits dictateurs à leur égard. Trop rarement on
leur accorde la parole et on écoute leurs suggestions pour une bonne
utilisation de leurs photos. Heureux encore que le rédacteur en chef ou
le directeur artistique n'exige pas que le reportage photographique vienne
conforter l'idée qu'il a, lui, a priori, d'une situation, d'un pays,
d'une personnalité, au mépris de ce que le photographe a vu et
découvert sur le terrain. »171(*)
Dans notre enquête, 40% des reporters photographes
reconnaissent être peu ou prou associés au choix des images
à publier. 10% en sont exclus. Dans la plupart des rédactions, le
choix final incombe au rédacteur en chef ou parfois au monteur du
journal.
Section 2 : Les « petits soldats du
journalisme»172(*)
Difficiles conditions de travail et faiblesse de moyens
matériels et financiers : « les photographes de
presse africains sont rarement considérés comme des journalistes
à part entière. Encore aujourd'hui, ils doivent se cantonner au
rôle d'illustrateur, sans même pouvoir signer leurs
clichés. »173(*) Ce constat d'Erika Nimis est
caractéristique de la situation qui prévaut dans la presse
sénégalaise. Parents pauvres d'une presse pauvre, les reporters
photographes sénégalais, qui relatent l'information par les
images, manquent presque de tout. Dans notre étude, 70% des reporters
déplorent leur insatisfaction par rapport à leurs conditions et
outils de travail. Le matériel coûte cher et les innovations,
à cette époque du numérique, sont fulgurantes. A titre
d'exemple, le matériel de travail de Cellou Diallo, reporter
photographe de l'Agence France Presse se chiffre à 18 millions de francs
CFA. Un investissement inimaginable pour une agence de presse
sénégalaise, même si la comparaison n'est pas tenable avec
le géant français de l'information filaire. Le problème
est que les rédactions dakaroises ne veulent pas débourser
beaucoup d'argent pour acquérir un bon matériel photographique.
« Les patrons de presse préfèrent se payer une
belle voiture à 20 millions de francs CFA plutôt que doter leur
organe d'un bon matériel photographique »,174(*) pense savoir Boubacar
Touré « Mandémory », membre fondateur du
service photo de la Panapress, de Dakar Soir qui ne
paraît plus. Ce professionnel talentueux et aguerri sait de quoi il
parle. Souvent d'ailleurs, les reporters photographes travaillent avec leur
matériel. 50% de notre échantillon sont propriétaires de
leur appareil photographique
En dépit de toutes ces difficultés qui
étreignent cette corporation, nous remarquons qu'aujourd'hui la pratique
de la photographie de presse n'a jamais été aussi forte chez les
jeunes. La relative facilité à posséder un appareil,
la simplicité de l'acte photographique sans oublier le chômage qui
empoisonne le climat social, sont autant de facteurs qui rendent le
métier de photographe accessible à tous.175(*) Cette situation a
rencontré un contexte favorable caractérisé par la
multiplication des titres à partir des années 1990.
Depuis quelques années, le numérique s'est
imposé comme principal outil de travail des reporters photographes
sénégalais. Ceux que nous avons interrogés travaillent
avec un appareil numérique, devenu beaucoup plus accessible que
l'argentique. « Maintenant, le numérique est devenu une
banalité à tel point qu'il y a pas mal de photoreporters qui,
à l'inverse, n'ont jamais travaillé en
argentique »176(*), explique Héric Libong dans un entretien
accordé à l'historienne Erika Nimis. Même si les reporters
photographes déplorent l'obsolescence de leur matériel, la
rapidité que nécessite le traitement de l'information quotidienne
ne leur offre pas beaucoup de choix.
Si pour les reporters photographes sénégalais,
avoir un matériel de travail adéquat est une chose improbable,
c'est qu'en réalité les organes de presse ne comprennent pas les
exigences de la profession. Très souvent, la logistique (véhicule
pour le reportage, piles pour les appareils, cartes mémoire, ordinateurs
pour stocker les images etc.) pose problème. Outre des problèmes
d'équipement (le matériel coûte cher et son entretien
difficile), le potentiel des reporters photographes est sous-exploité ou
tout simplement ignoré.177(*)
Les reporters photographes rencontrent également des
difficultés pour accéder à l'information. Un peu plus de
50% des personnes interrogées déplorent l'obstacle que
constituent les forces de police, gardes du corps et autres agents de
sécurité qui leur rendent le travail difficile. Les
déplacements du Chef de l'Etat sont les manifestations qu'ils
appréhendent le plus. « Tous les reporters photographes te
diront qu'ils n'aiment pas couvrir les activités et déplacements
à l'intérieur du pays du président de la
République », explique Aliou Mbaye, secrétaire
général de l'Union Nationale des photojournalistes du
Sénégal (UNPJ) et reporter photographe à la
Panapress.
Face à ces difficultés, leurs organes ne font
presque rien pour les y aider. Pis, il arrive parfois que l'employeur ne daigne
même pas intervenir pour tirer d'affaire son reporter photographe ayant
maille à partir avec la police dans l'exercice de sa profession.
« Une fois, la police avait confisqué mon appareil. Une
autre fois, un videur d'une boîte de nuit dakaroise a cassé mon
appareil. Je me suis fait voler mon ordinateur et mon appareil. Dans tous ces
cas, mon patron s'en est lavé les mains. J'ai fini par partir,
puisqu'aucun contrat écrit ne nous liait »,
témoigne sous couvert de l'anonymat un de nos enquêtés
aujourd'hui reporter photographe d'un magazine people dakarois.
Inutile de dire que dans de telles conditions, le reporter photographe ne
dispose d'aucune assurance liée aux risques de l'exercice de sa
profession. Ils représentent 60% de notre échantillon à
être dans ce cas. Comme le note Erika Nimis, peu de photographes
bénéficient d'un contexte favorable à l'exercice de
leur profession. Beaucoup manquent de moyens et de soutien.178(*)
Et sur le plan informatif, nombre d'entre eux déclarent
se sentir éloignés de la démarche informative et souffrir
de voir parfois leurs photos insuffisamment prises en compte ou mal
cadrées. Ils en ont assez d'être les parents pauvres de
l'information, et souhaitent une meilleure intégration aux services
rédactionnels. Voeu pieux car la photographie est trop tenue pour partie
négligeable dans l'information. « Très souvent,
lorsqu'un article est décidé, la question de son illustration
n'intervient qu'une fois le reportage effectué. Divers cas de figure se
présentent alors : soit l'on arrive à obtenir pendant ou
après le reportage une illustration gracieusement offerte, soit on
demande à un photographe s'il n'aurait pas dans ses archives une photo
pouvant faire l'affaire. Des recherches dans la photothèque du journal,
si elle est suffisamment fournie, sont un autre recours. »179(*) La situation n'est
guère différente au Sénégal où les reporters
photographes voient leurs images reprises et reproduites à longueur de
colonnes sans qu'ils touchent le moindre droit d'auteur. Et les photographies
ne sont presque jamais signées dans les journaux, contrairement aux
articles des rédacteurs.
Chapitre 3 :
LES RAISONS D'UNE SOUS-VALORISATION
En analysant les discours de nos interviewés et les
données statistiques, nous pouvons dégager deux grandes pistes
d'explications de cet état des lieux peu reluisant du photojournalisme
au Sénégal : le défaut de formation formelle des
reporters photographes et leur faible niveau d'études
générales, mais aussi l'absence d'une culture de l'image dans la
presse sénégalaise.
Section 1 : Le manque de formation et le faible
niveau d'études
Si tous les reporters photographes que nous avons
rencontrés ont acquis des rudiments de la pratique photographique,
aucun n'a suivi une formation en photojournalisme. Pour la raison toute simple
qu'il n'existe pas d'école ou d'institut, au Sénégal, qui
forme des reporters photographes. Cependant, tous ont eu à être
initiés à la maîtrise de l'outil photographique. Mais
l'absence de formation spécifique pour les reporters photographes,
à l'image du rédacteur qui peut être formé dans une
école, fait d'eux des « journalistes de second
rang. » Ils le savent et ne demandent que la création d'un
institut où des pensionnaires sortiront avec la spécialisation
« reporter photographe ».
Ainsi, ils représentent 70% de notre échantillon
à déplorer l'inexistence d'une école de formation, mais
surtout à éprouver le besoin d'obtenir un diplôme et ainsi
d'être reconnu comme journaliste. Les 30% -les reporters photographes les
plus âgés- ne sentent pas la nécessité de se former
dans une école au cas où elle existerait. Par contre, ils
souhaitent ardemment la création d'un cadre formel où seront
formés les reporters photographes ou, au moins, des filières de
formation en photojournalisme dans les écoles de journalisme du pays. A
l'image du Nigéria où, aujourd'hui, la plupart des
photojournalistes nigérians se forment soit au Yaba College of
Technology, à Lagos, soit au Nigerian Institue of Journalism, à
Ibadan).180(*)
« Ici (au Sénégal),
malheureusement, les formations de journalistes n'ont pas tenu compte de la
photographie. L'activité est livrée à l'informel. Aucun
organe gouvernemental ne se préoccupe de son avenir et du statut des
photographes », se désole Boubacar Touré
Mandémory dans un entretien publié sur le site du journal
français, L'Humanité.181(*)
Face à cette situation, l'Union nationale des
photojournalistes (UNPJ) à entrepris des démarches auprès
des autorités étatiques pour la création de structures de
formation. « Il y a deux mois, le directeur de la Communication,
représentant le ministre, nous avait reçus à notre demande
pour discuter des problèmes qui touchent notre corporation comme la
formation et le statut»182(*), confie Aliou Mbaye. Dans le volet formation,
qui a occupé une grande partie des discussions, différentes
propositions ont été faites par l'association des reporters
photographes : « l'organisation de séminaires de mise
à niveau, de stages, l'octroi de bourses de formation, mais
également dans le projet de construction de la « Maison
de la presse » promise par l'Etat, qu'une cellule soit
dédiée aux reporters photographes. »
Pendant ce temps, au CESTI de Dakar, on en est encore à
un module de deux heures par semaine sur la pratique de la photographie, en
deuxième année de formation. Quant aux autres instituts
privés qui investissent dans la formation des journalistes, rien n'est
prévu pour la formation de reporters photographes. C'est ce qui explique
selon Samba Diop le faible niveau de beaucoup de photographes de la nouvelle
génération. « Avant, la photographie c'était
du sérieux. Ce n'est pas comme aujourd'hui avec ces photographes-entre
guillemets- que nous voyons et que j'appelle « des
presse-boutons ». Ce ne sont pas des photographes. Un vrai
photographe sait ce que c'est que la photographie. Il travaille sa formule. Il
sait ce qu'est un révélateur, comment on le prépare ;
comment mélanger les produits chimiques avec de l'eau pour fixer les
photos. On travaillait en chambre noire, il ne fallait pas exposer l'image
à la lumière. Ensuite il fallait développer la photo dans
un bain d'acide acétique et on le fixe dans le fixateur. Une fois que
c'est fixé, c'est à ce moment qu'on allume la lumière pour
regarder la photo. Il y a aussi les cadrages à faire. Ce qui supposait
un long apprentissage et la maîtrise des techniques de la chambre noire.
Maintenant, c'est la facilité »183(*), dit-il avec la rigueur
du formateur qu'il était.
En effet, note Jean-François Werner, « la
maîtrise des opérations techniques mises en oeuvre dans la chambre
noire s'acquérait au cours d'apprentissages relativement longs (deux
à trois ans, souvent plus) (...)»184(*) Pour Héric
Libong, il ne fait aucun doute que l'une des principales causes de la
sous-valorisation des reporters photographes tient à leur manque de
formation dans un cadre formel. « Effectivement, au
Sénégal, c'est une question de formation. Le reporter photographe
n'est pas suffisamment imprégné de sa profession. Beaucoup sont
des anciens du « Dread » qui, sans doute,
investissent la presse pour un prestige réel ou supposé de cette
profession. »185(*)
Momar Diongue, rédacteur en chef de l'hebdomadaire
dakarois, Nouvel Horizon considère le reporter
photographe comme un journaliste à part entière « parce
que l'iconographie est partie intégrante de
l'information. »186(*) Mais, reconnaît-il, de manière
générale, « le reporter photographe
sénégalais n'a pas encore le bagout que l'on peut voir chez ses
alter ego étrangers, européens en
particulier. »187(*) Selon Diongue, cela est dû à trois
facteurs : « le contexte culturel de nos pays fait que
certaines images ne peuvent pas être publiées dans les
journaux »188(*), souligne Diongue, qui fait allusion à
certaines photos intimes ou suggestives que l'on voit dans les tabloïds
européens. Pourtant, certaines images chocs sont souvent
publiées à la une des journaux comme celle d'un individu
lynché à mort.
Le second facteur explicatif et pas des moindres, à en
croire ce rédacteur en chef, a trait aux limites objectives des
reporters photographes. « Le déficit de formation fait
qu'ils ne prennent pas de photographies qui `parlent'. »189(*) Il en veut pour preuve
la rubrique « Image de la semaine » de Nouvel
Horizon. Il s'agit d'une (ou de deux) photographie(s),
légendée(s), qui doit attirer le lecteur par son caractère
informatif, original, insolite, impertinent comme pour un article de presse.
«C'est parce qu'elles ont des insuffisances qu'on commente ces
photographies qui devraient se suffire à
elles-mêmes. »190(*) Enfin, Momar Diongue estime
que pour être un bon reporter photographe, il faut avoir le reflexe
professionnel en permanence. C'est, en d'autres termes, être toujours
à l'affût de la moindre image, de la bonne photographie.
Mais comment exiger du reporter photographe qu'il produise une
image qui se lirait comme un article, alors qu'il n'a pas
bénéficié de formation comme le rédacteur ?
Autant rédiger un article obéit à des techniques, autant
la photographie obéit à des codes et conventions.
« Pour bien informer avec une photographie, encore faut-il que
celle-ci soit fonctionnelle. C'est-à-dire réalisée
à partir du réel et non de la fiction, et sans que son but soit
forcément d'être esthétique, comme c'est le cas pour la
photo picturale. Il faut aussi tenir compte de la hiérarchie des
composants, savoir lire, et donc écrire une photo ; il faut enfin
ne pas confondre le décrit et le
suggéré. »191(*) Mais rares sont les reporters photographes qui
maîtrisent ces données techniques. L'aveu est d'Abdou
Cissé, reporter photographe au journal Le Quotidien.
Initié à la photographie au Centre de Bopp, il a une longueur
d'avance sur ses confrères. « Il n'y a pas beaucoup qui
peuvent se définir comme photojournaliste, c'est-à-dire
quelqu'un qui prend des photos et écrit des articles. Nous manquons de
formation. Nous ne savons même pas ce qu'est la photographie. Il suffit
de demander à certains photographes de presse la définition
d'une photographie pour t'en rendre compte »192(*), regrette Abdou
Cissé dont le travail est reconnu dans le milieu. A 50 ans, il
s'attèle d'ores et déjà à sa reconversion dans la
photographie d'art.
Au moment où les plus âgés se retirent
des rédactions, beaucoup de jeunes, armés de leur seule passion
et d'un appareil numérique, cherchent à assurer la
relève. Cela dit, il y a une contrepartie, constate Héric
Libong. « Le fait qu'il y ait plus de photographes ne signifie
pas que les meilleurs sont les plus nombreux. (...) On rencontre de moins en
moins de photographes qui ont une vision personnelle, un vrai regard.
(...)Très peu prennent le temps d'apprendre leur
métier. »193(*)
Souffrant donc d'un manque de formation dans un cadre formel,
les reporters photographes essaient malgré tout de se former sur le
tas. Mamadou Gomis, reporter photographe à Walf
Grand'Place est de ceux-là. « Je me suis
formé sur le tas, dans un studio photo où je faisais des
portraits comme pour les entretiens en journalisme. Je faisais aussi des
reportages lors de cérémonies familiales et religieuses
(baptême, mariage etc.) Contrairement aux images de presse prises dans un
but d'information pour un large public, celles que je prenais étaient
à usage privé.»194(*) Par ce procédé
d'auto-apprentissage, ce jeune reporter photographe est aujourd'hui devenu un
des meilleurs espoirs de la photographie de presse au Sénégal.
Dans sa rédaction, il est devenu incontournable, tant son
« clin d'oeil » est devenu une sorte de rubrique à
part entière qu'il anime quotidiennement, même s'il n'occupe qu'un
petit espace dans la pagination.
L'exemple des reporters photographes autodidactes tels que
Gomis ainsi que son expérience personnelle font dire à Boubacar
Touré « Mandémory » qu'à défaut
de formation formelle, le reporter photographe peut néanmoins avoir un
bon niveau si, en plus de la pratique, il a certaines aptitudes comme
« l'audace, la pertinence dans ses
images. » Toutefois,
s'empresse-t-il de tempérer, «il faut aussi avoir un minimum de
niveau d'études, se documenter par des revues
spécialisées, mais aussi aller vers les confrères les
plus expérimentés pour se perfectionner à leur
contact. »195(*)
Malheureusement, peu de reporters photographes atteignent le
niveau supérieur (20%) tandis que 30% ont un niveau secondaire et 50%
ont un niveau compris entre le primaire et le cours moyen. Ce qui donne, dans
l'ensemble, un niveau d'études générales moyen, voire
faible. On comprend, dès lors pourquoi dans l'imaginaire populaire et
pour les reporters photographes eux-mêmes la photographie, comme
pratiquement tous les métiers manuels, est rangée dans la
catégorie des emplois pour les recalés de l'école. Une
profession de la seconde chance.
Section 2 : « Absence d'une culture de
l'image » dans la presse sénégalaise.
La sous-valorisation de la profession de reporter photographe
a-t-elle un lien avec l'absence de culture de l'image dans la presse
sénégalaise ? Un tour dans les rédactions, et on est
tenté de répondre par l'affirmation. Tellement la photographie de
presse occupe la portion congrue de l'information. Quant à un service
photo digne de ce nom, il semble n'exister que de nom. A quelques exceptions,
c'est l'indifférence des journaux pour l'information par l'image, la
médiocrité de la reproduction iconographique ajoutée
à la platitude des lignes éditoriales et l'absence
générale de culture de l'image qui
prévalent.196(*) C'est qu'en effet, dit Héric Libong,
« l'image n'est pas encore perçue comme partie
essentielle, à part entière de l'information. On ne connaît
pas suffisamment sa portée dans la presse sénégalaise. Il
n'existe pas cette culture de diffusion de l'information visuelle dans les
journaux. »197(*)
Ce « mépris » pour la photographie
dans la presse sénégalaise se manifeste à plusieurs
niveaux et touche, par ricochet, les reporters photographes. Mis à
l'écart pour le choix des images qui accompagnent les articles, les
reporters photographes sont naturellement peu satisfaits de leur mise en page.
40% de nos enquêtés déclarent sans ambages ne pas du tout
être satisfaits de la façon dont leurs photos sont
recadrées dans leur journal et 30% estiment l'être
moyennement. Encore qu'ils soient associés à la
mise en page. Car, dans 60% des cas les reporters photographes sont exclus du
choix iconographique qui incombe au rédacteur en chef, parfois au
monteur du journal. Dans ces conditions, l'image photographique est-elle
toujours utilisée à bon escient dans la presse
écrite ? « Il serait hasardeux de l'affirmer, bien
que des progrès aient été accomplis »,
répond Louis Guéry dans un texte fort justement
intitulé Du bon usage de la photo de presse.198(*) Il poursuit :
« On est cependant obligé de constater que trop souvent,
notamment dans la presse quotidienne, la photographie est encore
considérée comme un moyen d'illustration. »199(*) Car, trop souvent, l'on
ne recherche la photographie qu'une fois l'article arrivé à la
salle de montage, c'est-à-dire « en fin de
processus. » Ce qui génère certains
inconvénients : soit la photographie ne convient pas
réellement (les personnages dont il est question dans l'article sont
représentés sur des photos trop anciennes, ce qui crée un
décalage malencontreux, ou ils sont tout souriants quand la situation
est grave et vice-versa), soit il s'agit de la même photographie
sempiternellement réutilisée pour le même personnage,
à travers mois et années et donc usée du point de vue de
son intérêt !200(*) A ce titre, l'exemple du thème de
l'émigration clandestine est éloquent. Comme si les journaux
s'étaient donné le mot, la photographie de jeunes
Sénégalais ou Africains, entassés dans un esquif
surchargé, en plein océan, illustre systématiquement tout
article traitant de ce fléau. Qu'importe l'angle de traitement.
Qu'importe aussi si l'image ne correspond pas au fait relaté dans
l'article. L'essentiel est de trouver une image
« générique » qui puisse faire l'affaire.
Dès lors, s'est imposée, de façon dramatique, ce que
Christian Caujolle appelle « la tendance régressive à
l'image décorative. »201(*) Pis, selon le fondateur et directeur de l'agence et
de la galerie VU, on note trop souvent dans la presse la redondance entre
l'image et le texte.202(*) Alors que la photo de presse doit
« compléter et authentifier ce qui est dit dans
l'article ; ce qui est rarement le cas. »203(*)
Que dire aussi, plus particulièrement dans la presse
magazine, de cette volonté d'esthétisme à tout prix, au
détriment parfois de l'information, de ces choix de documents et de ces
mises en page où l'on cherche avant tout à faire beau. On ne
trouve pas toujours, dans la mise en page, cette utilisation d'une
véritable grammaire de l'image qui permettrait l'organisation de
récits photographiques fortement structurés.204(*) A tous ces
problèmes, il faut également ajouter la
« concurrence » d'Internet avec une
« complicité » tacite des secrétaires de
rédaction et des monteurs. En effet, comme les services photos ne sont
pas développés dans les rédactions, ceux-ci ne se cassent
pas la tête outre mesure. La photo de Wade ou d'Obama est à
portée de clic...
Les choses évoluent certes, mais bien lentement au
niveau de la presse sénégalaise, Des efforts sont en train
d'être faits pour améliorer le visuel et lui donner son importance
dans l'information, remarque Boubacar Touré
« Mandémory ». « Il faut juste
que dans les organes de presse, l'on reconnaisse le rôle du photographe,
l'importance d'un service photo, mais aussi d'un secrétariat de
rédaction pour ce qui concerne le recadrage de l'image, la
légende, la titraille, etc. »205(*) Comme du temps des
journaux dakarois, L'Evènement du soir, Dakar Soir,
le Journal, qui ne paraissent plus et qui accordaient une place
enviable à l'image de presse. « C'était plaisant
à lire », dit, un brin nostalgique, Touré
« Mandémory » qui fut membre fondateur de ces
titres. Il y a eu aussi l'expérience du journal Le Sportif qui
n'hésitait pas à publier des images occupant jusqu'à
quatre colonnes d'une page.
Mais de manière générale, les puristes
tels que Caujolle ne cessent de se désoler de « la crise
profonde d'identité graphique de la presse, en particulier dans son
rapport à la photographie. »206(*)
Quoiqu'indispensables à la presse, les reporters
photographes sénégalais ne sont pas pour autant
considérés comme des journalistes à part entière.
C'est la conclusion à laquelle nous avons abouti après avoir
mené nos enquêtes auprès de reporters photographes, de
journalistes et de lecteurs de la presse. Malgré des causes objectives
comme le manque de formation des reporters photographes, il faut
également remarquer que les journaux sénégalais
n'accordent pas trop d'importance à la photographie.
CONCLUSION GENERALE
L'un des constats majeurs de ce travail est la
sous-valorisation de la photographie et des photographes dans la presse
sénégalaise. Un scénario que ceux-ci n'envisageaient pas
en se jetant en masse, dans les années 1980, dans la photographie,
donnant du coup le coup de grâce aux studios photographiques. Des studios
qui furent les témoins des époques fastes de la photographie
sénégalaise, de l'introduction de l'appareil photographique
à la faveur de la colonisation française.
Ce sont les ambulants, qui constituent le gros des
photographes de presse. Un secteur qu'ils ont investi en espérant
trouver un emploi stable avec tous les avantages y afférents. Dans la
réalité, le constat est tout autre et se résume à
la non reconnaissance de leur statut et de leur travail. La presse
sénégalaise, qui n'est pas une grande consommatrice de
photographies, n'a pas encore valorisé l'iconographie comme partie
intégrante de l'information. C'est pourquoi les des reporters
photographes ont le sentiment d'être ravalés au rang de
bouche-trous. Dans les rédactions, les journalistes, pour la plupart, ne
les considèrent pas comme des confrères à part
entière. Parce que tout simplement « les reporters
photographes ne sont pas formés dans une école de journalisme
comme eux. »
Les reporters photographes courent derrière un statut
qui leur est reconnu de droit par la Convention Collective des Journalistes et
Techniciens de la Communication Sociale, mais qui leur est dénié
dans la plupart des organes de presse. C'est qu'en fait, le secteur de la
photographie de presse au Sénégal est livré à
lui-même, et les reporters photographes vivent dans la
précarité. Il est impossible à certains d'adhérer
au SYNPICS, le syndicat des journalistes professionnels, puis qu'aucun contrat
en bonne et due forme ne les aux employeurs. L'Union nationale des
photojournalistes du Sénégal (UNPJ), qui a obtenu son
récépissé en 2007 n'est pas suffisamment outillé
pour défendre les intérêts de ses membres. Leur corporation
est déréglementée. Tout le monde s'improvise reporter
photographe.
L'absence de formation, la divergence des
intérêts et l'indifférence des ministères de tutelle
livrent l'activité-comme beaucoup d'activités importées-
aux lois du secteur informel.207(*) Dans ces conditions, quand pourra-t-on parler
des questions telles que la législation, les droits d'auteurs, entre
autres, dans le domaine de la photographie de presse au
Sénégal ? Des objets d'étude qui, sans doute, seront
d'un grand intérêt pour la recherche sur le travail des
professionnels des médias.
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES ET ARTICLES
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(dossier). Paris : Africultures, n° 39, juin 2001, 128 p.
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à la croisée des chemins. - Paris : Editions Marval,
2005. 213 p.
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sociologie. Paris : Vuibert, 2002, 95 p.
- NIMIS, E. - Photographes d'Afrique de l'ouest.
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IFRA-Ibadan, 2005. 294 p.
- NIMIS, E. - Photographes de Bamako. De 1935 à nos
jours. - Paris : Editions Revue Noire, 1998. 112 p.
- REVUE NOIRE. - Anthologie de la photographie africaine
et de l'océan indien. - Paris : Ed. Revue noire, 2e
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la photographie au Sénégal. 1950. - Paris : Ed. Revue noire,
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- WERNER J-F. « Au royaume des aveugles, les borgnes sont
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la photographie africaine un objet
d'étude ». Journal des anthropologues, 80-81,
année 2000, pp. 193-216.
TRAVAUX ACADEMIQUES UNIVERSITAIRES
- DIEME, B. - La sociologie de la photographie :
Etude du rôle et des professionnels de la photographie à
Dakar. Mem. de maîtrise sociologie : Fac. Lettres et Sc. H : Univ.
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- FAYE, D. - Essai descriptif du processus de production
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Diop de Dakar, 1995. 30 p.
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Département de philosophie : Fac. Lettres et Sc. H : Univ. Cheikh Anta
Diop de Dakar UCAD Dakar, 1995, 15 p.
RESSOURCES DU WEB
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www.africinfo.org/index.asp ?navig=personnalité&no=4736&table=personnes&code=SN
- Biographie Bouna Médoune SEYE.
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www.actuphoto.com/photographes/biographies/mamadou-gomis-10449.html.
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www.monde-diplomatique.fr.2002/09/CAUJOLLE/16897
- L'HUMANITE. « Entretien avec le
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« Quels marchés pour la photographie de presse en
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www.sudplanete.net/photo.php?menu=arti&no=5820
- NIMIS, E. « Photographie : un combat pour
plus d'équité ».
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- SAGNA, A. T. - « Awa Tounkara, une vie en photo,
une carrière au quotidien le Soleil ».
http://www.apanews.net/apa.php?page=cult_sqt_article&id_article=40847,
consulté le 23 mai 2008).
- SARR, I. « Du pouvoir de
« vérité » au pouvoir symbolique de l'image.
Quand la photo d'actualité fait lien social au
Sénégal ! ».
http://www.africultures.com/popup_article.asp?no=3328&print=1.
TABLE DES MATIERES
Introduction générale
PREMIERE PARTIE :
Petite histoire de la photographie au
Sénégal
Chapitre 1 : Naissance et facteurs de diffusion de
la photographie au Sénégal
Section 1 : Le rôle des administrateurs, des
militaires et des missionnaires
A/Le rôle des administrateurs
B/Le rôle de l'armée et des missionnaires
Section 2 : L'appropriation de la photographie par les
populations locales
Chapitre 2 : Apparition des premiers photographes
sénégalais et des studios
Section 1 : Les précurseurs et l'âge d'or
des studios
A/Les précurseurs
B/L'âge d'or des studios
Section 2 : De quelques héritiers...
A/La première vague
B/La génération en activité
Chapitre 3 : Emergence des
« ambulants » et déclin des studios photo
Section 1 : L'apparition des laboratoires et de la
photographie couleur
Section 2 : L'arrivée des
« ambulants » ou la démocratisation de la
photographie
Section 3 : La décadence des studios
DEUXIEME PARTIE :
Le photojournalisme au Sénégal :
Zoom sur une corporation sous-valorisée
Chapitre 1 : Présentation du cadre
méthodologique
Section 1 : L'enquête
A/L'échantillonnage
B/L'enquête quantitative par questionnaire
C/Les entretiens qualitatifs
Section 2 : Présentation des résultats
Chapitre 2 : Etat des lieux du photojournalisme au
Sénégal
Section 1 : Précarité et
sous-valorisation
Section 2 : « Les petits soldats du
journalisme »
Chapitre 3 : Les raisons d'une
sous-valorisation
Section 1 : Manque de formation et faible niveau
d'études
Section 2 : Absence d'une culture de l'image dans la
presse sénégalaise
Conclusion générale
Références bibliographiques
Annexes
* 1 J-F. Werner, « Le
studio photographique comme laboratoire d'expérimentation
sociale », Africultures n° 39, juin 2001, p. 37
* 2 ID.
Ibidem, p. 37
* 3 Je revoie le lecteur aux
travaux suivants :
-R. RIEFFEL. L'élite des journalistes.
Paris : PUF, 1984.
-J. M. CHARON. Cartes de presse. Enquête sur les
journalistes. Paris : Stock, 1993.
-E. NEVEU. Sociologie du journalisme. Paris : La
Découverte, 2001.
* 4 R. LE SAOUT, Guide
pour connaître la sociologie. Paris : Editions Vuibert, 2002,
95 p.
* 5 ID., op.
cit, p. 39
* 6 ID., op.
cit, p.45.
* 7 S. Dia,
Eléments de méthodologie de recherche en communication,
CESTI/UCAD, 2007, 93p.
* 8 ID.,
ibidem, p. 37
* 9 E. Nimis,
Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, Paris :
Editions Revue Noire, 1998, p. 5
* 10 ID.,
op. cit, p. 7
* 11 ID.,
op. cit, p. 29
* 12 ID.,
op. cit, p. 8
* 13 ID.,
op. cit, p. 31
* 14 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », in :
Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à
nos jours. Paris : Revue Noire, 1998. pp. 49-50.
* 15 ID.,
op. cit, p. 49.
* 16 ID., op.
cit, p. 50
* 17 ID.,
op. cit, p. 50
* 18 E. Nimis,
Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours. Paris :
Editions Revue Noire, 1998, p. 6.
* 19 ID.,
op. cit, p. 7
* 20 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », in :
Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à
nos jours. Paris : Collection Revue Noire, 1998, p. 51.
* 21 E. Nimis,
Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours. Paris :
Editions Revue Noire, 1998, p. 12.
* 22 ID.,
op. cit, p. 15.
* 23 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », in :
Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à
nos jours, op. cit., pp. 52-54.
* 24 ID.,
op. cit, p. 52.
* 25 ID.,
op. cit, p. 56.
* 26 E. Nimis,
Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, op. cit.,
p. 7
* 27 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », in :
Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à
nos jours. Paris : Collection Revue Noire, 1998, p. 51.
* 28 E. Nimis,
Photographes d'Afrique de l'ouest. L'expérience Yoruba, Paris,
Karthala ; Ibadan : IFRA-Ibadan, 2005, p. 62.
* 29 E. Nimis, Photographes
de Bamako. De 1935 à nos jours, op. cit, p.
10.
* 30 ID., op.
cit, p. 30.
* 31 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », in :
Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à
nos jours. Op. cit., p. 56.
* 32 E. Nimis,
Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, op.
cit, pp. 11-12.
* 33 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », op.
cit., p. 51.
* 34 E. Nimis,
Photographes d'Afrique de l'ouest. L'expérience Yoruba,
Paris : Karthala ; Ibadan : IFRA-Ibadan, 2005, p. 5.
* 35 Mama Casset et les
précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, Paris :
Editions Revue Noire, 1994, p. 82.
* 36 J-F. Werner,
« Le studio photographique comme laboratoire d'expérimentation
sociale », Africultures n° 39, juin 2001, p. 37.
* 37 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », op.
cit., p. 52.
* 38 Nimis, Erika,
Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours. Paris :
Editions Revue Noire ; Paris, 1998, p. 50.
* 39 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », op.
cit., p. 56.
* 40 ID., op.
cit, pp. 49-51.
* 41 Cité par B.
Diémé, La sociologie de la photographie : Etude du
rôle et des professionnels de la photographie à Dakar.
Mém. de maîtrise Sociologie : Fac Lettres et Sc H. :
Univ. Cheikh Anta Diop de Dakar, 2005, p. 127.
* 42 E. Nimis,
« Nigéria : le géant de la
photographie », Africultures n° 39, juin 2001, p. 16.
* 43 ID,
ibidem, p. 40.
* 44 A. Freitas,
« Afrique des dieux, Afrique des hommes » (RDC), in :
Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à
nos jours, 1998, p. 27.
* 45 J.-F. WERNER, « Le
crépuscule des studios », in : Anthologie de la
photographie africaine et de la diaspora, p. 94.
* 46 Entretien avec lui
à Dakar le 26 mars 2010.
* 47 Cf. même
entretien.
* 48 Cf. même
entretien.
* 49 J-F. Werner,
« Le studio photographique comme laboratoire d'expérimentation
sociale », Africultures n° 39, op. cit., p.
40.
* 50 ID.,
ibidem, p. 37.
* 51 ID.,
ibidem, p. 37.
* 52 Cité par E.
Nimis, Photographes de Bamako, op. cit., p. 6.
* 53 ID., op.
cit, p. 84.
* 54 ID., op.
cit, p. 85.
* 55 A. Freitas,
« Afrique des dieux, Afrique des hommes » (RDC), in :
Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840 à
nos jours. Op. cit., p. 27.
* 56 Mama Casset et les
précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, op. cit.,
pp. 7-8.
* 57 ID.,
op. cit, p. 11.
* 58 ID.,
op. cit, p. 68.
* 59 ID.,
op. cit, p. 69.
* 60 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », op.
cit., p. 49.
* 61 ID.,
op. cit, p. 51 ; Voir aussi Mama Casset et les
précurseurs de la photographie en Afrique. Op.cit., p. 67.
* 62 Voir F. Chapuis, p.
51 ; Mama Casset et les précurseurs de la photographie en
Afrique, 1950, p. 68.
* 63 ID,
op. cit, p. 68.
* 64 Cité par E.
Nimis
* 65 E. Nimis,
Photographes de Bamako, op. cit., pp. 31-32.
* 66 E. Nimis,
Photographes d'Afrique de l'ouest. L'expérience Yoruba, op.
cit., pp. 62-63.
* 67 Mama Casset et les
précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 68.
* 68 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », p. 54.
* 69 Mama Casset et les
précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 68.
* 70 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », p. 52.
* 71 Mama Casset et les
précurseurs de la photographie en Afrique, p. 68.
* 72 Mama Casset et les
précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 68 ; F.
Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », p.
56.
* 73 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », p. 60.
* 74 A. S. Fall,
« Souvenir d'une photographie confisquée »,
in : Anthologie de la photographie africaine et de la diaspora de 1840
à nos jours. Op. cit., p. 65.
* 75 Voir Mama Casset et
les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 68 ;
F. Chapuis, « Les précurseurs de Saint-Louis », pp.
49-60.
* 76 Mama Casset et les
précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 11.
* 77 ID.,
op. cit, p. 9.
* 78 ID.,
op. cit, pp. 8-9.
* 79 Entretien
réalisé avec lui à Dakar le 26 mars 2010.
* 80 ID.,
op. cit, p. 10.
* 81 ID.,
op. cit, p. 10
* 82 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », p. 54 ;
Mama Casset et les précurseurs de la photographie en Afrique,
1950, p. 78.
* 83 Mama Casset et les
précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 7.
* 84 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », p. 58.
* 85 ID,
op. cit, p. 58 ; Mama Casset et les
précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 90.
* 86 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », p.
88 ; Mama Casset et les précurseurs de la photographie en
Afrique, 1950, p. 58.
* 87 ID.
Ibid, p. 60.
* 88 ID,
op. cit, p. 60.
* 89 A. S. Fall,
« Souvenir d'une photographie confisquée », article
déjà cité, p. 65.
* 90 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », p. 60.
* 91 E. Nimis,
Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, p. 15.
* 92 Mama Casset et les
précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 8.
* 93 J.-F. Werner, « Le
crépuscule des studios », in : Anthologie de la
photographie africaine et de la diaspora de 1840 à nos jours,
op. cit., p. 94.
* 94 J-F. Werner,
« Le studio photographique comme laboratoire d'expérimentation
sociale », ibidem, p. 39.
* 95 F. Chapuis,
« Les précurseurs de Saint-Louis », p. 58.
* 96 Entretien avec lui
à Dakar le 26 mars 2010.
* 97 E. Nimis,
« Photograph(ies) d'Afrique (Introduction) »,
Africultures n° 39, juin 2001, p. 5.
* 98 Mama Casset et les
précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 9.
* 99 ID., op.
cit, p. 10.
* 100 E. Nimis,
Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, p. 117.
* 101 Entretien avec
Bathily à Dakar le 29 novembre 2010.
* 102 Entretien avec son
jeune frère, Abdoulaye, photographe au Soleil, le 3
décembre 2010.
* 103 S. A. Cissé,
« Ibrahima Mbodj nous a quittes :
Salut l'« artiste » de la photo ! Adieu ... l'ami fidèle
! », (www. Lesoeleil.sn/article. Php3 ?id_article=6528)
consulté le 2 décembre 2010
* 104 ID.,
ibidem.
* 105 Aminata Touré
Sagna, « Awa Tounkara, une vie en photo, une carrière au
quotidien « le Soleil » »,
http://www.apanews.net/apa.php?page=cult_sqt_article&id_article=40847,
consulté le 23 mai 2008)
* 106 Entretien
réalisé avec lui le 7 avril 2010.
* 107 Biographie Babacar
Touré Mandémory
(www.africinfo.org/index.asp ?navig=personnalité&no=4736&table=personnes&code=SN)
consulté le 26 mai 2008.
* 108 Cf. Les Trottoirs de
Dakar. Paris : Editions Revue Noire (Collection Soleil), 1992, 96p..
* 109 ID.,
op. cit.
* 110 Biographie Bouna
Médoune Sèye (
www.africultures.com/php/index.php?nav=personne&no=4462)
consulté le 19 février 2010
* 111 Biographie Djibril
Sy, (
www.agencetopo.qc.ca/dakarweb/dakar/bio/Djibril_fr.html)
consulté le 19 février 2010.
* 112 Entretien
accordé à Maram Nour Goni, « Ndour Matar, des
photographies pour interpeller la société » (
www.tendancefloue.net)
consulté 13 août 2010.
* 113 ID.,
ibidem.
* 114 I. Thiombane,
« Matar Ndour : Objectif humain » (
www.au-senegal.com/Matar-Ndour-objectif-humain.html)
consulté le 13 août 2010.
* 115 ID.,
ibidem.
* 116 M. M. Faye,
« Photographie et bandes dessinées- Pape Seydi et TT Fons se
sont illustrés à Alger », Le Soleil,
du 23 juillet 2009, p. 7.
* 117 ID.,
ibidem.
* 118 El. H. M. Diouf,
« Résidence photographique- Pape Seydi bénéficie
d'une bourse de deux mois », Le Soleil du 30 avril
au 2 mai 2010, p. 19.
* 119 Entretien avec lui
à Dakar le 13 avril 2010.
* 120 Biographie Mamadou
Gomis (
www.actuphoto.com/photographes/biographies/mamadou-gomis-10449.html)
consulté le 27 novembre 2010.
* 121 B.
Diémé, La sociologie de la photographie : Etude du
rôle et des professionnels de la photographie à Dakar, op.
cit., p. 77
* 122 ID.,
ibidem.
* 123 E. Nimis,
Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, p. 91.
* 124 J-F. Werner,
« Le crépuscule des studios », op. cit., p.
94.
* 125 ID.
Loc. cit.
* 126 ID.
Loc. cit.
* 127 ID.
Loc. cit.
* 128 ID.,
op. cit, p. 95.
* 129 E. Nimis,
« Photograph(i)es d'Afrique (Introduction) »,
Africultures n° 39, juin 2001, p. 5.
* 130 J-F. Werner,
« Le crépuscule des studios », p. 94.
* 131 E. Nimis,
Photographes de Bamako. De 1935 à nos jours, p. 95.
* 132 J-F WERNER,
« De la photo de famille comme outil ethnographique. Une étude
exploratoire au Sénégal », L'Ethnographie,
XCII, 2, 1996, pp. 167-168.
* 133 J-F. Werner,
« Le crépuscule des studios », p. 96.
* 134 E. Nimis,
Photographes de Bamako. Paris : Editions Revue Noire, 1998, p.
116
* 135 ID.,
op. cit, p. 92.
* 136 J-F. Werner,
« Le crépuscule des studios », p. 96.
* 137 Voir J-F. Werner,
« Le crépuscule des studios », op. cit.
* 138 ID.,
op. cit, p. 93
* 139 Mama Casset et
les précurseurs de la photographie en Afrique, 1950, p. 11
* 140 Entretien avec lui
à Dakar le 26 mars 2010.
* 141 Cf. même
entretien.
* 142 J-F Werner,
« Produire des images en Afrique. Le cas des photographes de
studio », Cahier d'études
africaines, vol. 36, n° 141, 1996, p. 142.
* 143 J-F. Werner,
« Le crépuscule des studios », p. 97.
* 144 ID.,
op. cit, p. 97.
* 145 R. Le Saout,
Guide pour connaître la sociologie. Op. cit., p. 41.
* 146 ID.
Loc. cit.
* 147 R. Le Saout, p. 45.
* 148 ID.
Loc. cit.
* 149ID.
Loc. cit.
* 150 ID.,
op. cit, p. 47
* 151 Entretien avec elle
à Dakar le 28 novembre 2010.
* 152 H. Libong,
« Etre photographe à Dakar »,
(www.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=1609)
consulté le 27 avril 2010)
* 153 H. Libong,
« Etre photographe à Dakar »,
(www.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=1609)
consulté le 27 avril 2010)
* 154 Entretien avec lui
à Dakar le 13 mars 2010.
* 155 Convention Collective
des Journalistes et Techniciens de la Communication sociale du
Sénégal, Journal officiel de la République du
Sénégal, 10 avril 1991, p. 162.
* 156 Entretien avec lui
à Dakar le 21 janvier 2010.
* 157 Entretien avec lui
à Dakar le 3 décembre 2010.
* 158 E. Nimis (entretien
avec Héric Libong), « Quels marchés pour la
photographie de presse en Afrique » (
www.sudplanete.net/photo.php?menu=arti&no=5820)
consulté le 27 avril 2010.
* 159 H. Libong,
« Etre photographe à Dakar »,
(www.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=1609)
consulté le 27 avril 2010
* 160 Entretien avec lui
à Dakar le 7 avril 2010.
* 161 Entretien avec lui
à Dakar le 7 avril 2010.
* 162 Cf. même
entretien.
* 163 Cf. même
entretien
* 164Voir : B.
Diémé, La sociologie de la photographie :
étude du rôle et des professionnels de la photographie à
Dakar. Mém. de maîtrise Sociologie : Fac Lettres et Sc..
H. Univ. Cheikh Anta Diop de Dakar, 2005, 136 p ; I. Sarr, « Du
pouvoir de « vérité » au pouvoir symbolique
de l'image. Quand la photo d'actualité fait lien social au
Sénégal ! »,
http://www.africultures.com/popup_article.asp?no=3328&print=1,
consulté le 21 novembre 2008
* 165 L. Guéry,
« Du bon usage de la photo de presse » in : Le
Photojournalisme. Informer en écrivant des photos.
2ème édition. Presse et Formation, Editions du
CFPJ ; 1993, p. 13.
* 166 Entretien avec lui
à Dakar le 7 avril 2010.
* 167 ID.,
op. cit, p. 12.
* 168 Entretien avec lui
à Dakar le 21 janvier 2010.
* 169 M. Phoba,
« Photographes de presse au Bénin »,
Africultures n° 39, juin 2001, p. 11.
* 170 ID.,
ibidem.
* 171, L. Guéry,
« Du bon usage de la photo de presse » in : Le
Photojournalisme. Informer en écrivant des photos.
2ème édition. Presse et Formation, Editions du
CFPJ ; 1993, p. 13.
* 172 En
référence au titre de l'ouvrage de F. Ruffin, Les petits
soldats du journalisme. Paris : Edition : Les Arènes,
2003, 278 p.
* 173 E. Nimis,
« La photographie de presse sur le continent : Un potentiel
sous-exploité. »
www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=7115)
consulté en avril 2010.
* 174 Entretien avec lui
à Dakar le 7 avril 2010.
* 175 H. Libong,
« Etre photographe à Dakar »,
(www.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=1609)
consulté le 27 avril 2010)
* 176 E. Nimis (entretien avec
Héric Libong), « Quels marchés pour la photographie de
presse en Afrique » (
www.sudplanete.net/photo.php?menu=arti&no=5820)
consulté le 27 avril 2010.
* 177E. Nimis,
« La photographie de presse sur le continent : Un potentiel
sous-exploité. »
www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=7115)
consulté en avril 2010.
* 178E. Nimis,
« Photographie : un combat pour plus
d'équité »
www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=5804)
consulté le 30 avril 2010
* 179 M. Phoba,
« Photographes de presse au Bénin »,
Africultures n° 39, juin 2001, p. 12.
* 180 E. Nimis,
« Nigéria : le géant de la
photographie », Africultures n° 39, juin 2001, p.
17.
* 181 Entretien avec
Boubacar Touré Mandémory
(www.humanite.fr/2000-11-04_Cultures_-Culture-Entretien-avec-le-photographe-Boubacar-Toure-Mandemory)
consulté le 12 août 2010.
* 182 Entretien avec lui
à Dakar le 26 novembre 2010.
* 183 Entretien avec lui
à Dakar le 26 mars 2010.
* 184 J. - F. Werner,
« Le studio photographique comme laboratoire d'expérimentation
sociale ». Africultures n° 39 ; juin 2001, p. 39.
* 185 Entretien avec lui
à Dakar le 21 janvier 2010.
* 186 Entretien avec lui
à Dakar le 12 août 2010.
* 187 Cf. même
entretien.
* 188 Cf. même
entretien.
* 189 Cf. même
entretien.
* 190 Cf. même
entretien.
* 191 L. Guéry,
« Le rôle et l'histoire de la photo de presse (Introduction
première partie), in : Le Photojournalisme. Informer en
écrivant des photos. 2ème édition. Presse
et Formation, Editions du CFPJ ; 1993, p. 15.
* 192 Entretien avec lui
à Dakar le 4 juin 2010.
* 193 E. Nimis (entretien
avec Héric Libong), « Quels marchés pour la
photographie de presse en Afrique » (
www.sudplanete.net/photo.php?menu=arti&no=5820)
consulté le 27 avril 2010.
* 194 Entretien avec lui
à Dakar le 13 mars 2010.
* 195 Entretien avec lui
à Dakar le 7 avril 2010.
* 196 H. Libong,
« Etre photographe à Dakar »,
(www.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=1609)
consulté le 27 avril 2010.
* 197 Entretien avec lui
à Dakar le 21 janvier 2010.
* 198 L. Guéry,
« Du bon usage de la photo de presse », in : Le
photojournalisme. Informer en écrivant des photos.
2ème édition. Presse et Formation, Editions du
CFPJ ; 1993, p. 11.
* 199 ID.,
op. cit, p. 11.
* 200 M. Phoba,
« Photographes de presse au Bénin », Africultures
n° 39, juin 2001, pp. 11-12.
* 201 Ch. Caujolle,
« Entre la crise du visuel et celle d'une profession. Presse et
photographie : une histoire désaccordée »,
Le Monde diplomatique, septembre 2002, pp.
26-27.
* 202 ID.,
ibidem, pp. 26-27.
* 203 L. Guéry,
« Du bon usage de la photo de presse », in : Le
photojournalisme. Informer en écrivant des photos.
2ème édition. Presse et Formation, Editions du
CFPJ ; 1993, p. 12.
* 204 ID.,
op. cit, p. 12.
* 205 Entretien avec lui
à Dakar le 7 avril 2010.
* 206 Ch. Caujolle,
« Entre la crise du visuel et celle d'une profession. Presse et
photographie : une histoire désaccordée »,
Le Monde diplomatique, septembre 2002, pp.
26-27.
* 207 H. Libong,
« Etre photographe à Dakar »,
(www.africultures.com/php/index.php ?nav=article&no=1609)
consulté le 27 avril 2010.