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Modification des propriétés physico-chimiques du sol par les vers de terre endogés géophages: rôle des attributs fonctionnels

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par Yannick Diby Armel BAIDAI
Université Nangui Abrogoua - Master II - Biodiversité 2012
  

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UFR des Sciences de la Nature

Année académique : 2012 - 2013

Université Nangui Abrogoua

REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE

Union - Discipline - Travail

Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique

Mémoire pour l'obtention du MASTER II de Biodiversité

Thème :

MODIFICATION DES PROPRIETES PHYSICO-CHIMIQUES DU SOL PAR LES VERS DE TERRE ENDOGES GEOPHAGES : RÔLE DES ATTRIBUTS FONCTIONNELS

Par :

BAIDAI Yannick Diby Armel

(Maître ès Sciences de la Nature)

Soutenu le 05 Juillet 2013 devant le jury composé de :

Président :

Pr. ZORO BI Irié A., Professeur Titulaire

Directeur scientifique :

Pr. TONDOH E. Jérôme, Maître de Conférences

Rapporteur :

Pr. ZIAO Nahossé, Maître de Conférences

Examinateur :

Dr. TIHO Seydou, Maître-Assistant

TABLE DES MATIERES

DEDICACE II

REMERCIEMENTS III

ABSTRACT IV

RESUME V

LISTES DES FIGURES VI

LISTE DES TABLEAUX VII

INTRODUCTION 1

I. REVUE DE LITTERATURE 4

1. Modification des propriétés physiques et de la morphologie du sol par les vers de terre géophages 4

1.1. Influence sur la porosité et le fonctionnement hydrodynamique du sol 4

1.2. Influence sur la stabilité structurale du sol 6

2. Influence des vers de terre géophages sur la séquestration de la matière organique du sol 8

II. MILIEU D'ETUDE 10

1. Localisation géographique du site d'étude 10

2. Climat 11

2.1. Précipitations 11

2.2. Températures 11

3. Caractéristiques environnementales 12

3.1. Végétation 12

3.2. Sols 12

3.3. Peuplements de vers de terre 12

III. APPROCHE METHODOLOGIQUE 13

1. Sélection et description du matériel biologique 13

1.1. Hyperiodrilus africanus (Eudrilidae) 13

1.2. Millsonia omodeoi (Acanthodrilidae) 13

1.3. Dichogaster terraenigrae (Acanthodrilidae) 14

1.4. Récolte des vers de terre 15

2. Dispositif expérimental 15

3. Inoculation des vers de terre 16

4. Collecte des données et mesures 20

4.1. Mesures des paramètres physiques du sol 20

4.1.1. Vitesse d'infiltration de l'eau 20

4.1.2. Densité apparente du sol 21

4.1.3. Résistance à la pénétration (pénétrométrie) 22

4.1.4. Distribution par classes de taille des agrégats (séparation granulométrique) et estimation du diamètre moyen pondéral (MWD) 22

4.2. Mesures des stocks de carbone et d'azote dans le sol 23

5. Analyses Statistiques 23

IV. RESULTATS ET DISCUSSION 24

1. Résultats 24

1.1. Survie et reproduction des populations de vers de terre 24

1.2. Paramètres physiques du sol 24

1.2.1. Vitesse d'infiltration 24

1.2.2. Densité apparente du sol 27

1.2.3. Résistance à la pénétration 27

1.2.4. Distribution du sol en classes d'agrégats et diamètres moyens pondéraux (MWD) 29

1.3. Impact des vers de terre sur le stockage du carbone organique et de l'azote total du sol 31

1.3.1. Impact des vers de terre sur les stocks de carbone du sol 31

1.3.2. Impact des vers de terre sur les stocks d'azote du sol 32

2. Discussion 33

2.1. Impact des vers de terre sur les propriétés physiques du sol 33

2.2. Effets de la richesse spécifique et des attributs fonctionnels des vers de terre sur le fonctionnement du sol 35

2.3. Influence des vers de terre sur les stocks en carbone et en azote du sol. 37

CONCLUSION 39

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 40

ANNEXES 54

DEDICACE

Loué soit le nom du Seigneur, Dieu tout-puissant qui a permis l'accomplissement de ces travaux.

Qu'à travers eux, ma famille soit honorée.

« Amat victoria curam »

REMERCIEMENTS

Ce présent travail a été réalisé dans le cadre du projet « CSM - BGBD » (Conservation and Sustainable Management of Below-Ground Biodiversity). Son aboutissement résulte du concours de nombreuses personnes qu'il m'est agréable de remercier.

Mes remerciements les plus sincères vont à l'endroit du Professeur Jérôme TONDOH E., Maître de Conférences à l'Université Nangui Abrogoua, pour avoir bien voulu m'encadrer et me transmettre le goût de la recherche, de la découverte, de la science et de la sagesse.

Je tiens à adresser mes remerciements au Dr Souleymane KONATE, Responsable du DEA de Gestion et Valorisation des Ressources Naturelles, pour avoir autorisé mon inscription.

Je remercie le Docteur Martine TAHOUX, Directrice du Centre de Recherche en Ecologie (CRE), pour m'avoir accueilli dans ce centre, m'offrant ainsi un cadre propice pour la réalisation de ces travaux.

Je tiens également à exprimer ma profonde reconnaissance aux honorables membres du jury de ce présent mémoire, notamment le Professeur ZORO BI Irié A., Professeur titulaire à l'université Nangui Abrougoua, le Professeur ZIAO Nahossé, Maître de Conférences à l'université Nangui Abrougoua, ainsi que le Docteur TIHO Seydou, Maître-Assistant à l'université Nangui Abrougoua ; pour leur disponibilité, leurs conseils avisés et leurs judicieuses remarques.

Je ne saurais taire le nom de tous ceux qui m'ont apportés leurs inestimables services pendant le déroulement de ce travail. Il s'agit entre autres, de Martinez GUEI, Siagbé GOLLI, Edgar GBAKPA, Serges KASSI, Aurore KABLAN et toute la communauté du village de GOULIKAO pour tous les conseils, l'hospitalité, la chaleur et l'ambiance qu'ils ont su apporter pendant toute la durée du stage qui a abouti à l'élaboration de ce document.

Je voudrais, exprimer particulièrement mon infinie gratitude à mes parents pour toute l'affection, l'assistance et le soutien dont je ne cesse de bénéficier. Que Dieu leur en soit généreux.

Enfin, qu'ils soient infiniment remerciés, tous ceux, Amis et Frères, qui de près ou de loin ont bien voulu contribuer de quelque manière que ce soit, à la réalisation et à la conception de ce mémoire.

ABSTRACT

A short-term field mesocosms experiment was performed in semi-deciduous forest areas of Ivory Coast to assess the impact of earthworm species with contrasting functional attributes, on soil properties. Three tropical earthworm species, namely Millsonia omodeoi, Dichogaster terraenigrae and Hyperiodrilus africanus, were inoculated in buckets filled with 9 kg of top soil (0-10 cm) from a 2 years old fallow, moistened and forced through a 2 mm sieve. The experimental design consisted in (i) treatments without earthworms, (ii) treatments with single species and (iii) treatments with mixed populations of 2 or 3 species. The results showed that indifferently of their species, earthworm's inoculation induced an increase from 22 to 77 %, of water infiltration rate in the soil. Moreover, they confirmed the implication of M. omodeoi and D. terraenigrae, in compaction processes of the soil, through the significant increase of penetration resistance in the layers 10-20 cm, induced by these two species (25, 43 and 64 % of increase compared to control, respectively for D. terraenigrae, M. omodeoi and their combination). This trend is opposed to the one which occurs in all treatments including H. africanus, where we could observed a notable decrease of this parameter (from 9 % for combination M. omodoei + H. africanus, to 47 % for H. africanus), underlining thus, the decompacting effect of this specie. In addition, this study highlighted the role of geophageous earthworms M. omodoei and D. terraenigrae in soil macroagregation processes, expressed through increases in 6 to 10 times the percentage of large aggregates, with a consequent augmentation of mean weight diameter values in all soils inoculated with these two species. The reduction of this parameter, recorded in treatments including simultaneously compacting species and H. africanus, indicates the importance of this specie in the disintegration phenomenon of soil. This study underlines the positive impacts of species richness and functional diversity in maintenance and regulation of soil functioning, supporting thus insurance hypothesis. Indeed, the conservation of species belonging to these two contrasting functional groups is essential for the maintenance of stable soil structure regulation in agro-tropical ecosystems.

Keywords: Earthworms; Physical properties; Compacting and decompacting species; Mesocosms.

RESUME

Une expérimentation en mésocosmes a été conduite afin d'évaluer les impacts à court terme, de 3 espèces de vers de terre caractérisées par des attributs fonctionnels contrastés, sur des propriétés spécifiques du sol. Les trois espèces sélectionnées (Millsonia omodeoi, Dichogaster terraenigrae et Hyperiodrilus africanus) ont été inoculées dans des seaux remplis de 9 kg de terre conditionnée, provenant de la couche supérieure (0-10 cm) d'une jachère de 2 ans. Le dispositif expérimental était constitué (i) de traitements sans ver de terre, (ii) de traitements avec une seule espèce et (iii) de traitements plurispécifiques consistant en combinaisons de 2 ou 3 espèces de vers. Les résultats ont révélé que l'inoculation de vers de terre induisait indifféremment de l'espèce, une stimulation de 22 à 77 %, de l'infiltration de l'eau dans le sol. Ils confirment en outre, l'implication de M. omodeoi et D. terraenigrae dans les phénomènes de compaction du sol, à travers les augmentations très significatives de la résistance à la pénétration dans les strates 10-20 cm, induites par ces deux espèces (25, 43 et 64 % d'augmentation par rapport au témoin, respectivement pour D. terraenigrae, M. omodeoi et leur association). Cette tendance s'oppose à celle enregistrée dans tous les traitements incluant l'espèce H. africanus, dans lesquels on a observé une réduction remarquable de ce paramètre (variant entre 9 % pour l'association M. omodoei + H. africanus, et 47 % pour H. africanus), et soulignant de fait le caractère décompactant de cette espèce. Par ailleurs, l'étude a mis en évidence le rôle prépondérant des géophages M. omodoei et D. terraenigrae dans les processus de macroagrégation du sol, s'exprimant à travers des accroissements de 6 à 10 fois le pourcentage d'agrégats de diamètre supérieurs à 2 mm, d'où une élévation subséquente des diamètres moyens pondéraux dans les sols inoculés avec ces deux espèces. La réduction de ce paramètre, enregistrée dans les traitements incluant simultanément les espèces à effet compactant et H. africanus, indique le rôle de cette espèce dans les phénomènes de désagrégation du sol. Cette étude souligne ainsi, les impacts positifs de la richesse spécifique et de la diversité fonctionnelle dans le maintien et la régulation du fonctionnement du sol, supportant en partie l'hypothèse d'assurance. En effet, la préservation d'espèces appartenant à ces groupes fonctionnels contrastés apparait essentielle pour le maintien et la régulation de la structure physique du sol dans les écosystèmes.

Mots clés : Vers de terre ; Structure physique du sol ; Espèces compactantes et décompactantes ; Mésocosmes.

LISTES DES FIGURES

Figure 1 : Carte de situation et de localisation du site d'étude 2

Figure 2 : Diagramme ombrothermique sur 20 ans (1987 - 2007) et au cours des années 2008 et 2009 11

Figure 3 : Hyperiodrilus africanus adulte 14

Figure 4 : Turricules de type décompactant 14

Figure 5 : Millsonia omodoei adulte 14

Figure 6 : Dichogaster terraenigrae adulte 14

Figure 7 : Turricules de type compactant 14

Figure 8 : Unité expérimentale 17

Figure 9 : Dispositif expérimental dans chaque jachère identifiée 17

Figure 10 : Dispositif de mesure de vitesse d'infiltration 21

Figure 11 : Influence de l'activité des vers de terre sur la dynamique de l'infiltration de l'eau dans le sol 26

Figure 12: Variation de la vitesse moyenne d'infiltration de l'eau dans le sol en fonction des traitements. 26

Figure 13 : Variation de la densité apparente des strates 0 - 10 cm et 10 - 20 cm en fonction des traitements. 28

Figure 14 : Variation de la résistance à la pénétration des strates 0 - 10 cm et 10 - 20 cm en fonction des traitements 28

Figure 15: Distribution des agrégats en fonction des traitements dans les strates 0 - 10 cm (a) et 10 - 20 cm (b). 30

Figure 16 : Variation du diamètre moyen pondéral des agrégats dans les strates 0 - 10 cm et 10 - 20 cm en fonction des traitements 31

Figure 17 : Effets de la présence de vers de terre sur les stocks en carbone organique (a) et en azote total (b) du sol. 32

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Caractéristiques chimiques du sol d'élevage 2

Tableau 2 : Nombres d'individus de vers de terre inoculés par traitements 18

Tableau 3 : Biomasses (g) des vers de terre inoculés par traitements ( 19

Tableau 4 : Abondance, biomasse et taux de survie des vers de terre à la fin de l'expérimentation par traitements.. 25

INTRODUCTION

La structure du sol constitue un facteur déterminant de son fonctionnement des sols, de sa capacité à supporter la vie et à affecter la qualité de l'environnement, particulièrement à travers la séquestration du carbone et l'amélioration de la qualité de l'eau (Bronick et Lal, 2005). Elle a une contribution vitale dans la production durable d'aliments et le bien-être de l'ensemble de la société. De fait, elle peut être considérée comme un concept qualitatif ou un indice de qualité, faisant référence à une propriété intégrative du sol (Amézketa, 1999). Sa définition la plus acceptée est celle de Dexter (1988) qui en restant certes, très générale, prend néanmoins, en compte ses aspects aux diverses échelles d'organisations : « La structure du sol est l'hétérogénéité spatiale des différents constituants ou propriétés du sol ». Dexter (1988) assimile donc la structure à l'arrangement des particules ou des propriétés aux différents niveaux d'analyse du sol. Cet arrangement résulte d'une conjonction de nombreux facteurs biotiques et abiotiques.

Parmi les causes biologiques, l'activité « d'ingénieurs de l'écosystème » assurée par les vers de terre est depuis longtemps, reconnue comme l'un des processus les plus importants de formation et d'évolution des sols (Darwin, 1881; Blanchart, 1990; Lavelle et al., 1994; Blanchart et al., 1997; Blanchart et al., 2004). Par leurs activités mécaniques et métaboliques, les vers de terre affectent profondément les différents aspects de la structure physique du sol, et modifient la distribution, la disponibilité et l'accessibilité des éléments nutritifs dans le sol (Lee, 1985 ; Decaëns et al., 2001 ; Tapia-Coral et al., 2006).

Les effets de ces organismes sur les processus du sol varient considérablement avec l'importante diversité biologique, écologique et fonctionnelle qui les caractérise (Blanchart, 1990 ; Blanchart et al., 1999 ; Sheehan et al, 2006 ; Ernst et al, 2009). Cette diversité a permis de les classifier en différentes catégories écologiques (Bouché, 1971 ; Bouché, 1977 ; Lavelle, 1981). On distingue ainsi, les espèces épigées, endogées et les vers anéciques. Ces catégories se singularisent par une grande variété de réponses et d'effets potentiels induits sur les propriétés physiques, chimiques et sur le fonctionnement général du sol. Cependant, leur influence sur l'aspect physique du sol reste principalement modulée par les propriétés spatiales des galeries élaborées par les vers (Ehlers, 1975 ; Lee, 1985 ; Chan, 2004), et la morphologie des structures biogéniques qu'ils produisent (Blanchart et al., 1997; Lavelle et al., 1997; Hallaire et al., 2000).

Ainsi, depuis plusieurs décennies, deux groupes fonctionnels majeurs de vers de terre, différenciés selon le type de turricules rejetés, ont été identifiés dans les savanes humides : les espèces compactantes et les espèces à effet décompactant. Les vers compactants produisent des turricules de type globulaire, composés de sous-unités coalescentes, caractérisées généralement par un haut niveau de stabilité à l'inverse des turricules granulaires produits par les formes décompactantes. Ces derniers consistent en une accumulation de petites et de fragiles boulettes fécales à texture fine et facilement désagrégeable (Lavelle, 1978 ; Nooren et al., 1995). Les rôles complémentaires de ces deux groupes fonctionnels dans la régulation de la structure des sols de savanes de Lamto, en moyenne Côte d'Ivoire ont été confirmé par des études en mésocosmes (Blanchart et al., 1997). En soulignant le rôle de ces deux groupes dans la restauration de la structure macro-agrégée de sols déstructurés de savanes, ces auteurs ont montré que dans les sols naturels, leur activité synergique constitue un phénomène fondamental des processus de régulation et de maintien de la structure des sols. Des effets synergiques analogues ont été décrits par Sheehan et al. (2006), entre vers endogés et anéciques au niveau de la régulation des caractéristiques chimiques du sol, notamment au niveau de la teneur en nitrate. Ces effets se manifestent à travers une protection et une stabilisation de l'azote au sein des turricules de certaines formes, s'opposant à l'intense dénitrification intervenant à l'intérieur des turricules des autres espèces et qui aboutissent conjointement à la régulation de la teneur en nitrates du sol.

La pluralité caractéristique des effets des vers de terre sur les différents paramètres du sol illustre ainsi, l'influence complexe de ces organismes sur le fonctionnement du sol. Néanmoins, en dépit de leur importance vraisemblable dans le fonctionnement et la production durable des agroécosystèmes, l'hétérogénéité singulière qui caractérise les interactions entre les communautés de vers de terre et la structure physico-chimique du sol est restée relativement peu abordée par la littérature scientifique qui la relie classiquement à deux moteurs principaux : le groupe fonctionnel et la catégorie écologique du ver étudié.

Cette étude constitue un préalable aux perspectives d'utilisation des vers de terre comme biofertilisants dans les systèmes agricoles à faibles intrants répandus dans les pays en voie de développement. Elle vise principalement, à établir les relations qui existent entre les différents attributs fonctionnels de vers de terre, les paramètres physico-chimiques et le fonctionnement du sol. Elle est guidée par une conjecture générale découlant des observations antérieures de Schrader et Zhang (1997), Flegel et al. (1998) et de Loranger-Merciris et al. (2008), qui formule que la régulation de la structure physique et des propriétés chimiques du sol dans les agroécosystèmes résulteraient de la diversité des traits phénotypiques déterminant le rôle des vers de terre (ou attributs fonctionnels) présents dans le sol. La vérification de cette hypothèse s'est basée sur l'évaluation en conditions semi-naturelles, des impacts à court terme de l'activité de trois espèces tropicales de vers de terre endogés (Hyperiodrilus africanus, Millsonia omodeoi et Dichogaster terraenigrae) caractérisées par des exigences alimentaires et des groupes fonctionnels distincts, sur la structure du sol, ses propriétés hydrodynamiques et la séquestration de la matière organique du sol. Elle s'est plus spécifiquement articulée autour de deux axes distincts  (i) l'évaluation de l'influence des différentes espèces de vers de terre seules ou en association, sur des propriétés déterminant le niveau et l'état de structuration physique des sols, tels que le fonctionnement hydrodynamique (à travers notamment, l'estimation de la dynamique de l'infiltration de l'eau), le niveau de compaction, et la granulométrie ; (ii) l'estimation de la capacité des vers de terre à stocker le carbone organique et l'azote total dans les agroécosystèmes.

I. REVUE DE LITTERATURE

1. Modification des propriétés physiques et de la morphologie du sol par les vers de terre géophages

1.1. Influence des vers de terre géophages sur la porosité et le fonctionnement hydrodynamique du sol

Les vers de terre endogés géophages constituent la forme dominante des communautés de vers de terre des milieux tropicaux humides (Lavelle, 1978). Ils représentent la part la plus importante de la macrofaune du sol, en termes de biomasse. L'activité des formes endogées a été décrite comme ayant un impact majeur sur les caractéristiques physiques du sol. Ces ingénieurs de l'écosystème (Jones et al., 1994), améliorent la porosité, la macroagrégation, le drainage et la stabilité du sol par le biais de leurs activités mécaniques et métaboliques en l'occurrence le forage de galeries, l'ingestion et le rejet de terre, et la production de structures biogéniques (Blanchart, 1992 ; Gilot-Villenave et al., 1996 ; Ketterings et al., 1997 ; Blanchart et al., 1997, Blanchart et al., 2004).

Par leurs activités de consommation, les vers de terre peuvent ingérer jusqu'à 1 150 tonnes par hectare et par an dans les savanes humides (Lavelle, 1978). Les importantes quantités de terre transitant dans le tube digestif de ces organismes couplées à leurs déplacements verticaux et horizontaux dans les strates de sol engendrent des modifications majeures au sein de la morphologie du sol. Ils influencent ainsi, considérablement la formation et la distribution des pores du sol (Gaucher, 1968, Lee, 1985 ; Lavelle, 1988 ; Barros, 1999 ; Blanchart et al., 1999). En effet, l'ingestion et le rejet de particules organo-minérales à la surface provoque l'accroissement du volume de vides dans le sol, affectant la porosité à toutes les échelles d'observations. L'ingestion des composés organiques et minéraux, modifient les assemblages des particules élémentaires et la porosité résultante de ces assemblages, c'est-à-dire la microporosité (Shipitalo et Protz, 1989 ; Blanchart et al., 1993; Chauvel et al., 1999), tandis que les pores résultant de l'agrégation des déjections déposées dans le sol (pores de diamètre équivalent compris entre 30 ìm et 1000 ìm) représentent une grande partie de la mésoporosité (VandenBygaart et al., 2000). Cette porosité d'assemblage se différencie des réseaux de galeries par sa morphologie et son fonctionnement hydrique : une grande quantité d'eau et de solutés y circule, mais peut aussi y être retenue, d'où un impact évident sur la capacité de rétention hydrique. En outre, les galeries résultant de l'activité lombricienne améliorent la macroporosité du sol. Ces réseaux de macropores dont l'interconnexion est déterminée par la présence de mésopores (Lamandé et al., 2004), constituent des voies préférentielles d'écoulement (Ehlers, 1975 ; Bouché et Fathel Al-Addan, 1997 ; Trojan et Linden, 1998 ; Pérès, 2003) à travers lesquelles l'eau circule rapidement sous l'action de la gravité (Germann et al., 1984). L'influence des vers endogés sur la porosité se traduit ainsi par une amélioration subséquente de la perméabilité et du fonctionnement hydrodynamique du sol, bien que cette catégorie de vers n'élabore pas de réseaux de galeries aussi denses que ceux des anéciques (Casenave et Valentin, 1988) et rebouche souvent leurs galeries de leurs déjections (Blanchart, 1990 ; Gilot-Vilenave et al., 1996 ; Langmaack et al., 1999 ; Bastardie et al., 2003).

Cependant, Aina (1984) a observé que certains vers de terre par la production de biogènes compacts, peuvent entrainer des effets contraires sur les propriétés du sol, se traduisant par une baisse de l'infiltration et une augmentation de la densité du sol. Ces observations ont été corroborées par des études plus récentes qui ont montré que les effets des formes endogées de vers de terre sur les propriétés physiques du sol peuvent varier considérablement. Ainsi, en fonction de l'impact de leur activité sur la structure générale du sol, on distingue : les espèces « compactantes », et les espèces « décompactantes » (Blanchart et al., 1997 ; Lavelle et al., 1997 ; Hallaire et al., 2000). Blanchart (1990) rapporte que l'activité des vers endogés à effet compactant conduit à une augmentation du volume poral, de la capacité de rétention hydrique, de la stabilité structurale et à une réduction de la vitesse d'infiltration de l'eau dans le sol. A l'inverse, l'introduction de vers à effet décompactant entraine l'augmentation de la perméabilité du sol et la réduction de la capacité de rétention en eau.

En outre, ce groupe fonctionnel est responsable de la destruction de la macrostructure du sol en agrégats plus petits et plus fragiles. Derouard et al. (1997) confirment ces observations grâce à une expérimentation en pots (mésocosmes) dans laquelle ils ont mis en évidence le caractère compactant et l'impact négatif de l'espèce Millsonia omodeoi (Acanthodrilidae) sur l'infiltration, s'opposant aux effets des eudrilidae Chuniodrilus zielae, et Hyperiodrilus africanus. De même, les travaux de Gilot-Villenave et al. (1996) ont relevé en mésocosmes, une baisse significative de l'infiltration, induite par l'inoculation du géophage M. omodeoi. Ces auteurs ont relié cette baisse à une réduction de la microporosité du sol engendrée par l'activité du ver étudié et aux caractéristiques spatiales des galeries qu'il élabore (subhorizontales et souvent rebouchées par les déjections du ver-lui-même).

Des observations analogues ont été faites dans les ultisols péruviens inoculés avec l'espèce compactante Pontoscolex corethrurus (Oligochaeta : Glossoscolecidae) (Alegre et al., 1996 ; Chauvel et al., 1999 ; Barros et al., 2004). Les

Reformuler cette phrase le plus simplement du monde!!!

fortes densités de ce ver, couplées à l'absence d'espèces à effet décompactant dans le sol ont entrainé une augmentation considérable de la densité apparente, de la macroagrégation et une baisse de l'infiltration et de l'humidité. L'étude de l'influence de ce ver sur la structure des horizons supérieurs de sol, réalisée à partir de l'analyse d'images de sections fines de sols, par Hallaire et al. (2000), a révélé que les changements structuraux observés étaient liés à la réduction de la connectivité entre les pores et à l'augmentation de la compaction des horizons superficiels, causée par la coalescence des turricules produits par cette espèce. Les mêmes auteurs ont également montré que l'apport de matière organique au sol se traduisait par une stabilisation de la structure du sol caractérisée par l'absence de compaction en dépit de la production élevée d'agrégats denses, et l'augmentation de la connectivité au sein du réseau poral.

1.2. Influence des vers de terre géophages sur la stabilité structurale du sol

L'activité des vers de terre endogés se traduit par un impact positif majeur sur la stabilité structurale du sol, lié notamment à la production d'agrégats plus stables que le sol environnant (Shippitalo et Protz, 1988 ; Blanchart, 1992 ; Blanchart et al., 1997 ; Blanchart et al., 1999 ; Jouquet et al., 2008 ; Eltaif et Gharaibeh, 2009). Blanchart et al. (2004) ont identifiés quatre mécanismes majeurs impliqués dans les processus de stabilisation des turricules : (i) la taille des particules et la teneur en argiles des turricules, (ii) la porosité des turricules des vers de terre, (iii) leur teneur en matière organique, (iv) leur teneur en cations et la nature de ces derniers.

L'agrégation et l'effet liant induit par les particules d'argiles, représentent un facteur très important dans les mécanismes de stabilisation des turricules (Le Bissonais, 1996). La plupart de formes endogées de vers ingèrent sélectivement les particules minérales et organiques. Cette sélectivité se traduit à l'intérieur des turricules, par une texture généralement plus fine que celle du sol environnant et une forte teneur en argiles, d'où une augmentation de la stabilité de ces structures (Barois et al., 1999 ; Blanchart et al., 1999). Les conséquences de cette sélectivité s'expriment également au niveau de la porosité, significativement plus faible à l'intérieur des turricules de vers de terre que celle du sol environnant (Blanchart et al., 1993 ; Decaëns et al., 2001). Ce réarrangement de la structure du sol constitue l'un des facteurs responsables de la stabilisation des turricules. L'incorporation de matière organique et spécialement de polysaccharides d'origine microbienne dans les turricules représente également, un facteur très important dans le processus de stabilisation de ces structures (Zhang et Schrader, 1993 ; Flegel et al., 1998 ; Oyedele et al., 2006 ; Botinelli et al., 2009). En outre, l'augmentation de la stabilité des turricules des vers de terre serait également liée à leur enrichissement en résidus végétaux riches en carbohydrates (Shaw et Pawluk, 1986 ; Guggenberg et al., 1996). Ces observations ont été étayées par les travaux de Degens (1997), qui a adjoint à ce mécanisme de stabilisation, une seconde composante liée à la compression physique exercée sur la terre lors de sa digestion, et qui stimulerait l'effet liant de la matière organique et des carbohydrates. Enfin, la nature et le taux de cations, particulièrement l'ion Ca²+, par leur impact sur les processus de dispersion et de floculation des argiles (Le Bissonais, 1996), influencent la stabilité des agrégats. L'enrichissement en cations des turricules mis en évidence par une multitude de travaux (Nijhawan et Kanwar, 1952 ; Nye, 1955 ; Roose, 1976 ; Mba, 1979 ; De Vleeschauwer et Lal, 1981 ; Lal et De Vleeschauwer, 1982 ; Mulongoy et Bedoret, 1989 ; Norgrove et Hauser, 1999 ; Materechera, 2002), entraine une amélioration de la complexation des colloïdes organiques et des argiles et une augmentation de la stabilité de ces biogènes (Shippitalo et Protz, 1989 ; Tisdall et Oades, 1992).

Toutefois, l'amélioration de la stabilité du sol par l'activité des vers de terre dépend principalement du type de turricules produits par l'espèce. A l'inverse des turricules granulaires, facilement disperseables des espèces à effet décompactant, et qui favorisent un effet de désagrégation et une perte relative de la stabilité du sol, seules les propriétés des turricules globulaires (produits par les vers compactants) possèdent un effet positif sur la stabilité du sol, son érodibilité et sa sensibilité à la battance (Blanchart, 1990 ; Nooren et al., 1995 ; Blanchart et al., 1999). Aussi, de nombreux auteurs ont décrit une augmentation rapide du pourcentage de macroagrégats stables et du diamètre moyen pondéral du sol ou MWD (Mean Weight Diameter), induit par la présence ou l'inoculation d'espèces de vers de terre à turricules globulaires dans le sol, sous conditions contrôlées en laboratoire (Mackay et Kladivko, 1985 ; Blanchart et al., 1990 ; Bossuyt et al., 2006 ; Loranger-merciris et al., 2008), ou en mésocosmes sous conditions naturelles (Gilot-Vilenave et al., 1996 ; Blanchart et al., 1997 ; Blanchart et al., 1999 ; Garvin et al., 2001 ; Coq et al., 2007 ; Eltaif et Gharaibeh, 2009). Or, ces deux paramètres (MWD et macroagrégation) étroitement liés à la stabilité du sol (Le Bissonais, 1996), jouent un rôle prédominant dans l'évolution structurale du sol. Leur augmentation met ainsi en évidence l'important potentiel de stabilisation du sol lié à l'activité de ce type d'espèces de vers de terre.

2. Influence des vers de terre géophages sur la séquestration de la matière organique du sol

La dynamique du carbone dans le sol est influencée par de nombreux facteurs abiotiques et biotiques parmi lesquels les vers de terre jouent un rôle considérable (Wolters, 2000). En effet, l'évolution du carbone dans le sol apparait intimement corrélée au niveau d'agrégation. Les agrégats (en l'occurrence les micro-agrégats) jouent un rôle de protection physique de la matière organique, en la rendant inaccessible à la minéralisation microbienne, augmentant ainsi, la durée de vie du carbone stocké (Angers et Chenu, 1997 ; Feller et Beare, 1997 ; Balesdent et al., 2000). En effet, conformément à la théorie proposée par Edwards et Bremner (1967), les micro-agrégats du sol, unités formées par liaison entre (i) les particules d'argiles, (ii) les métaux polyvalents (Fe, Al, C) et (iii) les complexes organo-métalliques, constitueraient les seuls agrégats hautement stables des sols. La matière organique à l'intérieur de ces complexes, y est physiquement protégée et inaccessible à la minéralisation bactérienne.

L'adsorption du carbone sur les surfaces minérales est également considérée comme un mécanisme important de stabilisation (Von Lutzow et al., 2006). Selon les mêmes auteurs, ce mécanisme peut être amplifié par l'activité des vers de terre. Ces organismes stimuleraient la formation des complexes organo-minéraux et la protection physique du carbone à l'intérieur des micro-agrégats et des macro-agrégats, lors du passage et du brassage de la terre dans leur intestin (Bossuyt et al., 2005), suite à une amplification des réactions aboutissant à la formation de chélations (liaisons hydrogènes) et de liaisons fortes entre le carbone et les particules minérales telles que les oxydes de fer ou d'aluminium (Kaiser et Zech, 1999). Toutefois, Ge et al. (2001) indiquent qu'une désintégration rapide des agrégats induisant la libération du carbone, peut survenir lorsque les polysaccharides et les autres agents liants organiques sont minéralisés.

Par ailleurs, les données de la littérature indiquent que le temps moyen de renouvellement du carbone associé à la fraction fine du sol est relativement lent, et serait de l'ordre de 40 ans pour les oxysols tropicaux (Cerri et al., 1985), contre moins de 5 ans pour le carbone associé aux fractions plus grossières (Feller et Beare, 1997). L'enrichissement en carbone de la fraction fine permet une séquestration relativement durable, puisqu'il affecte des compartiments à dynamique lente. En revanche, le stockage de carbone dans les fractions grossières induirait une séquestration moins durable, liée à l'importante labilité de cette fraction (Baldock, 2002 ; Six et al., 2004). Ainsi, dans le sol, le carbone se stocke préférentiellement dans les agrégats de sol de taille inférieure à 20 um (fraction fine de sol) et le rapport C/N augmente des fractions grossières vers les fractions fines (Feller, 1995). Or, quelques travaux rapportent que dans des sols ayant reçu des apports de résidus végétaux, la présence de vers de terre géophages provoque un transfert de carbone des fractions grossières vers les fractions fines (Villenave et al., 1999 ; Razafimbelo et al., 2003). Les vers de terre en déterminant ainsi, l'enrichissement des fractions fines en matière organique, induiraient une séquestration plus durable du carbone dans le sol.

D'autres auteurs rapportent toutefois que l'augmentation de l'activité de minéralisation de la matière organique par les microorganismes, résultant du « priming effect » induit par la digestion de la matière organique par les vers des vers de terre, peut se traduire par une augmentation de la libération du carbone du sol (Lavelle et al., 2004). Don et al. (2008) ont montré que la libération rapide du carbone dans les turricules frais de vers est positivement corrélée à l'importance de l'activité enzymatique qui catalyse le processus de la minéralisation. Ils ont ainsi mis en évidence la relation étroite qui existe entre l'activité des enzymes (hydrolases) et le carbone organique du sol. Selon les mêmes auteurs, le temps de séquestration du carbone à l'intérieur des structures biogéniques des vers de terres serait inversement proportionnel à l'activité enzymatique de ces structures.

Ainsi, la protection physique du carbone à l'intérieur des structures biogéniques des vers de terre est fonction de deux paramètres majeurs : (i) l'agrégation qui conditionne le temps de séquestration du carbone (Cerri et al., 1985 ; Feller, 1995 ; Feller et Beare, 1997 ; Baldock, 2002 ; Six et al., 2004); et (ii) l'activité enzymatique à l'intérieur de ces structures qui détermine la vitesse de minéralisation et de libération du carbone (Lavelle et al., 2004 ; Don et al., 2008). Toutefois, Jégou et al. (1998) rapportent que le niveau d'enrichissement en carbone des turricules varie considérablement avec la catégorie écologique et le régime alimentaire des vers. Les résultats de Bossuyt et al. (2006) et ceux de Fonte et al., (2007) indiquent que les espèces de vers de terre affectent différemment l'incorporation de la matière organique fraîche dans les microagrégats stables à l'intérieur des turricules, et que les effets interactifs de ces espèces, peuvent avoir d'importantes conséquences sur l'incorporation et la protection du carbone à l'intérieur des microagrégats des biogènes des vers de terre.

II. MILIEU D'ETUDE

1. Localisation géographique du site d'étude

L'étude a été conduite dans la localité de Goulikao (Département d'Oumé), dans le Centre-Ouest de la Côte d'Ivoire (6°17'N, 5°31'W), dans une région au relief peu accidenté caractérisé par des plateaux de faibles altitudes (200 m) (Fig. 1).

Site d'étude

Figure 1 : Carte de situation et de localisation du site d'étude

2. Climat

Le climat de la zone d'étude est de type subéquatorial attiéen à pluviométrie bimodale. Il est caractérisé par deux saisons de pluies et deux saisons sèches (Bongoua, 2002) :

- une grande saison sèche de novembre à février ;

- une grande saison des pluies de mars à juin ;

- une petite saison sèche de juillet à août ;

- et une petite saison des pluies de septembre à octobre.

2.1. Précipitations

Les pluviométries moyennes annuelles pour les années 2008 et 2009 se sont élevées respectivement à 1599,6 mm et 1356,09 mm. Cette dernière donnée est inférieure à la pluviométrie moyenne des 20 dernières années (1987 - 2007) qui était de 1371,88 mm. En 2008, les précipitations mensuelles étaient nulles dans le mois de janvier et maximales en mai (234,3 mm), tandis qu'en 2009, elles étaient comprises entre 1,53 mm en décembre et 364,74 mm en avril (Fig. 2).

2.2. Températures

La température moyenne annuelle des années 2008 et 2009 était respectivement de 25°8 et 26°4, avec de faibles variabilités intermensuelles. Les températures mensuelles variaient entre 24°1 et 29°6 en 2008, et entre 25°1 et 27°3 pendant l'année d'étude (2009) (Fig. 2).

Figure 2 : Diagramme ombrothermique sur 20 ans (1987 - 2007) et au cours des années 2008 et 2009

3. Caractéristiques environnementales

3.1. Végétation

La végétation naturelle du site d'étude est principalement constituée d'une forêt dense humide du type mésophile et d'une forêt semi-décidue, toutes deux appartenant au secteur ombrophile du domaine guinéen (Guillaumet et Adjanohoun, 1971 ; Monnier, 1983). Ces forêts existent encore sous forme d'îlots dans le domaine rural dont les principales composantes sont des exploitations agricoles (cultures vivrières, cacaoyers, caféiers), pour la plupart en unités de productions familiales (UPF) et des jachères. L'étude s'est essentiellement déroulée dans les jachères à Chromoleana odorata (Asteraceae) du domaine rural du village Goulikao.

3.2. Sols

Les sols de la zone d'étude sont issus des formations précambriennes composées de granites, de schistes et d'intrusions basiques (Tagini, 1971). Ils appartiennent à la famille des sols ferrallitiques moyennement déssaturés (FAO - UNESCO, 1989 ; Assié et al., 2008), avec un effet très prononcé de la topographie (plateaux, pentes faibles, moyennes et élevées) (Angui et al., 2005). De façon générale, les sols d'Oumé présentent un épais horizon gravillonnaire et un important concrétionnement. Ils sont légèrement acides (pH = 5,8 #177; 0,3), avec de faibles teneurs en matière organique (généralement inférieures à 5 %). Ils se caractérisent également, par un taux de saturation en bases supérieur à 50 %, une carence relative en phosphore assimilable (< 0,5 %) et une faible somme en bases échangeables (< 15 cmolc kg-1) due à la forte intensité du drainage et du lessivage ( Assié et al., 2008). La teneur en argile y est supérieure à 30 %, et l'argile dominante est la kaolinite ( Lecompte, 1990).

3.3. Peuplements de vers de terre

Le peuplement de vers de terre de la zone d'étude se compose de 20 espèces réparties entre 2 familles (Acanthodrilidae et Eudrilidae) et 7 genres (Tondoh et al., 2007; Baidai, 2009), dont la liste exhaustive est consignée en annexe de ce document. La biomasse des vers de cette région est dominée par les acanthodrilidae Millsonia omodeoi et Dichogaster terraenigrae. Tandis que l'espèce Hyperiodrilus africanus (Eudrilidae) domine en termes de densité dans les cultures vivrières. Les jachères récurrentes à C. odorata constituent les milieux qui hébergent une abondance et une diversité plus grandes de ces organismes (Tondoh et al., 2007).

III. APPROCHE METHODOLOGIQUE

1. Sélection et description du matériel biologique

Les trois espèces de vers de terre ont été sélectionnées en vertu de leur rôle complémentaire dans la structuration du sol (Blanchart, 1990) et de leur représentativité dans les agroécosystèmes de la région d'Oumé (Tondoh et al., 2007). En effet, elles appartiennent à deux groupes fonctionnels distincts, aux incidences à la fois antagonistes et complémentaires sur la structure physique du sol : (1) les espèces à effet compactant (D. terraenigrae et M. omodeoi) et (2) l'espèce décompactante (H. africanus) (Blanchart et al., 1997).

1.1. Hyperiodrilus africanus (Eudrilidae)

H. africanus est un ver épi-endogé polyhumique, légèrement pigmenté, et filiforme (de longueur variant entre 8 - 15 cm et de masse pouvant dépasser 1 g) (Tondoh, 1998 ; Tondoh et Lavelle, 2005) (Fig. 3). Cette espèce produit à la surface du sol, des turricules granulaires qui sont des accumulations de fragiles boulettes fécales millimétriques (diamètre < 2 mm) à texture très fine (Fig. 4). L'effet de désagrégation du sol que provoque cette espèce, la place dans le groupe des espèces dites à effet décompactant (Blanchart, 1990 ; Blanchart et al., 1997).

1.2. Millsonia omodeoi (Acanthodrilidae)

Anciennement dénommée M. anomala forme leptocystis par Omodeo et Vaillaud (1967), Sims (1986) l'a identifié comme une nouvelle espèce du fait de la position de ses papilles et du nombre de ses caeca intestinaux qui diffèrent de ceux de l'espèce M. anomala, sensu stricto. M. omodeoi appartient à la catégorie écologique des vers de terre endogés mésohumiques. Les dimensions moyennes de cette espèce au stade adulte, sont de 15 à 20 cm de long, pour 0,8 cm de diamètre, avec une masse variant entre 5 et 6 g (Lavelle, 1978) (Fig. 5). M. omodeoi produit des turricules à structure compacte de grande taille (diamètre > 2 mm), formés de plusieurs unités globulaires et coalescentes qui contribuent à la compaction du sol; d'où sa qualification « d'espèce compactante » (Blanchart, 1990 ; Blanchart et al., 1997).

1.3. Dichogaster terraenigrae (Acanthodrilidae)

D. terraenigrae est un ver non pigmenté, de longueur variant entre 160 et 175 mm, et entre 4 et 5 mm de diamètre (Fig. 6). La présence de segments triannelés et de garnitures aux papilles génitales, confère à cette espèce, une forte ressemblance morphologique avec les espèces du genre Millsonia. Mais, l'existence de soies péniennes et le manque de caeca intestinaux, confirment son appartenance au genre Dichogaster (Csuzdi et Tondoh, 2007). D. terraenigrae appartient à la catégorie écologique des géophages endogés oligohumiques, et il n'apparaît qu'exceptionnellement à la surface. Cependant, il est capable de rejeter en surface des turricules globulaires coalescents, à surface lisse, dont le diamètre varie de 0,5 à 2 centimètres (Lavelle, 1978) (Fig. 7). Le type de turricules rejetés par cette espèce, la fait appartenir au groupe fonctionnel d'espèces dites compactantes, à l'instar de M. omodeoi (Baidai, 2009).

Figure 3 : Hyperiodrilus africanus adulte

Figure 4 : Turricules de type décompactant

Figure 5 : Millsonia omodoei adulte

Figure 6 : Dichogaster terraenigrae adulte

Figure 7 : Turricules de type compactant

1.4. Récolte des vers de terre

Les individus adultes et sub-adultes des trois espèces de vers de terre considérées ont été récoltés par extraction manuelle, 2 à 3 semaines avant le début de l'expérimentation, dans les jachères à C. odorata de la zone d'étude puis conservés à température ambiante, dans des récipients remplis de sol humide.

2. Dispositif expérimental

Le dispositif expérimental a été établi d'août à novembre 2009, dans 10 jachères à Chromolaena odorata âgées de 1 à 2 ans. L'unité expérimentale était un seau de 9 litres, contenant de la terre récoltée dans les 10 premiers centimètres de sol d'une jachère de 2 ans L'analyse chimique initiale de ce sol a révélé des teneurs particulièrement limitées en carbone et en azote (respectivement 1,48 % et 0,11 %), une faible capacité d'échange cationique (6,19 #177; 1,24 méq/100 g), de bases échangeables, ainsi qu'une carence relative en phosphore, illustrant son statut de sol peu fertile (Tableau 1).

Ce sol a été préalablement séché à l'air, tamisé à 2 mm, rehumecté à 16 %, puis de nouveau forcé au travers des mailles d'un tamis de 2 mm, conformément à la méthodologie de conditionnement du sol d'élevage employée par Lavelle (1978), Tondoh (1998) et Baidai (2009). Une quantité de 9 kg de sol ainsi conditionnée, a été répartie dans chaque seau dont le fond préalablement troué (9 à 10 trous d'un centimètre de diamètre), était recouvert d'un filet de moustiquaire à mailles carrées de 2 mm, afin de permettre la circulation de l'eau et d'empêcher l'évasion des vers de terre ou l'intrusion d'autres macro-invertébrés. Les seaux ont ensuite été enfouis dans des trous contenant dans leur fond une rangée de pierres disposées afin d'assurer un drainage efficace de l'eau. L'unité expérimentale a été mise en place de sorte que le niveau du sol dans le seau coïncide avec celui du sol environnant (Fig. 8). Huit traitements comportant chacun 10 répétitions, correspondant à une jachère de 1 à 2 ans du site d'étude ont été réalisés (Fig. 9) :

- Témoin sans vers (T);

- M. omodeoi (Mo) ;

- D. terraenigrae (Dt) ;

- H. africanus (Ha) ;

- M. omodeoi + H. africanus (Mo+Ha) ;

- M. omodeoi + D. terraenigrae (Mo+Dt) ;

- D. terraenigrae +H. africanus (Dt+Ha) ;

- M. omodeoi + D. terraenigrae + H. africanus (Mo+Dt+Ha) ;

Tableau 1 : Caractéristiques chimiques du sol d'élevage

Paramètres chimiques

Moyennes (erreur standard)

C organique (%)

1,48 (0,18)

N total (%)

0,11 (0,01)

C/N

13,46 (2,44)

P total (ppm)

149,58 (17,3)

P Olsen (ppm)

23,52 (2,36)

CEC (meq/100 g)

6,19 (1,24)

Ca (meq/100 g)

3,43 (0,64)

Mg (meq/100 g)

1,70 (0,35)

K (meq/100 g)

0,22 (0,02)

3. Inoculation des vers de terre

L'inoculation des vers de terre dans les unités expérimentale a été réalisée conformément aux densités naturelles indiquées par Tondoh et al (2007), pour les trois espèces utilisées, dans la zone d'étude. Les vers de terre ont été inoculés dans les unités expérimentales à intervalles réguliers de 30 jours, à des abondances et biomasses croissantes afin de compenser les éventuelles mortalités liées à la rigueur des conditions climatiques prévalant dans la zone d'étude et de maintenir ainsi, une raisonnable population résiduelle de vers de terre.

Les nombres totaux de vers de terre inoculés dans tous les traitements à 0, 30 et 60 jours d'expérimentation était respectivement de 38, 76, et 180 individus (Tableau 2) soit des valeurs de biomasses correspondantes respectivement de 101, 186 et 303 g (Tableau 3). Tous les seaux ont ensuite été recouverts à leur surface, d'un filet de moustiquaire à mailles carrées de 2 mm afin d'empêcher l'évasion des vers de terre ou l'intrusion d'autres macro-invertébrés.

Figure 8 : Unité expérimentale

Figure 9 : Dispositif expérimental dans chaque jachère identifiée

Tableau 2 : Nombres d'individus de vers de terre inoculés par traitements (Mo: M. omodeoi ; Ha: H. africanus ; Dt: D. terraenigrae , ind. : individus).

Traitements

Inoculation 1 (ind. par seaux)

(Jour 0)

 

Inoculation 2 (ind. par seaux)

(Jour 30)

 

Inoculation 3 (ind. par seaux)

(Jour 60)

Dt

Mo

Ha

Total

 

Dt

Mo

Ha

Total

 

Dt

Mo

Ha

Total

Témoin

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Dt

3

0

0

3

 

6

0

0

6

 

9

0

0

9

Mo

0

3

0

3

 

0

6

0

6

 

0

9

0

9

Ha

0

0

9

9

0

0

18

18

 

0

0

27

27

HaDt

2

0

4

6

 

4

0

8

12

 

9

0

18

27

MoDt

2

2

0

4

 

4

4

0

8

 

9

9

0

18

MoHa

0

2

4

6

0

4

8

12

 

0

9

18

27

MoHaDt

2

2

3

7

4

4

6

14

9

9

18

36

 

9

9

20

38

 

18

18

40

76

 

36

36

81

180

Tableau 3 : Biomasses (g) des vers de terre inoculés par traitements (Mo: M. omodeoi ; Ha: H. africanus ; Dt: D. terraenigrae).

Traitements

Inoculation 1 (g)

(Jour 0)

 

Inoculation 2 (g)

(Jour 30)

 

Inoculation 3 (g)

(Jour 60)

Dt

Mo

Ha

Total

 

Dt

Mo

Ha

Total

 

Dt

Mo

Ha

Total

Témoin

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Dt

16,5

0

0

16,5

 

33

0

0

33

 

49,5

0

0

49,5

Mo

0

10,5

0

10,5

 

0

21

0

21

 

0

31,5

0

31,5

Ha

0

0

9

9

0

0

18

18

 

0

0

27

27

HaDt

11

0

4

15

 

22

0

8

20

 

33

0

12

45

MoDt

11

7

0

18

 

22

14

0

36

 

33

21

0

54

MoHa

0

7

4

11

0

14

8

22

 

0

21

12

33

MoHaDt

11

7

3

21

4

22

14

36

33

21

9

63

 

49,5

31,5

20

101

 

81

60

48

186

 

148,5

94,5

60

303

4. Collecte des données

Au bout d'une période d'incubation de 3 mois (d'août à novembre 2009), tous les seaux ont été déterrés et transportés au laboratoire, aux fins de mesures spécifiques de variables. Les 10 répétitions ont été divisées en 2 groupes de 5. La vitesse d'infiltration a été évaluée dans le premier groupe, tandis que dans les unités expérimentales du second groupe, le sol a été séparé en deux strates (0 - 10 cm et 10 - 20 cm), dans lesquelles ont été réalisées les mesures de la densité apparente, la résistance à la pénatration, la distribution des agrégats, ainsi que les prélèvements de sols pour analyses chimiques. En outre, un tri manuel minutieux du sol des seaux a été réalisé, afin d'estimer la densité, la survie et la biomasse fraiche des vers de terre vivants, à l'issue de la période d'expérimentation.

4.1. Mesures des paramètres physiques du sol

Les mesures physiques du sol dans les différents traitements se sont axées autour de 4 propriétés physiques particulières du sol. Il s'agit de : (i) la vitesse d'infiltration de l'eau, (ii) la densité apparente du sol, (iii) la pénétrométrie et (iv) la distribution des agrégats.

4.1.1. Vitesse d'infiltration de l'eau

La méthode TSBF de l'anneau unique (Anderson et Ingram, 1993), a permis d'évaluer les variations de la vitesse d'infiltration de l'eau dans le sol, à travers les différents traitements. Après avoir débarrassé la surface du seau, de la toile de moustiquaire et de la végétation résidente, un cylindre en PVC (hauteur = 40 cm, Ø = 20 cm) possédant sur sa paroi intérieure une bande graduée en centimètre, a été enfoncé jusqu'à une profondeur de 10 cm dans le sol des unités expérimentales (Fig. 10). Le cylindre a été rempli d'eau, puis des relevés du niveau de l'eau ont été réalisés à intervalles de 5 minutes, sur une durée totale de 75 minutes. Pendant cette opération, des recharges en eau ont été effectuées lorsque le niveau de l'eau au-dessus du sol atteignait 5 cm. Ces relevés ont permis d'établir les courbes d'évolution de la vitesse d'infiltration de l'eau dans les différents traitements et également de déterminer les vitesses moyennes d'infiltration de l'eau dans chacun des traitements.

Unité expérimentale

Cylindre en PVC

Graduation

Figure 10 : Dispositif de mesure de vitesse d'infiltration

4.1.2. Densité apparente du sol

Ce paramètre a été estimé à l'aide de la méthode au cylindre (Yoro et Godo, 1990). Les échantillons de sol prélevés dans les strates 0 - 10 cm et 10 - 20 cm à l'aide d'une tarière cylindrique de 6 cm de diamètre et de 10 cm de hauteur (h), ont été pesés afin d'obtenir la masse fraiche (mf) ; puis séchés dans une étuve (à 105°C pendant 48 h) jusqu'à masse constante (mc). La densité apparente (Da) a ensuite été déterminée à l'aide de la formule suivante :

Da (g/cm3), mc (g), V : volume du cylindre (cm3), r : rayon de la tarière (cm), h : hauteur de la tarière (cm).

4.1.3. Résistance à la pénétration (pénétrométrie)

Le niveau de compaction du sol a été estimé à partir de la mesure de la résistance verticale du sol à la pénétration. Dans chaque unité expérimentale, 10 répétitions de mesures ont été effectuées à la surface de chacune des strates 0 - 10 cm et 10 - 20 cm, à l'aide d'un pénétromètre de poche de type YAMANAKA. La résistance à la pénétration (R en KPa) est obtenue par la formule :

où A est la mesure relevée directement sur la tige graduée du pénétromètre.

4.1.4. Distribution par classes de taille des agrégats (séparation granulométrique) et estimation du diamètre moyen pondéral (MWD)

La distribution des différents agrégats constitutifs du sol a été étudiée à l'aide de la méthode de tamisage à sec ou « dry-sieving method » (Blanchart et al., 2007, Loranger-Merciris et al., 2008). Dans chaque strate (0 - 10 cm et 10 - 20 cm), des échantillons de 200 g de sol ont été prélevés au cylindre, en veillant à ne pas perturber leur organisation. Ces échantillons ont été séchés à l'air, jusqu'à une teneur d'environ 5 à 6 % de leur poids sec. Les agrégats ont ensuite été séparés en lâchant les fragments d'une hauteur constante de 1,5 m. Ils ont ensuite été séchés à l'air de nouveau, puis passés sur une colonne de 6 tamis permettant leur séparation en 7 classes d'agrégats (<50 um, 50 - 100 um, 100 - 200 um, 200 - 500 um, 500 - 1000 um, 1000 - 2000 um et >2000 um). Ces différentes fractions ont ensuite été pesées et regroupées en quatre catégories principales : les particules très fines (< 0,05 mm), la fraction fine (0,05 - 0,5 mm), la fraction moyenne (0,5 - 2 mm) et les macro-agrégats (> 2 mm) (Loranger-Merciris et al., 2008). Les relevés de masse ont en outre, permis le calcul des diamètres moyens pondéraux (MWD) dans les différents traitements, selon la formule suivante (Kemper et Rosenau, 1986) :

Xi correspond à la masse de sol restant dans le tamis de taille Si, et W est la masse totale de sol utilisée pour l'analyse.

4.2. Mesures des stocks de carbone et d'azote dans le sol

Les concentrations en azote total du sol (NT en g N g-1), extrait selon la méthode de Nelson et Sommers (1980), ont été déterminées à l'aide de l'auto-analyseur Technicon (Technicon Industrial Systems, 1977). Les teneurs en carbone organique total (TOC en g C g-1) ont été mesurées à partir de la méthode modifiée d'Anne (Nelson et Sommers, 1980). Les stocks en carbone ont ensuite été calculés conformément à la formule proposée par De Rouw et al., (2010) :

 ;

Sc correspond au stock de carbone organique total en g C.m-2 ; TOC, à la concentration en carbone (en pourcentage) ; p à la densité apparente du sol en g.cm-3, et d représente l'épaisseur de la couche de sol échantillonné. La quantité de carbone stockée calculée a ensuite été convertie en tonne de C par hectare (t C.ha-1) en multipliant Sc par un facteur de 0,01. Une méthodologie similaire a été appliquée pour le calcul des stocks d'azote.

5. Analyses Statistiques

L'effet du facteur « type de traitements » sur chacun des paramètres considérés, a été analysé dans les deux strates (0 - 10 cm et 10 - 20 cm), à l'aide d'une ANOVA à un facteur. Les variables présentant des différences significatives au seuil de 5 %, ont ensuite été soumises aux tests post-hoc de comparaisons multiples de Fisher (Least Significant Difference).

Les erreurs types associées aux différentes moyennes estimées ont été calculées à partir de la formule suivante :

où n correspond à l'effectif des individus constituant la population, et ó à l'écart-type du paramètre considéré. L'ensemble des traitements statistiques effectués dans cette étude, a été réalisé sous l'environnement logiciel STATISTICA 7.1. (Statsoft, Tulsa, USA).

IV. RESULTATS ET DISCUSSION

1. Résultats

1.1. Survie des populations de vers de terre

Le tableau 4 consigne l'abondance des vers de terre vivants à la fin de la période d'expérimentation. Il indique qu'en dehors des traitements M. omodoei et D. terraenigrae, où les taux de survie des individus étaient supérieurs à 50 %, les autres traitements se démarquent par une mortalité des vers de terre relativement moins élevée, caractérisée par des taux de survie compris entre 24,6 % (M. omodeoi + D. terraenigrae + H. africanus) et 49 % (M. omodeoi + H. africanus). Cependant, l'estimation des biomasses moyennes finales (à l'issue de l'expérimentation) des différentes espèces inoculées, révèle une augmentation générale de ce paramètre par rapport à ses valeurs initiales.

1.2. Paramètres physiques du sol

1.2.1. Vitesse d'infiltration

Les mesures de la vitesse d'infiltration dans l'ensemble des traitements ont révélé une baisse globale de l'infiltration intervenant avec le temps. Cette dynamique est caractérisée par deux stades distincts : (i) une phase de 20 à 30 minutes caractérisée par une diminution rapide de l'infiltration, légèrement irrégulière dans les traitements témoin, M. omodeoi et H. africanus ; à laquelle succède (ii) une phase en plateau (ou de très faibles variations de l'infiltration en fonction du temps) se poursuivant jusqu'à la fin de la mesure (Fig. 11).

L'expérimentation a en outre, révélé que l'inoculation de vers de terre induisait généralement, une augmentation hautement significative de la vitesse moyenne d'infiltration de l'eau dans le sol (F = 5,37 ; p < 0,001) (Fig. 12). Les plus fortes valeurs de ce paramètre ont été obtenues avec les traitements monospécifiques "H. africanus" (4,98 #177; 1,18 cm.min-1) et plurispécifique "M. omodeoi + D. terraenigrae" (4,09 #177; 0,74 cm.min-1), et correspondent à des augmentations estimées respectivement à 77 et 45 % par rapport au témoin.

Les associations "H. africanus + D. terraenigrae" (3,42 #177; 0,82 cm.min-1) et "M. omodeoi+ H. africanus" (3,49 #177; 0,77 cm.min-1) se signalent comme les traitements qui induisent les plus faibles augmentations de l'infiltration de l'eau dans le sol avec respectivement 22 et 24 % d'augmentation par rapport au traitement témoin.

Tableau 4 : Abondance, biomasse et taux de survie des vers de terre à la fin de l'expérimentation par traitements. Mo: M. omodeoi; Ha: H. africanus; Dt: D. terraenigrae.

Traitements

Individus par traitements

 

Biomasse (g) par traitements

 

Taux de survie (%)

Mo

Dt

Ha

Total

 

Mo

Dt

Ha

Total

 

Témoin

-

-

-

-

 

-

-

-

-

 

-

Mo

9

0

0

9

 

60.5

0

0

60.5

 

50

Dt

0

10

0

10

 

0

45.6

0

45.6

 

55.6

Ha

0

0

26

26

 

0

0

30.5

30.5

 

48.1

MoHa

8

0

14

22

 

40.7

0

20.4

61.1

 

48.9

MoDt

8

5

0

13

 

45.8

18.4

0

64.2

 

43.3

HaDt

0

9

11

20

 

0

40.6

15.3

55.9

 

44.4

MoHaDt

3

2

9

14

 

18.5

9.6

22.6

50.7

 

24.6

Vitesse d'infiltration (cm.min-1)

Vitesse d'infiltration (cm.min-1)

Figure 11 : Influence de l'activité des vers de terre sur la dynamique de l'infiltration de l'eau dans le sol (Te : témoin, Mo: M. omodeoi; Dt: D. terraenigrae; Ha: H. africanus).

Vitesse d'infiltration (cm.min-1)

Figure 12: Variation de la vitesse moyenne d'infiltration de l'eau dans le sol en fonction des traitements (Te : témoin, Mo: M. omodeoi ; Dt: D. terraenigrae ; Ha: H. africanus)1(*).

1.2.2. Densité apparente du sol

L'effet des vers des terres sur la densité apparente dans les strates 0 - 10 cm et 10 - 20 cm ne s'est pas avéré statistiquement significatif (p > 0,05). Toutefois, on observe généralement que la présence de vers de terre se traduit par une tendance relative à la réduction de ce paramètre (Fig. 13). Au niveau de la strate superficielle (0 - 10 cm), cette tendance est plus marquée dans le traitement monospécifique avec D. terraenigrae (0,96 #177; 0,03 g cm-3). Tandis que dans la strate inférieure (10 - 20 cm), la plus faible valeur de densité apparente s'observe dans le traitement H. africanus (1,02 #177; 0,02 g cm-3).

1.2.3. Résistance à la pénétration

L'expérimentation a révélé dans les traitements "D. terraenigrae" et "M. omodeoi + D. terraenigrae", une augmentation remarquable de la résistance du sol à la pénétration dans la strate 0 - 10 cm (respectivement 226,50 #177; 69,09 kPa et 143,41 #177; 18,58 kPa ; soit 77,19 % et 12,19 % d'augmentation par rapport au témoin). Cependant, cette différence ne s'est pas avérée statistiquement significative au seuil de 5 % (F = 1,21 ; p = 0,32).

A l'opposé, dans la strate 10 - 20 cm, l'activité des vers de terre s'est soldée par un impact très significatif sur la résistance du sol à la pénétration (F = 3,26 ; p < 0,01). On y a observé par rapport au traitement témoin, une baisse générale des niveaux de compaction dans tous les traitements incluant l'espèce H. africanus (Fig. 14). En traitement monospécifique (Ha), cette espèce a entraîné la plus importante réduction du niveau de compaction du sol dans la strate considérée (193,56 #177; 27,94 kPa contre 365,04 #177; 59,22 kPa dans le traitement témoin, soit 47 % de réduction).

L'augmentation du niveau de compaction du sol a été enregistré dans les autres traitements (M. omodeoi, D. terraenigrae, et leur combinaison), avec la valeur la plus élevée de résistance à la pénétration obtenue pour l'association "M. omodeoi + D. terraenigrae" (598,61 #177; 158,53 KPa, soit environ 64 % d'augmentation par rapport au témoin) et des valeurs intermédiaires pour les traitements "M. omodeoi" et "D. terraenigrae" (respectivement, 522,74 #177; 82,8 kPa et 457,71 #177; 59,94 kPa) (Fig. 14).

Figure 13 : Variation de la densité apparente des strates 0 - 10 cm et 10 - 20 cm en fonction des traitements (Te : témoin ; Mo: M. omodeoi ; Dt: D. terraenigrae ; Ha: H. africanus).

Figure 14 : Variation de la résistance à la pénétration des strates 0 - 10 cm et 10 - 20 cm en fonction des traitements (Te : témoin ; Mo: M. omodeoi ; Dt: D. terraenigrae ; Ha: H. africanus)2(*).

1.2.4. Distribution du sol en classes d'agrégats et diamètres moyens pondéraux (MWD)

Les séparations granulométriques du sol ont montré que dans l'ensemble des traitements, l'influence de la profondeur de la strate étudiée (0 - 10 ou 10 - 20 cm) est généralement très négligeable sur les distributions des classes d'agrégats (Fig. 15).

Les traitements témoin et H. africanus se distinguent par les fortes similarités de leurs distributions, majoritairement composées de particules fines (0,05 mm - 0,5 mm) et moyennes (0,5 - 2 mm) constituant plus de 90 % de la texture du sol, d'où des diamètres moyens pondéraux inférieurs à 1 dans les deux strates considérées (Fig. 16).

A l'inverse, dans tous les traitements incluant les espèces M. omodeoi et D. terraenigrae, on a observé une augmentation hautement significative de la macroagrégation du sol (p < 0,001), se traduisant par une relative diminution des fractions fines et moyennes au profit d'un accroissement considérable du pourcentage d'agrégats supérieurs à 2 mm, et des diamètres moyens pondéraux supérieurs à 1 (Fig. 16).

Dans ce phénomène de macroagrégation du sol, M. omodeoi apparaît comme l'espèce la plus efficiente. En effet, elle a induit une augmentation de la macroagrégation (pourcentage d'agrégats > 2 mm), 10 fois supérieure à celle du témoin. Tandis que chez D. terraenigrae, ce facteur est estimé à 6 fois celui du témoin. Ces variations s'illustrent plus nettement à travers les différences hautement significatives observées au niveau des MWD dans l'ensemble des traitements et des strates considérées (p < 0,001 dans les strates 0 - 10 et 10 - 20 cm). Ses différences sont caractérisées par des valeurs maximales de MWD enregistrées dans les traitements Mo (1,87 #177; 0,45 mm dans la strate 0 - 10 cm et 2,09 #177; 0,49 mm dans la strate 10 - 20 cm) et MoDt (1,67 #177; 0,16 mm et 1,85 #177; 0,24 mm, respectivement dans les strates 0 - 10 cm et 10 - 20 cm). Tandis que le traitement Ha (0,83 #177; 0,07 mm et 0,91 #177; 0,09 mm, respectivement dans les strates 0 - 10 et 10 - 20 cm) et le sol témoin (0,76 #177; 0,04 mm et 0,73 #177; 0,03 mm, respectivement dans les strates 0 - 10 et 10 - 20 cm) affichent les plus faibles MWD (Fig. 16).

Figure 15: Distribution des agrégats en fonction des traitements dans les strates 0 - 10 cm (a) et 10 - 20 cm (b). Te : témoin ; Mo: M. omodeoi ; Dt: D. terraenigrae ; Ha: H. africanus.

Figure 16 : Variation du diamètre moyen pondéral des agrégats dans les strates 0 - 10 cm et 10 - 20 cm en fonction des traitements (Te : témoin ; Mo: M. omodeoi ; Dt: D. terraenigrae ; Ha: H. africanus)3(*).

1.3. Impact des vers de terre sur le stockage du carbone organique et de l'azote total du sol

1.3.1. Impact des vers de terre sur les stocks de carbone du sol

Les stocks de carbone dans les traitements évoluent dans la strate 0 - 10 cm selon l'ordre suivant : témoin < D. terraenigrae < H. africanus + D. terraenigrae < M. omodeoi < M. omodeoi + H. africanus + D. terraenigrae < H. africanus = M. omodeoi + D. terraenigrae < M. omodeoi + H. africanus, tandis que dans la strate 10 - 20 cm, ce paramètre évolue selon l'ordre : M. omodeoi + H. africanus < H. africanus + D. terraenigrae < H. africanus < M. omodeoi + H. africanus + D. terraenigrae < témoin = M. omodeoi < D. terraenigrae < M. omodeoi + D. terraenigrae. Ainsi, quelle que soit la strate, les stocks les plus élevés en carbone tendent à être observés dans les traitements où sont présentes les deux espèces M. omodeoi et D. terraenigrae (13,1 #177; 0,77 t C.ha-1 dans la strate 0 - 10 cm et 14,3 #177; 0,35 t C.ha-1 dans la strate 10 - 20 cm). Toutefois ces variations ne sont pas significatives (Fig. 17).

1.3.2. Impact des vers de terre sur les stocks d'azote du sol

Dans la strate superficielle de sol (0 - 10 cm), les stocks d'azote les plus importants ont été enregistrés dans le traitement combinant les trois espèces (1,26 #177; 0,09 t N.ha-1). Tandis que dans la strate 10 - 20 cm, les traitements "M. omodeoi" (1,37 #177; 0,13 t N.ha-1), "M. omodeoi + D. terraenigrae" (1,25 #177; 0,12 t N.ha-1) et "H. africanus + D. terraenigrae" (1,3 #177; 0,14 t N.ha-1), affichent les valeurs les plus élevées pour ce paramètre (Fig. 17). Cependant, l'impact des vers de terre sur les stocks en azote du sol n'a pas été significativement établi par l'analyse statistique.

Figure 17 : Effets de la présence de vers de terre (Te : témoin ; Mo: M. omodeoi ; Dt: D. terraenigrae ; Ha: H. africanus) sur les stocks en carbone organique (a) et en azote total (b) du sol.

2. Discussion

2.1. Impact des vers de terre sur les propriétés physiques du sol

L'importante mortalité des populations de vers de terre dans les mésocosmes semble résulter de la rigueur des conditions climatiques qui ont prévalu dans la zone d'étude pendant la durée de l'expérimentation (Août à Novembre 2009). En effet, cette période remarquablement sèche, a été caractérisée par une pluviosité extrêmement faible (entre 37,8 et 70,9 mm) comparativement aux moyennes des 10 dernières années (variant entre 112,1 et 180,9 mm), et des températures moyennes (entre 25,1 et 26,8°C) relativement élevée par rapport à celles des 10 dernières années (entre 24,6 et 25,6°C). Toutefois, en dépit de leur faible taux de survie, la présence des vers de terre dans les mésocosmes s'est traduite par un profond impact sur les caractéristiques physiques du sol. En effet, les inoculations de vers de terre ont entraîné, quel que soit leur groupe fonctionnel (compactant ou décompactant), une importante stimulation de la vitesse d'infiltration de l'eau dans le sol, particulièrement prononcée dans le cas des traitements « H. africanus » et de « M. omodeoi + D. terraenigrae ». Cependant, de tels résultats ne sont que partiellement conformes avec les observations antérieures de Blanchart, 1990 ; Gilot-Villenave et al., 1996 ; Derouard et al., 1997 ; Blanchart et al., 1999, qui énoncent que la modification du fonctionnement hydrodynamique du sol par les vers endogés géophages est principalement orientée par le groupe fonctionnel auquel appartient l'espèce de ver. Selon ces auteurs, l'activité des vers de petites tailles de la famille des eudrilidae, principaux représentants du groupe des vers décompactants, se traduirait par une augmentation significative de l'infiltration de l'eau dans le sol et une réduction de la capacité de rétention hydrique. A l'inverse, celle des vers à effets compactants tels que M. omodeoi ou D. terraenigrae, serait à la base d'une diminution de l'infiltration de l'eau, au profit de l'augmentation de la rétention hydrique. En effet, si la présence dans le sol de l'eudrilidae à effet décompactant H. africanus, a produit les résultats attendus au niveau de ce paramètre, notre étude a plutôt mis en évidence, à l'inverse des précédentes observations, l'importante contribution que peuvent avoir les vers à effet compactant, dans la stimulation du fonctionnement hydrodynamique du sol. Cette contribution s'exprime à travers une amélioration significative de l'infiltration en présence de ce groupe d'espèces (30 % d'augmentation par rapport au témoin pour M. omodeoi, 29 % pour D. terraenigrae et 46 % pour la combinaison des deux espèces). La stimulation de l'infiltration induite par ce type fonctionnel a été reliée à l'importante production de turricules de ces espèces, comme le suggère les récents travaux de Bottinelli et al. (2010), au Nord Vietnam, avec le ver endogé Metaphire posthuma. En rejetant dans le sol d'importantes quantités de turricules, ces espèces auraient entraîné une importante réorganisation du sol en particules globulaires, aboutissant à une modification de sa porosité structurale, notamment à travers la macroporosité (Blanchart, 1990) et la mésoporosité ou porosité d'assemblage (Hallaire et al., 2000). Cette augmentation de la porosité induite à la fois par les activités de forage, de consommation de terre et de production de turricules par les vers de terre, a été décrite comme un des processus majeurs aboutissant à l'amélioration de la conductivité hydraulique du sol (Francis et Fraser, 1998). Les résultats de cette étude révèlent ainsi, que les galeries et macropores ouverts par les vers de terre ou « biopores » constitueraient, indifféremment de l'espèce ou du groupe fonctionnel, des voies préférentielles d'infiltration et d'écoulement des fluides dans le sol, à la base d'une amélioration subséquente de la perméabilité du sol.

Relativement à la stimulation du fonctionnement hydrodynamique, ces travaux ont également mis en évidence, une augmentation significative de la résistance à la pénétration du sol induite par la présence des espèces D. terraenigrae et M. omodei (plus de 75 % d'élévation du niveau de compaction induit par l'espèce D. terraenigrae, dans la strate 0 - 10 cm). Cette modification de l'état mécanique du sol résulte du réarrangement de la structure initiale du sol en une structure agrégée majoritairement constituée de turricules décrits par Decaëns et al. (2001), comme des agrégats coalescents et très compacts. Whalley et al. (1995) ont montré que la compaction du sol entraînait des conséquences négatives sur la croissance des plantes cultivées, conduisant à long terme, à une réduction des rendements des cultures et de la biodiversité du sol. Cependant, les résultats de notre étude révèlent que l'introduction de H. africanus, permet de réduire de 30 à 60 % les effets compactants des espèces M. omodeoi et D. terraenigrae, en particulier dans la strate 10 - 20 cm, où s'est principalement concentrée l'activité des différentes populations de vers de terre. Barré et al. (2009) rapportent des résultats similaires en Australie, où ils ont démontré que l'activité des communautés de vers de terre permettait de ramener des sols avec différents niveaux de compaction, à des états structuraux intermédiaires plus stables et favorables à la croissance des plantes. La présence simultanée d'espèces de vers de terre appartenant aux deux groupes fonctionnels, apparaît ainsi, comme un facteur déterminant dans le maintien et la régulation du niveau de compaction du sol. Ce fait souligne le caractère synergique et complémentaire de l'activité de ces deux groupes de vers de terre sur la régulation de la structure du sol, antérieurement évoqué par Blanchart (1990), Blanchart et al. (1997), Derouard et al. (1997) et Blanchart et al. (1999).

Cette expérimentation confirme en outre, le rôle prépondérant des vers endogés géophages à effets compactants dans les processus de macroagrégation du sol, précédemment mis en évidence par des travaux antérieurs (Gilot-Villenave et al., 1996; Blanchart et al., 1997; Blanchart et al., 1999 ; Coq et al., 2007, Loranger-Merciris et al., 2008 ; Eltaif et Gharaibeh, 2009). En effet, l'activité des acanthodrilidae M. omodeoi et D. terraenigrae a engendré une augmentation du pourcentage de macroagrégats de 3 à 10 fois supérieure à celle intervenant naturellement dans les mésocosmes. Ces résultats sont conformes à ceux de Coq et al. (2007), qui ont mis en évidence une augmentation d'une ampleur similaire (2,5 fois supérieure au sol témoin), induite par Pontoscolex corethrurus, dans un dispositif expérimental très proche de celui de notre étude. La modification de la macroagrégation du sol induite par M. omodeoi et D. terraenigrae, s'est traduite par une augmentation subséquente du diamètre moyen pondéral (MWD) dans les sols inoculés avec ces espèces (variant entre 1,32 et 2,09 mm selon la strate et le traitement considéré). Un pattern similaire a été observé par Eltaif et Gharaibeh (2009), en mésocosmes, avec le ver endogé géophage Allobophora caliginosa. L'augmentation du MWD, indice fréquemment utilisé dans l'estimation du niveau de stabilité structurale du sol (Kemper et Rosenau, 1986 ; Jouquet et al., 2008 ; Paul et al., 2008), indique le potentiel des vers compactants dans le processus de stabilisation de la structure du sol, à partir de la production d'agrégats biogéniques globulaires. Toutefois, une augmentation excessive de la proportion de macroagrégats du sol, est susceptible d'entraîner des effets négatifs sur la croissance des plantes (Rose et Wood, 1980). La réduction de la macroagrégation enregistrée dans les traitements plurispécifiques incluant l'espèce H. africanus, souligne l'implication de cette espèce dans les phénomènes de désagrégation des sols et sa capacité à maintenir l'agrégation du sol à des niveaux adéquats (Blanchart, 1990 ; Nooren et al., 1995 ; Derouard et al., 1997 ; Blanchart et al., 1999).

2.2. Effets de la richesse spécifique et des attributs fonctionnels des vers de terre sur le fonctionnement du sol

Il est généralement admis que les effets des vers de terre sur le sol et les plantes varient en fonction du type de sol et de la fourniture en nutriments (Doube et al., 1997 ; Laossi et al., 2010). En effet, le niveau d'activité des vers de terre dans le sol est fortement liée à la qualité et à la quantité de la nourriture fournie à ces organismes (Flegel et Schrader, 2000, Marhan et Scheu, 2005; Loranger-Merciris et al., 2008). De sorte que de faibles teneurs du sol en matière organique entraînent une augmentation de l'activité de consommation de terre par les vers de terre, d'où une production plus importante de biogènes (turricules, galeries). Ainsi, les effets positifs de l'activité d'ingénierie des vers de terre seraient plus effectifs dans les sols pauvres que dans les sols riches (Brown et al., 2004 ; Laossi et al., 2010). Notre étude vient étayer ces observations en leur adjoignant la notion de régime alimentaire et d'exigences nutritionnelles du ver de terre. En effet, l'ensemble des observations réalisées au niveau des paramètres physiques du sol suggère que dans des sols pauvres en nutriments, l'activité des vers de terre estimée à travers leur impact sur les propriétés physiques du sol, augmenterait en fonction des besoins alimentaires en matière organique de ces organismes. Ainsi, la faiblesse du sol en nutriments engendrerait chez les vers de terre, une intensification de leur activité de consommation de terre, d'ampleur variant en fonction du régime alimentaire de l'espèce considérée. Cette intensification se traduit par une construction plus importante de galeries et une plus forte production de turricules. Ainsi, face à la pauvreté du sol en matière organique, la réponse adaptative des vers endogés polyhumiques tels que H. africanus, qui ingèrent un substrat riche en matière organique, seraient plus importante que celle des mésohumiques (M. omodeoi), elle-même supérieure à celle des endogés oligohumiques tels que D. terraenigrae.

L'existence de ce gradient spécifique est confirmée par les différents résultats de notre étude. En effet, dans le sol relativement pauvre (Corg < 1,5 %; C/N ratio = 13,46) des mésocosmes de cette expérimentation, l'activité du géophage polyhumique H. africanus, a entraîné la modification du sol, la plus prononcée (plus importante stimulation de la vitesse d'infiltration, réduction la plus importante de la densité apparente). Celle de M. omodeoi a induit un effet d'une ampleur intermédiaire sur les mêmes paramètres. Tandis que le plus faible impact sur la structure du sol a été observé chez D. terraenigrae. Au niveau de l'agrégation, la pertinence de ce gradient n'a pu être établie que pour les espèces compactantes M. omodeoi et D. terraenigrae, étant donné le rôle décompactant de l'espèce H. africanus et son faible impact sur ce paramètre. Néanmoins, l'hypothèse se vérifie avec ces deux espèces compactantes, puisque le mésohumique M. omodeoi a été à la base de la production la plus importante de macroagrégats (agrégats > 2 mm), donc d'une production de turricules plus élevée que celle de l'oligohumique D. terraenigrae.

En somme, les résultats de cette étude en soulignant le rôle indispensable de ces deux types fonctionnels d'ingénieurs écologiques du sol (compactant et décompactant) dans la structuration physique du sol, révèlent que l'efficacité et la vitesse des processus de structuration du sol par l'activité des communautés de vers de terre pourrait résulter de paramètres tels que la qualité et la fourniture en nutriments et le régime alimentaire des différentes espèces de vers de terre.

La synthèse des observations réalisées au niveau de l'impact des vers de terre sur les caractéristiques physiques du sol permet de conclure que la richesse spécifique et particulièrement la cooccurrence spatio-temporelle des groupes fonctionnels qu'elle induit, est essentielle pour le maintien et la régulation de la structure du sol dans les écosystèmes, leur procurant ainsi, une certaine stabilité dans leur fonctionnement. Cet effet semble rejoindre l'hypothèse de l'assurance énoncée par Yachi et Loreau (1999). En effet, les principaux indicateurs de dégradation des sols, notamment la compaction du sol, le niveau d'agrégation ou la stabilité structurale, sont limités par des combinaisons d'espèces qui diffèrent en termes d'attributs fonctionnels (compactant et décompactant ou type de régime alimentaire). De fait, la conservation d'une diversité élevée de vers de terre dans le sol constitue un impératif au maintien de sa structure et de son fonctionnement du sol dans les agroécosystèmes.

2.3. Influence des vers de terre sur les stocks en carbone et en azote du sol.

Les différences de teneurs en carbone et azote total entre les turricules et le sol environnant procèderaient principalement des exigences alimentaires et du type de substrat organique ingéré par le ver (Syers et al., 1979 ; Scheu, 1987). Ce qui les rendrait soit similaires, soit supérieures à celles du sol environnant, expliquant ainsi, la grande variété des résultats obtenus au sein de ces paramètres, dans la littérature scientifique. Dans cette étude, l'influence des vers de terre sur les stocks d'azote et de carbone du sol n'a pas pu être clairement établie par l'expérimentation. En effet, nos résultats indiquent que les stocks en carbone et en azote des biogènes produits par les vers de terre ne diffèrent pas significativement du sol environnant. De telles observations sont contradictoires avec les études antérieures de Dëcaens et al., (2001), Fonte et al., (2007) et Bhadauria et Saxena (2010), qui ont mis en évidence un enrichissement caractéristique en carbone organique et en éléments minéraux au sein des structures biogéniques rejetés par les vers de terre. Mais, elles restent conformes à celles de Norgrove et Hauser (2000), Tapia-Coral et al. (2006), Perreault et al. (2007), qui ont observé une similarité analogue entre les teneurs en carbone et en azote total des turricules et celles du sol environnant. Toutefois, ces mêmes études signalent pour la plupart, une augmentation caractéristique des teneurs en azote minéral (NO3, NH4, NO3-N, NH4-N, etc.) à l'intérieur des turricules, suggérant de fait, une forte activité de minéralisation à l'intérieur de ces structures. Dans notre expérimentation, l'absence d'influence significative des vers de terre sur les stocks en C et N du sol est imputable à la rigueur des conditions climatiques et à la durée de la période d'expérimentation (3 mois), probablement insuffisante pour observer un impact visible sur des processus intervenant manifestement à long terme. En effet, il semblerait que la protection physique du carbone organique et des nutriments dans les turricules de vers de terre ne soit perceptible que sur des échelles de temps relativement importantes. Ceci en raison de la forte minéralisation intervenant dans ces structures au stade précoce (Coq et al., 2007). Ainsi, la protection de la matière organique et des nutriments à l'intérieur des biogènes de vers de terre n'interviendrait qu'au bout d'une période de temps au cours de laquelle le vieillissement du turricule lui confère une stabilité plus importante (Marinissen et Dexter, 1990 ; Hindell et al., 1997a ; Hindell et al., 1997b), et un accroissement de sa capacité de protection physique de la matière organique et des nutriments, probablement liée au déclin de l'activité de minéralisation à l'intérieur de ces structures (Martin, 1989).

CONCLUSION

Cette conclusion est un peu confuse!! Il faut apprendre a dire les choses simplement!!!

La présente étude a montré que la modification de la structure du sol par les vers de terre endogés en conditions semi-naturelles, se profile derrière une typologie définie par 3 types d'impacts caractéristiques sur les propriétés physiques du sol : (i) l'effet des espèces compactantes M. omodeoi et D. terraenigrae qui se traduit par un important accroissement des niveaux de macroagrégation et de compaction du sol ; (ii) celui induit par l'espèce H. africanus se manifestant à travers une désagrégation du sol et une importante stimulation de la perméabilité du sol, et (iii) celui résultant de la combinaison d'espèces appartenant à des groupes fonctionnels distincts (compactant et décompactant), qui aboutit à la régulation du niveau de compaction du sol et à un impact relativement modéré sur la macroagrégation. Cette typologie démontre que la présence conjointe dans le sol d'espèces appartenant aux groupes fonctionnels compactant et décompactant, constitue un impératif au maintien et à la régulation de la structure physique du sol. Elle souligne ainsi, l'importance de la richesse spécifique et particulièrement celle de la diversité des groupes fonctionnels de vers de terre dans le fonctionnement du sol, notamment à travers la régulation de sa structure et de ses caractéristiques physico-chimiques. Par ailleurs, cette étude ouvre les réflexions sur l'importance du régime alimentaire des vers de terre dans la modification de la structure du sol. En effet, l'intensification de l'activité de consommation du sol constituerait chez les vers de terre, une réponse adaptative à la baisse de la teneur du sol en matière organique. Ainsi, dans les sols pauvres, la structuration physique du sol par les vers de terre suivrait le gradient de leurs exigences en matière organique. La considération de ce facteur constitue un préalable primordial aux perspectives d'utilisation des vers de terre comme acteurs dans l'amélioration de la structure physico-chimique des sols, de la réhabilitation des terres et dans la mise en place de systèmes de gestion durable des agrosystèmes intégrant les différents services écosystémiques rendus par ces organismes.

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MODIFICATION DES PROPRIETES PHYSICO-CHIMIQUES DU SOL PAR LES VERS DE TERRE ENDOGES GEOPHAGES : ROLE DES ATTRIBUTS FONCTIONNELS

ANNEXES

LISTES DES ANNEXES

Annexe 1 : Espèces de vers de terre présentes dans la zone d'étude.

Annexe 2 : Positions géographiques des parcelles.

Annexe 3 : Valeurs de F et P de l'analyse de variance à un facteur des différents paramètres physiques et chimiques du sol.

Annexe 4 : Valeurs de F et P de l'analyse de variance à un facteur de la distribution des différentes classes d'agrégats.

Annexe 5: Functional attributes: Compacting vs decompacting earthworms and influence on soil structure.

Annexe 1 : Espèces de vers de terre présentes dans la zone d'étude.

Espèces

Familles

Millsonia omodeoi (Sims, 1986)

Acanthodrilidae

Millsonia lamtoiana (Omodeo & Vaillaud, 1967

Acanthodrilidae

Dichogaster baeri (Sciacchitano, 1952)

Acanthodrilidae

Dichogaster eburnea

Acanthodrilidae

Dichogaster ehrhardti (Michaelsen, 1898)

Acanthodrilidae

Dichogaster saliens (Beddard, 1893)

Acanthodrilidae

Dichogaster mamillata

Acanthodrilidae

Dichogaster terraenigrae (Omodeo & Vaillaud, 1967)

Acanthodrilidae

Dichogaster papillosa (Omodeo, 1958)

Acanthodrilidae

Dichogaster sp 1

Acanthodrilidae

Dichogaster sp 2

Acanthodrilidae

Dichogaster sp 3

Acanthodrilidae

Agastrodrilus multivesiculatus (Omodeo & Vaillaud, 1967)

Acanthodrilidae

Agastrodrilus opisthogynus

Acanthodrilidae

Agastrodrilus sp

Acanthodrilidae

Hyperiodrilus africanus (Beddard, 1891)

Eudrilidae

Lavellea composita (Omedeo, 1985

Eudrilidae

Scolecillus compositus (Omodeo, 1958)

Eudrilidae

Stuhlmannia palustris (Omodeo & Vaillaud, 1967)

Eudrilidae

Stuhlmannia zielae (Omodeo, 1963)

Eudrilidae

Annexe 2 : Positions géographiques des parcelles

N° de parcelles

Altitude (m)

Latitude Nord (° min s)

Longitude Ouest (° min s)

1

175,7

6°31'48.7''

5°32'53.2''

2

170

6°31'23.9''

5°32'51.6''

3

167,2

6°31'17.7''

5°32'44.5''

4

177,5

6°30'98.3''

5°32'19.1''

5

175,3

6°30'91.4''

5°32'15.5''

6

179,6

6°30'94.8''

5°32'10.9''

7

177,9

6°30'81.8''

5°31'87.4''

8

183

6°30'90.7''

5°31'80.3''

9

182,3

6°30'69.9''

5°32'12.4''

10

181,7

6°30'58.5''

5°31'71.0''

Annexe 3 : Valeurs de F et P de l'analyse de variance à un facteur des différents paramètres physiques et chimiques du sol.

 

d.f.

F-values

P-values

Vitesse d'infiltration

Densité apparente (0 - 10 cm)

Densité apparente (10 - 20 cm)

Résistance à la pénétration (0 - 10 cm)

Résistance à la pénétration (10 - 20 cm)

Diamètre moyen pondéral (0 - 10 cm)

Diamètre moyen pondéral (10 - 20 cm)

Stock en C (0 - 10 cm)

Stock en C (10 - 20 cm)

Stock en N (0 - 10 cm)

Stock en N (10 - 20 cm)

7

7

7

7

7

7

7

7

7

7

7

5,37

0,88

1,73

1,21

3,26

4,87

8,24

0,33

0,97

0,35

0,41

0,00007

0,527

0,137

0,32

0,0099

0,0008

0,00001

0,93

0,47

0,92

0,88

d.f.= degrés de liberté ; les valeurs en gras représentent les effets significatifs au seuil 0,05

Annexe 4 : Valeurs de F et P de l'analyse de variance à un facteur de la distribution des différentes classes d'agrégats.

0 - 10 cm

 

d.f.

F-values

P-values

0-50 um

7

0,60

0,749

50-100 um

7

0,40

0,89

100-200 um

7

0,61

0,74

200-500 um

7

1,36

0,25

500-1000 um

7

5,1

0,00058

1000-2000 um

7

1,98

0,088

> 2000 um

7

5,22

0,00047

10 - 20 cm

 

d.f.

F-values

P-value

0-50 um

7

0,17

0,988

50-100 um

7

0,42

0,84

100-200 um

7

0,25

0,966

200-500 um

7

2,32

0,048

500-1000 um

7

7,93

0,000014

1000-2000 um

7

2,94

0,017

> 2000 um

7

8,86

0,000005

d.f.= degrés de liberté ; les valeurs en gras représentent les effets significatifs au seuil 0,05

* 1 Les différentes lettres indiquent les groupes homogènes identifiés par l'analyse post-ANOVA

* 2 Les différentes lettres indiquent les groupes homogènes identifiés par l'analyse post-ANOVA.

* 3 Les différentes lettres indiquent les groupes homogènes identifiés par l'analyse post-ANOVA, dans chacune des strates considérées.






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