UNIVERSITE OUAGA II
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UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE EN
SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES (UFR/SJP)
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DEA : DROIT PUBLIC/SCIENCES POLITIQUES
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OPTION : SCIENCES POLITIQUES
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BURKINA FASO
Unité - Progrès
-Justice
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ANNEE UNIVERSITAIRE : 2010/2011
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THEME :
ANALYSE SOCIOPOLITIQUE DE LA CRISE DE L'ENSEIGNEMENT
SUPERIEUR AU BURKINA FASO : CAS DE L'UNIVERSITE DE OUAGADOUGOU
Présenté par :
Sous la direction du :
Sidi BARRY Pr Fernand
SANOU
Mai 2011
SOMMAIRE
DEDICACE I
REMERCIEMENTS II
SIGLES ET ABREVIATIONS
III
SOMMAIRE
1
Introduction générale
2
PREMIERE PARTIE :
ASPECTS THEORIQUES
4
Chapitre 1: CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE
5
Section 1 : Problématique
5
Section 2 : méthodologie de recherche
25
Chapitre 2 : Evolution du mouvement
étudiant et enseignant Burkinabé
29
Section 1 : Evolution du mouvement
étudiant Burkinabé
29
Section 2 : Le mouvement enseignant
Burkinabé
42
DEUXIEME PARTIE :
FACTEURS SOCIAUX ET POLITIQUES DE LA CRISE DE L'ENSEIGNEMENTSUPERIEUR
46
Chapitre 1 : Les déterminants
sociaux de la crise de l'enseignement supérieur
47
Section 1 : La précarité des
conditions sociales d'existence et d'étude des étudiants
47
Section 2 : Analyse des facteurs de frustration et de
contestation des enseignants du supérieur
58
Chapitre 2:De la mission traditionnelle de
transmission du savoir à la lutte politique.
67
Section 1 : Le syndicalisme étudiant:entre
mobilisation corporatiste et instrumentalisation politique .
67
Section 2 : Articulation entre les franchises
universitaires et les crises universitaires
74
CONCLUSION
80
BIBLIOGRAPHIE
82
ANNEXES
87
INTRODUCTION GÉNÉRALE
La crise économique des années 1980/1990 a eu
des répercussions sur les économies de la plupart des pays
Africains amenant du coup les Etats à effectuer un recul sur leurs
devoirs régaliens notamment dans les secteurs sociaux (Education et
santé). En effet, la Banque Mondiale qui est venue au chevet des Etats
en crise proposa des mesures de « redressement »
essentiellement basées sur le retrait de l'Etat des secteurs
jugés budgétivores et non rentables. L'application de ces mesures
connues sous le nom de Programmes d'ajustement structurel (PAS) a eu pour
conséquence le tarissement des ressources allouées à
l'enseignement supérieur entrainant une montée des remous sociaux
et de la contestation dans les Universités un peu partout en Afrique.
L'enseignement supérieur au Burkina Faso depuis
plusieurs années est traversé par des crises multiples et
multiformes. Ces crises qui sont nées autour des années 1990 se
sont accentuées avec l'application des Programmes d'Ajustement
Structurels (PAS) qui ont eu pour conséquences la remise en cause de la
pertinence, de la qualité, du financement et de la gestion au niveau de
l'enseignement supérieur. Ainsi, le tarissement des ressources au niveau
de ce secteur va entrainer la dégradation vertigineuse des conditions
sociales d'existence des étudiants, des infrastructures, du milieu
d'apprentissage, le déclin de la recherche et l'amplification des
conflits entre les syndicats d'étudiants, d'enseignants et
l'administration de l'enseignement supérieur. Cette montée en
puissance de « l'ajustement éducatif » a
entrainé des mobilisations au sein des acteurs de l'enseignement
supérieur fortement marqués par des motivations politiques,
matérielles et sociales.
Selon Fernand SANOU1(*) : « La politique du
« tout primaire » a en effet conduit le Burkina Faso non
seulement à la marginalisation/clochardisation de l'enseignement
supérieur et des enseignants universitaires mais aussi à la
dégradation de la qualité de l'enseignement de base, via celle de
la formation des maîtres. A vrai dire, le Burkina Faso est l'illustration
parfaite du bon élève des institutions de Bretton Woods, qui
recule dans le classement des nations au fur et à mesure qu'il avance
dans l'estime affichée de ces institutions ».
Cette crise structurelle et conjoncturelle de l'enseignement
supérieur va accentuer la recrudescence de l'activité syndicale
donnant ainsi naissance à de nouveaux conflits autour de la
« question scolaire ». Les acteurs de l'enseignement
supérieur qui se plaignent régulièrement de leur mauvaise
condition de vie et de travail et n'hésitent pas à manifester
leur mécontentement à travers des actions de protestation
(marches, meetings). Ces vagues de contestation souvent virulentes paralysent
le fonctionnement de l'Université et met à rude épreuve le
consensus entre les acteurs du monde Universitaire.
Pour mieux cerner la crise de l'enseignement supérieur
au Burkina Faso, il apparaît difficile d'ignorer les enjeux connexes,
c'est- à- dire ceux sociopolitiques, économiques, et culturels
qui dominent l'orientation et les motivations de la contestation à
l'université de Ouagadougou. Aussi, l'étude du
phénomène de la crise de l'enseignement supérieur est-elle
indissociable du mouvement étudiant et des syndicats des enseignants qui
demeurent le moteur principal de la contestation à
l'Université.
A travers le thème
intitulé : « Analyse
sociopolitique de la crise de l'enseignement supérieur au Burkina
Faso : Cas de l'université de Ouagadougou», nous
proposons d'analyser les mécanismes sociopolitiques qui
déterminent la crise de l'enseignement supérieur au Burkina
Faso.
PREMIERE PARTIE :
ASPECTS THEORIQUES
CHAPITRE 1: CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE
SECTION 1 : PROBLÉMATIQUE
L'université de Ouagadougou, bien qu'étant un
centre de production et de diffusion des connaissances, a aussi
été de tout temps un lieu de luttes, de conflits, à savoir
un théâtre où naissent, se côtoient et s'affrontent
des forces, des courants idéologiques et politiques contraires. Cette
situation a entrainé une forte interdépendance entre la dimension
corporatiste et la dimension politique dans les revendications à
l'université.
Depuis 1990, l'université de Ouagadougou s'est
enfoncée dans la crise au fur et à mesure que l'Etat, son
principal soutien essuyait la contestation démocratique et les
mesures d'ajustement structurel. A l'époque, partout en Afrique les
Universités sont accusées à tort ou à raison par
les institutions de Bretton Woods de coûter trop chères pour ce
qu'elles apportent, d'être absentes des recherches, de proposer des
formations inadaptées aux besoins et de constituer une fabrique de
chômeurs.
La mise en oeuvre des Programmes d'Ajustement Structurel (PAS)
proposés par le FMI et la Banque Mondiale a eu des conséquences
désastreuses dans l'enseignement supérieur entrainant,
l'émergence des mouvements sociaux qui ont remis en cause et souvent de
manière violente les mesures d'ajustement imposées par ces
institutions internationales.
Ces conflits et revendications sont nés du fait de la
dégradation continue des conditions de vie et d'étude des
étudiants et surtout la dévalorisation de la fonction enseignante
au supérieur depuis l'application des mesures de l'ajustement
éducatif. L'adoption des PAS a ainsi réduit les budgets de
l'éducation, éliminée les aides et avantages aux
étudiants et enseignants.
Par conséquent, à travers les
mobilisations et les luttes, le mouvement étudiant et enseignant s'est
positionné désormais comme une force sociale capable
d'ébranler les idéologies et les institutions étatiques.
Les pouvoirs voyaient donc d'un mauvais oeil ces «menées
subversives » d'autant plus que leurs « mobiles
inavoués » seraient éloignés des
préoccupations des étudiants et enseignants.
Par ailleurs, si tout le monde s'accorde à dire que la
crise de l'enseignement supérieur au Burkina est inspirée par des
causes multiples, il n'en est pas de même quand il s'agit des motivations
et des mobiles profonds qui animent les actions protestataires des syndicats.
Il est indéniable que les structures sociales,
économiques, politiques, idéologiques et morales orientent les
comportements, déterminent les attitudes et les choix politiques des
acteurs ; en un mot leur participation à l'espace syndical et
politique.
Ainsi, nous conviendrons avec Marcel Mauss qu'un fait social
est le produit d'une conscience collective et l'expliquer, c'est le rapporter
au tout qui l'a produit.
Pierre Bourdieu reconnait qu'il faut expliquer les pratiques
sociales des acteurs par leurs déterminants sociaux dont
l'habitus en tant que «subjectivité
socialisée » est le produit.
Autrement dit, il existe des logiques sociales et politiques
qui servent de terreau à la crise à l'Université de
Ouagadougou. C'est pourquoi, l'étude de la crise de l'enseignement
supérieur au Burkina Faso est indissociable des mécanismes
sociaux et politiques qui sous-tendent, influencent les actions des acteurs
à l'Université de Ouagadougou.
PARAGRAPHE 1 :
JUSTIFICATION DU CHOIX DU THÈME, PROBLÈME ET QUESTION
GÉNÉRALE DE RECHERCHE
A. Justification du choix du
thème
L'enseignement supérieur au Burkina depuis plusieurs
années traverse une crise structurelle et conjoncturelle. En effet,
grèves, année invalidée, campus bouclé par les
forces de l'ordre, sont autant d'événements qui s'inscrivent
désormais dans le panorama de la vie à l'université de
Ouagadougou. Du reste, même si ces maux qui minent l'enseignement
supérieur notamment l'université de Ouagadougou sont connus de
tous, ils ont rarement été étudiés comme ils le
méritent. Donc, ces faits ont suscité notre intérêt
sur ce phénomène social assez controversé, à savoir
la crise de l'enseignement supérieur.
Il s'agira donc pour nous de porter un regard sociopolitique
sur la crise de l'enseignement supérieur qui prend de l'ampleur et qui
est d'actualité.
Aussi, ce thème revêt une importance
particulière car le secteur de l'enseignement supérieur au
Burkina est confronté au phénomène récurrent des
crises universitaires qui mettent non seulement à rude épreuve
l'équilibre fragile qui prévaut dans ce secteur, mais aussi qui
menacent la formation, voire l'avenir de la jeunesse estudiantine et partant de
là, du développement du pays.
Cette étude pour nous est une contribution modeste
à l'éclairage du phénomène de la contestation
estudiantine et enseignante, du mouvement étudiant et enseignant
burkinabé et des causes politiques et idéologiques qui
l'animent.
B. Problème
général
Le problème général de la présente
étude est lié à la compréhension et à
l'analyse des mécanismes sociopolitiques qui déterminent la crise
de l'enseignement supérieur au Burkina notamment à
l'université de Ouagadougou.
Nous recherchons à travers cette étude à
comprendre et à analyser les mécanismes, les imbrications
sociales et politiques qui sous-tendent et influencent la crise dans
l'enseignement supérieur au Burkina.
C. Question
générale
Quels sont les déterminants sociopolitiques de la crise
dans l'enseignement supérieur au Burkina en l'occurrence à
l'université de Ouagadougou ?
PARAGRAPHE 2 : REVUE DE
LITTÉRATURE
La crise à l'université d'Ouagadougou est
indissociable de la crise des systèmes d'enseignement supérieur
qui secoue le Burkina depuis les années 1990. Mais ce
phénomène assez controversé et qui prend de l'ampleur n'a
pas fait l'objet d'une véritable analyse sociopolitique en ce sens que
la plupart des analyses ont occulté son aspect social et politique. La
plus part des écrits sur la crise de l'enseignement supérieur au
Burkina est traité dans la presse écrite où souvent,
l'accent est plutôt mis sur la grogne estudiantine au détriment
des motivations sociopolitiques qui sous-tendent cette crise. On doit noter que
certains ouvrages, bien que n'ayant pas traité de façon
spécifique la crise de l'enseignement supérieur ont essayé
d'étudier les déterminants sociaux, politiques et
économiques de ce phénomène en Afrique et au Burkina Faso
surtout à l'université de Ouagadougou.
Cette présentation thématique ci-dessous de
notre revue littéraire nous permet à travers une analyse critique
de regrouper les auteurs ayant traité le thème selon leurs
convergences ou divergences.
A. Le rôle et la
place de l'école dans la société.
L'école est à la fois reproduction des
structures existantes, courroie de transmission de l'idéologie
officielle, domestication mais aussi menace de l'ordre établi et
possibilité d'affranchissement.
Ainsi, pour le sociologue :
«l'école n'est pas seulement un lieu de rencontre entre les acteurs
individuels, mais aussi un espace politique car l'institution scolaire est
investie par des groupes internes et externes notamment par l'Etat central,
dans une optique stratégique, c'est-à-dire avec des projets qui
visent à transformer son fonctionnement »2(*).
BAUDELOT, ESTABLET, BOURDIEU, SNYDERS, pour ne citer que
ceux-là affirment à travers leurs différents écrits
que l'institution scolaire dans un pays capitaliste est assujettie au
système d'économie de marché et vise une reproduction des
structures existantes, donc des rapports sociaux de production.
Pour Pierre BOURDIEU, cette reproduction des structures
sociales se réalise à travers une alchimie qui consiste à
perpétuer les inégalités sociales de façon
individuelle, en «accordant aux individus des espérances de vie
scolaire strictement mesurées à leur position dans la
hiérarchie sociale et en une sélection qui, sous des apparences
de l'équité formelle sanctionne et consacre des
inégalités réelles. »
Quant aux auteurs comme BAUDELOT et ESTABLET, l'institution
scolaire assure deux rôles essentiels qui consistent à :
« reproduire matériellement la division en classes,
à maintenir, c'est-à-dire à imposer des conditions
idéologiques des rapports de domination et de soumission entre deux
classes antagonistes. »3(*)
Pour ces deux auteurs, l'école occupe une place
privilégiée dans la superstructure du mode de production
capitaliste car elle est de tous les appareils idéologiques la seule
à inculquer l'idéologie dominante sur la base de la formation de
la force de travail.
Par ailleurs, même si nous convenons avec ces deux
auteurs que l'école assure la reproduction des structures existantes,
force est de reconnaître qu'elle apparaît aussi comme un lieu
où l'on observe les antagonismes sociaux.
En effet, Georges Snyders4(*) écrit que l'école serait le lieu, le
terrain où s'affrontent les classes dominantes et classes
dominées. Selon lui, «l'équilibre des forces dans ce
milieu est fragile car ce qui s'y passe reflète l'exploitation et la
lutte contre l'exploitation ». L'auteur va plus loin dans son
analyse et soutient qu'il s'agit d'une lutte où s'affrontent les forces
du progrès et les forces conservatrices.
Dans cet ordre de pensée, Gilbert MASSON, cité
par Georges SNYDERS reconnait que «l'école n'est rien d'autre
qu'une arme à deux tranchants en ce sens que la bourgeoisie est
obligée d'instruire le prolétariat qui à son tour se sert
de cette même instruction pour faciliter son organisation et
élever sa capacité de lutte contre la
bourgeoisie ».
Ces analyses, quoique mettant à nu l'antagonisme des
classes au sein de l'institution scolaire dans les sociétés
capitalistes, ne reflètent pas forcément les
réalités en Afrique. En effet, sur le continent, même si ce
conflit des classes est perceptible au sein de l'école, force est de
constater que chaque camp prétend lutter au nom de la masse dont il se
croit porteur d'une mission historique.
A ce sujet, Paul Nda5(*) analysant les conflits politiques et
idéologiques de l'intelligentsia africaine et les enjeux symboliques et
réels qui les dominent affirme que : « les conflits
et les oppositions des intellectuels se nourrissent des problèmes
sociaux, des conflits sociaux et autant qu'ils apportent forces et
exacerbations à ceux-ci ».
En ce qui concerne le cas spécifique du Burkina Faso,
Fernand SANOU, pense que l'école joue un rôle essentiel dans la
classification des individus ou des groupes sociaux en leur conférant
une position sociale dans la société.
Pour l'auteur : «Il est assez évident que
depuis la colonisation, l'éducation scolaire est devenue un, sinon le
facteur déterminant de la hiérarchisation sociale en Afrique
d'une façon générale, au Burkina Faso d'une façon
particulière... »
Il continue et soutient que « le secteur
moderne s'est développé surtout à partir de l'Etat et de
l'administration. Les critères d'accès aux emplois dans cette
administration, fixés depuis la colonisation, sont des diplômes
scolaires dont la hiérarchie académique détermine la
nouvelle hiérarchie sociale et économique, comme en
témoignent tous les textes de la fonction publique et leur imitation par
le secteur privé.» 6(*)
Ces différents auteurs, en dépit de leurs
analyses assez pertinentes sur les conflits, les antagonismes, le rôle et
la place de l'école dans la société, passent sous silence
le rôle et la place de l'enseignement supérieur notamment
l'Université dans la contestation sociale et politique.
B. L'Université et
la contestation politique
L'Université à travers le monde entier a
toujours été un haut lieu de contestation, un espace où
s'affrontent en permanence plusieurs groupes sociaux animés par des
courants politiques et idéologiques divers. La forte surveillance
policière des campus universitaires et le désir des pouvoirs
publics de maitriser et contrôler ce lieu sont autant d'indices qui
révèlent le caractère stratégique des campus.
Ainsi, de nombreux auteurs placent les élèves, étudiants
et enseignants dans une sorte de «front anti-pouvoir ».
Analysant les mobiles profonds de l'agitation estudiantine
Alain TOURAINE7(*)
s'interroge en ces termes : « la lutte étudiante
n'est-elle qu'une agitation où se manifeste la crise de
l'université, où porte-t-elle en elle un mouvement social capable
de lutter au nom d'objectifs généraux contre une domination
sociale ? »
Quant à Pierre Bourdieu à travers une lecture
sociologique du phénomène de la contestation estudiantine, il
affirme sans détour que la «révolte
étudiante » s'apparente plutôt à un conflit de
génération, qui a pour enjeu réel et symbolique la lutte
pour le pouvoir.
Pour LEFEBVRE, la contestation estudiantine inaugure la grande
contestation, à savoir celle de la société entière,
de ses institutions, de ses idéologies. Cette alchimie politique qui
aboutit à ce stade l'amène à accepter «la
théorie de l'étincelle » qui met le feu aux
matériaux inflammables. C'est ainsi que selon lui, les étudiants
à travers la contestation politique s'attaquent violemment à la
forme de l'enseignement qu'ils accusent de masquer les défauts du
système. A ce stade, le mot d'ordre
d' « université critique » devient essentiel.
Les évènements de Mai 1968 qui ont
ébranlé les pouvoirs à travers le monde ont
révélé la force du mouvement étudiant. A travers
une lecture marxiste de ce mouvement de contestation parti de Nanterre, Henri
LEFEBVRE8(*), reconnait que
la «révolution de mai 68 » marque l'année de la
contestation étudiante à travers le monde. Selon lui,
« le mouvement étudiant de 1968 est allé de la
réflexion critique à la revendication, de la revendication
à la contestation et de la contestation théorique à la
pratique contestante ».
Il est évident que les analyses faites par ces
différents auteurs ne traduisent pas forcément la
réalité dans les Université Africaines et
précisément au Burkina Faso.
C'est ainsi que, Diouf et Diop9(*) , analysant les causes profondes des
évènements de Mai 1968 admettent que la volonté des
étudiants est «de renverser le cours des choses en vue de
favoriser l'avènement d'un contexte leur permettant de jouer leur
rôle d'élite moderne de l'avenir, rôle traditionnel des
étudiants africains ».
Mais quoique indispensable à un éclairage et
à une bonne compréhension sur le phénomène de la
contestation politique en milieu universitaire, ces analyses demeurent
insuffisantes car survolant les présupposés idéologiques
et politiques qui dominent l'orientation des mouvements des acteurs
universitaires notamment au Burkina Faso.
Mamadou COULIBALY10(*) dans un ouvrage consacré à la place de
l'enseignement supérieur dans le processus de démocratisation en
Afrique admet qu'il faut « «établir une liaison
claire entre l'activité cognitive de l'homme et sa prétention
à s'opposer au politique. ». Selon lui, l'opposition
permanente des intellectuels aux pouvoirs s'expliquerait du fait de leur
vocation qui réside essentiellement dans l'affirmation de leur
indépendance vis-à-vis du monde politique et qui leur permet de
se consacrer à la recherche permanente de la vérité
scientifique. Cette position confère aux Universitaires une autonomie de
penser et d'action.
L'auteur va plus loin dans son analyse et affirme que
«l'application ou l'imposition de la politique dans les
universités, par la suppression des franchises universitaires et les
libertés contingentes, par des régimes non démocratiques,
bloque inévitablement l'enseignement et la recherche et donc s'oppose
à la méthode scientifique de ces centres
d'excellence. »
Ainsi, au nom de la dégradation de leur condition de
vie et d'étude et des franchises universitaires bafouées, les
universitaires dont les étudiants et les enseignants vont revendiquer
des libertés, parmi lesquelles la liberté politique. Et selon
COULIBALY, «lorsque ces revendications rencontrent l'ajustement
structurel et le contexte de crise généralisée dans un
univers d'analphabétisme et d'ignorance rationnelle, cela assure des
prétentions de politiciens aux universitaires et
chercheurs ».
Analysant les raisons du contrôle accru des
autorités publiques sur l'espace universitaire Pascal
Bianchini11(*)
soutient que : «La faiblesse de la légitimité des
autorités politiques sur les campus et le caractère
stratégique que revêt le contrôle de cet espace pour ces
autorités les ont souvent conduits à développer une
gestion policière et militaire de cet espace. De leur côté,
les étudiants par leur activisme organisé (réunions,
activités culturelles, sportives) tendent à occuper cet espace
à leur manière ».
En effet, selon les acteurs du monde universitaire, le campus
demeure un « sanctuaire », un
« territoire » où s'opèrent les alliances
politiques, idéologiques et les stratégies de luttes.
Ainsi, il existe une tradition conflictuelle entre les
autorités et les acteurs du monde universitaire pour le contrôle
de l'université qui constitue le lieu où s'élaborent les
stratégies du mouvement enseignant et étudiant et le point de
départ de la contestation.
C. Ligne
idéologique et politique des syndicats enseignants et étudiants
burkinabè
Le milieu universitaire façonne les individus, leur
inculque des valeurs symboliques, des préférences, oriente leurs
croyances, leurs choix idéologiques et politiques. En effet, la crise de
l'enseignement supérieur notamment celle qui secoue l'Université
de Ouagadougou depuis plusieurs décennies ne saurait s'étudier
sans lien avec le syndicalisme enseignant et étudiant qui demeurent le
principal moteur des revendications.
Selon Pascal Bianchini (1997), le mouvement enseignant au
Burkina Faso est né autour des années 1950 avec la
création du personnel enseignant africain qui se transformera plus tard
en Syndicat des Personnels Enseignants de Haute Volta (SPEAHV), puis en
Syndicat National des Enseignants de Haute Volta (SNEAHV).
Durant cette période le syndicat enseignant n'apparait
pas comme une force de contestation mais les évènements du 3
Janvier 1966 marquent un épisode fondateur de l'enracinement et de la
politisation du syndicalisme enseignant au Burkina.
Le syndicat enseignant au Burkina marqué à ses
débuts par l'hégémonie du Mouvement National de
Libération (MNL) résiste à la confiscation du pouvoir par
le régime de Maurice YAMEOGO, puis des régimes successifs. Par la
suite, les professeurs estimant que le SNEAHV dominé
numériquement par les instituteurs ne prenait pas suffisamment en compte
leurs revendications corporatistes créèrent en Juillet 1972 le
Syndicat Unique Voltaïque des Enseignants du Secondaire et du
Supérieur (SUVESS).
Lequel syndicat qui à son tour est dominé par
des luttes hégémoniques, se politise et se radicalise. En effet,
les années 1970 furent une période de la montée de
l'action revendicative d'autant plus que ce fut une période, où
l'entrée dans la fonction d'enseignant entrainait ipso facto
l'adhésion à l'organisation syndicale. Pour
Bianchini12(*),
« C'est ainsi que se construit la réalité et le
mythe d'un contre-pouvoir redoutable pour tous les régimes
voltaïques, qu'ils soient civils ou militaires».
Quand au mouvement étudiant burkinabé, il est
né autour des années 1960 avec la création de l'UGEV en
Juillet 1960 en tant que section de la FEANF. Son action s'est pendant
longtemps exercée aussi à l'extérieur du pays, notamment
en France avec l'Association des Etudiants Voltaïques en France (AEVF) et
l'Association des Stagiaires Voltaïques (ASV) à Dakar. L'UGEV,
dès sa naissance a aussi connu des conflits de courants politiques et
idéologiques révolutionnaires proches de la FEANF, du MNL et du
PAI.
En effet, selon Hamidou DIALLO13(*), le mouvement étudiant burkinabè a
été, dès sa naissance, fortement influencé par la
FEANF dont il adopte les analyses et les mots d'ordre. Il préconise
comme elle, le syndicalisme révolutionnaire avec «d'une part
sur le plan corporatif, la défense des intérêts
matériels et moraux des étudiants africains ; d'autres part,
sur le plan politique, la lutte aux côtés des peuples africains
pour la libération de l'Afrique du joug colonial ».
Depuis sa naissance jusqu'en 1971 l'UGEV est dominée
par le MNL, qui à cause de sa participation au gouvernement du
général LAMIZANA, sera dénoncé au Vè
congrès comme un parti « réactionnaire » et
ses militants seront exclus de la direction du syndicat. Le MNL sera donc
écarté de la direction du syndicat au profit du PAI pendant ce
congrès qui adopte le mot d'ordre « d'intégration aux
masses ».
Cependant, l'hégémonie du PAI fut de courte
durée car le VIè congrès se rallie au mot d'ordre de
la « Révolution Nationale Démocratique et
Populaire » de la FEANF qui est la conséquence directe de
l'hégémonie des militants étudiants de l'ASV et de l'AEVF
pochent des thèses « prochinoises ».
Le VIIIè congrès de l'UGEV en 1977 marque un
tournant décisif dans l'orientation politique et idéologique du
mouvement étudiant burkinabé. En effet, le document final de ce
congrès annonce clairement que : « si en Haute
Volta, il nait un parti communiste qui mobilise et dirige les masses dans la
lutte contre l'impérialisme principalement français et ses valets
locaux, pour la réalisation de la Révolution Nationale
Démocratique et Populaire, et bien, un tel Parti Communiste, nous le
soutiendrons et cela dans le cadre du front uni anti-impérialiste que
nous préconisons. Le marxisme-léninisme est l'idéologie de
la classe ouvrière. Or, en Haute Volta, il nait et se développe
une classe ouvrière qui prendra nécessairement connaissance du
marxisme léninisme et un parti communiste naitra pour le plus grand bien
du peuple voltaïque».14(*)
Ainsi, à l'issue de ce congrès, l'UGEV se dote
d'une ligne «anti-impérialiste et
révolutionnaire ». Les analyses qu'elle a faites de la
situation nationale la rapproche des groupuscules marxistes léninistes
même si elle se défend d'en être la jeunesse, en affirmant
son indépendance à l'égard des partis politiques et des
syndicats.
John David KERE,15(*) dans son analyse sur les syndicats et pouvoir au
Burkina Faso soutient que cette alliance de l'UGEV d'avec les forces politiques
et syndicales connaît son apogée au IXè congrès de
l'UGEV tenu en avril 1979 et qui prône le mot d'ordre
«d'inféodation aux masses ».
La création en 1977 d'un nouveau parti communiste en
l'occurrence l'Organisation Communiste Voltaïque (OCV) a été
le point de départ d'une nouvelle crise au sein de l'UGEV. Cette crise
aboutira en 1978 à une scission donnant naissance d'un coté
à l'UGEV proche du PCRV et de l'autre l'UGEV dite
« M21 » proche de l'Union des Luttes Communistes (ULC).
Pascal BIANCHINI, analysant les raisons profondes de cette
scission intervenue au IXè congrès, conclut à
l'aboutissement d'une crise au sein de l'Organisation Communiste Voltaïque
(OCV) et qui se scinda en 1978 en deux, avec d'un côté le PCRV et
de l'autre l'ULC. Cette période marque la radicalisation du mouvement
étudiant révélant ainsi le caractère
névralgique de l'Université dans les jeux de conquête du
pouvoir politique au Burkina.
Cette orientation idéologique et politique radicale
creusa davantage le fossé entre le mouvement étudiant et le
pouvoir qui n'apprécie pas favorablement ces «mauvaises
fréquentations » et « menées
subversives » dont les mobiles seraient éloignés des
préoccupations des étudiants.
Cependant, les analyses de ces différents auteurs sur
l'orientation idéologique et politique du mouvement enseignant et
étudiant burkinabè quoique enrichissantes semblent
incomplètes. En effet, ces écrits mettent peu l'accent sur les
conditions de vie et de travail de ces derniers, leurs trajectoires sociales,
géographiques et leurs intérêts particuliers dans un
contexte de rareté de ressources et de crise économique
généralisée.
Par ailleurs, elles négligent les conditions
socio-économiques des enseignants et étudiants qui se sont
fortement dégradées ces dernières années suite aux
nombreuses reformes éducatives dictées par les institutions de
Breton Woods. Une bonne lecture sociopolitique de la crise de l'enseignement
supérieur au Burkina Faso passe nécessairement par
l'étude de la condition enseignante et étudiante qui serait
l'élément catalyseur des luttes à l'Université de
Ouagadougou. Ces analyses sur les organisations syndicales et politiques
semblent insuffisantes du fait de la non prise en compte du paysage syndical et
politique actuel.
D. Conditions
socio-économiques des étudiants et enseignants
Analysant les raisons de la participation des étudiants
à l'espace syndical universitaire, Gabin KORBEOGO16(*) articule son argumentation
autour de l'hypothèse selon laquelle : « l'origine
sociale et les conditions sociales d'existence déterminent les rapports
des étudiants à l'espace syndical universitaire ».
Pour lui, la précarité de la condition
étudiante, le système de valeurs cristallisé par
l'instance familiale, les trajectoires scolaires et géographiques
déterminent les rapports des étudiants à l'espace syndical
universitaire.
Par ailleurs, l'auteur analyse «les
événements sociaux qui ont occasionné un processus
d'intériorisation des valeurs, d'attitudes ou de
réceptivité de messages symboliques ».
Dans ce mémoire de maitrise, les mouvements de
grèves de 1991-1992 et celle dite de «52 jours » (1997)
furent revisités avec à l'appui les expériences
individuelles des acteurs ayant vécu directement ou indirectement les
temps forts de ces turbulences à l'université de Ouagadougou.
Cependant, cette analyse purement sociologique aborde
essentiellement le processus d'intériorisation des valeurs et des normes
à travers les trajectoires familiales, scolaires et géographiques
des étudiants.
Cette façon d'aborder le sujet nous parait
réductrice car ne prenant pas suffisamment en compte les conditions
socio-économiques des étudiants et surtout des enseignants qui
seraient les principales causes de la colère et de l'engagement syndical
de ces derniers.
Pascal BIANCHI17(*), dans une analyse de la crise des systèmes
d'enseignement et des reformes au Sénégal et au Burkina Faso
(1960-2000) estime que cette crise s'explique par la place qu'a pris le
diplôme dans la construction bureaucratique et qui permet à
l'individu d'accumuler le pouvoir social et économique afin de
s'intégrer au système socio-économique en place.
Par ailleurs, l'auteur soutient que cette
conflictualité autour de l'enseignement supérieur et les
résistances développées par les différents acteurs
ne sont pas étrangers à la montée en puissance de
« l'ajustement éducatif » prôné par le
FMI et la Banque mondiale vers la fin des années 1980.
En effet, la crise économique ayant entrainé le
dérèglement des économies Africaines dans les
années 1980 a eu un impact sérieux sur la capacité des
Etats à répondre aux fortes demandes sociales notamment en
matière de santé et d'éducation. Ainsi les mesures de
redressement ou de revitalisation «hyper-interventionniste» des
institutions de Bretton Woods ont brisé le lien qui existait entre le
diplôme et l'emploi en tarissant la source de financement et de promotion
sociale que conférait l'enseignement supérieur aux couches
sociales intermédiaires et inférieures.
Au Burkina Faso, « l'ajustement
éducatif » a rencontré de farouches résistances
de la part des étudiants et des enseignants. Ces derniers se sont
mobilisés autour de la thématique de la défense des
libertés académiques, de l'amélioration de leurs
conditions de vie et d'étude, de la valorisation du statut d'enseignant
du supérieur, contre l'austérité budgétaire mais
aussi contre l'impunité et l'injustice. Cette vague de contestation sans
précédent des acteurs du monde éducatif a abouti à
l'invalidation de l'année académique 1999-2000 et à la
refondation de l'Université de Ouagadougou.
Fernand SANOU18(*) constate que « contrairement aux
discours officiels, les politiques éducatives suivies par le Burkina
Faso depuis son indépendance ne laissent pas percevoir une foi
réelle en l'éducation comme moteur du développement
économique et social ».
Il estime que « la dégradation du statut
social et des conditions de vie et de travail des enseignants du
supérieur est une conséquence directe de la politique
prônée par la Banque mondiale, celle de mettre l'accent sur le
primaire et de faire supporter le poids des autres ordres d'enseignement
à leurs bénéficiaires ».
Cette situation contrasterait avec le discours officiel des
autorités sur l'importance de la valorisation du capital humain en vue
du développement du pays. Ainsi, les enseignants et étudiants
cachent mal leur mécontentement et constatent avec amertume que
l'enseignement supérieur est devenu au fil des ans le parent pauvre du
financement interne et extérieur.
E. Note finale de
lecture
Au terme de notre revue littéraire, il importe de
remarquer que le phénomène de la crise de l'enseignement
supérieur a fait l'objet de plusieurs études et publications.
Le mouvement étudiant et enseignant s'est
révélé depuis la chute du régime de Maurice YAMEOGO
le 3 Janvier 1966 comme une force sociale capable de s'affirmer, ayant son
identité propre, ses motivations politiques et idéologiques.
Il est clair que par leur grande capacité à
échapper à l'emprise idéologique des classes dominantes,
les organisations estudiantines et enseignantes ces dernières
années ont constitué un important foyer de résistance,
voire de la contestation politique. Analysant les raisons de la crise de
l'enseignement supérieur au Burkina Faso, de nombreux auteurs
soutiennent que cela a pour origine l'orientation idéologique et
politique et la dégradation des conditions de vie et d'étude des
étudiants et enseignants sur le campus. A cela s'ajoute, l'explosion de
colère des enseignants du supérieur las d'attendre des
réponses de la revalorisation de leur grille salariale depuis une
décennie.
Cependant, les analyses des différents auteurs sur la
crise de l'enseignement supérieur au Burkina sont essentiellement
focalisées sur les étudiants, la contestation politique et enfin
les présupposés politiques et idéologiques des syndicats
estudiantins. Aussi, les conditions socio-économiques des
étudiants, des enseignants, leur condition de travail et la valorisation
de leur statut n'ont pas été suffisamment abordés.
Donc, la présente étude se donne pour ambition
d'apporter un éclairage sous l'angle sociopolitique du discours, des
pratiques et de la condition de deux groupes d'acteurs clés (enseignants
et étudiants) profondément impliqués dans cette crise
structurelle et conjoncturelle que traverse l'Université de Ouagadougou.
Et surtout le récent mouvement du SYNADEC visant la revalorisation du
statut des enseignants du supérieur et qui a paralysé
l'Université en 2009.
PARAGRAPHE 3 :
PROBLÈME, QUESTION SPÉCIFIQUE ET HYPOTHÈSES DE
RECHERCHE
A. Problème
spécifique
Les études antérieures sur la crise de
l'enseignement notamment à l'université de Ouagadougou sont quasi
inexistantes et même celles qui existent n'ont pas suffisamment mis
l'accent sur l'analyse sociopolitique de cette crise.
A travers cette étude, il s'agit pour nous de donner la
parole aux acteurs du monde universitaire afin de saisir les logiques sociales,
économiques, les présupposés politiques et
idéologiques qui sous-tendent la crise à l'université de
Ouagadougou.
B. Question
spécifique
Quelles sont les logiques sociales et politiques qui
déterminent la crise de l'enseignement supérieur au Burkina
notamment à l'Université de Ouagadougou ?
C. Les objectifs de
recherche
L'objectif de cette étude est de comprendre et de
maîtriser les logiques sociales et politiques qui déterminent la
crise de l'enseignement supérieur au Burkina.
Les objectifs spécifiques visent :
ü à mettre à nu les logiques politiques,
économiques, individuelles et collectives qui sous-tendent la
participation des étudiants et enseignants à l'espace syndical
;
ü à analyser la nature des revendications des
étudiants et des enseignants;
ü à identifier enfin les liens, les
éventuelles alliances entre les syndicats d'étudiants et
d'enseignants et les forces extérieures du champ universitaire,
notamment celles politiques et syndicales.
D. Les hypothèses de recherche
Quelques hypothèses permettront de mener et d'exploiter
la perspective ainsi envisagée.
Hypothèse 1 : La
précarité des conditions sociales d'existence et d'étude
des étudiants et la dévalorisation du statut des enseignants sont
des facteurs qui favorisent la crise à l'Université de
Ouagadougou.
Hypothèse 2 : La question du respect
des franchises universitaires, la quête des valeurs démocratiques
et le désir de justice sociale déterminent la crise à
l'Université de Ouagadougou.
E. Intérêt de l'étude
Une analyse sociopolitique sur la crise de l'enseignement
supérieur au Burkina aura pour intérêt d'apporter un
éclairage sur les jeux et les enjeux des pratiques contestataires des
étudiants et des enseignants à l'université de
Ouagadougou.
Il s'agit aussi d'étudier la contestation estudiantine
et aussi la montée du syndicalisme enseignant qui commence à
prendre de l'ampleur ces dernières années à
l'Université de Ouagadougou. Par ailleurs, cette étude à
travers une lecture politique de la condition estudiantine et enseignante peut
aider à mieux comprendre le milieu universitaire réputé
peu soumis, voire subversif.
Enfin, les résultats de nos investigations peuvent
servir d'outil de référence aux décideurs, aux
responsables de l'éducation en vue d'une prise de décisions
pouvant pallier les crises multiformes qui minent l'enseignement
supérieur au Burkina Faso.
F. La conceptualisation
· Définition des concepts
Le concept est un élément indispensable à
toute observation. En effet, pour Madeleine GRAWITZ, « le concept
n'est pas seulement une aide pour percevoir, mais une façon de
concevoir. Il organise la réalité en retenant les
caractères distinctifs, significatifs des phénomènes. Il
exerce un premier tri au milieu du flot d'impressions qui assaillent le
chercheur. »19(*)
La définition de certains concepts fondamentaux
s'avère nécessaire pour mener à bien notre
étude.
Sociopolitique : Ce concept
renvoie à la fois au politique et au social. Il s'agit de deux concepts
intimement liés. Le social embrasse tous les aspects de la vie humaine.
Et M. Grawitz le définit comme étant tout ce qui concerne les
hommes en société. Quant à MAX Weber, il entend par
politique : « la direction du groupement politique que nous
appelons aujourd'hui Etat, ou l'influence que l'on exerce sur cette
direction. »20(*)
Par ailleurs, selon David EASTON21(*) le système politique se
présente comme un ensemble de relations politiques. Pour lui, le
système politique n'est pas isolé des autres systèmes
sociaux car il entretient des échanges avec son environnement
économique, culturel et religieux. Il conçoit le système
politique en termes de « réponse » dynamique
à son environnement social.
Dans le cadre de notre étude, ce concept renvoie
à l'ensemble des faits et manifestations sociaux et politiques qui
caractérisent la crise de l'enseignement supérieur et qui tirent
leur origine des structures sociales, économiques, culturelles,
idéologiques et politiques.
Franchises universitaires : Il
s'agit d'un concept qui renvoie à la liberté intellectuelle de
penser, de critiquer, et de manifester que garantit l'institution
universitaire. Les franchises universitaires sont constituées d'un
ensemble de textes qui favorisent l'indépendance des acteurs du monde
universitaire vis- à- vis des pouvoirs politiques. Donc, c'est la
liberté qu'ont les membres de cette communauté de poursuivre
leurs activités universitaires dans le cadre de règles
éthiques et de normes internationales établies par cette
communauté sans pression extérieure.
Ces franchises universitaires ont connu des modifications sous
les régimes qui se sont succédé au Burkina Faso. La
dernière modification en date s'est effectuée avec la refondation
de l'université intervenue en 1999-2000. Les principaux articles de ces
franchises qu'on soumet à l'appréciation de l'étudiant
pendant son inscription administrative sont les suivants :
Article 1er :
«l'enseignement et la recherche impliquent l'objectivité du
savoir et la tolérance des opinions. Ils sont incompatibles avec toute
forme de propagande et doivent demeurer hors de toute pression
idéologique ou confessionnelle. A cette fin, des garanties leur sont
conférées appelées franchises et libertés
universitaires».
Article
10 : « Aucun étudiant ou
groupe d'étudiants ne peut exercer une contrainte physique ou morale sur
un autre étudiant ou un autre groupe d'étudiants, un enseignant
ou un groupe d'enseignants, dans le but de l'amener à adhérer
à ses propres idées, à l'intérieur des locaux et
enceintes universitaires, y compris les locaux qui peuvent être mis
à leur disposition. Lorsque les étudiants s'abstiennent de suivre
les enseignements par suite d'une décision concertée, ils ne
peuvent, à l'aide de violence, menaces ou manoeuvres, porter atteinte
à l'ordre public, au fonctionnement régulier des institutions
universitaires ou au libre exercice par d'autres étudiants de toute
activité universitaire. Sont en particulier proscrits les menaces,
pressions, coups de sifflets, jets d'eau, jets de pierres faits pour obliger
les étudiants à quitter les salles de classes. La liberté
de manifester comme celle de ne pas manifester sont reconnues. Toute infraction
aux dispositions du présent article entraîne des sanctions
disciplinaires pouvant aller jusqu'à l'exclusion définitive, sans
préjudice de poursuites pénales.
Nom.......................................................................................................
Prénom..................................................................................................
Signature précédée de la mention `'lu
et approuvé''. »
Crise : La notion vient du Latin
« Crisis » qui signifie manifestation
grave. « Une crise est un évènement social ou
personnel qui se caractérise par un paroxysme de souffrances, des
contradictions ou des incertitudes, pouvant produire des explosions de violence
ou de révolte »22(*).
Selon Marcel MAUSS23(*), « la crise est un état dans
lequel les choses irrégulières sont la règle et les choses
régulières impossibles».
La crise est symptomatique d'un malaise, d'une rupture
d'équilibre, une manifestation parfois violente provoquée par une
inadéquation manifeste entre l'organisation d'une institution et la
réalité.
Dans le cadre de notre étude, le concept de crise
renvoie à l'ensemble des phénomènes (grèves,
marches, meetings, perturbations des programmes, violences, fermetures du
campus, année invalidée, arrestations d'étudiants,
procès etc.) qui secouent régulièrement
l'Université de Ouagadougou.
Enseignement supérieur :
La mission de l'Université de Ouagadougou est de promouvoir par
« l'enseignement et la recherche les principes de liberté,
de justice, de dignité et de solidarité humaines, et de
développer l'entraide matérielle et morale »24(*).
Ainsi, tout système d'enseignement au niveau du
supérieur cherche « à transmettre, tant via le
contenu des enseignements que par les autres activités organisées
par l'établissement, les valeurs humanistes, les traditions
créatrices et innovants, ainsi que le patrimoine culturel, artistique,
scientifique, philosophique et politique »25(*).
Dans le cadre de notre étude, l'enseignement
supérieur désigne l'ensemble des Universités publiques
(Université de Ouagadougou, Université Polytechnique de
Bobo-Dioulasso, Université de Koudougou) et privées
(Université Libre du Burkina, Université Saint Thomas d'Acquin,
Université Catholique d'Afrique de l'Ouest et l'Université Ouaga
3s) du Burkina-Faso.
SECTION 2 : MÉTHODOLOGIE DE
RECHERCHE
PARAGRAPHE 1 :
CHOIX DU SITE ET POPULATION D'ÉTUDE
A. Choix du site
Notre zone d'étude est la ville de Ouagadougou. Ce
choix s'explique par le fait que l'université de Ouagadougou est
située dans ladite ville où cette dernière demeure le lieu
par excellence où se manifeste la crise de l'enseignement
supérieur. En effet, l'université demeure le lieu
privilégié où naissent les revendications des
étudiants et des enseignants.
Par ailleurs, ce lieu est devenu au fil des ans le nid de la
contestation politique, un espace de rencontre, d'interactions diverses et
aussi un champ où s'élaborent les stratégies syndicales
des différents acteurs.
B. Population
d'étude
La population d'étude est essentiellement repartie en
population cible et en population ressource. La population cible est
constituée par les étudiants actuellement inscrits à
l'université et les enseignants de l'Université. Notons que les
étudiants et les enseignants d'Université sont les acteurs
clés de la présente étude car ils sont les principaux
animateurs du mouvement étudiant et enseignant.
La population cible, il faut le souligner, est
caractérisée par une
hétérogénéité au niveau du statut, des
origines sociales, des filières de formation, des niveaux
d'études, et des convictions idéologiques et politiques.
Par ailleurs, nous avons approché plusieurs personnes
ressources notamment les responsables politiques, les responsables des
syndicats d'étudiants et d'enseignants, les anciens Ministres de
l'Enseignement supérieur, les responsables de l'Université de
Ouagadougou et d'autres acteurs de la société civile. Ces
personnes ressources ayant vécu directement ou indirectement ces crises
universitaires pourront à travers leurs opinions et leurs analyses nous
éclairer davantage sur le phénomène de la crise de
l'enseignement supérieur au Burkina.
PARAGRAPHE 2 :
ECHANTILLONNAGE, OUTILS ET TECHNIQUES DE COLLECTE DES DONNÉES
A. Echantillonnage
Compte tenu de l'importance numérique de notre
population d'étude, nous avons opté pour un procédé
d'échantillonnage par choix raisonné. Il s'agit d'une
étude qualitative basée essentiellement sur des entretiens avec
un choix raisonné sur un échantillon assez représentatif
de notre population d'étude. Donc, il n'y a pas un effectif
déterminé de personnes à interviewer. Nous ferons les
entretiens avec notre population cible composée d'étudiants, de
professeurs et de personnes ressources jusqu'à un seuil de saturation.
B. Outils et techniques de
collecte des données
ü La recherche documentaire
La collecte des données relatives à la phase
documentaire s'est déroulée dans les centres de documentation
suivants : la bibliothèque universitaire centrale de Ouagadougou,
la bibliothèque de l'UFR/SJP, le CIRD, le CNRST, et l'ISSP. Cette
recherche documentaire s'est focalisée essentiellement sur les coupures
de presse, les statistiques de la DEP du MESSRS, les mémoires, les
thèses et les ouvrages généraux et spécifiques sur
la crise de l'enseignement supérieur. Cette recherche documentaire a
été capitale pour l'élaboration du cadre théorique
et à l'analyse des données issues de nos investigations.
ü L'observation directe
Cette observation s'est effectuée lors des
assemblées générales des syndicats étudiants et
enseignants, des meetings et surtout au cours des discussions informelles avec
les étudiants et les enseignants. L'observation directe par son exigence
d'esprit critique nous a permis de lire, d'aller au-delà des conventions
de l'écrit, du dire pour enfin découvrir et saisir certaines
réalités qui sont au coeur de ce phénomène. Nous
avons tenté de cerner à travers l'observation directe les
contours que les acteurs ont passés sous silence.
ü L'entretien
Le premier guide d'entretien est adressé aux
étudiants tandis que le second est destiné aux enseignants. Un
troisième guide a été adressé aux personnes
ressources notamment aux responsables des syndicats d'enseignants et
étudiants, responsables de l'éducation et aux leaders politiques
et syndicaux.
Ces guides comportent un ensemble de questions, semi-ouvertes
et ouvertes nous permettant de recueillir les opinions, les
préférences, les représentations et les choix politiques
des enquêtés.
Les thèmes abordés dans ces guides d'entretien
sont focalisés sur la question des franchises universitaires, les
conditions socio-économiques des étudiants, des enseignants et
les mobiles sociopolitiques qui déterminent la crise de l'enseignement
supérieur.
PARAGRAPHE 3 :
TRAITEMENT DES DONNÉES, DIFFICULTÉS ET LIMITES DE
L'ÉTUDE
A. Traitement des données
Les données quantitatives et qualitatives
collectées sur le terrain ont été
dépouillées manuellement. Ensuite leur analyse à consister
à décrire, à catégoriser les informations puis
à les analyser en rapport avec les objectifs et les hypothèses de
l'étude.
B. Difficultés et
limites de l'étude
Les difficultés rencontrées dans le cadre de la
présente étude sont essentiellement d'ordre
méthodologique. En effet, « l'apprenti-chercheur» que
nous sommes a été confronté à ce qu'il convient
d'appeler l'enracinement social du chercheur. Il nous a été
difficile d'appliquer le principe indispensable à toute méthode
et technique de recherche et qui consiste selon EMILE Durkheim
« à observer les faits sociaux comme des
choses ».
Comment observer avec recul et sans parti pris le
phénomène de la crise de l'enseignement supérieur tout en
étant nous-mêmes étudiant avec des convictions politiques
et ayant souvent pris une part active aux manifestations estudiantines ?
Par ailleurs, l'absence d'écrits traitant
spécifiquement de l'aspect sociopolitique de la crise de l'enseignement
supérieur notamment à l'université de Ouagadougou n'a pas
permis l'utilisation de concepts politiques appropriés dans nos
analyses. A cela s'ajoute l'indisponibilité récurrente des
personnes ressources, des enseignants et surtout les cas de refus et de
réticences de ces derniers.
Enfin, à toutes ces difficultés s'ajoute celle
relative au caractère trop vaste de notre thème d'où la
difficulté à le circonscrire dans le temps et dans l'espace.
CHAPITRE 2 : EVOLUTION DU MOUVEMENT ÉTUDIANT ET
ENSEIGNANT BURKINABÉ
SECTION 1 : EVOLUTION DU MOUVEMENT ÉTUDIANT
BURKINABÉ
Né dans le contexte général de la lutte
pour l'indépendance et l'émancipation des peuples d'Afrique, le
mouvement étudiant Burkinabé s'est doté très
rapidement d'une ligne politique et idéologique qui lui permit de jouer
un rôle majeur dans l'histoire politique du pays. En effet, après
le « repli tactique » du RDA qualifié de trahison et
d'abandon de la lutte, les étudiants prirent la relève de la
lutte anticoloniale à travers la création de la
Fédération des Etudiants d' Afrique Noire en France (FEANF).
L'Association des Etudiants Voltaïques de France (AEVF)
fut créée en 1950 en tant que section de la FEANF et six
années après, c'est-à-dire en 1956 à Dakar, c'est
l'Association des Stagiaires Voltaïques (ASV) qui vit le jour et devint
une section de l'Union Générale des Etudiants d'Afrique de
l'Ouest (UGEAO) créée la même année. Ces deux
associations voltaïques ont pris une part active dans la lutte
anticoloniale aux côtés de la FEANF jusqu'à la
création de l'Union Générale des Etudiants voltaïques
(UGEV) le 27 juillet 1960. L'UGEV a occupé pendant plusieurs
décennies la scène syndicale et son histoire s'est toujours
confondue à celle du syndicalisme étudiant burkinabè dont
elle a été la principale animatrice.
Depuis sa naissance, elle a toujours prôné un
syndicalisme révolutionnaire, avec d'un côté la
défense des intérêts matériels et moraux des
étudiants et de l'autre, la lutte aux côtés des peuples
pour leur émancipation, d'où son opposition traditionnelle aux
pouvoirs dits « néocoloniaux ». Son discours
politique et idéologique a été marqué par le
marxisme-léninisme sous ses différentes variantes, à
savoir pro-soviétique, pro-chinois puis pro-albanais jusqu'à la
chute du mur de Berlin en 1989.
A travers une analyse de l'évolution du mouvement
étudiant Burkinabé, nous nous intéresserons aux
périodes décisives qui ont marqué son évolution. Il
s'agit de 1960 à 1971, de 1971 à 1983 et de 1983 à nos
jours.
PARAGRAPHE 1 : DE 1960
À 1971
Aux côtés de la FEANF, le mouvement
étudiant Burkinabé mène une campagne pour le
«non » au Référendum de 1958 et demande
immédiatement et sans condition l'indépendance des pays
africains. C'est dans ce contexte que le pays accède à
l'indépendance le 5 août 1960.
Mais à partir de 1960, l'UGEV qui refuse de s'enfermer
dans une orientation corporatiste est traversée par des crises multiples
et des dissensions internes. Ces crises portent essentiellement sur la ligne
idéologique, la nature, l'orientation et le rôle du mouvement
étudiant. Notons aussi que ces contradictions internes et luttes de
lignes avaient pour origine réelle les luttes hégémoniques
que se livraient les partis politiques pour le contrôle de l'UGEV qui
évoluait dans un contexte de sollicitations idéologiques et
politiques intenses.
La première république se radicalise très
tôt en proclamant le parti unique et en supprimant les libertés
syndicales et politiques. Cette situation contraint l'UGEV et plusieurs forces
politiques (MLN, PRA, PAI, GAP) et syndicales à entrer dans la
clandestinité. C'est dans ce climat social et politique
délétère qu'intervient le soulèvement populaire du
3 janvier 1966 qui voit la chute de la première République.
L'UGEV a pris une part active dans ces évènements à
travers sa section locale (l'AEVO) car selon les témoignages des acteurs
de ce soulèvement, les premiers mouvements seraient partis du
lycée Philippe Zinda Kaboré, puis du cours normal des jeunes
filles.
Cependant, l'unité politique et idéologique qui
prévaut au sein de l'UGEV vole en éclat suite aux multiples
analyses et interprétations des évènements du 3 janvier
1966. En effet, pendant que l'aile proche du MNL, soutient que le
soulèvement populaire est une révolution, l'aile dissidente voit
plutôt dans ce soulèvement l'instauration d'un « pouvoir
pro-impérialiste » qu'il faut vite balayer et préparer
l'avènement d'une vraie révolution. Cette situation s'explique en
ce sens que de 1960 à 1966, « la seule base d'unité
politique au sein de l'UGEV fut l'opposition au gouvernement
Yaméogo »26(*)
Ainsi, la ligne dominante au sein de l'UGEV et inspirée
par le MNL est taxée désormais de « courant
réformiste » du fait de sa participation au gouvernement du
nouveau régime.
Notons que le mouvement étudiant a toujours
été traversé par plusieurs courants politiques et
idéologiques et tout changement dans la société entraine
nécessairement des interprétations et analyses diverses en son
sein. Cela a toujours débouché sur des crises qui ont pour
conséquence une grande démobilisation et le désarroi au
sein de L'UGEV.
Ainsi, la ligne «réformiste» proche du MLN
est battue en brèche au cinquième congrès de l'UGEV en
Août 1971 qui dégage une « ligne
anti-impérialiste » proche de la pensée maoïste.
Le Vè congrès marqué par le renversement
de la majorité au profit du PAI, adopte le mot d'ordre
d'intégration aux masses en ces termes : «L'objectif
fondamental de notre lutte étant la libération totale des masses
de toutes les formes d'exploitation, les militants de l'UGEV doivent
s'intégrer aux masses ouvrières et paysannes, pour
s'éduquer auprès d'elles, s'instruire de leurs problèmes
et de leurs aspirations profondes. Pour les éduquer et élever
leur conscience politique. Les aider à dégager en leur sein des
organisations d'avant garde...».
Cet important mot d'ordre qui fixe la ligne
idéologique et la direction de la lutte fera désormais du
mouvement étudiant l'avant-garde pratique, le guide des luttes sociales.
Pendant ce congrès, « on procède à l'analyse
des couches et classes sociales composant la société
voltaïque, en identifiant des catégories sociales qui pourraient
constituer le `'camp de la révolution'' et celles qui relèvent du
`'camp de la réaction''. Ainsi sont potentiellement
révolutionnaires la classe ouvrière, la paysannerie, la petite
bourgeoisie, les intellectuels patriotes. Par contre, la bourgeoisie
politico-bureaucratique, la bourgeoisie compradore et les vestiges de forces
`'féodales'' constituent la base sociale de l'impérialisme
français ou le `'camp de la réaction''»27(*).
PARAGRAPHE 2 : DE 1971
À 1983
Cette période marque la montée de l'activisme
syndical des étudiants voltaïques qui se verront expulsés
des universités de Dakar et d'Abidjan pour incitation à la
grève suite aux violents évènements de mai 1968 et la
chute de Kwamé Nkrumah en 1972. Par ailleurs, en 1971, en visite
à Ouagadougou, le cortège du président ivoirien
Houphouët BOIGNY taxé de «véritable
représentant de l'impérialisme français en
Afrique » essuie des jets de tomates pourries. Ces violentes
manifestations ont eu pour conséquence l'enrôlement de force d'une
quarantaine d'élèves dans l'armée.
C'est dans ce contexte qu'une crise éclate au sein de
l'UGEV car de nombreux militants l'ASV et de l'AEVF proches des thèses
« prochinoises » font dissidence. L'aboutissement de cette
crise est le ralliement au VIè congrès en 1973 au mot d'ordre de
la FEANF qui prône la Révolution nationale démocratique et
populaire (RNDP).
Selon la FEANF et l'UGEV28(*), « la révolution
à mener est la `'Révolution nationale démocratique et
populaire'', qui obéit à une stratégie de rupture d'avec
l'ancienne- puissance colonisatrice (France) : cette rupture concerne tous
les domaines (politique, économique, culturel, militaire) ; `'les
masses populaires'' mettraient en place des `'institutions démocratiques
permettant le contrôle (par elles) de l'édification nationale et
la pleine satisfaction de leurs intérêts
légitimes ».
Le mot d'ordre issu de ce congrès aux dires de nombreux
analystes a surestimé le rôle du mouvement étudiant en
faisant des étudiants `'l'avant- garde'' de la lutte
révolutionnaire du peuple voltaïque. Désormais, c'est le
mouvement étudiant qui détermine la nature de la
révolution à mener, les catégories sociales qui doivent
jouer un rôle décisif et la tactique à mener.
Cette orientation politique et idéologique fortement
influencée par la pensée maoïste marque la fin de
l'hégémonie du PAI dénoncé comme
`'révisionniste''. En réalité, l'UGEV était
traversée par des débats au sein du mouvement communiste
international entre partisans de l'URSS et la Chine maoïste.
Ainsi, en 1975-1976, du fait de sa participation au
gouvernement du général Lamizana, le MNL est
dénoncé comme un parti `'réactionnaire'' et ses militants
étudiants sont exclus de l'UGEV. Puis au congrès de 1977, ce sera
le tour des militants du PAI qui seront victimes de la lutte contre le
`'réformisme''.
«Si en Haute-Volta il naît un parti communiste
qui mobilise et dirige les masses dans la lutte contre l'impérialisme,
principalement français et ses valets locaux pour la réalisation
de la Révolution Nationale Démocratique et Populaire, eh
bien !, un tel parti communiste, nous le soutiendrons et cela dans le
cadre du Front uni anti-impérialiste que nous
préconisons»29(*).
Telle est l'annonce de la direction de lutte par le
VIIIè congrès qui scelle l'unité idéologique et
politique de l'UGEV. En marge de ce congrès en 1977, un groupe
d'étudiants marxistes-léninistes crée l'Organisation
Communiste Voltaïque (OCV), puis en 1978, le Parti communiste
révolutionnaire voltaïque (PCRV) voit le jour.
La création de ce parti communiste proche du parti des
travailleurs albanais d'Enver Hoxha marque une fois de plus le point de
départ d'une nouvelle crise qui secoue l'UGEV. En effet, la ligne de la
direction de l'UGEV est dénoncée par les militants de
l'ASV(Dakar) et de l'AEVF (France) qui lancent une pétition le 21 juin
1978.
Dans cette pétition, les tenants du Mouvement du 21
juin dénoncent le «sectarisme, le bureaucratisme, le
servilisme, la bolchévisation des militants, les étiquetages
systématiques et les ragots de couloir du CE dont sont victimes les
militants » 30(*).
Ils s'élèvent aussi contre le travail
idéologique visant à « serviliser les militants,
capables seulement de prononcer l'éternel: je suis fondamentalement
d'accord avec le comité exécutif »31(*). Ce courant est
désormais connu sous le nom du Mouvement du 21 juin (M21).
La ligne défendue par le Mouvement du 21 juin est
taxée par ses adversaires de «nouveau courant opportuniste
liquidateur» (NCOL) et celle du comité exécutif de
l'UGEV de « Mouvement National Populiste
Liquidateur » (MONAPOL) par le M21.
La scission au sein de l'UGEV intervient le 11 Août
1979, à la lecture des rapports du IXe congrès quand une partie
des délégations de l'Union Soviétique (AEVUS), de Dakar
(ASV) et de l'Algérie (ASVA) proches du M21 quitte la salle.
Le Mouvement du 21 juin poursuit parallèlement à
l'UGEV, son IXe congrès qui marque la naissance officielle de
l'UGEV /M21. La célèbre théorie selon laquelle
«un se divise en deux» devient réalité. Et le IXe
congrès de la tendance «légitime», l'UGEV condamne le
M21 comme étant, «un courant d'intellectuels petits bourgeois
contemplatifs», «un courant anti-communiste et dans son fond un
courant de collaboration de classe».
Le congrès apporte également une motion de
soutien à la République Populaire Socialiste d'Albanie (RPSA), au
parti du travail d'Albanie (PTA) avec à sa tête Enver Hoxha et
appelle «ses militants à tirer leçons de cette riche
expérience révolutionnaire du peuple Albanais pour faire avancer
la révolution dans notre pays».
Les analyses faites par l'UGEV sur la situation nationale et
internationale lors de ce congrès la rapproche désormais du PCRV
même si elle se défend d'en être sa caisse de
résonance. Quant au M21 qui est en réalité inspiré
par l'ULC, il «constate avec indignation que le PCRV cherche
coûte que coûte à imposer bureaucratiquement la direction
idéologique, politique et organisationnelle à l'UGEV pour la
transformer en une jeunesse du PCRV au mépris de son caractère
d'organisation de masse»32(*).
Fragilisée par la scission qui venait de naître
en son sein et affaibli par les crises multiformes et les dissensions internes,
l'UGEV assiste à l'avènement de la révolution d'août
1983, dont la ligne idéologique et politique est inspirée en
grande partie par certains animateurs du M/21.
PARAGRAPHE 3 : DE 1983 À NOS JOURS
L'UGEV devient UGEB avec le changement du nom du pays par le
nouveau régime. Elle inaugure une ère de clandestinité car
elle est «Traquée» de toutes parts par les Comités de
Défense de la Révolution (CDR) qui menacent
régulièrement ses militants.
Alors s'engagent des luttes hégémoniques entre
les factions du CNR sur le campus (UCB, ULC) pour le contrôle de
l'Université et surtout de l'AEVO devenue ANEB. En Janvier 1985, l'ULC
de Valère SOME remporte les élections du bureau CDR de
l'université au détriment de son rival de l'UCB qui
contrôle le pouvoir Rectoral dirigé par Oumarou Clément
OUEDRAOGO.
Cette opposition entre les groupuscules communistes au sein du
campus s'accentue après l'incident de Tenkodogo le 2 octobre 1987. Ce
jour là, Jonas SOME, un étudiant proche de l'UCB, prononce un
discours réfutant le point de vue de Thomas SANKARA qui prône
l'unification des organisations révolutionnaires. Cet incident a
exacerbé les tensions qui ont précipité la fusillade du 15
octobre 1987 qui a couté la vie au président Thomas SANKARA.
L'année 1990 a été une année
charnière pour le mouvement étudiant qui est sorti affaibli du
CNR, puis du Front Populaire. Cette période est marquée par un
reflux de la mobilisation dû à une faible capacité
organisationnelle de l'UGEB sortie affaiblie des persécutions des CDR et
des CR pendant la période révolutionnaire.
Mais la chute du mur de Berlin, l'avènement de la
démocratie, puis l'application des premières mesures des
Programmes d'ajustement structurels (PAS) vont radicaliser le mouvement
étudiant à l'Université de Ouagadougou. Ce mouvement de
contestation sera marqué par les luttes dont les principales sont :
la lutte menée sous la houlette du Collectif des organisations
démocratiques des étudiants (CODE) de 1991 à 1993 ;
la grande grève de 1997 dite «grève de 52 jours» et
enfin celle ayant conduit à l'invalidation de l'année
académique 1999-2000 et à la refondation de
l'Université.
ü Des évènements de mai 1990 à
l'avènement du CODE
Le mouvement étudiant sorti diminué de la
période révolutionnaire est en phase de réorganisation et
gagne en popularité au sein de la masse estudiantine.
Au soir du 15 Mai 1990 l'ANEB tient une grande
assemblée générale à l'ex- IDR malgré le
refus catégorique des autorités universitaires. Ces
manifestations sont considérées à l'époque par le
ministre d'Etat et le Recteur comme un affront et il s'en est suivi une
répression.
Cette assemblée générale marque le
départ d'un grand mouvement car dès le lendemain,
c'est-à-dire le 16 mai, une marche s'ébranle de l'ex-IDR et se
termine par un meeting devant le Rectorat. Après une intervention
radiotélévisée du Bureau CR de l'Université par la
voix de son porte parole, la décision fut prise par le Recteur d'exclure
tous les membres du Comité Exécutif de l'ANEB de
l'université.
Malgré l'occupation du campus par l'armée,
aidée par le Bureau CR de l'Université toujours actif à
l'époque, l'ANEB tient un meeting le 19 mai 1990 pour protester contre
cette mesure d'exclusion des responsables de l'ANEB. Ce jour là, les
choses dégénérèrent avec l'intervention des forces
de l'ordre qui procèdent à des arrestations, bastonnades,
enlèvements à domicile et des incorporations de force dans
l'armée. C'est au cours de cette journée du 19 mai que DABO
Boukary, considéré comme le premier martyr du mouvement
étudiant burkinabè, est enlevé et conduit au Conseil de
l'Entente (caserne militaire et siège du pouvoir).
L'action conjuguée des partis politiques de
l'opposition, la médiation de la société civile et
l'adoption de la constitution le 2 juin 1991 rendent possible la
décrispation.
ü La lutte du CODE
L'entrée en vigueur le 8 octobre 1991 des
premières mesures du PAS fragilise une fois de plus l'équilibre
précaire qui prévaut sur le campus. En effet, l'adoption de ces
mesures a eu pour conséquence la remise en cause des acquis sociaux des
étudiants à travers la diminution du taux de la bourse,
l'institutionnalisation de l'aide et du prêt FONER. Le taux de la Bourse
qui était de 37500 F/mois en 1ere année passe à 27500
F/mois et une aide de 15000 F /Mois est accordée aux non
boursiers.
Le CODE qui est une fusion entre plusieurs organisations
estudiantines (ANEB, RENBO, ANBUO, AMIE, MONENB) voit le jour et élabore
une plate-forme consensuelle dont les principaux points sont entre
autres :
ü l'octroi de la bourse à tous les
étudiants non-boursiers ;
ü la diminution du prix des chambres en cité qui
est de 6000 F/mois à 4000F/mois ;
ü la diminution du prix des tickets au restaurant
universitaire à100 F ;
ü la création d'une ligne de transport pour les
étudiants ;
ü la lumière sur la mort de DABO Boukary.
Cette alliance qualifiée de «contre-nature»
sera vite confrontée à des dissensions internes à cause
des divergences d'appréciations sur les conceptions politiques et
idéologiques, les méthodes de lutte et la lecture de la condition
étudiante.
Le mot d'ordre de grève qui devrait durer deux semaines
est levé par le président du RENBO à la
télévision nationale à la grande surprise des associations
et des étudiants. Cette situation va entrainer la fin du mouvement de
grève, la `'mort'' du CODE et une démobilisation des
étudiants. Néanmoins, la lutte menée sous la houlette du
CODE a enregistré quelques acquis dont les principaux sont : la
réduction du prix du ticket au restaurant universitaire (100 F), la
diminution du prix des chambres en cité (4000 F/mois), la promesse du
gouvernement de supprimer l'aide de 15000 F octroyée aux non-boursiers
et son remplacement par une bourse de 25000 F en 1ère
année.
Malheureusement, au cours de l'année académique
1992-1993 le gouvernement ne tint pas sa promesse d'accorder la bourse aux non
boursiers et la lutte reprit de nouveau mais cette fois-ci sous la direction du
CODE II.
Au cours de cette lutte, l'ANEB prône une unité
d'action entre élèves- étudiants et travailleurs tandis
que le RENBO II et le MONENB optent pour des actions isolées allant
jusqu'à décréter une grève illimitée. Des
divergences apparaissent une fois de plus au sein des organisations qui animent
le CODE II.
Malgré les menaces des autorités et l'exclusion
de l'ANEB du CODE par certaines organisations comme le RENBO et le MONEB,
l'ANEB lance sur le Ministère des Enseignements supérieur une
marche qui sera rapidement dispersée par les forces de l'ordre.
Malgré les nombreux échecs notons que
l'expérience du CODE fut une étape assez importante,
enrichissante pour le mouvement étudiant Burkinabé. Cette
alliance engrangea des acquis non-négligeables en dépit des
divergences politiques et idéologiques et les méthodes de lutte
qui opposent les organisations membres.
La lutte du CODE a été une réaction des
étudiants mobilisés autour de leurs syndicats respectifs pour
exprimer leur mécontentement face à la dégradation de
leurs conditions de vie et d'étude suite à l'application des
premières mesures du PAS.
La capacité de mobilisation des organisations
estudiantines s'est fortement érodée après la lutte du
CODE. Et l'accalmie qui a prévalu pendant cette période de reflux
de la mobilisation a préparé la mise en place du prêt
FONER.
ü De la lutte de 1997 à l'invalidation de
l'année académique 1999-2000.
Pendant la décennie 1990, l'essentiel des
revendications porte sur l'amélioration des conditions de vie et
d'étude des étudiants. Malgré un reflux de la mobilisation
suite à la déception des étudiants pendant les luttes de
1992 et 1993, l'ANEB mobilise à partir de novembre 1996 les
étudiants autour de la question du remplacement du FONER par une aide de
165000 francs. Le mouvement se radicalise en janvier 1997 avec la
répression et l'arrestation du président de l'ANEB. Mais le
gouvernement tente de briser le mouvement et fait passer le taux du FONER
à 165000 francs et propose une aide exceptionnelle de 75000 francs aux
étudiants non boursiers. Ces mesures sont rejetées en bloc par
l'ensemble des étudiants qui boycottent le paiement du FONER et
continuent la grève en dépit des menaces du Premier ministre.
Excédé par les longues et infructueuses négociations et
convaincu de la manipulation de l'ANEB par l'opposition, le gouvernement
décide de fermer le campus et « vider » les
étudiants des cités universitaires.
La décrispation intervient après cinquante deux
jours (52) suite aux propositions de sortie de crise du Médiateur du
Faso. Il s'agit de l'octroi d'une aide de 100000 francs aux étudiants
qui ne remplissent pas les conditions d'octroi de la bourse, d'une aide
exceptionnelle de 75000 francs aux étudiants non boursiers, enfin la
reconnaissance de la responsabilité du pouvoir dans la mort de DABO
Boukary.
Estimant que les propositions du gouvernement étaient
largement en deçà des attentes des étudiants, l'aile
radicale de ce mouvement prône la poursuite de la lutte. Mais dans une
ambiance électrique à l'amphithéâtre A600 de
l'Université de Ouagadougou, l'ANEB décide de la levée du
mot d'ordre de grève au grand mécontentement des étudiants
craignant une invalidation de l'année.
Le 13 décembre 1998, le journaliste Norbert ZONGO et
trois de ses compagnons trouvent la mort à Sapouy. L'accalmie qui a
suivi la lutte de 1997 est de courte durée car l'Université de
Ouagadougou sera l'épicentre de la crise sociopolitique née du
drame de Sapouy. En effet, les étudiants à travers leurs
organisations respectives vont activement prendre part aux côtés
du Collectif des organisations démocratiques de masse et des partis
politiques qui réclame toute la lumière et la justice dans cette
affaire.
Profitant de la fragilité du pouvoir suite au contexte
national de crise, l'ANEB adopte le 4 décembre 1999 une plate forme
revendicative qui s'articule autour des points suivants :
· L'octroi de la bourse à tout nouveau bachelier
de moins de 23 ans ayant une moyenne de 11/20 et l'octroi d'une aide
renouvelable à tout étudiant non boursier et son augmentation
à 160000 francs ;
· Les repas en qualité et en quantité au
restaurant universitaire et le maintien des oeuvres universitaires durant les
vacances ;
· La mise à la disposition des étudiants de
bus pour leur transport et à un prix social. L'augmentation de la
capacité d'accueil des cités universitaires, des salles de cours
et leur équipement en matériels ;
· L'extension de la mesure de 20% directe en pharmacie
aux étudiants non boursiers ;
· L'indication de la tombe de DABO Boukary,
étudiant en 7è année de médecine, assassiné
en mai 1990. La désignation des auteurs et commanditaires du crime et
leur traduction en justice ;
· Le respect des franchises scolaires et universitaires
et l'abrogation du décret n° 97-287/ PRES/PM/MESSRS/DEP relatif aux
franchises universitaires.
Les pourparlers avec le gouvernement sur cette plate-forme qui
reprenait l'essentiel des points de celle de 1997 piétinent. Et pour
l'ANEB « Le ministre comme d'habitude a répondu de
façon lapidaire, imprécise et vague à toutes les questions
relatives aux points de la plate-forme revendicative. Cela n'est pas
étonnant de la part de notre gouvernement... ».33(*)
Le 6 avril 2000, au cours d'un meeting, l'ANEB lance une
grève de soixante douze (72) heures pour exiger la satisfaction de sa
plate forme. Convaincu de la manipulation des étudiants par l'opposition
et surtout par le Collectif, le gouvernement réprime le mouvement de
contestation, procède aux arrestations et à la fermeture du
campus en juillet. Par ailleurs, dans une ultime concession appelle les
étudiants à la reprise des cours et propose une somme de 20 000
francs comme mesure d'accompagnement.
Une fois de plus l'unité d'action entre les
organisations estudiantines n'est pas de mise et l'UNEF à travers la
voix de son président qui craint une année blanche appelle
à la radio les étudiants à la reprise des cours en
septembre. Ce dernier appelant à la reprise des cours affirme que :
« La lutte est collective mais le destin est
individuel». Ledit mouvement, contrairement à l'ANEB, se
montra favorable au FONER. Jugé proche du pouvoir par de nombreux
étudiants, il entra en conflit avec les militants de l'ANEB et des
affrontements physiques se déroulèrent sur le campus.
Malgré l'implication du médiateur du Faso, des
autorités coutumières et religieuses pour la résolution de
la crise, le gouvernement annonce à la surprise générale
le 6 octobre 2000 l'invalidation de l'année académique et la
refondation de l'Université.
Cette crise a révélé que
l'Université est un lieu stratégique investi par les acteurs
politiques et syndicaux et qui est souvent vu d'un mauvais oeil par le
gouvernement. Et la décision d'invalider l'année
académique a été considéré par de nombreux
analystes comme étant une sanction à l'égard des
étudiants. Elle visait aussi à donner un signal fort aux partis
politiques et syndicats qui soutenaient d'une manière ou d'une autre ces
derniers.
La marche de soutien du Collectif en novembre 2000 pour
dénoncer le «sabotage» de l'enseignement par le pouvoir, le
boycott du baccalauréat par des milliers d'élèves, et la
mort par balle de l'élève Flavien NEBIE à Boussé au
cours des affrontements avec les forces de l'ordre ont sans doute
été les faits majeurs qui ont marqué ce vaste mouvement de
contestation.
Au terme de notre analyse, notons que l'histoire du mouvement
étudiant burkinabè a été celle d'un mouvement
très politisé soucieux de maintenir une cohésion de point
de vue en son sein et a aussi constitué un terrain d'affrontement entre
partis politiques pour son contrôle. En effet, le verrouillage de
l'espace politique et syndical par les régimes successifs a contraint
les partis politiques et les syndicats à un repli vers le mouvement
étudiant qui se prête fort à ce jeu du fait d'une riche
tradition de lutte aux côtés de la FEANF. Enfin, son discours
critique et radical a été énormément inspiré
par l'idéologie marxiste-léniniste dans ses différentes
versions à savoir prosoviétique, prochinois et pro-Ablanais. Mais
depuis la chute du mur de Berlin et l'avènement de l'ajustement
éducatif, le discours politique anti-impérialiste stricto
sensu est de plus en plus un alibi qui ne mobilise plus. Donc, la plupart
des revendications sont sorties du cadre idéologique et politique pour
s'orienter désormais dans la lutte pour l'amélioration des
conditions de vie et d'étude de la masse estudiantine.
Le mouvement étudiant a été le cadre dans
lequel de nombreux hommes politiques Burkinabé ont forgé leurs
armes. Malheureusement, c'est en son sein que sont nés les nombreux
antagonismes idéologiques et politiques qui continuent toujours de
marquer la vie politique actuelle du pays.
SECTION
2 : LE MOUVEMENT ENSEIGNANT BURKINABÉ
PARAGRAPHE 1 :
CONTEXTE DE NAISSANCE ET ÉVOLUTION
Le mouvement enseignant au Burkina Faso est né autour
des années 1950 avec la création du personnel enseignant africain
qui se transformera plus tard en Syndicat des Personnels Enseignants de Haute
Volta (SPEAHV), puis en Syndicat National des Enseignants de Haute Volta
(SNEAHV).
Durant cette période, le syndicat enseignant n'apparait
pas comme une force de contestation mais les évènements du 3
Janvier 1966 marquent un épisode fondateur de l'enracinement historique
et la politisation du syndicalisme enseignant.
Marqué à ses débuts par
l'hégémonie du MNL, le SNEAHV résiste à la
confiscation du pouvoir par le régime de Maurice YAMEOGO, puis des
régimes successifs. Par la suite, les professeurs estimant que le SNEAHV
dominé numériquement par les instituteurs ne prenait pas
suffisamment en compte leurs revendications corporatistes
créèrent en Juillet 1972 le Syndicat Unique Voltaïque des
Enseignants du Secondaire et du Supérieur (SUVESS).
Le SUVESS qui à son tour est dominé par des
luttes hégémoniques se politise et se radicalise. En effet, les
années 1970 furent une période de la montée de l'action
revendicative d'autant plus que ce fut une période, où
l'entrée dans la fonction d'enseignant entrainait ipso facto
l'adhésion à l'organisation syndicale. Pour
Bianchini34(*),
« C'est ainsi que se construit la réalité et le
mythe d'un contre-pouvoir redoutable pour tous les régimes
voltaïques, qu'ils soient civils ou militaires».
PARAGRAPHE 2 : LE
RÔLE DU MOUVEMENT ENSEIGNANT DANS L'ÉVOLUTION POLITIQUE DU
PAYS
A partir de 1960, le mouvement enseignant est dominé
par le MNL qui est un parti de la gauche dont la base sociale est la petite
bourgeoisie urbaine majoritairement constituée d'enseignants. Le MNL
encore appelé `'parti des enseignants'' contrôle le poste du
Ministère de l'éducation nationale (1966-1970 et 1974-1977) sous
le gouvernement de coalition du Général LAMIZANNA. Par la suite,
tout au long des années 1970, l'hégémonie du MNL sera
concurrencée par d'autres forces politiques comme le PAI et le PCRV.
Ces conflits pour le contrôle de la direction du SUVESS vont entrainer
une série d'exclusion des militants proches du PCRV qui, à leur
tour vont créer l'année suivante le Syndicat des travailleurs de
l'enseignement et de la recherche (SYNTER). La même année au cours
du congrès, le PAI prend le contrôle de la direction du SUVESS.
Par ailleurs, cette période marque une effervescence et
une instrumentalisation de l'action syndicale des enseignants dans le cadre
d'une stratégie de blocage des institutions et de conquête du
pouvoir. Cela a été le cas en décembre 1972 et janvier
1973 sous la Deuxième République ; ensuite, en avril 1979
à la fin de la Troisième République ou le SUVESS lance une
grève pour revendiquer une indemnité de logement pour les
enseignants. Enfin, le lancement de la plus longue grève des enseignants
en octobre et novembre de l'année 1980 et qui a entrainé la chute
du régime du Général Sangoulé. Cette grève
dirigée par le SNEAHV s'articule autour des revendications
suivantes :
- La correction à porter au bénéfice des
instituteurs sur le déséquilibre administratif provoqué
par le reclassement des instituteurs adjoints ;
- L'annulation du concours d'entrée à l'INAS de
Paris, qualifié de `'pirate'' ;
- La réaffectation à leurs postes initiaux de Mr
Ali Pascal Zoungrana et Baba Hamidou Ouedraogo.
Cette grève qui s'est poursuivie jusqu'au 24 novembre a
duré 55 jours. Le lendemain, c'est-à-dire le 25 novembre 1980, le
colonel Saye Zerbo renverse le régime et instaure le Comité
militaire de redressement et de progrès national (CMRPN). Cette
grève, fondée dès le départ sur des revendications
corporatistes et méritocratiques est instrumentalisée par les
forces politiques et débouche sur un coup d'Etat permettant ainsi au
MNL-FPV de participer à la gestion du pouvoir du CMRPN.
Les dirigeants du SNEAHV présentent leur relation avec
le nouveau régime du CMRPN en ces termes35(*) : « Si on nous permettait une
métaphore pour expliciter notre pensée, nous prendrions les
Régimes Politiques pour des vents du large et notre syndicat pour un
Navire de haute mer. Les vents politiques du large qui ont prévalu
jusque-là contre notre navire-SNEAHV n'ont été pour la
plupart que des ouragans hostiles et dévastateurs. Mais grâce au
sang-froid de ses passagers ainsi qu'à l'habileté de ses marins,
notre navire-SNEAHV a toujours eu raison des ouragans les plus furieux, dont le
dernier cyclone que nous avons traversé pendant 55 jours. Si un jour les
vents du large devraient être pour le navire-SNEAHV de doux
zéphyrs, nous rendrions simplement grâce au ciel pour que durent
à jamais ces vents favorables sans changer pour autant notre cap d'un
iota ».
Sorti vainqueur du bras de fer qui l'oppose au régime,
le syndicat hérite une réputation de `'tombeur de gouvernement''.
En même temps, il n'échappe pas au soupçon d'être un
syndicat `'putschiste'' dont les mobiles réels seraient
éloignés des aspirations des enseignants.
Mais `'la lune de miel'' entre le syndicat enseignant et le
régime du CMRPN est de courte durée car quelques mois plus tard
le droit de grève est interdit et une répression s'abat sur les
militants de la Confédération syndicale voltaïque dont le
SUVESS est membre. Il s'en suit un retour de la contestation syndicale dans un
climat de succession de coup d'Etat et de régimes militaires (1982,
1983).
L'avènement du CNR le 4 août 1983 surprend le
SNEAHV qui est en plein congrès. Immédiatement, le syndicat
rédige une motion et appelle « les organisations
démocratiques et de masse à se démarquer de la
proclamation du 4 août 1983 et de son Conseil national de la
révolution (CNR) »36(*)
Cette déclaration est perçue par le nouveau
régime comme un acte de défiance. Sommé de revenir sur sa
déclaration, le SNEAHV refuse. Alors quatre (04) militants sont
arrêtés. Il s'en suit une grève de protestation durement
réprimée car les « grévistes » sont
dégagés de la fonction publique, soit environ le tiers des
enseignants du primaire. Le Ministère de l'éducation nationale
est entre les mains du PAI qui est membre du CNR. Quelques mois plus tard,
accusé de vouloir noyauter les structures du pouvoir
révolutionnaire, c'est la rupture des relations entre ce parti et le
CNR. Contrairement au SNEAHV, le SUVESS entretient de bons rapports avec le
CNR et s'oppose à « l'anarcho-syndicalisme »
incarné par la CSV influencée par le PAI.
DEUXIEME PARTIE : FACTEURS SOCIAUX
ET POLITIQUES DE LA CRISE DE L'ENSEIGNEMENTSUPERIEUR
CHAPITRE 1 : LES DÉTERMINANTS SOCIAUX DE LA CRISE
DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
SECTION 1 : LA PRÉCARITÉ DES CONDITIONS
SOCIALES D'EXISTENCE ET D'ÉTUDE DES ÉTUDIANTS
L'enseignement supérieur au Burkina Faso est
resté pendant longtemps public et entièrement pris en charge par
l'Etat. En effet, le fonctionnement de l'administration, la construction des
Amphithéâtres, des salles de cours, le recrutement des
enseignants, l'équipement des laboratoires et des bibliothèques,
la restauration, l'hébergement et enfin les allocations d'études
étaient assurés par l'Etat. De ce fait, le sort de
l'Université était étroitement dépendant de celui
de l'Etat. Or, la crise économique depuis les années 1990 qui a
engendré l'application des mesures du PAS a réduit
considérablement son intervention dans le secteur public. Par exemple,
alors qu'en 1989, 98 % des étudiants étaient boursiers, cette
proportion est tombée à 7,2 % en 200837(*).
La réduction du budget alloué à
l'enseignement supérieur et l'application de la politique du
« tout primaire » prônée par les institutions
de Bretton Woods a conduit non seulement à la
« clochardisation » des étudiants et des
enseignants.
PARAGRAPHE 1 : LA
DÉGRADATION DES CONDITIONS DE VIE
Autour des années 1970 et 1980, les principales causes
des grèves à l'Université de Ouagadougou tenaient plus
à des motivations idéologiques que sociales. Mais pour des
raisons d'ordre sociologique cette tendance s'est inversée au cours des
deux dernières décennies.
En effet, l'origine sociale, le revenu, les conditions
matérielles d'existence produisent des effets générateurs
de comportements et des attitudes qui orientent les choix politiques et
idéologiques des étudiants. Ces caractéristiques sociales
unissent les étudiants et déterminent leur rapport à la
contestation. Par ailleurs, ces facteurs sociaux président non seulement
à l'émergence d'une conscience estudiantine mais expliquent aussi
la participation de ces derniers à l'espace syndical et aux actions
protestataires visant une amélioration de leur condition de vie et
d'étude. Cette précarité de la situation des
étudiants joue un rôle majeur dans l'engagement syndical de ces
derniers.
Les remous sociaux ont commencé sur le campus depuis
que l'Etat Burkinabé s'est progressivement désengagé des
secteurs sociaux de base suite à l'application des mesures du PAS. Cette
réduction des ressources financières accordées à
l'enseignement supérieur a eu pour conséquence non seulement la
dégradation rapide des conditions de vie des étudiants mais aussi
une montée de la contestation autour des plates-formes de luttes
liées à l'amélioration de leur vécu social.
Pour cet enseignant de l'UFR SEG38(*) : « Il
s'agit d'une situation de crise qui n'est pas spécifique à
l'Université de Ouagadougou mais qui frappe la plupart des
universités francophones en Afrique de l`ouest qui ont calqué le
modèle français. L'enseignement supérieur coûte cher
et nos Etats allouent un faible budget à l'enseignement supérieur
et un peu partout en Afrique, ce budget ne dépasse pas les 30%. Dans
notre pays le discours officiel parle de 20% mais dans la réalité
cela vaut à peine 12% ».
Un responsable d'un syndicat enseignant affirme que l'origine
de la crise de l'enseignement supérieur au Burkina Faso est liée
à la réduction des financements publics dans ce secteur. En
effet, selon lui: « La situation n'est pas reluisante et il est
difficile que nous puissions nous en sortir avec ce défaut criard de
financement. Par exemple, entre 2000 et 2005 l'Université de Ouaga
recevait un financement qui tournait autour de 5 milliards par an. Entre 2005
et 2007, théoriquement il ya eu une petite augmentation qui était
de 500 millions mais la présidence de l'Université de Ouagadougou
recommandait que le gouvernement prenne en charge un certain nombre de
dépenses notamment l'eau et l'électricité. Il fut un
moment ou Madame la présidente Nacoulma demandait qu'on fasse la part
des choses entre les salaires versés et le budget car dans les 5
milliards il y avait les salaires des enseignants et le personnel. Alors quand
on sait que les salaires prenaient les 2/3 du budget et cela veut dire que
c'est le tiers qui était utilisé pour le fonctionnement de l'UO.
Si vous prenez le cas de l'université de Bobo, il fut un moment
où leur budget atteignait à peine 100 millions de telle sorte
qu'il fut une année et je crois que c'est en 2008 où les
enseignants avaient déposé la craie parce qu'ils ont
protesté. Quand je dis qu'ils ont déposé la craie, il n'y
avait même plus de craie à déposer ».
39(*)
A. La réduction des
allocations d'études et la paupérisation de la masse
estudiantine
« Dans les années 90, la plupart des pays
africains ont adopté des programmes d'ajustement structurel qui ont mis
l'accent sur la réduction des dépenses publiques. Ils ont ainsi
réduit les budgets de l'éducation, éliminé les
aides aux étudiants et dévalué leurs monnaies, suivant
ainsi les convictions de la Banque mondiale selon lesquelles l'enseignement de
base était socialement plus rentable (26%) que l'enseignement secondaire
(17%) et supérieur (13%) et donc plus à même de
réduire la pauvreté »40(*).
La conséquence directe de l'application des mesures du
PAS est qu'« en 1989, 98 % des étudiants étaient
boursiers, cette proportion est tombée à 36 % en 1997 puis 16,5 %
en 1999 et à 7,2 % en 2008. Certes, près d'un étudiant sur
trois bénéficie d'une aide, mais non seulement cette aide est
loin de couvrir les besoins des bénéficiaires mais elle ne
concerne que le premier cycle et s'arrête par conséquent au moment
où les besoins augmentent avec l'accroissement du niveau
académique ». 41(*)
Donc, l'identification du statut d'étudiant à
celui de boursier a été remise en cause avec l'imposition des
mesures du PAS qui a entraîné le contingentement des bourses et
l'institutionnalisation de l'aide et du FONER. En effet, l'année
1991/1992 a vu non seulement l'application de la mesure du contingentement de
la bourse mais aussi la diminution du taux de celle-ci qui passe
désormais de 37500 F/mois en (1ère année)
à 27500 F/mois.
La bourse qui constituait la principale source de revenus des
étudiants a été progressivement remplacée par le
système de prêt et d'aide au grand mécontentement de ces
derniers.
Cette situation a eu pour conséquence le faible revenu
et la baisse du pouvoir d'achat des étudiants dans un contexte
général d'inflation plongeant ces derniers dans une situation de
précarité et de vulnérabilité. Ils sont
désormais exposés à toutes sortes de maux sociaux,
à savoir le chômage, les problèmes de logement, le
dénuement matériel, la prostitution, les maladies et la
délinquance.
Rappelons que l'origine sociale modeste et la faiblesse du
capital social et économique a pour corollaire l'accentuation de la
paupérisation et la vulnérabilité de la masse estudiantine
d'autant plus que de nombreux étudiants sont issus des couches sociales
défavorisées.
D'ailleurs, cette paupérisation croissante des
étudiants est dénoncée par l'ANEB qui déclare
que : «Par un jeu de prestidigitateur, le gouvernement
burkinabè retire chaque année 500 bourses en faisant croire qu'il
attribue 500. En corollaire, le restaurant universitaire a été
privatisé entraînant une baisse de la qualité des repas. Le
nombre de lits en cité universitaire est de 700 lits pour environ 8500
étudiants, soit une couverture en logement de 8%, le système de
transport est inexistant. Le service de santé est réservé
uniquement aux 19% des boursiers»42(*).
Et un enseignant en fait l'analyse suivante43(*) :
« Théoriquement on donne entre 500 et 1000 bourses chaque
année alors qu'on enregistre entre 15000 et 20000 nouveaux bacheliers.
Donc, cela est insuffisant. La conséquence est que les étudiants
sont dans la pauvreté. Ceux qui ont des parents qui peuvent les soutenir
viennent à l'université et ceux qui sont issus de familles
démunies restent à la maison. Et on remarque que la tendance
actuelle au niveau de l'université s'inverse car dans les années
1980 c'était les fils de paysans qui étaient les plus nombreux.
Mais de nos jours cette tendance s'inverse car les fils de paysans qui n'ont
pas un parent qui peut les supporter à Ouaga ne peuvent plus venir
à l'université car il ne suffit pas de payer les 15000F mais il
faut aussi vivre à Ouaga. On remarque plutôt que ce sont les
enfants de la petite bourgeoisie qui viennent s'inscrire à
l'Université de Ouagadougou et qui attendent l'aide ».
En outre, l'éloignement des parents
d'étudiants dont la plupart vivent soit à l'étranger ou
à l'intérieur du pays constitue un obstacle à leur
épanouissement socio-affectif. Cela aussi réduit le soutien
économique dont ceux-ci peuvent bénéficier de la part des
parents. Dans ces conditions, les réseaux d'amitié et de
camaraderie dans lesquels les étudiants sont inscrits apparaissent comme
les seuls canaux par lesquels ces derniers, confrontés à des
difficultés d'ordre financier, matériel et moral, passent pour
trouver des solutions à leurs problèmes.
Et l'Etat reste impuissant face à la résolution
de ces difficultés comme en témoigne les propos du Ministre des
enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique qui
déclare que : « Certes au plan humain, je peux
être sensible au sort d'un étudiant laissé à lui
même, mais il faut que les uns et les autres sachent que l'Etat n'est pas
un organe de pitié qui fait du messianisme.....Si j'étais un
cousin de Bill Gates, cela aurait pu se faire, mais en entendant, je suis
responsable d'un département et à ce titre, je ne peux pas
prélever des sommes n'importe comment.»44(*)
Ainsi, la précarité de la situation
socio-économique a toujours joué un rôle déterminant
dans la mobilisation et l'engagement syndical des étudiants d'où
l'étiquette de `'syndicats corporatistes'' collée aux syndicats
estudiantins.
Et la persistance de la revendication du maintien de la
bourse et l'augmentation des allocations d'étude montre le rôle
incontournable de celles- ci dans le quotidien des étudiants et dans les
mobilisations estudiantines.
B. Le revenu
En effet, il est reconnu que les conditions
matérielles d'existence à travers le capital économique et
le patrimoine déterminent la conscience politique des individus et leur
choix dans l'espace social et politique. Donc, la paupérisation de la
masse estudiantine ne peut que favoriser l'émergence d'une
identité, voire d'une conscience politique estudiantine et une
mobilisation autour des revendications pour l'amélioration des
conditions de vie.
Le faible capital économique et l'absence de biens
matériels des étudiants a essentiellement pour conséquence
une précarisation de leurs conditions de vie, d'étude et une
montée des revendications. Ainsi, « Une véritable
paupérisation s'est emparée de l'ensemble de la communauté
universitaire, comparativement aux membres des secteurs public ou privé.
Les plus vulnérables étant les étudiants, il n'est
guère surprenant de les voir arpentant les pavés pour
réclamer de meilleures conditions de vie et d'études. Une
étude menée à l'ISSP montre que l'origine des
étudiants a changé : alors qu'en 1995, les étudiants
issus du milieu rural représentaient 32,1% des inscrits, ce chiffre est
passé à 39,7% en 2005».45(*)
C. Difficultés
d'accès au logement et à la santé
«Le mode de logement demeure un facteur important qui
peut aggraver les difficultés d'adaptation à la vie de
l'étudiant du fait que l'isolement ressenti risque d'entraver la bonne
marche des études, soit favoriser l'équilibre de l'individu et
par conséquent son efficacité au travail, en même temps que
l'épanouissement de sa vie affective».46(*)
Malheureusement, la massification de l'enseignement
supérieur a accentué le problème de logement des
étudiants. En effet, l'accès à un
logement décent est devenu un véritable
« casse-tête » pour les étudiants dans une
ville en pleine expansion comme Ouagadougou où le loyer mensuel d'une
maison chambre-salon dans des quartiers proches de l'université, varie
entre 15000 et 25000F. Ces prix qui ne sont pas loin de la bourse ne sont pas
à la portée des étudiants qui préfèrent
s'associer à plusieurs pour occuper une maison afin d'honorer le loyer
mensuel.
Cette situation pousse les étudiants, dans leur
majorité, à vivre dans les quartiers périphériques
précaires appelés zones non-loties qui n'offrent aucune
commodité (eau courante, électricité). Ces quartiers sont
synonymes de précarité et surtout de vulnérabilité.
C'est pour dénoncer cette précarité de logement que les
étudiants à travers leur mouvement revendicatif, exigent
régulièrement des autorités la construction de
cités universitaires.
Cette crise du logement est d'autant plus préoccupante
que les nombreuses cités sensées accueillir les étudiants
sont non seulement éloignées du campus mais ont une faible
capacité d'accueil obligeant souvent certains locataires à dormir
à trois ou à quatre. Il s'agit là de ce qu'on appelle dans
le jargon estudiantin «le système de cambodgien».
En effet, les résidences universitaires ne sont pas en
nombre suffisant et selon le Centre National des OEuvres
Universitaires(CENOU) : « A Ouagadougou, 7 cités
d'une capacité d'accueil de 2500 lits sont fonctionnels dont la nouvelle
cité universitaire de Kossodo d'une capacité actuelle de 752 lits
et de 1500 lits à court terme».47(*)
De ce fait, l'accès au logement constitue un aspect
assez important dans le vécu quotidien des étudiants comme en
témoigne la persistance de cette revendication dans les plates-formes
revendicatives des associations estudiantines ces dix dernières
années.
Par ailleurs, l'accès aux soins a toujours
été une préoccupation majeure des étudiants qui
exigent une extension à l'ensemble des étudiants de la mesure de
la prise en charge de 80% des frais des ordonnances qui, jusque-là, ne
s'appliquait qu'aux boursiers. Mais les autorités après moult
tractations avec les organisations estudiantines ont réussi à
mettre en place une mutuelle de santé en vue de résoudre ce
problème d'accès aux soins.
Aussi, n'est-il pas rare de voir les étudiants
manifester et exiger un désengorgement des restaurants universitaires et
une amélioration de la qualité et la quantité des repas.
Il s'agit là des revendications
dites « alimentaires » qui mobilisent
toujours la majorité des étudiants. Et le slogan
« pain et liberté pour le peuple » de
l'ANEB en dit long sur l'importance que revêt la question de la
restauration en milieu étudiant.
PARAGRAPHE 2 : LA
DÉGRADATION DES CONDITIONS D'ÉTUDE
La massification de l'enseignement supérieur au Burkina
a entraîné un déséquilibre entre les
capacités d'accueil et l'augmentation du nombre d'étudiants non
compensée par une augmentation du budget. En effet, construite en 1974,
l'université de Ouagadougou qui abritait 500 étudiants se voit
obliger de faire face à la forte demande sociale en besoin
d'éducation. Par exemple, l'année académique 2003-2004
enregistre un effectif de 19202 étudiants malgré le faible taux
d'inscription au niveau de l'enseignement supérieur estimé
à 1,65 %.
Cette situation a largement contribué à la
dégradation des conditions d'étude. En effet, cela a pour
conséquence, la faible capacité d'accueil des
amphithéâtres, le manque d'équipements dans les
laboratoires, l'absence dans les bibliothèques des ouvrages de
qualité, l'absence de sorties d'étude, de travaux pratiques et
dirigés dans certaines filières, le manque d'enseignants,
l'absence de sonorisation dans les Amphithéâtres et
l'ambiguïté des modules d'enseignement. Cette dégradation
des conditions d'études à contribuer à la baisse de la
qualité de l'enseignement et à l'élargissement du
fossé scientifique et technologique.
Ces dernières années, le Gouvernement a
entrepris la construction de plusieurs amphithéâtres de grandes
capacités (A600 places, C300 places, B350 places, D libyen 1200 places,
F 1500 places, G 1500 places et le `'Hangar' avec 1700 places). A
ces installations, il faut ajouter la location pour les cours d'un des grands
pavillons du Salon International de l'Artisanat de Ouagadougou (SIAO).
Mais selon Albert OUEDRAOGO et Abdoulaye TRAORE48(*) : « Si de
telles infrastructures permettent de relever le défi du déficit
de places assises dénoncé maintes fois par les associations
d'étudiants, il n'empêche pas que le confort d'écoute et de
visibilité laisse à désirer. Qu'il s'agisse des micros
fixes qui tombent constamment en panne ou des coupures intempestives de
l'électricité qui plongent les salles dans la pénombre et
arrêtent les brasseurs d'air encore fonctionnels, les enseignants et les
étudiants éprouvent un véritable malaise dans des
amphithéâtres de plus de 1000 places ! Non seulement, il est
impossible d'y tisser une relation humaine, mais c'est la porte ouverte
à des comportements grégaires de défiance de
l'autorité de l'enseignant. Plongés dans l'anonymat d'une foule,
certains étudiants n'hésitent pas à laisser filtrer le
diable qui est en eux à travers des propos désobligeants et
irrespectueux vis-à-vis des enseignants ou du personnel de
soutien ».
Donc, cette faiblesse des investissements dans le secteur de
l'enseignement supérieur a été encouragé par les
institutions monétaires, notamment la Banque Mondiale, qui estime que
«les étudiants des universités africaines coûtent
trop cher, ils sont trop nombreux par rapport aux capacités d'absorption
du marché du travail, ils sont insuffisamment orientés vers les
disciplines utiles pour le développement, leurs diplômes sont de
qualité insuffisante et finalement ils consomment des ressources
publiques dont l'allocation n'obéit ni à des critères
d'équité ni à des critères
d'efficacité»49(*).
Isolés, vulnérables, devenus une sorte de
«lumpen Intelligentsia»50(*) car n'ayant ni capital économique, ni
capital social, les étudiants fondent tous leurs espoirs dans les
oeuvres universitaires sensées être un outil d'intégration
et d'épanouissement socio-économique et culturel.
L'extrême précarité des conditions
matérielles et pédagogiques à l'université de
Ouagadougou aboutit à la réalité suivante :
«Les chimistes qui n'ont jamais effectué un tirage, les
biologistes qui n'ont jamais mesuré un courant électrique, les
agronomes qui n'ont jamais réalisé des essais sur le terrain, les
ingénieurs qui n'ont jamais démonté de machines, les
étudiants en sciences sociales qui n'ont jamais effectué une
analyse sur des données directement collectées, les juristes qui
n'ont jamais eu accès aux jurisprudences récentes»51(*).
Il apparait clairement que le rythme de réalisation des
infrastructures d'accueil des étudiants n'a pas suivi celui de
l'accroissement des effectifs comme en témoigne Amadou Ouédraogo
étudiant au département de biologie à l'Université
de Ouagadougou 52(*): « En physiologie
végétale, nous avons le même matériel depuis 1974,
un seul labo pour 400 à 500 étudiants qui n'ont plus qu'une
séance toutes les deux semaines ».
Ainsi, face à la détérioration des
infrastructures devenues vétustes et dépassées faute de
maintenance suffisante, de nombreux étudiants développent un
discours critique vis-à-vis de l'Etat et n'hésitent pas à
prendre part aux manifestations en vue d'une amélioration de leur cadre
d'étude.
Nous convenons avec KASONGO Ngoy53(*) qu': «Au
moment où l'université cumule tous les effets pervers d'une
université en déperdition ou de masse à savoir :
détérioration de la condition estudiantine, dévaluation
des diplômes, amenuisement des perspectives professionnelles liées
aux études, voire chômage croissant des diplômés
universitaires, n'est-il pas systématique qu'elle demeure encore la
pièce maîtresse de la stratégie de positionnement et de
survie des acteurs sociaux ? ».
Malheureusement, les mesures drastiques des institutions
financières à travers l'ajustement éducatif ont eu pour
effet de briser le lien jusqu'alors maintenu entre diplôme et emploi,
surtout au niveau supérieur. Elles ont aussi contribué à
tarir la source de promotion sociale par le biais de l'enseignement
supérieur surtout des couches intermédiaires et
inférieures, conduisant ainsi à la montée de la
contestation estudiantine ayant abouti à l'invalidation de
l'année académique 2000 et la « refondation »
de l'université.
Les questions liées à l'hébergement, la
santé, au transport, la restauration, et l'augmentation des allocations
d'études ont toujours mobilisé les étudiants et ont
constitué les principaux points des plates-formes revendicatives des
syndicats estudiantins.
La masse estudiantine confrontée aux problèmes
sociaux se sent délaissée par les autorités qu'elle accuse
de multiplier les dépenses de prestige avec l'organisation des grands
sommets internationaux et des manifestations culturelles coûteuses
(FESPACO, SIAO, KORAS, Cinquantenaire de l'indépendance).
Selon le Cadre des Partis d'Opposition (CPO)54(*), « Les crises
universitaires qui secouent les universités du Burkina Faso sont
devenues récurrentes ces dix dernières années : en
1997, on a frôlé de très près une année
blanche ; en 1999 ce fut l'année invalidée. On l'aura
remarqué, les crises de ces dix dernières années ont
toujours opposé des étudiants au gouvernement à propos de
leurs conditions de vie et d'étude ».
Au terme de notre analyse, il est pertinent de remarquer que
la crise de l'enseignement supérieur au Burkina Faso s'est
aggravée sous l'effet des politiques de redressement économique
à travers l'application des plans d'ajustements structurels. Ainsi la
crise de l'enseignement supérieur depuis plus de dix ans
révèle une évidence : il existe un lien entre la
crise de l'Etat et la crise universitaire en général. Face
à cette dégradation des conditions de vie et d'études, les
organisations estudiantines accusent l'Etat de développer une politique
de démission vis- à- vis de l'enseignement supérieur et
vont revendiquer de meilleures conditions d'étude.
De nombreux étudiants partagent l'avis de cet ancien
responsable d'un syndicat étudiant55(*) qui affirme que : « le pouvoir en
place ne marche que quand il y a des revendications et des crises. Quand la
pression est suffisante, il concède quelque chose mais quand le mercure
baisse, il commence à remettre en cause les acquis».
Donc, à travers leurs syndicats respectifs, les
étudiants vont développer des actions, des plates-formes
revendicatives pour se faire entendre et amener ainsi les autorités
à améliorer leurs conditions de vie et d'étude.
SECTION 2 : ANALYSE DES FACTEURS DE FRUSTRATION ET DE
CONTESTATION DES ENSEIGNANTS DU SUPÉRIEUR
L'enseignement supérieur joue un rôle majeur dans
le développement d'un pays. En effet, selon la Banque Mondiale56(*) : « Les
programmes universitaires de classe mondiale, aux niveaux de la recherche
fondamentale et appliquée et du troisième cycle, sont le ferment
de la maîtrise des sciences et des techniques, le préalable
à une assimilation judicieuse des progrès foudroyants du savoir,
la clé de l'indépendance intellectuelle de l'Afrique. Aussi
est-il véritablement paradoxal qu'aucun des pays africains n'ait
actuellement les moyens d'avoir de tels programmes alors qu'aucun ne peut s'en
passer à terme ».
Mais au Burkina Faso, qu'en est-il de la situation des
enseignants qui sont chargés de la transmission de ce savoir ? A ce
sujet, répondant à une question d'un journaliste, un enseignant
affirme : «Notre état est tel qu'il faut recourir à
des consultants pour comprendre ce qui nous arrive ».
PARAGRAPHE 1 : ANALYSE
DES CONDITIONS DE VIE DES ENSEIGNANTS
Les conditions de vie des enseignants-chercheurs se sont
fortement dégradées ces dernières années car
l'enseignant-chercheur burkinabè est mal rémunéré,
ce qui exacerbe sa frustration. En effet, depuis plusieurs décennies les
salaires et les avantages liés ou non à la
rémunération ont plus ou moins connu une stagnation pendant que
l'inflation et la cherté de la vie à travers leurs effets pervers
réduisaient considérablement le pouvoir d'achat de
l'enseignant-chercheur. En effet, selon l'Observateur paalga, n°740 du 17
juin 2009, un assistant et un maitre assistant ont respectivement des salaires
de 115 000F et 185 000F. Quant au maitre de conférences et du
professeur titulaire, ils ont respectivement 301 000 F et 354 000
F.
Donc, pour faire face aux besoins existentiels de nombreux
enseignants sont obligés de mener des activités parallèles
( consultations, commerce, cours dans les établissements secondaires et
les universités privées). En plus, de nombreux enseignants
désaffectent le système public pour les Universités des
pays du Nord, les établissements privés ou pour exercer des
activités jugées plus rentables. Cela joue inévitablement
sur la qualité de l'enseignement à l'Université de
Ouagadougou.
Par ailleurs, les enseignants rencontrent d'énormes
difficultés en matière de santé et surtout du logement.
Notons que le problème de logement occupe une place de choix dans leur
plate-forme revendicative.
En effet, pour cet enseignant-assistant57(*), « Les
assistants vivent dans les célibatoriums. Ils ne peuvent pas
quitter les célibatoriums parce qu'aujourd'hui le coût de la
maison a grimpé. Il suffit d'avoir une maison chambre salon et s'il y a
un peu de carreau là-dedans c'est au-dessus de 50 000F. Vous allez
prendre la moitié de votre salaire pour le logement ? C'est ce qui
fait que les assistants vivent dans les célibatoriums. Même quand
on est assistant, c'est difficile de prendre deux chambres salon car cela
représente le 1/3 de votre salaire. Devant une telle situation nous
sommes obligés de réagir ».
Cette situation entraine la perte du respect et du prestige
social dont jouissent les enseignants du supérieur. Or, sans cette
considération sociale, la transmission du savoir et le respect
pédagogique à l'endroit des étudiants devient difficile.
Rappelons qu'au moment de la création de l'Université, la
situation financière et le prestige des enseignants suscitaient envie et
respect.
Analysant cette situation, Fernand SANOU58(*) estime
que « La dégradation du statut social et des
conditions de vie et de travail des enseignants du supérieur est une
conséquence directe de la politique prônée par la Banque
mondiale, celle de mettre l'accent sur le primaire et de faire supporter le
poids des autres ordres d'enseignement à leurs
bénéficiaires. Elle entre en contradiction avec la recommandation
de cette même institution de la nécessaire formation des
enseignants du supérieur ».
Selon lui, l'enseignement supérieur est pendant
longtemps resté le parent pauvre du financement, surtout
extérieur, tandis que « le Ministère de
l'Enseignement de Base et de l'Alphabétisation (MEBA) a vu sa part du
budget public de l'éducation croître régulièrement
de 57,2% en 2001 à 62,3% en 2005 et sa part du financement
extérieur croître de 60% en 2003 à 90% en 2007».
Le graphique ci-dessous indique l'évolution des parts
des sous-secteurs dans le financement extérieur de l'éducation
entre 2003 et 2007.
Graphique n°1 : Parts des sous-secteurs dans le
financement extérieur de l'éducation (en %)
Source: MESSRS (2009) : Politique sous
sectorielle des enseignements secondaire, supérieur et de la
recherche scientifique. Document de diagnostic, graphique n°26, p.90.
PARAGRAPHE 2 : ANALYSE
DES CONDITIONS DE TRAVAIL DES ENSEIGNANTS
Les enseignants se plaignent régulièrement des
mauvaises conditions de travail qui constituent un facteur important de
démotivation de ces derniers. En effet, nombreux sont les enseignants
qui ne disposent pas de bureaux, d'ouvrages d'enseignement, d'outils
pédagogiques indispensables pour la recherche et le renouvellement des
cours. A cela s'ajoute le problème de l'équipement des salles de
cours (pour les travaux dirigés et pratiques) et des laboratoires.
Rappelons aussi une difficulté pour les enseignants
à supporter les frais d'achats des ouvrages spécialisés et
de séjour à l'extérieur notamment dans les pays où
se réalisent les progrès majeurs dans certaines disciplines.
Par ailleurs, les effectifs pléthoriques
d'étudiants et l'insuffisance des infrastructures posent un
problème d'encadrement59(*) vu le nombre assez réduit d'enseignants.
En effet, « les comparaisons des ratios
d'encadrement dans les universités africaines faites par le Pôle
UNESCO de Dakar (2008) montrent en effet que l'enseignant burkinabé du
public est l'un des plus chargés avec 39,8 étudiants/enseignant,
pour une moyenne africaine de 21,1/enseignant, une moyenne mondiale de
17,1/enseignant et une moyenne européenne de 15,6/enseignant. Ce ratio
élevé d'encadrement ne peut que nuire à la qualité
de celui-ci, de même qu'à la qualité de la recherche.
Concernant celle-ci, on soulignera que les primes de recherches n'ont connu
d'accroissement que récemment et que les faibles montants disponibles ne
permettent pas l'entreprise de réels programmes de
recherche »60(*).
L'Université de Ouagadougou souffre d'un déficit
important d'enseignants, ce qui a pour conséquence l'augmentation du
volume horaire des enseignants. Notons que le volume horaire statutaire annuel
est actuellement de 175 heures pour l'assistant, 150 pour le maitre-assistant,
et 100 heures pour le maitre de conférences et le professeur titulaire.
Donc, l'institution du système des heures supplémentaires sans
limites impératives tient compte du déficit d'enseignants. Ainsi,
certains enseignants se retrouvent avec 100, 200 voire 300 heures
supplémentaires en sus du volume statutaire.
Cette situation « entraine de la part des
enseignants et personnels administratifs des efforts considérables, des
charges insupportables de travail. La conduite des activités
pédagogiques est devenue un calvaire et l'évaluation un exercice
périlleux et redoutable au regard des milliers de copies à
corriger qui s'imposent à l'enseignant »61(*).
L'insuffisance du nombre d'enseignants s'explique par le fait
que les recrutements d'enseignants sont nettement en dessous des besoins. Par
exemple, pour l'année académique 2006-2007, seulement 54 postes
budgétaires étaient prévus pour toutes les filières
confondues mais seulement 33 ont été pourvus. Cela
révèle clairement que les postes d'enseignants restent peu
attractifs d'où le peu d'engouement des candidats. Or, le personnel
enseignant des universités publiques est vieillissant et il n'y a aucune
relève à l'horizon. Ce déficit d'enseignants ira en
s'aggravant si une solution n'est pas trouvée car dans les années
à venir la majorité des enseignants titulaires auront atteint
l'âge de la retraite pendant qu'au même moment, les contingents de
nouveaux bacheliers vont grossissant.
PARAGRAPHE 3 : LA
QUESTION DE LA VALORISATION DU STATUT DES ENSEIGNANTS
A. L'amélioration de
la grille salariale
Tableau n° 1: Comparaison des salaires des
enseignants du supérieur du Burkina Faso avec ceux de trois pays
voisins (en F CFA)
Pays
|
Assistant
|
Maître-assistant
|
Maître de conférences
|
Professeur titulaire
|
Burkina Faso
|
115 000 F
|
185 000 F
|
301 000 F
|
354 000 F
|
Côte d'Ivoire
|
858 711 F
|
1 000 000 F
|
1 317 541F
|
1 485 445 F
|
Niger
|
507 500 F
|
681 500 F
|
812 000 F
|
957 000 F
|
Sénégal
|
600 000 F
|
700 000 F
|
800 000 F
|
1 000 000 F
|
Source : Observateur n°740, 17 juin
2009 : Université d'Ouagadougou, «Le gouvernement veut
distraire la galerie», par le cadre de Concertation des partis politiques
de l'opposition (CPO).
Une comparaison des rémunérations des
enseignants de la sous-région révèle que le professeur
titulaire burkinabè a le tiers du salaire de l'assistant en Côte
d'Ivoire, moins d'une fois et demi celui de l'assistant au Niger et près
de la moitié de celui de l'assistant au Sénégal (cf.
tableau).
Et selon le Secrétaire Général du
SYNADEC62(*),
« En décembre 2008, un assistant nigérien en
début de carrière percevait exactement le même salaire
qu'un professeur débutant au Burkina. Mieux, depuis Janvier 2009,
l'assistant débutant au Niger a un salaire nettement supérieur
à celui d'un professeur titulaire burkinabè. Alors que
l'assistant nigérien débute avec 520 000 francs Cfa (soit
800€), le professeur titulaire burkinabè gagne à peine 400
000f Cfa (soit 609€) ».
Il continue et s'insurge en ces termes: « Nous
sommes mal payés. Nous sommes les plus mal payés de la sous
région. Si vous soutenez votre thèse de doctorat, si la situation
ne change pas, on va vous mettre en catégorie A1 et le salaire de base
correspondant à cette catégorie ne vaut pas 90000F. C'est
ça votre salaire. Avec les indemnités moins les impôts,
vous avez moins de 125000F. En net à payer, on va vous payer autour de
122000F. Voilà le salaire de quelqu'un qui a un doctorat et qui
s'appelle assistant. Quand vous passez maitre-assistant, vous avez un salaire
qui va se situer autour de 160000F. Donc, vous voyez. Ces salaires ne vous
permettent pas d'abord de vous loger n'en parlons pas de mener une vie de
famille alors que votre rang vous exige que vous ayez un domicile décent
avec une possibilité d'avoir un bureau la dedans ou vous pouvez vous
retirer pour travailler ».
Ainsi, mobilisés autour du syndicat autonome des
enseignants-chercheurs (SYNADEC), les enseignants ont lancé une
série de grève en décembre 2008 puis en mai-juin 2009. Les
principaux points de leur plate-forme revendicative reposaient sur la
valorisation du statut de l'enseignant-chercheur, l'apurement de la dette
sociale, la convocation d'assises sur l'état des lieux et l'avenir de
l'Université, l'augmentation de la grille salariale et le
rétablissement de certains avantages liés à leur fonction,
notamment l'accès au logement, suspendus sous le CNR (Conseil National
de la Révolution). En ce qui concerne le point relatif au salaire, le
SYNADEC propose la grille salariale suivante au gouvernement : Un salaire
initial de 809.812 FCFA à l'Assistant,
938.582 au Maître-assistant, 1.247.595
au Maître de conférences et 1.319.550 au
Professeur titulaire.
Mais face à ces revendications, le gouvernement avance
comme argument l'insuffisance de ressources financières et la
difficulté d'application de certaines mesures sans l'adoption de textes
spécifiques accordant un statut particulier aux enseignants qui seraient
régis par la loi n°13/98/AN du 28 avril 1998 portant régime
juridique applicable aux emplois et aux agents de la fonction publique. Mais en
réalité, le gouvernement craint, à travers la satisfaction
de ces revendications, l'ouverture de `'la boîte aux pandores'' et la
création par là une avalanche de revendications auprès des
autres corps de la Fonction Publique.
Dans une déclaration parue le 13 juin 2009 dans le
quotidien l'Observateur Paalga, le Cadre de Concertation des partis politiques
de l'Opposition (CPO) déclare, « Au lieu de chercher
à résoudre les problèmes concrets posés par les
enseignants-chercheurs, le gouvernement de la quatrième
république, comme à son habitude sur tous les autres sujets qui
préoccupent les Burkinabè, se lance dans des tergiversations
inutiles et ridicules. Le gouvernement n'a pas le courage de mener les
concertations entamées jusqu'à leurs termes et tout en
s'arc-boutant sur la perspective d'un statut particulier de
l'enseignant-chercheur tente par les manoeuvres dilatoires de briser la lutte
légitime du SYNADEC ».
Par ailleurs, la négociation engagée entre le
gouvernement et le SYNADEC bute sur certains points. A ce sujet, le
secrétaire général du SYNADEC s'en explique :
« Pour qu'on puisse nous payer un salaire conséquent il
faudrait qu'on nous sorte du régime général de la Fonction
Publique. Il nous faut un statut particulier et il faut qu'on nous
décroche donc de la loi 013. On nous a conviés à
l'élaboration de l'avant projet de la loi qui a été
adopté. Il fallait maintenant élaborer les décrets
d'application. Après, on ne nous convie plus. On met en place une
commission gouvernementale qui s'assoit et qui fait ses textes et maintenant on
nous appelle pour venir discuter. Donc, nous avons exigé de voir tous
les textes afin d'examiner leur conformité avec la loi. Ils ont dit non
en disant qu'ils n'étaient pas compétents pour discuter des
questions financières. C'est ainsi qu'on a claqué la porte aux
négociations. »63(*)
Finalement, le conseil des ministres du 26 janvier 2011
examine et adopte deux décrets relatifs à la loi 025-2010/AN du
18 mai 2010 portant régime juridique applicable aux emplois des
enseignants-chercheurs, des enseignants hospitalo-universitaires et des
chercheurs au Burkina Faso.
Le premier décret relatif à cette loi porte sur
le relèvement des indices des enseignants-chercheurs et le second sur la
modification des taux des indemnités académiques, d'encadrement
et la création d'une indemnité de charge de l'assistant. Cette
revalorisation selon le gouvernement prend effet pour compter du 1er
janvier 2011 et a une incidence financière de un milliard trois cent
quarante trois millions quarante quatre mille huit cent trente trois
(1 343 044 833) F CFA.
Interrogé au sujet de cette loi, de ces décrets
et de la possibilité d'une incidence financière sur les salaires
en fin janvier, le secrétaire Général du SYNADEC64(*) déclare,
sceptique : « Nous sommes des Saint Thomas au niveau du
syndicat ; tant que nous n'avons pas vu, nous ne croirons pas. Mais pour
nous c'est quand même quelque chose de très singulier. Dans la
tradition administrative burkinabé, il n'y a pas de correction de
salaire en janvier et février. Les corrections de salaire, c'est
généralement en mars lorsque le budget de l'Etat est mis en
place, mais là on nous parle de janvier. On se demande si c'est vrai.
C'est quand on va mettre le doigt dans le trou (rires), c'est lorsqu'on aura
palpé les sous à la fin du mois de janvier, qu'on
croira ».
Dans un contexte de valorisation des ressources humaines en
vue de faire du Burkina un pays émergent, il est urgent de trouver une
solution aux difficultés des enseignants. Il y a quelques
décennies, les ressources naturelles et le capital jouaient un
rôle prépondérant dans le développement des pays.
Mais de nos jours, c'est la promotion du savoir, de la matière grise et
la capacité d'innovation qui sont les principaux leviers du changement,
de la croissance économique et du développement durable.
B. La promotion de la
carrière
En matière de qualification, l'enseignant-chercheur
Burkinabé occupe une place de choix dans la sous-région et
même dans le continent. En effet, selon l'étude du Pôle
UNESCO de Dakar sur l'enseignement supérieur africain
(2008), « l'enseignant-chercheur burkinabè se situe
parmi les mieux qualifiés du continent. La proportion des enseignants de
rang magistral (le plus élevé) serait en effet de 25%, proportion
la seconde meilleure après celle de la République
Centre-Africaine (33%) pour une moyenne africaine d'environ 18% et un plancher
de 8% pour la Tunisie »65(*).
Aussi, les enseignants-chercheurs constituent une
catégorie particulière dont la promotion à un grade
supérieur est liée aux résultats des prestations
pédagogiques et scientifiques. Or, une telle promotion s'avère
difficile à réaliser dans des conditions de travail
particulièrement difficiles auxquelles ils sont confrontés.
En effet, depuis plusieurs décennies, les enseignants
se retrouvent dans un environnement de travail qui bloque ou ralentit le
déroulement normal de leur carrière. Ils consacrent plus de temps
à l'enseignement (heures réglementaires et
supplémentaires) alors qu'en principe ils devraient disposer aussi de
plus de temps pour la recherche, élément indispensable à
la promotion de leur carrière. Donc, ce blocage de la carrière et
la lenteur dans la promotion occupe une place de choix dans les plates-formes
des différents syndicats d'enseignants du supérieur.
Par ailleurs, après les longues grèves
déclenchées par le SYNADEC depuis 2008, le conseil des ministres
du 26 janvier 2011 au titre du Ministère des enseignements secondaire et
supérieur a examiné et adopté trois (03) décrets en
application de la loi 025-2010/AN du 18 mai 2010. Le premier décret
porte organisation des emplois des enseignants-chercheurs, des enseignants
hospitalo-universitaires, chercheurs, et réglementation des fonctions
d'assistant, d'enseignant à temps plein, d'attaché de recherche
et d'ingénieur de recherche. Il précise les attributions, les
modes, les conditions d'accès et les classifications
catégorielles.
Ensuite, le second décret fixe à soixante cinq
(65) ans la limite d'âge d'admission à la retraite des
enseignants-chercheurs, des enseignants hospitalo-universitaires et des
chercheurs. Enfin, le troisième décret détermine les
conditions de réquisition des enseignants-chercheurs, des
enseignants-hospitalo-universitaires et des chercheurs, qui sont exclusivement
justifiées par les nécessités de service.
CHAPITRE 2 : DE LA MISSION TRADITIONNELLE DE TRANSMISSION
DU SAVOIR À LA LUTTE POLITIQUE
SECTION 1 : LE SYNDICALISME ÉTUDIANT : ENTRE
MOBILISATION CORPORATISTE ET INSTRUMENTALISATION POLITIQUE
Le milieu social façonne les individus, leur inculque
des valeurs symboliques, des préférences partisanes en un mot une
conscience politique qui détermine leur rapport à la politique.
C'est le cas des acteurs du monde universitaire à savoir les enseignants
et les étudiants qui à travers leur trajectoire sociale et
académique sont prédisposés à la contestation. Dans
ces conditions, ces derniers intériorisent des schémas de
pensée et des perceptions qui orientent nécessairement leurs
discours, attitudes et choix politiques.
Ce processus d'inculcation et
`'d'épidémisation'' des valeurs politiques et syndicales est
tributaire du milieu universitaire réputé rebelle et insoumis.
PARAGRAPHE 1 :
CONDITION DE PARTICIPATION À L'ESPACE SYNDICAL ET POLITIQUE
Rappelons avec Jules BERGUES que toute jeunesse se
définit par «son rapport au monde». En effet, la jeunesse est
l'âge de la contestation par excellence. Cette jeunesse estudiantine, de
par sa position sociale d'élite et son ouverture sur le monde, aspire au
changement et ne cache pas ses penchants pour la justice,
l'égalité, la liberté et la démocratie.
A ce sujet, un ancien Ministre de l'enseignement secondaire,
supérieur et de la recherche scientifique66(*) reconnait que :
« Dans toute société, là où il ya le
savoir et la connaissance, il y a les ferments du changement. Quand l'homme est
éclairé, il formule nécessairement des souhaits, des
revendications. Donc, les universités ont toujours recelé ce que
les pouvoirs ont appelé les noyaux d'agitation. Nous sommes
formés pour créer et transmettre des connaissances et cela
crée souvent un aspect revendicatif qui pose problème aux
gouvernants. Ce n'est pas nouveau. C'est normal... »
Cependant, la position idéologique et politique a une
influence considérable sur les attitudes et comportements des acteurs du
monde universitaire et détermine leur adhésion aux syndicats et
partis politiques. Ces derniers participent à l'espace syndical et
politique dans le seul souci de favoriser un changement qualitatif dans leur
condition sociale d'existence.
En effet, Michel CROZIER67(*), analysant les mobiles réels ou
supposés de la participation des acteurs dans l'organisation, affirme
qu'« une organisation ne peut-être analysée comme
l'ensemble transparent que beaucoup de ses dirigeants voudraient qu'elle soit.
Elle est le royaume des relations de pouvoirs, de l'influence de marchandage,
et du calcul. Mais elle n'est pas davantage l'instrument d'oppression qu'elle
apparaît à ses détracteurs, car ces relations
conflictuelles ne s'ordonnent pas selon un schéma logique
intégré. Elles constituent le moyen pour d'innombrables acteurs
de se manifester et de peser sur le système et sur leurs partenaires
même si c'est de façon très inégale».
Les enseignants et les étudiants, à travers
leurs différentes plates-formes revendicatives cherchent à agir
sur l'agencement de l'ordre social et à promouvoir les revendications
dont ils sont porteurs. Ces actions protestataires seraient donc la production
d'un contre-discours du discours des pouvoirs politiques.
Par ailleurs, analysant la participation des acteurs dans les
organisations, Ollo Pépin HIEN68(*) estime que «ce sont des
stratégies des acteurs politiques inscrits dans des organisations
politiques concurrentielles et visent soit, la célébration et la
légitimation de l'ordre social et politique, à travers des
manifestations publiques, soit la contestation ou la subversion symbolique du
système politique dominant à travers des actions protestataires.
Elles sont le lieu privilégié de l'orchestration des
stratégies de subversion politique, de la production et de la
transaction des symboles nécessaires à la mobilisation
collective des acteurs et à l'imposition de leur
domination ».
Le discours et la participation à l'espace syndical et
politique des enseignants et étudiants tirent leur essence des
conditions matérielles d'existence de ces derniers. On peut affirmer
sans exagération aucune que les acteurs du monde universitaire pensent
politiquement ce qu'ils sont socialement.
Par ailleurs, dans l'espace syndical et politique, l'origine
sociale, les rôles sociaux et la distribution des divers capitaux dans le
champ social sont au fondement de l'adhésion des enseignants et
étudiants dans les syndicats et les partis politiques. Ils ne cachent
pas leur opposition au pouvoir en place qu'ils accusent à tort ou
à raison d'être sourd face aux malaises exprimés par la
jeunesse estudiantine et d'être le principal artisan de la
dégradation de leur condition de vie et de travail. De ce point de vue
le campus universitaire, de par sa position stratégique, apparait comme
le lieu par excellence, le terrain où naissent, se côtoient et
s'affrontent les forces sociopolitiques.
Un étudiant en 3e année de
sociologie69(*) justifie
son opposition au pouvoir en place en ces termes : «Voyez-vous ce
que ce régime fait. Pendant que nous mourons de faim et que nos
conditions de vie laissent à désirer, il se permet d'organiser de
grandes foires internationales à coup de milliards. Je veux parler du
SIAO, des Koras music et du FESPACO ».
Un autre en 4e année de
droit70(*) lâche
dans une grande colère : «Ce pouvoir tue les enfants sans
raison valable et ment sans vergogne. Vous avez vu ce qui s'est passé
à Koudougou le 20 février 2011 avec la mort de
l'élève Justin ZONGO ? Et ce n'est pas la première
fois, il y a eu la mort de Dabo BOUKARY, les élèves de Garango,
et celle de Flavien NEBIE à Boussé. Nous luttons pour que tous
ces crimes prennent fin».
Ces propos confirment les rapports souvent tendus entre les
étudiants et le pouvoir en place qui, souvent exaspéré par
les longues et humiliantes négociations, a tendance à utiliser la
répression physique.
Conscient de son impopularité auprès de la masse
estudiantine et des enseignants, le pouvoir est fréquemment sur ses
gardes et est prêt à intervenir pour endiguer la contestation
estudiantine capable de réveiller et d'entraîner derrière
elle d'autres forces sociales à même de le déstabiliser.
PARAGRAPHE 2 :
DYNAMIQUE DES LUTTES UNIVERSITAIRES POUR LA PROMOTION DES VALEURS
DÉMOCRATIQUES
Le mouvement étudiant et enseignant a toujours pris une
part prépondérante dans le combat politique en s'affichant comme
une force avant-gardiste dans les luttes sociales. L'une des
caractéristiques des organisations universitaires réside dans le
fait qu'elles ont toujours depuis leur naissance refusé de s'enfermer
dans les revendications corporatistes en s'engageant aux côtés des
forces de changement d'où leurs liens réels ou supposés
avec les syndicats et les partis politiques plus ou moins de gauche. En effet,
à l'issue de son congrès le 4 août 1963 à Paris,
l'UGEV adopte ce qu'il convient d'appeler la charte de l'étudiant
voltaïque qui stipule en son article 1er que «tout
militant doit être considéré comme un engagé et
mobilisé contre l'impérialisme sous toutes ses formes, il doit
lutter avec les syndicats progressistes et oeuvrer pour l'unité
africaine et le maintien de la démocratie»71(*).
L'adoption de cette charte a scellé désormais
l'union entre le mouvement étudiant et les forces politiques de
gauche.
Le développement de cette ligne radicale et de
contre-pouvoir s'est poursuivi après l'indépendance avec
l'hégémonie des partis politiques de gauche à la
tête de l'UGEV. Cela a permis à ce mouvement de développer
une grande capacité de résistance face aux tactiques
répressives des régimes successifs. L'UGEV fut une école,
un vivier, un cadre de formation de l'élite politique et syndicale
actuelle du Burkina Faso. Plusieurs dirigeants de partis politiques ou de
syndicats ont été des anciens dirigeants ou militants de l'UGEV.
Ainsi, le mouvement étudiant a toujours
été la locomotive des changements politiques au Burkina Faso. La
chute de la 1ère République a été
l'oeuvre des élèves et étudiants qui ont lutté aux
côtés des syndicats et des partis politiques pendant le
soulèvement populaire du 3 janvier 1966. C'est également au sein
du mouvement étudiant que les antagonismes idéologiques entre les
partis communistes ont donné naissance à la révolution du
4 août 1983. «La révolution burkinabè, on l'a
accouchée sur mon lit de célibataire-étudiant, SANKARA,
Blaise et moi» dira un ancien dirigeant de l'UGEV72(*).
Par ailleurs, la jeunesse estudiantine et scolaire a
joué le rôle de fer de lance dans la lutte du Collectif des
organisations démocratiques de masses et de partis politiques
(CODMPP)73(*) après
l'assassinat du journaliste Norbert Zongo.
A propos de cette crise Pascal BIANCHINI74(*) déclare que
« Cet épisode est aussi une illustration exemplaire de
l'absence d'hégémonie du régime sur l'intelligentsia et,
à contrario, de sa prédilection pour le recours à la
coercition. Au passage, cette épreuve a montré également,
à l'Université comme ailleurs, une polarisation de l'espace des
prises de position poussée à son maximum qui montre ainsi les
limites de l'institutionnalisation des compromis et du rôle des groupes
de médiation qui ont brillé par leur absence ».
Le rôle d'avant-garde du mouvement étudiant dans
les luttes sociales fera dire au Collège des sages75(*) que le militantisme
étudiant serait à l'origine de la corruption, des
détournements et de l'introduction de la violence en politique au
Burkina Faso. En effet, on peut lire ceci dans le rapport du collège des
sages76(*) :
«Devenus leaders politiques, les étudiants d'hier n'ont pas su
effectuer la maturation nécessaire pour devenir des hommes d'Etat tant
et si bien que les valeurs telles que le patriotisme, l'humanisme, le respect
de la vie humaine, morale, les us et coutumes qui incarnaient l'ancienne
génération de politiciens, ont cédé la place
à la violence politique avec les assassinats, les disparitions, le
vandalisme, les tortures et les actes répréhensibles comme la
corruption, les détournements, etc.».
Or, en initiant le vaste mouvement de protestation en
février 2011 à Koudougou suite à la mort de
l'élève Justin ZONGO, les élèves et
étudiants ont une fois de plus été à la pointe de
la lutte contre l'impunité. D'ailleurs, suite à ces
évènements, le Gouverneur de la région du Centre-Ouest a
été relevé de ses fonctions le 26 févier 2011.
Donc, le mouvement étudiant aux dires de nombreux analystes a su
démontrer qu'il restait attaché aux idéaux de la
démocratie, de liberté et de justice. Ce serait au nom de ces
valeurs que les étudiants rejettent les mesures socialement injustes et
participent massivement aux combats pour la démocratie et le respect des
droits de l'homme. D'ailleurs, la surveillance policière intensive,
voire la militarisation du campus lors des grèves serait un indice qui
montre la position stratégique du mouvement étudiant dans les
combinaisons sociopolitiques à même d'opérer des
changements de régime.
A travers ces analyses, l'on est tenté de s'interroger
sur les raisons profondes qui guident et orientent l'action du mouvement
étudiant au Burkina Faso. Les organisations estudiantines sont-elles
à la solde des syndicats et des partis d'opposition qui se cachent
derrière elles pour déstabiliser le pouvoir ? A ce sujet,
un ancien Ministre77(*)
déclare : « J'ai toujours
exécré le PCRV mais je dois reconnaitre qu'il a toujours
joué un grand rôle dans la mobilisation des étudiants. Le
PCRV depuis sa naissance a pris comme champ d'action spécifique le
mouvement étudiant. Donc, ils sont accusés à tort ou
à raison d'être derrière l'ANEB. Les syndicats comme
l'ANEB, le SYNTHER, le SYNTSHA sont considérés par beaucoup comme
étant les instruments du PCRV ».
En effet, si l'on observe de près l'actualité,
on s'aperçoit vite que les élèves et étudiants font
l'objet de sollicitations politiques et idéologiques de la part des
partis politiques et des syndicats. Aussi, les syndicats d'étudiants
partagent souvent les mêmes analyses que d'autres organisations,
notamment les formations politiques et les organisations clandestines comme le
PCRV. Et ces dernières en quête de bases sociales rivalisent pour
le contrôle de ces organisations qui deviennent souvent leur caisse de
résonance.
Par exemple, depuis 1979, en décidant de se placer
ouvertement sous la tutelle politique et idéologique du PCRV, et en se
rapprochant des syndicats plus ou moins radicaux, l'ANEB s'est vu nier son
autonomie de pensée et d'action. Dès lors, la thèse de la
manipulation des syndicats étudiants par les forces politiques est
devenue récurrente pendant les crises universitaires et est
utilisée par le pouvoir comme un épouvantail. Du reste, cette
devise commune au PCRV et à l'UGEB (ANEB) qui
est « pain et liberté pour le peuple »
tend en apparence à accréditer la thèse de la collusion
entre ces deux structures.
Réfutant cette thèse un ancien dirigeant de
l'ANEB déclare : «Je ne crois pas en cette
prétendue manipulation de l'ANEB par le PCVR. C'est une pure invention
du pouvoir en place pour réprimer durement la contestation estudiantine.
A mon avis, les étudiants sont plutôt manipulés par la
colère, la misère et l'injustice dont ils sont
victimes... »
Interrogé au sujet de la manipulation des
étudiants par les partis politiques et les syndicats, un enseignant
à l'UFR/SVT78(*)
lance : « Personnellement, je pense que cette thèse
est fondée car on a souvent vu des étudiants prendre part
à des luttes politiques qui n'ont rien à voir avec
l'université. Ce fut le cas en 1999-2000 ou les étudiants ont
âprement lutté aux côtés du Collectif pour demander
lumière et justice sur la mort de Norbert ZONGO. Cela a plus tard
conduit à l'invalidation de l'année académique 1999-
2000 ».
Par ailleurs, on peut reconnaître que les partis
politiques et les syndicats à travers la manipulation affective ou
idéologique peuvent rallier les étudiants à leur cause et
mots d'ordre. Mais peut-on soutenir sérieusement que les effets de la
manipulation et du conditionnement des étudiants par les partis
politiques et les syndicats sont beaucoup plus puissants que la marge de
liberté dont disposent ces derniers et qui leur permet de se soustraire
ou de participer volontairement aux actions de protestation?
En effet, l'homme ne peut être considéré
seulement comme une main et un coeur selon CROZIER et FRIEDBERG79(*). Il est aussi et avant tout
une tête, c'est-à-dire une liberté, un agent autonome qui
est capable de calculs et de manipulation ; qui s'adapte et invente en
fonction des circonstances, de ses intérêts et des mouvements de
ses partenaires. Donc, accusés à tort ou à raison
d'être manipulés par des forces invisibles, les acteurs du monde
universitaire disposent néanmoins d'une marge de manoeuvre leur
permettant de contourner ou d'utiliser ces situations à leur profit.
SECTION 2 : ARTICULATION ENTRE LES FRANCHISES
UNIVERSITAIRES ET LES CRISES UNIVERSITAIRES
«Mais dans quels pays au monde les franchises
universitaires sont-elles respectées même ?
Frappez-les !». Ces propos sont attribués à un
chef d'Etat Africain qui, débordé par une grève
d'étudiants, donnait l'ordre de réprimer durement cette
contestation. Pourtant, le respect des franchises universitaires, objet
d'enjeux divers, a de tout temps été une revendication
traditionnelle des acteurs du monde universitaire.
PARAGRAPHE 1 :
GÉNÉRALITÉ SUR LES FRANCHISES UNIVERSITAIRES
Les franchises universitaires sont définies
comme un ensemble de dispositions, de textes visant à créer un
environnement propice à la recherche, notamment à la
création de l'esprit sans aucune forme de contrainte. Il s'agit donc de
la liberté qu'ont les membres de cette communauté universitaire
de poursuivre leurs activités universitaires dans le cadre de
règles éthiques et de normes internationales établies par
cette communauté sans pression extérieure. Les franchises
universitaires riment avec liberté d'expression, d'association et de
manifestation.
Ainsi, l'article 1 des textes qui régissent les
franchises universitaires au Burkina Faso stipule que «l'enseignement
et la recherche impliquent l'objectivité du savoir et la
tolérance des opinions. Ils sont incompatibles avec toute forme de
propagande et doivent demeurer hors de toute pression idéologique ou
confessionnelle. A cette fin, des garanties leur sont conférées
appelées franchises et libertés universitaires».
Ce qui signifie que l'université étant un haut
lieu de la recherche et de l'autorité intellectuelle, les franchises
universitaires constituent donc les privilèges et immunités
accordés à la communauté universitaire et cela en vue de
favoriser sans pression aucune, la liberté d'opinion, de critique,
d'association et de manifestation.
Par ailleurs, les franchises universitaires riment avec
«l'esprit universitaire », c'est-à-dire la transparence,
le consensus dans les prises de décisions et surtout la
démocratisation de toutes les instances délibératives et
structures de l'université.
Mais malheureusement, cette liberté d'association, de
manifestation dont doit jouir la communauté universitaire et surtout la
question du maintien de l'ordre sur le campus ont toujours constitué un
point d'achoppement entre enseignants/étudiants et le pouvoir qui
s'accusent mutuellement de violer ces franchises universitaires.
Les franchises universitaires qui sont censées
définir les libertés syndicales, apporter le calme et la
sérénité sur le campus constituent souvent un obstacle
majeur à un climat de paix à l'université de Ouagadougou.
En effet, il n'est pas rare de voir des étudiants descendre dans la rue
manifester bruyamment leur colère suite à une descente des forces
de l'ordre sur le campus pour disperser un meeting ou empêcher une
assemblée générale.
PARAGRAPHE 2 :
REPRÉSENTATION DES ACTEURS SUR LES FRANCHISES UNIVERSITAIRES
On note des divergences dans la lecture et
l'appréciation des textes relatifs aux franchises universitaires entre
le pouvoir et la communauté universitaire. Ces divergences ont
entraîné des modifications et des toilettages des textes relatifs
aux franchises universitaires sous le CMRPN en 1981, puis en 1987, en 1997 et
enfin en 2000 après la « refondation » de
l'université.
Un ancien ministre80(*) pour sa part en fait l'analyse suivante :
« Les franchises universitaires restent un principe fondamental
car l'Université est un centre où se forment des hommes et des
femmes à l'approche de la création du savoir et leur
vulgarisation. C'est un domaine où la liberté est fondamentale.
Mais il faut aussi reconnaitre que cet espace-là est un domaine public
que l'Etat doit contrôler à travers des textes clairs de sorte
à éviter le désordre. Donc, la question de la violation
des franchises universitaires relève d'une divergence
d'appréciation de part et d'autre. Pour moi, il ne doit y avoir à
l'Université un activisme politique paralysant la maison. Donc, il ya un
problème dans l'appréciation de la notion des franchises
universitaires. Si quelqu'un veut faire autre chose que celle qui l'a
amené sur le campus, cela pose problème. Par exemple, celui qui
prend un caillou et brise une vitre et dit que la police n'a pas le droit
d'intervenir, cela pose problème».
Ce ministre fait surtout référence au chapitre 1
du titre VI de l'arrêté
n°2006-009/MESSRS/SG/UO/P portant règlement
intérieur de l'université de Ouagadougou qui stipule que
« Les membres de la Communauté universitaire s'obligent au
respect mutuel. Ils ne doivent en aucun cas porter atteinte aux droits et
libertés d'autrui. Pour ce faire, ils veilleront :
- à exercer leurs droits et libertés dans
les limites qui leur sont imparties ;
- à n'obliger personne à s'engager dans une
action à laquelle elle ne souscrit pas ;
- à bannir l'usage de toute forme de violence sur
un ou des membres de la Communauté universitaire ».
Cet arrêté qui vise à prémunir les
acteurs de tout acte de violence qu'ils viendraient à commettre ou
à subir apparait comme un texte légal garantissant la
liberté de pensée et d'opinion des universitaires.
Par ailleurs, le décret
n°97-PRES/PM/MESSRS/DEP portant prévention des troubles
à l'ordre public, à la sécurité et à la
répression des infractions relatives aux troubles dans les locaux et
enceintes universitaires suscite un mécontentement de la part des
étudiants. En effet, ce décret stipule clairement que le
président de l'Université de Ouagadougou peut faire appel aux
forces de l'ordre en cas de trouble à l'Université.
A propos de ce décret, l'UGEB lors de son XIXè
congrès déclare : «L'intitulé du
décret traduit la volonté du pouvoir de la IVè
République d'abattre une répression barbare et légale sur
les étudiants».
Pour un étudiant81(*), « les franchises universitaires sont
une bonne chose. Elles doivent être scrupuleusement respectées car
elles garantissent la liberté d'opinion, de rassemblement et
l'indépendance de l'Université. L'histoire a montré que
leur violation par les autorités a toujours provoqué des troubles
à l'Université ».
Un autre déclare : «La descente
régulière des forces de sécurité sur le campus, au
lieu de ramener l'ordre et le calme, a toujours entrainé le
désordre et la paralysie des activités académiques. Les
étudiants ont le droit de manifester leur mécontentement en cas
de problème. On ne doit pas les empêcher de le faire car nous
sommes dans un Etat de droit. C'est quand les franchises universitaires sont
violées que les étudiants entrent en colère et cherchent
à tout casser car ils sont violentés et matraqués par les
policiers ».
En outre, un autre décret divise les autorités
de l'Université et les syndicats d'étudiants. Il s'agit du
décret n°2000-560 PRES/PM/MESSRS/SECU qui interdit
les meetings sur le campus pendant les heures de cours. D'ailleurs, c'est ce
texte qui est à la base de la création de la `'très
controversée'' Police Spéciale des Universités (PSU).
Cette police est autorisée à appréhender «...
toute personne qui empêche ou contribue à empêcher le bon
fonctionnement, la bonne administration, l'ordre dans les établissements
universitaires ou la réalisation des activités académiques
et pédagogiques ; ...toute personne qui interrompt ou tente
d'interrompre, de quelque manière que ce soit, les activités
universitaires ou nuit à la bonne marche de telles
activités... ».82(*)
Mais un enseignant83(*), visiblement contre cette police,
s'interroge : « Comment un syndicat ou un mouvement
associatif peut-il organiser une grève, une marche, un sit-in sans
interrompre, d'une manière ou d'une autre, les activités
académiques ? Il s'agit de marquer les étudiants de
près. Quel peut être le rôle de cette police même si
l'on parle de sécuriser les étudiants ? Il y a des vigiles
sur le campus, mais chaque jour on agresse, on enlève les vélos
et les motos des étudiants. Si on installe cette police, c'est pour
réprimer les étudiants. On veut installer une bureaucratie
répressive sur le campus. La création de cette police là
est foncièrement contre l'esprit universitaire. On ne peut pas mettre
une armée sur le campus et demander aux intellectuels de
réfléchir, de produire. C'est une violation des franchises
universitaires».
En réalité, l'installation de cette PSU viserait
vraisemblablement à contenir l'agitation estudiantine et à
réprimer toute velléité de contestation sur le campus. La
surveillance policière intensive, voire le désir des
autorités de `'militariser'' le campus seraient autant d'indices de la
position stratégique du campus et des organisations estudiantines dans
les combinaisons sociopolitiques à même d'opérer un
changement de régime.
En effet, Selon Bianchini (1997): «La faiblesse de la
légitimité des autorités politiques sur les campus et le
caractère stratégique que revêt le contrôle de cet
espace pour ces autorités les ont souvent conduit à
développer une gestion policière et militaire de ce espace. De
leur côté, les étudiants par leur activisme organisé
(réunions, activités culturelles, sportives) tendent à
occuper cet espace à leur manière».84(*)
En définitive, de nombreux étudiants estiment
que la liberté de manifestation et d'opinion est un acquis non
négociable. Dans ces conditions, vouloir remettre en cause ces acquis
à travers la création d'une police et l'intervention des forces
de l'ordre pour empêcher les manifestations sur le campus, c'est de `'la
pure provocation''. De l'autre côté, les autorités estiment
que les syndicats estudiantins se servent des franchises universitaires pour
troubler l'ordre public, perpétrer des actes de vandalisme et
contraindre la majorité des étudiants à suivre les mots
d'ordres de grèves. De nombreuses crises universitaires naissent suite
à la colère des étudiants dispersés au cours d'un
meeting ou d'une assemblée générale. Et pour manifester
leur mécontentement, ils descendent dans la rue et s'en prennent aux
feux tricolores et aux automobilistes.
Par exemple, les évènements ayant conduit
à l'arrestation et à la condamnation à un mois de prison
ferme du président de l'ANEB et cinq de ses camarades en décembre
2002 avaient pour origine l'interdiction de la tenue d'une assemblée
générale dans une des salles de cours de l'université au
nom du respect des franchises universitaires. Quelques années plus tard,
c'est-à-dire en 2008, la relaxe après un procès de
plusieurs étudiants proches de l'ANEB avait aussi pour origine la
violation de l'interdiction d'organiser un meeting sur le campus. Cet
évènement a plongé l'Université dans une grave
crise qui a paralysé le déroulement des activités
académiques pendant quelques mois.
Pour aplanir les divergences entre syndicats et
autorités, une relecture consensuelle des textes sur les franchises
universitaires s'impose.
CONCLUSION
Ce thème nous a permis de faire une lecture
sociopolitique de la crise que connait l'enseignement supérieur au
Burkina-Faso et particulièrement celle qui touche l'Université de
Ouagadougou. En effet, la crise que traverse l'Université de Ouagadougou
est déterminée par des logiques sociales et politiques. Elle est
née du mécontentement des acteurs (étudiants, enseignants)
suite à une dégradation vertigineuse de leur condition de vie,
d'étude et de travail. Aussi, l'insatisfaction de ces derniers par
rapport aux valeurs, idées et surtout dans les règles de jeux qui
gouvernent le système universitaire en est une cause.
Ainsi, la crise que traverse l'Université de
Ouagadougou révèle une évidence: il y a une
corrélation entre la dégradation des conditions de vie,
d'étude et de travail des étudiants et enseignants et le
déclenchement des crises. Cette précarité des conditions
de vie, d'étude et de travail inculque aux étudiants et
enseignants des schèmes de perception de valorisation et des ferments
d'actions qui conditionnent leur rapport à la contestation. Donc, la
`'clochardisation'' des étudiants et enseignants a une influence sur le
déclenchement et l'orientation des grèves à
l'université de Ouagadougou. C'est fort de ce constat que nous sommes
tentés de dire que ces derniers pensent politiquement ce qu'ils sont
socialement et ces grèves à répétition sont
fortement inspirées par le désir de l'amélioration des
conditions matérielles d'existence qui n'ont cessé de se
détériorer depuis l'application des plans d'ajustement
structurels.
Par ailleurs, notre étude révèle que la
question du respect des franchises universitaires et la quête des valeurs
démocratiques et la lutte contre l'impunité sont souvent à
l'origine de certaines crises à l'Université de Ouagadougou.
En effet, la jeunesse scolaire et estudiantine, qui
réclame la responsabilité historique d'être l'avant-garde
des luttes sociales au Burkina Faso, a un sens aigu de la liberté, de
la justice d'où sa présence perpétuelle aux
côtés des syndicats et des partis politiques pour dénoncer
les mesures socialement injustes et les dérives des régimes
politiques. C'est ce qui fait dire à certains que le mouvement
étudiant est essentiellement infiltré et manipulé par
l'opposition et les syndicats radicaux.
C'est également au nom de cette liberté
d'expression, et de manifestation que les étudiants revendiquent
perpétuellement contre la restriction des libertés syndicales et
la violation des franchises universitaires qui se manifestent selon eux par
l'interdiction des meetings sur le campus et l'intervention des forces de
l'ordre pour réprimer les grèves. Cette violation des franchises
universitaires est considérée par les étudiants comme une
volonté des autorités politiques de `'museler'' et de
`'caporaliser'' l'Université. C'est ce qui explique la révolte de
ces derniers et la radicalisation des luttes sur le campus.
La crise que traverse l'enseignement supérieur au
Burkina Faso, ne saurait être qualifiée d'agitation ou de
subversion. Elle est née du contexte de la paupérisation
grandissante des étudiants et enseignants, de l'absence de
débouchés, de perspectives et des injustices sociales dont ces
acteurs se disent être victimes. L'Université de Ouagadougou est
devenue au fil des ans un lieu de turbulence d'une jeunesse en manque de
repère et en proie à tous les doutes.
BIBLIOGRAPHIE
1. OUVRAGES GENERAUX
Michel CROZIER, Erhard FRIEDBERG, L'acteur
et le système, Paris, Seuil, 1977, 498 p.
Hélène (D')
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jeunes en Afrique : évolution et rôle, Paris,
l'Harmattan, 1992.
Jacques LACROYE : Sociologie
politique, 2è ed, Paris, Dalloz, 1993.
Henri LEFEBVRE, L'irruption de Nanterre
au sommet, Paris, édition
anthropos, 1971.
2.
OUVRAGES SPECIFIQUES
Pierre BOURDIEU, l'école
conservatrice, les inégalités devant l'école et devant la
culture, in Revue Française de sociologie, 1966, vol VII,
p 325.
Pierre BOURDIEU, Jean-Claude
PASSERON : Les héritiers : les étudiants et
la culture, Paris, ed minuit, 1971.
Marie DURU, Agnes BELLA, HENRRICOT VAN ZATEN,
La sociologie de l'école, Paris, Armand Colin, 1992.
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scolaire et pouvoir social en Afrique : à quoi sert le
diplôme universitaire, Paris, l'Harmattan, 1958, 215p.
Paul NDA, Pouvoir, lutte des classes,
idéologie et milieu intellectuel Africain, Paris, Présence
Africaine, 1987, 101p.
Georges SNYDERS, Ecole, classes et lutte
des classes, Paris, PUF, 1982.
Fernand SANOU : Avant-propos pour une
reforme de l'Education au Burkina Faso : les intérêts des
bureaucrates burkinabè dans l'école et sa reforme, in Annales
de l'INSHUS et de l'INSULLA, Université de Ouagadougou, 1986, p201.
Fernand SANOU, Maryvonne Charmillot :
L'éducation supérieure dans les politiques éducatives
en Afrique subsaharienne : Le cas du Burkina Faso,
PNUD, Ouagadougou, Genève, FAPSE, 2009
3. OUVRAGES METHODOLOGIQUES
Madeleine GRAWITZ, Méthode des
sciences sociales, 10è édition, Paris, Dalloz, 1996, 920
p.
Raymont QUIVY, Luc VAN CAMPENHOUDT, Manuel
de recherche en
sciences sociales ; 2è éditions Paris, Dunod, 1995,
287 p.
4. MEMOIRES, THESES ET ARTICLES
Ollo
Pepin HIEN: Individus et Participation
à l'espace public en pays Lobi : De la révolution à
la démocratie. Mémoire de maîtrise en sociologie,
Université de Ouagadougou, Département de Sociologie, janvier
2004.
Gabin KORBEOGO, Logiques sociales et
participation à l'espace syndical Etudiant : cas de la
FLASHS. Mémoire de maîtrise de sociologie,
Université de Ouagadougou, 1997.
Pascal BIANCHINI, Crise de la
scolarisation, mouvements sociaux et reformes des systèmes
d'enseignements en Afrique Noire : cas du Sénégal et du
Burkina Faso, Thèse de doctorat, université paris VII,
1997.
Sidi BARRY : Les déterminants
sociopolitiques de la contestation estudiantine à l'université de
Ouagadougou de 1990 à 2004, Mémoire de maîtrise de
sociologie, Université de Ouagadougou, 2005, 112P.
Vinagbo Bernard AGBANGLA, La corruption dans
la gestion des deniers publics à Cotonou : Analyse
socio-anthropologique de la persistance du phénomène,
Mémoire de maitrise en Sociologie-Anthropologie, Université
d'Abomey-Calavi.
Albert OUEDRAOGO, Abdoulaye
TRAORE : Etude crises Universitaires: Etat
des lieux et perspectives, rapport provisoire, Ouagadougou, 2010, P60.
Tahirou BARRY : Les défis de la
motivation du personnel dans l'organisation : Cas de l'Université
d'Ouagadougou, Master II, Management des Ressources Humaines, IAPM, 2006,
75 P.
JEUNE VOLTA, « UGEV, spéciale
IXè congrès », 10 au 15 août 1979
IXè CONGRES. UGEV/M21,
« Deux mouvements, deux conceptions, deux plates-formes
d'union », août 1979
UGEV-AEVF-FEAN, « Deux pratiques,
deux lignes politiques au sein de l'AEVF ».
Observateur PAALGA, n°6150 du jeudi 27
mai 2004.
Le Pays, n°3135 du 31 mai 2004
L'Etudiant burkinabè, n°26-
novembre 1999
L'Etudiant burkinabè, n°27-
décembre 1999
L'Etudiant burkinabè, n° 28,
janvier 2000.
L'Etudiant burkinabè, n° 32,
avril 2000
TABLE DES MATIERES
DEDICACE I
REMERCIEMENTS II
SIGLES ET ABREVIATIONS
III
SOMMAIRE
1
INTRODUCTION GENERALE
2
PREMIERE PARTIE : ASPECTS
THEORIQUES
4
Chapitre 1: CADRE CONCEPTUEL ET METHODOLOGIQUE
5
Section 1 : Problématique
5
Paragraphe 1 : Justification du choix du
thème, problème et question générale de recherche
6
A. Justification du choix du thème
...........................................................................6
B. Problème général 7
C. Question générale 7
Paragraphe 2 : Revue de littérature
7
A. Le rôle et la place de l'école dans
la société. 8
B. L'Université et la contestation politique
10
C. Ligne idéologique et politique des
syndicats enseignants et étudiants burkinabè 13
D. Conditions socio-économiques des
étudiants et enseignants 17
E. Note finale de lecture 19
Paragraphe 3 : Problème, question
spécifique et hypothèses de recherche 20
A. Problème spécifique 20
B. Question spécifique 20
C.
Les objectifs de recherche 20
D. Les hypothèses de recherche
21
E. Intérêt de l'étude 21
F. La conceptualisation 22
Section 2 : méthodologie de recherche
25
Paragraphe 1 : Choix du site et population
d'étude
25
A. Choix du site
25
B. Population d'étude
25
Paragraphe 2 : Echantillonnage, outils et
techniques de collecte des données
26
A. Echantillonnage
26
B. Outils et techniques de collecte des données
26
Paragraphe 3 : Traitement des données,
difficultés et limites de l'étude
27
A. Traitement des données
27
B. Difficultés et limites de
l'étude..................................................................................................27
Chapitre 2 : Evolution du mouvement
étudiant et enseignant Burkinabé
29
Section 1 : Evolution du mouvement
étudiant Burkinabé
29
Paragraphe 1 : De1960 à 1971
30
Paragraphe 2 : De 1971 à 1983
32
Paragraphe 3 : De 1983 à nos jours
35
Section 2 : Le mouvement enseignant
Burkinabé 42
Paragraphe 1 : Contexte de naissance et
évolution
42
Paragraphe 2 : Le rôle du mouvement
enseignant dans l'évolution politique du pays
42
DEUXIEME PARTIE : FACTEURS
SOCIAUX ET POLITIQUES DE LA CRISE DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
46
Chapitre 1 : Les déterminants
sociaux de la crise de l'enseignement supérieur
47
Section 1 : La précarité des
conditions sociales d'existence et d'étude des étudiants
47
Paragraphe 1 : La dégradation des
conditions de vie
47
A. La réduction des allocations
d'études et la paupérisation de la masse estudiantine
49
B. Le revenu
51
C. Difficultés d'accès au logement et
à la santé
52
Paragraphe 2 : La dégradation des
conditions d'étude
54
Section 2 : Analyse des facteurs de frustration et de
contestation des enseignants du supérieur
58
Paragraphe 1 : Analyse des conditions de vie des
enseignants
58
Paragraphe 2 : Analyse des conditions de travail
des enseignants 60
Paragraphe 3 : La question de la valorisation du
statut des enseignants 62
A. L'amélioration de la grille salariale
62
B. La promotion de la carrière
65
Chapitre 2 : De la mission traditionnelle de
transmission du savoir à la lutte politique
67
Section 1 : Le syndicalisme
étudiant : entre mobilisation corporatiste et instrumentalisation
politique.
67
Paragraphe 1 : Condition de participation
à l'espace syndical et politique
67
Paragraphe 2 : Dynamique des luttes
universitaires pour la promotion des valeurs démocratiques 70
Section 2 : Articulation entre les franchises
universitaires et les crises universitaires
74
Paragraphe 1 : Généralité
sur les franchises universitaires
74
Paragraphe 2 : Représentation des acteurs
sur les Franchises Universitaires
75
CONCLUSION 80
BIBLIOGRAPHIE 82
ANNEXES
87
ANNEXES
Guide d'entretien adressé aux
étudiants
Age :
Sexe :
UFR / Filière :
Niveau d'étude :
Situation matrimoniale :
1- Quelle est votre appréciation de la crise
actuelle que traverse l'Université de Ouagadougou ?
......................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
2- Quelle est votre opinion sur les conditions de vie
et d'étude des étudiants ?
......................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
3- Quelles sont selon-vous les raisons politiques et
sociales qui poussent les étudiants à
manifester ?
.........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
4- Pouvez-vous nous faire un bref récit de
quelques luttes estudiantines sur le campus de Ouagadougou ?
........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
5- Quelle est votre opinion sur la question des
franchises universitaires ?
.....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
6- Que pensez-vous de la thèse de la
manipulation des élèves et étudiants par des forces
politiques et syndicales ?
.....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
.........................................................................................................
Guide d'entretien adressé aux
enseignants
Age :
Sexe :
UFR :
Grade :
Situation matrimoniale :
1- Quelle est votre appréciation de la crise
actuelle que traverse l'Université de Ouagadougou ?
.........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
2- Quelle est votre opinion sur les conditions
socio-économiques des enseignants du supérieur ?
.....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
.........................................................................................................
.........................................................................................................
3- Quelles sont selon-vous les raisons politiques et
sociales qui poussent les enseignants à manifester leur
mécontentement face à la dégradation de leurs conditions
socio-économiques?
.............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
.........................................................................................................
4- Pouvez-vous nous faire un bref récit de
quelques luttes des enseignants sur le campus d'Ouagadougou ?
............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
5 Quelle est votre opinion sur la question des
franchises universitaires ?
.............................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
6 Que pensez-vous de la thèse de la
manipulation des étudiants et enseignants par des forces politiques et
syndicales ?
....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
Guide d'entretien adressé aux
personnes ressources
Age :
Sexe :
Profession :
Situation matrimoniale :
1- Quelle est votre appréciation de la crise
actuelle que traverse l'Université de Ouagadougou ?
..........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
2- Quelle est votre opinion sur les conditions
socio-économiques des étudiants et enseignants du
supérieur ?
.........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
3- Quelles sont selon-vous les raisons politiques et
sociales qui poussent les enseignants et les étudiants à
manifester?
....................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................4-
Pouvez-vous nous faire un bref récit de quelques luttes des
étudiants et enseignants sur le campus d'Ouagadougou ?
.........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
5- Quelle est votre opinion sur la question des
franchises universitaires ?
...........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
6- Que pensez-vous de la thèse de la
manipulation des enseignants et étudiants par des forces politiques et
syndicales ?
..........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................
...............................................................................................................
* 1Fernand SANOU,
Maryvonne CHARMILLOT : L'éducation supérieure dans les
politiques éducatives en Afrique subsaharienne : Le cas du Burkina
Faso, PNUD, Ouagadougou ; FAPSE, Genève, 2009,
P4
* 2Marie Duru Bellat
Agnès, Henrricot Van Zanten, Sociologie de l'école, Paris, Armand
Collins, 1992, p.9.
* 3 Pierre
Bourdieu, l'école conservatrice, les inégalités
devant l'école et devant la culture, Revue Française de
sociologie, vol VII, 1966, p 325
* 4 Georges
SNYDERS, Ecole, classe et lutte des classes : une relecture critique de
Baudelot, Establet, Bourdieu, Passeron et Illich, Paris, PUF, 1982.
* 5 Paul NDA,
Pouvoir, lutte des classes : idéologie et milieu intellectuel
africain, Présence africaine.
* 6 Fernand SANOU:
Avant-propos pour une reforme de l'Education au Burkina Faso : les
intérêts des bureaucrates burkinabè dans l'école et
sa reforme, Annales de l'INSHUS et de l'INSULLA, Université de
Ouagadougou, 1986, P201.
* 7Alain Touraine
Lutte étudiante, Seuil, Paris 1978, p18.
* 8 Henri LEFEBVRE,
L'irruption de Nanterre au sommet, édition Anthropos, Paris, 1971 ;
P28
* 9 La revanche des
élèves et étudiants sur l'Etat et la société
civile, AKUT Conférence UPPSALA, oct. 1989.
* 10 MAMADOU
COULIBALY in Démocratisation, économie, et
développement : la place de l'enseignement supérieur ;
colloque 12-14 nov. 1991, Paris.
* 11Pascal
BIANCHINI, Crises de la scolarisation, mouvements sociaux et reformes des
systèmes d'enseignement en Afrique noire : cas du Burkina Faso et
du Sénégal (1966-1995), thèse de doctorat,
Université, Paris VII, 1997, 395cm, 30cm
* 12 BIANCHINI
Pascal, Crises de la scolarisation, mouvements sociaux et reformes des
systèmes d'enseignement en Afrique noire : cas du Burkina Faso et
du Sénégal (1966-1995), thèse de doctorat,
Université, Paris VII, 1997, 395cm, 30cm ; p86.
* 13 Cf. HAMIDOU
Diallo, le rôle du mouvement étudiant dans l'évolution
politique du Burkina Faso 1960-1983 ; in D'ALMEIDA-TOPOR, COQUERY
VIDROVITCH ; Les jeunes en Afrique : La politique et la ville, tome2,
l'Harmattan, 1992.
* 14 Jeune Volta,
Spécial VIIIè congrès ; 12, 13, 14 et 15 Aout
1977 ; P120.
* 15 John David
KERE, Syndicat et pouvoir au Burkina Faso, Mémoire de DEA,
université de Bordeaux février 1988
* 16 KORBEOGO
Gabin, Logiques sociales et participation à l'espace syndical
étudiant : cas de la FLASHS, mémoire de maîtrise en
sociologie, Université de Ouagadougou, Département de Sociologie,
1997
* 17 BIANCHINI
Pascal, Crises de la scolarisation, mouvements sociaux et reformes des
systèmes d'enseignement en Afrique noire : cas du Burkina Faso et
du Sénégal (1966-1995), thèse de doctorat,
Université, Paris VII, 1997, 395cm, 30cm
* 18 Fernand
SANOU, Maryvonne CHARMILLOT : L'éducation supérieure dans
les politiques éducatives en Afrique subsaharienne : Le cas du
Burkina Faso, PNUD, Ouagadougou ; FAPSE, Genève,
2009, P4
*
19Méthodes des sciences sociales,
éditions Dalloz, 1984, p307.
* 20 Essai de MAX
sur le concept de politique.
* 21 In Claude
LECLERCQ : Droit constitutionnel et institutions politiques, Ed Bitec,
Paris, 1990, p48-49
* 22
Définition.ptidico.com/crise.html
* 23 Cité
par Albert OUEDRAOGO, Abdoulaye TRAORE : Etude crises
Universitaires: Etat des lieux et perspectives, rapport provisoire, 2010,
P15.
* 24 Enseignement
supérieur et développement socioéconomique dans les pays
d'Afrique de l'Ouest : Exemple des Universités du Burkina
Faso ; Réseau Ouest et Centre Africain de Recherche en Education
(ROCARE), Juin 2007, Pvii.
* 25
WWW.studyrama.be/spip.php
* 26 Document du
IXè congrès de l'UGEV, p 47.
* 27 HAMIDOU
Diallo, le rôle du mouvement étudiant dans l'évolution
politique du Burkina Faso 1960-1983 ; in D'ALMEIDA-TOPOR, COQUERY
VIDROVITCH ; Les jeunes en Afrique : La politique et la ville, tome2,
l'Harmattan, 1992 ; p315.
* 28 Idem,
p316
* 29 UGEV VIIIe
congrès. P 20
* 30 Rapport du
`'M21'' sur le `'IX congrès de l'UGEV ; une ouverture commune, deux
clôture différentes'' P4
* 31 Idem
P4
* 32 Rapport du
`'M21'' sur le `'IX congrès de l'UGEV ; une ouverture commune, deux
clôture différentes''
* 33
L'étudiant Burkinabé, n°29, février 2000, p7.
* 34 BIANCHINI
Pascal, Crises de la scolarisation, mouvements sociaux et reformes des
systèmes d'enseignement en Afrique noire : cas du Burkina Faso et
du Sénégal (1966-1995), thèse de doctorat,
Université, Paris VII, 1997, 395cm, 30cm ; p86.
* 35 Conseil
syndical extraordinaire, 6-7 juin 1981, La Voix des
enseignants, 60, 1980-81 : P 6-7
* 36 SNEAHV,
Travaux du XXVIIIe congrès tenu à Bobo Dioulasso du 2 au 7
août 1983 : P116.
* 37Fernand SANOU,
Maryvonne CHARMILLOT, l'éducation supérieure dans les politiques
éducatives en Afrique subsaharienne : Le cas du Burkina
Faso, PNUD, Ouagadougou ; FAPSE, Genève, 2009,
P15
* 38 Entretien
avec O.M enseignant à l'UFR SEG ; le12/02/2011
* 39 Entretien
avec S.M responsable du SYNDEC ; le 13/02/2011
* 40Fernand
SANOU, Maryvonne CHARMILLOT, l'éducation supérieure dans les
politiques éducatives en Afrique subsaharienne : Le cas du Burkina
Faso, PNUD, Ouagadougou ; FAPSE, Genève, 2009,
P10.
* 41 Idem,
P15.
* 42 Etudiant
burkinabè, novembre 1999, n°26.
* 43 Entretien
avec M.S enseignant à l'UFR/SH; le 20/02/2011
* 44 Le Pays du
Lundi du 31 Mai 2004 ; n°3135
* 45 Pr Albert
OUEDRAOGO, Dr Abdoulaye TRAORE : Etude sur les crises
Universitaires : Etat des lieux et perspectives, Rapport provisoire,
Ouagadougou, 2010. P14
* 46 KORBEOGO
Gabin, Logiques sociales et participation à l'espace syndical
étudiant : cas de la FLASHS, mémoire de maîtrise en
sociologie, Université de Ouagadougou, Département de Sociologie,
1997 ; P38.
* 47 Centre
national des oeuvres universitaires (CENOU), site web.
http://www.cenou.bf; p.2,
cité par Pr Albert OUEDRAOGO, Dr Abdoulaye TRAORE in Etude sur les
crises Universitaires : Etat des lieux et perspectives, Rapport
provisoire, Ouagadougou, 2010. P27
* 48 Albert
OUEDRAOGO, Abdoulaye TRAORE : Etude crises
Universitaires: Etat des lieux et perspectives, rapport provisoire, 2010,
P32.
* 49In Institut
de Développement Economique, Banque Mondiale, «coûts,
financements, et efficacité des universités de l'Afrique
subsaharienne francophone»... La place de l'enseignement ...
* 50 Selon
l'expression de Pascal Bianchini (1997)
* 51 Education
in sub -Saharan Africa. A World Bank Policy study, Washington, 1988, p 77. In
le financement de l'éducation dans les pays en
développement. « Les options », Banque
Mondiale, 1986
* 52 Le Monde du 5
février 2009, Les universités africaines saturées et
démunies, P3.
* 53 KASONGO Ngoy
Makita Makita : Capital scolaire et pouvoir social en Afrique :
à quoi sert le diplôme universitaire, Paris, l'Harmattan, 1958,
215p
* 54
Déclaration du Cadre des Partis d'Opposition, dans l'Observateur Paalga;
le 13 juin 2009
* 55 Entretien
avec AT ancien responsable de l'ANEB ; le 20/02/2011
* 56
L'éducation supérieure dans les politiques éducatives en
Afrique subsaharienne : Le cas du Burkina Faso ;
Fernand Sanou, PNUD, Ouagadougou ; Maryvonne Charmillot, FAPSE,
Genève, 2009
* 57 Entretien
avec AM enseignant à l'UFR/SH; le 21/02/2011
* 58 Fernand
SANOU, Maryvonne CHARMILLOT, l'éducation supérieure dans les
politiques éducatives en Afrique subsaharienne : Le cas du Burkina
Faso, PNUD, Ouagadougou ; FAPSE, Genève, 2009,
P16
* 59 Il existe
une disparité des ratios étudiants/enseignants entre l'ensemble
des universités y compris les trois universités publiques:
l'Université Polytechnique de Bobo avec 12 étudiants par
enseignant, l'Université de Koudougou avec 55 étudiants par
enseignant et l'Université de Ouagadougou avec 60 étudiants par
enseignant (MESSRS, 2007).
* 60Fernand
SANOU, Maryvonne CHARMILLOT : L'éducation supérieure dans
les politiques éducatives en Afrique subsaharienne : Le cas du
Burkina Faso, PNUD, Ouagadougou ; FAPSE, Genève,
2009, P15.
* 61 Tahirou
BARRY : Les défis de la motivation du personnel dans
l'organisation : cas de l'Université de Ouagadougou ; DESS,
management des Ressources Humaines, IAPM, 2007, P49.
* 62 Entretien
avec M.S responsable du SYNADEC; le 20/02/2011
* 63 Entretien
avec MS, SG du SYNADEC; le 20/02/2011
* 64 Entretien
avec MS SG du SYNADEC, Faso. Net ; le 19 janvier 2011
* 65 Fernand
SANOU, Maryvonne CHARMILLOT: L'éducation supérieure dans les
politiques éducatives en Afrique subsaharienne : Le cas du Burkina
Faso, PNUD, Ouagadougou ; FAPSE, Genève, 2009,
P16.
* 66 Entretien
avec Laya SAWADOGO, ancien Ministre des enseignements secondaires,
supérieur et de la recherche scientifique ; le 21/02/2011
* 67 Michel
Crozier et Erhard Friedberg : L'acteur et le système,
éditions du seuil, Paris 1977, P45.
* 68 HIEN Ollo
Pépin : Individus et Participation à l'espace public en pays
Lobi : De la révolution à la démocratie.
Mémoire de maîtrise en sociologie, Université de
Ouagadougou, Département de Sociologie, janvier 2004 ; P23.
* 69 Entretien
avec OE étudiant en 3e année de sociologie à
l'UFR/SH; le 15/02/2011
* 70 Entretien
avec KD étudiant en 4e année de droit à
l'UFR/SJP; le 15/02/2011
* 71 Claude
CISSAO, L'association des étudiants burkinabè en France, P187 in
D'ALMEIDA-TOPOR, COQUERY VIDROVITCH ; Les jeunes en Afrique : La
politique et la ville, tome2, l'Harmattan, 1992.
* 72 Entretien
avec VS ancien dirigeant de l'UGEV
* 73 Le
président de l'ANEB dans un quotidien de la place affirme que :
«l'ANEB est le bras droit du Collectif».
* 74 Pascal
BIANCHINI, Crises de la scolarisation, mouvements sociaux et reformes des
systèmes d'enseignement en Afrique noire : cas du Burkina Faso et
du Sénégal (1966-1995), thèse de doctorat,
Université, Paris VII, 1997, P239.
* 75 Elle a
été mise en place pendant la crise née du drame de Sapouy.
Elle dépose son rapport et fait des recommandations pour une sortie de
crise.
* 76 L'Etudiant
Burkinabè, n°27- décembre 1999, p4.
* 77 Entretien
avec Laya SAWADOGO ; ancien Ministre des enseignements secondaire,
supérieur et de la recherche scientifique ; le 21/02/2011
* 78 Entretien
avec TC enseignant à l'UFR/SVT; le 27/02/2011
* 79 Michel
Crozier et Erhard Friedberg : L'acteur et le système,
éditions du seuil, Paris 1977; P202.
* 80 Entretien
avec Laya SAWADOGO ; ancien Ministre des enseignements secondaire,
supérieur et de la recherche scientifique ; le 21/02/2011
* 81 Entretien
avec K.J étudiant en 6è année en médecine à
l'UFR/SDS; le 28/02/2011.
* 82 Article 10
de la PSU, Le Pays du lundi 31 mai 2004, N°3135.
* 83 Le Pays du
lundi 31 mai 2004, N°3135.
* 84 BIANCHINI
Pascal, Crises de la scolarisation, mouvements sociaux et reformes des
systèmes d'enseignement en Afrique noire : cas du Burkina Faso et
du Sénégal (1966-1995), thèse de doctorat,
Université, Paris VII, 1997, 395cm, 30cm