Eléments d'une philosophie de l'espace chez Ernest Cassirer( Télécharger le fichier original )par Marcellin Tibérius KALOMBO MBUYAMBA Université catholique du Congo - Diplôme d'études approfondies 2012 |
I.3.2. l'espace comme forme « a priori » de la sensibilitéKant est à classer parmi les philosophes qui ont dépouillé l'espace de toutes ses prérogatives rationnelles et absolues et devient en ce sens, un phénomène subjectif du sujet connaissant. Selon Kant, le monde qui nous entoure n'a pas des propriétés spatiales, sauf celles que lui confère l'homme. L'étendue des corps, leur position respective, leur forme extérieure, leurs dimensions, les distances qui les séparent les uns des autres, rien de tout cela n'appartient au monde de la matière. Au contraire, en dehors de nous, il y a une ou plusieurs causes qui agissent sur nos sens externes et en branle leurs énergies naturelles. C'est dans nos organes de sens que ces influences externes brutes et informes, reçoivent leur empreinte spatiale, en nous apparaissant sous forme des corps étendus, distants les uns des autres, revêtus aussi de ces caractères que comprend notre représentation actuelle de l'espace. Il s'ensuit que, dans nos sens extérieurs se trouve avant à toute expérience sensible, une forme qui contient en germe l'espace infini et la multitude des espaces particuliers que nous découpons sans cesse dans cette étoffe illimitée. Ainsi, cette forme spatiale innée en nous, précède logiquement toute activité sensible non comme une sorte de représentation vague, imprécise ou vide de toute réalité, mais comme une disposition originelle, organique, comme une manière d'être qui rend le sujet sentant apte à percevoir dans un ordre spatial tous les phénomènes de la sensibilité externe. Raison pour laquelle, une telle antériorité logique Kant lui donne le nom de forme a priori. Elle est aussi pure, parce qu'elle est dégagée de tout élément emprunté à notre existence. Donc, pour la concevoir dans sa réalité propre, il faut en effet l'isoler de tous les phénomènes auxquels elle communique les propriétés de l'espace. Il appert de ce qui précède, voici comment se structure la théorie kantienne de l'espace : v Kant pense que, comment nous pouvons placer en dehors de nous, les uns à coté des autres, les objets de nos représentations, si nous ne possédons au préalable une intuition de l'espace dans lequel se fait cette localisation ? or, tout ce que nous perçons est perçu dans l'espace. Donc, l'intuition devance l'expérience. C'est ainsi que « l'espace est une représentation, nécessaire a priori qui sert de fondement à toutes les intuitions externes. On ne peut jamais se représenter qu'il n'y ait point d'espace, quoiqu'on puisse bien penser qu'il ne s'y trouve aucun objet. L'espace est donc considéré comme la condition de possibilité des phénomènes et non pas comme une détermination qui en dépende, et il est une représentation a priori servant nécessairement de fondement aux phénomènes externes».31(*) v La notion d'espace est tellement ancrée en nous, qu'il n'est pas en notre pouvoir de la bannir du champ de la conscience, bien qu'il nous soit facile de la vider de son contenu. Une preuve pour attester l'intuition spatiale, loin de dépendre des choses extérieures, conditionne au contraire, la possibilité de les percevoir. v L'espace est marqué au coin d'une unité absolue. Les espaces particuliers proviennent donc d'une limitation, d'un fractionnement de l'espace unique, illimité. v La représentation spatiale s'offre à nous sous forme de grandeur infinie renfermant, à l'état de possibilité, une multitude sans limite d'espaces particuliers. v Enfin, la géométrie qui est la science de l'espace, comprend un bon nombre de propositions ou d'axiomes nécessaires et universels. C'est la science qui détermine synthétiquement et a priori les propriétés de l'espace. Au demeurant, nous devons signaler que, la théorie kantienne de l'espace demeurait jusque là efficace et inébranlable. Kant est fils de son époque, il n'a connu qu'une seule physique, celle de Newton et une seule géométrie, celle d'Euclide. L'avènement des géométries non euclidiennes contribueront à ébranler le fondement de la théorie kantienne de l'espace, que nous aurons à étudier au deuxième chapitre. Toutefois, les empiristes aussi avaient donné leur point de vue concernant l'espace. * 31 G-G-GRANGER, La pensée de l'espace, Paris, Odile Jacob, 1999, p.10. |
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