1
Université de Reims Champagne
Ardenne
Mémoire d'Histoire en vue de l'obtention du Diplôme
d'Etude Approfondie Septembre 2003
Christophe LEON
Aspects d'un office du chapitre
de Notre-Dame de Paris :
les chanceliers de l'Université de
Paris
du milieu du XIIe au XVe
siècle.
Sous la direction de Monsieur Charles VULLIEZ.
(Université de Reims Champagne Ardenne)
2
Introduction.
« Depuis quelques décennies, se
dégageant d'une conception purement événementielle de
l'histoire, les historiens, à la suite de Lucien Febvre et de Marc
Bloch, accordent une attention particulière à l'observation du
milieu social et des mentalités. On a pris conscience qu'au-delà
même de la restitution du passé, l'histoire a pour
véritable objet de mieux faire connaître le comportement social de
l'homme. L'étude et la connaissance de l'origine familiale et sociale
des individus, de leur formation intellectuelle, de leur carrière, ont
permis, en effet, de rejeter bien des idées reçues et de mieux
saisir, à un moment donné de l'histoire, la place et le
rôle exacts occupés par ces hommes dans la société
de leur temps. Tel est le cas, notamment, des études qui ont
été consacrées pour le Moyen Âge, à l'examen
de différents groupes sociaux : parlementaires, avocats, universitaires
». Un peu plus de quinze ans après l'ouvrage de Robert
Gane1, il est possible de reprendre à notre compte son
constat tout en reconnaissant que les groupes sociaux universitaires ont, pour
leur part, été assez largement traités2.
Cependant, les groupes ecclésiastiques sont toujours peu
étudiés pour eux-mêmes, et, bien souvent, dans leur rapport
à l'autre ou à une partie de la société
médiévale. La tentative de Robert Gane, du fait de
l'étendue du groupe social, est restreinte au seul XIVe
siècle ; ce qui est déjà remarquable. Nous proposons une
démarche qui consiste à étendre le champ chronologique
tout en resserrant l'étude à un groupe canonial, celui des
chanceliers. Celui-ci se limite à une quarantaine de chanceliers qui se
sont succédés au sein du groupe canonial de Notre-Dame en charge
de l'Université de Paris. Mais, ce groupe couvre trois siècles,
du XIIe au XVe siècle.
C'est au tournant des XIe - XIIe
siècles que les structures scolaires de l'Occident se modifient sous
l'effet de l'essor urbain et du renouveau moral et spirituel de l'Eglise. A
côté des écoles cathédrales qui prennent de
l'ampleur et se multiplient, les écoles collégiales apparaissent
qui acquièrent pour certaines une grande réputation, telle celle
de Saint-Victor à Paris. Enfin, à côté de ces
écoles ecclésiastiques apparaissent des écoles
particulières, ouvertes par des maîtres, laïcs ou clercs, qui
enseignent aux adolescents qu'on leur confie
1 GANE, Robert, Le chapitre de Notre-Dame de
Paris au XIVe, Etude sociale d'un groupe canonial, Paris, 1985,
[15], Introduction.
2 Notamment grâce aux travaux récents
de Jacques Verger, dont l'Histoire des Universités en France,
Bibliothèque Historique [41], et Le chancelier et
l'université à Paris à la fin du XIIIe
siècle, in Les universités françaises au
Moyen Âge, [44].
3
moyennant finances, et attirent parfois des étudiants
nombreux en raison de leur réputation. Les écoles
cathédrales et canoniales relevaient de l'Eglise. Maîtres et
étudiants étaient généralement des clercs.
L'évêque ou l'abbé qui dirigeait, mais pas toujours, les
chanoines instituait, parmi eux un écolâtre - appelé
scolasticus ou cancellarius, chancelier, à Chartres ou
Paris, magister scolarum à Orléans, ou encore caput
scolae dans le Midi. Celui-ci contrôlait l'activité scolaire,
enseignait souvent, mais peut être pas toujours, et se faisait aider dans
les plus importantes écoles par des maîtres libres. Les
succès des écoles et l'importante circulation des maîtres
posèrent très vite la question de leur recrutement et de son
contrôle. A partir des années 1160, une licence d'enseigner,
« licentia docendi » fut instituée. Un maître
désirant enseigner devait se faire agréer par
l'évêque du lieu ou son représentant,
l'écolâtre ou le chancelier. Ce système fut
généralisé par le Concile de Latran III, sans concerner,
dans un premier temps, ni la médecine ni le droit, dont l'Eglise ne
pouvait contrôler l'enseignement. Rappelant la nécessité
pour chaque chapitre cathédral de tenir une école dispensant un
enseignement gratuit, le même concile statua sur la question de la
rétribution de l'écolâtre, auquel on devait attribuer une
prébende. Pourtant, durant tout le XIIe siècle, une
grande partie des revenus du chancelier provint de sommes versées pour
la collation du diplôme par les étudiants et leurs familles, ce
qui aboutit parfois à des excès auxquels le Concile de Latran III
avait justement tenté de mettre un terme. L'octroi de la licentia
docendi déboucha sur un conflit récurrent entre le
chancelier de Notre-Dame et l'Université de Paris.
Durant une première période, le conflit s'est
localisé dans la juridiction du chancelier de Notre-Dame et concernait
les moyens et les circonstances réunis pour la délivrance de la
licentia docendi. Durant une seconde période, la dispute s'est
centrée sur les modalités de l'examen des candidats avant leur
admission dans la société des maîtres ; cette dispute
recouvre en fait le problème de la distribution des licences et de leur
paiement. Cette seconde période, qui va jusqu'au XIVe
siècle, est également marquée par la confrontation entre
les deux dignitaires de l'Université, le chancelier et le recteur,
à propos de la question pour savoir lequel des d'entre eux était
supérieur à l'autre : « qui eorum major est. »
Au XVe siècle, la confrontation se termina par une
coexistence pacifique. Cependant, à la fin du Moyen Âge, la charge
de recteur est fragilisée à cause de l'influence du chancelier,
renforcée par un accroissement de leurs connaissances et de leur
réputation. Les qualités de direction des chanceliers ont
nettement renforcé l'aura de leur charge. Survivant à ces
conflits, ils sont
4
apparus comme la personnification de la dignité
scolastique dans la vie du « Studium Parisiense. »
Ce groupe des chanceliers est généralement
étudié pour le problème qu'il pose sur sa
compétence à délivrer la licentia docendi, alors
que ces lettrés sont, eux-mêmes, issus de l'Université, et,
pour la plupart, sont docteurs en droit. Ce problème de
compétence a été étudié à travers les
conflits qui opposent le chancelier et l'université, dès sa
constitution, mais aussi dans l'opposition entre le chancelier et le recteur.
Il parait nécessaire de reprendre cette étude tout en envisageant
un élargissement de la réflexion aux relations des chanceliers
avec l'ensemble de la société médiévale pour tenter
d'y mesurer leur place et leur influence.
Pour mener l'étude, un traitement statistique des
informations peut être utile. C'est pourquoi notre travail ébauche
une base prosopographique pour les chanceliers de l'Université de Paris.
Si l'étude des carrières ecclésiastiques et des
productions littéraires de quelques chanoines du chapitre de Notre-Dame
a donné lieu à de nombreux travaux, notamment sur Pierre le
Mangeur, Pierre d'Ailly, ou Jean Gerson3 ; l'établissement
d'une base prosopographique sur les chanceliers de l'Eglise Notre-Dame, en
raison de l'importance du corpus, ne peut être intégralement
réalisé dans un travail de DEA. Il faut envisager
l'élaboration complète de cette base dans un travail de
thèse en ne négligeant aucun aspect de la vie des chanceliers
retenus.
Dans le cadre du DEA, nous exposerons quelles sont les sources
à notre disposition pour le corps des chanceliers dans son ensemble,
quel cadre prosopographique4 il est possible d'envisager, pour
réaliser une étude plus systématique dans le cadre d'une
thèse et expliquer le fonctionnement de la charge de chancelier en
tentant de répondre à des questions aussi simples que : qui ?
comment ? quoi ? pourquoi ? où ? quand ?5 Nous proposerons un
extrait de cette base à travers deux études de cas : les
carrières de Philippe le Chancelier, chancelier
3 Cf. notamment, pour Pierre d'Ailly,
l'étude de Bernard Guénée ; GUENEE, B., Entre l'Eglise
et l'Etat, quatre vies de prélats français à la fin du
Moyen Âge (XIIIe - XVe siècles), [21],
Paris, 1987.
4 Les fiches biographiques tirées de
l'étude prosopographique tiennent compte des éléments
suivants n° de réf., nom vedette (le plus usité) (le latin
est accolé au nom vedette), dates fonction de chancelier, dates de
naissance et de mort, lieu d'inhumation, rang dans les ordres sacrés
(dont offices occupés au chapitre), origine sociale, origine
géographique, informations sur la parenté, carrière
bénéficiale (nom du diocèse, titre, dates d'attestation
dans ce titre), formation, carrière non bénéficiale dont
universitaire, références bibliographiques et sources ; cf.
chapitre 1.2.
5 Cf. comme guide pour la méthode la
collection des fasti ecclesiae gallicanae, t. 3, Diocèse de
Reims, ssd. Pierre Desportes, CNRS, 1998, Brépols : Répertoire
prosopographique des évêques, des dignitaires et des chanoines des
diocèses de France de 1200 à 1500, [10].
5
de juin 1218 au 23 décembre 1236, et de Grimaud
Boniface, chancelier du 15 octobre 1360 jusqu'avant le 20 octobre 1370. Puis,
nous présenterons les cadres institutionnels dans lesquels
évoluait le chancelier du fait de sa double appartenance au milieu
universitaire et canonial. Enfin, nous donnerons des essais de
définitions et nous observerons les évolutions de la fonction de
chancelier.
6
1. Critique des sources et méthodologie.
1.1. La critique des sources pour l'établissement
de la base prosopographique.
La constitution de notices prosopographiques est un exercice
difficile non seulement à cause des éléments constitutifs
de la base de donnée, mais également à cause de la
variété des sources qui peuvent être utilisées pour
l'étude. Il s'agit de se demander quels sont les renseignements qui, sur
un personnage donné, vont nous permettre de comprendre quelle sorte de
chancelier il a été. La base prosopographique doit amener
à la constitution d'une sorte de typologie des différents types
de chanceliers à travers leurs origines, leurs formations, leurs
carrières, leurs relations à l'intérieur du
chapitre6, mais aussi à l'extérieur de
celui-ci7.
La constitution de la base de donnée repose
également sur la pertinence et l'accessibilité des sources
retenues, ce qui pose un problème pratique. En effet,
l'accessibilité des sources se fait le plus souvent à travers des
compilations de lettres éditées à la fin du
XIXe siècle ; nous avons, pour le moment, retenu
essentiellement la collection des Chartularium Universitatis
Parisiensis8. Les sources sont, malheureusement, rarement
disponibles directement. Il est matériellement mal aisé de s'y
reporter car, pour certaines, leur conservation a été mal
assurée au cours du XXe siècle.
La seconde approche des sources provient d'études
réalisées sur les chanceliers au cours du XXe, qui se
réfèrent elle-même bien souvent au Chartularium
Universitatis Parisiensis. Il s'agit notamment d'études
réalisées par Astrik L. Gabriel, Robert Gane et Jacques Verger.
Leur intérêt pour les chanceliers est motivé dans les
relations de ces prélats avec l'université et il n'y a que Robert
Gane qui ait établi une base prosopographique, mais pour l'ensemble des
offices du chapitre de Notre-Dame. Il serait cependant nécessaire de
rendre compte de la vie des chanceliers non seulement à travers leurs
relations avec l'Université de Paris, mais aussi avec le reste de
l'Eglise et la société du temps, sans oublier
6 i. e. l'Eglise.
7 i. e. la société
médiévale dans son ensemble. Le problème de
l'Université est que celle-ci propose un cadre transversal à la
fois dans l'Eglise et dans la société du temps. Cette position
est d'ailleurs source de convoitises pour son contrôle de la part des
pouvoirs religieux et temporels, et les chartes garantissant l'autonomie des
universités, dont celle de 1205, ont dû être constamment
réaffirmées.
8 Denifle, H. -Chatelain, Ae, Chartularium
Universitatis Parisiensis, [IV], Paris, 1889 - 1896, t. I et
II.
7
de s'intéresser à la formation et à
l'origine de ces personnages et sur un temps long, c'est-à-dire au moins
du XIIe au XVe siècle9.
« Il est possible d'admettre sans difficulté,
j'estime », écrivait Langlois, « que les documents
les plus précieux pour l'histoire du Moyen Âge sont les lettres,
les lettres envoyées, à la fois les correspondances officielles
et privées ». Cette considération peut apparaître
quelque peu obsolète à la première lecture, cependant il
est difficile dans les faits de penser à l'existence d'un autre type de
source qui apporte autant d'éclairage dans une étude biographique
et l'établissement d'une base prosopographique. Les remarquables
adaptabilité et forme du genre lui permettent de toucher presque tous
les aspects de la vie et de ce qui concerne le Moyen Âge. Mais il faut
bien se garder d'étendre ce genre de considération en dehors de
ce qu'il faut appeler les vraies lettres et non celles fabriquées,
notamment au XIIIe siècle, pour servir de modèle au
dictamen. L'utilité de ces vraies lettres en tant que source
historique réside précisément dans le fait que celles-ci
sont les reflets de faits réels et vécus10.
Les documents tirés du Chartularium Universitatis
Parisiensis sont des lettres des chanceliers ou adressées aux
chanceliers et non des histoires de leurs vies ; mais il ne s'agissait pas pour
les auteurs de cette collection de réaliser des notices
biographiques11. Ils
9 Dans la perspective d'un travail de thèse,
il est possible d'envisager de travailler sur l'ensemble des chanceliers qui se
sont succédés à ce poste de Odon jusqu'au moins le
XVIe siècle inclus afin de bien saisir l'évolution de
la fonction sur le long terme.
10 Si ces lettres fictionnelles constituent
néanmoins un corpus intéressant pour l'étude de
l'histoire médiévale, ce n'est pas le propos de cette
étude.
11 « His collectis (documenta chartularia), facile
intelligas Cancellarium Parisiensem tempore interposito multa amisisse : primum
in actione in magistros et scholares exercita, ut supra demonstrauimus, deinde
in aemulatione nata cum abbate, postea cum Cancellario S. Genouefae, denique
emergente Rectoris auctoritate, ut breui exponemus. Nihilominus tamen saeculo
XIII Cancellarius Parisiensis, ut nemo alius, in Uniuersitate Parisiensi summum
imperium retinuit. Anno 1234 decanus ecclesiae Parisiensis in quadam causa
contra Cancellarium Paris, duos iudices « habebat ea ratione suspectos,
quod cum Parisienses scolares existerent, ratione iurisdictionis ordinarie,
quam obtinet in eisdem, subiecti erant Cancellario memorato ». Magister
Artium Iohannes de Garlandia circa medium saeculum de Cancellario Parisiensi
sic loquitur : « Parisius studii directas ducit habenas ». Eandem
fere locutionem hic notemus quam de scholastico Aurelianensi anno 1301
adhibebat pontifex Bonifatium VIII : « Ad quem studii gubernatio et
dispositio (...) pertinet ». Etiam anno 1283 tametsi plurinum Rector
Uniuersitatis potestatem suam auxerat, Cancellarius se caput Uniuersitatis esse
contendebat, « in quem ipsa potestatem non haberet sicut nec inferior un
superiorem. Quanquam procurator Artistarum Iohannes de Malignes contre nisus
est et Rectorem caput esse declarauit, summus pontifex, apud quem ea causa
pendebat, Cancellario Parisiensi satisfecit, ut patet ex epistolis an. 1284 et
1286. Cancellario Parisiensi hoc saeculo maximas partes in Uniuersitate
tributas esse eo quod Cancellarius ecclesiae Parisiensis esset atque in Insula
sub eius iuridictione Uniuersitas formata foret, agnoscendum ; nihil mirum quod
nomina omnium, inter quos celeberrimi numerantur, ad nos peruenerunt, cum
Cancellarii S. Genouefae, quorum institutio posterior fuit, ut occasione tantum
data, uix rari in scriptis appareant Seriem Cancellariorum Parisiensium illius
temporis, cum uulgo male nota sit, describendi occasionem arripiemus, initium
capiendo ab illo qui primus in nostro Chartulario occurit usque ad ultimum.
Manca neque errorum expers est nomenclatura apud HEMERAEUM, De Academia
Parisiensi, pag. 105 sqq., sicut et une Registro (saec. XVIII) Arch. Nat., LL
189 ; fol. 23. -Terminos a quo et ad quem non semper pro certo definire
possumus.
8
sont des témoignages directs de l'action de ces hommes
à un moment donné, et, par conséquent, ils restent
fragmentaires dans une perspective d'ensemble d'une carrière.
Le Chartularium Universitatis Parisiensis est
constitué de quatre volumes classant chronologiquement des documents
épistolaires ayant pour objet l'Université de Paris et ses
membres, parmi lesquels les chanceliers du chapitre de Notre-Dame, depuis
l'année 1163 jusqu'au XVIe siècle.
Cette compilation repose elle-même sur le travail d'un
érudit du XVIIe siècle, César Egaste sieur Du
Boulay, qui a rédigé une Historia Universitatis
Parisiensis, en six volumes, entre 1665 et 1673 ; il s'appuyait
lui-même essentiellement sur les archives de l'Université de
Paris. Le Chartularium Universitatis Parisiensis propose de reprendre
ce travail et d'en corriger les erreurs. Les corrections ou les
compléments d'informations s'appuient sur les archives de
l'Université de Paris proprement dite, sur celles des collèges
voisins de l'Université, comme Sainte-Geneviève, sur celles du
Vatican, sur celles de différentes institutions religieuses de plusieurs
régions françaises, soit qu'elles confirment ou qu'elles
infirment les renseignements donnés. Ces archives régionales sont
notamment conservées par les services départementaux de la
Côte d'Or, de l'Aube, des Bouches-du-Rhône, du Loiret. Ils
s'appuient également sur les chartes de l'Eglise de Paris, notamment
celles de Notre-Dame de Paris, telles qu'elles ont été
éditées par Guérard, en quatre volumes, en 1850. Ainsi,
l'observation de l'origine des différentes archives propose une
idée assez précise de l'influence de l'Université de Paris
et des enjeux qu'elle représentait, tant dans la capitale du royaume
qu'au niveau du royaume lui-même et de la chrétienté
occidentale, puisque l'Europe ne connaissait d'autre principe d'unité
que la foi qui l'animait et que la pensée se manifestait tout
entière sur le plan chrétien. Outre l'origine, la nature des
différentes lettres proposées dans le Chartularium
Universitatis Parisiensis doit permettre, en classant les
différents types d'auteurs et de destinataires de celles-ci,
d'appréhender spatialement l'importance de l'Université de Paris,
en distinguant les privilèges, qu'ils soient royaux ou pontificaux,
des
Odo fuit saltem anno 1164 usque ad annum fere 1168. Petrus
Comestor, 1168 usque ad annum fere 1180. Hiduinus, 1180 ... 1193 (?). Petrus
Pictauensis, circa 1193 usque 1205. Bernadus Chabert, 1205. Prepositinus, 1206
usque ad an. Fere 1209. Iohannes de Candelis, 1209 usque 1214 uel 1215.
Stephanus Remensis, 1214 uel 1215-1218. Philippus de Grèue, 1218-1236.
Guiardus, 1237-1238. Odo de Castri Radulphi, 1238-1244. Petrus Paruus, 1244
usque ad an. Fere 1263. Galterus, 1246-1249. Heimericus de Ueire, 1249 usque ad
an. Fere 1263.
Stephanus Tempier. Nicolaus, 1268-1271. Iohannes
Aurelianensis, 1271-1280. Philippus de Thoriaco, 12801284. Nicolaus de
Nonancuria, 1284 ssq. Cancellariorum S. Genouefae duorum tantum nomina inuenire
potuimus ».
Denifle, H. -Chatelain, Ae, Chartularium Universitatis
Parisiensis, [IV], Paris 1889 - 1896, t. I, p. XIX - XX.
9
simples suppliques, des bulles, des recommandations, tout en
recentrant constamment l'étude autour du chancelier. Mais ce travail,
long et laborieux, n'est pas envisageable dans le cadre d'un DEA, et il
paraît plus raisonnable de l'intégrer à un travail de
thèse. Il est en effet indispensable de prévoir, dans la base
prosopographique des chanceliers, l'établissement d'une base de
données détaillée dévolue aux seules sources, en
commençant par le Chartularium Universitatis Parisiensis, ce
que nous ne faisons pas ici. L'établissement d'une typologie des lettres
par leurs auteurs, leurs destinataires et leur origine géographique doit
permettre, en les croisant avec d'autres sources, de s'assurer de
l'authenticité de chacun des documents. Il faudra ensuite se
référer directement à la source originale, si elle est
encore disponible, pour contrôler le contenu de chacun des documents.
Outre les lettres et des collections comme celle du Chartularium
Universitatis Parisiensis, nous disposons également des autres
productions littéraires des chanceliers comme les sermons et qui, pour
certains comme Jean Gerson, ont été édités. Pour ce
type de document également, il paraît souhaitable d'avoir la
même démarche euristique que pour les lettres. Mais nous ne
saurions nous contenter que de ces types de documents et nous devrons
rechercher tous ceux ayant un rapport avec la figure du chancelier.
Néanmoins, les différentes catégories
retenues pour constituer la base prosopographique doivent, dans un premier
temps, s'appuyer sur ce qu'il y a d'immédiatement disponibles, les
études, ou, comme nous l'avons dit, plus difficiles à atteindre,
les sources elles-mêmes. Ceci permet de constater une carence de
renseignements que seuls un recensement et sa publication de l'ensemble des
sources pourraient palier, par la suite, puisque, en effet, le Chartularium
Universitatis Parisiensis n'est pas, non plus, comme les ouvrages du
même type qui l'ont précédé, exempt d'erreur
d'identification des documents sur lesquels il s'appuie. Nous ne pouvons
ignorer aucune source même si elles n'ont pas nécessairement un
rapport direct avec notre sujet, comme pour les sermons. Mais, si nous ne
voulons pas nous fourvoyer dans leur exploitation, nous devons connaître
et rappeler les caractères spécifiques de chaque genre et ainsi
établir une typologie perfectible, sur un même modèle pour
chaque source, afin de croiser les informations, comme nous l'avons
indiqué ci avant. Celle-ci doit exposer la nature propre de chaque genre
de sources et arrêter les règles spéciales de critiques
valables pour chacune. Cette typologie est alors intégrée
à la base prosopographique complète. En étudiant,
notamment, la carrière et la filiation de personnages, elle peut
permettre d'approcher la vie de ceux-ci, et ici des prélats, dans tous
les domaines,
10
également social, afin de tenter de mieux cerner leur
personnalité en tant que chancelier. Il ne s'agit donc pas, comme c'est
le cas ici, d'en rester à une simple description d'une personne, au sens
étymologique, mais il doit nous permettre de tenter de dresser pour
chaque chancelier un profil psychologique.
Dans l'approche des chanceliers du chapitre de Notre-Dame, il
est également nécessaire d'envisager l'étude de ces
personnages à travers les cadres dans lesquels ils évoluent,
c'est-à-dire le chapitre et l'Université. Ces deux institutions
sont le sujet de nombreuses études mais sont aussi à l'origine de
la constitution de collections de documents comme les lettres du
Chartularium Universitatis Parisiensis, évoquée plus
haut, ou les registres capitulaires de la collection Sarasin12.
Celle-ci est constituée d'une centaine de volumes et est aujourd'hui
conservée aux Archives nationales sous les cotes LL. 253 à 354 et
LL. 80 à 82. Cependant, certains volumes sont en mauvais état et
leur communication au public est très limitée13. La
première série, qui a retenu notre attention, est
constituée de quatre-vingt-huit volumes14. Outre des volumes
portant le titre de Varia, se rapportant aux objets divers dont le
chapitre a eu à s'occuper accidentellement, elle comporte des volumes
qui s'intercalent alphabétiquement et qui sont tout entier
consacrés aux matières qui touchent directement le chapitre.
Ainsi les séries LL. 265 et LL. 266, intitulées dignitates et
personatus ecclesiae parisiensis, comportent, respectivement pour chaque
volume, des feuillets 239 à 303 et 232 à 294, des indications
à propos des De Cancellario et Cancellaria15. Ces
feuillets nous ont permis de trouver rapidement des renseignements
biographiques sur quelques-uns des chanceliers qui nous
intéressent16.
A l'issue de cette présentation sommaire des sources
consultées, nous souhaitons exprimer une dernière mise en garde.
Parmi les événements qui ponctuent la vie de nos chanceliers, il
en est un qui revient d'une manière récurrente pour nombre
d'entre eux. Il s'agit, nous l'avons dit plus haut, des conflits qui ont
opposés ce dignitaire du chapitre à
12 Cf. Bibliographie.
13 Nous tenons ici à remercier monsieur
Ghislain Brunel, conservateur en chef de la section latine des Archives
nationales, qui nous a permis d'accéder aux volumes LL. 265 et LL. 266,
[XII], qui ne sont plus en consultation à cause de leur mauvais
état de conservation.
14 La seconde série, dite topographique,
comporte une vingtaine de livres et fournit des renseignements sur les
localités qui font partie du domaine du chapitre.
15 Il existe aussi une collection de feuillets
ayant pour sujet la faculté de décret et celle de
théologie, référencée LL. 283, [XII].
Varia. f). 137 et f). 138, que nous n'avons pas consulté.
16 Notamment des renseignements à propos du
conflit qui oppose le recteur au chancelier ; cf. infra note 138.
11
l'Université. Cependant, la reconstitution de cette
longue querelle n'est pas facile car nous ne disposons, nous avons tenté
de le montrer, que de documents indirect. Pour la plupart, il s'agit, si l'on
s'en tient essentiellement au Chartularium Universitatis Parisiensis,
de privilèges octroyés par les papes et leurs légats.
S'ils nous renseignent précisément sur les arbitrages
imposés par le pouvoir pontifical, ils ne nous donnent que peu
d'indications quant à la chronologie du conflit17, ni
n'indiquent clairement les initiatives et les motivations propres des
adversaires. Il serait nécessaire dans un travail plus approfondi
d'éclaircir ce point.
La liste des chanceliers que nous retenons est celle
établie par Denifle et Chatelain18, reprise et
complétée par Astrik L. Gabriel19, et celle
établie par l'anonyme du manuscrit d'Ajaccio20,
complétée par celle de la collection Sarasin21, en
ayant pris soin de replacer chacun à sa date (tableau 1). Elle est
suivie de la réflexion que nous avons entrepris pour
l'élaboration de la base prosopographique afin de réaliser une
étude de la fonction de chancelier du chapitre Notre-Dame de Paris et
pouvoir répondre à la question suivante pour chaque individu
retenu : quel type de chancelier a-t-il été ?
17 Même si nous semblons en donner une assez
précise dans la troisième partie sur le chancelier.
18 CUP, [IV], I, p. XIX - XX, op. cit..
19 GABRIEL, Astrik L., The conflict between the
chancellor and the University of masters and students at Paris during the
middle ages, [14], 1976.
20 MS Ajaccio, [III], BM I38, fol. 71 - 135.
21 LL. 265, [XII], f°. 239-303 ; LL. 266, [XII],
f°. 232-294.
12
Tableau 1 : Liste des chanceliers de l'Université
de Paris du XIIe au XVe siècle.
|
N°
|
NOM + Prénom
|
Années de chancellerie
|
Siècle
|
1
|
Eudes, Odon, Odo.
|
de 1164, ou plus tôt, à 1168.
|
XII
|
2
|
Pierre le Mangeur, Petrus Comestor (Manducator).
|
de 1168 à 1178.
|
3
|
Alduin, Hilduinus.
|
de 1180 (?) à 1193 (?), mentionné, pour la
première fois, en 1185 et, pour la dernière fois, en 1191.
|
4
|
Pierre ou Petrus Pictavensis.
|
de 1193 à 1205 (?), mentionné pour la
dernière fois en 1204.
|
XIII
|
5
|
Bernard ou Bernadus Chabert.
|
de 1205 à 1206 (?).
|
6
|
Prévôtin, Prepositinus.
|
de 1206 à 1209.
|
7
|
Jean de la Chandeleur, Johannes de Candelis.
|
de 1209 à 1214 ou 1215.
|
8
|
Etienne de Reims, Stephanus Remensis.
|
de 1214 ou 1215 à 1218.
|
9
|
Philippe le Chancelier, Philippus Cancellarius.
|
de juin 1218 au 23 décembre 1236.
|
10
|
Guiard ou Guiardus (Wiard, Willard, Guiardinus) de Laon.
|
de 1237 à 1238.
|
11
|
Eudes de Châteauroux, Odo de Castro Radulphi.
|
avant juin 1238 jusqu'à 1244.
|
12
|
Pierre le Petit, Petrus Parvus.
|
de 1244 à 1245 ou 1246.
|
13
|
Gautier de Château-Thierry, Galterus de Castello
Theodorici.
|
d'août 1246 à juin 1249.
|
14
|
Hamery de Vaire, Haimericus (Heimericus) de Veire.
|
de 1249 jusqu'après le 23 juin 1262, mais avant mars
1263.
|
15
|
Etienne Tempier, Stephanus Tempier.
|
avant le 23 juin 1262, mais avant mars 1263 à octobre
1268.
|
16
|
Nicolas d'Orléans. Maître Nicolas, Magister
Nicolaus.
|
de 1268 à octobre 1271.
|
17
|
Jean d'Alleux d'Orléans, Johannes de Allodio,
Aurelianis.
|
de 1271 au 20 avril 1280.
|
18
|
Philippe de Thory, Philippus de Thoriaco.
|
après le 20 avril 1280 jusqu'avant le 24 octobre 1284.
|
19
|
Nicolas de Nonancourt, Nicolaus de Nonancuria.
|
de 1284 jusqu'à la fin de 1288.
|
20
|
Berthault de Saint Denis, Bertaudus de S. Dionysio.
|
de la fin de 1288 à la fin de 1295.
|
21
|
Pierre de Saint-Omer, Petrus de S. Audomaro.
|
du 17 juin 1296 jusqu'avant le 8 juillet 1303.
|
22
|
Simon de Guiberville, Simon de Guibervilla.
|
d'avant le 8 juillet 1303 aux environs de 1309.
|
XIV
|
23
|
Francesco Caraccioli, Franciscus Caraccioli.
|
D'environ 1309 au 31 mai 1316.
|
24
|
Thomas de Bailly, Thomas de Bailliaco ou de Baillaco.
|
D'avant le 27 septembre 1316 jusqu'au 9 juin 1328.
|
13
Tableau 1 : Liste des chanceliers de l'Université
de Paris du XIIe au XVe siècle.
|
|
25
|
Jean de Blois, Johannes de Blesis.
|
D'avant le 13 décembre 1328 jusqu'avant le 15 septembre
1329.
|
26
|
Guillaume Bernard de Narbonne, Guillelmus Bernardi de
Narbona.
|
du 15 septembre 1329 jusqu'avant le 7 mars 1336.
|
27
|
Robert de Bardis, Robertus de Bardis.
|
du 7 mars 1336 jusqu'avant le 26 octobre 1349.
|
28
|
Jean d'Assiaco, d'Acy, Johannes de Aciaco.
|
d'avant le 26 octobre de 1349 jusqu'aux environs d'octobre
1360.
|
29
|
Grimaud Boniface, Grimerius Bonifaci.
|
du 15 octobre 1360 jusqu'avant le 20 octobre 1370.
|
30
|
Jean de Calore, Johannes Petri de Calore.
|
du 20 octobre 1370 jusqu'aux environs de 1380.
|
31
|
Nicolas de Saint Saturnin, Nicolaus de Sancto Saturnino.
|
de 1380 jusqu'avant le 15 juillet 1381.
|
32
|
Jean Blanchart, Johannes Blanchart (Blanchardi, Blancard,
Blankaert, Blankart).
|
du 15 juillet 1381 jusqu'avant le 28 septembre 1386.
|
33
|
Jean de Guignecourt, Johannes de Guignecourte (ou
Guignicourt).
|
du 28 septembre 1386 jusqu'au 7 octobre 1389.
|
34
|
Pierre d'Ailly, Petrus Alliacus (d'Ailly). Petrus de Alliaco.
|
du 7 octobre, 1389 jusqu'après le 13 avril 1395.
|
35
|
Jean Gerson, Jean Charlier dit, Johannes Gerson (Iohannes
Iarsonne).
|
d'après le 13 avril 1395 jusqu'au 12 juillet 1429.
|
XV
|
36
|
Gérard Machet. Gerardus Macheti.
|
de janvier 1415 à mai 141822
|
37
|
Jean de Courtecuisse. Johannes Breviscoxae.
|
autour du 1er mai 1419 à 142122
|
38
|
Régnauld de Fontaines. Reginaldus de Fontanis.
|
de 1421 à 142222
|
39
|
Jean Chuffart. Johannes Chuffart
|
du 20 mai 1433 au 8 mai 1451.
|
40
|
Robert Ciboule
|
entre le 18 et 21 mai 1451 jusqu'au 12 août 1458
|
41
|
Jean de Oliva. Johannes de Oliva
|
vers 1459 au 24 février 1471
|
42
|
Denis Cytharedi, le Harpeur. Dionysius Herpeur.
|
du 3 mars 1471 à septembre 1482
|
43
|
Ambroise de Cambrai. Ambrosius de Cameraco
|
du 25 octobre 1482 au 11 avril 1496.
|
22 Ces trois prélats ont été
nommés par le pape comme vice-chancelier, ils sont également
cités dans le MS Ajaccio, [III], avec d'autres, fol. 131 : «
Pendant l'absence de Jean Gerson. Gérard Machet, que Gerson avait
nommé son vice-chancelier, exerça la chancellerie, il
était chanoine de Paris. Gérard n'ayant pu exercer longtemps, le
chapitre nomma. 1°. Regnault de Fontaines en 1423 qui était
chanoine. 2°. Dominique Parui, aussi chanoine. 3°. En 1427, Pierre de
Dirrhei, doyen de la faculté et chanoine de la Sainte Chapelle. 4°.
Jean Beaupère pulchripater. 5°. Jean Barroy. 6°. Jean Sannier.
». Seuls ces trois vice-chanceliers sont retenus car les autres ne
sont donnés que dans le MS Ajaccio et ne sont cités par Denifle
et Chatelain que comme des personnages n'ayant jamais pris leur fonction, CUP,
[IV], IV, p. XXXII.
14
1.2. La base prosopographique des chanceliers du
chapitre de Notre-Dame et de l'Université de Paris du XIIe au
XIVe siècle : méthode et exemples : Philippe le
Chancelier et Grimaud Boniface.
« La prosopographie n'est pas une compilation de vies
courtes ou simplement une collection de biographies, telles qu'elles peuvent
être identifiées dans la littérature occidentale au moins
depuis Plutarque. L'utilisation de la prosopographie, comme toutes les autres
méthodes historiques, varie selon le contexte d'étude. Celle-ci
dépend généralement de deux facteurs distincts mais qui
sont reliés : la disponibilité de différents types de
sources matérielles et la catégorie de questions que l'historien
considère comme la plus significative, et ce qu'il y a de plus terrible
à tenter de résoudre dans ce contexte particulier. Il est
possible de clarifier la méthode prosopographique en retenant deux types
extrêmes de sources la collection d'un nombre relativement restreint de
documents concernant un grand nombre de personnes ou la collection d'un nombre
important de documents sur un petit nombre de personnes. La prosopographie
n'est pas une sorte méthode de l'histoire à part entière.
Elle n'est ainsi pas comparable à l'histoire constitutionnelle,
politique, ecclésiastique, sociale, culturelle, économique ou
démographique, mais elle peut être utilisée en relation
avec celles-ci, avec patience et application, et aussi beaucoup de
précaution et de recul. » C'est cette mise en garde de
Jean-Philippe Genet23 que nous avons eu en mémoire lors de la
réflexion pour la constitution de notre base de donnée. Nous
sommes dans le cas où le nombre de personnes est relativement restreint
et le nombre de documents y faisant référence est très
important24. La méthode prosopographique soulève de
nombreuses interrogations dans un premier temps plus qu'elle ne donne des
éléments pour étudier un groupe de personnage. Il ne
s'agit pas d'une simple étude statistique mais de donner la
définition d'une population et de rechercher des renseignements
homogènes25. Ces renseignements permettent ensuite de
23 GENET, Jean-Philippe & LOTTES, Günther,
L'Etat moderne et les elites, XIIIe - XVIII e
siècles. Apports et limites de la méthode prosopographique,
Actes du Colloque international CNRS-Paris I, 16-19 octobre 1991, Histoire
moderne n° 36, Publications de la Sorbonne, Université de Paris I,
[16], 1996, Introduction.
24 Dans cette première approche et dans le
cadre du DEA, nous n'avons pas jugé utile de remonter au-delà des
sources déjà imprimées, en dehors du manuscrit
d'Ajaccio.
25 Définition donnée par Mme H.
Millet au cours d'un entretien et à qui nous exprimons ici nos
remerciements pour ses conseils, ainsi qu'à Mme E. Mornet ; cf. [33].
15
retracer une histoire sociale globale d'un groupe
définis26. Dans le cas des chanceliers, il s'agit notamment
de réaliser, à partir de l'ensemble des monographies, une
description de l'évolution du cancellariat du XIIe au
XIVe siècle. Cette évolution est visible à
travers le comportement de chacun des chanceliers durant la période de
sa charge. Si l'on part du principe que le chancelier est avant tout un membre
du chapitre de Notre-Dame, la fiche d'identité d'un
ecclésiastique peut se décomposer selon son profil culturel
(études, grades universitaires, possession de livres, production
intellectuelle27), sa carrière ecclésiastique et sa
carrière professionnelle. En ce qui concerne notre groupe, chaque fiche
contient les critères suivants :
- n° de réf. : ce numéro
est celui de l'ordre chronologique ;
- nom vedette (le plus usité) (le
latin est accolé au nom vedette) ;
- carrière universitaire dont dates fonction de
chancelier28 : les dates exactes varient selon les auteurs
et nous retenons, dans un premier temps, celles posées dans le
Chartularium Universitatis Parisiensis, modifiées par celles
données par Astrik L. Gabriel29, et celles du MS d'Ajaccio
;
- origine géographique (avec les dates
de naissance et de mort ; lieu d'inhumation) ;
- origine sociale : ce sont les informations
sur la parenté ;
- carrière ecclésiastique ou
bénéficiale : rang dans les ordres sacrés ;
offices occupés au chapitre nom du diocèse, titre, dates
d'attestation dans ce titre. La carrière de chancelier pourrait
également être placée dans cette catégorie.
- carrière administrative ou politique :
offices occupés en dehors de l'Eglise.
- formation universitaire : en ce qui
concerne la formation des chanoines, le Chartularium Universitatis
Parisiensis apporte les renseignements sur ceux qui ont
fréquenté l'Université de Paris - dont la chancellerie est
sous la direction du chancelier de Notre-Dame - et ont obtenu leurs grades
universitaires dans une des quatre grandes facultés : la faculté
des Arts qui
26 Dans sa thèse sur La
société politique et la crise de la royauté sous Philippe
de Valois, [6], Cazelles est largement tributaire des méthodes
prosopographiques ; il y étudie les origines locales, sociales et
intellectuelles du personnel politique, ainsi que la qualification, la
nomination et la carrière des membres.
27 Cet aspect peut être plus
précisément étudié dans une base de données
complémentaire distinguant les différents types de production,
comme les sermons, les recueils de poèmes, les exemplae, les
manuels d'ars dictaminis.
28 Nous n'avons pas voulu pour le moment dissocier
la fonction chancelière du cadre universitaire où elle trouve
l'essentiel de son expression et de sa raison.
29 GABRIEL, Astrik L., The conflict between the
chancellor and the University of masters and students at Paris during the
middle ages, [14], 1976, p. 146-151.
16
dispense la culture générale et l'apprentissage
du raisonnement (grammaire, rhétorique, dialectique...) et ouvre la
porte aux trois autres facultés : celle de Théologie, dont les
études sont très longues, celle de Médecine et celle de
Droit canon ou de Décret. La carrière de chancelier pourrait
également être placée dans cette catégorie.
- oeuvres littéraires :
catégorie recensant toutes les productions du personnage.
- références sources
éditées ou non : sources dans lesquelles soit il est
fait mention du personnage ;
- références études
éditées : études dans lesquelles il est fait
mention du personnage.
Lorsque l'on construit une base prosopographique, la
première difficulté est d'avoir suffisamment de matériau
pour alimenter toutes les catégories retenues dans la base. Mis à
part la difficulté d'accès direct aux sources et leur dispersion,
il faut savoir, avant d'effectuer ces recherches, quels sont les renseignements
que l'on souhaite sérier. Cela n'empêche nullement de
redéfinir par la suite les catégories retenues dans la base de
donnée et, le cas échéant, de consulter à nouveau
les sources. Il y a donc tout un travail empirique au départ afin
ensuite de répondre dans l'ordre aux trois grandes phases de tout
travail prosopographique : recensement des individus, identification des
individus, traitement des informations.
Dans la phase de recensement, la confection d'un
répertoire des chanceliers à travers une base prosopographique
doit concerner l'ensemble des membres de la population retenue30.
Même si nous nous sommes ici essentiellement appuyés sur des
sources littéraires et universitaires afin d'étudier les
chanceliers, il ne faut cependant pas oublier que les membres du chapitre
cathédral, quelque soit leur rang dans l'Eglise, appartiennent à
un groupe possédant des archives où ils apparaissent à la
fois de façon collective et individuelle.
Aussi les documents comportant les listes de chanoines, comme
celles établies par Sarasin, qu'ils soient ou non juridiques,
constituent dans le cadre d'une étude systématique un
matériau à privilégier. Cependant, ils ne sont, bien
souvent31, que parcellaires et ils ne répondent
qu'imparfaitement à cet objectif de recensement. Après la phase
de recensement des documents à portée collective, il est
nécessaire d'envisager l'appel aux sources concernant les individus.
Cependant, ces sources sont diverses et dans le cas des chanceliers aussi
bien
30 C'est pourquoi il serait bon d'ouvrir dans un
travail de thèse la période de recensement après le
XVe siècle pour obtenir une vision d'ensemble de
l'évolution de la fonction.
31 Ainsi la liste des chanceliers proposée
dans le MS Ajaccio, [III], ne recoupe qu'incomplètement celle
proposée par Sarasin ; de même pour la liste proposée dans
le CUP, [IV], I, p. XIX-XX.
17
d'ordre administratif, lettres, suppliques et autres, que
scolastique, notamment avec les traités de dictamen,
théologique, universitaire et, même pour certains d'entre eux,
littéraire. Lorsqu'il s'agit de documents officiels, comme ceux
émanant des autorités ecclésiastiques, comme les lettres
ou les suppliques, il n'y a généralement pas de problème
pour les recenser32.
En ce qui concerne l'identification des individus, la
principale difficulté provient du fait qu'un même individu peut
avoir plusieurs dénominations et que pour chacune d'entre elles il peut
y avoir des variantes anthroponymiques. Outre les orthographes
fantaisistes33, il convient de reconnaître les surnoms,
l'utilisation du nom latin et du nom en langue vernaculaire. Cependant, au
moment de la constitution de la base prosopographique, il est impossible de
retenir toutes les dénominations, c'est pourquoi nous n'avons,
généralement, retenu que la traduction vernaculaire la plus
courante, nom de vedette, et son équivalence latine. Ainsi si un
individu possède à la fois un patronyme avec un toponyme, comme
Jean d'Orléans ou Johannes de Allodio, ou un surnom, comme
Pierre le Mangeur ou Petrus Comestor ou Petrus Manducator,
toutes ces appellations ont été intégrées en
fonction de la place disponible dans la base de données. Cette
pluralité des dénominations a pour but de faciliter les
identifications selon les sources étudiées et leur édition
partielle dans cette étude. Cependant, il ne faut pas considérer
que seul le critère homonymique a été retenu pour attester
qu'une source traitait d'un individu en particulier. C'est par une datation
scrupuleuse des faits rapportés que cette identification a
été le plus généralement établie.
L'identification de chaque chancelier est enfin réalisée dans la
base par l'attribution d'un numéro de 1 à 4334. Cette
numérotation est totalement empirique puisque le numéro 1 est
attribué au plus ancien chancelier identifié, Eudes ou
Odon, jusqu'au dernier apparaissant dans les sources retenues,
Ambroise de Cambrai ou Ambrosius de Cameraco. Ce travail
préliminaire d'identification était nécessaire afin de
pouvoir établir une chronologie exacte afin d'écarter tous les
événements concernant nos chanceliers en dehors de cette fonction
universitaire et ecclésiastique précise35, et pouvoir
proposer des définitions de cet office.
32 En ce qui concerne les chanceliers, on ne
rencontre pas les mêmes problèmes qu'avec les chanoines qui ne
sont pas toujours titulaires effectifs de leurs charges quand, notamment,
certains courriers pontificaux leurs sont adressés. Le chancelier est
normalement un chanoine à part entière, c'est-à-dire
prébendé.
33 Mais le concept d'orthographe correcte est lui
même une invention récente.
34 Et non 40, si l'on considère qu'il faut
intégrer dans l'étude les trois vice-chanceliers qui
officièrent sous le cancellariat de Gerson.
35 Parmi les chanceliers étudiés quatre
chanceliers devinrent évêques et quatre cardinaux.
18
Ce travail prosopographique pose cependant le problème
de la brièveté des informations qui sont livrées, car il
ne s'agit pas d'un travail encyclopédique comme celui proposé
pour Pierre d'Ailly par Bernard Guenée36, par exemple. Les
personnages qui possèdent les notices biographiques les plus fournies
sont généralement ceux qui sont le plus présent dans les
sources. Cependant, l'exiguïté des catégories de la base de
donnée peut être un motif d'insatisfaction dans la mesure
où les informations concernant certains chanceliers débordent
largement ce cadre. C'est pourquoi dans un travail plus approfondi, il faudra
envisager d'établir des notices biographiques plus complètes,
tenant compte du fait que pour certains chanceliers les informations restent,
à l'inverse de ce qui vient d'être dit, très lacunaires.
Les renseignements donnés dans les notices proviennent donc des sources
retenues mais pas seulement. Il nous a semblé bon de produire
également celles tirées de la bibliographie la plus
récente, laquelle fait d'ailleurs bien souvent référence
aux sources utilisées ici. Ces études récentes sont
généralement indiquées dans leur globalité, les
références plus précises étant
réservées aux sources elles-mêmes. Enfin, pour les
productions des chanceliers eux-mêmes, elles ont été
recensées même si elles n'avaient pas un lien direct avec leur
fonction de chancelier, puisque nous n'en sommes encore qu'à une phase
dégrossissage des sources. Ainsi, les suppliques adressées par
Jean Blanchart contre l'Université de Paris ont autant d'importance
à nos yeux que les sermons de Jean Gerson pour les collations de la
licence. Dans le cadre d'un travail de DEA, l'utilisation de ce type de source
a été, le plus souvent, réalisée en fonction des
études et des publications qui leur ont été
dédiées37.
A partir de toutes les remarques qui viennent d'être
faites, voici un extrait des résultats
issus de la base prosopographique des chanceliers de
l'Université de Paris à travers les exemples de Philippe le
Chancelier et de Grimaud Boniface (tableau 2).
36 GUENEE, B., Entre l'Eglise et l'Etat, quatre
vies de prélats français à la fin du Moyen Âge
(XIIIe - XVe siècles), [21].
37 Il en va ainsi pour les suppliques de Jean
Blanchart à travers le travail de BERSTEIN, A. E., Pierre d'Ailly and
the Blanchard Affair. University and the Chancellor of Paris at the Beginning
of the Great Schism, [3], Leyde, 1978, et, notamment, pour les sermons de
Jean Gerson, à travers leur publication réunie dans GERSON, Jean,
OEuvres complètes, par GLORIEUX, P., en 9 vol., Paris-Tournai, 1960-1973
: vol. V : l'oeuvre oratoire (207253), 1963, [IX].
19
Tableau 2 : extrait de la base prosopographique des
chanceliers de l'Université de Paris : l'exemple de
|
Philippe le Chancelier.
|
N°
|
NOM + Prénom
|
Origine géographique
|
Origine sociale
|
Carrière politique et administrative
|
Carrière universitaire dont années de
chancellerie
|
9
|
Philippe le Chancelier, Philippus Cancellarius.
|
Né à Paris autour de 1160. Mort en décembre
1236.
|
Famille parisienne influente.
Neveu de Pierre de Nemours, évêque de Paris.
Fils de Philippe de Grève ( ?)38.
|
Administrateur.
|
Maître en théologie à l'Université de
Paris en 1206.
Chancelier de juin
1218 au 23 décembre 1236.
|
Formation universitaire
|
Carrière ecclésiastique
|
OEuvres littéraires
|
Références sources
éditées
|
Références études
éditées39
|
Maître en théologie en 1206.
|
Archidiacre de Noyon jusqu'en 1211.
|
Philippi Cancellarii Summa de bono. N. Wicki, ed. Berne:
Francke, 1985 ;
Histoire de Saint Clou ; Histoire de Saint Denis
Distinctiones super psalterium, édité par Josse Bade,
Philippus
|
CUP, I, p. XIX-XX; ep. 27, p. 85, n. 3 ; ep. 33,
p. 93 ; ep. 45, p. 102-104 ; ep. 55, p. 111 ; ep. 56, p. 112 ; ep. 75, p.
133-134, n. ; ep. 96, p. 148 ; ep. 97, p.148-149; ep. 98, p. 150. MS
Aj., f° 98 - 99.
|
BERIOU, N., « La prédication de croisade de Philippe
le Chancelier et d'Eudes de Châteauroux en 1226 », in La
prédication en pays d'Oc (XIIe XIVe
siècle), Cahier de
|
Fanjeaux, n° 32, avril 2000.
CALLUS, D. A., O. P. "Philip the Chancellor and the De anima
ascribed to Robert Grosseteste." Medieval and Renaissance Studies
1: 105-27 ;
DALES, R. C. Medieval Discussions of the Eternity of the
World. Leiden: E. J. Brill, 1990 ;
DRONKE, P., "The Lyrical Composition of Philip the Chancellor,"
Mediaeval Studies, third series, vol. 28 (1987):
|
563-592 ;
GRACIA, J. J. E. "The Transcendentals in the Middle Ages: An
Introduction." Topoi 11: 113- 20 ;
KENT, B., Virtues of the Will: The Transformation of Ethics
in the Late Thirteenth Century. Washington, D.C.: Catholic University of
America Press, 1995 ;
KOROLEC, J. -B. "Free will and free choice." The Cambridge
History of Later Medieval Philosophy. Kretzmann et al, eds.
Cambridge: Cambridge University Press: 1982, pp. 629-641 ; LOTTIN, O.,
Psychologie et morale aux XIIe et XIIIe siècles.
|
|
de Greve
|
|
cancellarii
|
|
Parisiensis in
|
|
psalterium
|
|
Davidicum
|
|
CCCXXX
|
38 Philippe le Chancelier était le fils de
Philippe de Grève et n'ont pas une seule et même personne, comme
l'indique par erreur le Chartularium. L'auteur du MS Ajaccio, [III],
f° 98-99, indique ses doutes quand à penser que Philippe le
Chancelier et Philippe de Grève puissent être une seule et
même personne : « Georges Coluenevius dans ses notes sur
Cardepré, Hemere dans son traité sur l'université nomment
ce chancelier Philippe de Grève, de greva. Du Boulay en son histoire de
l'université le nomme en 1225 de Rheims de Remis et en 1238 de
Grève, de greva. Je suis fâché de ne pouvoir être du
sentiment de ces auteurs quant au nom de Greva qu'ils lui donnent et cela
fondé sur l'ancien nécrologue qui distingue parfaitement Philippe
le chancelier dont il fait mention le 23 décembre et Philippe de Greva
chanoine dont il fait mention le 14 mai. Je doute qu'en 1208 il y avait un
chanoine nommé Philippe de Greva. Si le Philippe chancelier était
le même pourquoi ne lui en donne ton pas le même nom et pourquoi se
trouvent-ils distinguer dans les nécrologes comme deux bienfaiteurs
différents. »
39 Les références bibliographiques
données dans ce tableau viennent en supplément de celles
données dans la bibliographie générale.
20
|
|
sermones. Paris,
|
|
Gembloux, Belgium: J. Duculot, S.A. Editeur, 1957 ;
|
|
|
1523, BM
|
|
MacDONALD, Sc., Being and Goodness: The Concept of
the
|
|
|
Troyes, 0953.
|
|
Good in Metaphysics and Philosophical Theology.
Ithaca:
|
|
|
|
|
Cornell University Press, 1991 ;
|
|
|
|
|
MacDONALD, Sc., "Goodness as Transcendental: The Early
|
|
|
|
|
Thirteenth-Century Recovery of an Aristotelian Idea."
Topoi
|
|
|
|
|
11: 173-86 ;
|
|
|
|
|
McCLUSKEY, C., "The Roots of Ethical Voluntarism."
|
|
|
|
|
Vivarium 39: 185-208 ;
|
|
|
|
|
PAYNE, Th. Blackburn II, Poetry, Politics, and
Polyphony:
|
|
|
|
|
Philip the Chancellor's Contribution to the Music of the
Notre
|
|
|
|
|
Dame School, vol.1, ch.1, "The Life of Philip the
Chancellor."
|
|
|
|
|
Ph.D., University of Chicago, 1991 ;
|
|
|
|
|
POTTS, T., Conscience in Medieval Philosophy.
Cambridge:
|
|
|
|
|
Cambridge University Press, 1980 ;
|
|
|
|
|
POUILLON, (Dom) H., O. S. B, "Le premier traité de
propriétés transcendantales. La 'Summa de bono' du Chancelier
|
|
|
|
|
Philippe." Revue Néoscolastique de Philosophie
42:40-77 ;
|
|
|
|
|
REINHARDT, E., «El dualismo del siglo XIII y sus
consecuencias antropológicas, especialmente en Felipe el
|
|
|
|
|
Canciller (1236), in Scripta Theologica (Facultad de
Teología, Universidad de Navarra), 30, 3 (1998), pp. 873-879 ;
|
|
|
|
|
WICKI, N. Philippi Cancellarii Summa de bono, vol.1,
ch.1
|
|
|
|
|
"Vie de Philippe le Chancelier." Berne: Francke, 1985
|
Tableau 2 : extrait
|
de la base prosopographique des chanceliers de
l'Université de Paris : l'exemple de Grimaud Boniface.
|
|
N°
|
NOM + Prénom
|
Origine géographique
|
Origine sociale
|
Carrière politique et administrative
|
Carrière universitaire dont années de
chancellerie
|
29
|
Grimaud Boniface de Rouen, Grimerius Bonifacii de
Rothomago.
|
Rouen en Normandie.
Mort le 1er octobre 1370 et inhumé en la
chapelle de Saint Rigobert.
|
Frère de Bertrand et Matthieu Boniface. Oncle de
Roland.
|
Député de la cité de Rouen aux Etats
généraux d'Octobre 1356. Procureur de la nation normande.
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Chancelier du 15 octobre 1360 jusqu'avant le 20 octobre 1370.
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Formation universitaire
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Carrière ecclésiastique
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OEuvres littéraires
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Références sources
éditées
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Références études
éditées
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Docteur en théologie, Docteur en droit canon et en droit
civil. maître ès arts.
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Curé de Saint Jean de Grève 1358 ; chanoine de
Paris; chanoine puis archidiacre de Bourges.
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CUP, II, p. XV, ep. 1065, p. 533-534 ; ep. 1104,
p. 560-562, n.
6 ; ep. 1126, p. 590-591 ; ep. 1131, p. 594-597, n. 16 ; ep.
1165, p. 632-637, n. 9 ; ep. 1177, p. 656-657, n.3 ; ep. 1189, p. 696 ;
CUP, III, ep. 1259, p. 76-77, n. 2 ; ep. 1268, p. 94, n. ; ep.
1270, p. 95-97 ; ep. 1271, p. 98, n. ; ep. 1273, p. 101, n. ; ep. 1274, p. 102
; ep. 1277, p. 103, n. ; ep. 1281, p. 106, n. ; ep. 1282, p. 106, n. ; ep.
1286, p. 107 ; ep. 1287, p. 108 ; ep. 1289, p. 109 ; ep. 1292, p. 111 ; ep.
1295, p. 112-113 ; ep. 1297, p. 114 ; ep. 1297a, p. 114 ; ep. 1298,
p. 114-120 ; ep. 1299, p. 120-122 ; ep. 1300, p. 122-123 ; ep. 1301, p. 124 ;
ep. 1303, p. 125-126, n. ; ep. 1314, p. 139 ; ep. 1319, p. 143-148, n. 28 ; ep.
1328, p. 157 ; ep. 1331, p. 158 ; ep. 1343, p. 176 ; ep. 1344, p. 176 ; ep.
1353, p. 186 ; ep. 1355, p. 187 ; ep. 1362, p. 193-194, n. 1, p. 194.
AN, LL 106 A, p. 125; LL 107, p. 577; LL 385
GUERARD, B., (Epitaphier) p. 54 ;
MS Aj., f° 116 - 117.
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21
En ce qui concerne les carrières des différents
chanceliers, et notamment les deux retenus ici, nous remarquons que celles-ci
posent des difficultés pour un traitement statistique. Mis à part
la production littéraire de chacun d'eux, et si nous en restons
strictement à leur carrière de chancelier dans le
Chartularium40, celle-ci propose pour Grimaud Boniface un
ensemble de trente lettres dont dix-sept de l'autorité pontificale pour
lesquelles il est destinataire en tant que chancelier, de la part des papes
Innocent V puis Urbain V. Aucun de ces courriers ne fait l'objet de
réprimandes particulières contre le chancelier. En ce qui
concerne Philippe le Chancelier, nous comptons qu'une petite dizaine de
lettres, dont deux seulement lui sont adressées directement par les
papes Honoré III et Grégoire IX. Les autres sont des demandes
d'arbitrages, principalement de Grégoire IX, à des tiers dans le
conflit qui oppose Philippe aux maîtres de l'Université de Paris.
Contrairement à Grimaud Boniface qui semble s'être toujours tenu
en réserve de tous conflits, Philippe fut confronté à des
difficultés qui nécessitèrent un arbitrage
extérieur. Les principales difficultés auquel un chancelier
pouvait être confronté portent généralement autour
de la lutte d'influence qui l'opposait au recteur d'une part, et d'autre part,
autour des nombreux conflits qui l'opposèrent aux maîtres de
l'Université dans leur désir d'autonomie à travers le
problème de la collation de la licentia docendi. A ce titre,
Philippe est le premier chancelier qui connaît une grave crise avec la
corporation des maîtres, même si le problème est
soulevé avec son prédécesseur, Etienne de Reims. Ainsi, si
l'étude de la carrière de chancelier reste intéressante
pour connaître la manière dont était organisé la
collation de la licentia docendi, elle est aussi pour connaître
à travers les pressions pontificales41 ou royales auxquelles
le chancelier pouvait être confronté, dans sa mission d'examen de
certaines candidatures, l'histoire sociale du chapitre Notre-Dame, de
l'Université et, à travers ces deux institutions, d'une partie de
l'élite de la société
40 La collection des lettres du Chartularium
ne prétend pas, en outre, à l'exhaustivité de toute
la correspondance concernant les chanceliers, et c'est pourquoi il est
nécessaire de rechercher d'autres types de sources pour obtenir un
ensemble représentatif et cohérent permettant un traitement
statistique. Une telle recherche demande qu'on ne néglige aucun des
travaux émanant ou portant sur chacun des chanceliers du corpus et une
telle recension n'est envisageable que dans le cadre d'une thèse. Cette
recension pose la question du nombre d'individus à retenir. En effet, si
pour certains chanceliers, comme Grimaud Boniface, la recension est
brève, il n'en est pas de même pour des personnages comme Pierre
d'Ailly ou Jean Gerson qui, outre une carrière chancelière,
connurent une grande notoriété intellectuelle et spirituelle.
41 CUP, [IV], III, ep. 1268, p. 94: «
Urbano V supplicat frater Johannes Trisse, baccalareus in theologia et
procurator generalis Ord. Fratrum Beatae Mariae de Carmelo, quod, cum ipse
habeat ante se plures baccalareos dicti Ordinis in eadem facultate ad gradum
magisterii juxta dicti Ordinis statuta et studii Parisiensis consuetudinem
promovendos, cancellario Parisiensi [quid est Grimerius Bonifacii]
mandare dignetur ut se ipsum infra unum mensem cancellarius licentiare
debeat et ad magisterii gradum admittat. [1362, Decembris
7].
42 Notamment ceux contenus dans le MS Ajaccio,
[III], et les informations données par N. GOROCHOV, dans son ouvrage sur
le collège de Navarre, [20], notamment.
22
médiévale du XIIe au XVe
siècle. Ces deux chanceliers proposent des figures sociales bien
différentes et surtout des réponses bien différentes
à la question qui sous-tend notre base prosopographique et, à
travers elle notre étude : quel type de chancelier a-t-il
été ?
A partir des informations collationnées dans la base
prosopographique, de nos remarques et de quelques commentaires
annexes42, il est possible de proposer les notices biographiques
suivantes pour Philippe le Chancelier et Grimaud Boniface.
Philippe le Chancelier (1160-1236) était maître
en théologie à l'université de Paris en 1206, c'est le
fils de Philippe de Grève. En 1211, il devient archidiacre de Noyon,
puis chancelier de Notre-Dame en juin 1217. Il cumule les deux
bénéfices. Dans le conflit qui oppose les séculiers aux
Mendiants pour la gestion de l'Université, il prend parti pour ces
derniers. Opposé à l'indépendance universitaire, il se
retrouve mêlé à tous les conflits doctrinaux et
administratifs possibles, surtout en 1229-1231. Il est convoqué par le
pape qui lui exprime son mécontentement. Philippe est certainement
né à Paris autour de 1160, mais la date exacte est inconnue. Il
est issu d'une famille parisienne influente puisque plusieurs de ses parents
ont eu des postes importants auprès de rois français ou de
l'Eglise. Il est le fils de Philippe de Grève. Plusieurs membres de sa
famille ont été évêques, comme son oncle, Pierre de
Nemours, qui était évêque de Paris de 1208 à 1218,
et qui a peut être joué un rôle dans la carrière de
son neveu. Philippe a étudié à, ce qui à
l'époque, était la récente Université de Paris. Il
est mort le 26 décembre 1236.
Lorsque Philippe devint chancelier en juin 1218, les
maîtres de nombreuses écoles parisiennes avaient commencé
à prendre leur autonomie vis-à-vis du chapitre cathédrale
et avait obtenu un nombre important de concessions par des décrets
pontificaux. En 1215, le légat du pape, Robert de Courçon,
établit un certain nombres de statuts, codifiant des pratiques
déjà en cours comme les examens concernant la licence
d'enseignement, le comportement et la robe admise, le programme d'étude
et la discipline des étudiants. Au final, la fonction de chancelier, au
moment de l'accession à ce poste de Philippe, tendait à
être considérablement réduite, même en ce qui
concerne la délivrance de la licence d'enseignement. Ainsi, si le
chancelier conservait le pouvoir d'attribution de ces licences et les statuts
précisaient qu'il ne pouvait refuser quiconque que les maîtres
avaient jugé digne
23
d'enseigner. Un long conflit était né entre les
maîtres et le chancelier, qui souhaitait préserver son pouvoir,
qui continua bien après l'office de Philippe. Mais avec lui, la
situation devint critique avec le départ des maîtres sur la rive
gauche de la Seine. Philippe, sûr de ses prérogatives, n'admettait
pas qu'il puisse être remis en cause dans sa fonction même de
chancelier par la corporation des maîtres et des étudiants, aussi
il l'attaqua violemment43. Finalement, à la fin des
années 1220 et au début des années 1230, Philippe fit la
paix avec les maîtres, qui avaient déclenché une
grève et s'étaient installés sur la rive gauche de Paris
avec plusieurs de leurs étudiants en réponse à
l'intransigeance des autorités séculaires. Il ne fait aucun doute
qu'un tel départ était dommageable pour le prestige de Paris
comme centre d'éducation, et que les autorités pontificales
réagirent promptement contre cela ; aussi Philippe travailla dur pour
convaincre les dissidents de revenir dans la ville, ce qui fut fait en 1231.
Finalement, c'est tout autant, et peut-être même
plus comme philosophe, avec son Summa de bono, que comme chancelier,
que Philippe a marqué son époque et l'ensemble du
XIIIe siècle. Philippe le Chancelier fut une des grandes
figures intellectuelles de la première moitié du XIIIe
siècle. S'il eut une longue carrière ecclésiastique, qui
fut agitée, il fut renommé pour ses sermons et sa poésie
lyrique. Dans le domaine de la philosophie et de la théologie, le
Summa de bono, composé dans les années 1220-1230,
était l'aboutissement de réflexions qui entraînèrent
beaucoup de ruptures. Philippe a été le premier à
réaliser une somme autour d'un principe fondamental et central, la
notion de bon. La Summa de bono a été beaucoup
commentée durant le XIIIe siècle, notamment par Albert
le Grand.
Après Philippe, observons maintenant un chancelier qui
n'a sans doute pas connu la même célébrité
intellectuelle que son illustre prédécesseur.
Grimaud Boniface est originaire de Rouen, en Normandie, et
c'est au sein de la nation normande qu'il effectua une grande partie de ses
études à l'Université de Paris dont il sortit docteur en
théologie, mais aussi ensuite docteur en droit civil et canon. Cela
indique qu'il a fait une partie de ses études à Orléans
puisque c'est là qu'était enseigner le droit civil et non
à l'Université de Paris. Sa date de naissance est inconnue mais
on peut supposer qu'il est né entre 1300 et, au plus tard, 1320,
puisqu'il faut au vingt-cinq ans pour accéder au poste de chancelier et
compte tenu de ses études, et il est mort en octobre 1370. On lui
connaît deux
43 Cf. Chapitre III sur les définitions de la
fonction de chancelier.
24
frères, Bertrand, lui-même chanoine de
Notre-Dame, et Matthieu, et un neveu Roland, qu'il a aidé à
entrer au collège de Navarre. Il a été le procureur de la
Nation normande. En octobre 1356, il a représenté la commune de
Rouen aux Etats généraux. Il a été nommé
archidiacre de Bourges et chanoine de Notre-Dame de Paris au poste de
chancelier le 15 octobre 1360 jusqu'en octobre 1370. Il était
curé de Saint-Jean-de-Grève. Il semble qu'il a cumulé les
bénéfices ecclésiastiques. Au moment de la réforme
des statuts de l'Université de Paris de 1366, il a eu un rôle
direct dans la rédaction de ceux-ci puisqu'il en est le coauteur avec le
cardinal légat du pape et quelques maîtres de l'Université.
Ainsi pour tenter de régler le problème de la compétence
dans la collation de la licentia docendi, qui a été la
source de nombreux conflits entre l'Université et le chancelier, il
propose la création d'une commission de quatre maîtres, choisis
par lui, pour l'aider dans l'examen des candidatures44. Il fut
ensuite pénitencier avec Gérard de Vervins, lui aussi chanoine
à Notre-Dame, en cours pontificales de Rome et d'Avignon pour la
réunification de l'Université.
L'exposition des sources et des outils utilisés
réalisée, nous pouvons maintenant tenter de définir la
fonction de chancelier en commençant par les cadres dans lesquels il
exerçait son office, l'université de Paris et le chapitre de
Notre-Dame.
44 CUP, [IV], III, ep. 1319, p. 143-148.
25
2. Un personnage, des lieux : Université et
chapitre de Notre-Dame du XIIe au XVe siècle.
2.1. L'Université de Paris45.
Au milieu du Moyen Âge, Paris s'illustre par la
qualité des enseignements dispensés à l'Université.
Le chapitre de Notre Dame a très tôt pris le contrôle de la
transmission du savoir et lui seul était habilité à
délivrer l'autorisation d'enseigner.
Le début du XIIe siècle est
marqué par le développement des écoles parisiennes,
même si elles restent encore dans l'ombre des théologiens de Laon
et de Chartres. L'école du cloître Notre Dame, qui acquit une
bonne réputation, est cependant concurrencée par les
établissements de la rive gauche. Ainsi, l'abbaye
Sainte-Geneviève qui, au sommet de sa colline, jouit d'une exemption
pontificale qui la libère de l'autorité épiscopale et
favorise les enseignements de certains maîtres comme Abélard. Un
de ses disciples, Gautier de Mortagne fonda en 1113 l'abbaye de Saint-Victor,
un établissement qui obtient une bonne réputation, mais il ne se
contente pas d'enseigner la théologie et la philosophie, il
s'intéresse aussi aux sciences et aux arts. Saint-Victor contribue
à la réforme de Sainte-Geneviève en 1148, en lui
conférant une grande renommée. Ainsi, les maîtres et les
écoliers y affluent en nombre afin de bénéficier du bon
niveau intellectuel qui construit la renommée de Paris. Mais les
étudiants sont réputés pour leurs excès à
tel point qu'un affrontement sanglant contraint Philippe Auguste à
définir leur statut juridique en 1200 par lequel l'Université
relevait de la justice de l'Eglise épiscopale et non de la justice
royale.
Donc, à partir de 1150, les étudiants deviennent
peu à peu une classe à part, privilégiée. En 1200,
grâce à Philippe Auguste, l'Université naît
officiellement et les étudiants relèvent désormais de la
justice ecclésiastique et non plus de la prévôté.
Ils sont considérés comme des clercs bénéficiant,
selon les décisions du Pape Célestin III quant au statut
particulier de Paris, des privilèges du for ecclésiastique.
L'Université est une corporation dotée d'une guilde de
maîtres, de statuts écrits, d'officiers permanents et d'un sceau
commun.
L'université de Paris est donc une corporation des
maîtres et des écoliers parisiens. Le terme latin «
universitas » signifie un ensemble, une association, un corps,
une compagnie,
45 Pour cette partie nous nous sommes
essentiellement appuyé, outre les sources, sur les travaux de BERNSTEIN,
A. E., « Magisterium and Licence : corporate autonomy against papal
authority in the medieval University of Paris », Viator, 9 (1978), [4], p.
291-307 ; VERGER, J., « À propos de la naissance de
l'université de Paris », [41], vol. 7, p. 1-36
26
une communauté, une corporation. Il n'est pas
spécifique aux gens des écoles et s'applique à toute
communauté, à tout groupe d'individus déterminé
à partir du moment où il exprime l'existence d'une vie collective
réelle et la conscience de ses membres de former une unité. Les
universités d'études ne sont qu'une manifestation parmi d'autres
du mouvement associatif qui se développe dans les principales villes.
Le terme « universitas » apparaît
dans une lettre du pape Innocent III de 1208-1209 où figure à
deux reprises l'expression « universitas magistrorum ». Une
décrétale de 1210-1216 emploie « universitas vestras
». La formule « universitas magistrorum et scolarium
» est employée dans les statuts de Robert de Courçon de
121546. La corporation s'affirme elle-même sous cette
appellation dans un acte de 1221 : « Nos, Universitas magistrorum et
scolarium Parisiensium ».
À cette époque, le terme « universitas
» n'a aucune connotation spéciale d'enseignement. Le vocable
utilisé pour désigner un centre d'études ou un
établissement d'enseignement supérieur est celui de «
studium ». L'expression de « studium generale
» est encore employée pour indiquer un « studium
» universitaire et le différencier d'un « studium
» non universitaire.
A l'origine, les premiers textes citent à plusieurs
reprises « l'université des écoliers » («
universitas scolarium »). Le terme « scholaris
» ne doit pas être pris au sens premier du terme
d'école. Il désigne en fait les gens des écoles, à
la fois les maîtres et les écoliers47.
L'université parisienne est d'abord une guilde des
maîtres d'écoles. Les étudiants n'ont eu qu'un rôle
secondaire, et les principales dispositions les concernant dans les statuts de
1215 et dans la bulle Parens scientiarum de Grégoire IX en 1231
visent à les soumettre à l'autorité personnelle des
maîtres et à les encadrer. Ce sont les professeurs, au
départ des maîtres artiens qui ont été les
principaux initiateurs de l'université. Les théologiens, d'abord
en retrait ou pour quelques-uns d'entre eux hostiles au mouvement, l'ont
néanmoins récupéré à partir des
années 1220. Il apparaît clairement que les disciplines sont
subordonnées à la théologie dont l'utilité sociale
est largement affirmée par les papes mais aussi, et peut-être
principalement, parce que la plupart des maîtres et des étudiants
ont le statut de clercs.
46 CUP, [IV], I, ep. 20, p. 78 et s. ; VERGER, J.,
Culture, enseignement et société en Occident aux
XIIe et XIIIe siècles, [46], p. 120-122
47 Nous préférons employer le terme
étudiant à celui d'écolier pour éviter toute
confusion.
27
Au cours des trois premières décennies du
XIIIe siècle, l'université ne dispose donc pas encore
d'une véritable structure institutionnelle. Son gouvernement,
collégial, est encore largement informel, et ses quelques
représentants sont mentionnés à l'occasion
d'événements particuliers et ponctuels48.
Il faut attendre la seconde moitié du XIIIe
siècle pour voir apparaître ses trois composantes essentielles :
le recteur, les facultés et les nations, lesquelles sont placées
sous l'autorité institutionnelle du responsable des écoles de
l'évêché de Paris, le chancelier du chapitre Notre-Dame.
Les quatre facultés, « facultates » citées en
1213 pour l'organisation de la licence traduisent davantage la notion de
discipline, « facultas ». Néanmoins,
l'université est une réalité, elle est
considérée comme une personne morale dont les finalités
sont clairement exprimées.
La corporation a tout d'abord une finalité
confraternelle et charitable. Elle assure son assistance aux malades et aux
défunts. Les obligations funéraires des universitaires
vis-à-vis des maîtres et des étudiants
décédés sont précisées dans les statuts de
1215 et de 1231, ainsi que dans une sentence pontificale de 1208-1209. C'est
aussi une organisation de défense mutuelle. En tant que telle, elle
offre à ses membres des garanties judiciaires leur donnant une
protection efficace contre la malveillance de la population urbaine et les
autorités locales, laïque et ecclésiastique. Depuis la
charte de Philippe Auguste de 120049, les « scolares
Parisienses » sont à la fois sous la protection
spéciale de la justice royale et bénéficient du «
privilegium fori ».
L'université a largement démantelé les
droits de juridiction du chancelier et de l'évêque sur les
universitaires. Le premier perd son droit de lever des amendes puis celui
d'avoir sa propre prison ; le second ne peut emprisonner des étudiants
qu'en cas de délit grave, doit les libérer sous caution, et ne
peut prononcer contre eux d'excommunication, individuelle et collective, sans
l'assentiment de la papauté, sous laquelle la corporation est
placée sous la
48 En 1208-1209, une commission de huit
maîtres révise les statuts ; en 1213, trois maîtres
négocient un accord avec le chancelier Jean de la Chandeleur ; en 1219,
il est fait référence à des procureurs ; en 1229, à
vingt et un proviseurs.
49 CUP, [IV], I, ep. 1, p. 60 et s. ; VERGER, J.,
Culture, enseignement et société en Occident aux
XIIe et XIIIe siècles, [46], p. 118-120.
28
protection immédiate et auprès de laquelle elle
peut directement faire appel à l'initiative du pape Honoré III en
121950.
Dans le même temps, l'université a
développé sa juridiction interne : les maîtres sur leurs
propres élèves, et l'université sur l'ensemble de ses
membres. Cette juridiction, officiellement reconnue dans les statuts de 1215,
se limite en pratique à la discipline intérieure des
écoles et à l'observation des statuts ; ce droit fut
provisoirement suspendu par le même Honoré III en 1222.
En tant que corporation spécialisée,
l'université a recherché à être seul maître du
recrutement de ses maîtres. Cette autonomie, l'université l'a
acquise à la suite de conflits avec le chancelier de Notre-Dame. Seul
maître de la collation de la licentia docendi sa totale
liberté de choix menaçait la cohésion institutionnelle et
intellectuelle de l'université. C'est pourquoi cette dernière a
cherché à réduire l'autorité du chancelier. Par
ailleurs, toujours pour préserver son autonomie, l'université a
développé l'inceptio ». Il s'agit d'une
procédure qui se trouve à l'origine du doctorat comme grade. Du
ressort exclusif de l'université, l' « inceptio »
double la « licentia docendi ». Pour enseigner, il faut
non seulement obtenir la licence, mais être aussi autorisé par les
maîtres à « incipere »51.
L' « inceptio » désigne donc la
cérémonie solennelle d'entrée en fonction du nouveau
maître au cours de laquelle il donne son cours d'investiture, et
sanctionne la reconnaissance et l'acceptation dudit maître dans le corps
professoral. Le verbe « incipere » est utilisé dans
son sens technique dans les statuts de 12154. La procédure
est clairement mentionnée dans la bulle Parens scientiarum de
123152. L'université est enfin une association dont les
membres jouissent de la « libertas scolarium ». Cette
expression, exprimée dans la bulle de 1231, traduit la
possibilité pour les scolares, à la fois les
maîtres et les écoliers de jouir d'un certain nombre de «
libertates », c'est-à-dire de franchises, de
privilèges et de droits.
Si les premiers statuts réglementant l'organisation de
l'enseignement sont attestés à partir de 1208, le plus ancien
statut conservé est donc celui de Robert de Courçon de
121553,
50 Cf. infra partie III sur les
définitions des fonctions du chancelier.
51 Littéralement, donner sa leçon
d'inauguration pour un maître : « Nullus incipiat
licentiatus a cancellario vel ab alio data ei pecunia vel fide
prestita, vel alia conventione habita. », CUP, [IV], I, ep. 20, p.
79.
52 « Magistri vero theologie ac decretorum, quando
incipient legere, prestabunt publice juramentum [...] », CUP, [IV],
I, ep. ; VERGER, J., Culture, enseignement et société en
Occident aux XIIe et XIIIe siècles, [46], p.
124 et s.
53 CUP, [IV], I, ep. 20, p. 78 et s.
29
qui, pour l'essentiel, entérine des dispositions
conçues par les maîtres eux-mêmes ; sans que ces
dispositions aient été mises par écrit. D'autres statuts
ont été élaborés les années suivantes,
puisqu'une des disposition du statut du cardinal autorise explicitement les
maîtres à se doter de statuts. Dans les années 1208-1209,
il est fait allusion à la constitution de statuts par les maîtres
eux-mêmes. Ce droit est explicitement octroyé en même temps
qu'il est délimité dans les statuts de 1215 et de 1231. En 1219
et en 1221, divers textes font allusion à l'existence de
règlements. Ces derniers n'ayant pas été conservés,
leur contenu nous est partiellement connu par la bulle Parens scientiarum
de 1231 qui en reprend l'essentiel. L'intervention pontificale est donc
particulièrement nette pour l'Université de Paris, qui
reçoit ses statuts du Pape parce qu'elle s'avère dès le
départ représenter le phare de la
théologie54.
Les statuts de 1215 et de 1231 sont les seuls à nous
informer sur l'organisation de l'enseignement. Malgré le
caractère incomplet de ces statuts, et bien qu'il soit difficile de
distinguer clairement ce qui relève de l'innovation et d'une pratique
déjà plus ou moins ancienne, quelques principes sont
déjà fixés, dont la durée des études le
calendrier universitaire et les méthodes d'enseignement.
Dès le statut de 1215, les durées obligatoires
des études en arts et en théologie sont établies : elles
durent au moins six ans en arts, et huit ans en théologie. Durant cette
période, les écoliers sont principalement auditeurs, «
audientes ». Seuls quelques-uns d'entre eux, les bacheliers
participent à l'activité enseignante. Le mot
baccalarius55 n'apparaît qu'en 1231. Leur
présence est néanmoins attestée dès 1215, d'une
part, à l'occasion des disputationes auxquelles les uns
participent comme respondens et les autres en qualité
d'opponens, d'autre part, lorsque les étudiants en
théologie sont distingués en étudiants audientes
et legentes. À cette époque, le baccalauréat
n'est pas considéré comme un grade. Un Age minimum d'accès
à la licence est aussi prescrit, 20 ans en arts et 35 ans en
théologie.
Concernant le calendrier universitaire, la durée des
vacances d'été est fixée à un mois maximum.
54 On comprend ainsi encore mieux
l'intérêt des chanceliers du chapitre à vouloir conserver
leurs prérogatives.
55 Dans le sens d'étudiant avancé qui
donne des leçons sous la direction de son maître mais sans
être personnellement licencié, « Ne aliquis bachellarius
in theologica facultate promoveatur ad cathedram, nisi prius seipsum
examinaverit, » i. e. « nominaverit »,
CUP, [IV], I, ep. 200, p. 226 ; « Ceterum quia ubi non est ordo,
facile repit horror, constitutiones, seu ordinationes providas faciendi de modo
et hora legendi et disputandi, de habitu ordinato, de mortuorum exequiis necnon
de bachellariis, qui et qua hora et quid legere debeant, ac hospitiorum
taxatione seu etiam interdicto » CUP, [IV], I, ep. 79, p. 137.
30
Concernant l'enseignement, deux techniques sont
évoquées dans les statuts : la lectio et la
disputatio. Comme au XIIe siècle, la lectio est
à la base de l'enseignement universitaire. Il y a deux types de lecture.
La lecture ordinaire, « lectio ordinaria », et la lecture
cursive, « lectio cursoria ». Elles sont toutes deux
mentionnées et distinguées dans les statuts de 1215 et de
123156.
La disputatio semble issue de la question, «
quaestio », lorsque celle-ci s'est détachée de la
lectio. Distincte de la questio qui fait partie de la
lecture, c'est une technique d'enseignement autonome faisant l'objet d'une
séance à part. Elle consiste en une discussion organisée,
selon la méthode dialectique, pour résoudre une ou plusieurs
questiones. Le maître, qui préside la séance,
propose un thème à débattre aux étudiants qui
interviennent en qualité de respondens et d'opponens.
Les uns, « respondentes », avancent les arguments pour une
thèse ; les autres, « opponentes », les arguments
contre. La solution du problème posé, « determinatio
», est ensuite donnée par le maître en répondant
aux objections. Les « disputationes57 » ont lieu
en dehors des cours ordinaires, c'est-à-dire des « lectiones
».
C'est au sein de cette faculté des arts que les
chanceliers ont généralement rencontré le plus de
résistance à la manifestation de leur
autorité58. Les artiens étaient en recherche constante
d'autonomie afin de décider le plus librement possible des
enseignements. Cependant, le contenu de l'enseignement à la
faculté des arts est bien défini.
Ce sont les statuts de 1215 qui nous permettent de
connaître les livres étudiés. Concernant les arts du
trivium, l'étude de la grammaire se fait à partir des
Institutionnes grammaticæ de Priscien, le Priscianus major
et le Priscianus minor qui traitent respectivement de la
morphologie et de la syntaxe, ainsi que le Barbarismus qui est le
56 La lecture ordinaire consiste à expliquer
et à commenter un texte de la façon suivante : il s'agit tout
d'abord d'exposer la « littera » ou lettre, exposition
littérale des mots, des phrases et des constructions ; ensuite d'en
déduire le « sensus » ou sens, sens immédiat
du texte rendu souvent par des paraphrases ; enfin d'en tirer la «
sententia » ou sentence, signification profonde du texte,
l'intention de l'auteur. Ce type de lecture correspond à
l'activité magistrale proprement dite. Elle représente
l'enseignement du maître-régent à propos des textes
officiels inscrits au programme, pendant les heures ordinaires, officiellement
fixées, et selon la méthode ordinaire.
La lecture cursive consiste en une lecture rapide du texte, et
se limite à en donner la « littera ». Cette lecture,
faite par le maître, est généralement le fait des
bacheliers, l'après-midi.
57 On distingue deux types de disputes. La dispute
privée ou « disputatio in scolis », définie
dans le texte de 1231, se déroule dans l'école du maître
avec ses propres élèves, les jours disputables,
c'est-à-dire les jours où les disputes sont autorisées. La
dispute solennelle, encore appelée « disputatio sollemnis
» ou « disputatio magistrorum » rassemble
l'ensemble des maîtres et des étudiants de la faculté ;
elle a lieu une fois par semaine et se déroule tout au long de
l'année ; lors des disputes solennelles, les autres cours sont
suspendus.
58 Voir infra dans le chapitre III sur les
définitions de la fonction de chancelier.
31
troisième livre de l'Ars major de Donat qui
traite des figures d'élocution. La rhétorique est
enseignée sur la base du traité de Cicéron, le De
inventione et la Rhetorica ad Herennium qui expliquent les bases
de la rhétorique classique. Vient ensuite le quatrième livre du
De differentiis topicis de Boèce qui traite des rapports entre
la rhétorique et la logique. La dialectique est étudiée
à partir de l'Organon d'Aristote, c'est-à-dire l'oeuvre
logique du Péripatéticien comprenant la logica vetus et
la logica nova. Les arts du quadrivium sont, pour leur part,
étudiés à partir des Quadravilia. Dans les
statuts de 1215, ces ouvrages sont distingués en fonction de
l'enseignement : il y a les livres « ordinaires »,
c'est-à-dire ceux devant être lus de façon ordinaire,
l'Organon, le Priscianus major et minor ; les autres sont
qualifiés de livres extraordinaires et sont lus les jours de
fêtes, « in festivis »59.
Les statuts de 1215, reprenant des dispositions du concile de
la province de Sens réuni à Paris en 1210, prohibent la lecture
de plusieurs ouvrages : les livres d'Aristote sur la métaphysique et la
philosophie naturelle, c'est-à-dire la Métaphysique et les «
libri naturales », physique, traités de la
génération, du ciel, des météores, ainsi que leurs
commentaires parisiens, et les livres contenant les doctrines de David de
Dinant, d'Amaury de Bène l'hérétique et de Mauricius
Hispanus60. Cette interdiction est renouvelée dans la bulle
de 1231, mais de façon provisoire61, « aussi
longtemps que ces livres n'auront pas été examinés et
purgés de toute erreur ». Enfin, il faut rappeler que
l'enseignement du droit civil, le « corpus juris civilis »,
est interdit à Paris depuis la bulle « Super Speculam
» d'Honoré III de 121962.
Mais l'Université de Paris, c'est aussi des hommes et
des lieux dont les fonctions sont assez bien définies. A Paris,
l'importance quantitative des maîtres artiens les conduit à
imposer leur organisation à l'ensemble de l'Université. Ainsi,
les quatre nations, entre lesquelles ils se répartissent, France,
Normandie, Picardie, Angleterre, élisent chacune un procureur, et les
quatre procureurs élisent un recteur qui dirige dans un premier temps
la
59 « Non legant in festivis diebus
nisi philosophos et rhetoricas, et quadravialia, et barbarismum, et ethicam, si
placet, et quartum topichorum. », CUP, [IV], I, ep. 20, p. 78.
60 « Non legantur libri Aristotelis de methafisica et
de naturali philosophia, nec summe de eisdem, aut de doctrina magistri David de
Dinant, aut Amalrici heretici, aut Mauricii hyspani », Ibid,
p. 78-79.
61 « et libris illis naturalibus, qui in Concilio
provinviali ex certa causa prohibiti fuere, quousque exeminati fuerint
et ab omni errorum suspitione purgati », CUP, [IV], I, ep.
79, p.
62 CUP, [IV], I, ep. 32, p. 91-93; VERGER, J.,
Culture, enseignement et société en Occident aux
XIIe et XIIIe siècles, [46], p. 122-124.
32
faculté des arts. Celui-ci finit par être investi
de pouvoirs juridictionnels sur l'ensemble de l'Université de Paris et
par être reconnu comme son représentant dans ses rapports avec le
monde extérieur. Il est généralement élu pour une
durée reconductible de quatre à six semaines et il a le droit de
conférer les bénéfices vacants affectés à
l'Université. Le modèle artiens s'est imposé à tous
les maîtres des disciplines supérieures de l'Université qui
s'organisent eux aussi en facultés, regroupant toutes les écoles
concurrentes enseignant une même discipline. Chaque faculté est
elle même dirigée par un doyen élu par les régents
des écoles ; mais c'est le recteur élu par les artiens qui a
toute autorité. Au XIIIe siècle, les
universités ne possèdent pas de bâtiments en propre et les
cours ont lieu dans des salles louées par les maîtres, tandis que
les cérémonies se déroulent dans les églises et les
couvents avoisinants. La tache du recteur se réduit donc à
l'organisation de l'enseignement et à la défense des
privilèges universitaires. Il s'agit de principalement de
privilèges locaux, comme l'exemption de toute forme de service militaire
et des avantages économiques63, mais surtout de
privilèges de juridiction, qui mettent les universitaires à
l'abri des juridictions laïques64 et, dans une certaine mesure,
des juridictions ecclésiastiques.
Le développement de l'université traduit un
désir d'autonomie des maîtres, une volonté de se soustraire
de la tutelle des autorités ecclésiastiques, puis laïques.
Il traduit aussi un effort de reprise en main du milieu scolaire.
L'Université n'est pas née du néant : les maîtres,
mais aussi les papes et les rois ont été à l'origine de
l'université, car l'assentiment des deux dernières
autorités a été indispensable. Malgré ses efforts
pour s'en détacher, elle reste placée sous la tutelle du
chancelier de Notre-Dame, dont il convient maintenant de présenter le
corps d'origine, le chapitre.
63 Il ne faut pas oublier que les membres de
l'Université de Paris sont des clercs et, à ce titre,
bénéficient des mêmes droits d'exemption.
64 Cf. infra, dans chapitre sur le
chancelier, les rappels sur les pouvoirs judiciaires du chancelier sur les
universitaires face au prévôt de Paris.
33
2.2. Le chapitre cathédral de Notre-Dame de Paris.
C'est au milieu du Xe siècle que le terme
chapitre, « capitulum »65, a été
utilisé pour la première fois par Gauthier, archevêque de
Sens, pour désigner le collège de clercs qui l'entoure, l'assiste
dans l'accomplissement du service religieux de l'église
cathédrale et collabore au gouvernement du diocèse.
Le chapitre cathédral est un donc corps
ecclésiastique. La règle de l'évêque de Metz,
Chodegrand, réformée au début du IXe
siècle par le diacre Amalaire et imposée à tous les
chanoines de l'Empire par le concile d'Aix-la-Chapelle de 817 exige, en
théorie, la vie commune. Mais celle-ci est abandonnée par la
suite et, dès le XIe, on distinguait les chanoines
séculiers des chanoines réguliers qui seuls menaient une vie
monastique soumise à une règle stricte. Les chanoines du chapitre
de Notre-Dame sont généralement séculiers, ils ont
renoncé à une suivre une règle rigoureuse et ne pratiquent
plus la vie commune, mais ils sont néanmoins soumis à des
astreintes, lesquelles, elles aussi, ne sont pas scrupuleusement
respectées.
Le corps capitulaire de l'église cathédrale est
constitué par l'ensemble des chanoines. Il faut distinguer les chanoines
résidents, dont les dignitaires, qui jouissent de toutes les
prérogatives attachées à leur qualité canoniale
comme la voix au chapitre, une place déterminée dans le choeur de
la cathédrale, une prébende et des distributions, et les
chanoines non-résidents qui ne participent pas à toute la vie
capitulaire.
A l'exception de deux chanoines qui sont attachés au
service de la chapelle Saint-Aignan66, voisine de Notre-Dame et dont
la nomination appartient en propre au chapitre67, tous les chanoines
sont de droit et en principe nommés par
l'évêque68. Mais cette règle s'efface souvent
devant les interventions du pape ou du roi en faveur de candidats de leur
choix. Si, dès la fin du XIIIe siècle, le choix de
chanoines se portent souvent sur des nobles, celui de Notre-Dame semble peu
touché par ce phénomène.
65 GANE, R., Le chapitre de Notre-Dame de Paris
au XIVe, Etude sociale d'un groupe canonial, Paris, 1985, [15],
Introduction.
66 Cf. Annexe 1 : Notre-Dame de Paris et cloître
de Notre-Dame.
67 A.N., LL 78, p. 369-370.
68 GUERARD, B., Cartulaire, [X], t. I, p. 36
et 456.
34
Le chanoine doit être prêtre. S'il ne l'est pas au
moment de sa nomination, il doit se faire ordonner après son
accès au canonicat, mais cette règle n'a pas toujours
été suivie. Lors de sa réception, le nouveau chanoine
prête un serment dans lequel il déclare être de naissance
libre et légitime, garantit ne pas avoir acquis sa prébende par
simonie69, s'engage à observer les statuts capitulaires,
à respecter le secret des délibérations, à
conserver sa prébende intacte, à défendre les droits et
privilèges des chanoines70. En réalité, le
chapitre de Notre-Dame compte toujours parmi ses membres des chanoines qui ne
reçoivent jamais les ordres majeurs et restent clercs mineurs, ce sont
les acolytes, les lecteurs, les portiers, les exorcistes, ou simples clercs qui
sont seulement tonsurés.
Lorsqu'un chanoine est nommé évêque, il
doit résigner son canonicat, comme Pierre d'Ailly nommé
évêque du Puy. La résignation intervient parfois avec du
retard lorsque le nouvel évêque cherche à conserver pendant
un certains temps les revenus de sa prébende canoniale. Par contre, la
résignation n'est pas requise quand le chanoine est élevé
au cardinalat. Le nouveau cardinal a le droit de conserver sa vie durant son
canonicat et il peut même en obtenir d'autres. On trouve ainsi, tout au
long des chapitres du XIVe siècle, des cardinaux chanoines de
Notre-Dame.
Si le chapitre de Notre-Dame est un chapitre de chanoines
séculiers, quelques clercs appartenant à des ordres
réguliers y détiennent un canonicat. Certains chanoines sont
aussi curés de paroisses parisiennes. D'autres chanoines restent
nominalement curés de paroisses hors de Paris, comme Grimaud Boniface,
curé de Saint-Jean-de-Grève. Enfin, l'accession au canonicat est
soumise à des conditions d'âge. Clément V fixe à
dix-huit ans l'âge requis pour recevoir le sous-diaconat, vingt ans pour
le diaconat et vingt-cinq pour la prêtrise et exige des postulants au
canonicat d'être au moins sous-diacre. Nul ne peut donc devenir chanoine
s'il n'a pas dix-huit ans, sauf s'il bénéficie d'une dispense
particulière. Et fréquentes sont de telles dispenses, de sorte
que le chapitre compte souvent de très jeunes membres71.
Dans l'église Saint-Etienne, avant la construction de
Notre-Dame, sur le même site, à partir de 1163, le concile de
Paris de 829 décide, qu'au lieu de recevoir leurs ressources de
69 Certains chanoine qui sont nommés par le
pape éprouvent des difficultés à faire reconnaître
par le chapitre leur droit sur la prébende qui leur est attribuée
; cependant, ce n'est pas le cas pour les huit dignitaires du chapitre qui
doivent être reconnus par le chapitre.
70 GUERARD, B., Cartulaires, [X], t. III, p.
405.
71 Ce qui a comme conséquence, à terme,
des inaptitudes notoires au poste de chanoine pour certains candidats.
35
l'évêque, les chanoines dispose d'un ensemble de
biens qu'ils doivent administrer par eux-mêmes et dont ils
perçoivent directement les revenus, les prébendes.
Le partage des biens de l'église et l'application de la
règle d'Aix-la-Chapelle, reconnaissant aux chanoines le droit d'habiter
une maison particulière, entraînent la disparition progressive des
liens communautaires72. La division des biens de l'Eglise de Paris,
qui répondait à un simple soucis de meilleure gestion
économique de ses ressources, engage le chapitre dans la voie de
l'autonomie qui s'étend bientôt au du temporel au spirituel.
Très rapidement, le chapitre de Notre-Dame a donc une existence propre
et obéit à des règles spécifiques bien
précises.
Dès le XIIe siècle, le chapitre de
Notre-Dame comprend cinquante et un canonicats. Sur ce nombre, qui ne varie pas
jusqu'à la Révolution, quarante-trois sont des canonicats
simples, huit constituent des dignités. Certains chanoines ont un titre
honorifique sans juridiction propre, un personnat. D'autres ont un
office, c'est-à-dire une fonction sans juridiction73.
D'autres, enfin, une dignité, c'est-à-dire une fonction
entraînant juridiction.
Si, en droit, les chanoines sont, normalement, nommés
par l'évêque, celui-ci ne dirige pas le chapitre. C'est, en effet,
le premier des dignitaires, le doyen, qui préside à ses
activités sous la haute autorité de la Papauté. Ce
rattachement direct au Saint-Siège résulte de l'exemption
épiscopale dont le chapitre bénéficie depuis longtemps. Il
constitue une particularité remarquable qui explique pour une bonne part
le renom du chapitre cathédral de Notre-Dame. Aussi bien, au
XIVe siècle, quatre anciens chanoines de Notre-Dame occupent
le siège pontifical : Boniface VIII, Innocent IV, Grégoire IX et
Clément VII.
Les huit dignitaires du chapitre de Notre-Dame sont, par ordre
d'importance : le doyen, le chantre, les trois archidiacres ; le sous-chantre,
le chancelier et le pénitencier. Les dignitaires existent
déjà dès la seconde moitié du XIIe
siècle, à l'exception du pénitencier qui n'apparaît
qu'au XIIIe siècle, après le quatrième concile
de Latran de 1215, concile qui décide, d'une part, que les
dignités capitulaires ne sont conférées qu'à des
majeurs de vingt-cinq ans qui doivent, dans l'an suivant, recevoir les ordres
requis s'ils ne les ont déjà, d'autre
72 En 909, Charles III le Simple a confirmé
un diplôme de son aïeul, Charles le Chauve, accordant aux chanoines
de Paris le privilège de vivre dans les maisons claustrales, sans
être inquiétés, ni payer de cens ; LEMARIGNIER, J. -F.,
GAUDEMET, J., MOLLAT, G., Les institutions ecclésiastiques, t.
III, de Histoire des institutions françaises au Moyen-Âge,
ssd. LOT, F., FAWTIER, [29], Paris, 1962, PUF, p. 188.
73 C'est le cas de Claude Sarasin qui était
archiviste.
36
part, qu'il ne peut y avoir cumul de dignités au profit
du même chanoine. Cependant, des exemples de cumul sont très
nombreux.
Le doyen, « decanus », est choisi par le
chapitre mais il est installé par l'évêque. Il est le chef
du chapitre et exerce sur les chanoines sa juridiction. Il reçoit leur
promesse d'obéissance. Il a la police du cloître,
représente le chapitre, reçoit les hommages dus à celui-ci
et garde le sceau capitulaire pendant la vacance du chancelier. Il prête
hommage à l'évêque, mais sous réserve de
fidélité au chapitre. Les visites des églises
dépendant du chapitre sont un devoir pour le doyen, maintes fois
rappelé par le Saint-Siège, notamment par une bulle de
Clément III du 5 juillet 1188 qui traite aussi de l'obligation
corrélative, pour le visité, de payer une
procuration74, c'est-à-dire une participation aux frais
entraînés par la visite.
Le doyen a la charge des âmes de tous les membres du
chapitre ainsi que de tous les clercs du choeur. Il peut dispenser du maigre et
c'est lui, lorsqu'il est présent, qui administre les derniers sacrements
aux chanoines, aux chapelains, aux clercs et aux bénéficiers de
l'église. Il préside également au choeur où un
siège est réservé à l'évêque de Paris
ainsi qu'à l'archevêque de Sens dont dépend le
diocèse de Paris. il doit assister au synode diocésain annuel qui
est convoqué par l'évêque. Lorsque que le chapitre prend
des décisions, les notifications qui en découlent sont faites, au
nom des « doyen et chapitre de l'Eglise de Paris ».
Le chantre, « cantor », est le second
dignitaire du chapitre en charge de la direction des exercices du choeur, de la
maîtrise et de l'enseignement de la musique sacrée. Il
supplée le doyen lorsque celui-ci est absent. Nommé par
l'évêque, il occupe la deuxième stalle à gauche du
choeur75. Pendant longtemps le doyen et le chantre se sont
disputés la première place au chapitre et leurs rapports ont
été fréquemment tendus jusqu'à ce que la
suprématie du doyen finisse par prévaloir76. Il est
astreint à résidence par une bulle de Boniface VIII de 1296. Il
reçoit au moment de sa nomination la clef de la chantrerie et la marque
de sa dignité est le baculus cantoris77. Au
début, les offices étaient chantés par les seuls chanoines
et par les enfants de choeur mais, peu à peu, en raison des nombreuses
absences des chanoines retenus à
74 Procuratio, aliments, provisions.
75 LEMARIGNIER, J. -F., GAUDEMET, J., MOLLAT, G.,
Les institutions ecclésiastiques, [29], Op. Cit., p.
188-189.
76 LL. 253, [XII], p. 35.
77 C'est-à-dire la « baguette de chant
».
37
l'extérieur par leurs multiples occupations,
l'installation d'une maîtrise s'est avérée
nécessaire pour le maintien du cérémonial.
Après le doyen et le chantre, viennent dans l'ordre des
dignitaires, les trois archidiacres, l'archidiacre de Paris, «
archidiaconus Parisiensisi » ou « archidiaconus major
Parisiensis », l'archidiacre de Josas, « archidiaconus Josae
», et l'archidiacre de Brie, « archidiaconus Briae
». Tous les trois sont hiérarchiquement égaux. Ils
portent parfois le même titre d'archidiacre de l'Eglise de Paris, «
archidiaconus ecclesiae Parisiensis »78. Nommés
en principe par l'évêque, ils ont des fonctions très
importantes qui dépassent le cadre de la cathédrale puisqu'elles
se rapportent à l'administration même du diocèse de
Paris79.
Celui-ci, très étendu, fait partie de la
Quatrième Lyonnaise de l'exarchat des Gaules et appartient à la
province ecclésiastique de Sens. L'évêque de Paris est
suffragant de l'archevêque de Sens. Le diocèse est limité
au nord par les diocèses de Beauvais et de Senlis, à l'est par
celui de Meaux, au sud-est et au sud par celui de Sens, à l'ouest par
ceux de Chartres et de Rouen80. En outre, au-delà de ces
limites et enclavé dans le diocèse de Sens, se trouve la
doyenné de Champeaux qui comprend six paroisses. Le diocèse a une
forme à peu près régulière, sauf à l'ouest
où cinq paroisses, dépendant du diocèse de Chartes,
forment une saillie à l'intérieur du territoire diocésain.
Les trois archidiaconés sont séparés les uns des autres
par la Seine et la Marne. L'archidiaconé de Paris s'étend entre
les deux cours d'eau, au nord de ceux-ci. Il comprend la partie de la ville
située sur la rive droite, ainsi que l'île de la Cité.
L'archidiaconé de Josas est situé à l'ouest et au sud de
la Seine et englobe la rive gauche de Paris. C'est le plus étendu.
L'archidiaconé de Brie, le moins grand, se situe à l'est de la
Seine et au sud de la Marne. Chaque archidiaconé est subdivisé en
deux doyennés ruraux : pour l'archidiaconé de Paris, les
doyennés de Montmorency et de Chelles, pour celui de Josas, les
doyennés de Châteaufort et de Montlhéry, pour celui de
Brie, les doyennés de Vieux-Corbeil et de Lagny.
L'archidiacre examine et entend les clercs qui se destine
à la prêtrise et doivent être ordonnés par
l'évêque81. Il concourt avec celui-ci à la
nomination des curés de paroisses. Il
78 Ce qui peut prêter à confusion avec le
titre d'archidiacre de Paris.
79 LL. 78, p. 368, 369 ; L. 517.
80 Cf. Annexe 2 : Le diocèse de Paris, ses
archidiaconat, ses prébendes et ses menses capitulaires.
81 L'ordination est administrée par
l'évêque quatre fois par an : un samedi de Carême, un samedi
du temps de Pentecôte, le troisième samedi du mois de septembre et
le troisième samedi de l'Avent.
38
possède le droit de dépouille et peut donc
prélever par priorité, au décès d'un curé,
les objets entrant dans la succession, ainsi que les vêtements
sacerdotaux du défunt. Comme l'évêque, il réunit un
synode deux fois par an, le mercredi qui suit le deuxième dimanche
après Pâques et le dix-huit octobre, jour de la fête de
saint Luc ; y assistent les curés des doyennés qui lui versent,
à cette occasion, des redevances en argent dénommées
droits synodaux, « jura synodalia ». L'archidiacre
préside le synode, entouré de l'official et du porte-sceau,
« sigillifer ». En cas d'absence, il est remplacé par
un vicaire désigné par le chapitre. Il s'agit alors du doyen, du
chantre ou du sous-chantre. Le synode archidiaconal a pour objet de faire
connaître au clergé rural les statuts synodaux du diocèse.
Il est à la fois un moyen de diffusion, un organe de contrôle et
un instrument d'instruction et d'éducation des clercs.
Enfin, l'archidiacre doit visiter les églises de son
archidiaconé dans lesquelles il doit apprendre, s'enquérir,
réformer et corriger, rendre compte au supérieur. L'archidiacre
doit, en outre, visiter les établissements de charité ainsi que
les paroissiens excommuniés, vérifier si les malades et les
indigents sont bien secourus et si la paroisse possède une sage-femme
régulièrement choisie et, dans ce cas, confirmer celle-ci de ses
fonctions. Les archidiacres possèdent enfin un pouvoir juridictionnel
étendu.
Le sixième dignitaire du chapitre est le sous-chantre,
« succentor ». Collaborateur immédiat du chantre, il
est astreint comme lui à résidence et le supplée en cas
d'absence.
Le septième dignitaire du chapitre est le
chancelier82.
Le dernier dignitaire du chapitre est le pénitencier,
« poenitentiarus ». Antérieurement
dénommé chapelain de l'évêque, il rend hommage
à celui-ci et le remplace en cas d'absence pour la
célébration de certaines fêtes. Le concile de Latran de
1215 lui confie la confession des pénitents et le ministère de la
prédication.
Parmi les cinquante et un membres du chapitre, certains
exercent hors de la cathédrale des activités qui les
empêchent de participer aux offices. Il faut cependant assurer dans le
choeur une représentation importante digne de la place éminente
que la cathédrale occupe dans le royaume. Notre-Dame est aux yeux de
tous, une des premières églises de France, bien qu'à la
tête du diocèse de Paris il n'y ait qu'un simple
évêque.
82 Cf. 3. Le chancelier du chapitre de Notre-Dame de
Paris : propositions de définitions.
39
Les chanoines sont astreints à une obligation
essentielle l'assistance aux cérémonies et aux assemblées
capitulaires. Ils doivent, d'autre part, tenir annuellement un synode
capitulaire. Enfin, ainsi qu'à tous les membres de l'Eglise, il leur est
fait un devoir de pratiquer l'exercice de la charité à
l'égard des pauvres et des malades. Les cérémonies
à Notre-Dame sont très nombreuses et une particulière
attention est attachée à l'observation des rites. Aux diverses
manifestations liturgiques s'ajoutent les cérémonies
quotidiennes, beaucoup plus simples mais nombreuses elles aussi, auxquelles
doivent participer tous les chanoines présents à Notre-Dame. Les
assemblées capitulaires où sont traitées les affaires
importantes de l'église portent le nom de chapitres ordinaires et
chapitres généraux. Elles se tiennent dans la salle capitulaire.
Les activités qu'exerce, hors du chapitre, un nombre non
négligeable de chanoines expliquent l'importance des absences que l'on
relève, tant aux cérémonies qu'aux réunions
capitulaires.
Chapitres ordinaires et chapitres généraux ne
sont pas les seules assemblées où la présence des
chanoines est obligatoire. Tous les ans, en effet, ces derniers doivent se
réunir en synode, sur convocation du doyen et sous sa présidence,
le mardi de la deuxième semaine de carême. Le chapitre
échappe à la juridiction épiscopale puisqu'il
relève directement du Saint-Siège. Par contre, il a eu, dans le
cadre de la réforme grégorienne, le pouvoir d'élire
l'évêque conjointement avec les clercs et le peuple mais au
XIVe siècle, il est dessaisit du droit d'élire
l'évêque83. Celui-ci doit cependant jurer
solennellement de maintenir et sauvegarder les libertés, coutumes et
privilèges du chapitre. En outre, si son état de santé
l'empêche d'exercer normalement son ministère,
l'évêque ne peut prendre un coadjuteur qu'avec le consentement du
chapitre. Pendant la vacance du siège épiscopal, le chapitre a le
droit de disposer du temporel du diocèse, mais l'exercice d'un tel droit
se heurte souvent à l'opposition des archiprêtres de Paris et des
officiaux de l'évêque défunt84.
Seigneur féodal, le chapitre reçoit l'hommage de
ses tenanciers et perçoit les redevances personnelles et réelles,
les tailles et les cens. Exonéré, en outre, du service
d'ost85,
83 Clément IV déclare qu'il
réserve au siège apostolique la collation de tous
bénéfices et de toutes dignités.
84 LL. 215, p. 287-289.
85 Ce qui n'empêche pas certains chanoines
d'être attirés par les armes. Jean de Marigny, chanoine en 1308,
puis évêque de Beauvais et archevêque de Rouen, n'abandonne
pas une carrière militaire qui lui vaut d'être lieutenant du roi
en Languedoc, sous Philippe VI. Renaud Chauveau, chanoine en 1349, puis
successivement évêque de Chalon-sur-Saône et
Châlons-sur-Marne, meurt, les armes à la main, en 1356, à
la bataille de Poitiers où il commande la cavalerie du roi Jean et
où Guillaume de Melun, chanoine en 1336, puis archevêque de Sens,
est fait prisonnier avec sa bannière. Ancien chanoine de Notre-Dame,
Gilles de Lorris se bat également à Poitiers et
40
il reste le maître absolu de ses domaines et de leur
administration et l'évêque ne peut s'y immiscer86. Il
est exempt des droits d'amortissement, d'assurer la nourriture au roi lorsque
celui-ci se déplace avec sa suite, sur les terres
capitulaires87, de tous droits pour le transport et la vente de
denrées provenant de ses domaines. Les domestiques des chanoines et les
clercs de Notre-Dame bénéficient de la même exemption et ne
paient aucun droit de tonlieu et de péage88. Le chapitre
dispose de la collation de plusieurs bénéfices et, à ce
titre, il confère les prébendes des églises de
Saint-Jean-le-Rond et de Saint-Denis-du-Pas, ainsi que de la chapelle
Saint-Aignan ; il nomme les curés des paroisses de Bagneux, Epone,
Rozay-en-Brie, Vernou et Larchant89. Il partage avec
l'évêque le luminaire, les offrandes, la décoration
funéraire et les objets apportés à Notre-Dame, à
l'occasion d'obsèques et ce partage ne s'opère pas toujours sans
contestation90. Enfin, depuis un bref de Boniface VIII daté
de 1295, le chapitre jouit de l'important privilège de ne pouvoir
être soumis à aucune sentence épiscopale d'interdit ou
d'excommunication91.
Conscient de constituer un groupe privilégié, le
chapitre de Notre-Dame est attaché aux marques extérieures qui
lui assurent sa place, son importance et son originalité et il entend
défendre les prérogatives dont il bénéficie. Elles
consistent d'abord, pour les chanoines, à affirmer dans leur
correspondance (lettres et suppliques) et dans leur testament, ainsi
qu'à faire inscrire dans les épitaphes ou dans les obituaires,
leur appartenance au chapitre, en précisant éventuellement les
dignités92 qui leur ont été
conférées. Lorsqu'ils font leur testament, les chanoines
n'omettent jamais, quelle qu'ait été l'importance de leur
carrière dans l'Eglise ou dans les services du roi, d'indiquer qu'ils
ont occupé une stalle canoniale à Notre-Dame et une telle
indication est toujours donnée dans l'obituaire de l'Eglise de Paris.
C'est, à l'évidence, avec un sentiment de
fierté que les chanoines affirment leur qualité de membres du
chapitre de Notre-Dame et il s'y ajoute un motif complémentaire de
y est fait prisonnier En ce qui concerne nos chanceliers,
aucun ne semble avoir été attiré par ces aventures
guerrières.
86 LL. 77, p. 212.
87 LL. 76, p. 595, Louis VII a, en effet, en 1157,
exempté de son droit de gîte les membres du chapitre.
88 LL. 77, p. 595.
89 LL. 78, p. 3 et s.
90 LL. 78, p. 8-17 ; LL. 79, p. 150 ; LL. 107, p.
155.
91 LL. 77, p. 3 et s.
92 Ibid.
41
satisfaction : la possession d'un sceau canonial. Il est le
symbole de la puissance, marque l'appartenance à un corps et sert
à clore et à authentifier les actes qui en émanent. Si le
chapitre possède son sceau, dont le chancelier a la garde, chaque
chanoine a le sien propre. Chaque sceau porte, à côté du
nom de son titulaire, la mention « can. par.93 ».
Le chapitre jouit d'une si grande renommée que le roi n'hésite
pas à lui recommander ses protégés et à solliciter
en leur faveur l'attribution d'un canonicat et d'une prébende. Enfin, le
chapitre surveille avec une particulière attention le respect par autrui
des règles de préséance qui ont été
forgées à son avantage par la coutume, pour les
cérémonies importantes. Sans doute le chapitre voit-il
également, lorsqu'il se rend en procession au Parlement pour en
bénir les registres, l'affirmation et une manière de
consécration de la prééminence capitulaire sur le pouvoir
civil94.
Bénéficiaire d'importantes prérogatives,
le chapitre entend donc en assurer le maintien et résister à
toute ingérence du pouvoir épiscopal et du pouvoir royal. Le
chapitre est donc maître en son cloître et n'y admet aucune
contestation95. Le cloître jouit ainsi d'une immunité
totale quant aux biens. En ce qui concerne les personnes elles-mêmes, le
groupe canonial lutte avec énergie pour maintenir son
indépendance vis-à-vis du pouvoir épiscopal et faire
connaître qu'il relève uniquement de l'autorité
pontificale. Il se dégage rapidement de la tutelle de l'archevêque
de Sens, puis progressivement de celle de l'évêque de Paris. Le
chapitre tient aussi à marquer son indépendance à
l'égard du pouvoir royal, en saisissant toutes les occasions propices
à la confirmation de ses privilèges.
Cette mise au point que nous venons de réaliser ne
prétend pas à l'exhaustivité sur la question. Seule une
étude plus précise sur chaque chancelier à travers
l'ensemble des écrits le concernant, directement ou
indirectement96, pourrait permettre de saisir toutes les nuances de
la fonction chancelière97, et à travers elle une
étude sociale plus fine de l'Université de Paris et du chapitre
Notre-Dame.
93 Chanoine de Paris.
94 AN, X1a6, p. 377-378 ;
X1a4784, p. 10.
95 Cf. infra, problème de
dignitate et de dignitas, et n. 123.
96 Parce qu'il en a été ou non l'auteur
ou le sujet.
97 Mais, ces nuances sont peut-être à
considérer sur une période plus large, c'est-à-dire
jusqu'à la disparition de la fonction chancelière à part
entière, avec sa fusion avec la charge de recteur de l'Université
à l'époque contemporaine.
42
3. Le chancelier du chapitre de Notre-Dame de Paris :
étude d'un personnage et propositions de définitions.
Dans cette partie, nous tenterons d'expliquer ce
qu'était la fonction de chancelier de Notre-Dame de Paris en nous
appuyant sur des définitions existantes que nous complèterons
d'observations réalisées à partir de notre corpus.
« Donc nos rois sont fondateurs et patrons de
l'Université, et comme tels nous les devons reconnaître premiers
chefs. Quand à monsieur l'évêque de Paris, il est bien
notre pasteur en ce qui concerne le spirituel, et le Pape qui est par dessus
lui est notre Saint Père, souverain de ce pasteur et de nous en ce qui
touche la spiritualité. Mais il n'est pas le chef des écoles et
le gouvernement de celles-ci ne dépend pas de lui, même au
temporel, ainsi elles sont en la protection du roi. Quand au chancelier de
l'Université de Paris, il n'est aussi le chef de celles-ci. La
dignité de chancelier est celle du scholastique, qui est chanoine de
l'Eglise cathédrale, sa charge est telle qu'en plusieurs autres villes,
celle d'un maître des écoles parmi les chanoines de l'Eglise
cathédrale ; comme Bérenger en celle d'Angers. Et celui qui est
le scholastique retient encore son premier nom et d'avantage à cet
honneur d'être Chancelier de l'Université. Quant au Chancelier qui
est en l'Eglise de Paris, il garde bien les sceaux de l'Université, mais
pourtant il n'en est pas le chef, ainsi est le Recteur qui est le premier et le
seul en qualité avec l'Université pour les causes qui touchent
les écoles ou les études. Il est vrai que le Recteur qui est
laïc, parce qu'il ne peut pas bénir. Après que les
écoliers sont passés maîtres et admis au sein de
l'Université, il les présente au Chancelier, qui est
ecclésiastique, à ce qui leur donne la bénédiction.
Mais pourtant le Chancelier n'a pas la direction et la conduite des
Collèges ni des écoliers qui font des études publiques.
Ainsi elle appartient à l'Office du Recteur, ad quem spectat
provisio magistrorum qui debent dici scholares, comme je l'ai vu par un
acte de l'an 1271, enregistré en leur Université. Similiter
Belforestius in Cosmog. Mais qu'est ce que dire que la majesté du
Recteur soit si grande en l'école, que les Actes publics de quelque
faculté que ce soit, il précède évêques et
cardinaux et fussent-ils pairs de France. Et ne souffriront que le Nonce du
Pape ni [aucun] Ambassadeur de Prince au monde eut cet avantage de le
précéder. Quem forte locum prae occulis habuit Hermannus
Coringius sic scribens dissert. 5. de Antiq. Acad. »98
98 DU BOULAY, [V], t. 1, Dissertatio IV. De episcopo
Parisiensi, p. 268.
43
Partant de la définition assez précise, mais
incomplète, qui nous en est donnée par Du Boulay, nous pouvons
constater que la notion de chancelier est polysémique. Mais ne retenons,
dans cette étude, que celles concernant l'Eglise et l'Université,
en écartant toutes celles liées au droit ; il s'agit d'un «
titre indiquant une dignité du chapitre dont l'un des chanoines est
revêtu », à partir du XIIe siècle, et
« chancelier d'université », à partir du
XIIIe siècle99. «
Nommé en principe par l'évêque, le chancelier
(cancellarius) a la garde du sceau du chapitre100. Astreint à
résidence, il est chargé de la rédaction des actes du
chapitre et des églises qui en dépendent, assisté dans sa
tâche par des clercs appelés notaires qui font office de scribes.
Il perçoit des droits de rédaction et de sceau, variables suivant
la nature des actes qu'il établit. Sont exempts de tous droits les
contrats souscrits par ou avec le chapitre et ses proches membres, les actes
intervenant avec les églises et les chanoines de Saint-Jean-le-Rond,
Saint-Denis-du-Pas, Saint-Benoît-le-Bétourné, Saint-Merri
et Saint-Christophe. Les contrats concernant l'hôpital de Notre-Dame sont
également dressés en franchise de droit. Pour les actes qui
concernent d'autres personnes, le chancelier reçoit quatre deniers, sauf
si la rédaction est demandée par le
chévecier101 de l'église, auquel cas les droits de
sceau sont calculés sur la valeur d'une obole de cire par lettre et d'un
denier de cire par charte102. A l'exception des livres de chant dont
la garde incombe au chantre, le chancelier assure la conservation et
l'entretien des livres de l'église. Installée d'abord dans une
dépendance du
99 (Mediae latinitatis lexicon minus,
composuit J. -F. Niermeyer, Leiden, E. -J. BRILL Ed., 1976, [G], p. 124125).
Cependant, il conviendra, dans un approfondissement, d'envisager la fonction
chancelière au croisement des institutions laïque,
ecclésiastique et universitaire. Notre définition du «
chancelier » s'appuie sur l'ouvrage de GANE, R, Le chapitre de
Notre-Dame de Paris, [15], p. 39-40 ; les cancellarii »
étaient à l'origine des serviteurs du tribunal, qui, dès
la deuxième moitié du IVe siècle, devaient en
tant qu'aides personnelles des magistrats du tribunal, surveiller les abords de
ceux-ci. C'est dans cette fonction qu'ils eurent une influence croissante, qui
s'exprima également par une revalorisation de leur rang. D'abord
recrutés à l'extérieur, ils furent au fil du temps choisis
parmi des fonctionnaires et parvinrent au rang de sénateur au
VIe siècle. Ils furent utilisés par le royaume de
Bourgogne et les Wisigoths (Lexikon des Mittelalters, Zweiterband /
Siebente lieferung - Caecilia Romana - Castro, Artemisverlag,
München und Zürich, février 1983, [F], p. 1428).
100 Symbole de la puissance, le sceau marque l'appartenance
à un corps et sert à clore et à authentifier les actes qui
en émanent. AN, LL 78, p. 369 ; « si le chapitre possède son
sceau - c'est le chancelier qui en a la garde - chaque chanoine a le sien
propre. (...) Chaque sceau porte, à côté du nom de son
titulaire, la mention « can. par. » (chanoine de Paris).
Signe de la puissance, le sceau peut être aussi une marque de
dévotion. » - R. Gane, Op. Cit., p. 183.
101 « Collaborateur à la fois du chapitre et
de l'évêque, le chévecier (capicerius) est plus
particulièrement chargé du trésor de la cathédrale
et de la garde des reliques et des offrandes des fidèles. Il veille
également à la conservation des ornements, des vases et des
linges sacrés et prépare, pour les cérémonies, les
livres et les objets liturgiques destinés au culte. Il doit
également pourvoir à l'entretien du sanctuaire en surveillant
l'exécution des travaux décidés par le chapitre et
justifier du bon emploi des sommes affectées aux dépenses
(entretien de la toiture, des cloches, du mobilier, ...). C'est «
l'économe de la communauté » » - R. Gane, Op.
Cit., p. 42.
102 GUERARD, B., Cartulaire, [X], t. I, p. CIV et
355.
44
cloître qui s'avère rapidement trop
exiguë, la bibliothèque doit être déplacée. La
chapitre projette de la transporter au-dessus de la chapelle Saint-Aignan, mais
y renonce pour l'installer, à la fin du XIVe siècle,
dans les combles de la cathédrale, au-dessous des voûtes (supra
testudines), où l'accès se fait par l'escalier de la tour
nord103. En sus du chancelier, le doyen, les archidiacres et le
chantre en détiennent la clef. Les membres du chapitre, les chapelains,
les clercs et les écoliers de Notre-Dame peuvent venir y consulter les
ouvrages104.
Le chancelier assume, d'autre part, un rôle
important dans le domaine de l'enseignement puisqu'il dirige les écoles
capitulaires dont il nomme les maîtres et qu'il délivre en outre
l'autorisation d'enseigner (licentia docendi)105. L'école
capitulaire de Notre-Dame excelle surtout dans l'enseignement de la
théologie mais ne néglige pas pour autant le droit106.
Enfin, il exerce également les fonctions de chancelier de
l'Université de Paris107. A ce titre, il confère la
licence aux étudiants et ne peut la refuser à celui qui est
jugé digne par la majorité des maîtres. Il partage ce droit
avec le chancelier de Sainte-Geneviève, en vertu d'une
décrétale de Grégoire IX, de 1227108. Il
préside d'autre part les réunions de la Faculté de
Théologie109. »
Cette nouvelle définition est cependant, elle aussi,
incomplète et nous souhaitons en préciser certains points. Ce
n'est qu'après le second quart du XIIe siècle, que le
chancelier assume les devoirs de l'écolâtre110. Il est
l'un des huit dignitaires du chapitre de l'église de
103 SAMARAN, CH., « Les archives et la
bibliothèque du chapitre de Notre-Dame de Paris », dans
Huitième Centenaire de Notre-Dame de Paris, Paris, 1964, [36],
p. 173.
104 A. Franklin, Les anciennes bibliothèques de
Paris, Paris, 1877, t. 1, p. 19, cité par R. Gane, [15].
105 F. Claeys, Dictionnaire de Droit Canonique, art.
«Chancelier», t. III, col. 457-458, cité par R. Gane, [15].
106 GABRIEL, A. -L., « Les écoles de Notre-Dame et
le commencement de l'Université de Paris », dans
Huitième Centenaire de Notre-Dame de Paris, Paris, 1967, [13],
p. 164, et cité par R. Gane, [15].
107 CUP, [IV], t. III, p. 324, ; J. -B. Jaillot,
Recherches critiques, historiques et topographiques sur la ville de
Paris, (15 vol. Paris, 1772-1775), t. I : « La cité », p.
143, cité par R.Gane, [15].
108 G. Bourbon, « La licence d'enseigner et le rôle
de l'écolâtre au Moyen Âge », dans Revue de
Questions Historiques, t. XIX, 1876, (p. 543 et s.), p. 537, cité
par R. Gane, [15].
109 P. Féret, La Faculté de Théologie
de Paris et ses docteurs les plus célèbres, (4 vol.) Paris,
1894-1897, p. 99 ; cité par R. Gane, [15].
110 « La direction des écoles au
XIe et au début du XIIe siècle fut
confiée aux écolâtres (scholastici) qui, pour la plupart,
excellaient par l'éclat de leur enseignement. A Paris, il furent choisis
parmi les membres du chapitre et jouissaient de la prébende ordinaire
d'un chanoine. Malheureusement, aucun document ne nous révèle un
personnage à Paris qui auraient porté le titre
d'écolâtre ou scolasticus » - GABRIEL, A. L., Ecoles
de Notre-Dame et commencement de l'Université, [13], p. 156.
45
Notre-Dame. Il est nommé par
l'évêque111. Parmi les premiers devoirs du chancelier,
on retrouve la charge de bibliothécaire et, peut-être, la
direction d'un petit scriptorium. Il devait donc corriger, relier,
garder et conserver tous les livres de l'Eglise de Paris112,
exception faite de ceux du chant113.
Cependant son devoir principal consistait en la surveillance
de l'enseignement et de la nomination du maître du cloître : «
instituere magistrum in claustro qui sufficus sid ad scolarum reginem
»114.
Le droit de conférer la licence d'enseigner, qui
permettait au nouveau maître de commencer son inceptio, fut
exercé assez tôt par le chancelier. Celui-ci devenait ainsi par ce
droit le représentant du pape auprès de l'évêque et
de l'Université de Paris. Alexandre III reconnut ce droit, mais en
1170-1171, dans sa bulle, Quanto Gallicana, il interdit de demander
une rétribution monétaire pour la licence accordée :
« pro prestanda licentia docendi alios ab aliquo quidquam amodo
exigere audeant »115. Pierre le Mangeur fut la seule
exception. Ce chancelier de l'Eglise de Paris, de 1168 à 1178, fut
autorisé par Alexandre III, compte tenu de sa réputation,
d'accepter certaines rémunérations pour la licence
accordée116.
La somme exigée des impétrants pour l'obtention
de la licence était assez élevée et beaucoup de
maîtres parisiens réagirent contre la vente de la licentia
docendi. Le Concile de Latran, en 1179, renforça de nouveau les
décrets antérieurs interdisant son commerce.
Mais, par la suite, il fut difficile d'interdire aux
chanceliers de ne pas exiger une compensation financière pour avoir
accorder la licence. En 1209, le successeur du chancelier
111 Comme le chantre et les trois archidiacres (Paris, Josas,
Brie), tandis que le doyen était élu par le chapitre.
Ibid.
112 CUP, [IV], I, n. p. 81 : « [...] Cancellarium
Parisiensem fuisse tunc solum scribam Universitatis chartarumque custodem :
Quis nescit, alia fuisse cancellarii in ecclesia, alia in Universitate munia ?
Itaque capituli commentaria confecerit, cartasque ejus et instrumenta
publica conscripserit, sigilli capitularis custodiam habuerit,
bibliothecam curaverit, magistrum idoneum scholae claustrali
praefecerit, qui sufficiens esset ad scholarum regimen et ad officium, quod
debebat facere in ecclesie, et ad litteras capituli si opus esset
faciendas, nil ad rem nostram. »
113 Lesquels relevaient de la compétence du chantre.
114 CUP, [IV], I, ep. 21, p. 81 : « Compositio facta
inter capitulum Parisiense et cancellarium super sigillo. 1215, mense Octobri,
[Parisiis] ».
115 CUP, [IV], I, Intro., p. 5, n. 4 : « que la
science qui doit être dispensée à tous gratuitement, ne
semble pas à l'avenir taxée à prix d'argent
».
116 CUP, [IV], I, ep. 8, p. 8 : Alexander III Petro
cardinali S. Chrysogoni, apostolicae sedis legato, mandat ut cum alii super
scholarum regimine Parisiensium provideat, ita quod personam magistri Petri
cancellarii Parisiensis non excedat, quod exinde
fecerit.
46
Prévôtin, Jean de la Chandeleur, vendait
ouvertement la licence et exigeait de l'argent des maîtres ; il est alors
réprimandé par Innocent III en 1212, par l'entremise de
l'évêque de Paris, Hervé117. Devant, le refus du
chancelier de se plier aux recommandations du pape, les maîtres ès
art, n'eurent d'autres solutions que de transférer leurs
activités sur la rive gauche de la Seine. Ils échappaient ainsi
à la juridiction du chancelier de Notre-Dame pour placer leurs
écoles sous celle de celui de Sainte-Geneviève. Ainsi, à
la fin du XIIe siècle, l'abbaye de Sainte-Geneviève
réputée pour la qualité des leçons publiques que
donnent des maîtres aussi prestigieux qu'Abélard, Jocelin, Robert
de Melun et Gautier de Mortagne118, réclame le droit
d'accorder la licence d'enseignement pour toutes les disciplines, dans
l'étendue de sa seigneurie. En 1222, le pape Honorius III prie le
chancelier de Notre-Dame de ne pas troubler la liberté des maîtres
qui enseignent à Sainte-Geneviève et le pape Grégoire IX
va plus loin en faisant droit à la demande de l'abbaye qu'il autorise,
par une bulle de 1227, à délivrer la licence
d'enseignement119. Le chapitre de Notre-Dame ne peut qu'enregistrer
cette restriction apportée aux prérogatives du chancelier.
L'importance de la licence, et son attribution, vient de l'association qui est
faite entre ce diplôme et la large de gamme de charges et d'offices
auxquels elle permet d'accéder. Les avocats du Parlement ou au
Châtelet, les conseillers du roi, les gens de sa chambre des comptes,
tous ces gens de justice ou d'administration intervenant dans les actes
fonciers, indiquent qu'ils sont licenciés, le plus souvent en
droit120.
Mais le XIIe siècle fut aussi celui des
chanceliers érudits et des évêques savants. Il est
difficile d'établir une liste complète des
chanceliers121, mais pour la seconde moitié du
XIIe
117 CUP, [IV], I, ep. 14, p. 73 : « (...) Miramur non
modicum et movemur quod, sicut ex dilectorum filiorum scolarium Parisiensium
querala didicimus, a volentibus scolas regere, quos etiam magistrorum assertio
idoneos asserit ad regendum, juramentum fidelitatis vel obedientie ac
interdum pecunie precium dilectus filius ... cancellarius Parisiensis
nititur extorquere, pro motu proprio incarcerans delinquentes, ubi etiam non
presumitur, quod pro enormitate delicti examen judicis debeant fuge presidio
declinare, ac exigens pecuniam ab eisdem (cum in personam, non
in facultates, vindicari requirat excessus), in usus proprios convertit eandem,
ut videatur vindictam cupiditatis ardore potius quam zelo justicie exercere
».
118 Comme le chapitre de Notre-Dame, l'abbaye de
Sainte-Geneviève relève directement de l'autorité du pape
et n'est pas soumise à l'autorité épiscopale, comme
précisé dans le chapitre sur l'Université ; Cf.
supra.
119 GABRIEL, A. L., Les écoles de la
cathédrale de Notre-Dame et le commencement de l'Université de
paris, [13], p. 157-160. La bulle de Grégoire IX est reproduite dans
CUP, [IV], I, ep. 55 et s., p. 111.
120 Le service du roi, au sens large et notamment dans sa
justice, offre davantage de possibilités que celui de l'Eglise. Le
niveau de doctorat concerne moins de monde car pour obtenir ce grade il fallait
achever un long parcours d'études ; cependant, il ouvrait la
possibilité de belles carrières, soit dans l'Université,
soit dans l'Eglise, comme l'office de chancelier et le tremplin qu'il a
constitué vers d'autres offices ecclésiastiques plus prestigieux
tend à le prouver, à travers des personnages comme Pierre d'Ailly
notamment.
121 Denifle -Chatelain, CUP, [IV], I, p. XIX - XX, op.
cit..
47
siècle et les siècles suivants la liste est plus
complète122. Les crises qui opposent alors et ensuite les
chanceliers à l'Université sont autant d'étapes qui
marquent une évolution dans la fonction de ce dignitaire du chapitre,
laquelle se poursuit au sein même du chapitre et dans la
société laïque. Cette évolution est constante ; ainsi
dès 1360, puis en 1370 et 1408, il est rappelé que la fonction de
chancelier est avant tout un office attaché au chapitre cathédral
et ne confère pas à celui qui l'exerce une quelconque
dignité123.
A l'origine de l'Université, durant sa période
de formation et de consolidation de la corporation des maîtres, dans les
années 1140 à 1178, les chanceliers recevaient un paiement pour
chaque attribution de licence. Les maîtres répugnaient
généralement à payer pour obtenir la licence, mais cela
n'était cependant pas un obstacle dans leur formation ; ce qui
était déjà le cas alors que Pierre le Mangeur (Petrus
Comestor) était chancelier. Aucune protestation ne fut faite
à son encontre dans cet office, au moins entre 1164 et 1168, quand il
fut explicitement autorisé par le pape à obtenir des honoraires
pour l'attribution des licences124.
Dans les premières écoles cathédrales,
nous l'avons déjà remarqué, l'officiant en charge de la
supervision des écoles et de l'attribution des licences pour enseigner
était appelé scholasticum ou magister
scholarum. A Paris, durant la seconde moitié du XIIe
siècle, les charges de scholasticus furent prises par les
chanceliers, choisi parmi les huit dignitaires du chapitre des chanoines de la
cathédrale Notre-Dame.
122 GABRIEL, Astrik L., The conflict between the chancellor
and the University of masters and students at Paris during the middle
ages, [14], 1976, p. 146-151; cf. supra dans l'introduction et
notes 11 et 13 ; dans le Manuscrit d'Ajaccio (MS Ajaccio, [III], BM I38, fol.
71 - 135) des noms de chanceliers ne faisant pas partis de la liste retenue par
Denifle et Chatelain et Gabriel sont cités ; cependant, il ne figure
dans aucune autre source consultée, ce qui nous oblige, pour le moment,
à ne pas les retenir dans notre étude.
123 LL 265, [XII], f. 260 : « Cancellaria est
simplese officium dumtaxat et non dignitas : hodie Decretum
ut Canellariam non esse dignitatem sed simplese officium et quod cum officiis
ecclesiae parisienses obtinentes illa etiam cum illis obtinebant Beneficia
curata », Reg. 2 p. 292 ; « Sevibantus litterae
testimoniales qualites Cancellaria Parisiensis reputata fuit ab antique et
adhuc reputatus officium in ecclesia et capitula parisienses. »,
1370, Reg. 3 p. 579 ; « De supplicatione domini cancellarii (Gerson)
quod habeat litteras testimoniales quod cancellaria non est dignitas sed
officium simplex cum litteris recomendatonis »", 1408, Reg. 6 p. 125.
» Il est peut être possible de voir dans cette distinction le
résultat de la lutte d'influence qui oppose le recteur de
l'Université au chancelier, notamment dans la préséance
entre ces deux personnages lors des remises des licentiae docendis, et
dont témoignent les nombreuses suppliques adressées au pape par
les différentes facultés pour arbitrer ce différent
récurrent. Cette distinction est aussi une marque des
prérogatives extérieures que le chapitre souhaite affirmer en
toute circonstances. Ainsi en est-il également des considérations
chancelières de sa supériorité dignitaire sur le recteur
de l'Université, même si, nous l'avons dit (cf. supra et
introduction, p. 3), la fonction de chancelier n'est pas une dignité. Il
ne faut donc pas confondre les termes « dignitaire »
(dignitate, littéralement celui qui est revêtu d'une
dignité, esse cum dignitate) et « dignité »
(dignitas, tatis, auquel il serait mieux de préférer le
terme honor), comme cela a pu être le cas de certains
érudits.
124 CUP, [IV], I, ep. 8, p. 8 ; Cf. supra n. 116.
48
Plus tard, dans d'autres universités, la dignité
de chancelier fut confiée à l'évêque de la
cité ou au prévôt des chanoines du chapitre de la
cathédrale, mais toujours à un dignitaire ecclésiastique.
La tradition de choisir le chancelier dans les rangs du clergé
était si forte que même les empereurs ou les princes locaux
choisissait uniquement des dignitaires ecclésiastiques pour servir dans
leurs universités.
Les charges de chancelier de l'Université
étaient donc similaires à celles de chancelier royal. Il
était le custos du cachet du chapitre de la cathédrale ;
il envoyait les lettres en plus de sa charge de la bibliothèque pour la
constitution des collections de livres et leur présentation. Mais sa
tâche principale était de superviser l'enseignement et d'appointer
les Maîtres du « cloître »125.
Sa charge la plus importante était donc la
délivrance des licences d'enseignement. Le pape Alexandre III dans la
bulle Quanto Gallicana, éditée en 1170-1171, interdit de
demander un paiement pour ce service, mis à part la dispense
attribuée seulement au chancelier Pierre le Mangeur126. La
Renaissance intellectuelle du XIIe siècle entraîne une
multiplication du nombre des maîtres et de la présence
d'étudiants étrangers aptes à enseigner ; l'enseignement
devient alors une entreprise très lucrative. Il semble naturel que le
chancelier, qui délivrait les licences, souhaite partager les profits
réalisés par les maîtres. Ainsi, sans être
réellement officiel, le « simonisme scolastique
»127 était né. C'est ce droit au profit qui
fut au centre d'un grand conflit qui opposa le chancelier aux maîtres de
l'Université de Paris de 1384-1386.
A travers ce conflit c'est l'autorité même du
chancelier qui était contestée par les maîtres et,
indirectement, par le recteur de l'Université. Or l'autorité du
chancelier trouvait son origine en partie dans le privilège royal
donné par Philippe Auguste en 1200 et en partie dans la confiance papale
autorisant le chancelier de délivrer la licence pour enseigner n'importe
où dans le monde chrétien. Le chancelier est également, un
représentant du pape, Commissarius Pape, comme Pierre d'Ailly
qui se présente comme tel en 1385128.
L'autorité du chancelier fut donc renforcée tout
d'abord par le privilège, donné par Philippe Auguste, mettant les
étudiants en dehors de la juridiction du prévôt de Paris,
et sous
125 « Et talem instituere magistrum in claustro, qui
sufficiens sit ad scolarum regimen », CUP, [IV], I, ep. 21, p.81.
126 Comme nous l'avons indiqué précédemment;
cf. supra notes 116 et 124.
127 GABRIEL, Astrik L., The conflict between the chancellor
and the University of masters and students at Paris during the middle
ages, [14], 1976.
128 Voir MS Ajaccio, [III] ; GUENEE, B., Entre l'Eglise et
l'Etat, quatre vies de prélats français à la fin du Moyen
Âge (XIIIe - XVe siècles), [21], Paris,
1987.
49
celle de l'évêque de Paris : « reddet
eum justicie ecclesiastice »129. L'office de chancelier
recouvre ainsi une fonction de juge en lieu et place de la justice royale,
puisqu'il a la charge de l'enseignement au sein du chapitre. Ainsi si un
universitaire, maître ou étudiant, arrêté, par le
prévôt, n'était pas relâché après
l'intervention de deux maîtres et, en recours ultime, du recteur
lui-même, alors ce dernier devait en appeler au chancelier puis à
l'évêque ou son représentant pour que l'individu soit
relâché130. Cette compétence juridictionnelle du
chancelier sur les étudiants fut confirmée par plusieurs
décrets au cours du XIIIe siècle, dont celui du 18
novembre 1234131. Le chancelier était donc
considéré dans ce cas comme supérieur au recteur en
autorité.
L'autorité du chancelier reposait principalement sur sa
compétence pour la délivrance
de la « licentia docendi », non en son nom
mais en celui du pape, non comme un représentant du Chapitre de la
cathédrale Notre-Dame mais comme représentant du souverain
pontife lui-même. Sa fonction a très bien été
définie par le chancelier Gauthier de Château Thierry (1246-1249),
qui fut ensuite évêque de Paris. Gauthier disait que si les clefs
de l'apprentissage étaient l'apanage des maîtres, le trésor
de la connaissance était, dès lors, entre les mains du pape ou,
sur son ordre, du chancelier132.
L'autorité du chancelier a été, par la
suite, renforcée, du milieu du XIIe siècle à la
fin du XVe siècle, de Pierre le Mangeur à Pierre
d'Ailly, et à Jean de Gerson, par le fait qu'il était reconnu
comme universitaire de premier plan. Déjà, dès le
XIIIe siècle, Jean de Garland reconnaît que le
chancelier de Notre-Dame dirige les études133. La «
Bataille des sept Ars »,
129 CUP, [IV], I, ep. 1, p. 60: « et tunc arrestabit
eum justicia nostra in eodem loco sine omni percussione, nisi se defenderit,et
reddet eum [l'étudiant] justicie
ecclesiastice, que eum custodire debet pro satisfaciendo
nobis et injuriam passo ».
130 « Et si prepositus eum [l'étudiant]
reddere noluerit rectori, tunc reccurret rector ad cancellarium et postremo
ad episcopum uel officialem ejusdem », CUP, [IV], I, ep. 197, p.
223.
131 « Ratione jurisdictionis ordinarie quam obtinetin
eisdem subjecti erant cancellario memorato », CUP, [IV], I, ep. 105,
p. 156.
132 CUP, [IV], I, p. XI : « Ante saec. XIII officium
Cancellarii Parisiensis sic explicabatur, magistris commissas esse
« claves scientiae a domino Papa, vel a Cancellario Parisiensi ex
ordinatione domini Pape, ad aperiendum thesaurum sapientie »
; CUP, [IV], I, p. XI, n. 2.
133 CUP, [IV], I, p. XIX : « Ab abbate S. Genovefae
ab anno 1222 licentiatos invenimus, sed, crescente Artium magistrorum numero
qui jurisdictionem Montis un vico Garlandiae petierunt, Cancellarius ibi
necessarius fuit ».
50
un poème du XIIIe siècle,
désigne le chancelier comme le premier clerc de France134.
Robert de Sorbon, dans son De consciencia, le décrit comme un
homme d'une telle connaissance que les étudiants étaient
terrifiés à l'idée de lui adresser la
parole135.
Mais la crainte évoquée par Robert de Sorbon
relève tout autant de la fonction même du chancelier qui est celui
qui attribue la licentia docendi. Les étudiants étaient
alors d'autant plus impressionnés par ce personnage que c'était
de lui que dépendait la suite de leur carrière universitaire.
Ainsi il faut voir dans les plaintes des maîtres contre le chancelier
à propos du paiement de la licence, non pas le soucis d'assurer à
leurs étudiants le moins de frais possibles dans l'octroi de celle-ci,
mais un moyen pour la formation et le développement de la corporation
des maîtres et des étudiants à la fin du XIIe
siècle : le conflit était alors institutionnel136. Les
oppositions suivantes entre le chancelier comme commissarius du pape
dans l'attribution des licences et l'Université permirent de mieux
affirmer et clarifier les droits et privilèges de celle-ci et les
prérogatives du chancelier.
Les conflits des XIIIe et XIVe
siècles furent centrés autour d'une série de controverses
dont le droit du chancelier d'accorder la licence d'enseignement, la
méthode d'examen des candidats et le rôle des facultés dans
cet examen, la rémunération financière du chancelier pour
l'attribution de la licence, la question de la direction du conseil de
l'Université entre le recteur ou le chancelier, le droit du chancelier
d'évaluer la qualité de l'enseignement des maîtres et de
leur préparation des candidats à la licence.
L'affrontement du premier quart du XIIIe
siècle, en 1212-1213 et 1219, déboucha sur le renforcement de la
solidarité des Universitas, c'est-à-dire des
facultés parisiennes, et clarifia les conditions d'attribution de la
licentia docendi, codifiée brièvement dans les
statuts
134 La Bataille des VII Ars of Henri d'Andeli and the
Morale Scolarium of John of Garland, in PAETOW, Louis John, Memoirs of
the University of California, vol. 4 No. 1 et 2, Berkeley, 1927, P. 44: Vv.
84-86:
Par le conseil au chancelier
Ou ele avoit molt grant fiance
Quar c'ert li mieldres clers de France
(La Bataille des VII ars).
cité in GABRIEL, Astrik L., The conflict
between the chancellor and the University of masters and students at Paris
during the middle ages, [14] p. 109.
135 « Multi autem bene respondent coram aliquibus
simplicibus [magistris], qui male responderent coram Cancellario, perterriti et
stupefacti propter magnitudinem sue sapiencie », CHAMBON, F.,
Robert de Sorbon. De consciencia et De tribus dietis, Paris, 1903, P. 18
chapt. ; cité in GABRIEL, Astrik L., Ibid..
136 VERGER J., Le chancelier et l'université
à Paris à la fin du XIIIe siècle, in
Les universités françaises au Moyen Age, 1995, [43],
Introduction.
51
de 1215 de Robert de Courçon, et plus largement dans la
bulle Parens Scientiarum de Grégoire IX en 1231.
Les maîtres de la faculté de théologie et
de droit canon furent assurés du droit de participer à
l'attribution de la licence s'il témoignait de la qualité du
candidat. Pour la licence de théologie, l'opinion de la majorité
des maîtres sur le candidat semble avoir été rendue
obligatoire par le chancelier. Néanmoins toute personne n'ayant pas
été licenciée par le chancelier pouvait l'être par
l'autorité papale. Cependant, le langage ambigu de la bulle pontificale
semble indiquer que le chancelier, d'aussi loin que les théologiens
étaient concernés, avait le droit d'octroyer la licence à
toute personne de son souhait. Le chancelier bénéficiait d'encore
plus de liberté dans l'attribution de la licence aux physiciens. Le
coût de l'examen pour les étudiants de la faculté des arts
était à la charge de la faculté et sur les six
maîtres retenus pour participer à l'examen, trois étaient
choisis par le chancelier.
De son côté et malgré quelques tentatives
de pression de la part d'un certain nombre de maîtres, le chancelier de
Sainte Geneviève, le Cancellarius Superior, ne fut jamais un
sérieux rival pour Notre-Dame, Cancellarius Inferior. Le
chancelier de Sainte Geneviève accueillait les artistes qui
émigraient de la Cité dans son territoire autour de 1219-1222. Le
pape Honoré III prévient le chancelier de Notre-Dame de ne pas
priver de leur liberté de mouvement ceux des théologiens et des
chanoines qui désiraient être promu par le chancelier de
Sainte-Geneviève au lieu de prendre la licence inter duos
pontes. Cependant, il apparaît que seuls les étudiants de la
faculté des arts semblent avoir sollicité la montagne
Sainte-Geneviève.
Dans le même ordre d'idée, quelques-unes des
attaques et des tirades des chanceliers contre l'Université, comme celle
de Philippe le Chancelier, de 1218 à 1236, peuvent être
expliquées à travers leur opposition avec la corporation des
maîtres et des étudiants. Il affirme dans un de ses sermons que
les principes mêmes de l'organisation corporatiste sont mauvais et
incompatibles avec une bonne marche des études. Philippe fut
sévèrement réprimandé par le pape pour avoir
emprisonné et excommunié des étudiants qui ne
reconnaissaient pas son autorité137. Cependant, habile
politicien, le même Philippe le Chancelier se rangea au côté
de
137 CUP, [IV], I, ep. 33, p. 93 : « Honorius III
Philippum cancellarium Parisiensem propter gravia quaedam accusatum et ad suam
praesentiam constitutum Parisios remittit, quia nullus accusator comparuit
» ; CUP, [IV], I, ep. 45, p. 102-104 : « Honorius III
archidiaconis Remensi ac Senonensi et mag. Petro de Collemedio ut exsecutoribus
scribit, quae pendente lite inter Guillelmum episcopum, Philippum cancellarium
et officialem Paris. ex una, et magistros et scholares ex alia parte, observari
debeant prohibetque ne episcopus nec aliquis alius ejus nomine in Universitatem
sententiam excommunicationis proferre possit. Interim etiam usus
sigilli
52
l'Université durant la crise de l'exode de 1229-1231,
faisant tout ce qui était en son pouvoir pour attirer les
étudiants d'Orléans et d'Angers à Paris. De même
dans le conflit qui opposa les Séculiers aux Mendiants, au milieu du
XIIIe siècle, le chancelier, alors que nombre
d'étudiants ou de maîtres étaient des clercs, prit une
attitude prudente de non intervention et se soumit à la bulle Quasi
Lignum Vitae d'Alexandre IV datant de 1255.
Sur l'ensemble des conflits entre le chancelier et
l'Université, un débat important porta sur la question de la
préséance entre le chancelier et le recteur. La question
était d'importance puisqu'elle posait le problème d'une
université bicéphale et de l'autonomie de celle-ci face à
l'évêché parisien. Le conflit éclata entre la
faculté des arts et le chancelier Philippe de Thory aux alentours de
1280-1284. La dispute autour de la même question de la
supériorité fut posée plus violemment de 1282 et 1286
entre Jean Blanchart et l'Université138.
A la fin du XIIIe siècle,
l'Université, non seulement comme collège, mais aussi au nom de
quatre facultés distinctes accomplit la consolidation de son autonomie
vis-à-vis du chancelier. En 1271-1272 la faculté de droit canon
réclama le droit d'utiliser son propre sceau, et la faculté de
médecine fit de même en 1274 pour valider les documents officiels
et attester de la légitimité des licences qu'elles
attribuaient.
Malgré une série de décrets et de mises
en gardes du pape, comme différents statuts interdisant l'acceptation
d'honoraires ou d'émoluments des impétrants à la licence
par le chancelier, la coutume d'offrir des cadeaux au chancelier ne pu pas
être éradiquée et fut même finalement
tolérée, et non pas autorisée comme dans le cas de Pierre
le Mangeur.
Durant le conflit de 1290 entre le recteur de
l'Université et le chancelier Berthault de Saint Denis, celui-ci fut
accusé de vendre toutes sortes de faveurs à des ignorants. Mais
durant les cent ans qui suivirent le début de cette dispute, on remarque
qu'il n'y eut que très peu d'accusation contre le chancelier à
propos de cadeaux qu'il aurait accepté pour la délivrance de
licences. En 1384 la pratique du don d'argent ou de cadeaux pour recevoir le
signetum ou pour obtenir la licence fut universellement
acceptée comme une coutume traditionnelle qui aurait toujours
existé. Entre 1350 et 1380 peu de plaintes furent enregistrées
contre le chancelier, car l'Université fut occupée par sa
résistance au prévôt de Paris, et dans ce cadre,
scholarium suspendatur, nec scholares secundum nationes
suas sibi quemquam ad ulciscendas injurias praeficiant. 1222, Maii 32,
Alatri. »
138 Sur cette affaire la meilleure étude est celle
proposée par BERNSTEIN, A. -E., Pierre d'Ailly and the Blanchard
Affair. University and Chancellor of Paris at the Beginning of the Great
Schism, Leyde, 1978, [3] que l'on peut completer par VERGER J., Le
chancelier et l'université à Paris à la fin du
XIIIe siècle, [43].
53
le chancelier pouvait se révéler être un
allié utile. Les prisons ne furent plus sous la responsabilité du
chancelier dès le début du XIIIe siècle, ce qui
marquait la fin d'une partie de son pouvoir séculaire face au
prévôt de Paris. Celui-ci fit construire deux prisons
spéciales pour les membres de l'Université.
Ainsi, durant le XIIIe siècle, les conflits
entre les chanceliers et l'Université permirent le développement
de l'autonomie de l'Université en clarifiant les droits et les
privilèges concernant les deux parties. L'Université conservait
un droit de regard sur les jugements du chancelier en matière
d'enseignement et pour la préparation des candidats.
Le conflit de 1330-1332 entre la Faculté de
médecine et le chancelier Guillaume Bernard de Narbonne fit
éclater au grand jour les abus dans les attributions des licences sur
recommandation de personnes influentes, comme les rois ou les princes, ne
tenant pas compte des formalités d'usage comme la consultation en
premier lieu de la faculté dont était issu l'impétrant. La
dispute autour de ce « simonisme scolastique » rappela quelques
droits oubliés comme celui d'avoir à consulter l'ensemble de la
faculté et pas uniquement quelques maîtres.
Aux alentours de la fin du XIVe siècle, les
conflits eurent plutôt tendance à refléter des ambitions
personnelles de certains chanceliers puisque la réforme des statuts de
l'Université de 1366 proposait, notamment, de régler, avec
Grimaud Boniface, le problème de la compétence dans la collation
de la licence d'enseignement139. Ainsi l'importance de l'opposition
de 1384-1386 se focalisait plus particulièrement sur la question de la
rémunération pour l'obtention de la licence. Mais même
cette contestation entre Jean Blanchart et l'Université,
alimentée par une intrigue et des problèmes plus personnels, ne
suffit à résoudre ce problème de la gratuité de
l'octroi de la licence, qui resta insoluble même après le
XVIe siècle140. Pierre d'Ailly, avec ses riches
bénéfices, combinées à son érudition
scolastique, montra une autorité incontestable dans son
office141. Il fut suivi par des chanceliers qui assurèrent
une direction forte à l'intérieur de l'Université durant
le XIVe siècle. L'office de chancelier fut remarquable du
temps de personnages tels que Jean Gerson, de 1395 à 1429, Jean
Chuffart, 1433 à 1451, Robert Ciboule, de 1451 à 1458, Jean de
Oliva, de 1459 à 1471, et Denis Citharedi, de 1471 à 1482.
139 Cf. supra dans l'étude de Grimaud Boniface et
CUP, [IV], III, ep. 1319, p. 143-148.
140 Ibid. Pour une étude plus approfondie de
ce problème central de l'octroi de la licence par le chancelier, il est
nécessaire d'ouvrir cette étude sur le temps long,
c'est-à-dire jusqu'à la fin du XVIIIe
siècle.
141 GUENEE, B., Entre l'Eglise et l'Etat, quatre vies de
prélats français à la fin du Moyen Âge
(XIIIe - XVe siècles), [21], Op.
cit..
142 La dénomination de l'Université de Paris
comme fille aînée du roi date des statuts de Jean de
Courçon en 1215.
54
Si les chanceliers du chapitre de Notre-Dame de Paris ont
laissé une empreinte profonde dans la vie intellectuelle de
l'Université de Paris au Moyen Age, la liste d'une quarantaine de
chanceliers du XIIe au XVe siècle comporte de
nombreux noms célèbres, tout à la fois à cause des
écrits et traités qu'ils laissèrent que par les fonctions
ecclésiastiques qu'ils tinrent ensuite. Ainsi, quatre chanceliers
devinrent évêques et quatre cardinaux. Par les textes qu'ils
produisirent, ils eurent un rôle important dans la constitution de la
pensée philosophique, théologique et juridique de
l'Université de Paris. Si les chanceliers montrèrent
généralement un manque d'érudition en ce qui concerne la
théologie et le droit canon, ils furent cependant dans une excellente
position pour défendre, vis-à-vis de la corporation des
maîtres et des étudiants leurs propres droits, autorité, et
pour provoquer la constitution d'une législation fructueuse concernant
l'autonomie et les privilèges de l'Université. A la fin du
XIVe siècle, la charge de chancelier était
revêtue d'un grand respect et d'un grand prestige à leur charge.
Ce n'est pas la fonction qui apportait le prestige au chancelier, mais le
chancelier qui donnait autorité à sa charge. Il put
réaliser cela en faisant disparaître, voir oublier, les nombreux
conflits qui l'opposèrent à l'Université, et en changeant
les difficultés en compromis bénéfiques.
Au début du XVe siècle,
jusqu'à la prise de Paris par les Bourguignons en 1418,
l'Université peut prétendre jouer un rôle de premier plan
aussi bien dans la vie de l'Eglise que dans celle du royaume, et par
conséquent il en va de même pour ceux qui en ont la charge, les
maîtres et le recteur, et celui qui en a la responsabilité, le
chancelier. Placée sous l'autorité directe des papes, reconnue et
protégée par les rois, établie dans la capitale du royaume
de France, l'Université de Paris a une vocation universelle,
c'est-à-dire à l'échelle du monde chrétien. Elle
approfondie et répand, par sa faculté de théologie, la
connaissance de Dieu et elle forme les hommes qui dans l'Eglise ou dans la
société médiévale soutiennent et aident tous les
autres à faire leur salut. C'est pourquoi, il ne faut pas
s'étonner que les maîtres parisiens estiment jouer un rôle
de premier plan. Et le chancelier Gerson l'a bien compris lui qui, en 1405,
dans le discours pour la réforme du royaume qu'il adresse à
Charles VI déclare à propos de la place de l'Université :
« Mais tournes s'il vous plaist ung peu les yeulx de vostre
consideracion envers la fille du roy [l'Université de
Paris]142 et les ostez de moi ; avisez bien son estat et sa
composicion, et vous verres tres convenablement luy apartient de fait et
de
55
parole ce noble cry : vive le roy. Pour quoy ? Regardes la
faculte de medecine : elle cure et gouverne la vie corporelle. Regardez
philosophie morale, ethiquez, yconomiquez, politiquez, de quoy traictent les
ars et le droict et loys, et vous trouverez que par cez deux facultez est
gouvernee la vie civile et politique. Theologie, c'est de certain gouverne la
vie espirituelle, divine et catholique. [...] L'office de la fille du
roy est traictier et enseigner verite et justice [...]. Pensez
doncques comme la fille du roy est dicte comme le bel oeil cler mis en ce
royaume pour veoir tout ce qu'est a faire, et est comme la guette mise au plus
hault de la tour pour regarder que mal ne viengne ; et le sonner
[...]143. » Le chancelier Gerson n'oublie
personne dans son discours et cite même les quatre facultés qui
forment l'Université : médecine, droit, arts et théologie.
Cependant, en plaçant en dernier la théologie, il marque
l'importance de celle-ci sur toutes les autres, car elle est au sommet de la
hiérarchie des sciences.
Gerson n'est plus comme Philippe le Chancelier ou Jean
Blanchart un chancelier qui se débat contre l'Université pour en
garder le contrôle. Il est un chancelier qui la défend, qui
l'accompagne dans ses revendications universaliste et d'interventionniste dans
tout ce qui concerne le monde. Et ainsi, il est juste que l'Université
dise ce que doit être l'autorité du roi et la bonne manière
de gouverner la cité. Ainsi il est normal qu'elle soit le guetteur qui
prévient le royaume des dangers qui pourraient le toucher. Ainsi le roi
est sage s'il ne néglige pas son conseil. Ainsi l'Université
gagne sa légitimité non seulement par son autonomie
vis-à-vis de l'Eglise, mais par son action de plus en plus grande dans
la politique royale.
Et le chancelier dans tout cela ? N'est-il pas le garant de la
qualité de ce qui est enseigné dans l'Université par sa
faculté de distribuer la licentia docendi ? N'a-t-il pas un
rôle plus éminent à jouer dans la société par
ce biais ? Et, justement, ce rôle plus concret est celui que vont tenter
de jouer les grands maîtres144 à travers leurs
propositions et leurs actions pour le règlement du Grand Schisme et la
seconde phase de la guerre de Cent Ans. Il ne leur suffit plus de conseiller,
il leur faut prendre parti mais cela se fait au détriment des
étudiants qui se trouvent ainsi abandonnés par des maîtres
accaparés par des charges qu'ils jugent plus importantes. Le chancelier,
se présente comme un repère pour l'Université dans cette
période de tourments qui s'ouvre ; Gerson tente d'entraîner
l'Université à prendre parti dans le conflit qui oppose Armagnacs
et Bourguignons, en faveur des premiers contre le tyrannicide des
143 Vivat Rex, in GERSON, Jean, OEuvres
complètes, [IX], éd. Glorieux, P., Vol. VII* : l'oeuvre
française - Sermons et discours, n° 398, p. 1144-1145, p. 1145
Paris-Tournai, 1968 ; sur ce discours, voir DACREMONT, Henri, Gerson,
[8], Paris, 1929, Ed. Jules Tallandier, p. 7 à 33.
144 A ce titre, Pierre d'Ailly et Jean Gerson sont à la
fois des grands maîtres et des chanceliers.
56
seconds ; mais le poids du chancelier est bien faible face
à la situation même de l'Université. Etant implantée
dans la capitale, l'Université devait ainsi en subir les mêmes
conséquences et soutenir, malgré elle, les Bourguignons et le
chancelier choisir pour un tant l'exil dans une province voisine ; mais tel
n'est pas le sujet principal de notre propos. Dans cette affaire, Gerson, en
tant que chancelier, s'occupait donc moins de la fonction sociale de
l'Université que du rôle de guide du pouvoir qu'elle revendiquait
et qu'il entendait jouer, lui le chancelier, de par sa fonction. Mais nous
pouvons considérer que ce fut un échec dans la mesure où
l'inertie de l'Université, liée à sa situation
géographique fut plus forte que la volonté de son chancelier.
Après la guerre de Cent Ans, ni l'Université de Paris, ni le
chancelier n'ont semble-t-il plus le même prestige qu'ils avaient atteint
en cette première moitié du XVe siècle.
Cette évolution de la charge de chancelier de
Notre-Dame, que nous avons sommairement rapporté ici, principalement
vis-à-vis de l'Université, mériterait d'être
analysée dans le détail pour chaque chancelier qui s'est
succédé à ce poste. Cette évolution doit
également prendre en compte les changements de la fonction
chancelière vis-à-vis de l'Eglise145 mais aussi de la
société médiévale dans son ensemble. Cependant,
compte tenu de l'importance du corpus, c'est un travail de thèse qui
permettra de réaliser cette étude.
145 Une étude croisée peut, notamment,
être envisagée dans une partie entre le chancelier de Notre-Dame
de Paris et celui de la montagne Sainte-Geneviève.
57
Conclusion.
 la charnière de deux mondes, le chapitre et
l'Université, le chancelier est sans doute l'un des personnages les plus
importants de son époque. Jaloux de ses prérogatives, il n'eut de
cesse de les préserver du XIIe au XVe
siècle face à une Université, que les rois et les papes
souhaitaient voir prendre de plus en plus d'importance dans une
société occidentale en pleine reformation.
Si certains chanceliers, comme Pierre le Mangeur, Pierre
d'Ailly ou Jean Gerson, sont restés célèbres, c'est parce
qu'ils ont aussi été des auteurs célèbres, des
maîtres renommés, continuant à enseigner durant leur
cancellariat, et qu'ils ont souvent proposé des modèles à
suivre. D'autres, comme Philippe le Chancelier ou Jean Blanchart et, dans une
moindre mesure Pierre le Mangeur, ont marqué cet office
ecclésiastique par leur volonté d'en tirer profit et par leur
refus de céder sur les avantages qu'il leur procurait. Les exceptions
sur le paiement du droit à la licence, alors qu'au départ elle
devait être délivrée gratuitement, sont devenues ainsi une
coutume dont il a été ensuite bien difficile de combattre les
abus. D'autres encore, comme Grimaud Boniface, n'ont pas laissé de
traces remarquables ou critiquables de leur passage dans la fonction
chancelière mais ils ont participé tout autant que leurs
prédécesseurs ou ceux qui les ont suivi à son
évolution.
Nous avons pu également constater que le chancelier
reste un universitaire puisque tous sont passés par la faculté
où, pour la plupart ils ont obtenus un doctorat en théologie.
Mais il est aussi un homme d'Eglise et cette fonction canoniale a
représenté pour quelques-uns, comme Pierre d'Ailly, une sorte de
tremplin vers d'autres fonctions ecclésiastiques supérieures,
sinon, elle a apporté un appoint financier conséquent par le
cumul des bénéfices. Ainsi de nombreux chanceliers, tels Philippe
le Chancelier ou Grimaud Boniface que nous avons plus particulièrement
étudiés, ont cumulés les offices canoniaux étant
titulaires de plusieurs prébendes.
Cette fonction apporte donc, avec la prébende qui lui
est attachée, un complément conséquent de revenus, mais
aussi un accroissement d'honneurs et de prestige pour, éventuellement,
aller plus loin, mais le chancelier a aussi conscience que sa fonction est
importante et qu'il a un rôle à jouer dans une
société en mutation.
Le chapitre de Notre-Dame, dont il est dignitaire, est
consulté sur des questions dogmatiques dont il est le fervent
défenseur de l'orthodoxie, rejetant violemment les
hérésies,
58
n'hésitant pas à s'opposer parfois au pape.
L'Université de Paris est aussi un lieu de débats et de
controverses que le pouvoir pontifical a parfois du mal à
tempérer ou, à tout le moins à arbitrer.
Interlocuteur privilégié des autorités
pontificales qu'il représentait avec l'Université, le chancelier,
sûr de son bon droit, n'a pas toujours voulu voir la place de plus en
plus importante que lui disputaient les maîtres, et le recteur, dans leur
volonté d'autonomisation vis-à-vis de tout pouvoir politique ou
spirituel ; peut-être avait-il peur de raviver des rancoeurs
récurrentes, comme celles autour de la collation de la licentia
docendi.
À la fois « fille aînée du roi
» et fer de lance de la théologie, car formatrice des docteurs
savants dont l'Eglise a besoin, l'Université représente donc une
personne bien difficile à manoeuvrer pour un homme, le chancelier, dont
l'autorité est très souvent contestée. Mais l'importance
de cette fonction chancelière est également liée de
façon étroite à cette place de l'Université de
Paris dans l'Occident chrétien ; ainsi, avec la fin de la guerre de Cent
Ans et avec la naissance d'autres universités, qui vont bientôt
concurrencer l'université parisienne, il convient de se demander si le
chancelier de Notre-Dame de Paris n'a pas alors, lui aussi, perdu non seulement
en prestige, mais surtout en influence, à la fois au sein de l'Eglise,
de l'Université mais aussi auprès des autorités qu'il
représentait ou qu'il conseillait, et, d'une manière
générale, dans la société dans son ensemble ? Mais
tenter de répondre à cette question, c'est proposer de faire
l'étude exhaustive de tous les chanceliers qui du XIIe au
milieu du XVIe siècles vont se succéder à ce
poste, pour savoir comment a évolué la fonction à travers
le type de chancelier que chacun a été.
Nous avons, pour notre part, donner quelques
éléments de réponses à cette problématique,
à travers l'ébauche d'une base prosopographique qui permet la
recension de l'ensemble des sources et des études concernant ces
personnages. Cette étude prosopographique est donc incomplète et
ne demande qu'à être étendue à l'ensemble des
chanceliers ; nous avons tenté dans notre étude de définir
un corpus, des cadres et des outils, il reste désormais à s'en
servir.
59
Bibliographie.
Abréviations.
BM : Bibliothèque Municipale.
B.N. ou BNF : Bibliothèque Nationale de France.
CUP : Chartularium Universitatis Parisiensis
L, LL : manuscrits conservés aux Archives nationales.
X. : manuscrits conservés à la Bibliothèque
nationale de France.
Sources (originales ou
éditées)146.
[I] B.N. Lat. 15615 et 16574: Obituaire de la
Sorbonne147
[II] BEHRMAN, D., "Volumina vilissima, a Sermon of Eudes of
Châteauroux on the Jews and their Talmud, Paris, BNF Lat. 16558,
d'après le mss Arras, BM 137(876), ff. 85v-88ra et Orléans, BM
203 (180), ff. 290vb-293rb.
[III] chanceliers de Notre-Dame, in MS Ajaccio BM
I38, fol. 71 - 135.
[IV] DENIFLE, H. -CHATELAIN, Ae, Chartularium
Universitatis Parisiensis, sub auspiciis consilii generalis
facultatum parisiensium, Paris 1889 - 1896, ed. de la Sorbonne (Bib. de La
Sorbonne, Réserve, USR 655), t. I, II, III et IV.
[V] DU BOULAY, C. -E., BULAEUS, Historia
Universitatis Parisiensis, 1665-1673, 6 vol.
[VI] Epitaphier du vieux Paris, LESORT A. et VERLET H.
éd., réed. 1974, - Recueil général des inscriptions
funéraires des églises, couvents, collèges, hospices,
cimétières et charniers depuis le Moyen-Âge jusqu'à
la fin du XVIIIe siècle, t. 10, Notre-Dame de
Paris148.
[VII] EUBEL, C., Hierarchia catholica medii aevi, sive
summorum pontificum, S. R. E. cardinalem ecclesarium autrititum series / e
documentis tabularii praesertina vaticani collecta, digesta edita, vol. 1 &
2, [1198-1431 et 1431-1503], 2ème éd., Münster,
1913-
146 L'ensemble des archives du chapitre a été
confisqué comme bien national en 1790. Ultérieurement, il a
intégré les Archives nationales où il fut
démembré entre les séries L et LL (Monuments
ecclésiastiques) pour les registres capitulaires ; S (Biens des
corporations supprimées) pour les titres de propriété
; H (Comptes et comptabilités diverses) pour les documents
financiers ; Z (Papiers des juridictions spéciales) pour les
documents judiciaires.
147 L'Obituaire de la Sorbonne a été
conservé dans deux manuscrits du fonds latin de la BN, d'ailleurs en
dépendance l'un de l'autre : le Nat. Lat. 15615 et le Nat. Lat. 16574.
Le premier n'est autre que le Missel même qui fut en usage à la
chapelle du Collège de Sorbonne. Réf. citée in
GLORIEUX, Aux origines de la Sorbonne, [18].
148 Cet outil nous a été nécessaire pour
vérifier toutes les inscriptions données dans le MS Ajaccio,
[III].
60
1914.
[VIII] Gallia Christiana in provincias ecclesisasticas
distribute, 16 vol., Paris, 1715-1785 et 1856-1865.
[IX] GERSON, Jean, OEuvres complètes, éd.
Glorieux, P., 9 vol., Paris-Tournai, 1960-1973.
[X] GUERARD, B., Cartulaire Notre Dame de Paris, avec
la collaboration de GUERAUD, MARIO et DELOYE, Paris, Imprimerie nationale,
1850, 4 vols. (Collection de documents inédits sur l'Histoire de France,
collection des cartulaires de France, t. VII).
[XI] HEMERE, Sorbonae origines, Paris,
1646 (cité dans le manuscrit d'Ajaccio).
[XII] LL. 80 à 82, LL. 233 à 354, collection de
registres extraits des délibérations capitulaires,
compilée thématiquement au XVIIIe siècle par le
chanoine Claude SARASIN 149.
[XIII] L. 463 à 553. Chapitre de Notre-Dame. 868-an
vii.
[XIV] LL. 77 et 78 ; LL. 215.
[XV] LEMAIRE, J. L., Répertoire des documents
nécrologiques français, Paris, 1980.
[XVI] LEMAIRE, J. L., Supplément au
répertoire des documents nécrologiques français,
Paris, 1987.
[XVII] TERROINE, A, FOSSIER, L., Chartes et documents de
l'abbaye de Saint-Magloire, 3 vol., Paris, 1960-1976, IRHT.
Outils
[A] CANGE, Ch., du, Glossarium mediae et infimae latinitatis,
éd. Par L. Favre, 10 vol., Niort, 1883-1887, réed. Akademische
Druck - U. Verlagsanstalt, Graz-Austria, 1954.
[B] BRUNET, J. -C., Manuel du libraire et de l'amateur de
livres, 6 vol., Paris, 1860-1865, Firmin-Didot Ed..
[C] FAVIER, J., Dictionnaire de la France
médiévale, Paris, 1993, Fayard.
[D] GAFFIOT, F., Dictionnaire illustré
Latin-Français, Paris, 1934, Hachette.
[E] GUYOTJEANNIN, O., PYCLE, J., et TOCK, B. -M.,
Diplomatique médiéval, L'atelier
149 Sur cette collection, voir Georges GRASSOREILLE,
Inventaire sommaire de la collection Sarasin, 13261756, dans
Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris et de l'Ile de
France, 8 (1881), pp. 168-173, ainsi que l'étude plus
détaillée, avec index analytique, de
Léon-Frédéric LEGRAND, Claude Sarasin, intendant des
archives du chapitre de Notre-Dame de Paris et sa collection d'extraits des
registres capitulaires de Notre-Dame, dans Bibliographie moderne,
4 (1900), pp. 333-371 ; un tiré à part de ce dernier article
était en consultation usuelle en salle des inventaires aux Archives
nationales, coté [L 20. Claude Sarasin est l'un des auteurs qui
connaît le mieux les archives du chapitre. Originaire du diocèse
d'Autun, il fut nommé chanoine de Notre-Dame le 26 juin 1715, à
la place de son oncle. Il était l'archiviste du chapitre et
bénéficiait d'une prébende. Il resta toute sa vie simple
diacre et mourut peu après 1756 sans avoir été
ordonné prêtre.
61
du médiéviste 2, Paris, 1993, Brépols.
[F] Lexikon des Mittelalters, Zweiterband / Siebente
lieferung. Artemisverlag, München und Zürich, février 1983
[G] Mediae latinitatis lexicon minus, composuit J. -F.
Niermeyer, 1976, Leiden, E. -J. BRILL Ed..
Etudes et articles.
La production historique en matière d'histoire
médiévale des universités est considérable, de
même que celle des institutions et des personnels de l'Eglise au Moyen
Age. Même si le personnage du chancelier est à la rencontre de ces
deux champs historiques, nous avons constaté que la grande
majorité des ouvrages traitant de ce personnage appartient au premier
ensemble.
[1] AUTRAND, F., Naissance d'un grand corps de l'Etat. Les
gens du Parlement de Paris 1435-1454, Paris, 1981, Publications de la
Sorbonne.
[2] BALLARD, M., Bibliographie de l'histoire
médiévale en France (1965-1990), Société des
Historiens Médiévistes de l'Enseignement Supérieur, Paris,
1992, Publications de la Sorbonne.
[3] BERNSTEIN, A. E., Pierre d'Ailly and the Blanchard
Affair. University and the Chancellor of Paris at the Beginning of the Great
Schism, Leyde, 1978.
[4] BERNSTEIN, A. E., « Magisterium and Licence :
corporate autonomy against papal authority in the medieval University of Paris
», Viator, 9 (1978), p. 291-307
[5] CAILLET, L., La papauté d'Avignon et l'Eglise
de France, la politique bénéficiale du pape Jean XXII en France
(1316-1334), Paris, 1975.
[6] CAZELLES, R., La société politique et la
crise de la royauté sous Philippe de Valois, Paris, 1958.
[7] CORBETT, J. A., Praepositini Cremonensis Tractatus de
Officiis, in Publications in
Mediaeval Studies, ssd. Gravin, J. N., et Gabriel, A. L., No
21, Notre Dame, London, 1969.
[8] DACREMONT, H., Gerson, Paris, 1929, Ed. Jules
Tallandier.
[9] DELARUELLE, E., LABANDE, E. R., OURLIAC, P., L'Eglise
au temps du Grand Schisme et de la crise conciliaire (1378-1449), 2 vol.,
Paris, 1962.
[10] fasti ecclesiae gallicanae, t. 3,
Diocèse de Reims, ssd. Pierre Desportes, CNRS, 1998, Brépols.
[11] FAVIER, J., Les finances pontificales à
l'époque du Grand Schisme d'Occident 1378-
62
1409, Paris, 1966, De Boccard.
[12] FERRUOLO, S. C., The Origins of the University, The
Schools of Paris and their Critics, 1100-1215, Stanford University Press,
California, 1985.
[13] GABRIEL, A. L., Les écoles de la
cathédrale Notre-Dame et le commencement de l'Université de
Paris, in Huitième centenaire de Notre-Dame de
Paris, Congrès des 30 mai et 3 juin 1964, Recueil de travaux sur
l'histoire de la cathédrale et de l'église de Paris,
Bibliothèque de la société d'histoire
ecclésiastique de la France, Paris, 1967, Ed. J. Vrin.
[14] GABRIEL, A. L., The conflict between the chancellor
and the University of masters and students at Paris during the middle
ages, in Miscellanea medievalia, Band 10, Walter De Gruyter,
Berlin-New York, 1976.
[15] GANE, R., Le chapitre de Notre-Dame de Paris au
XIVe, Etude sociale d'un groupe canonial, Thèse de
doctorat de Troisième cycle, Paris IV, 1985, CERCOR, Publications de
l'Université de Saint-Etienne, 1999.
[16] GENET, J. -P. & LOTTES, G., L'Etat moderne et les
elites, XIIIe - XVIII e siècles. Apports
et limites de la méthode prosopographique, Actes du Colloque
international CNRS-Paris I, 16-19 octobre 1991, Histoire moderne n° 36,
Publications de la Sorbonne, Université de Paris I, 1996.
[17] GLORIEUX, P., Répertoire des Maîtres en
Théologie de Paris au XIIIe siècle, 2 vol., Paris,
1933.
[18] GLORIEUX, P., Aux origines de Sorbonne, 2 vol, (I
: Robert de Sorbon ; II : Le cartulaire), Paris, 1965.
[19] GLORIEUX, P., La faculté des arts et ses
maîtres au XIIIe siècle, Paris, 1971, Librairie
philosophique J. Vrin.
[20] GOROCHOV, N., Le collège de Navarre de sa
fondation (1305) au début du XVe siècle. Histoire de
l'institution, de sa vie intellectuelle et de son recrutement, Paris, 1997,
Champion.
[21] GUENEE, B., Entre l'Eglise et l'Etat, quatre vies de
prélats français à la fin du Moyen Âge
(XIIIe - XVe siècles), Gallimard, Paris, 1987,
Bibliothèque des Histoires, NRF.
[22] GUENEE, S., Bibliographie de l'histoire des
universités françaises des origines à la
Révolution, 2 vol., Paris, 1978-1981, Picard.
[23] GUILLEMAIN, B, La Cour pontificale d'Avignon
(1309-1376), étude d'une Société, Paris, 1962.
63
[24] HASKINS, C. H., Studies Mediaeval culture,
Cambridge, 1929.
[25] JULLIEN DE POMMEROL, M. -H., Sources de l'histoire
des universités françaises au Moyen Âge,
Université d'Orléans, Paris, 1978, INRP-IRHT.
[26] LALOUETTE, J., De l'exemple à la série
: histoire de la prosopographie, in Siècles, cahier du
Centre d'Histoire des entreprises et des communautés, n° 10,
Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, 1999.
[27] LANGLOIS, Ch. V., Histoire littéraire de la
France, 7 vol..
[28] LE GOFF, J., Les intellectuels au Moyen - Age,
Paris, Réed. 1985, coll. Point Seuil.
[29] LEMARIGNIER, J. -F., GAUDEMET, J., MOLLAT, G., Les
institutions ecclésiastiques, t. III, de Histoire des
institutions françaises au Moyen-Âge, ssd. LOT, F., FAWTIER,
Paris, 1962, PUF.
[30] LESNE, E., Histoire de la propriété
ecclésiastique en France, 8 vol., Lille, 1940, t. V : Les
écoles, de la fin du VIIIe siècle à la fin du
XIIe.
[31] LUSIGNAN, S., « Vérité garde le
Roy ». La construction d'une identité universitaire en France
(XIIIe - XVe siècle), Paris, 1999,
Publications de la Sorbonne.
[32] MILLET, H., Les chanoines du chapitre
cathédral de Laon 1272-1412, Palais Farnèse, 1982, Ecole
française de Rome.
[33] MILLET, H., « Notice biographique et enquête
prosopographique », in La prosopographie : problème et
méthodes (Rome, 6 - 7 décembre 1985), Mélanges de
l'Ecole française de Rome, Moyen Age, Temps modernes, 100, (1988),
vol. 1, p. 87 - 111.
[34] MOORE, Ph. S., The Works of Peter of Poitiers, Master
in Theology and Chancellor of Paris (1193-1205), in Publications in
Medieval Studies. No. 1. Notre Dame, Indiana, 1936.
[35] SAMARAN, Ch., MOLLAT, G., La fiscalité
pontificale en France au XIVe siècle (Période
d'Avignon et Grand Schisme d'Occident), Paris, 1905.
[36] SAMARAN, Ch., « Les archives et la
bibliothèque du chapitre de Notre-Dame de Paris », in
Huitième centenaire de Notre-Dame de Paris, Congrès
des 30 mai et 3 juin 1964, Recueil de travaux sur l'histoire de la
cathédrale et de l'église de Paris, Bibliothèque de
la société d'histoire ecclésiastique de la France, Paris,
1967, Ed. J. Vrin.
[37] SMITH, D., Arnoul Gréban, théâtre
liturgique et registres capitulaires à Notre-Dame de Paris, in
G.D.R. Gerson / Programme fasti ecclesiae gallicanae, 9
février 1996, Brépols.
[38] TALAZAC-LANDABURU, A., La Nation de France au sein de
l'université de Paris
d'après le livre de ses procureurs, 1443-1456,
Paris, PUF, 1975.
64
[39] TANAKA, M., La nation anglo-normande de
l'Université de Paris à la fin du Moyen Âge, Paris, Aux
amateurs de livres, 1990.
[40] VERGER, J., Les universités au Moyen Age,
Paris, 1973, Quadrige, PUF.
[41] VERGER, J., Histoire des Universités en
France, Paris, 1986, Bibliothèque Historique Privat.
[42] VERGER, J., « À propos de la naissance de
l'université de Paris », in VERGER, J., Les
universités françaises au Moyen Age, Leiden-New
York-Köln, 1995, Education and society in the Middle Age and Renaissance,
vol. 7, p. 1-36
[43] VERGER, J., Le chancelier et l'université
à Paris à la fin du XIIIe siècle, in
Les universités françaises au Moyen Âge, 1995.
[44] VERGER, J., Prosopographie des élites et
montée des gradués : l'apport de la documentation universitaire
médiévale, in L'État moderne et les
élites xiiie-xviiie siècles. Apports et
limites de la méthode prosopographique, Paris, 1996, p. 363-392.du
Moyen-ge, Paris, 1997.
[45] VERGER, J., Les gens de savoir en Europe à la
fin du Moyen-Âge, Paris, 1997.
[46] VERGER, J., Culture, enseignement et
société en Occident aux XIIe et XIIIe
siècles, Presses Universitaires de Rennes, 1999.
[47] VULLIEZ, Ch., Des écoles de l'Orléanais
à l'université d'Orléans (Xe - début
XIVe
siècle), 3 tomes, thèse de doctorat d'Etat,
Université de Paris X Nanterre, Nanterre, 1993.
65
Annexe 1 : Notre-Dame de Paris et cloître de
Notre-Dame.
Annexe 2 : Le diocèse de Paris, ses
archidiaconés, ses prébendes et ses menses capitulaires.
(Source : Le chapitre de Notre-Dame de Paris au
XIVe, Paris, 1985, p. 56 et 70)
66
Table des matières :
Introduction .. 2
1. Critique des sources et méthodologie. .
6
1.1. La critique des sources pour l'établissement de la
base prosopographique... 6
1.2. La base prosopographique des chanceliers du chapitre de
Notre-Dame et de l'Université de Paris du XIIe au
XIVe siècle : méthode et exemples : Philippe le
Chancelier et Grimaud Boniface. 14
2. Un personnage, des lieux : Université et chapitre de
Notre-Dame du XIIe au
|
25
|
|
XVe siècle.
2.1. L'Université de Paris. 25
2.2. Le chapitre cathédral de Notre-Dame de Paris. .
33
3. Le chancelier du chapitre de Notre-Dame de Paris :
étude d'un personnage et
propositions de définitions. .. 42
Conclusion. .. 57
Bibliographie. .. 59
Annexe 1 : Notre-Dame de Paris et cloître de Notre-Dame.
65
Annexe 2 : Le diocèse de Paris, ses archidiaconés,
ses prébendes et ses menses
capitulaires. 65
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