ECOLE NATIONALE D'ADMINISTRATION ET DE
BURKINA FASO MAGISTRATURE
Unité -
Progrès - Justice
DEPARTEMENT
ADMINISTRATION Bien former
pour mieux servir
GENERALE
THEME :
LES DETERMINANTS SOCIO-POLITIQUES DE LA CORRUPTION
DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE BURKINABE
Mémoire pour
l'obtention du diplôme de
Conseiller en Gestion des Ressources Humaines
Présenté et soutenu publiquement
par :
BARRY Sidi
Sous la Direction
de : Monsieur Abdoul Karim SANGO, Professeur Permanent à
l'ENAM
juin 2010
ENAM 03 BP 7024 Ouagadougou 03 - E-mail:
enam@cenatrin.bf
Téléphone :
(226) 50.31.42.64/65 Télécopie: (226) 50.30.66.11
SOMMAIRE
AVERTISSEMENT......................................................................................i
DEDICACE...............................................................................................
ii
REMERCIEMENTS....................................................................................iii
SIGLES ET
ABREVIATIONS........................................................................iv
SOMMAIRE
1
Introduction
5
CHAPITRE I : ETAT DE LA CORRUPTION
DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE BURKINABE
12
Section I : Les formes répandues de la
corruption dans l'administration publique
12
Paragraphe I : Les pots de vins ou dessous de
table
13
Paragraphe II : La concussion (le racket)
14
Paragraphe III : Le détournement
de deniers publics
16
Section II : Les autres formes de corruption
observées dans l'administration
17
Paragraphe I : L'enrichissement illicite
17
Paragraphe II : La corruption
électorale
17
Paragraphe III : Le népotisme, le
favoritisme et le clientélisme
18
CHAPITRE II : LES FACTEURS
SOCIO-POLITIQUES QUI FAVORISENT L'EMERGENCE DE LA CORRUPTION DANS
L'ADMINISTRATION PUBLIQUE BURKINABE
19
Section I : Les déterminants sociaux de
la corruption dans l'administration
19
Paragraphe I : Le délitement des
valeurs morales
19
Paragraphe II : Les faibles revenus des agents
publics
21
Paragraphe III : L'enchâssement des
logiques socioculturelles dans le fonctionnement de l'administration
24
Section II : Les déterminants
politiques de la corruption dans l'administration
27
Paragraphe I : Les dysfonctionnements de
l'administration
27
Paragraphe II : L'impunité
30
Paragraphe III : La politisation de
l'administration
34
CHAPITRE I : ANALYSE DU DISPOSITIF DE
LUTTE CONTRE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE
37
Section I : Le dispositif sous
régional, régional et international
37
Paragraphe I : Le dispositif sous
régional
37
Paragraphe II : Le dispositif
régional
38
Paragraphe III : Le dispositif
international
39
Section II : Les politiques nationales et
stratégies de lutte contre la corruption dans l'administration
publique
40
Paragraphe I : Le cadre normatif
40
Paragraphe III : Les institutions
étatiques et les organisations de la société civile
43
CHAPITRE II : ANALYSE DES
INSUFFISANCES DES POLITIQUES ET DES STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA
CORRUPTION
46
Section I : Analyse des insuffisances du
dispositif et des stratégies de lutte contre la corruption
46
Paragraphe I : Les insuffisances du dispositif
sous régional, régional et international
46
Paragraphe II : Les insuffisances du
dispositif national
47
Paragraphe III : Analyse de la volonté
politique
49
Section II : Recommandations
50
CONCLUSION
53
BIBLIOGRAPHIE
55
Table des matièreS
57
ANNEXES...............................................................................................
v
INTRODUCTION
Considérée par les uns comme la plaie des
sociétés modernes, par d'autres comme le monstre de l'hydre de
Lerne dont les têtes se multiplient au fur et à mesure qu'on les
coupe, la corruption est un phénomène mondial qui frappe
particulièrement les pays en voie de développement. Elle a fait
l'objet de plusieurs définitions.
En effet, dans sa première acception, le terme
corruption provient du latin Corruptio qui se définit comme une
altération du jugement, du goût, du langage. Elle est
perçue comme une sorte de dépravation, un avilissement, une
déformation.
La convention des Nations Unies1(*) définit la corruption comme : «le
fait de commettre ou d'inciter à commettre des actes qui constituent un
exercice abusif d'une fonction (ou un abus d'autorité), y compris par
omission, dans l'attente d'un avantage, directement ou indirectement promis,
offert ou sollicité, ou à la suite de l'acceptation d'un avantage
directement accordé, à titre personnel ou pour un
tiers.»
Et selon l'article 156 du code pénal burkinabè,
«la corruption est le fait d'agréer des offres ou promesses, de
recevoir des dons ou présents, pour faire ou s'abstenir de faire un acte
de ses fonctions ou de son emploi, même juste mais non sujet à
salaire».
La corruption est aussi considérée comme
l'utilisation d'une charge publique ou privée pour un profit personnel
dans l'inobservation des règles d'éthique ou de la morale.
Ainsi, l'on pourrait dire que l'acte de corruption dans un
sens plus large concerne tout moyen de pression financier, moral,
matériel, physique consistant à obtenir d'une autorité
chargée de la gestion de la chose publique, l'accomplissement d'un acte
de son emploi, ou une abstention.
Selon un rapport de la Banque Mondiale (1998), «la
corruption a des effets délétères et souvent ravageurs sur
le fonctionnement de l'administration ainsi que sur le développement
économique et politique». Cette conclusion des experts de la
Banque Mondiale lève un coin de voile sur la crise de la gouvernance et
du développement qui sévit en Afrique.
En effet, au lendemain des indépendances, les pays
Africains n'ont pas réussi à promouvoir une administration
publique dépersonnalisée, capable de conduire efficacement le
développement. Cette crise du développement ayant conduit
à la désarticulation de l'action publique a entraîné
une faiblesse structurelle des institutions nationales et une incapacité
des pouvoirs publics à exercer un contrôle rigoureux sur les actes
des agents de la fonction publique et des acteurs de la société.
Ces dysfonctionnements favorisés par des facteurs internes et externes
vont entraîner l'apparition de nids de corruption dans tous les secteurs
de nos administrations publiques, alimentés par des dirigeants qui
s'adonnent à coeur joie à la prédation des ressources
publiques.
Pour Marc Ela2(*), « Les interférences entre
les relations et les structures de lignages, les modes d'organisation sociale
correspondant aux sociétés ancestrales et le nouvel espace social
creé par l'avènement de l'Etat, caractérisent la
complexité de l'univers bureaucratique où il n'est pas
évident que le concept de la chose publique et du service public ait
été intériorisé par la plupart des agents de l'Etat
dont l'imaginaire reste sous le contrôle des manières de penser,
d'agir et de sentir imposés par les processus de socialisation qui
enracinent les fonctionnaires dans l'espace du village ou de
l'ethnique ».
Selon Ela, pour comprendre la faillite de l'administration et
l'ancrage de la corruption, il est nécessaire de restituer la gestion
des services publics dans son environnement socio-culturel. En effet, nos
administrations en Afrique, calquées sur le modèle colonial, est
le produit d'une histoire et entretient d'étroits liens avec notre
environnement politique, social et économique. Il faudra donc identifier
au sein de ces administrations les blocages, les incohérences et les
désajustements qui servent de terreau aux pratiques de corruption.
Ainsi, au Burkina Faso, depuis plusieurs années, de
nombreuses études ont relevé la progression et l'ancrage du
phénomène de la corruption dans la société et
particulièrement dans l'administration publique. Selon l'étude
sur les pratiques de corruption dans l'administration publique du Burkina
Faso3(*), «De
nombreux Burkinabè estiment qu'aujourd'hui tout se monnaie, tout se
négocie. De manière générale, les pratiques les
plus courantes sont les pots de vin, les rackets, les détournements de
biens ou de fonds publics ainsi que d'autres types d'abus qui sont notamment
les fraudes et les malversations à des fins d'enrichissement personnel.
Ce qui est inquiétant, c'est la banalisation du phénomène
de la corruption qui tend à devenir une pratique normale. C'est du moins
le sentiment qui se dégage, du fait que la corruption persiste et se
développe, malgré les multiples dénonciations dont la
presse nationale et la société civile notamment ne cessent de se
faire l'écho».
En effet, citoyens, parlementaires, gouvernants,
opérateurs économiques, société civile et presse ne
ratent aucune tribune pour dénoncer le danger que la corruption fait
planer sur nos institutions et l'avenir de notre pays.
Notons qu'au Burkina, la volonté politique de lutter
contre la corruption reste sans doute étroitement associée
à la période révolutionnaire (1983-1987). Le changement
d'appellation du nom du pays en Burkina Faso qui signifie «pays des
hommes intègres» en disait long sur la volonté des
dirigeants de lutter contre ce fléau. Elle s'exprimera à travers
la mise en place des Tribunaux Populaires de la Révolution (TPR) et la
création d'une Commission du Peuple chargée de la
prévention de la corruption avec comme particularité la
déclaration des biens des hauts responsables du pays dont le chef de
l'Etat. Il faut reconnaître que plus que l'application du droit,
l'efficacité de ces TPR reposait parfois sur la crainte inspirée
et sur la délation.
Après la période d'exception et le passage
progressif à l'Etat de droit, on assiste à l'émergence de
plusieurs structures de lutte contre la corruption à l'image du
Réseau National de Lutte contre la Corruption (RENLAC) et la mise en
place de plusieurs institutions de lutte contre la corruption par l'Etat (
l'Autorité Supérieure de Contrôle de l'Etat (ASCE), la Cour
des Comptes etc. ) sont autant d'éléments qui
révèlent l'ampleur et la persistance de ce
phénomène.
Cependant, nous aborderons dans la présente
étude les faits de corruption dans notre administration sous le rapport
d'un complexe de corruption. En effet, selon Olivier de SARDAN, le complexe de
corruption se définit comme : «un ensemble de
pratiques illicites, techniquement distinctes de la corruption mais qui ont
toutes en commun d'être associées à des fonctions
étatiques, paraétatiques ou bureaucratiques, d'être en
contradiction avec l'éthique du « bien public » ou
« du service public », de permettre des formes
illégales d'enrichissement, et d'user et d'abuser à cet effet de
pouvoir». (De SARDAN, 1998)
Et toujours selon l'auteur4(*), «la corruption (c'est-à-dire le
`'complexe de corruption'') est devenue, dans la quasi-totalité des pays
africains, un élément routinier du fonctionnement des appareils
administratifs ou para-administratifs, du sommet à la base. A ce titre,
la corruption n'est ni marginale, ni sectorisalisée, ni
réprimée, elle est généralisée et
banalisée».
L'avantage de cette définition permet l'identification
de toutes les pratiques illégitimes qui permettent à un agent ou
un usager de bénéficier d'avantages indus au détriment de
la collectivité. En outre, elle permet d'appréhender la
corruption sous les différentes formes qu'elle revêt, qu'il
s'agisse du rançonnement des usagers, de pots de vin, de
détournements de deniers publics etc.
Aussi, cette approche stratégique nous permettra de
combiner l'approche durkheimienne des faits sociaux afin de relever les
facteurs sociaux, c'est-à-dire les stratégies de contournement et
les logiques des acteurs.
Par ailleurs, cette approche nous permet de décrire et
d'analyser les atouts et les ressources des acteurs qui leur permet de rompre
avec l'éthique administrative et de `'détourner'' le
fonctionnement de l'administration de sa mission (mobiliser les ressources
à des fins de développement) à des fins privatives.
Ainsi, pour Olivier De SARDAN : «Dans tous les
cas, les acteurs sociaux concernés ont, face aux ressources,
opportunités et contraintes que constituent un dispositif et ses
interactions avec son environnement, des comportements variés
contrastés, parfois contradictoires qui renvoient non seulement à
des options individuelles mais aussi à des intérêts
différents, à des normes d'évaluation différentes
à des positions « objectives »
différentes ». (De SARDAN 1995).
Enfin, cette perspective mérite d'être mise en
rapport avec celle de CROZIER5(*) qui estime que les acteurs ne sont pas totalement
démunis face à un système, une règle ou une norme.
Selon lui, ces derniers disposent toujours d'atouts, d'une marge de manoeuvre
aussi petite soit-elle leur permettant de développer des
stratégies de contournement des règles de fonctionnement de
l'organisation.
Pour CROZIER, les acteurs disposent de ressources de pouvoirs
inégales et déséquilibrés mais jamais ou presque
jamais totalement démunis et même les moins favorisés ont
au moins «la capacité, non pas théorique mais
réelle, de ne pas faire ce qu'on attend d'eux ou de le faire
différemment». (CROZIER, 1977)
Donc, le concept de stratégie occupe une place de choix
dans cette étude en ce sens qu'il permet d'analyser la capacité
stratégique des acteurs de la corruption et leur rapport avec les
règles et normes officielles en matière de fonctionnement de
l'administration.
La corruption est un fléau qui sape les fondements de
la société et porte atteinte à la morale, à la
démocratie, à la bonne conduite des affaires publiques et
à l'Etat de droit. Alors, comment peut-on combattre efficacement ce
serpent de mer qu'est la corruption sans en comprendre les manifestations dans
notre société et dans notre administration publique ?
Pour éclairer le phénomène de la
corruption dans l'administration publique au Burkina, il apparaît
difficile d'ignorer les enjeux connexes, c'est-à-dire ceux sociaux,
politiques, économiques, religieux et culturels qui déterminent
les motivations et les pratiques des acteurs de la corruption.
Notons que la corruption n'est ni un fait social, ni un fait
culturel, mais qu'elle est simplement un fait de société qui
s'est inséré dans des codes sociaux. Autrement dit, il existe des
logiques sociales et politiques qui servent de terreau à la corruption.
C'est pourquoi, l'étude de la corruption dans l'administration publique
au Burkina Faso est indissociable des mécanismes sociaux et politiques
qui sous-tendent, influencent les actions des acteurs et favorisent ce
phénomène.
Ainsi, à travers le thème
intitulé : «Les déterminants socio-politiques
de la corruption dans l'administration publique burkinabè»,
nous proposons d'analyser les mécanismes, les logiques sociales et
politiques qui sont au coeur du phénomène de la corruption dans
l'administration publique burkinabè.
Pour y parvenir, notre réflexion s'articulera autour
des questions suivantes : Quels sont les déterminants
socio-politiques de la corruption dans l'administration publique
burkinabè ? Mieux, quels sont les logiques sociales et politiques
qui favorisent la corruption dans l'administration publique
burkinabè ?
L'objectif de cette étude est de comprendre et de
maîtriser les logiques sociales et politiques qui déterminent la
corruption dans l'administration publique burkinabè.
Par ailleurs, une analyse sur ce thème aura pour
intérêt d'apporter un éclairage sur les jeux des acteurs et
les enjeux des pratiques corruptrices dans l'administration. Les
résultats de nos investigations pourraient servir d'outil de
référence aux décideurs, aux responsables de
l'administration pour mieux cerner la corruption et mieux la combattre.
Aussi, le choix de ce thème a été
motivé par le fait que la corruption est un phénomène qui
est d'actualité et qui prend de l'ampleur. Ce fléau
qualifié de «Sida» des sociétés modernes,
gangrène tous les secteurs de la société burkinabè
notamment celui de l'administration publique. Et ce phénomène
dont tout le monde s'accorde à dire qu'il s'installe durablement dans
notre administration comme une hydre qui développe ses tentacules, si on
n'y prend garde menace le développement et la paix sociale du pays.
Du reste, même si la corruption est connue de tous, elle
a été peu étudiée dans ses contours
socio-anthropologiques dans l'administration publique burkinabè. Il
s'agira pour nous de porter un regard sociologique sur les manifestations et la
dynamique de la corruption dans l'administration publique.
Donc, la lutte contre la corruption devrait porter sur les
aspects ignorés ou non encore élucidés, en l'occurrence
les comportements et les logiques des «agents de la
corruption» qui s'appuient sur le contexte socio-politique et
développent des stratégies pour que cette pratique perdure. Tous
ces faits ont suscité notre intérêt pour ce
phénomène social assez complexe et controversé.
Quelques hypothèses permettront de mener et d'exploiter
la perspective ainsi envisagée.
Hypothèse principale : Le
contexte socio-politique est un facteur déterminant de la corruption
dans l'administration publique burkinabè.
- Hypothèse secondaire 1 : Le
délitement des valeurs morales, les faibles revenus des agents, et
l'enchâssement des pratiques socio-culturelles dans le fonctionnement de
l'administration favorisent l'émergence de la corruption dans
l'administration.
- Hypothèse secondaire 2 :
L'impunité, la politisation de l'administration, les dysfonctionnements
de l'administration, et l'inefficacité du dispositif de lutte contre la
corruption sont autant de raisons qui sous-tendent et favorisent la corruption
dans l'administration publique burkinabè.
Après quelques précisions sur le cadre
théorique et conceptuel, il nous appartient de définir une
approche méthodologique susceptible d'aider à aborder
objectivement ce thème.
Ainsi, notre démarche méthodologique dans le
cadre de cette étude qui se veut qualitative repose essentiellement sur
une recherche documentaire (ouvrages généraux et
spécifiques sur la corruption, mémoires de fin d'étude,
rapports, articles de presse et textes régissant les institutions de
lutte contre la corruption.
Ensuite, des guides d'entretien constitués de questions
ouvertes portant sur la corruption et ses manifestations dans l'administration
ont été adressés aux agents des services publics, aux
usagers et à plusieurs personnes ressources.
La collecte des données s'est déroulée
dans la ville de Ouagadougou qui regroupe le gros des services publics et tous
les Ministères de l'administration publique.
Les difficultés rencontrées dans le cadre de la
présente étude résident dans l'absence d'écrits
sociologiques sur la corruption, de l'indisponibilité des
enquêtés, des cas de refus et des réticences de quelques
personnes à aborder un sujet jugé ''sensible''. A toutes ces
difficultés s'ajoutent celle relative au caractère trop vaste de
notre champ d'étude (l'administration publique) qui pose le
problème de sa circonscription dans le temps et dans l'espace.
Enfin, les données qualitatives collectées sur
le terrain ont été dépouillées manuellement. Et
l'analyse de ces données a consisté à décrire,
à catégoriser les données et à les analyser en
rapport avec les objectifs et les hypothèses de l'étude.
CHAPITRE I : ETAT DE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION
PUBLIQUE BURKINABE
Section
I : Les formes répandues de la corruption dans l'administration
publique
Selon un agent6(*) rencontré au niveau du ministère de
l'Economie et des Finances: «La corruption dans l'administration tend
à devenir une pratique banale. Dans le temps, ceux qui se faisaient
corrompre se cachaient pour le faire. Ils se cachaient non seulement de leurs
collègues mais aussi de leurs supérieurs. Mais actuellement, ils
ne se cachent plus de leurs collègues. Vous pouvez être assis dans
un bureau et tout le monde sait qu'un tel dans le bureau fait ces choses
là et cela ne dérange personne. C'est
banalisé».
Ainsi, il parait utile de s'appesantir sur les formes de
corruption rencontrées dans le fonctionnement routinier des services
publics au Burkina. On peut retenir alors l'existence de deux types de
corruption dans notre administration, à savoir :
· La petite corruption qualifiée de corruption
bureaucratique renvoie aux pratiques utilisées par les agents publics
pour soutirer de petites sommes d'argent ou d'autre avantages indus
auprès des usagers ou vice-versa. Dans le langage populaire
burkinabè, il existe plusieurs termes pour désigner la petite
corruption. Parmi les principales expressions figurent : «graisser la
patte», «parler bon français», «les gombos»,
«mettre du beurre dans le haricot», «il faut pimenter ma
sauce», «l'argent de la bière», «les affaires»,
«mettre la main dans la poche», «pourboire»,
«déposer un cailloux», «il faut pisser».
· La grande corruption désigne les pratiques
conçues dans les services administratifs consistant à abuser de
l'autorité publique à des fins privées ou individuelles.
Ces pratiques mobilisent généralement de grosses sommes d'argent
ou d'importants moyens en nature.
Les principales formes élémentaires de la
corruption dans l'administration publique sont les suivantes : Les pots de
vins ou dessous de table (Paragraphe I), la concussion ou le racket (Paragraphe
II) et le détournement de deniers publics (Paragraphe III).
Paragraphe I : Les pots de vins ou dessous de table
Les pots de vins ou dessous de table consistent au paiement
secret d'une somme à une personne ayant un pouvoir de décision
afin d'obtenir l'accomplissement ou le non accomplissement d'un acte entrant
dans le cadre de ses fonctions.
Il est courant que des agents ou des responsables qui occupent
certaines fonctions (directeurs de société, magistrats, agents de
l'administration fiscale) reçoivent de la part des usagers de l'argent
ou des biens à titre de cadeau. Il s'agit des gratifications à
des agents ou des responsables officiels afin qu'ils agissent plus vite, de
façon plus souple et plus favorable.
Et selon l'étude sur les pratiques de corruption dans
l'administration publique du Burkina Faso7(*), «En effet, des usagers satisfaits versent
souvent aux agents des gratifications à titre de récompense. Ces
gratifications ne sont pas toujours perçues par de nombreux agents comme
de la corruption : `'je n'ai rien demandé, on m'a donné''.
Cependant, dans la pratique, elles sont fortement appréciées,
attendues ou même sollicitées. En effet, certains agents
indélicats font des faveurs indues aux usagers dans le seul but de
recevoir une telle gratification. Si l'usager est un habitué du service,
ils seront plus ou moins zélés selon qu'il s'est montré
«reconnaissant» la première fois. Or, les Burkinabé
interrogés, dans leur grande majorité (près de 90%)
considèrent que le cadeau est une pratique de corruption».
Par ailleurs, cette forme de corruption qui est prévue
et punie par l'article 156 du code pénal ne renvoie pas seulement au
versement de sommes d'argent mais peut aussi se traduire par des prestations en
nature à travers les voyages à l'étranger, la construction
de villas et certaines prises en charges (cérémonies de
baptêmes, mariage, fêtes de fin d'année).
Notons que les pots de vins ou dessous de table sont
répandus dans le secteur des marchés publics ou sévit la
grande corruption et sont considérés comme la première des
pratiques de corruption qui sont très courantes dans l'administration
publique.
En effet, selon nos investigations sur le terrain, de nombreux
enquêtés estiment que pour obtenir un marché juteux, il
faut verser des pots de vin ou des dessous de table aux personnes
chargées de l'attribution des marchés sous peine d'être
hors jeu.
Selon le rapport 2004 du REN-LAC8(*) : «Le secteur garde la deuxième
place dans le classement selon l'importance de la grande corruption. Dans ses
rapports précédents, le REN-LAC dénonçait le fait
que ce secteur passe pour être le plus « juteux» en
matière de pratiques licencieuses. Ce que les témoignages ont
encore révélé lors du sondage 2004. On est
mémoratif du dossier portant sur la vérification des importations
qui a fait courir bien d'hommes politiques. Chacun y allant selon son
réseau. Les tripatouillages se ficèlent au niveau des dossiers
d'appels d'offres, des commissions de dépouillements des offres,
etc.».
Selon un membre de la Cour des comptes9(*), «il y a en plus
des pots de vin, certaines pratiques que les gens ignorent. Par exemple, si
l'on prend le cas de la justice, en plus de l'existence des pots de vin, si
vous êtes une femme, vous êtes obligé, de vous livrer
(c'est-à-dire avoir des rapports sexuels). Voici un aspect pernicieux de
la corruption que les gens ne perçoivent pas».
Paragraphe II : La concussion (le racket)
La concussion est le fait pour un agent de l'administration
publique ou privée d'exiger ou de recevoir des sommes d'argent pour
accomplir ou s'abstenir d'accomplir des actes de sa fonction qu'il savait
pourtant ne pas être sujet à paiement.
Dans cette situation, le fonctionnaire vend son service
à l'usager car celui-ci paie le service qu'il devrait lui rendre
«gratuitement».
Qualifiée de petite corruption, cette pratique est
très répandue dans la plupart des secteurs de l'administration et
est punie par l'article 155 du code pénal.
Selon le rapport 2004 du RENLAC10(*), « les services
les plus incriminés (solde, gestion des carrières, des
avancements, trésor public) reviennent dans les témoignages
collectés. Ça et là, on continue de dénoncer le
racket au prétexte de lenteur ou de manque de personnel. Le traitement
des actes administratifs au bénéfice de l'usager au service
public est aujourd'hui un circuit sûr d'enrichissement illicite qui
semble survivre à toute les intentions de répression ou de
reforme ».
En effet, pour de nombreux usagers de ce service, pour
constater un avancement, certains agents n'hésitent pas à
demander implicitement ou explicitement de l'argent pour le traitement du
dossier.
Ainsi, certains agents dans les services créent des
dysfonctionnements ou des lenteurs dans le but de susciter des investissements
corruptifs de la part des usagers. Le plus souvent l'argent n'est pas
ouvertement demandé mais de façon voilée car l'agent se
contente de garder ou de retarder volontairement le traitement du dossier et se
comporte de façon à inciter l'usager à lui donner de
l'argent.
Par ailleurs, le racket est aussi présent dans de
nombreux secteurs de l'administration notamment dans :
- la justice, dans l'établissement des pièces
telles que les casiers judiciaires et les certificats de
nationalité ;
- la santé pour les examens médicaux, les
consultations et les soins ;
- les mairies pour l'établissement des actes
d'état civil et les légalisations de documents divers.
Et selon l'étude sur les pratiques de corruption dans
l'administration publique du Burkina Faso11(*), «le racket est surtout fréquent dans
la petite corruption. C'est donc le fait de petits fonctionnaires qui
réclament de petites sommes d'argent aux usagers en vue de leur fournir
le service pour lequel il est payé. Le racket peut se perpétrer
au moyen d'un vol contre l'administration publique. Dans ce cas, l'agent
réclame une somme d'argent inférieure au montant requis. Il ne
reversera donc rien à l'administration, mais il rend le service. Cet
exemple est fréquent dans le contrôle routier où l'usager,
pour échapper à une contravention, paie une somme d'argent
inférieure que l'agent garde par devers lui. Des enquêtes
antérieures ont montré que cette pratique est courante, ce qui
contribue très souvent à placer les services de police et de
gendarmerie en tête des secteurs les plus corrompus ».
Paragraphe III : Le détournement de deniers
publics
Cette pratique qui est très répandue dans
l'administration publique est définie par l'article 154 du code
pénal comme le fait pour un agent public de détourner ou dissiper
à des fins personnelles un bien ou des deniers appartenant,
destinés ou confiés à l'Etat, aux collectivités ou
établissements publics, aux organismes ou sociétés
bénéficiant d'une participation de l'Etat et qu'il
détenait en raison de ses fonctions.
Le détournement de deniers publics peut prendre
plusieurs formes dont les principales sont : puiser dans les caisses de
l'Etat, le déménagement à domicile des mobiliers et biens
de l'Etat, garder par devers soi les biens divers de l'Etat en raison des
fonctions occupées.
L'étude sur les pratiques de corruption dans
l'administration publique du Burkina Faso12(*) révèle
que, «contrairement aux pots de vin et aux rackets, les
Burkinabé sont indécis sur l'ampleur de cette pratique. Ils sont
11,8% à affirmer qu'elle n'existe pas et 20,9% à dire qu'elle est
limitée. La proportion d'enquêtés qui pensent qu'elle est
assez répandue ou courante est sensiblement la même,
respectivement 21,2% et 21,3% de la population, contre 24,9% qui
considère qu'elle est très
développée».
Notons que le grand public a du mal à percevoir ce
phénomène parce qu'il se pratique généralement au
sommet de l'Etat avec des moyens de dissimulation très
sophistiqués.
A ce sujet, la presse a révélé de
nombreux scandales de détournements de deniers publics de la part des
agents et de hautes autorités de l'Etat. L'affaire des sept cent (700)
millions qui auraient été détournés au PDDEB, les
détournements des vivres par quatre préfets et un Haut
Commissaire en 2004 et le démantèlement d'un vaste réseau
de malversations dans le secteur des douanes en 2005 sont une parfaite
illustration de l'existence de ce phénomène au Burkina.
Section
II : Les autres formes de corruption observées dans
l'administration
La corruption est un phénomène assez complexe
qui se manifeste aussi sous d'autres formes dans notre administration. Parmi
les autres facettes de la corruption dans notre administration, on peut
citer : L'enrichissement illicite (Paragraphe I), la corruption
électorale (Paragraphe II), le népotisme, le favoritisme et le
clientélisme (Paragraphe III).
Paragraphe I : L'enrichissement illicite
Selon l'article 160 du code pénal, l'enrichissement
illicite consiste pour toute personne de s'enrichir en se servant de deniers,
matériel, titre, acte, objet, effet ou tout autre moyen appartenant
à l'Etat.
Cette définition du législateur burkinabè
de l'enrichissement illicite est insuffisante pour prendre en compte les
multiples facettes de cette pratique. La définition de la Convention des
Nations Unies est beaucoup plus large et considère l'enrichissement
illicite comme étant une augmentation substantielle du patrimoine d'un
agent public que celui-ci ne peut raisonnablement justifier par rapport
à ses revenus légitimes.
L'enrichissement illicite est fréquent dans le secteur
public et privé où circule généralement beaucoup
d'argent. C'est par exemple, le cas de la douane ou des grands projets
financés à coup de milliard.
Selon les personnes interrogées, dans la douane le
terme «Johannesburg» signifie un poste juteux où l'on
s'enrichit très rapidement. Aussi, dans certains ministères, le
terme «filon» désigne la gestion d'un projet juteux à
la manière d'une mine d'or. Ainsi, l'importance où
l'intensité du phénomène de l'enrichissement illicite
varie d'un secteur à un autre.
Paragraphe II : La corruption électorale
La corruption électorale qui est une
réalité au Burkina apparaît comme un
phénomène complexe et difficilement saisissable. Elle renvoie
à la corruption politique et consiste en une manipulation
illégitime du processus électoral. Cette pratique met en relation
plusieurs acteurs notamment l'administration, les partis, les hommes politiques
et les électeurs.
La corruption électorale se manifeste en période
électorale et consiste en une manipulation des électeurs, des
procédures administratives et des institutions chargées du
contrôle des élections. Elle consiste aussi en l'utilisation
insatisfaisante et non justifiée des fonds alloués aux partis
politiques, au bourrage des urnes, à l'achat des consciences, à
la violence physique et morale sur les électeurs et à
l'utilisation des biens de l'Etat à des fins électoralistes.
L'affaire des 30 millions que le président de la
République aurait versés de façon occulte aux deux
responsables de l'Opposition Burkinabè Unie (OBU), Laurent BADO et Emile
PARE, pour leur permettre de créer, selon eux, une «opposition
crédible», apparaît comme un cas de corruption politique qui
a pendant longtemps fait la une des journaux.
Selon le rapport 2005 du REN-LAC13(*), «La presse a aussi
dénoncé largement les pratiques corruptives qui ont eu cours lors
de l'élection présidentielle de novembre 2005 : monnayage du
vote de citoyens, recrutement de citoyens pour qu'ils votent plusieurs fois
avec des cartes d'électeurs ne leur appartenant pas et des documents
d'identification douteux».
Paragraphe III : Le népotisme, le favoritisme et
le clientélisme
Le favoritisme ou népotisme est le fait pour un agent
public de faire usage de son crédit en vue de procurer des avantages
indus aux membres de sa famille, de son ethnie ou à ses amis. Le
favoritisme est une pratique courante dans le secteur des marchés
publics et en matière d'accès aux emplois où les liens
d'amitié, de parenté sont souvent mis en avant pendant les
recrutements.
Le clientélisme est le fait de chercher à
élargir sa sphère d'influence par l'octroi d'avantages indus.
C'est une pratique qui se rencontre dans les milieux politiques surtout
à l'approche des consultations électorales.
CHAPITRE II : LES FACTEURS SOCIO-POLITIQUES QUI
FAVORISENT L'EMERGENCE DE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE
BURKINABE
Section I : Les déterminants sociaux de la
corruption dans l'administration
Plusieurs facteurs sociaux
contribuent à l'ancrage des pratiques corruptrices dans l'administration
publique au Burkina. Ces principaux facteurs sociaux sont : Le
délitement des valeurs morales, les faibles revenus des agents publics
et l'enchâssement des logiques socio-culturelles dans le fonctionnement
de l'administration.
Paragraphe I : Le délitement des valeurs
morales
«Aucune nation ne se construit dans l'incivisme, la
corruption et l'abus de biens publics. Etre Burkinabè, c'est être
intègre». Ce slogan qui passe régulièrement
à la télévision nationale avant le journal
télévisé et qui suscite des interrogations, en dit long
sur la perte de nos valeurs morales.
Autrefois considéré comme un homme
honnête, intègre et travailleur, le burkinabè adopte de nos
jours des comportements jugés déviants et pernicieux. A ce
propos, le Comité National d'Ethique (CNE) dans son rapport 2002
révèle que «Toutes les couches sociales semblent
être frappées par le dérèglement moral».
La montée en puissance des valeurs individuelles
(individualisme, la cupidité, la mégalomanie, la recherche du
gain facile) et l'effritement des valeurs de références
collectives (civisme, patriotisme, valeurs morales et religieuses) constituent
un socle favorable à l'enracinement de la corruption dans
l'administration publique Burkinabé.
En effet, plusieurs voix s'élèvent
régulièrement dans les media pour tirer la sonnette d'alarme sur
l'agonie de la morale dans notre pays qui se traduit par le manque de formation
à l'instruction civique, les dérives en matière
d'éducation, la perte de nos valeurs culturelles et traditionnelles.
Notons que ces dérives sont plus perceptibles dans les centres urbains
où les relations sociales sont de plus en plus
monétarisées.
Ainsi, la morale et l'éthique qui gouvernent
l'administration ont cédé la place à la «politique du
ventre» qui rime avec le slogan «gouverner c'est manger».
Selon un responsable du REN-LAC14(*), «La perte des
valeurs morales est un facteur déterminant dans le développement
de la corruption dans l'administration. Prenons un exemple simple, lorsque nous
étions élèves. C'est vrai qu'il n'est pas dit
l'élève ne triche pas mais à notre époque, les
quelques élèves qui trichaient se cachaient pour le faire non
seulement par peur du maitre d'école mais aussi des autres
élèves. Ces tricheurs avaient peur car si on les prenait, ils
auraient honte. Cela veut dire qu'avant, il y avait des valeurs morales
auxquelles la majorité adhérait et même ceux qui voulaient
violer ces règles morales ne le faisaient pas publiquement. Mais
aujourd'hui, c'est presqu'une fierté que de montrer qu'on a
réussi par la tricherie. Vous avez à l'université ce que
les étudiants appellent `'défense en ligne''. Cela veut dire que
tout le monde est d'accord sur le fait qu'on peut tricher».
Il est indéniable que l'absence de modèle de
référence est source de corruption dans l'administration
publique. Et cette déstructuration de l'ordre moral au niveau national
a des effets dévastateurs dans l'ensemble des secteurs de
l'administration publique où les valeurs d'éthique devraient
être la règle d'or. La perte des valeurs a atteint un niveau tel
que l'ostentation, la cupidité, l'incivisme, le gain facile, la folie
des grandeurs, le paraître, le prestige et la recherche des honneurs sont
devenus des critères importants de réussite sociale.
L'étude sur les pratiques de corruption dans
l'administration publique du Burkina15(*) indique que «constituent les causes
d'ordre moral, l'appât du gain facile, la perte des valeurs morales et
les raisons culturelles. Parmi ces trois causes, les raisons culturelles sont
les moins importantes. L'appât du gain facile avancé par 92% des
enquêtés occupe la quatrième (4è) place parmi les
onze causes retenues. Il est suivi par la perte des valeurs morales de l'avis
de 79,5% des personnes».
Selon le rapport 2005 du REN-LAC16(*), «Cette culture le
l'argent-roi qui décide de tout est un facteur propice à
l'émergence d'une société où les valeurs morales,
l'éthique et le respect du bien public sont foulés du
pied».
Notre administration qui est à l'image de la
société est traversée par les mêmes contradictions
et remous sociopolitiques. Ainsi, de nombreux agents publics et usagers
constatent au quotidien des signes évidents de l'absence des valeurs de
référence collective à travers le mauvais exemple des
responsables et le manque de transparence dans la gestion des affaires
publiques.
Dans cette situation, un agent public où un usager peut
céder à la tentation et s'adonner à la corruption parce
qu'il est déchiré entre la montée en puissance des valeurs
individuelles et le déclin des valeurs collectives qui assurent sa
socialisation.
A ce sujet, un agent17(*) au Ministère de la Fonction Publique dira en
substance : «Aujourd'hui, il vaut mieux paraitre que être.
L'avoir a pris le pas sur l'être. La perte des valeurs morales est la
principale cause de la corruption dans les services publics aujourd'hui. Dans
notre société actuelle, les gens sont appréciés en
fonction de ce qu'ils ont et non en fonction de ce qu'ils sont. C'est ce que tu
as qui compte et non ce que tu fais. Même au sein de la famille, on voit
que quand le petit frère a plus de moyens que le grand frère, au
niveau du conseil de famille, c'est sa voix qui compte. Donc, cela fait que les
jeunes travailleurs, c'est-à-dire les jeunes fonctionnaires sont
tentés de réussir rapidement ».
Paragraphe II : Les faibles revenus des agents
publics
Les causes économiques, à savoir la
pauvreté et les faibles revenus des agents publics ont un lien de cause
à effet avec la corruption. En effet, en cette période de
conjoncture, la dégradation vertigineuse des conditions de vie des
agents de l'administration publique augmentent leur propension à
s'adonner à la corruption afin «d'arrondir leur fin du mois».
En effet, pour ce
responsable du REN-LAC18(*), «Le fait d'avoir des bas salaires
même si cela ne constitue pas une cause principale de la corruption dans
l'administration, cela favorise ce phénomène. Par exemple,
lorsque vous avez affaire à un agent de la police qui a un salaire de
30 000F tout au plus 50 000F, à la limite du SMIG. S'il tire
le diable par la queue et traverse des difficultés financières et
s'il se rend compte qu'avec la tenue, il fait peur aux gens et en faisant peur,
s'il rackettait ne serait-ce que 10 personnes à raison de 1000F par
personne, il a 10 000F par jour. Donc, en six jours de sortie, il gagne
plus que son salaire. Donc, c'est à force de tourner et de retourner ses
problèmes qu'il finit par opter pour le racket».
Notons que depuis plusieurs décennies les salaires et
les avantages liés ou non à la rémunération ont
plus ou moins stagné pendant que l'inflation et la crise
économique mondiale produisaient des effets pervers réduisant
considérablement le pouvoir d'achat des travailleurs.
Ainsi, les faibles revenus des travailleurs, les difficiles
conditions de travail, l'incertitude d'une vie meilleure à la fin de la
carrière sont sources de démotivation et ouvrent les portes
à toutes sortes de pratiques corruptrices. Donc, certains agents, faute
de moyens financiers, deviennent fébriles et fragiles et utilisent les
failles de l'administration pour s'adonner à la corruption au
mépris des principes sacro-saints qui gouvernent le fonctionnement de
l'administration.
Dans cette situation, les usagers sont souvent victimes des
dysfonctionnements sciemment crées par des agents cupides. Ces usagers
deviennent malheureusement des victimes de la misère des agents des
services publics qui n'hésitent plus dans ces circonstances à se
faire corrompre pour assurer leur survie. Ils n'ont plus d'autres
stratégies de survie que la corruption et l'escroquerie.
Par ailleurs, l'Etat,
compte tenu de ses ressources limitées, n'arrive pas à aider les
agents à satisfaire tous les besoins concourant à leur
épanouissement et leur motivation au travail. Or, la non satisfaction
des besoins constitue un facteur important de démotivation des agents
qui crée les risques de corruption dans l'administration.
En effet, selon Abraham
MASLOW19(*), il existe
cinq (5) catégories de besoin, à savoir : les besoins
physiologiques élémentaires (nourriture, air, eau, par exemple),
les besoins de sécurité (sécurité de l'emploi,
contre la douleur, la maladie, la vieillesse), les besoins d'appartenance
(besoin d'affiliation), les besoins d'estime (reconnaissance sociale,
épanouissement), et les besoins de réalisation (accomplissement
personnel).
Ces besoins qui participent à la motivation de
l'individu sont hiérarchisés avec au bas de la pyramide les
besoins physiologiques et au sommet les besoins de réalisation. Mais
selon MASLOW, les besoins de niveau supérieur ne constitueront une
source de motivation que si les besoins de niveau inférieur ont
été raisonnablement satisfaits. Malheureusement, les conditions
de travail et les salaires sont loin d'offrir aux agents publics des conditions
pour satisfaire ces besoins qui participent à leur motivation.
Par ailleurs, à la différence de MASLOW, Clay
ALDERFER20(*)
défend la théorie SRP (Subsistance, Relation, Progression). En
effet, cette théorie soutient que l'individu a trois (03) besoins de
base, à savoir :
- Les besoins de subsistance ou besoins matériels
(nourriture, air, eau, condition de travail) ;
- Les besoins de relation qui est le désir
d'établir et d'entretenir des relations interpersonnelles avec des
collègues, supérieurs, subordonnés, amis et
familles ;
- Les besoins de progression qui renvoient au fait que l'agent
doit savoir qu'il a la possibilité de progresser à sa
façon en apportant sa contribution créatrice et productrice au
travail.
Donc, il est clair que la dégradation continue des
conditions de vie et de travail des travailleurs ainsi que du système
managérial ont affecté considérablement le degré de
motivation des agents publics.
Depuis les vieux sages, tout le monde sait qu'un minimum de
bien-être est nécessaire à la pratique de la vertu.
Cependant, les agents publics se plaignent régulièrement des bas
salaires et des mauvaises conditions de travail qui constitueraient des
obstacles à la satisfaction de leurs besoins essentiels d'où la
démotivation de ces derniers.
Enfin, il y a aussi un
facteur qui favorise la corruption, il s'agit de l'inégalité de
traitement des agents au niveau du régime indemnitaire dans
l'administration. En effet, s'il y a une certaine égalité au
niveau de la grille salariale des agents de la fonction publique, il faut
reconnaître que le régime indemnitaire n'est pas égalitaire
car il y a des emplois qui présentent plus d'indemnités que
d'autres. Cette situation créée une frustration au niveau de
certains agents créant ainsi les conditions objectives de
l'émergence de pratiques corruptrices dans l'administration.
Un agent21(*) public confirme l'existence de
cette réalité en ces termes : «Par exemple le
Monsieur n'a aucune indemnité et c'est lui qui fait ton avancement pour
que tu ailles prendre ton salaire là-bas. Et bien, s'il est fragile
économiquement, il va monnayer cet avancement là puisqu'il n'a
rien. Les agents qui sont dans les administrations ne peuvent pas
permanemment se considérer comme des escaliers pour d'autres pour gravir
des échelons supérieurs. Ils regardent ce que font les autres,
surtout leurs supérieurs. Et si l'exemplarité et
l'honnêteté n'existent pas au sommet, n'attendez pas que cela
existe à la base car c'est le sommet qui donne l'exemple à la
base ». Cet agent fait référence à
l'indélicatesse de certains chefs hiérarchiques qui ne donnent
pas le bon exemple et dans cette situation, le groupe qu'il dirige est sans
repère.
Il est évident que la faiblesse des revenus des
agents publics ne saurait constituer une excuse pour s'adonner à la
corruption. En effet, de nombreux sondages et études
révèlent que contrairement aux petits agents, les personnes
occupant les grands postes de responsabilité sont
généralement impliquées dans des affaires de
corruption.
A ce sujet, un
agent22(*) de la DPSSA au
Ministère de la Fonction Publique affirme ceci : «On peut
être pauvre et être intègre et honnête. A mon avis, il
n'y a pas de lien entre la pauvreté et la corruption. Maintenant, si
vous êtes dans une société où il faut paraître
où celui qui a la plus belle voiture ou le plus joli
téléphone portable est bien vu et apprécié, vous
pouvez perdre ces valeurs d'intégrité et vous adonner à la
corruption. On peut dire que les ministres et directeurs généraux
sont à l'abri du besoin mais est-ce pour autant qu'on peut affirmer avec
certitude qu'ils ne sont pas corrompus ?»
Paragraphe III : L'enchâssement des logiques
socioculturelles dans le fonctionnement de l'administration
Le modèle idéal de type Wébérien
de l'appareil administratif est caractérisé par les
éléments suivants : l'objectivité des normes, la
prévalence absolue des rôles sociaux sur les personnes, la
rationalité des décisions et l'absence d'entraves à
l'exercice par l'administration de sa fonction d'exécution des
politiques gouvernementales.
Malheureusement, notre administration qui, dans son
fonctionnement quotidien, est enchâssée dans les logiques
socioculturelles est loin de satisfaire à cette conception
wébérienne de la bureaucratie. Cette situation constitue un
terrain favorable à l'émergence et à l'enracinement de la
corruption dans l'administration publique.
En effet, notre administration publique apparaît comme
un lieu où, par toutes sortes de stratégies et de détours,
s'opèrent des déviations soumises à l'intensité des
relations interpersonnelles (familles, clans, amis, clients, autorités
politiques et autres). L'agent du service public est porté à
accorder aux relations et aux devoirs sociaux (parenté, amitié,
solidarité, gratitude) une valeur morale absolue. En un mot, l'impact du
social dans la gestion au quotidien des services publics est grand.
Ainsi, ils sont rares ceux qui peuvent se dégager
totalement des sollicitations insistantes et des exigences de leurs familles et
amis.
L'opacité des règles administratives crée
chez l'usager un sentiment de précarité et d'impuissance et
celui-ci développe un système de défense qui consiste
à approcher ses protecteurs et intermédiaires qui se chargeront
d'intercéder en sa faveur. Parfois encore, il profitera de ses parents,
amis, connaissances où achètera la protection en payant le `'prix
de la kola'' où en `'graissant la bouche'' de l'agent. De plus, la
perception culturelle de la corruption diffère souvent selon que l'on se
trouve dans une société traditionnelle où dans une
société moderne. En effet, le fait pour un usager de donner un
poulet à un agent public pour service rendu est perçu en milieu
traditionnel comme un cadeau, forme sociale par excellence du savoir-vivre
alors que ce même cadeau est considéré comme un acte de
corruption en milieu étatique car le bénéficiaire de cette
offre est payé pour rendre ce service aux usagers.
Donc, cette personnalisation des relations administratives est
source de corruption car le besoin de protection contre les
prévarications et les blocages entraînent les usagers dans une
quête incessante de relations car dans l'imaginaire populaire, l'anonymat
est souvent facteur d'humiliation et d'exclusion dans les services publics.
A ce sujet, un agent23(*) au Ministère de la Fonction Publique
affirme : «Je suis assis ici, tout le monde vient me dire :
`'on dit de venir voir Mr K....''. Donc, partout en ce qui concerne les
histoires de retraite, je suis considéré comme une sorte de
référence parce qu'il ya des usagers qui pensent que sans moi,
leurs problèmes de retraite ne peuvent pas être résolus.
Même quand je leur dis que `'si vous venez et que je suis absent, voyez
mes collègues'', ils me répondent : `'on va attendre que
vous soyez au service''. Mais en ce moment, si je veux bouffer dedans, je
bouffe dedans. Quand c'est comme cela, le bonhomme qui est à ce poste
là, s'il veut être malhonnête, il le sera car tous ceux qui
viennent pensent que sans lui, leur problème ne sera pas
réglé. On dit toujours à l'usager : `'si tu ne vois
pas un tel, ton problème ne sera pas réglé'', or une
administration ne doit pas fonctionner de la sorte».
On s'accorde avec Giorgio BLUNDO et Jean-Pierre Olivier de
SARDAN24(*) qu'
«on ne s'adresse pas directement au fonctionnaire derrière le
guichet, on ne cherche pas à connaître les procédures
`'normales'', mais on s'informe d'abord des liens, réels où
fictifs, qu'on sera à mesure d'évoquer en guise de
préalable à toute démarche».
Par ailleurs, malgré la réappropriation du
modèle administratif hérité des sociétés
occidentales qui donnent à l'administration les apparences de
modernité à travers le formalisme des textes, les agents de
l'administration sont loin d'avoir rompu avec les logiques sociales (par
exemple de parenté et d'amitié) qui ne relèvent pas
nécessairement des logiques de l'administration. Ces derniers,
enchâssés dans un système de relations et de
parenté, subissent l'influence du milieu socio-culturel qui marque
profondément leurs mentalités, leurs comportements et leurs
attitudes. Donc, il y a comme une réciprocité d'échanges
entre le travailleur de l'administration publique, sa fonction, son poste et
les pratiques sociales en vigueur dans son milieu.
Ainsi, les pratiques et contraintes sociales auxquelles de
nombreux agents des services publics ne peuvent se soustraire rendent
inefficaces les règles et les procédures administratives visant
à instaurer une gestion saine et à lutter contre la corruption
dans l'administration.
Aussi, l'administration publique qui est au centre des
rapports entre l'Etat et la société est devenue au fil des ans un
véritable enjeu de puissance et de domination. Donc, tout semble se
jouer autour des modes d'insertion des groupes sociaux dominants dans
l'économie nationale à partir des alliances ethniques, politiques
et économiques pour assurer le contrôle des ressources.
Et selon Jean François Bayart, «Les
fonctionnaires se trouvent gratifiés d'un ascendant considérable
sur leur entourage, et même ceux d'entre eux qui ne le souhaitent pas
sont soumis à une forte pression les invitant à utiliser cette
emprise pour constituer une clientèle et affirmer leur
prééminence personnelle sur leur famille, leur village ou leur
région... ».
Donc, pour comprendre l'ancrage du phénomène de
la corruption dans l'administration, il faut analyser l'articulation
étroite entre l'anthropologie des entreprises administratives et
l'anthropologie de la corruption. C'est-à-dire comprendre la perception
que l'on se fait du phénomène bureaucratique et analyser comment
le burkinabè se situe par rapport au phénomène
bureaucratique dans un contexte socio-culturel où le rapport au pouvoir
est vécu en fonction du principe de la réciprocité
sociale.
En conclusion, les pratiques administratives au Burkina Faso
reposent davantage sur les relations personnalisées et les comportements
particularistes qui accentuent les risques de corruption et créent une
confusion entre le public et le privé.
Section II : Les déterminants politiques de la
corruption dans l'administration
L'absentéisme, le laxisme, la démobilisation, la
lenteur administrative, l'improductivité la malhonnêteté et
la corruption sont autant de maux qui minent notre administration publique. Les
manoeuvres obscures et les scandales répétés
témoignent du désordre qui règne dans certains services
publics. Et cette situation est visible à travers la grande
liberté que se donnent les cadres et agents à l'égard des
ressources publiques. En effet, notre administration ne fonctionne pas
toujours selon des règles claires et précises à cause des
dysfonctionnements (Paragraphe I), de l'impunité (Paragraphe II) et de
la politisation de l'administration (Paragraphe III) qui ouvrent la voie
à toute sorte d'abus.
Paragraphe I : Les dysfonctionnements de
l'administration
Selon le rapport sur le développement humain25(*), «les administrations
africaines portent l'empreinte des anciennes puissances colonisatrices. Dans le
cas du Burkina Faso, elles sont soumises à un système juridique
emprunté à la société française et
marquée par la double influence de son régime politique et
économique capitaliste».
Malheureusement, de nombreux citoyens et usagers s'accordent
à déplorer la corruption, l'incurie, l'inertie, la lenteur des
procédures, la mauvaise application des textes, en un mot, le
fonctionnement médiocre de la machine administrative dans notre pays.
Cependant, ces dysfonctionnements créent le plus
souvent un dédoublement de l'administration qui a pour corollaire
l'informalisation qui est souvent source de transactions illégales,
voire de corruption.
En effet, ce dédoublement crée un
décalage énorme entre l'organigramme sur le papier du service et
la division du travail et entraîne une situation où on ne sait pas
qui fait quoi dans le service. Ce hiatus entre la norme et la
réalité entraîne une sous-qualification (un agent effectue
une tâche inférieure à sa qualification) où une
sur-qualification (un agent effectue une tâche supérieure à
sa qualification) qui entraîne plusieurs dysfonctionnements et favorise
la corruption. Ce glissement des fonctions crée immanquablement un flou
autour du cahier de charges propre à un poste où à un
statut. De ce fait, l'improvisation qui en résulte est propice à
des transactions illégales où à des pratiques
corruptrices.
Par ailleurs, les dysfonctionnements sont amplifiés
à cause de l'ignorance et l'analphabétisme des usagers qui ne
savent pas leur droit et devoir et qui ne comprennent rien aux
procédures administratives. Cette situation pousse certains agents
à prendre en otage le temps des usagers en créant sciemment des
lenteurs et des goulots d'étranglement et offrir ensuite une
accélération personnalisée et payante du service.
Ainsi, profitant des dysfonctionnements de la machine
administrative, certains agents des services publics cultivent une tradition de
mépris et d'arrogance face aux usagers des services. Et, c'est toujours
avec crainte et tremblement que les usagers où «gens sans
importance» qui ne comprennent rien aux rouages de l'administration
obéissent aveuglement aux injonctions des agents malhonnêtes et
corrompus.
Jean Marc Ela26(*) confirme cette réalité en affirmant qu'
«En Afrique, le bénéficiaire des services est loin
d'être considéré comme un client digne de respect, alors
que tout l'édifice public ne peut fonctionner que par le travail de ses
mains et la sueur de son front».
Et pour Jean François BAYART27(*), le mépris
affiché de certains agents à l'endroit des usagers est manifeste.
Il reconnaît que: « l'humilité qu'affichent les usagers
des administrations, bustes inclinés, voix différentes auxquelles
répond le ton bourru, voire arrogant des fonctionnaires frappe
l'observateur étranger dès ses premières démarches
dans les services publics».
En outre, l'analphabétisme et surtout cette
méconnaissance des procédures par les usagers les exposent aux
risques de corruption car certains agents véreux parce qu'ils ont le
monopole de l'information jouent sur les zones d'incertitudes que ces derniers
ne maitrisent pas. Donc, les informations administratives font l'objet de
monnayage de la part des agents corrompus qui manipulent à leur avantage
les informations en leur disposition créant ainsi les conditions
subjectives et objectives de la corruption.
A ce sujet, un agent de la DPSSA28(*) donne un exemple qui traduit
de fort belle manière les stratégies mises en place par certains
agents : «Aujourd'hui, avec le SIGASPE, dès qu'un usager
arrive et que tu cliques sur son numéro matricule, tu sais où se
trouve son dossier (signature, rédaction où au contrôle
financier). Donc, tu viens me voir et je clique, je sais où se trouve
ton dossier (par exemple à la signature) et je te dis `'ton dossier
là mon ami, ce n'est pas facile mais je vais voir ce que je peux faire
pour l'accélérer, donc revient me voir'' et je prends ton
numéro de téléphone. Deux jours après, je t'appelle
et je te le remets signé. Là tu es convaincu que j'ai fais un
effort extraordinaire pour avoir ton dossier alors que je n'ai rien fais.
Même si je ne te demande pas de l'argent, tu seras tenté de m'en
donner. Le type dira `'je n'ai rien demandé''. Il prend et il n'a
posé aucun acte illégal mais simplement il avait une information
que l'usager n'avait pas. C'est comme cela que ça se passe dans les
services».
Paragraphe II : L'impunité
L'avènement de la démocratie et le
libéralisme économique sont souvent interprétés
comme une ouverture au laxisme, à l'impunité et à
l'enrichissement illicite. En effet, la lutte contre la corruption dans
l'administration publique est rendue `'compliquée'' du fait de
l'impunité dont jouissent les auteurs d'actes de corruption. Cette
impunité se manifeste non seulement par l'absence de poursuites
judiciaires contre les auteurs mais aussi à travers le laisser-aller de
certains responsables administratifs face aux agissements des agents qui n'ont
de compte à rendre à personne.
L'étude sur les pratiques de corruption dans
l'administration publique du Burkina Faso révèle
que : «La corruption persiste et se développe parce
qu'elle est tolérée par l'administration. Cette tolérance
se manifeste du point de vue des usagers par l'absence de poursuites pour les
cas révélés, ce qui crée un effet d'entrainement
tant au sein des usagers que des agents du service public. Il faut noter que
l'impunité est rattachée du point de vue des
enquêtés à plusieurs acteurs : la
méconnaissance du système de dénonciation qui rend
ineffective la répression, le dysfonctionnement de la justice et la
volonté politique plutôt bienveillante à l'égard de
la corruption».
En effet, s'agissant de la justice, le Commissaire du
Gouvernement à la Cour des comptes, lui-même magistrat de
formation, affirme : «J'ai vingt neuf (29) années de
service en tant que magistrat. Vous savez que c'est un corps qui a connu des
difficultés suite aux périodes d'exception que le pays a connu.
Si vous avez suivi l'histoire récente du pays, il y avait ce qu'on
appelait les Tribunaux Populaires de la Révolution (TPR). Donc, ces TPR,
malgré leurs insuffisances, ont contribué à moraliser
l'administration. Mais j'ai constaté qu'avec le retour à l'Etat
de droit, au lieu que le droit prime sur ces genres de situation là
(Corruption), on a l'impression que c'est le laisser-aller. Mais cela peut
s'expliquer parce que certains acteurs de la vie politique de l'époque
sont les mêmes qui continuent à évoluer aujourd'hui
à telle enseigne qu'ils ne veulent pas scier la branche sur laquelle ils
sont assis».
C'est ainsi que la Cour des comptes et la presse ont rendu
public plusieurs cas de malversation et de corruption restés impunis qui
ont soulevé de grosses polémiques au sein de l'opinion publique
et dans la presse. Malheureusement, la justice n'a jamais diligenté des
enquêtes pour situer les responsabilités et les personnes
impliquées dans ces affaires n'ont jamais été
inquiétées. Parmi ces cas d'irrégularités et de
malversations, on peut citer les affaires suivantes:
- Le rapport 2005 de la Cour des comptes a relevé
d'énormes irrégularités dans la procédure de
passation du marché de la réhabilitation de la mairie de
Ouagadougou. Ce même rapport mettait aussi en cause les services du
Trésor qui ont délivré des quittances de versement alors
qu'aucun versement n'a eu lieu, tout comme les mêmes services ont
sciemment omis de percevoir les droits de timbres. Au sujet de l'affaire de la
mairie de Ouagadougou, un membre influent de la Cour des comptes nous donne
l'explication suivante : «Il faut reconnaître que les
hommes qui animent les structures de contrôle ne sont pas à leur
place. Si vous prenez le cas de l'affaire de la mairie de Ouagadougou, lorsque
le problème s'était posé, moi j'avais dit qu'il fallait
aller sous l'angle de la faute de gestion. C'est-à-dire, on convoque
l'intéressé (le maire de Ouagadougou), s'il n'a pas commis de
fautes de gestion, on le relaxe, et s'il a commis une faute de gestion, on le
condamne parce que c'est prévu par la loi. Bon ! Les gens ne m'ont
pas écouté par exemple. Au contraire, quand le maire est
passé à la télé, il s'est expliqué, à
telle enseigne qu'au niveau de la Cour des comptes, certains ont eu peur et ils
sont même allés se justifier auprès du maire comme quoi, le
parquet voulait qu'on aille au-delà et eux ils n'ont pas voulu. Tout
cela, c'était pour pouvoir se maintenir à leur poste».
- Les cas de malversations dans la gestion de la Caisse
Autonome de Retraite des Fonctionnaires (CARFO)29(*) avec la dissipation de plusieurs centaines de
millions de francs. D'ailleurs, l'Inspection Générale d'Etat
(IGE) s'est saisie de cette affaire mais jusque-là aucun rapport n'a
été rendu public.
- L'inculpation du Directeur Général de la
douane30(*), Ousmane
GUIRO, pour une affaire d'exonérations douanières. Malgré
son inculpation et sa mise en liberté provisoire,
l'intéressé n'a pas été relevé de ses
fonctions. Le dossier est toujours en instruction mais son état
d'avancement laisse présager qu'il ne connaitra d'autres issues que la
prescription ou le non-lieu au regard des soutiens dont a
bénéficié l'inculpé à savoir des
personnalités `'hauts placés'' de l'Etat.
- Le dossier de la CNSS31(*) (Caisse Nationale de Sécurité Sociale)
qui a été révélé par six (6) centrales
syndicales et relayé par la presse et le REN-LAC. En effet, il est
ressorti que le Directeur Général de l'époque, Idrissa
ZAMPALIGRE aurait accordé des prêts à des opérateurs
économiques dans l'opacité totale et le mépris des
règles de gestion. Ce dernier a été simplement
relevé de ses fonctions et la CNSS était transformée en un
établissement public à caractère social. Par ailleurs, la
Cour des comptes, dans un rapport rendu public, révélait que de
nombreuses personnalités dont l'ancien Premier Ministre Ernest Paramanga
YONLI et l'ancien Ministre de la Justice Boureima BADINI se sont portés
acquéreurs de villas de ladite institution malgré la
défense qui leur était faite de poser de tels actes par la
constitution.
- Dans l'affaire de la Croix-Rouge burkinabè32(*), un rapport de l'Inspection
Générale d'Etat (IGE) révélait en 2001 des cas de
malversations portant sur la somme de six cent soixante quatorze (674) millions
de francs dont se seraient rendus coupables certains dirigeants de
l'institution dont sa présidente Bana OUANDAOGO. Le juge d'instruction
chargé du dossier n'a pas pu conduire l'instruction à son terme
à cause de l'immunité parlementaire dont
bénéficiait la présidente de la Croix Rouge. L'affaire est
restée sans suite et risque d'aboutir à un non-lieu.
- L'affaire Issaka KORGO33(*) : En rappel, Issaka KORGO, PDG de la
société SOKOCOM avait introduit un faux procès-verbal de
réception des travaux alors qu'il n'avait pas exécuté le
marché y relatif. Ce dernier, traduit devant le Tribunal de Grande
Instance (TGI) de Ouagadougou pour faux en écriture, il sera
relaxé pour infraction non constituée. Cette affaire a
suscité plusieurs questionnements, à savoir comment Issaka KORGO
a pu fournir un faux procès -verbal avec la signature du
ministre des Finances ? Avait-il des complices ? Par la suite, la
presse notamment le bimensuel L'Evènement révélait que
Issaka KORGO était connu des ministères pour ses pratiques
frauduleuses et corruptrices et bénéficiait de complicités
dans les différentes chaines de contrôle des marchés
publics.
- En 2004, le Tribunal de Grande Instance (TGI) de
Bobo-Dioulasso dans l'affaire de malversations portant sur près de neuf
(9) milliards de francs dans la Direction Régionale de l'Environnement
des Hauts-Bassins34(*)
ouvrait une enquête qui a abouti à l'interpellation de quinze (15)
personnes. Interpellées pour concussion, faux, usage de faux,
détournement de deniers publics, enrichissement illicite et association
de malfaiteurs, ces personnes seront libérées sous caution
après un bref séjour à la Maison d'Arrêt et de
Correction de Bobo. Pire, ils ne seront pas écartés de la gestion
des deniers publics mais simplement mutés dans une autre province.
Ainsi, à travers ces affaires, de nombreux
burkinabè estiment que la corruption prend de l'ampleur à cause
de l'impunité dont bénéficient les personnes
impliquées dans les actes de corruption. Donc, l'impunité
apparaît comme un facteur important de l'ancrage de la corruption et
constitue un obstacle quant à l'application des règlements et des
sanctions en matière de lutte contre la corruption. A ce sujet, un
article paru dans le bimensuel L'Evènement n°180 du 25 Janvier 2010
et intitulé «Kôrô Dri était un
cleptomane» nous fait la révélation
suivante : « ... En cinq ans, il a
géré, comme il le voulait, plus d'un milliard de francs CFA, dont
on ne trouve nulle part les pièces justificatives. Le plus grand
scandale de la république qui apparemment ne fera l'objet d'aucune
poursuite ».
Enfin, au Burkina Faso, au fil des ans, l'impunité est
devenue de fait, la règle et la sanction, l'exception. Dans ces
conditions, même si les sanctions contre les auteurs d'actes de
corruption sont prises, elles sont loin des questions de justice ou du bon
fonctionnement des services mais apparaissent plutôt comme des
règlements de comptes et tentatives d'élimination d'adversaires
politiques. Et abordant cette question d'impunité, le rapport sur le
développement humain au Burkina Faso35(*) souligne que : «Toute sanction pose en
effet problème, parce que le sanctionné est à peu
près toujours inséré dans des réseaux
clientélistes qui le protègent. Celui qui veut sanctionner se
voit ainsi immédiatement l'objet de multiples `'interventions'', voire
de menaces, venant de pairs ou de personnages plus hauts placés. La
plupart du temps, il se voit désavoué par sa propre
hiérarchie, qui ordonne la relaxe de l'auteur de l'infraction où
la suspension de la peine».
Paragraphe III : La politisation de l'administration
Le rapport sur le développement humain au Burkina
Faso36(*),
«constate de plus en plus une politisation de l'administration que
l'on soit en présence d'un système de la Fonction Publique de
carrière où d'un système de la Fonction Publique de
l'emploi. Cette politisation est favorisée par le pouvoir
discrétionnaire de l'administration que l'on retrouve dans les
nominations où il faut tenir compte des compétences techniques en
faisant prévaloir le critère du mérite sur celui de
l'allégeance politique au régime».
Par ailleurs, dans un
éditorial publié dans le journal `'Le pays'' du 29 novembre 2001,
on pouvait lire ceci : «Beaucoup de voix s'élèvent
et font le même constat. Notre administration est excessivement
politisée (...). Dans ce bric-à-brac où le
clientélisme est roi, en avant la politique du `'ôte-toi que je
m'y mette''. On propulse à des postes de responsabilité des
agents à la compétence parfois discutable et
imperfectible».
Et selon le Commissaire au Gouvernement à la Cour des
comptes, magistrat de formation : «Nous sommes un corps où
nous ne sommes pas nombreux mais la justice est tellement politisée
à telle enseigne que pratiquement tous les postes de décisions
étaient confiés à des juges `'acquis''. Imaginez certains
directeurs généraux qui ont fait quinze (15) ans à leur
poste. Cela pose problème. Espérons que le Premier Ministre va
appliquer la mesure consistant à faire un appel à candidature
pour occuper ces postes de directeurs généraux avec des objectifs
à atteindre».
Ainsi, cette politisation à outrance de
l'administration publique est source de dysfonctionnements dans les services
publics. Dans cette situation, les agents des services publics se trouvent
automatiquement gratifiés d'un ascendant considérable sur leur
entourage. Ils sont alors soumis à une forte pression de leur
«bienfaiteur» les invitant à utiliser leur position pour
piller les biens publics.
En effet, déjà en 1991, un texte paru dans
Sidwaya du 28 août 1991, tirait la sonnette d'alarme sur l'ancrage de
cette «politique du ventre» au Burkina Faso en ces termes :
«Dans bon nombre de pays africains, la politique ressemble à un
râtelier où une mangeoire publique où la chose publique est
servie. Naturellement, toutes les mains qu'elles soient propres ou sales,
immaculées où tachées, innocentes ou coupables, douteuses
ou honnêtes... peuvent y plonger même sans s'y être
conviées. L'accès à la table n'est pas subordonné
par un laissez-passer. Ou, si! La seule condition sine qua non demeure le
saupoudrage politique. Bien souvent, ces auto convives sont guidés dans
leurs élans par la seule voracité. Qu'importe à leur
auguste appétit que le couvert soit suffisamment étoffé,
la table assez garnie pour les invités ; pourvu que leurs
susceptibilités gastronomiques soient satisfaites!... »
Donc, pour certaines personnes, travailler dans
l'administration et faire de la politique, «c'est se créer une
place au soleil» et surtout se servir prioritairement en gérant de
manière patrimoniale les biens de l'Etat. Cette collision entre le
politique et l'administration a atteint un seuil inquiétant car ce sont
les mêmes acteurs politiques qui gèrent les affaires de l'Etat. Et
l'impunité dont jouissent les auteurs d'actes de corruption s'explique
par le fait que ces derniers sont aux affaires et sont nommés à
des postes de responsabilité par des amis politiques et
bénéficient du soutien de ces derniers. Le Comité National
d'Ethique37(*) confirme
cette réalité et indique que « la
quasi-totalité des secteurs de l'administration sont fortement
politisés...Beaucoup de sociétés sont dirigées par
des cadres désignés non en fonction de leurs compétences
mais de leur appartenance politique ».
Par exemple, à propos du soutien dont
bénéficient certaines personnes incriminées par les
différents rapports de la Cour des comptes, un responsable du
REN-LAC38(*) qui a du mal
à cacher sa colère affirme que : «Les rapports de
la Cour des comptes en disent long sur les dossiers brûlants des cas de
détournements et de malversations dans les services publics. Mais
l'affaire qui continue de faire des gorges chaudes est sans conteste l'affaire
des malversations au niveau de la CNSS. Malgré la protestation des
organisations syndicales, du REN-LAC et de la presse écrite, on s'est
contenté de dire qu'il y a une enquête administrative qui va
être commanditée. On a enlevé le DG de la CNSS sans nous
dire qu'est-ce qu'il a fait. Et si on devait sanctionner, l'ancien Premier
Ministre Ernest Paramanga YONLI allait prendre pour son compte».
Notons que dans certains pays comme la France par exemple,
vous pouvez obtenir un poste de responsabilité au sein de
l'administration grâce à votre appartenance politique mais
n'empêche qu'en cas de malversation et de non respect de certaines
procédures en matière de gestion des fonds publics, vous pouvez
être poursuivi. L'actualité en France a souvent fait allusion
à plusieurs responsables politiques qui sont sous poursuite judicaire
pour corruption et fautes graves de gestion (l'ancien Président Jacques
Chirac, Charles Pasquois ancien Ministre de l'intérieur, etc) quand ils
étaient aux affaires. Or, au Burkina Faso, le plus souvent, les
affinités politiques constituent un `'parapluie'' sous lequel se cachent
les responsables et les agents de l'administration pour commettre des actes de
corruption et jouir de l'impunité que leur confère leur
appartenance politique.
Enfin, les tentatives de punition et de lutte contre la
corruption sont brisées par les réseaux clientélistes et
politiques tissés par les acteurs impliqués dans la corruption.
Dans cette situation, l'institution ou celui qui veut sanctionner est l'objet
de multiples interventions, voire de menaces voilées de ses pairs et de
personnalités haut placés dans l'appareil d'Etat.
CHAPITRE I : ANALYSE DU DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LA
CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE
Section I : Le dispositif sous régional,
régional et international
On assiste ces dernières années à la mise
en place de nombreux dispositifs en matière de lutte contre la
corruption au plan sous régional, régional et international. Ces
reformes politiques, sociales et économiques s'étendent à
plusieurs domaines et contribuent à la lutte contre la corruption et les
dysfonctionnements de nos administrations. Donc, le dispositif sous
régional (Paragraphe I), régional (Paragraphe II) et
international (Paragraphe III) vise à s'assurer du respect des
procédures en matière de gestion des fonds publics et à
protéger les deniers publics des assauts de la corruption.
Paragraphe I : Le dispositif sous régional
L'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)
depuis sa création en janvier 1994 va adopter plusieurs directives
visant la gestion saine et transparente des finances publiques. Cette
transparence des finances publiques est définie par le texte
communautaire comme «l'information claire du public sur la structure
et les fonctions des administrations publiques, les visées de la
politique des finances publiques, les comptes du secteur public et les
projections budgétaires».
Ainsi, parmi les directives adoptées par l'UEMOA on
peut citer :
ü La directive n°04/98/CM/UEMOA du 22
décembre 1998 portant nomenclature budgétaire de l'Etat
;
ü La directive n°05/98/CM/UEMOA du 22
décembre 1998 portant plan comptable de l'Etat ;
ü La directive n°05/97/CM/UEMOA
relative aux lois de finances modifiée par la directive
n°2/99/CM/UEMOA du 21 décembre 1999 ;
ü La directive n°06/98/CM/UEMOA du 22
décembre 1998 portant règlement général
sur la comptabilité publique modifiée par la directive
n°03/99/CM/UEMOA du 21 décembre 1999 ;
ü La directive n°06/98/CM/UEMOA du 22
décembre 1998 portant tableau des opérations
financières de l'Etat (TOFE) ;
ü La directive n°01/2002/CM/UEMOA
relative à la transparence des relations financières d'une part,
entre les différents Etats membres et les entreprises publiques et
d'autre part, entre les Etats membres et les organisations internationales ou
étrangères ;
ü Le règlement
n°02/2002/CM/UEMOA relatif aux pratiques
anticoncurrentielles à l'intérieur de l'UEMOA ;
ü La directive n°07/2002/CM/UEMOA
relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux dans les Etats
membres de l'UEMOA et un règlement relatif à la lutte contre le
financement du terrorisme adoptés le 19 septembre 2002 ;
ü La décision
n°02/2000/CM/UEMOA portant adoption du document de
conception du projet de reforme des marchés publics des Etats membres de
l'UEMOA.
Paragraphe II : Le dispositif
régional
Le Burkina Faso a signé au plan régional, de
nombreuses conventions en matière de lutte contre la corruption. Parmi
ces conventions, on peut citer :
- La convention de l'Union Africaine sur la prévention
et la lutte contre la corruption adoptée le 12 juillet 2003 par les
chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union Africaine ;
- La Charte Africaine de la Fonction Publique adoptée
par la troisième Conférence Biennale des Ministres de la Fonction
Publique le 05 février 2001 à Windhoek en Namibie. Cette charte a
pour objet le renforcement du professionnalisme et l'éthique dans la
Fonction Publique en Afrique. L'article 25 de cette charte stipule que
« l'agent public doit s'abstenir de toute activité contraire
à l'éthique et à la morale, tels que les
détournements de deniers publics, le favoritisme, le népotisme,
la discrimination, le trafic d'influence ou l'indiscrétion
administrative» ;
- Le Burkina s'est engagé aux c?tés du NEPAD
(Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique) pour l'adoption
de reformes institutionnelles visant une reforme de la Fonction Publique et de
l'administration, le renforcement du contrôle parlementaire, une lutte
efficace contre la corruption et les détournements de fonds et enfin la
reforme du régime judiciaire ;
- Enfin, l'adoption des textes dans le cadre de l'Organisation
pour l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHADA) signé le
17 octobre 1993 à Port-Louis et qui a pour principal objectif de
remédier à l'insécurité juridique et judiciaire.
Paragraphe III : Le dispositif international
Face à la montée de la corruption dans les
administrations, l'Assemblée Générale des Nations Unies a
adopté au cours de sa 51è session tenue le 12 Décembre
1996 la résolution N°51/59. Cette
résolution39(*)
institue un code de bonne conduite des agents de la Fonction Publique et
lève un coin de voile sur l'ampleur de la corruption
devenue « `'un phénomène transnational''
pouvant affecter toutes les sociétés et tous les pays et sur les
liens qui existent entre la corruption et d'autres formes de
criminalité, en particulier la criminalité organisée et la
délinquance économique, y compris le blanchiment
d'argent ».
Par ailleurs, l'ONU à travers l'adoption le 4
Décembre 2000 de la résolution 55/61 s'est
résolument engagée dans la lutte contre la corruption. Notons que
le 20 Décembre de la même année, une autre
résolution a été adoptée, à savoir la
55/188 intitulée « prévention
et lutte contre la corruption et le transfert illégal de fonds et
rapatriement desdits fonds dans les pays d'origine ».
Ainsi, en matière de lutte contre la corruption, le
Burkina Faso est engagé dans de multiples conventions au plan
international. Parmi ces conventions, on peut citer :
- La convention des Nations Unies contre la corruption
signée par 94 pays en décembre 2003 à Mérida au
Mexique. Il s'agit d'un instrument juridique qui a pour vocation de couvrir
toutes les formes de corruption et de mettre en place tous les moyens de
prévention contre la corruption ;
- La convention sur la lutte contre la corruption d'agents
publics étrangers dans les transactions commerciales internationales
adoptées par les pays membres de l'OCDE ;
- Le 15 Mai 2002, notre pays a également ratifié
la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale
organisée. Cette convention vise à lutter contre la corruption
des agents publics et à promouvoir la coopération internationale
afin de prévenir et de combattre efficacement la criminalité
transnationale organisée.
Section II : Les politiques
nationales et stratégies de lutte contre la corruption dans
l'administration publique
En matière de prévention et de répression
contre la corruption, le Burkina-Faso dispose d'un cadre normatif (Paragraphe),
réglementaire (Paragraphe II) et de plusieurs institutions
étatiques et d'organisations de la société civile
(Paragraphe III) qui luttent contre la corruption. L'adoption de ces mesures
vise la lutte contre la corruption à travers l'organisation de la bonne
gouvernance économique et démocratique.
Paragraphe I : Le cadre
normatif
ü La constitution
Notre loi fondamentale s'intéresse aux questions de
corruption et c'est à ce titre qu'à son article 44 alinéa
2, elle fait obligation au Président du Faso de remettre à
l'occasion de la cérémonie de son investiture, une
déclaration écrite de ses biens au président du Conseil
constitutionnel.
Par ailleurs, l'article 77 alinéa 2 de la constitution
relayé par la loi n°14-2002/AN astreint des
membres du gouvernement et d'autres présidents d'institution à la
déclaration de leurs biens. Et pour assurer l'effectivité de ce
principe à valeur constitutionnelle, une commission de
vérification des informations contenues dans les listes des biens
déclarés a été instituée par la loi
n°22/95/ADP du 18 mai 1995.
En outre, l'article 9 de cette loi stipule qu'«en cas
de fausse déclaration, de déclaration inexacte ou
incomplète ou de dissimulation dûment établies par la
commission de vérification, il appartient au chef du gouvernement d'en
tenir rapport au Président du Faso qui statue en dernier ressort sur
l'aptitude d'un membre du gouvernement à poursuivre l'exercice de ses
fonctions sous préjudices des poursuites judiciaires».
«Le poisson pourrit de la tête» dit
l'adage et toutes ces dispositions visent à prémunir contre tout
abus où détournement de biens par les hauts responsables de
l'exécutif.
ü Les dispositions de portée
législative
Les dispositions de portée législative
concernent essentiellement : le Code pénal, le Code des
impôts, le Code des douanes, la loi n°15/94/ADP du 9 mai 1994
organisant la concurrence, la loi n° 025-2001/AN du 25 octobre 2001
portant Code de la publicité, les textes applicables aux agents publics
de l'Etat et la loi n°014-2001/AN du 3 juillet 2001 portant Code
électoral.
- Le Code pénal : Il
résulte de la loi n°043/96/ADP du 13 novembre 1996
et distingue la corruption passive et la corruption active, c'est-à-dire
le corrompu et le corrupteur. Selon l'article 156 du code pénal, se rend
coupable de corruption passive tout fonctionnaire de l'ordre administratif
où judiciaire, tout militaire ou assimilé, tout agent ou
préposé de l'administration, toute personne investie d'un mandat
électif qui agrée des offres ou promesses, qui reçoit des
dons ou présents, pour faire ou s'abstenir de faire un acte de ses
fonctions ou de son emploi. Et l'article 158 précise que la corruption
active est constituée quand une personne contraint ou tente de
contraindre par voie de fait ou menace, corrompt ou tente de corrompre les
personnes de la qualité exprimée à l'article 156, que
cette tentative ait eu ou pas de l'effet.
Donc, on voit bien que si le code pénal donne une
définition restrictive à la corruption, il comporte aussi des
dispositions qui punissent certains faits qui s'apparentent à la
corruption. Ces faits concernent la prise illégale
d'intérêts, la concussion, le trafic d'influence, la soustraction
ou le détournement de biens et l'enrichissement illicite.
- Le Code des impôts : Au nom de
la garantie d'une bonne entrée des ressources financières au
trésor public, ce code prévoit des sanctions visant à
réprimer toutes les infractions empêchant les recouvrements. Ce
Code en son article 454 dispose : «Quiconque s'est
frauduleusement soustrait, ou a tenté de se soustraire frauduleusement
au paiement total, ou partiel des impôts directs et taxes
assimilées, soit qu'il ait volontairement omis de faire sa
déclaration dans les délais prescrits, soit qu'il ait
organisé son insolvabilité, ou mis obstacle par d'autres
manoeuvres au recouvrement de l'impôt, est passible des sanctions
fiscales applicables d'une amende de soixante mille à trois cent mille
francs ou/et d'un emprisonnement de deux mois à deux
ans ».
- Le Code des douanes : Il
prévoit et réprime la corruption en son article 37 alinéas
2 et accorde au coupable qui dénonce les faits, une excuse de repentir.
Ce code distingue deux types d'infraction à la réglementation,
à savoir les contraventions et les délits de douane. Par
ailleurs, il prévoit et réprime les infractions (article 255) et
tentatives d'infractions douanières (article 256).
- La loi n°15/94/ADP du 9 mai 1994
organisant la concurrence vise la restauration d'un environnement sain
favorable à l'exercice des activités économiques dans un
contexte de libre concurrence, avec un minimum de protection des consommateurs.
Ainsi, les principales pratiques prohibées par cette loi sont les prix
imposés et les reventes à perte (article 9 et 10), les ventes
sauvages et le para commercialisme (article 16), les pratiques discriminatoires
entre professionnels (article 15), et les ententes et les abus de positions
dominantes (article 5 à 7).
- La loi n° 025-2001/AN du 25 octobre 2001
portant Code de la publicité dispose en son article 21
que : «tout message publicitaire doit être conforme aux
exigences de véracité, de décence, et de respect de la
personne humaine». Cette loi indexe deux infractions majeures,
à savoir la publicité mensongère ou trompeuse et la
concurrence déloyale.
- Les textes applicables aux agents publics de
l'Etat : aux termes de l'article 19 de la loi n°
013/98/AN du 28 avril 1998, «les agents de la fonction
publique ne doivent, en aucun cas, solliciter ou accepter des tiers,
directement ou indirectement ou par personne interposée, des dons,
gratifications ou d'autres avantages quelconques pour les services qu'ils sont
tenus de rendre dans le cadre de leurs fonctions ou en relation avec
celles-ci».
- La loi n°014-2001/AN du 3 juillet 2001 portant
Code électoral malgré les multiples modifications
qu'elle a subies, réprime lourdement la fraude électorale avec
une panoplie de sanctions qui vont d'un emprisonnement d'un mois à cinq
ans et d'une amende de dix mille (10 000) à cent mille francs (
100 000) CFA.
Paragraphe II : Le cadre
réglementaire
En matière de lutte contre la corruption et la fraude,
plusieurs textes réglementaires portant essentiellement sur
l'organisation des marchés publics et les examens et concours
professionnels ont été adoptés. Il s'agit du :
- décret n°2008-173/PRES/PM/MEF
du 16 Avril 2008 portant réglementation générale
des marchés publics et des délegations de services publics qui
prend en compte en son article 2 les principes suivants : la
liberté d'accès à la commande publique,
l'égalité de traitement des candidats, la reconnaissance mutuelle
et la transparence des procédures.
- décret n°99-103/PRES/PM/MFPDI/MEF
du 29 avril 1999 qui prévoit des sanctions disciplinaires
lourdes contre tout agent public ou candidat ayant commis ou tenté de
commettre des fraudes pendant les examens professionnels et les
concours.
Paragraphe III : Les
institutions étatiques et les organisations de la société
civile
Dans son message à la Nation à l'occasion de la
fête nationale du 11 Décembre 2002, le Président du Faso
déclarait : «La consolidation de nos acquis en
matière de démocratie et de lutte contre la pauvreté passe
nécessairement par l'observation des règles de bonne gouvernance.
....Les mécanismes de lutte contre la fraude et la corruption sont
établis et le Gouvernement s'emploie à les rendre
opérationnels. Pour les générations futures, aucun
sacrifice n'est de trop afin de bâtir l'édifice d'une nation forte
et prospère».
Déjà en Juin 2002, le premier Ministre Ernest
Paramanga YONLI indiquait dans un discours la volonté ferme de son
gouvernement à « mettre en place un dispositif de lutte
anti-corruption très lisible, pour réprimer ceux qui commencent
à faire de la corruption une activité
professionnelle ».
Ensuite, on a assisté à la mise en place de
nombreuses structures d'origine parlementaire et réglementaire par
l'exécutif pour promouvoir la bonne gouvernance et lutter contre la
corruption. Il s'agit essentiellement de l'Inspection Générale
d'Etat (IGE), des Inspections Techniques des Services (ITS), de la Cour des
comptes, de la Coordination Nationale de Lutte contre la Fraude (CNLF), du
Comité National d'Ethique (CNE), de la Haute Autorité de
Coordination de Lutte contre la Corruption (HACLC). Notons que ce dispositif
institutionnel a évolué avec l'adoption de la loi portant
création de l'Autorité Supérieure de Contrôle d'Etat
(ASCE) qui prend en compte une grande partie des critiques formulées
contre le dispositif institutionnel de lutte contre la corruption.
L'étude sur les pratiques de corruption dans
l'administration publique du Burkina Faso40(*) précise le contexte qui a vu la
naissance de l'ASCE en ces termes: «Face à cette situation et
en vue de donner à la lutte contre la corruption une nouvelle dimension,
l'Assemblée Nationale, sur proposition du Gouvernement, a adopté
le 14 novembre 2007, une loi portant création de l'Autorité
Supérieure de Contrôle de l'Etat. Cette structure répond au
souci d'une coordination plus efficace des structures impliquées dans le
contrôle de la gestion des deniers publics et la lutte contre la
corruption. C'est ainsi qu'elle consacre la nécessaire synergie d'action
en regroupant dans sa seule sphère, les compétences de l'IGE et
de la HACLC, ainsi qu'une partie de celles de la CNL».
Par ailleurs, au niveau de la société civile, on
note la présence de nombreuses organisations comme le REN-LAC, les
associations, les mouvements des droits de l'homme, les syndicats et les
médias qui dénoncent régulièrement les cas de
corruption.
Enfin, le Premier Ministre Tertius ZONGO, dans son discours de
politique générale le 5 octobre 2007 déclarait ceci :
« Toutes nos actions resteraient de simples gesticulations si les
agents économiques de ce pays n'avaient pas le sentiment que nous sommes
décidés à éradiquer la gangrène de la
corruption des pratiques de certains de nos concitoyens ».
Il proposait au titre de sa stratégie de lutte contre
la corruption les actions suivantes :
- La rationalisation et la dynamisation des structures de
contrôle existantes à travers la mise en place d'une structure
autonome organisée en corps et dotée de moyens conséquents
et disposant d'un pouvoir de saisine des juridictions ;
- Le renforcement des effectifs et des moyens de la Cour des
comptes ;
- La création de pôles spécialisés
au niveau des tribunaux de grandes instances et la révision des textes
nationaux conformément aux engagements internationaux ;
- Les sanctions contre les agents reconnus coupables de
malversations et la création d'une structure de suivi de
l'exécution des conclusions des différents corps de
contrôle ;
- L'adoption d'un plan de la politique nationale de lutte
contre la corruption et le rendre opérationnel en veillant à une
synergie d'action entre les structures de contrôle et les autres
partenaires comme la société civile et le secteur
privé.
Ainsi, certaines actions en matière de lutte contre la
corruption semblent porter fruit comme le reconnaît cet usager41(*) : «Il y a eu des
actions efficaces, comme par exemple au niveau de la douane avec la
création de COTECNA pour vérifier les valeurs en douanes pour les
transactions douanières. Cela a permis à l'Etat d'engranger
d'importantes recettes qui s'évadaient à cause de la fraude
fiscale. Nous avons particulièrement apprécié cette
mesure. Par ailleurs, la mesure sur l'utilisation rationnelle des
véhicules et des biens de l'Etat a été une mesure que nous
avons apprécié à sa juste valeur».
CHAPITRE II : ANALYSE DES INSUFFISANCES DES POLITIQUES ET
DES STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION
Section I : Analyse des insuffisances du dispositif et
des stratégies de lutte contre la corruption
La
volonté de mener des politiques vigoureuses en matière de lutte
contre la corruption est réellement établie au plus haut niveau.
Cela s'est traduit par la mise en place de nombreuses structures
étatiques au plan national et la ratification de plusieurs
traités relatifs à la lutte contre la corruption au niveau
régional et international. Cependant, ce dispositif de lutte contre la
corruption au niveau international, régional et national comporte
plusieurs insuffisances qui entravent sa mise en application. Notre analyse
portera sur les limites du dispositif sous régional, régional et
international (Paragraphe I), les insuffisances du dispositif national
(Paragraphe II) et la volonté politique de lutte contre la corruption
(Paragraphe III).
Paragraphe I : Les insuffisances du dispositif sous
régional, régional et international
Malgré la volonté politique affichée dans
les discours et l'adhésion du Burkina aux instruments internationaux et
régionaux, la corruption continue de s'installer durablement dans
l'administration. Cette situation est favorisée par
l'inefficacité du dispositif et des stratégies de lutte au plan
international et régional.
Ce dispositif, même s'il fournit un ensemble de normes
et de mesures visant à favoriser la coopération internationale et
régionale en matière de lutte anti-corruption, il invite
seulement les Etats à prendre des mesures visant à combattre la
corruption. Ce qui ressemble plutôt à des déclarations de
politique générale qui n'ont rien à voir avec les actions
concrètes de lutte sur le terrain.
Aussi, l'absence de coopération et d'entraide
judiciaire entre Etats aux fins des enquêtes et procédures
pénales relatives aux infractions relevant de certaines conventions
signées par les Etats ne favorise pas cette lutte. C'est le cas par
exemple des blanchiments des capitaux.
A cela s'ajoute la faiblesse du système judiciaire dans
nombre de pays en développement dont le n?tre, ce qui empêche la
mise en oeuvre des instruments internationaux et régionaux en
matière de lutte contre la corruption.
Les difficultés dans l'application des directives
internationales et régionales dans la lutte contre la corruption
s'expliquent aussi par la faible qualité des ressources humaines, le
manque de formation initiale et de recyclage des acteurs des services
judiciaires, financiers et fiscaux chargés de l'application des
textes.
Cependant, les clauses de conditionnalité dans les
accords de financement peuvent contraindre certains Etats en particulier le
n?tre à prendre des mesures vigoureuses dans la lutte contre la
corruption.
Paragraphe II : Les insuffisances du dispositif national
Au plan national, la constitution, le code pénal, la
réglementation générale des marchés publics, les
lois sur la déclaration des biens, le statut général de la
Fonction Publique, le code des douanes, la loi sur l'organisation de la
concurrence, le code électoral, le statut général des
agents des collectivités et le code des impôts sont autant de
textes et de dispositions en matière de lutte contre la corruption.
Malheureusement, l'arsenal juridique national en
matière de lutte contre la corruption n'est pas appliqué dans sa
rigueur. Pour une certaine opinion, l'adoption de ces textes et lois ne
résulte ni d'un besoin de rupture par rapport aux pratiques
antérieures, ni d'une volonté réelle de lutter contre la
corruption mais plutôt le souci de séduire les partenaires
techniques et financiers. Ces nombreux textes et lois serviraient plutôt
"d'objet de décoration" et d'alibi aux discours de nos responsables
politiques. Quant au contrôle parlementaire, il se limite à de
simples enquêtes parlementaires et des questions orales au gouvernement.
Selon un enquêté42(*) qui avait du mal à cacher son
désarroi : «En matière de lutte contre la
corruption, le gouvernement est spécialisé dans la
création de structures. Création de structure de lutte de ceci,
création de commission de cela, ainsi de suite et rien ne fonctionne et
nous disons que cela est inefficace».
Par exemple, la déclaration des biens des
personnalités reste confidentielle et par voie de conséquence
n'apporte rien de plus quant à l'obligation de transparence. Aussi,
cette loi sur la déclaration des biens ne s'applique pas au
Président du Faso en cas de fausse déclaration car il jouit, en
l'espèce d'une immunité selon la constitution qui a fait de lui
un véritable «monarque républicain».
Par ailleurs, en dépit de la mise en place de
nombreuses structures de lutte contre la corruption, force est de constater que
ce dispositif dans son fonctionnement révèle une inadaptation des
textes, une absence de cadre de concertation et une absence d'un
mécanisme de mise en oeuvre des recommandations. Ces insuffisances sont
à la base des dysfonctionnements au sein de ces structures, à
savoir : les conflits de compétences, les interférences, le
chevauchement dans les attributions et les missions, le manque de
visibilité et d'harmonisation dans l'exécution des missions.
A titre d'exemple, soulignons que la Haute Autorité de
Coordination et de Lutte contre la Corruption (HACLC) et le Comité
National d'Ethique (CNE) sont tous deux chargés de proposer des mesures
pour la moralisation de la vie publique. Aussi, la HACLC créée
par un décret avait théoriquement le pouvoir de faire diligenter
des enquêtes par l'Inspection Générale d'Etat (IGE),
créée par une loi et d'exploiter les rapports de l'IGE et des
inspections.
Par ailleurs, il est reproché à ces structures
un manque d'autonomie et des insuffisances au plan humain, matériel et
financier. Et excepté le CNLF, aucune des structures ne pouvait en cas
de découverte d'infractions, saisir d'office les autorités
judiciaires.
Selon le REN-LAC43(*), «A la question, les services
étatiques remplissent-ils correctement leur mission en matière de
lutte et de contrôle contre la corruption?, 57% des enquêtés
ont déclarés être insatisfaits, 24% ont
déclaré être partiellement satisfait contre seulement 11%
de satisfait ; les 7% ont été sans avis».
Ces données sont symptomatiques de la déception
et du scepticisme de nombreux citoyens quand à la volonté et la
capacité des services étatiques de lutter efficacement contre la
corruption surtout dans l'administration publique.
Pour pallier ces insuffisances au niveau des structures de
lutte contre la corruption, le REN-LAC44(*) fait la proposition suivante : «Au
regard de la dispersion et des disparités de l'arsenal juridique en
matière de prévention, de détection et de
répression des pratiques de corruption, le REN-LAC soutient qu'il est
nécessaire de travailler de façon concertée à la
rédaction et à l'adoption d'une loi globale sur la corruption.
Cette loi devrait prendre en compte les missions et attributions de l'ensemble
des institutions (administratives, juridictionnelles, législatives), des
acteurs non gouvernementaux, tenir compte de l'environnement
sous-régional et mondial en matière de lutte contre la
corruption, regrouper et harmoniser tous les textes et règlements en
matière de lutte anti-corruption».
Par ailleurs, l'application des textes et lois en
matière de lutte contre la corruption est du ressort de la justice, mais
malheureusement, cette dernière est paralysée par de nombreux
dysfonctionnements qui favorisent une certaine impunité. La preuve, les
nombreux rapports produits par ces structures sont classés sans suite.
Cette inapplication des textes s'explique souvent par l'absence de
dénonciation des corrompus et aux difficultés relatives à
la preuve. C'est le cas de l'enrichissement illicite prévu par l'article
160 du code pénal qui s'avère difficile à prouver. Ainsi,
de nombreuses affaires de crimes économiques, de délinquance
financière sont en justice et ne sont pas traitées avec diligence
faute de preuves.
Par exemple, les scandales révélés par la
presse au cours de l'année 2005 notamment sur les millions
déposés à domicile par des ministres et dilapidés
par leur progéniture et l'affaire des millions détournés
au PDDEB45(*), impliquant
le premier responsable du MEBA, Mathieu OUEDRAOGO, ne semble pas avoir
ému la justice et les plus hautes autorités du pays. Ainsi,
l'impunité et le laxisme observés en matière de
répression des cas avérés de détournements et
d'enrichissement illicite semblent encourager les corrompus et les corrupteurs
dans leur action.
Paragraphe III : Analyse de la volonté
politique
De nombreux citoyens doutent de la volonté politique
réelle en matière de lutte contre la corruption. En effet,
l'étude sur les pratiques de corruption dans l'administration publique
du Burkina Faso46(*)
révèle que : «à une large majorité
(63,9%), les burkinabè pensent qu'il n'existe pas de volonté de
lutter contre la corruption. Ils ne sont que 2,1% à penser que le
gouvernement est très engagé dans la lutte contre la corruption,
contre 31,1% qui disent qu'il n'est pas du tout engagé».
En effet, aux dires de nombreuses personnes rencontrées
dans le cadre de notre étude, la raison de ce manque d'engagement
s'explique d'une part par le fait que le gouvernement n'est pas lui-même
à l'abri de tout soupçon et d'autre part qu'il ne peut pas lutter
efficacement contre la corruption en raison des appuis dont les corrompus
bénéficient en son sein. Pour la majorité des
enquêtés, les structures de lutte contre la corruption qui sont
sans pouvoir réel et dont le rôle se résume à la
rédaction de rapports sans suite ont été
créés juste pour plaire et s'attirer les faveurs de la
communauté internationale qui se montre attentive et sensible au
phénomène de la corruption.
A ce sujet, un usager47(*) affiche son scepticisme quant à la
volonté politique de combattre véritablement la corruption et il
déclare : «Le gouvernement a les moyens et s'il veut
réduire la corruption à sa plus simple expression, il peut le
faire. Mais malheureusement, la plupart des membres du gouvernement sont
impliqués dans des affaires de corruption. Comme on le dit, on ne peut
pas scier la branche sur laquelle on est assis».
En effet, l'étude sur les pratiques de corruption dans
l'administration publique du Burkina Faso48(*) confirme cette réalité et
révèle que «Si l'on considère les
représentants des trois pouvoirs constitutionnels (exécutif,
législatif et judiciaire), il ressort que l'exécutif est
jugé le plus corrompu. En effet, 30,3% des enquêtés
estiment que tous les ministres sont corrompus et 27,4% affirment qu'ils le
sont presque tous. Au total, ce sont 57,7% des personnes interrogées qui
pensent que la grande majorité des membres du gouvernement est
corrompue».
Ce scepticisme affiché par les citoyens quant à
la volonté politique à lutter contre la corruption rend
difficile, voire impossible l'adhésion des populations à cette
lutte contre la corruption dans l'administration publique.
Section II
: Recommandations
Paragraphe I : La promotion de la bonne
gouvernance et la lutte contre l'impunité
La promotion de la bonne gouvernance et la lutte contre
l'impunité dans l'administration devraient se faire à travers les
actions suivantes :
- L'organisation de séances d'Information, d'Education
et de Communication (IEC) sur la corruption et la moralisation de
l'administration dans les services et au sein de la population afin de
faciliter le changement des comportements des agents publics et des usagers en
impliquant les médias et les organisations de la société
civile ;
- Le démantèlement des réseaux de
corruption, le durcissement des sanctions afin de servir d'exemple aux
éventuels candidats à la corruption et la mise en place d'une
procédure de dénonciation garantie par l'anonymat ;
- Renforcer les capacités de la justice et voter une
loi qui sanctionne le délit d'apparence où le délit
d'enrichissement illicite. Cela pourrait contribuer à freiner les
ardeurs des éventuels corrompus et corrupteurs. A propos du
délit d'apparence, le Commissaire du Gouvernement à la Cour des
comptes dira en substance : «Vous savez, l'administration
burkinabè est une savane, on se connaît. Si par exemple, à
un moment donné ou à un autre, vous n'avez pas
hérité d'une fortune, si vous n'avez pas gagné à la
loterie, au Jack Pot et que vous avez un train de vie qui ne correspond pas
à votre salaire, vous devez rendre des comptes».
Paragraphe II : La
lutte contre la politisation de l'administration
La lutte contre la politisation de l'administration peut se
résumer aux actions suivantes :
- Affirmer le principe de neutralité de
l'administration en interdisant la création de cellules de partis
politiques dans les services publics ;
- Réduire à l'extrême le pouvoir
discrétionnaire accordé à certains responsables qui
peuvent en abuser en cherchant à tirer profit où à
favoriser des amis politiques et favoriser le fonctionnement régulier et
sans complaisance des conseils de discipline dans les différents
services de l'administration ;
- Promouvoir la culture du mérite à travers la
récompense des agents intègres et mettre en application la mesure
de l'appel à candidature pour le recrutement à certains hauts
postes de responsabilité dans l'administration publique.
Paragraphe III : Favoriser le bon
fonctionnement des services publics et la bonne gouvernance administrative
Le bon fonctionnement des services publics et la bonne
gouvernance administrative doit se faire à travers les actions
suivantes :
- Poursuivre la déconcentration des services
administratifs afin de faciliter les procédures de délivrance des
actes administratifs, instaurer des délais dans le traitement des
dossiers et organiser des séances d'information et de formation à
l'endroit des citoyens sur les procédures de l'administration ;
- Rédiger dans les services publics un code de
déontologie reposant sur les valeurs suivantes : le
désintéressement, la probité, l'intégrité,
l'efficience, l'équité, l'impartialité, la transparence et
la responsabilité ;
- Réduire significativement le contact entre agents et
usagers à travers la mise en place d'un système de diffusion de
l'information administrative, l'élaboration et une large diffusion des
manuels de procédures afin d'éviter toute tentation de s'adonner
à la corruption de part et d'autre.
CONCLUSION
La corruption est devenue au fil des ans le `'cancer'' des
sociétés modernes et nuit considérablement au
développement du Burkina Faso. Elle remet en cause notre système
démocratique et instaure une rupture de confiance entre les
gouvernés et les gouvernants. La corruption est source de nombreux
dysfonctionnements et dérives dans le fonctionnement de notre
administration. Par ailleurs, elle renchérit le coût de la vie,
entraine une perte de recettes publiques en privant l'Etat de ressources
financières et contribue à l'élargissement du fossé
entre riches et pauvres accentuant ainsi les risques de conflits sociaux.
Ainsi, au terme de notre étude, un constat
s'impose : la corruption est une réalité qui est en pleine
expansion et qui gangrène tous les secteurs de l'administration publique
au Burkina Faso. De nombreux facteurs d'ordre sociologique, économique,
politique et institutionnel favorisent l'émergence et l'ancrage des
pratiques corruptrices dans les services publics. En effet, les facteurs tels
que la déstructuration des valeurs morales, les faibles revenus des
agents publics, la politisation de l'administration, l'impunité,
l'inadaptation du modèle administratif déterminent et expliquent
en grande partie le développement de la corruption dans l'administration
publique.
Le fait que chacun pense qu'il faut se protéger de
l'opacité des règles administratives et des dysfonctionnements
dans les services publics amènent tout un chacun à pratiquer la
corruption au quotidien. Ainsi, sa banalisation et son ancrage dans les
logiques sociales et politiques concourent à la légitimer et
amène sans doute à une sorte de cercle vicieux.
Certes, notre pays dispose d'un dispositif institutionnel et
législatif dense en matière de lutte contre la corruption, mais
malheureusement le fonctionnement des structures de contrôle est
entravé par le manque d'autonomie et une insuffisance de moyens humains,
financiers et matériels.
Malgré la volonté affichée des
autorités politiques, des organisations de la société
civile et des media, de lutter résolument pour endiguer ce
phénomène, le constat est amer sur le terrain car la corruption
gagne du terrain. La question que de nombreux citoyens se posent est la
suivante : Y aurait-il suffisamment de volonté et d'engagement de
la part de tous les acteurs impliqués dans cette lutte où la
corruption est une fatalité pour notre pays ?
Sans verser dans un pessimisme béat, l'espoir est
permis en matière de lutte contre la corruption. Nous conviendrons avec
ce représentant de la Banque Mondiale qui faisait le constat suivant en
2001 dans un entretien paru dans «Corruption dans la cité» du
journal l'Observateur Paalga : «Le premier signe qui donne une
lueur d'espoir est le sentiment général de réprobation et
de condamnation de la corruption par une large majorité de l'opinion
burkinabè. La tolérance de la société
burkinabè vis-à-vis de la corruption est très faible (...)
comparée à d'autres pays de la sous région où
l'opinion a l'air de considérer que la corruption est un
phénomène naturel, un peu comme les catastrophes (qu'on ne sait
pas arrêter). Au Burkina Faso, on peut encore espérer que l'on
arrivera à l'endiguer».
BIBLIOGRAPHIE
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politique du ventre, Paris, Fayard, 1959, 427p.
Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG, L'acteur et le
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Clay ALDERFER, Existence, Relation et Progression, New York,
Presse libre, 1972
Jean Pierre Olivier De SARDAN, Anthropologie et
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développement, Paris, Karthala, 1995, 221p.
Ouvrages spécifiques
Jean Marc Ela, Innovations sociales et renaissance de
l'Afrique Noire, Les défis du « monde d'en -bas »,
Paris, l'harmattan, 1998.
REN-LAC, Morale et corruption dans les sociétés
anciennes du Burkina : Bobo, Moaga, San, Winyé, REN-LAC, 2001
Ouvrages Méthodologiques
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Raymond QUIVY, Campenhoudt Luc VAN, Manuel de recherche en
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Mémoires
Sidi BARRY, Les déterminants
socio-politiques de la contestation estudiantine à l'université
de Ouagadougou de 1990 à 2004, Mémoire de Maitrise,
Département de Sociologie, Université de Ouagadougou, juillet
2005.
Vinagbo Bernard AGBANGLA, La corruption dans
la gestion des deniers publics à Cotonou : Analyse
socio-anthropologique de la persistance du phénomène,
Mémoire de maitrise en Sociologie-Anthropologie, Université
d'Abomey-Calavi.
Paul ZONGO, Contribution de l'Inspection
Générale d'Etat (IGE) à la bonne gouvernance
administrative au Burkina Faso, Mémoire, ENAM, mars 2008.
Tahirou BARRY, Les défis de la
motivation du personnel dans l'organisation : Cas de l'Université
de Ouagadougou, Master II, Management des Ressources Humaines, IAPM, 2006
Rapport et Articles de Journaux
Etude sur les pratiques de corruption dans l'administration
publique du Burkina Faso : Programme d'Appui à la bonne
Gouvernance, mars 2008.
Corruption et développement humain. Rapport sur le
développement humain- Burkina Faso-2003 PNUD.
Jean-Pierre Olivier de SARDAN, L'économie morale de la
corruption en Afrique, Politique Africaine, n° 63, Octobre 1996)
Giorgio BLUNDO et Jean-Pierre Olivier DE SARDAN, La corruption
quotidienne en Afrique de l'Ouest, Politique africaine, n°83, octobre
2001,
REN-LAC, « Etat de la corruption au Burkina
Faso : Rapport 2002 » Ouagadougou, REN-LAC, 2003
REN-LAC, « Etat de la corruption au Burkina
Faso : Rapport 2003 » Ouagadougou, REN-LAC, 2004
REN-LAC, « Etat de la corruption au Burkina
Faso : Rapport 2004 » Ouagadougou, REN-LAC, 2005
REN-LAC, « Etat de la corruption au Burkina
Faso : Rapport 2005 » Ouagadougou, REN-LAC, 2006
L'Evènement n°180 du 25 Janvier 2010
Textes Législatifs et
Réglementaires
La loi n°013/98/AN du 28 avril 1998
portant régime juridique applicable aux emplois et agents de la Fonction
Publique.
TABLE
DES MATIÈRES
AVERTISSEMENT......................................................................................i
DEDICACE...............................................................................................
ii
REMERCIEMENTS....................................................................................iii
SIGLES ET
ABREVIATIONS.......................................................................iv
SOMMAIRE
1
INTRODUCTION
2
PREMIERE PARTIE :
TITRE : ETAT DES
LIEUX ET CONDITIONS D'EMERGENCE DE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE
BURKINABE
CHAPITRE I : ETAT DE LA CORRUPTION
DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE BURKINABE
3
Section I : Les formes répandues de la
corruption dans l'administration publique
10
Paragraphe I : Les pots de vins ou dessous de
table
11
Paragraphe II : La concussion (le racket)
13
Paragraphe III : Le détournement
de deniers publics
14
Section II : Les autres formes de corruption
observées dans l'administration
15
Paragraphe I : L'enrichissement illicite
15
Paragraphe II : La corruption
électorale
16
Paragraphe III : Le népotisme, le
favoritisme et le clientélisme
17
CHAPITRE II : LES DETERMINANTS SOCIO
POLITIQUES DE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE BURKINABE
18
Section I : Les déterminants sociaux de
la corruption dans l'administration
18
_Toc259203593
Paragraphe I : Le délitement des
valeurs morales
3
Paragraphe II : Les faibles revenus des agents
publics
20
Paragraphe III : L'enchâssement des
logiques socioculturelles dans le fonctionnement de l'administration
24
Section II : Les déterminants
politiques de la corruption dans l'administration
27
Paragraphe I : Les dysfonctionnements de
l'administration
27
Paragraphe II : L'impunité
30
Paragraphe III : La politisation de
l'administration
34
DEUXIEME PARTIE
TITRE : ANALYSE DES
POLITIQUES ET STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION DANS L'ADMINISTRATION
PUBLIQUE
CHAPITRE I : LE DISPOSITIF DE LUTTE
CONTRE LA CORUPTION DANS L'ADMINISTRATION PUBLIQUE
3
Section I : Le dispositif sous
régional, régional et international
38
Paragraphe I : Le dispositif sous
régional
38
Paragraphe II : Le dispositif
régional 3
9
Paragraphe III : Le dispositif
international
40
Section II : Les politiques nationales et
stratégies de lutte contre la corruption dans l'administration
publique
41
Paragraphe I : Le cadre normatif
41
Paragraphe II: Le cadre
réglementaire................................................44
Paragraphe III : Les institutions
Etatiques et les organisations de la société civile
44
CHAPITRE II : ANALYSE DES
INSUFFISANCES DES POLITIQUES ET DES STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA
CORRUPTION
48
Section I : Analyse des insuffisances du
dispositif de lutte contre la corruption et absence d'une réelle
volonté politique
48
Paragraphe I : Les insuffisances du dispositif
sous régional, régional et international
48
Paragraphe II : Les insuffisances du
dispositif national
49
Paragraphe III : Analyse de la volonté
politique
52
Section II : Recommandations
53
Paragraphe I : Promouvoir la bonne gouvernance
et lutter contre l'impunité
53
Paragraphe II : Lutter contre la politisation
de l'administration
54
Paragraphe III : Favoriser le bon
fonctionnement des services publics
55
CONCLUSION
56
BIBLIOGRAPHIE
58
TABLE DES MATIERES
60
ANNEXES...............................................................................................
v
* 1 Corruption et
développement humain. Rapport sur le développement humain-
Burkina Faso-2003 PNUD, p2.
* 2 Jean Marc Ela, Innovations
sociales et renaissance de l'Afrique Noire, Les défis du
« monde d'en-bas », Paris, l'harmattan, 1998, p 290
* 3 Etude sur les pratiques
de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme
d'Appui à la bonne Gouvernance, mars 2008, p19
* 4 Jean Pierre Olivier De
SARDAN : L'économie morale de la corruption en Afrique, Politique
Africaine, n° 63, Octobre 1996
* 5 Michel CROZIER, Erhard
FRIEDBERG, L'acteur et le système, Paris, Seuil, 1977,
498 p.
* 6 Entretien avec O.S agent
à la DRH du Ministère de l'Economie de des Finances
* 7 Etude sur les pratiques
de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme
d'Appui à la bonne Gouvernance, mars 2008, p37
* 8 Etat de la corruption
au Burkina Faso : Rapport 2004, Ouagadougou, REN-LAC, p44
* 9 Entretien avec S.A,
membre de la cour des comptes
* 10 Etat de la corruption au
Burkina Faso : Rapport 2004, Ouagadougou, REN-LAC, p44
* 11 Etude sur les pratiques
de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme
d'appui à la bonne Gouvernance, mars 2008, p38
* 12 Etude sur les pratiques
de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme
d'appui à la bonne Gouvernance, mars 2008, p39
* 13 Etat de la corruption au
Burkina Faso : Rapport 2005, Ouagadougou, REN-LAC, P.100
* 14 Entretien avec N.A
Gestionnaire du REN-LAC
* 15 Etude sur les pratiques
de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme
d'appui à la bonne Gouvernance, mars 2008, p.42
* 16 Etat de la corruption au
Burkina Faso : Rapport 2005, Ouagadougou, REN-LAC, p.60
* 17 Entretien avec K.S.E
agent à la DPESSA au Ministère de la Fonction Publique
* 18 Entretien avec N.
gestionnaire du REN-LAC
* 19 Abraham MASLOW
(1908-1970), est un psychologue célèbre qui est né
à New York. Fils d'immigrants russes juifs, il est
considéré comme l'un des principaux meneurs de l'approche
humaniste surtout connu pour son explication de la motivation par la pyramide
des besoins qui lui est attribué.
* 20 Clay ALDERFER :
Existence, Relation et Progression, New York, Presse libre, 1972
* 21 Entretien avec AT
fonctionnaire à l'Assemblée Nationale
* 22 Entretien avec K.S.E
agent à la DPESSA au Ministère de la Fonction Publique
* 23Entretien avec K.S.E
agent à la DPSSA au Ministère de la Fonction Publique
* 24 Giorgio BLUNDO et
Jean-Pierre Olivier de SARDAN : La corruption quotidienne en Afrique de
l'Ouest, Politique Africaine, n°83, octobre 2001
* 25 Corruption et
développement humain. Rapport sur le développement humain-
Burkina Faso-2003 PNUD, p.84.
* 26 Jean Marc Ela, Innovations
sociales et renaissance de l'Afrique Noire, Les défis du
« monde d'en-bas », Paris, l'harmattan, 1998
* 27 Jean François
BAYART, L 'Etat en Afrique. La politique du ventre, Paris, Fayard,
1959, 427p.
* 28 Entretien avec K.S.E
agent à la DPSSA au Ministère de la Fonction Publique
* 29 Le Journal SIDWAYA,
n° 5876 du 18 avril 2007
* 30 L'Indépendant,
n°665 du Mardi 6 juin 2006
* 31 Le Reporter, n°19
de janvier 2009
* 32 L'Indépendant,
n°668 du Mardi 27 juin 2006
* 33 Evènement
n°100 du 25 Septembre 2006 et n°101 du 10 Octobre 2006
* 34 Le Pays n°3280 du
24 décembre 2004.
* 35Corruption et
développement humain. Rapport sur le développement humain -
Burkina Faso-2003 PNUD, p.81.
* 36 Corruption et
développement humain. Rapport sur le développement humain -
Burkina Faso-2003 PNUD, p.78.
* 37 Le Comité
National d'Ethique : Rapport 2002
* 38 Entretien avec N.
gestionnaire du REN-LAC
* 39 Corruption et
développement humain : Rapport sur le développement humain -
Burkina Faso-2003 PNUD, p78.
* 40 Etude sur les pratiques de
corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme d'appui
à la bonne Gouvernance, mars 2008, p.65
* 41 Entretien avec K.O,
usager du Ministère de l'Economie et des Finances
* 42 Entretien avec D.M,
usager du Ministère de la Fonction Publique
* 43 Etat de la corruption au
Burkina Faso : Rapport 2005, Ouagadougou, REN-LAC, p.47
* 44 Etat de la corruption au
Burkina Faso : Rapport 2002, Ouagadougou, REN-LAC, p.113
* 45 L'indépendant
n°628 du Mardi 30 septembre 2005 et L'évènement n°77 du
10 octobre 2005
* 46 Etude sur les pratiques
de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme
d'appui à la bonne Gouvernance : Mars 2008, P.54
* 47 Entretien avec K.A
transitaire à Ouaga et usager des services de douanes
* 48 Etude sur les pratiques
de corruption dans l'administration publique du Burkina Faso : Programme
d'appui à la bonne Gouvernance: Mars 2008, P.30
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