INTRODUCTION
L'accès à l'eau en quantité et en
qualité satisfaisante demeure incontestablement un élément
de survie majeur qui conditionne le développement économique et
social des collectivités humaines. La maitrise de l'eau constitue une
des clés du développement durable et un défi majeur pour
les sociétés contemporaines actuelles. Ainsi, en Côte
d'Ivoire, l'importance des ressources en eau dans l'économie ne cesse de
croître, tandis que sa disponibilité et sa qualité se
réduisent progressivement tant en raison des aléas climatiques et
de la pollution, que de l'accroissement rapide de la population. Cette
situation a engendré une pression sans précédent sur
l'industrie de l'eau. Elle a contraint les gouvernants à opter pour une
politique axée vers le renforcement des systèmes de production
d'eau, notamment à travers la réalisation de nouveaux champs
captants et la mise en place d'unités industrielles
supplémentaires de production d'eau potable, entrainant ipso facto, un
accroissement continu des flux de ressources entrant dans le cycle anthropique
de l'eau.
Parallèlement, le contexte actuel marqué par la
prise de conscience générale de l'importance de la protection de
l'environnement et des impacts causés par les produits et
procédés, justifie grandement la légitimité et la
pertinence de l'intérêt porté vers la problématique
des impacts potentiels et coûts environnementaux découlant des
services d'approvisionnement en eau potable. En effet, la fourniture en eau
potable en dépit de son apparence simple, résulte
généralement de processus impliquant divers aspects susceptibles
de présenter des incidences potentielles sur l'environnement.
Malheureusement, en dehors de quelques études limitées aux pays
européens, l'impact des systèmes de production d'eau potable sur
l'environnement demeure encore peu documenté voire totalement
négligé, notamment dans les pays africains. Cette situation
présente un aspect fort dommageable dans la mesure où il est
prouvé que la durabilité de toute pratique industrielle est
clairement tributaire de la prise en compte et de l'intégration de la
dimension environnementale autant dans sa conception que dans les
mécanismes décisionnels inhérents à sa mise en
oeuvre.
La présente étude guidée par la
problématique énoncée plus tôt, envisage d'apporter
des éléments de réponse susceptibles de combler cette
lacune, en proposant une analyse environnementale détaillée,
appliquée à une unité industrielle de production d'eau
potable de la Société de Distribution d'Eau de Côte
d'Ivoire (SODECI) : l'usine Nord-Riviera. Elle trouve sa motivation dans
l'engagement vers la démarche QSE (Qualité,
Sécurité, Environnement) initiée par cette entreprise
depuis Aout 2009.
L'analyse envisage ainsi d'identifier des pistes de solutions
viables afin d'accroitre la performance environnementale du système de
production, tout en s'inscrivant dans un cadre global orienté vers
l'élaboration d'un système de gestion environnementale à
l'échelle de cette structure industrielle.
Elle s'appuie sur une technique développée dans
ce but et promue par le Programme des Nations Unies pour l'Environnement
(PNUE) : l'analyse du cycle de vie (ACV). L'analyse de cycle de vie se
définit comme une méthode permettant d'évaluer les impacts
environnementaux liés à un service, un produit ou un
procédé, durant son cycle de vie, de l'extraction des
matières premières à l'élimination du produit, en
passant par toutes les étapes de production et d'utilisation, selon un
principe dit « du berceau à la tombe ». L'ACV
exprime la charge environnementale totale d'un produit (ici, l'eau
traitée et distribuée sur le réseau,
considérée comme produit final du processus de production
industriel). C'est un outil d'aide à la décision qui permet de
définir les actions prioritaires en tenant compte de leurs impacts
environnementaux, des coûts et des contraintes qu'elles impliquent. Ses
principales applications sont :
- l'analyse de la contribution des étapes de cycle de
vie à la charge environnementale globale, dans le but d'identifier les
priorités en termes d'améliorations sur des produits ou des
processus ;
- et la comparaison des performances environnementales des
produits.
L'analyse de cycle de vie (ACV) est une technique relativement
jeune, popularisée dans les pays développés à
partir des années 1990, bien qu'elle reste encore globalement inconnue
des pays africains. En dépit de cet aspect, sa méthodologie et
ses caractéristiques apparaissent totalement appropriés à
la problématique et aux objectifs poursuivis par cette étude.
Elle est mise en oeuvre dans ce document, au sein d'une démarche
comportant trois points majeurs :
- une section liminaire exposant les
généralités inhérentes à la présente
étude ;
- une seconde section présentant la description de
l'approche méthodologique de l'analyse de cycle de vie,
- et enfin, l'analyse de cycle de vie proprement dite, du
système de production considéré.
PREMIERE PARTIE :
GENERALITES
I. PRESENTATION DE LA
SOCIETE DE DISTRIBUTION D'EAU DE LA COTE D'IVOIRE (SODECI)
1. Historique et domaines
d'activités de la SODECI
Jusqu'à la fin des années 1950, le service
public de l'eau en Côte d'Ivoire, relevait de la responsabilité
d'une société d'État. A partir des indépendances,
la nécessité d'une plus forte organisation, susceptible de
répondre efficacement aux besoins croissants d'une population en pleine
expansion, motive l'état ivoirien a lancé un appel d'offres afin
de trouver une société correspondant à ses objectifs. La
SAUR, filiale du groupe Bouygues obtient le contrat de distribution de l'eau
potable à la ville d'Abidjan, le 1er octobre 1959, avec
obligation de créer une société de droit ivoirien. Ces
conditions prévalent le 27 septembre 1960, à la création
de la Société de Distribution d'Eau de la Côte d'Ivoire ou
SODECI, en charge de l'exploitation des installations d'eau et
l'approvisionnement en eau potable de la ville d'Abidjan pour une durée
de trente ans.
A partir de 1973, l'initiation par les pouvoirs publics d'un
vaste programme d'hydraulique nationale, signe l'envol de la SODECI à
travers l'extension de ses missions à l'ensemble du pays. En octobre
1987, à la faveur de la crise nationale survenant dans le secteur de
l'AEP, une nouvelle négociation entre l'Etat ivoirien et la SODECI se
solde par la signature d'un contrat de concession, qui attribue à la
SODECI, le service de distribution publique d'eau potable, exclusivement en
zone urbaine dans l'ensemble du pays.
Selon les termes de ce contrat, L'État ivoirien,
autorité concédante :
- conserve la propriété des infrastructures ;
- élabore la politique nationale de l'eau ;
- conserve le pouvoir de décision concernant la
politique tarifaire proposée par la SODECI ;
- assure la cogestion, avec la SODECI, du Fonds National de
l'Eau (FNE) destiné à financer les investissements
d'infrastructures du secteur ;
- assure la supervision des travaux effectués par la
SODECI, et plus généralement, le contrôle de l'ensemble des
activités de la SODECI.
Tandis que l'entreprise reste :
- responsable des actifs immobilisés qui lui sont
confiés ;
- responsable de l'exploitation et de la maintenance des
installations placées sous sa responsabilité dans le cadre du
contrat de concession ;
- responsable de la qualité et de la continuité
des produits et services fournis ;
- assure la cogestion, avec l'état ivoirien, du Fonds
national de l'eau, destiné à financer les investissements
d'infrastructures du secteur.
A partir de 1987, la SODECI se verra également
confiée la responsabilité des services d'assainissement et
d'entretien du réseau de drainage, précédemment
attribués à la société d'équipement des
terrains urbains ou SETU (dissoute au débit des années 1980 suite
à des difficultés de gestion) puis à la DCGTx (Direction
de Contrôle des Grands Travaux). Les activités de la SODECI
couvrent ainsi, deux domaines principaux :
- l'hydraulique urbaine à travers la production
à partir de de nappes souterraines ou de sources surfaciques, le
traitement selon les directives de l'OMS, et la distribution de l'eau potable
aux villes et villages ayant un réseau d'eau ;
- l'assainissement liquide à travers l'entretien et
l'exploitation du réseau d'eaux usées et l'entretien des stations
d'épurations et de relèvement des eaux usées
La SODECI offre à la Côte d'Ivoire un
système d'alimentation en eau potable, moderne et très performant
comparativement aux autres systèmes d'Afrique occidentale (BURGEAP &
PUIUR, 2011), capable de faire face grâce à des investissements
adéquats à la forte croissance de la demande. Par ailleurs, la
politique de vente de l'eau axée sur le branchement individuel a produit
suffisamment de revenus pour subventionner l'expansion et le
développement des systèmes urbains d'alimentation en eau dans
tout le pays.
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