II.1.2.2. Le cas de la
congruence du placement avec l'intrigue du film
En 2002, Russell s'est attachée à étudier
l'influence que détient le degré de congruence des placements de
produits avec l'intrigue des films sur la mémorisation et sur l'attitude
du consommateur. Elle remarque que l'absence de corrélation entre les
mesures de la mémoire et de l'attitude met en doute le postulat selon
lequel un taux de rappel élevé entraîne une attitude
favorable, et suggère que cette relation n'est pas nécessairement
linéaire.
Aussi, l'auteur met en avant deux facteurs importants pour la
mémorisation et le changement d'attitude : la modalité des
placements (auditif ou visuel) et le degré d'intégration de ces
derniers avec l'intrigue du film. Elle note que les modalités de
diffusion des messages sont importantes à prendre en compte car ce sont
elles qui vont déterminer l'impact du stimulus et donc
l'intégration cognitive de l'information chez le spectateur. En outre,
elle précise que le degré de rapport avec l'intrigue, donc de
congruence, a un rôle essentiel dans l'efficacité du placement.
Ses travaux montrent que la relation entre la mémoire et l'attitude
n'est pas linéaire : ce n'est pas parce qu'une personne se souvient
d'avoir vu ou entendu une marque que son attitude face à cette marque va
pour autant changer.
Changement d'attitude faible
Placement visuel
Placement auditif
Changement d'attitude fort
Placement peu congruent
Placement congruent
A partir des résultats de son étude, elle
propose un schéma afin de mettre en évidence le changement
d'attitude en fonction de l'interaction entre modalité de diffusion et
degré de congruence.
Figure 2. L'influence de la modalité et de la congruence
d'un placement de produits sur le changement d'attitude du consommateur.
Russell Cristel Antonia (2002)
Placements peu congruents :
Lorsqu'ils sont cités par un des personnages, les
placements qui ne sont pas en concordance avec l'intrigue obtiennent des scores
de changement d'attitude faibles, mais le changement est important lorsque l'on
place le produit ou la marque d'une manière visuelle.
Placements congruents :
Le phénomène observé est inverse.
Lorsqu'ils sont cités par un des personnages, les placements qui sont en
accord avec l'intrigue du film provoquent un changement d'attitude chez le
consommateur, mais ils ne semblent pas efficaces lorsqu'ils ne sont que
montrés visuellement.
Les résultats supportent les théories
précédemment existantes. En effet, Friedstad et Wright avaient
démontré en 1995 que lorsque la modalité de
présentation d'une marque n'est pas en accord avec le degré de
congruence, le spectateur tend à réfléchir aux raisons de
cette présence et se protège. De leur côté, Campbell
et Kirmani ont montré en 2000 qu'en revanche, lorsque la modalité
et le degré de congruence concordent, le placement apparaît comme
naturel. De ce fait, le spectateur fait moins d'effort pour analyser la raison
de la présence de la marque, et change donc plus facilement
d'attitude.
Le fait que les placements visuels peu congruents sont moins
mémorisés mais amènent à des changements d'attitude
plus conséquents sont en accord avec le modèle de
probabilité d'élaboration (« Elaboration Likelihood
Model ») de Petty, Cacioppo et Schumann (1983) ainsi qu'avec l'effet
de simple exposition (« Mere Exposure Effect ») de Zajonc
(1968).
Des résultats de cette étude on pourrait
recommander deux stratégies de placement de produits tout autant
efficaces en termes de persuasion mais radicalement différentes :
un placement audio en relation directe avec l'intrigue, ou un placement visuel
qui n'a pas de lien avec l'intrigue, dans le décors ou en tant
qu'accessoire. La première stratégie est évidemment la
plus onéreuse et demande le plus de travail dans les relations entre
l'annonceur et l'équipe du film. En outre il est possible qu'elle soit
moins bien acceptée, et le risque de rejet est important si le placement
est « déplacé », ou mal intégré
dans l'intrigue. Un placement visuel discret semble donc être l'option la
plus réaliste, représentant un investissement et un risque
moindres.
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