INTRODUCTION GENERALE
De plus en plus, la notion de l'espace
préoccupe l'épistémologie en tant que secteur de
validité et des conditions de possibilités d'émergence des
sciences. La question de l'espace à cet effet, devient
récurrente, parce qu'elle est problématique. L'espace fait parti
des problèmes qui ont caractérisé l'histoire des sciences
et l'histoire de la philosophie depuis les temps anciens, jusqu'à nos
jours. Quant on parle de l'espace, l'idée première qui vient
à l'esprit est d'évoquer la géométrie
considérée comme la science de l'espace.
Par ailleurs, la notion de l'espace n'est pas
seulement utilisée dans la géométrie, il y a aussi la
physique, l'astronomie, la psychologie (la perception). Ces secteurs du savoir,
exploitent dans leur configuration épistémologique, la notion de
l'espace. Le philosophe qui a pensé à une telle pluralité
d'espace est de notre avis, Ernst Cassirer. Il est de la tradition
judéo-allemande, dernière figure de l'idéalisme
allemand.
Depuis toujours, les hommes ont cru que la notion de
l'espace était seulement d'obédience cosmologique, physique et
mathématique. Cassirer amène le débat ailleurs, dans un
terrain tout à fait nouveau, celui de la culture. L'on serait peut
être étonné de constater, que notre auteur bien qu'il soit
kantienne, élabore sa théorie de l'espace loin des
présuppositions de l'espace apriorique de Kant. Le fait que Cassirer
avait adopté une orientation pluraliste de la question de l'espace, il
ne lui conviendrait plus d'adopter la méthode de Kant. Il s'est
intéressé plus aux conceptions de Leibniz et de Félix
Klein. Chez Leibniz, il prend l'idée de la nature de l'espace
considérée comme une condition de possibilité et une
catégorie logique invariante des relations. L'espace devient dans ce
sens, « un ordre des coexistences, comme le temps un ordre des
successions »1(*).
L'espace dans le contexte cassirerien n'est pas une
substance, il est relatif au sens logique. A la conception substantielle issue
de la métaphysique traditionnelle (Aristote), il substitue la conception
fonctionnelle issue des ordres relationnels (Leibniz). Il appert que, pour
Cassirer, l'espace est une pure forme, c'est un schéma d'organisation
et une théorie des relations. A Félix Klein, Cassirer
récupère la théorie des groupes de transformations, en
étudiant essentiellement les propriétés d'invariance des
différentes figures. De son point de vue, Cassirer pense que la
théorie de l'espace peut quitter sa structure des sciences de la nature,
pour s'appliquer aux sciences de la culture. Raison pour laquelle, nous
affirmons que le savant de l'école de Marbourg, a innové à
partir de son point de vue que nous trouvons pluraliste et unitaire. Pour
éviter le malentendu, Cassirer a proposé de classifier chaque
orientation spatiale à un domaine particulier. Dans ce sens, l'espace
mythique correspond aux représentations spontanées ou primitives,
l'espace esthétique prévaut dans le domaine des figures
artistiques et l'espace théorique correspond aux
nécessités scientifiques, c'est-à-dire le secteur
physico-mathématique.
Alors, pouvons-nous, poser la question de
savoir : dans quelle mesure le problème de l'espace cassirerien
se rapporte-t-il au problème général de la
connaissance ? En plus, l'espace dans lequel se trouvent les choses est-il
considéré simplement comme une donnée intuitive ou bien,
n'est-il pas un simple produit et le résultat d'une formation
symbolique ? qu'est-ce qui fait l'unité des espaces dans le
contexte cassirerien ?
Eu égard à ces interrogations, Cassirer
insère la question de l'espace dans son vaste champ d'investigation des
formes symboliques. La structure spatiale, correspond à la structure
d'une fonction symbolique Cassirerienne. C'est ainsi que, pour mieux
appréhender l'essence de l'espace, nous devons la situer dans le cadre
général d'une « phénoménologie de
l'esprit »2(*).
D'où, l'espace devient une loi constante de l'esprit, un schéma
de connexion au moyen du quel tout ce qui relève de la perception
sensible entre dans des « relations déterminées de
coexistence »3(*).
Au reste, ce qui relie tous les espaces, qui ont un
caractère différent et une provenance différent du sens,
c'est une détermination purement formelle qui trouve son expression la
plus précise et la plus prégnante dans la définition
leibnizienne de l'espace considéré comme une possibilité
de la coexistence et comme un ordre des coexistences possibles. Cette
possibilité, est vécue différemment dans les modes de
formation spatiale.
C'est la raison pour laquelle, nous tenterons de
montrer et d'expliquer comment l'approche Cassirerienne de l'espace est
plurielle à travers les classifications purement formelles qu'il
établit des différents espaces. Nous constatons que, la notion de
l'espace demeure difficile et problématique et cette difficulté,
ne permet pas aux chercheurs d'émerger dans ce domaine.
Pour mener à bon port cette dissertation, nous
avons opté pour texture bipartite. Le premier chapitre offre un
aperçu historique sur la question de l'espace. Nous aurons à
aborder cette notion dans la première partie, comme espace absolu et
dans une deuxième partie, nous l'abordons dans la tradition empirique.
Le second chapitre insère la notion de l'espace dans la structure des
formes symboliques dans laquelle, Cassirer nous livre son innovation de la
théorie spatiale en classifiant les différents types d'espaces en
rapport avec les fonctions symboliques. A la fin du chapitre, nous
établissons le rapport entre l'espace théorique et la physique,
ensuite entre l'espace théorique et la perception. Une ouverture de
recherche ressort de ces divers points de vue, qui sera étudiée
et approfondie lors de nos futures investigations. Au reste, une conclusion
générale bouclera la boucle.
.
CHAP. I
L'ESPACE DANS LE SILLAGE DE
LA TRADITION HISTORIQUE
I.0. Introduction
Ce chapitre se veut un aperçu historique sur
la question de l'espace. Nous adoptons ici, une orientation physique ou
cosmologique. L'homme s'est toujours préoccupé du problème
de l'univers depuis son apparition sur la terre. La cosmologie ici, est sous
entendue comme le lieu dans lequel l'homme habite et comme un
réceptacle des choses. Cette étude s'avérait
problématique voire énigmatique dans l'histoire de la
philosophie. C'est ce qui a incité certains philosophes d'affirmer que
l'espace est un non-être et d'autres, de le renvoyer du coté de la
divinité, parce que l'espace comme étendue, se
considérait comme illimité, infini, d'où est née la
conception de l'espace absolu.
Enfin, une autre conception atteste que l'espace est
un phénomène subjectif crée de toute pièce par le
sujet connaissant à travers la perception, c'est la tendance empiriste.
C'est ainsi que la première partie de ce chapitre, aborde la question de
l'espace dans la tradition historique comme étant réelle et
absolue. La deuxième partie quant à elle, traite la question de
l'espace dans la tradition empiriste, qui pense que l'espace est crée
à partir de notre manière subjective de percevoir le monde. Ces
deux orientations constituent l'ossature de ce chapitre.
I.1. L'espace absolu dans la
tradition historique
Nous pouvons nous poser la question de savoir comment
peut-on aborder la question de l'espace absolu chez les grecs anciens en
considérant ces derniers comme ceux qui ont initié la tradition
d'une théorie de l'espace absolu. Les anciens et les modernes se sont
attelés à cette théorie, parce qu'ils trouvaient que
l'espace étaient réel, illimité, infini. Cette conception
a commencé à partir des Grecs anciens jusqu'à Newton.
I.1.1. Les atomistes
Les atomistes sont des philosophes qui ont
existé avant l'avènement de la philosophie socratique. Ils ont
pensé que l'univers ou les choses sont constitués des petites
particules infinies qu'ils appelaient « atomes ». Du
point de vue de la problématique de l'espace, ils ont souligné la
portée de cette découverte mais ont eu du mal à
élucider le caractère logique de l'espace abstrait. Leucippe de
Milet et Démocrite d'Abdère, avaient développé un
système dans lequel, seuls sont réels les atomes et le vide. Les
atomes sont indestructibles, infinis en nombre, et en mouvement continuel, avec
des collisions incessantes dans un vide infini. L'espace des atomistes, selon
Démocrite était un réceptacle infini des corps. Cet espace
infini, n'était ni homogène et anisotrope. Il y avait en effet,
une direction privilégiée pour le mouvement des atomes, la
verticale (clinamen). Aussi, dans leur conception, l'espace est un
non-être et ce non-être, une réalité vraie, bien
qu'il soit, inintelligible, insaisissable. D'où la notion de l'espace
absolu.
Cette tendance s'explique par le fait que l'espace est
un réceptacle universel de la matière, antérieur au moins
logiquement, à l'existence des corps, capable de survivre à leur
disparition, immobile, exempté de tout changement et illimité en
extension. Cette représentation a donné lieu à la
célèbre « théorie de l'espace
absolu »4(*). Il
s'ensuit que, la théorie de l'espace absolu est la plus ancienne des
toutes les théories cosmologiques de l'espace. Mais, ces anciens, qui
l'avait élaboré comme Leucippe, Démocrite, Lucrèce,
Epicure, ont professé cette théorie en affirmant que l'espace
absolu était nécessaire, incréé et eternel. Cette
théorie des atomistes était récupérée par
Platon pour fonder sa géométrie.
I.1.2. Platon
Il est connu que, Platon est considéré
dans la tradition de l'histoire de la philosophie comme un idéaliste,
à partir de sa théorie des idées ou de deux mondes.
Concernant la question de l'espace, il pense qu'il est illimité en
référence aux atomistes. Dans Timée5(*), il expose sa
théorie de l'espace et identifie le monde des corps physiques avec celui
des formes géométriques. Il reprend les quatre
éléments fondamentaux de la construction de l'univers selon
l'approche présocratique : il y a l'eau, le feu, l'air et la terre.
Platon reprend cette conception atomiste et montre que
ces éléments constitutifs n'ont des formes qu'à partir des
atomes. « On peut donc parler d'atomes identiques avec quatre des
cinq célèbres corps connus sous le nom de corps
platoniciens : le pyramide, le cube, l'octogone, le dodécagone et
l'icosaèdre ».6(*) En analysant ces corps, Platon attribue la figure de
l'icosaèdre à l'eau parce que l'eau se présente souvent
comme une difficile mobilité. La terre est attribuée la forme
cubique à cause de son caractère immuable. Le feu a la forme de
l'octaèdre et de pyramide, à cause de sa mobilité facile.
Et, l'univers (éther) entier est identifié au
dodécaèdre avec ses limites dont chacune correspond à une
étoile.
En plus, Platon insiste le principe de la
transmutation de la matière, c'est-à-dire que, un
élément peut se transmuer à un autre
élément. Le cas des atomes de l'eau peuvent se composé
des atomes d'air et du feu. Ainsi de suite. Ne perdons pas de vue que la
conception platonicienne de la géométrie était son projet
de longue à haleine au point d'afficher au fronton de son
académique : « que nul n'entre ici s'il n'est
géomètre ». Par ailleurs, Aristote associe la question
des l'espace à sa théorie du mouvement et du lieu.
Fig.17(*)
I.1.3. Aristote
Chez Aristote, la question de l'espace est liée
à sa théorie du mouvement. Car, « Les choses ne sont
donc pas seulement sensibles ou tangibles, elles sont également
mobiles : c'est pourquoi l'étude de la nature se rapporte au
mouvement »8(*).
Dans la perspective aristotélicienne, l'espace est
appréhendé à partir de la notion du lieu. Dans ce sens,
« le lieu est considéré comme une enveloppe immobile
d'un corps »9(*).
Chez Aristote, il n'y a pas de vide, l'espace est la somme de tous les lieux
occupés par nos corps. C'est ainsi que le mouvement est identifié
au changement des lieux : « les charrettes, qui étaient
tirées par les ânes, demeuraient statiques quand les ânes
étaient fatigués ; les bateaux qui étaient
poussés par les hommes contre le courant d'eau et qui se renversaient si
les bateliers lâchaient les câbles»10(*).
Il s'ensuit que, le mouvement chez Aristote
désigne le changement, c'est-à-dire la modalité par
laquelle quelque chose va à son accomplissement, dans le cadre du
cheminement qui mène de la puissance à l'acte. Comme le mouvement
se produit dans l'espace, ce dernier est substantiel et que le temps n'existe
qu'en vertu de l'espace dont il est la mesure. Dans son traité sur
Du Ciel, Aristote soutient l'idée que la notion de
l'espace est due suite au volume des corps. Les corps terrestres se meuvent en
ligne droite et les corps célestes en cercles. Les corps lourds
descendent, tandis que les corps légers montent. Il conclut que, ces
mouvements sont pour eux naturels. Par contre, il n'est pas naturel pour un
corps lourd de monter, pour un corps léger de descendre. Selon Aristote,
l'espace se confond avec le cosmos lui-même.
Le cosmos est très hiérarchisé et
se compose de deux zones séparées : la terre et les cieux.
La frontière entre les deux correspond à l'orbite de la lune, si
bien qu'Aristote parle du monde sublunaire et du monde supra lunaire. Pour
Aristote, le monde sublunaire est changeant, il est soumis à la
contingence et au hasard. Dans le monde supra lunaire, il ya l'existence des
corps célestes qui le peuplent et sont formés d'un
cinquième élément, l'éther. Leurs trajectoires sont
des cercles en toute éternité. Concernant l'espace
géométrique, Aristote pense qu'il est « non
homogène et son anisotrope »11(*). Il s'ensuit que, l'idée de l'espace absolu
amorçait par les atomistes était restauré au
XVIIe siècle par Gassendi et continuée par Newton.
I.1.4. L'espace absolu de Newton
Dans sa conception de l'espace, Newton met en garde
contre la confusion de l'espace abstrait qui est d'ordre
physico-mathématique réel et l'espace de l'expérience
sensible, qui est d'ordre métaphysique. C'est sur cette dernière
conception que la théorie newtonienne était devenue selon
Cassirer, « la pierre d'achoppement de tous les systèmes
sensualistes ».12(*) L'espace de Newton est pensé comme intemporel
universel et absolu. L'espace est une sorte de substance, qui est
indépendant de toute matière et possède une structure
d'espace euclidien à trois dimensions. Cet espace persiste à
travers le temps sans aucun changement.
Une telle affirmation signifie que l'espace newtonien,
ne saurait avoir des particularités locales. Dans Philosophiae
Naturalis Principia Mathematica, Newton affirme : « I. le
temps absolu, vrai et mathématique(...). II.L'espace absolu, par nature
sans relation à rien d'extérieur, demeure toujours le même
et immobile. L'espace relatif est cette mesure ou dimension mobile de l'espace
absolu, laquelle tombe sous nos sens par sa relation aux corps, et que le
vulgaire confond avec l'espace immobile. C'est ainsi, par exemple, qu'un
espace, pris au-dedans de la terre ou dans le ciel, est déterminé
par la situation qu'il a à l'égard de la terre. L'espace absolu
et l'espace relatif sont les mêmes d'espèces et de grandeur, mais
ils ne le sont pas toujours de nombre ; car par exemple, lors que la
terre change de place dans l'espace, l'espace qui contient notre air demeure le
même par rapport à la terre, quoique l'air occupe
nécessairement les différentes parties de l'espace dans
lesquelles il passe, et qu'il change réellement sans cesse. III. Le lieu
est la partie de l'espace occupée par un corps et par rapport à
l'espace, il est relatif ou absolu. Je dis que le lieu est une partie de
l'espace, et non pas simplement la situation du corps, ou la superficie qui
l'entoure. IV. Le mouvement absolu est la translation des corps d'un lieu
absolu dans un autre absolu, et le mouvement relatif est la translation d'un
lieu relatif dans un autre lieu relatif. »13(*)
Il appert de ce qui précède, chez Newton,
on trouve la notion d'espace dans sa mécanique, dans sa physique dans sa
métaphysique ainsi que dans sa cosmologie. A cet effet, dans la
mécanique, l'idée de l'espace absolu suggère l'idée
de la relation dans la localisation. Ainsi, chaque fois que nous localisons un
objet, nous effectuons une opération de mise en relation :
« le livre repose sur la chaise qui est à gauche de la
fenêtre ».14(*)
Aussi, nous pouvons localiser sans
référer A à B et la localisation à cet effet est
relative par essence. Mais, Newton se penche du coté de l'espace absolu,
en appuyant sur l'expérience du seau tournant contenue dans le
scholie15(*) de
Principia : « Si un vase tourne, l'eau qu'il contient dont la
surface reste d'abord plate, tend à se creuser un milieu et à
monter le long des parois du vaste. Un observateur placé au bord du
vase, qui ne verrait pas tourner l'eau, puisqu'il tournerait lui-même
comme elle en même temps qu'elle, pourrait néanmoins
déduire qu'elle tourne en s'appuyant sur le fait qu'elle se creuse. Ce
fait est pour Newton un mouvement absolu ».16(*)
A la fin de l'expérience, le seau et l'eau
tournent ensemble par rapport au mouvement de la terre. L'eau étant au
repos par rapport au seau et la surface libre qui est parabolique. Alors
qu'avant l'expérience, le seau et l'eau étaient au repos sur la
terre. L'eau étant au repos par rapport au seau, avec cette fois, une
surface libre plane. Newton conclut que le mouvement n'est pas seulement
dû à la position relative de l'eau et du seau, mais
nécessite autre chose, qui pour lui, est l'espace absolu.
Ainsi, dans la perspective newtonienne,
l'immensité de l'espace absolu, est une expression de l'immensité
divine. De ce point de vue, « l'espace est immense, immuable,
éternel (...) il est toujours et sans variation, l'immensité d'un
être qui ne cesse jamais d'être le même, une
propriété ou une suite de l'existence d'un être infini et
éternel ».17(*)Que retenir de la doctrine du célèbre
physicien astronome ? Sa théorie de l'espace se résume comme
suit :
v L'espace est vide et infini ; il est le contenant du
monde des corps, lequel est fini, et ce monde le fait plein dans une certaine
partie de lui-même.
v L'espace est différencié par sa nature propre
en toutes ses parties, c'est-à-dire qu'il y a en lui du haut et du bas,
de la droite et de la gauche, de l'avant et de l'arrière, des
directions, des distances, plus ou moins grandes de partie à part.
v L'espace est le sensorium Dei, c'est-à-dire que,
l'espace est considéré comme l'organe de sens à travers
lequel, Dieu est présent au monde.
Au reste, l'espace absolu par nature sans relation
à d'autres choses d'extérieur demeure toujours le même.
C'est ce qui a fait l'objet d'un débat entre Newton et Leibniz, que nous
présentons l'essentiel en quelques lignes.
I.1.5. Débat sur
l'espace absolu : Newton et Leibniz
La problématique de l'espace absolu a
donné un désaccord complet entre la conception de Newton et celle
de Leibniz. Ils ont eu des correspondances sérieuses jusqu'à la
mort de Leibniz. Dans cette correspondance, tous s'adressaient à la
princesse de Galles, amie à Leibniz. Rappelons aussi que, Newton avait
son porte-parole, Samuel Clarke qui était le chapelain de la cour
royale. L'ensemble de ces discussions, a constitué le livre
intitulé : la correspondance Leibniz-Clarke.18(*)
En effet, pour Newton, l'espace est absolu et
réel, vide et infini. Absolu signifie que tout objet est relatif
à l'espace dont il occupe un lieu. En plus, le fait de considérer
l'espace comme absolu, on a l'impression qu'il ne joue aucune fonction
positive. L'espace newtonien a des propriétés axiomatiques, comme
par exemple sa rigidité par rapport au mouvement, qui lui confère
aussi un rôle conservateur de la rectiligne. En tant que
métaphysicien, Newton pense que l'espace et le temps constituent le
sensorium Dei, c'est-à-dire que Dieu agit sur toute chose par
l'intermédiaire de l'espace, qui peut se présenter comme un
organe de sens de Dieu : « L'espace est comme le toucher de
Dieu, puisqu'il touche bord à bord tous les corps comme immédiate
extériorité».19(*)
De son coté, Leibniz n'accepte pas la
conception de Newton ainsi que ses caractéristiques de l'espace. Il y a
eu un désaccord sur l'idée de sensorium Dei. Selon Leibniz,
comme si Dieu avait besoin d'organes pour agir. Leibniz pense que,
« il n'y a pas d'expression moins convenable sur ce sujet, que celle
qui donne à Dieu un sensorium. Il semble que cette expression fait de
Dieu l'âme du monde».20(*)
Pour Leibniz, l'espace est idéal, parce qu'il
représente la façon dont nous mettons un ordre de juxtaposition
entre les choses lorsque nous découvrons le monde. A cet effet, l'espace
ne peut pas se séparer de cette opération de connaissance
intellectuelle du monde. En plus, Leibniz s'insurge contre la conception de
l'espace absolu et propose sa conception de l'espace idéal et relatif.
En sus, l'espace est dû aux relations qui existent entre des objets
matériels coexistant, d'ou le terme relation caractérise la
conception leibnizienne pour désigner l'espace. Contre les newtoniens il
conteste avec véhémence et dit : « Ces messieurs
(Newton et ses disciples) soutiennent donc que l'espace est un être
réel absolu, mais cela les mène à des grandes
difficultés. Car, il parait que cet être doit être
éternel et infini. C'est pourquoi, il y en a qui ont crut que
c'était Dieu lui-même, ou bien son attribut, son immensité.
Mais, comme il a des parties, ce n'est pas une chose qui puisse convenir
à Dieu »21(*).
Au demeurant, Leibniz a déployé contre
la conception newtonienne de l'espace et du temps, une critique double :
logique et métaphysique. Concernant la critique logique,
« rapporté à l'espace, on peut dire que : tout
objet A doit nécessairement se trouver devant, derrière, à
gauche, à droite, au-dessus, en dessous de certains autres objets
B,C,D... pourqu'un objet Z soit placé au même endroit que A, il
faut et il suffit que Z soit placé de façon qu'il ait exactement
les mêmes rapports aux autres choses B,C,D... que A »22(*). Il se dégage
qu'à la même place étant équivalent à des
mêmes rapports. Pour signifier, que l'espace n'est rien d'autre que
l'ensemble des relations de juxtaposition des choses. Selon Leibniz, l'espace
« est un ordre des coexistences, comme le temps ordre des
successions»23(*).
Concernant la critique métaphysique,
Leibniz avance les arguments suivants : si l'espace était un vide
infini dans lequel Dieu aurait déposé l'univers, on ne voit pas
pour quelle raison, Dieu aurait déposé le monde là
où il est, plutôt un peu plus loin à gauche ou à
droite. De ce fait, la rationalité de Dieu implique qu'on ne puisse
l'imaginer créant un monde dont les caractéristiques n'auraient
pas de raison suffisante. Ainsi, Dieu en choisissant un lieu plutôt qu'un
autre dans une infinité des possibles, aurait fait un choix sans raison
suffisante. D'où son axiome de la raison suffisante qui s'énonce
comme suit : « Il est vrai, dit-on, qu'il n'y a rien sans une
raison suffisante pourquoi il est et pourquoi il est ainsi plutôt
qu'autrement. Donc, rien n'arrive sans qu'il y ait une raison
suffisante. »24(*). Il complète ce principe par un autre
principe d'identité des indiscernables qui est la conséquence de
la raison suffisante et s'énonce comme suit : « Il ne
peut exister deux êtres indiscernables l'un de l'autre ». Au
reste, Leibniz pense : mieux vaut dire qu'il n'y a pas de
réalité d'un espace vide infini, ce qui fera disparaitre le
débat. Par ailleurs, c'est Kant qui avait arbitré le
débat. Mais pour Descartes, il est question d'une conception purement
intellectuelle.
I.2. Descartes :
approche rationaliste
Cassirer Commence par dire que, chez Descartes, il y
a une relation étroite entre l'analyse du concept d'espace et le concept
de substance. Cette corrélation existe du point de vue de la
méthode, entre la connexion ontologie et la connexion
métaphysique des problèmes liés à l'espace.
L'espace est une étendue (extensa) il est l'attribut essentiel de la
substance. Une telle étude, se confirme dans la perspective de la
métaphysique cartésienne ou la chose en tant que l'objet
empirique, ne peut pas recevoir une définition claire et distincte que
par ses déterminations spatiales. Par l'exemple, l'extension d'un objet
en longueur, en largeur et en profondeur, est notre manière propre de
qualifier objectivement un objet de l'expérience.
D'avis de Cassirer, chez Descartes, il y a une
unité, un rapport objectif entre le concept de chose et le concept
mathématique d'espace. Ces deux concepts se fondent sur leur
« attachement commun à une seule et même fonction
logique et sur leur enracinement commun en elle ».25(*)
A cet effet, l'identité de la chose, la
continuité et l'homogénéité de l'entendue
géométrique, ne sont pas des données qui soient
immédiats de l'impression ou de la perception sensible. Cassirer cite
Descartes pour dire que : « la vue ne nous fait rien
connaitre que des images, l'ouïe rien que des bruits ou des sons :
aussi est-il clair qu'une chose que nous pensons être en dehors de ces
images et de ces sons comme désignée par eux ne nous est pas
donnée par des représentations sensibles venus du dehors, mais
bien par des idées innées qui ont leur siège et leur
origine dans notre propre pensée ».26(*)
Eu égard à cette citation, Descartes
adopte une approche rationaliste. Car, il pense que rien ne peut provenir des
organes des sens ; ils nous trompent de temps en temps à partir de
la perspective illusionniste de l'espace. Il se confie à l'esprit,
à l'idée, à la raison. Nos représentations
spatiales ne proviennent qu'à partir de notre propre idée. Toutes
les déterminations que nous avons l'habitude de coller à l'espace
de l'intuition, ne sont que des pures caractères logiques. Et ces
caractères logiques, sont des propriétés distinctives
comme la continuité, l'infinie, l'homogénéité, qui
sont considérés comme les éléments constitutifs de
l'espace de la géométrie pure.
L'intuition de l'espace des choses, de l'espace
physique, ne nous permet pas de se réaliser autrement. En plus, pour
avoir accès à cette intuition spatiale, l'entendement de son
coté, doit rassembler les data individuels que les sens lui livrent,
ensuite comparer ces data entre eux, mieux les accorder entre eux. Le
résultat obtenu de cet accord est la coordination ces data est,
« l'espace en tant que schéma constructif dont la
pensée trace le croquis, comme une création de cette
mathématique universelle : car ce qu'on nomme grandeur, distance,
positive respective des choses entre elles, n'est rien qu'on puisse voir ou
toucher : on ne peut que l'évaluer et le
calculer ».27(*)
Ainsi, tout acte de perception spatiale enveloppe un acte de mesure et par
suite de déduction mathématique.
Au demeurant, la rationalité dans le contexte
où Cassirer se réfère à Descartes, renvoi à
un double sens qui englobe à la fois la raison et le calcul. En plus, il
domine et envahit le domaine de l'intuition et celui de la perception, en
affirmant que l'intuition et la perception lui appartiennent et sont
également soumises à sa légalité constitutive.
Toute intuition selon l'approche cartésienne, s'attache toujours
à une pensée théorique et la pensée
théorique s'attache à un jugement et à un raisonnement
logiques de tel enseigne que, c'est l'acte premier de la pensée pure qui
nous découvre et nous rend accessible la réalité sous la
forme d'un monde des choses subsistant par soi comme celle d'un monde de
l'espace intuitif. Un tel point de vue suscita un débat avec la
conception spinozienne de l'espace.
Spinoza a construit sa théorie de l'espace dans
une perspective cosmologique panthéiste. Il s'est beaucoup
inspiré de Descartes. Pour ce dernier, l'espace réel ou le lieu
interne s'identifie avec la substance corporelle qui s'y trouve contenue. En
effet, l'étendue avec sa triple dimension, la longueur, la largeur et
l'épaisseur, constitue le corps au même titre qu'elle constitue
l'espace. Ainsi, le corps est un espace délimité,
déterminé et individualisé, tandis que l'espace comme
étendue demeure inchangée malgré les transformations de la
matière. Aussi, l'étendue est une impossibilité absolue du
vide et l'infinité de l'espace. Cette conception a aboutit à une
affirmation selon laquelle, Dieu est une étendue puisqu'il est
illimité, infini. Ainsi, Descartes a distingué le
caractère indéfini de l'étendue de l'infinité de
Dieu, ce qui a pour effet de distinguer l'étendue et Dieu, même
s'il admet l'immensité de l'une et de l'autre.
Par ailleurs, la théorie de Spinoza va à
l'encontre de Descartes, bien que celui-ci l'ait influencé. Pour
Spinoza, l'espace n'est autre chose que l'étendue. L'étendue
réelle est continue et infinie. Elle exprime un attribut constitutif de
l'être divin, et ne peut, par conséquent se prêter à
aucune division, toute substance étant indivisible. En plus,
l'étendue apparente, objet de l'imagination, revêt des formes
multiples et variées, qui sans rompre l'essentielle continuité de
leur trame, délimitent les espaces occupés par chaque corps.
En sus, dans l'Ethique de Spinoza, il affirme que Dieu
est l'étendue infinie, même si celle-ci, n'épuise pas son
essence puisque, son essence lui confère une infinité
d'attributs. Dans ce sens, Spinoza s'oppose à Descartes. Pour Spinoza,
« l'étendue est un attribut de Dieu, autrement dit, Dieu est
une chose étendue »28(*). Donc, la substance est simple et
indivisible. Ses modes ou ses créatures ne sont pas des divisions, mais
l'expression de sa puissance. Alors que chez Descartes, la substance est
l'attribut de l'étendue et que l'étendue est divisible. Chez
Spinoza, la substance se manifeste dans ses modes : infinis en nombre et
montre la puissance infinie d'une substance qui reste infinie et simple. C'est
ainsi Kant offre une autre conception de l'espace comme forme apriori de la
sensibilité.
I.3. Le statut de l'espace
selon Emmanuel Kant
Avant de pouvoir donner le statut de l'espace dans la
perspective de Kant, voyons d'abord comment il est parvenu à
arbitré les débats sur le concept de l'espace entre Newton et
Leibniz.
I.3.1. Les arguments kantiens
contre la conception de Newton et celle de Leibniz
Kant dans sa conception de l'espace apriorique, a fait
sortir ces deux philosophes dans leur débat. Nous avons vu d'un
coté, le dogmatisme empirique de Newton qui avait besoin d'un espace
vide infini pour fonder sa nouvelle physique et de l'autre coté, le
dogmatisme idéaliste de Leibniz qui voit dans la conception newtonienne
de l'espace, un monstre qui fait de Dieu un être absurde dans sa
création et fait du monde une réalité
incréée éternelle (élimine Dieu comme
créateur). Encore, fait de Dieu l'âme immanente du monde. C'est
ainsi que, Kant va faire de l'espace une intuition, c'est-à-dire la
forme intuitive de l'extériorité des choses de notre
expérience.
Contre Leibniz, Kant n'a pas vraiment
systématisé la critique, mais nous trouvons seulement quelques
reproches. Déjà dans son texte de « Du premier
fondement de la différence des régions dans l'espace
(1768) », Kant a reproché à Leibniz de donner à
l'espace l'idée d'une représentation abstraite des rapports des
choses entre elles. Ainsi, les objets symétriques sont indiscernables si
l'espace n'est qu'un ordre intellectuel. Car, la gauche et la droite, ne
peuvent être déterminées intellectuellement. Cette
même remarque était reprise par Kant dans les
« Prolégomènes » où il illustre par
les objets identiques non congruents comme les deux mains. A cet effet, si
l'espace était seulement lié à l'ordre des choses, il n'y
aurait pas de possibilité de distinguer la main gauche de la main droite
alors que, ce que nous faisons d'habitude sans peine mais sans pouvoir nous en
expliquer. Ce qui est intuitif et sensible n'est pas nécessairement
conceptuel.
Il faut dire que, Kant a beaucoup attaqué
Leibniz concernant son idée de l'idéalité intellectuelle
de l'espace. A cet effet, l'espace est une condition objective de la
possibilité de l'expérience des choses. Contre Newton, Kant avait
de réserve. Il s'est inspiré de la conception de Newton pour
consolider sa propre conception. Par ailleurs, Kant s'écarte aussi de la
conception de Newton dont le réalisme empiriste tend à faire des
mathématiques de l'espace, non pas une science dont la
vérité pourrait être confirmée ou
vérifiée d'une manière empirique. Dans ce sens, la
géométrie est une connaissance sensible et non empirique parce
que les figures constituent nécessairement une forme de raisonnement et
elle est non empirique dans le sens où par exemple,
l'égalité de deux grandeur (deux angles, deux cotés de
figures) n'est pas établie a posteriori par une mesure à l'aide
d'un instrument, mais par démonstration a priori.
Dans son arbitrage, Kant pense que, s'il donne raison
à Newton, on pourrait sacrifier soit la mathématique, soit la
métaphysique. Alors pour Kant, nous ne pouvons pas sacrifier la
sureté de la géométrie dans la mesure où, elle doit
être toujours a priori. Alors, il dit : « si le concept de
l'espace n'était originairement donné par la nature de
l'esprit(...) l'usage de la géométrie serait peu
sûr »29(*).
Du point de vue métaphysique, Kant rejette une
fois de plus l'idée de Newton. Cela Kant l'a confirmé dans la
critique de la raison pure. Si l'espace et le temps étaient des
formes, non pas seulement des phénomènes mais des choses en soi,
il leur faudrait l'être de Dieu : « mais de quel droit
peut-on procéder ainsi quant on a commencé par faire du temps et
de l'espace des formes des choses en elles-mêmes et des formes telles
qu'elles subsisteraient comme conditions a priori de l'existence des choses,
quant même on ferait disparaitre les choses elles-mêmes ? En
effet, en qualité de conditions de toute existence en
général, elles devraient l'être aussi de l'existence de
dieu. Si l'on ne veut pas faire de l'espace et du temps des formes objectives
de toutes choses, il ne reste plus qu'à en faire des formes subjectives
de notre mode d'intuition aussi bien externe qu'interne ».30(*) Après cette citation,
passons directement à la conception kantienne de l'espace.
I.3.2. l'espace comme forme
« a priori » de la sensibilité
Kant est à classer parmi les philosophes qui
ont dépouillé l'espace de toutes ses prérogatives
rationnelles et absolues et devient en ce sens, un phénomène
subjectif du sujet connaissant. Selon Kant, le monde qui nous entoure n'a pas
des propriétés spatiales, sauf celles que lui confère
l'homme. L'étendue des corps, leur position respective, leur forme
extérieure, leurs dimensions, les distances qui les séparent les
uns des autres, rien de tout cela n'appartient au monde de la matière.
Au contraire, en dehors de nous, il y a une ou plusieurs causes qui agissent
sur nos sens externes et en branle leurs énergies naturelles. C'est
dans nos organes de sens que ces influences externes brutes et informes,
reçoivent leur empreinte spatiale, en nous apparaissant sous forme des
corps étendus, distants les uns des autres, revêtus aussi de ces
caractères que comprend notre représentation actuelle de
l'espace.
Il s'ensuit que, dans nos sens extérieurs se
trouve avant à toute expérience sensible, une forme qui contient
en germe l'espace infini et la multitude des espaces particuliers que nous
découpons sans cesse dans cette étoffe illimitée. Ainsi,
cette forme spatiale innée en nous, précède logiquement
toute activité sensible non comme une sorte de représentation
vague, imprécise ou vide de toute réalité, mais comme une
disposition originelle, organique, comme une manière d'être qui
rend le sujet sentant apte à percevoir dans un ordre spatial tous les
phénomènes de la sensibilité externe. Raison pour
laquelle, une telle antériorité logique Kant lui donne le nom de
forme a priori. Elle est aussi pure, parce qu'elle est dégagée
de tout élément emprunté à notre existence. Donc,
pour la concevoir dans sa réalité propre, il faut en effet
l'isoler de tous les phénomènes auxquels elle communique les
propriétés de l'espace.
Il appert de ce qui précède, voici
comment se structure la théorie kantienne de l'espace :
v Kant pense que, comment nous pouvons placer en dehors de
nous, les uns à coté des autres, les objets de nos
représentations, si nous ne possédons au préalable une
intuition de l'espace dans lequel se fait cette localisation ? or, tout ce
que nous perçons est perçu dans l'espace. Donc, l'intuition
devance l'expérience. C'est ainsi que « l'espace est une
représentation, nécessaire a priori qui sert de fondement
à toutes les intuitions externes. On ne peut jamais se
représenter qu'il n'y ait point d'espace, quoiqu'on puisse bien penser
qu'il ne s'y trouve aucun objet. L'espace est donc considéré
comme la condition de possibilité des phénomènes et non
pas comme une détermination qui en dépende, et il est une
représentation a priori servant nécessairement de fondement aux
phénomènes externes».31(*)
v La notion d'espace est tellement ancrée en nous,
qu'il n'est pas en notre pouvoir de la bannir du champ de la conscience, bien
qu'il nous soit facile de la vider de son contenu. Une preuve pour attester
l'intuition spatiale, loin de dépendre des choses extérieures,
conditionne au contraire, la possibilité de les percevoir.
v L'espace est marqué au coin d'une unité
absolue. Les espaces particuliers proviennent donc d'une limitation, d'un
fractionnement de l'espace unique, illimité.
v La représentation spatiale s'offre à nous sous
forme de grandeur infinie renfermant, à l'état de
possibilité, une multitude sans limite d'espaces particuliers.
v Enfin, la géométrie qui est la science de
l'espace, comprend un bon nombre de propositions ou d'axiomes
nécessaires et universels. C'est la science qui détermine
synthétiquement et a priori les propriétés de l'espace.
Au demeurant, nous devons signaler que, la
théorie kantienne de l'espace demeurait jusque là efficace et
inébranlable. Kant est fils de son époque, il n'a connu qu'une
seule physique, celle de Newton et une seule géométrie, celle
d'Euclide. L'avènement des géométries non euclidiennes
contribueront à ébranler le fondement de la théorie
kantienne de l'espace, que nous aurons à étudier au
deuxième chapitre. Toutefois, les empiristes aussi avaient donné
leur point de vue concernant l'espace.
I.4. L'espace dans la
tradition empirique
La tradition empirique a critiqué avec
véhémence la théorie de l'espace absolu. Parmi les
philosophes qui l'ont fait avec rigueur, figurent les noms de Georges Berkeley
et de Helmholtz. Hering, est un nativiste qui pense que les dispositions
spatiales sont innées en l'homme.
I.4.1. Georges Berkeley:
approche empirico-sensualiste
Selon Cassirer, G. Berkeley est considéré
comme le philosophe qui a critiqué le point de vue de Newton sur
l'espace absolu. Dans ce sens, Cassirer affirme que, pour Berkeley, l'espace
absolu « n'était qu'un espace imaginaire, une fiction de
l'esprit »32(*).
Dans son ouvrage sur « La nouvelle théorie de la
vision », cet empiriste offre une structure sur la question de
l'espace qui est un pur renversement de la théorie absolu de l'espace et
surtout du rationalisme cartésien. Bien que Berkeley réfute le
point de vue de Descartes, possède en quelque sorte le même point
de départ que lui.
D'après Cassirer, toute notre
réalité primitive est enfermée dans l'impression simple
des sens chez Berkeley. Un tel point de vue est insuffisant et que la
perception ultime sensible, ne suffit pas, en tant que telle à expliquer
la conscience spécifique de l'espace, ainsi que l'organisation et
l'ordonnancement des espaces dans lesquels nous sont donnés les objets
de l'expérience. Comme Descartes refusait les data individuels qui
constituent une détermination spatiale, Berkeley lui aussi pense que,
« les données sensibles prises individuellement, ne sont pas
de nature à comporter de déterminations immédiatement
spatiales, qui ne se réalisent là encore que grâce à
un processus compliqué d'interprétation de ces données par
l'âme »33(*).
Ainsi, notre image de l'espace ne se construit pas
selon Berkeley, par l'adjonction d'une perception particulière et
qualitativement nouvelle à celles qui nous viennent de l'entremise des
organes des sens : de la vue et du toucher en particulier. Il n'y a pas un
rapport unitaire entre une perception extérieure et une perception
intérieure par le biais de nos organes des sens.
Face à une telle problématique, Cassirer
pense que, Berkeley trouve une issu pour sortir de la crise :
« ce qui est requis pour éveiller et fixer en nous cette
image, c'est une relation déterminée qui, intervenant entre les
données des diverses sens, nous permettent de passer des unes aux autres
d'après les règles constantes et de les coordonner entre
elles »34(*). Alors que, chez Descartes, cette
coordination des divers data individuels est expliquée en se
référent à une fonction primitive de l'intellect et
à ses idées innées. Par contre, Berkeley emprunt une voie
tout à fait opposée. Pour ce sensualiste, l'espace pur de
Descartes et l'espace absolu de Newton sont considérés à
ses yeux « comme bien moins une idée qu'une
idole »35(*).
De ce fait, les espaces cartésiens et newtoniens,
ne tiennent pas devant une critique psychologique qui est tournée vers
la découverte des faits naïfs de la conscience. En plus,
l'observation et l'analyse phénoménologique sans
prévention ignorent également l'espace abstrait avec lequel les
mathématiques et les physiciens opèrent.
Ainsi, l'observation et l'analyse
phénoménologique de la question de l'espace ne connaissent pas
l'extension homogène parfaite, illimitée et pure de toute
qualité sensible. Dans ce contexte, ce qui est plus important,
« c'est autre faculté maitresse de l'âme ;
irréductible à la perception simple, comme à
l'activité logique et discursive de l'entendement et qu'on ne peut
qualifier ni de purement sensible ni de rationnelle ».36(*) Il est question donc d'une
activité originale de l'esprit, d'une synthèse de l'esprit,
c'est-à-dire une synthèse qui est fondée sur
« les règles de l'imagination »37(*) que sur les
règles d'une logique abstraite et d'une mathématique formelle
comme l'a fait Descartes. En plus, ce qui distingue les règles de
l'imagination Berkeleyenne de celles de mathématiques et logiques
cartésiennes, c'est le fait que les règles de l'imagination dans
l'approche sensualiste, ne peuvent pas fonder « d'association
universelles et nécessaires mais seulement empirique et
fortuites»38(*).
Encore, ce n'est pas une nécessité
objective, intérieure à la chose même, mais l'habitude et
l'usage qui relient ensemble les différents domaines des sens et les
font enfin chevaucher si étroitement qu'ils peuvent se substituer les
uns aux autres. Donc, pour Berkeley, « le développement de
l'intuition de l'espace est solidaire de cette substituabilité et
suppose que les impressions sensibles acquièrent peu à peu une
fonction de représentation par delà leur teneur initiale
simplement présentative »39(*).
Par ailleurs, la représentation dont parle
Berkeley, ne se fait pas par d'autre moyen que par la reproduction. Ainsi, pour
rendre possible la constitution de notre expérience de l'espace,
Berkeley demande d'ajouter à part la faculté de la perception,
une autre faculté médiate, mais non pas moins importante pour
autant : la faculté de la suggestion. Il s'ensuit que, le concept
de la suggestion en tant qu'une nouvelle faculté ajoutée à
la perception rend plus clairement la détermination de l'espace ou des
choses dans l'espace. Au fur et à mesure que ce pouvoir de suggestion se
fortifie, la sensation qui était isolée devient apte à
annoncer une autre sensation qui est différente, à la
représentation dans la conscience de la personne, que va se forger en
nous la chaine grâce à laquelle les éléments de la
réalité s'assemblent en un tout pour former un monde de l'espace.
Une telle tendance était approfondie dans une approche physiologique de
Helmholtz.
I.4.2. H. Helmholtz :
approche empirico-physiologique
Bien que H. Helmholtz soit physiologiste, s'attache
plus à Descartes qu'à Berkeley, qui est aussi empiriste et
physiologiste. D'ailleurs, sa théorie « des raisonnements
inconscients »40(*), contenu dans son « Optique
physiologique », cité par Cassirer, s'attache beaucoup
à la théorie Cartésienne de la Dioptrique. Mais, les
formes de ce raisonnement inconscient de Helmholtz sont plus recherchées
dans le modèle des formes du raisonnement inductif et non dans les
logiques et mathématiques comme l'a fait Descartes. C'est sur ce point
de vue qu'il se sépare de Descartes.
En plus, l'approche à relier par association et
à compléter par reproduction les impressions des sens, suffisent
pour expliquer, admettre et insérer les impressions des sens d'espace.
Donc, « l'espace naît de simples sensations transformées
par l'association et les conclusions inconscientes »41(*). Par cette approche, il est
proche de Berkeley. En plus, Helmholtz ne contestait pas la question
apriorique de l'espace au sens kantien, mais il voulait simplement donner
à la conception kantienne une autre version qui n'était pas en
contradiction avec les intuitions fondamentales de sa physiologie des sens et
qu'il complète et explicite. Pour justifier la possibilité
d'avoir l'intuition de l'espace non euclidien et pour fonder philosophiquement
la science de l'espace, Helmholtz introduit une distinction entre espace
physique et espace représentatif et il essaie d'expliquer la raison de
la cohérence des géométries non euclidiennes par l'accord
avec la représentation intuitive que nous avons de l'espace.
En sus, Si l'espace euclidien est la forme a priori de
l'intuition, alors la géométrie est entendue comme science de
l'espace physique et elle ne peut pas être autre qu'euclidien. Si au
contraire, l'espace géométrique est considéré comme
étant distinct de l'espace physique, on peut soutenir qu'il est
compatible avec la représentation intuitive de l'espace. Aussi, pour
expliquer la différence entre une force de l'espace que nous connaissons
a priori et l'espace euclidien que nous connaissons a posteriori, Helmholtz
fait une distinction entre l'espace représentatif ou intuitif et
l'espace géométrique. L'espace représentatif est unique,
il est la condition de possibilité de l'expérience. L'espace
géométrique au contraire, est une description abstraite de
l'espace représentatif. Ainsi, s'achève le contenu
réservé pour Helmholtz et voyons une autre tendance surtout le
nativisme soutenue par Hering.
I.4.3. Hering : approche
nativiste
Pour Cassirer, le nativisme « est une
théorie qui considère que la perception de l'espace et du temps
est innée et non acquise progressivement42(*) ». C'est aussi une théorie selon
laquelle, l'espace et le temps sont des données dans les sensations
elles-mêmes et non acquis par expérience. Le fait que l'empirisme
était pris dans le dilemme selon lequel, il fallait expliquer l'espace
soi par nos propres sensations, soit par le signe, qu'il fallait changer de
direction d'investigation. Car, cette approche ne devrait pas toujours
expliquer la forme de l'espace à partir du concept de sensation. C'est
pourquoi, l'empirisme pour bien expliquer les choses a dû séparer
de ce que signifie la sensation en son sens simple est en soi-même,
« c'est pourquoi, elle se donne immédiatement à des
autres moments qui ne s'y ajoutant qu'en cours d'expérience, apportent
de multiples modifications à son état
initial »43(*). Ainsi, grâce à ces
modifications, l'intuition et la représentation de l'espace, se sont
développés à partir des data de la simple sensation.
Selon Cassirer, Hering intervient pour dire, qu'il
était fidèle à la théorie. Contre les
dérivations des empiristes, il reste en parfait droit de dire que :
« jamais la juxtaposition ou la succession d'élément
non spatiaux ne pourrait engendrer du spatial, qu'il fallait au contraire
reconnaitre d'une manière ou d'une autre, dans l'étendue et dans
la spatialité un caractère irréductible de toutes nos
perceptions sensible »44(*). Ajoutons que la psychologie moderne avait
déjà abandonné l'idée selon laquelle de prendre sur
la fait la conscience au point précis dans lequel va s'accomplir le
passage décisif d'une sensation en soi non spatiale à la
perception spatiale. Ainsi, « l'opération requise ici ne se
rapporte jamais à la naissance de la spatialité comme telle,
mais bien à la distinction en son sein des phases d'accentuations et
d'organisations déterminées »45(*).
De ce fait, l'approche nativiste de Hering n'aborde pas
seulement la question de la naissance de l'espace, mais elle cherche aussi
à savoir, comment au sein d'une structure spatiale, il y a des phases et
d'organisations déterminées d'espaces. Car, comment quelque chose
qui est dépourvue de l'espace peut-elle acquérir de
l'espace ? A cet effet, ce qui compte chez Hering, c'est de « se
demander par quelle voie et grâce à quelles médiations la
simple spatialité se change en l'espace, l'espace pragmatique en
l'espace systématique »46(*). Pour ce point de vue, il y a une grande distance
entre le vécu primaire d'espace à l'espace formé qui est
la condition de l'intuition d'objets et encore de cet espace intuitif et
objectif, à l'espace de la meure et de l'ordre mathématique (la
géométrie).
I.5. Conclusion
Il était question dans ce chapitre, de parcourir
l'histoire de la théorie de la connaissance, afin de dégager les
différentes conceptions qui ont abordé la question de l'espace.
A vrai dire, nous nous sommes rendu compte que, deux tendances ont
dominé l'histoire de la théorie de l'espace du point de vue
physico-cosmologique. D'une part, il y a eu la conception de l'espace absolu
qui a commencé déjà avec les grecs anciens (les atomistes)
qui attestaient l'immensité de l'espace, son ultime illimité et
son incommensurabilité. Une telle conception était
récupérée par Newton dans le temps moderne. Tous
projetaient la problématique de l'espace absolu à la nature
divine. Car, Dieu, est infini, illimité, indéterminé, et
s'identifie donc à l'espace. C'est ainsi cette idée a
engendré un débat entre les différentes tendances. Les
unes affirmaient l'existence absolue de l'espace et d'autres contredisaient
cela. Kant se plaça comme l'arbitre et impose son opinion de l'espace
comme forme apriorique de l'intuition.
D'autre part, une deuxième tendance, celle des
empiristes s'est opposée avec véhémence aux conceptions
rationalistes et absolutistes de l'espace. Cette tendance affirme que l'espace
est produit par la perception du sujet connaissant lui-même. Pour
éviter le malentendu entre les différentes conceptions de
l'espace, Cassirer distingue les niveaux de chaque représentation par
son espace. C'est ce qui fait son innovation. C'est l'objet du deuxième
chapitre.
CHAP. II
INNOVATION CASSIRERIENNE DE
LA THEORIE DE L'ESPACE
II. 0. Introduction
Le chapitre précédent a essayé de
tracer un aperçu historique sur la question de l'espace d'une approche
cosmologique. Cette étude s'est orientée vers plusieurs
tendances : absolu, idéale, relationniste, rationnelle, empiriste.
Ces différentes avaient provoqué des débats et des
controverses sur la nature même de la question de l'espace. Ce chapitre,
se veut une orientation Cassirerienne sur la problématique de l'espace.
Notre auteur a innové à partir de son point de vue que nous
trouvons pluraliste et unitaire.
En effet, pour éviter le malentendu, Cassirer
a proposé de classifier chaque orientation spatiale à un domaine
particulier. Face à cette perspective, il sort la notion de l'espace
dans sa structure des sciences de la nature, pour l'appliquer aux domaines de
la culture. Raison pour laquelle, chez lui, il y a un espace mythique qui
correspond aux représentations spontanées, un espace
esthétique qui prévaut dans les figures artistiques et un espace
théorique qui correspond aux nécessités scientifiques.
Cette distinction nous parait acceptable et nous pensons qu'il a résolu
quasiment la préoccupation sur la question spatiale, en
commençant par les grecs anciens jusqu' à nos jours. Ce
chapitre retrace les différents types d'espaces jusqu'à
établir le rapport entre l'espace théorique et la perception,
ainsi que l'espace théorique et l'espace de la physique.
II.1. Notions
Dans cette première partie du second chapitre,
nous retraçons succinctement la conception de Cassirer sur l'espace
ainsi que le rapport qu'il établit entre l'espace et le temps qui
constituent le pilier sur lequel se tient le monde de la connaissance.
II.1.1. Espace dans
l'architectonique des fonctions symboliques d'Ernst Cassirer
Cassirer inscrit la notion de l'espace dans son vaste
champ philosophique, c'est-à-dire, dans le cadre général
d'une philosophie des formes symboliques. Dans les formes symboliques, il y a
la notion des fonctions symboliques. L'espace est inscrit dans
l'architectonique générale des fonctions symboliques
Cassirerienne. Il y a trois fonctions symboliques : la fonction symbolique
de l'expression, la fonction symbolique de la représentation et la
fonction symbolique de la signification. La fonction expressive est celle des
représentations primitives ou spontanées de l'esprit. C'est
encore la fonction du phénomène originaire (Urphänomen) et
la forme prototype est le mythe. C'est ainsi qu'il y aussi l'espace mythique,
celui des représentations spontanées. La fonction
représentative est intermédiaire entre la fonction expressive et
la fonction significative. Il y a le langage comme forme prototype. Raison pour
laquelle Cassirer évoque l'espace langagier.
En fin, la fonction significative est celle des
sciences. C'est ici qu'il y a la conceptualisation et la symbolisation des
sciences. C'est ainsi qu'il y a l'espace théorique des sciences que
Cassirer a proposé d'appeler génériquement
« espace théorique », parce que, c'est l'espace sous
les multiples figures que les sciences ont pu théoriser durant leur
longue histoire. Sous cette rubrique peuvent ainsi regroupés
« l'espace physique et cosmologique de Newton, l'espace-temps de
Minkowski l'espace-temps-matière des relativités d'Einstein, les
espaces mathématiques d'Euclide, de Lobatchevsky, de Riemann,
Hilbert »47(*).
Alors, pourquoi Cassirer emploi-t-il l'expression
« théorique » ? Parce que, l'espace
théorique laisse de coté la question métaphysique de
savoir si l'espace est idéale, formel ou réel en s'orientant dans
la substance. Dans l'espace théorique, il s'agit d'une étude sur
le rapport fonctionnel et relationnel des concepts. C'est ainsi, Cassirer
procède de ce point vue, de façon exemplaire. « Il
décèle dans la naissance des géométries
non-euclidiennes un événement de grande portée, qui
conduit la géométrie à abandonner l'unique langue dans
laquelle elle s'était jusque-là exprimée pour devenir, au
contraire une discipline polyglotte »48(*). Dans ce sens, l'approche fonctionnelle est une loi
qui essaie d'associer tous les types d'espaces en écartant la conception
métaphysique ou substantialiste.
Cassirer pense que, ce que nous appelons l'espace n'est
pas un objet particulier qui se représenterait médiatement
à nous et se ferait reconnaitre par des signes quelconques. C'est bien
plutôt un mode propre, un schématisme particulier de la
« représentation elle-même »49(*). Pour Cassirer, c'est
grâce à ce schématisme que la conscience va
acquérir la possibilité d'une nouvelle orientation et qu'elle
accède à une nouvelle direction du regard spirituel par laquelle,
toutes les formes de la réalité objective, se trouvent elles
aussi comme transfigurées à ses yeux. Eu égard à
cette conception, nous disons que, Cassirer définit et aborde la
question de l'espace dans la perspective kantienne (le schématisme).
Disons que, ce changement qui s'opère à travers le
schématisme, ne signifie pas « un passage réel de la
simple qualité à la quantité, de l'intensif pur à
l'extensif, de la sensation en soi non spatiale à la perception en
quelque manière spacieuse »50(*).
Cette approche présente un simple changement de
signification, qui est intérieur à cette conscience, et
grâce auquel seul est mise à jour la totalité du sens
développé et implique en elle-même. Selon Cassirer,
« l'espace est comme le milieu universel où la
productivité de l'esprit peut enfin se fixer, parvenir à ses
premiers produits et ses premières formes ».51(*) C'est le mythe et le langage
qui se baignent dans un tel milieu et élaborent leur propre image.
Mais, voyons comment la question de l'espace et du temps a occupé une
place importante dans la construction du monde scientifique.
II.1.2. Rapport
espace-temps : le concept d'ordre et le concept de relation
D'après Cassirer, la question de l'espace et du
temps a occupé une place prépondérante dans la
construction du monde de la connaissance. Ces deux concepts ont joué un
rôle on ne peut plus fondamental sur le développement historique
et systématique des questions de la connaissance. L'espace et le temps,
constituent les deux piliers fondamentaux qui supportent l'ensemble de cette
architectonique et en assurent la cohésion. L'espace et le temps
occupent, une place particulière et remarquable dans
« l'édifice architectonique de la
connaissance »52(*).
En outre, bien que la question de l'espace et du
temps occupait le coeur du problème de la connaissance, elle demeurait
encore obscure et leur signification n'était pas compréhensive.
Comme on peut le constater, l'épistémologie en tant science de
la croissance de la connaissance, veut mesurer l'être dans toute sa
globalité, dans toute son étendue. Elle veut aussi mesurer
l'être ou l'objet du savoir selon son infinité spatiale et
temporelle. Donc, toute connaissance s'oriente toujours à travers
l'espace. D'où, notre orientation est conditionnée par rapport
à l'espace.
C'est pourquoi, le problème de l'espace est
abordé en premier lieu comme concept d'ordre. Dans ce sens, le concept
d'ordre précède celui de l'être. Ne perdons pas de vue que,
le point de départ de toute connaissance historique et scientifique
était la métaphysique (science de l'être) :
« le concept de l'être forme non seulement le commencement et
le point de départ historique de la philosophie scientifique, mais il
semble encore embrasser systématiquement la totalité de ses
questions et réponses possibles ».53(*)
Cette priorité du concept d'être est due
à la logique et surtout la logique ancienne d'Aristote. Dans le
contexte de cette logique, le concept d'être établit le lien entre
la logique et la métaphysique ; la logique était fondue
à la métaphysique et vice versa. Pour Cassirer, cette
problématique ne suffisait pas pour l'appliquer à la question de
l'espace. Car, l'espace a un autre type d'être, les choses qu'il contient
possèdent aussi un autre type d'espace, alors il y a un conflit.
Eu égard à ces antinomies, le
problème de l'espace et du temps, bien qu'il avait gagné le
domaine de la connaissance, mais a posé des difficultés
énormes. Il fallait les séparer pour aboutir à une
solution principielle. Pour résorber cette crise, Cassirer pense que,
l'espace-temps devrait suivre les voies différentes et distinctes
à la catégorie de la substance. C'est le concept d'ordre qui
établit cette performance. Le premier philosophe de penser à
cette idée était Leibniz, et que Cassirer avait beaucoup d'estime
à son égard. Dans ses investigations, Leibniz place tout sous
l'égide de la substance et un tel point de vue le caractérise
comme un métaphysicien. Mais, en tant que mathématicien et
logicien, le concept de substance ne collait presque pas à sa logique
mathématique. Sa logique et sa mathesis universalis, sont une vaste
« théorie de la relation »54(*). D'où c'est cette
approche relationnelle que Cassirer récupère et l'applique dans
sa conception de l'espace.
Il s'ensuit que, selon l'opinion de Cassirer, Leibniz
réussit à intégrer l'espace-temps dans l'architectonique
de la connaissance par le concept de relation et d'ordre. La question
newtonienne de l'espace absolu est ici écartée par Leibniz, parce
que Newton faisait les choses (substance) et Leibniz faisait les ordres
(fonction). En plus, l'espace-temps, ne sont plus des substances, mais
plutôt des relations réelles. Ils ont leur véritable
objectivité dans la vérité de relations et non dans une
quelconque effectivité absolue (substantielle). De là suit que,
Cassirer défini le monde comme un ensemble de corps dans l'espace et non
comme quelque chose qui arrive dans le temps. De ce point de vue, le monde est
considéré comme un système d'évènements,
d'évents, comme dit Whitehead. Voyons à présent comment se
classifie les différents types d'espaces dans le contexte
cassirerien.
II.2. Différents
types d'espaces chez Cassirer
Cassirer conçoit une théorie de l'espace
qui sort de l'ordinaire. Il combine les produits des sciences de la culture et
ceux des sciences de la nature. D'où, il y a l'espace mythique et
l'espace esthétique qui résultent des sciences de la culture,
l'espace théorique des sciences mathématiques et physiques, qui
résultent aussi des sciences de la nature.
II.2.1. L'espace mythique
Pour Cassirer, le concept d'ordre et de relation a
essayé de résoudre le problème de l'espace-temps dans
l'histoire de la connaissance. Par là, il a permis de passer directement
de l'espace mythique, à l'espace esthétique et à l'espace
théorique sans difficulté. Pour notre auteur, « il n'y
a pas une intuition générale, strictement fixée de
l'espace mais que l'espace ne reçoit son contenu déterminé
et son agencement particulier que de l'ordre du sens au sein duquel à
chaque fois se configure ».55(*)
Si cet ordre est pensé comme mythique, comme
esthétique et comme théorique, sa forme change également.
Ce changement ne concerne pas seulement des traits particuliers et
subordonnés, mais il se rapporte à sa globalité, à
sa totalité et à sa structure principielle. Il s'ensuit que,
l'espace n'a pas une structure strictement donnée, fixée une fois
pour toutes. Il acquiert sa structure au moyen de l'organisation
générale du sens, au sein de laquelle, s'accomplit son
édification. La fonction du sens constitue le premier moment et
déterminant, ensuite la structure de l'espace constitue le moment
secondaire et dépendant.
Enfin, selon le point de vue de Cassirer, ce qui relie
tous les espaces, qui ont un caractère différent du sens et une
provenance différente du sens, « c'est une
détermination purement formelle qui trouve son expression la plus
précise et la plus prégnante dans la définition
leibnizienne de l'espace comme possibilité de la coexistence et comme
ordre des coexistences possibles »56(*). Une telle possibilité, est vécue d'une
manière différente dans les modes des formations spatiales. C'est
ainsi que, l'espace mythique est caractérisé d'un coté par
la forme caractéristique de la pensée mythique, et d'un autre
coté du sentiment vital spécifique qui habite toutes les
formations mythiques et leur confère une coloration
particulière.
Le fait que le mythe cherche à distinguer la
droite et la gauche, le haut et le bas ; et lorsqu'il distingue les
différentes régions du ciel, de l'est et l'ouest, le nord et le
sud, le mythe ne le fait pas dans l'esprit de l'espace empirico-physique, ni
à des points et à des directions comme on le fait dans l'espace
géométrique. Dans la perspective mythique, tout lieu et toute
direction a une qualité mythique déterminée et
dépendant de cette qualité. D'avis de Cassirer, dans l'espace
mythique, il n'est pas question des déterminations
géométriques, ni des propriétés physiques. Ce qui
nous intéresse dans l'espace mythique, ce sont des trais magiques
déterminés. Un lieu dans la perspective mythique est placé
dans une atmosphère particulière et forme en quelque sorte au
tour de lui un propre contexte magico-mythique. Disons que l'ensemble de
l'espace mythique, avec le monde mythique en général, sont
organisés et structurés selon les lignes de forces magiques.
Dans l'espace géometrico-physique, qui est ou
l'espace de notre expérience, tout être possède une place
déterminée qui lui est attribuée. Les corps
célestes (étoiles, lune, soleil, astres...) ont leur place
déterminée et des orbites fixes. Cette détermination
spatiale est appliquée aussi aux objets mythiques. Cette forme
d'attacher les objets à leur lieu dans l'espace, constitue une
nécessité particulière, inhérente,
indéfectible et impossible d'y échapper. Il s'ensuit que, le
monde physique et le monde social sont conditionnés dans leurs
éléments particuliers. Aussi, dans les plus menus détails,
par la distinction mythique des lieux de l'espace et des directions
spatiales.
Il appert que, Cassirer cite Kant dans
« Fondements de la distinction des régions de
l'espace », où il menait une étude sur les distinctions
des différentes régions de l'espace, en les appliquant à
l'espace mathématique et physique. Mais, une question mérite
d'être posée : peut-on appliquer cette étude à
l'espace mythique ? Il s'ensuit que, le motif décisif qui est un
fondement de toute distinction mythique de lieux et de direction, doit
être recherché dans l'enchainement interne que dans le sentiment
mythique. C'est à partir de la fonction de sens universel du mythe,
qu'on peut rendre compréhensible la forme de l'espace mythique dans son
ensemble selon notre auteur.
Rappelons que, le mythe est beaucoup plus
attaché à des modes primaires et primitifs du sentiment du monde
y compris pour le sens global de son orientation spatiale. Ainsi, l'intuition
spatiale dans le mythe, ne recouvre pas et n'abolit pas ce sentiment. Au
contraire, elle ne fait que l'extérioriser. Nous parvenons à
cette extériorisation que grâce à des déterminations
et à des distinctions spatiales, que par l'attribution d'un accent
mythique original à chaque contrée de l'espace : à
l'ici et au-delà, à l'orient et à l'occident, au haut et
au bas. Dans ce contexte, le mythe joue un rôle
prépondérant dans la constitution de l'espace. Somme toute, la
pensée mythique de l'espace, est considérée comme une
grande force mystérieuse qui gouverne toutes choses et qui
règles et déterminent non seulement la vie des hommes mortels,
mais aussi celle des dieux. Alors qu'en est-il de l'espace
esthétique?
II.2.2. L'espace
esthétique
Pour Cassirer, l'espace esthétique tel qu'il se
déploie dans les arts plastiques singuliers, dans la peinture, dans la
sculpture et dans l'architecture, nous pousse à changer de direction ou
le paradigme d'ordre spatial. Dans la sphère de l'espace
esthétique, nous sommes plongé dans la pure présentation
de la réalité : « toute présentation authentique
n'est en rien simple copie passive de la forme du monde, mais elle est un
nouveau rapport dans lequel l'homme se pose face au monde ».57(*)
En effet, Cassirer cite Schiller qui, dans ses
« Lettres sur l'éducation esthétique »,
affirme que la « contemplation, la réflexion qu'il
considère comme la présupposition fondamentale et le moment
fondamental de l'intuition esthétique, est le premier rapport
libéral de l'homme à l'univers qui
l'entoure ».58(*) La particularité de la forme artistique donne
lieu à l'espace esthétique. Avec l'espace mythique et l'espace
esthétique, il y a les modes parfaitement concrets de l'espace par
rapport à l'espace géométrique, qui se constitue en
schéma abstrait projeté par les figures.
En rapport avec l'espace mythique, Cassirer pense que,
l'espace esthétique est aussi considéré comme un espace de
vie édifié à partir des forces du sentiment pur et de
l'imagination. Dans l'espace esthétique, le sentiment et l'imagination
ont gagné le terrain et, ont un nouveau degré de liberté.
L'espace artistique comme l'espace mythique, est empli et
pénétré des valeurs d'expressions qui sont intenses. Cet
espace est également animé et mis en mouvement par les
oppositions dynamiques les plus fortes : « mais ce mouvement
n'est cependant plus le mouvement vital immédiat qui s'exprime dans les
affects mythiques fondamentaux de l'espoir et de la peur, dans l'attirance et
la répulsion magique, dans l'avidité de la saisie du sacré
et dans l'honneur du contact avec l'interdit et le
profane ».59(*)
Il s'ensuit que, une nouvelle forme
d'objectivité voit le jour dans la perspective de l'espace
esthétique. L'objet de la présentation artistique s'est
porté à une nouvelle distance, il s'est éloigné de
moi. Ainsi, le démoniaque du mythique est ici vaincu et rompu. Ce
démon n'englobe plus l'homme avec ses forces mystérieuses et
inconnues, il ne l'enchaine plus avec ses liens magico-mystiques, mais il est
devenu dans la perspective esthétique, le contenu proprement dit de la
présentation esthétique. Ainsi, l'espace esthétique n'est
plus considérer comme l'espace mythique, c'est-à-dire une
imbrication et un jeu d'alternance de forces qui saisissent l'homme de
l'extérieur et le maitrisent au moyen de sa violence effective. Notre
dissertation doctorale approfondira cette notion en long et en large pour le
moment, abordons la question de l'espace théorique surtout dans le
domaine mathématique.
II.2.3. L'espace
théorique des sciences mathématiques
Il faut rappeler que l'espace théorique est
celui qui correspond aux nécessités scientifiques plus dans les
sciences mathématiques. La question de l'espace, de sa nature et de ses
propriétés, n'a pas nécessairement toujours
été réfléchie par la philosophie ou la cosmologie.
C'est d'ailleurs la géométrie qui est la science de l'espace.
Dans l'histoire de l'espace géométrique, c'est Euclide qui forgea
le premier une géométrie avec ses célèbres axiomes
et par après il eut une explosion des espaces non euclidiens.
II.2.3.1. L'espace Euclidien
Euclide a enseigné à Alexandrie sous le
règne de Ptolémée Ier (306-283) et qu'il y
fonda la plus célèbre école de mathématique de
l'antiquité. Il est le premier à avoir systématisé
la géométrie. C'est ainsi que la géométrie
euclidienne désigne l'homme ou encore l'école qui a fait la
première synthèse des résultats des expériences
acquises sur les figures spatiales. Rappelons que les égyptiens, en
arpentant leurs champs recouverts tous les ans par le Nil en crue, et en
construisant leurs monuments (pyramides) avaient accumulé des
connaissances géométriques (cfr la mesure de grandeur, la mesure
des agraires...). De leur coté, les grecs avec leur esprit
spéculatif, systématisèrent ces connaissances et y
introduisirent la méthode déductive, la démonstration.
Ainsi, tous ces acquis ont été systématisés par
Euclide.
En effet, la géométrie euclidienne est
donc remarquable par son contenu et par sa forme. Par son contenu,
c'est-à-dire, comme ensemble de propriétés
géométriques de l'espace à trois dimensions et du plan
à deux dimensions. Elle est restée utile et importante
aujourd'hui encore, en théorie et dans des nombreux domaines de la vie
pratique. Par sa forme, c'est-à-dire comme étalon d'un certain
type de rigueur, elle a joué un rôle considérable dans le
développement des sciences mathématiques.
En plus, c'est dans les Eléments que nous
retrouvons le condensé de la géométrie euclidienne. Les
livres, I, II, III, IV des Eléments traitent les théories de la
géométrie plane. Ces quatre livres sont d'inspiration
Pythagoricienne. Dans le premier, livre, il traite la question des triangles,
des droites parallèles, les aires des parallélogrammes et les
triangles. Il s'ensuit que, l'espace euclidien contient une étude
détaillée des figures portées par une droite, par un plan.
Dans son étude, disons qu'Euclide a fait la distinction entre un axiome
et un postulat. Ainsi, un axiome, est une proposition nécessaire et
indémontrable mais évidente. Par exemple : des grandeurs
égales à une même grandeur sont égales entre elles.
Tandis que, un postulat, est une proposition qui n'est ni évidente ni
démontrable mais que l'on demande d'accepter car ces propositions sont
indispensables à la démonstration.
Citons quelques uns des axiomes d'Euclide :
1. Par deux points ne peut passer qu'une droite ;
2. La ligne droite est le plus court chemin d'un point
à un autre ;
3. Par un point on ne peut faire passer qu'une
parallèle à une droite donnée.
D' A
Fig.260(*)
D
Comme on le voit, depuis toujours, on a cherché
à démontrer ce troisième axiome du cinquième
postulat du livre d'Euclide, qu'on appelait communément Postulatum
d'Euclide. Mais les efforts ne tenaient pas, parce que, la seule
géométrie était celle d'Euclide. À cette
l'époque, on ne jurait qu'on nom d'Euclide, si l'on veut aborder le
problème de la géométrique. Petit à petit, la
lumière couvrait l'obscurité de l'axiome d'Euclide, ce que nous
appelons l'avènement des géométries non euclidiennes.
II.2.3.2. L'avènement des espaces
non-euclidiens
A un moment donné de l'histoire des
mathématiques, il était difficile que certaines
propriétés ou vérités de la géométrie
d'Euclide soient acceptées et devenaient de plus en plus caduques. Cet
espace était contesté et ne révélait plus le
caractère d'être vrai et évident. Parmi les
vérités dénutées par les géométries
non euclidiennes, figurent le 5e postulat des
Éléments.
II.2.3.2.1. Gauss, prince des mathématiciens61(*)
Gauss est à classer parmi les
mathématiciens les plus honorés de l'histoire de ces
sciences : à coté d'Archimède et de newton, on place
Gauss. Les premiers travaux de ce mathématicien, s'évertuaient
dans l'arithmétique avec son célèbre
théorème du binôme. Du point de vue constructif, Gauss a
été un révolutionnaire. Avant la fin des études, le
même critique le poussa à se déclarer peu satisfait du
théorème du binôme et l'incita à examiner les
démonstrations de la géométrie élémentaire.
Il avait perçu une première lueur d'une autre
géométrie que celle d'Euclide. Il se considérait comme le
premier à avoir remit en question le dogme de la vérité
absolue et de l'unité de la géométrie euclidienne. Il
était physicien, astronome et mathématicien le plus
célèbre du XIXe siècle. Cassirer nous dit que,
Gauss ne publia rien à sa nouvelle découverte, craignait,
disait-il « les hurlements des béotiens »62(*).
En plus, s'il faut constituer la marche des
idées de Gauss au sujet de la nouvelle géométrie, c'est la
mesure de la terre (la géodésie) qui a joué un rôle
important. C'est vers 1820, que le gouvernement de Hanovre demanda à
Gauss de diriger un relevé géodésique sur l'ensemble de
royaume. Il s'acquitta de cette tâche avec perfection et
ingéniosité. Dans cette perspective et selon Gauss, quant on
pense à la surface de la terre, on la représente comme la surface
d'une sphère plongée dans l'espace. C'est pourquoi, ces
relevés consistaient, schématiquement, à repérer
les points remarquables du terrain, à leur attribuer des
coordonnées (par un procédé plus ou moins conventionnel)
et à mesurer les distances entre ces points.
C'est à partir de cette idée que Gauss
découvrit la première géométrie non euclidienne ou
comme il l'appelait « anti-euclidienne ».63(*) Il appert que, comment faire
de la géométrie en restant sur la surface d'une
sphère ? Peut-on par exemple définir une droite
tracée sur cette surface ? La surface de la sphère est
courbe, donc visiblement on ne peut pas y tracer de droite.
Fig.364(*)
Au fait, la géométrie inaugurée
par Gauss était hyperbolique que sphérique. Car, par un point A
il y a plusieurs parallèles à une droite D et non zéro
comme sur une sphère. Toutes les droites situées à
l'intérieur de l'angle hachuré (cfr fig.4) :
A
(D)
Fig.465(*)
Plutard, Lobatchevsky et Bolyai, découvrent aussi la
géométrie hyperbolique.
II.2.3.2.2. Lobatchevsky, le Copernic de la
géométrie66(*)
C'est Nicolas Lobatchevsky qui a eu le mérite de
continuer et de publier les idées que Gauss avait peur de rendre
publique. On dit qu'il a opéré une révolution dans le
monde de la géométrie. Pour que nous puissions bien examiner
l'oeuvre de Lobatchevsky, rappelons d'abord de ce que nous avons dit de la
géométrie d'Euclide. C'est l'axiome de d'Euclide appelé
Postulatum qui s'est vu modifié par Lobatchevsky. Si par un point
situé dans un plan, on ne peut mener qu'une seule parallèle,
selon l'esprit d'Euclide, Lobatchevsky quant à lui, a
révolutionné en affirmant que : « l'on peut par un
point situé dans un plan mener plusieurs parallèles à une
droite donnée ».67(*)
Comme on peut le constater, Lobatchevsky a
conservé tous axiomes d'Euclide sauf le troisième. Ainsi, il
fallait beaucoup d'années pour que Lobatchevsky expulse de la
géométrie ces vérités éternelles
(géométrie d'Euclide). Dans sa géométrie
hyperbolique, aucune des droites parallèles ne se rencontrent à
la droite qui est parallèle à elle. Il est de même que,
toute ligne droite passant par le point fixe et située à
l'intérieur de l'angle fermé par les deux parallèles.
.............................................................................................................
fig.568(*)
Au début, quand Lobatchevsky avait conçu
sa géométrie, il
l'appela « géométrie
imaginaire ». 69(*) Par la suite, il avait abandonné cette
nomination parce qu'il craignait l'inconvénient qu'elle
représentait aux yeux des philosophes. Ceux-ci la considéraient
comme étant un domaine qui émane des fictions. Apres lui,
János Bolyai avait continué l'oeuvre.
II.2.3.2.3. János BOLYAI : la
géométrie absolue
János Bolyai avait suivi à l'oeuvre les
études de Gauss et de Lobatchevsky. Déjà en 1823, il avait
annonçait à son père Farkas Bolyai qu'il aurait
conçu une nouvelle théorie des parallèles. Apres l'avoir
mise au point, il la publia dans son « Appendix scientiam
spatu absolute veram exihibens » 70(*) à un manuel de son
père. Bien qu'il soit original, sa géométrie absolue
présentait des points communs avec la géométrie
hyperbolique de Lobatchevsky et de Gauss. D'ailleurs, son père envoya ce
travail à Gauss, qui en reconnut l'intérêt mais signala
qu'il avait rencontré ces mêmes idées depuis longtemps.
C'est ainsi, cette déclaration de priorité va décourager
Bolyai qui avait renoncé à toute publication concernant la
géométrie. Voyons comment Riemann a dépassé tous
ces géomètres.
II.2.3.2.4. Bernhard RIEMMANN : la
géométrie Elliptique
C'est Riemann qui a donné une nouvelle
orientation à la géométrie. Bien que Gauss pensa
réaliser un espace elliptique, et que par la suite sa
géométrie était considérée comme
hyperbolique. C'est Riemann, qui avait donné une nouvelle formulation
à la géométrie Euclidienne. Son point de départ
révolutionnaire réside dans son oeuvre même. Il
écrit : « des hypothèses qui sont au fondement
de la géométrie »71(*).
D'après Cassirer, le titre parait
révolutionnaire dans «la manière de penser
accomplie au coeur des mathématiques »72(*). Ainsi, pour Cassirer, Riemann
voit des vérités hypothétiques là où l'on
voyait des principes absolus et nécessaires, c'est-à-dire dans
les axiomes d'Euclide. Raison pour laquelle, il a préféré
parler des hypothèses que des axiomes. En effet, nous devons encore dire
que, c'est plus la physique qui a déterminé la validité
d'une telle géométrie que la logique ou les mathématiques.
C'est Albert Einstein qui a appliqué l'espace elliptique dans la
construction de sa théorie de la relativité
générale, à partir des équations gravitationnelles.
Dans l'esprit de la géométrie sphérique, par un point
situé dans un plan, ne peut passer aucune parallèle. Il y a
possibilité de Zéro parallèle. Par sa contribution,
Riemann introduit les espaces très généraux. Cet apport
sera bien expliciter quant nous ferons le rapport entre la physique et la
géométrie.
Tableau synthétique concernant les
différentes géométries
Type de géométrie
|
Nombre de parallèles
|
Somme des angles d'un triangle
|
Proportion entre la circonférence d'un cercle et son
diamètre
|
Mesure de la courbure
|
Euclide
|
1
|
180°
|
|
0
|
Lobatchevsky
|
infini
|
180°
|
|
0
|
Riemann
|
0
|
180°
|
|
0
|
II.3.Mise au point
Dans cette partie, nous voulons tirer quelques points
au clair que nous aurons à développer lors de nos recherches
ultérieures dans le même domaine. Disons que, nous allons
établir en premier lieu le rapport entre l'espace théorique et la
physique, et en deuxième lieu, le rapport entre l'espace
théorique et l'espace de la perception, ensuite la conception
conventionnaliste et les éléments d'innovation Cassirerienne de
la notion de l'espace et nos perspectives futures de recherches.
1. Rapport espace
théorique et physique
Rappelons que la physique et la mathématique
sont soeurs et qu'on ne peut jamais les séparer. D'ailleurs au
début de l'histoire des sciences, la physique s'appelait comme la
mathématique naturelle. La physique théorique devient efficace si
et seulement si, elle est mathématisée. Donc, la physique
utilisait la mathématique pour élaborer ses formules. Ce qui est
plus important dans cette dissertation n'est pas le fait de retracer
l'histoire des sciences en vue de montrer le rapport étroit entre ces
deux domaines. Mais, ce qui utile, est le fait de montrer comment les
géométries euclidiennes et non euclidiennes ont contribué
à changer le paradigme dans le cadre de la recherche en physique.
Rappelons que, dans la mécanique newtonienne,
l'espace et le temps jouaient deux rôles importants. Le premier
rôle était celui d'un support ou du processus physique par rapport
auquel, les événements sont décrits par les
coordonnées de l'espace et du temps. Le deuxième rôle
jouait par l'espace et le temps, était celui de
« système d'inertie73(*)». La physique était
considérée indépendante des sujets pensants et
formée d'une part l'espace et le temps, et d'autre part de points
matériels durables, qui sont en mouvement par rapport à eux.
L'idée de l'espace et du temps persistait au cas où la
matière disparaissait. Ce concept était dépassé
à partir de la notion de champs et sa tendance finale à remplacer
en principe la notion de particule (point matériel).
Dans la relativité restreinte, Einstein admet un
espace à quatre dimensions : la dimension espace-temps. La nature
de cet espace est plate, de courbure nulle. C'est l'espace de Minkowski. Sa
métrique ne varie pas d'un point à un autre. Cet espace est
statique dans la relativité restreinte. Avant de pouvoir aborder la
problématique de l'espace à quatre dimensions, disons un mot sur
l'espace à trois dimensions. L'espace comme un continuum à trois
dimensions, renvoi à ce qu'il est possible de déterminer la
position d'un point immobile, à partir de trois nombres ou
coordonnées : x, y, z. ces points correspondent à
d'autres points voisins dont la position est déterminée par des
coordonnées x1, y1, z1. C'est
à cause de cette propriété des coordonnées que nous
évoquons ici le continuum et de trois dimensions à partir des
trois coordonnées citées.
Cependant, Minkowski, introduit l'espace à
quatre dimensions qu'il applique dans monde qu'il appelle monde tout court. Au
lieu de trois coordonnées, Minkowski utilise quatre
coordonnées : x, y, z et une coordonnée de temps,
t. Il appert que, le continuum d'espace-temps de la théorie de la
relativité restreinte est considéré comme continuum
euclidien.
La relativité générale a introduit
une autre sorte de l'espace. Il s'agit de l'espace elliptique de Riemann. En
face d'un champ gravitationnel, la géométrie de l'espace-temps se
courbe. Cette courbure n'est pas constante mais varie en fonction de la
quantité de la matière et de la distance vis-à-vis de
toute quantité de la matière, c'est-à-dire en fonction du
potentiel de gravitation. Ainsi, les lignes des déplacements deviennent
des géodésiques. L'espace-temps de la relativité a
entrainé comme conséquence : la chute de l'espace absolu
de Newton et l'effondrement de l'espace apriorique euclidien de Kant.
D'où, la relativité générale a une
géométrie gravitationnelle à quatre dimensions avec les
points des coordonnée x1, x2, x3,
x4. De là suit que, x1, x2,
x3 sont les coordonnées de l'espace et x4 est
considéré comme coordonnée du temps.
Retenons que, pour élaborer la théorie
de la relativité générale, Einstein s'est servi des
équations de la courbe de Riemann, afin de fonder sa théorie de
gravitation. Alors que, dans la relativité restreinte, il utilisa la
géométrie euclidienne qui est rectiligne et que la propagation de
la lumière se faisait en ligne droite. Einstein a changé la
structure de l'espace-temps, suite à la découverte de la courbe
par Riemann. Désormais, la structure l'espace-temps devenait
« curviligne et non plus rectiligne »74(*). Dans ce sens, la ligne droite
euclidienne est incluse dans la surface curviligne de Riemann, qui se
présente comme générale et englobante. Si à la
relativité restreinte, la trajectoire de rayon lumineux se
présentait en ligne droite, dans la relativité
générale, il se présente sous forme d'une courbe. Dans ce
sens, le rayon lumineux se courbe au voisinage du soleil.
Il s'ensuit que, le passage de la relativité
restreinte à la relativité générale nous fait
entrer dans un nouvel univers. On ne se contente plus d'une
géométrie qui avait seulement permis l'analyse des
trajectoires (rectiligne d'Euclide). Mais, on affirme que l'espace et le temps
ne peuvent être considérés ni comme des
réalités physico-mathématiques indépendantes l'une
de l'autre, ni comme des réalités dépendantes du couple
nature-énergie. Dans cet espace -temps, la gravitation est le
résultat d'une géométrie dans laquelle, les
géodésiques, les seules trajectoires possibles, sont des
courbes.
Par ailleurs, la question de l'espace devient
difficile quant on est passé à la théorie quantique. Si
dans la physique classique et relativiste (restreinte et
générale), l'espace était lié intimement au temps,
il est n'est pas le cas dans la théorie quantique. Disons que la
critique de l'espace physique par la physique quantique est portée par
les relations d'indétermination (distribution spectrale des variables
conjuguées d'espace et d'impulsion, par la dualité
onde-corpuscule). Dans la physique, l'espace n'existe presque pas, puisque le
mouvement des quanta se fait d'une manière indéterminée.
D'ailleurs, Einstein lui-même reconnaissait que la « physique
quantique ne se proposait pas de donner une représentation
mathématique en termes d'espace et de temps75(*)». Dans ce cadre, disons
un mot sur le rapport entre espace théorique et l'espace de la
perception.
2. Rapport espace
théorique et espace de la perception
D'après Cassirer, il n'y a pas de relation entre
l'espace de la perception (l'espace tactile et visuel) et l'espace pur des
mathématiques. Il constate plus, il y a de divergence entre ces espaces.
Une comparaison entre l'espace physiologique et l'espace métrique,
atteste ce degré de l'opposition entre ces deux types d'espaces. Ce
qui est posé dans l'un est nié dans l'autre. Pour Cassirer,
l'espace géométrique est défini par les trois
critères fondamentaux : « la continuité
l'infinité et l'homogénéité »76(*). L'espace de la perception
sensible, n'a pas la notion d'infini. Elle est au contraire, restreinte par les
limites de la faculté même de perception, donc bornée
à un canton bien délimité de l'élément
spatial ».77(*)
Pour Cassirer, l'homogénéité de
l'espace géométrique signifie que tous les points qui
s'agglomèrent dans cet espace sont des simples déterminations
trop logiques qui ne possèdent, en dehors de cette relation, de cette
situation dans laquelle, ils se trouvent, aucun contenu propre et autonome. Ces
points, trouvent leur existence que grâce à l'espace
géométrique. Dans ce sens, leur réalité est
contenue de ce rapport mutuel entre les points en tant que
déterminations topologiques et l'espace géométrique
lui-même. Il s'ensuit que, cette réalité est d'ordre
fonctionnel et non substantiel.
Comme ces points dans l'espace sont vides de tout
contenu et qu'ils sont devenus l'expression de relations idéelles, ils
n'ont pas besoin d'une diversité de contenu, compte tenu de leur statut.
Dans ce sens, leur homogénéité signifie aussi
l'identité de structure qui est fondée sur le caractère
commun de leur tâche logique, de leur signification et de leur
détermination idéelle. Cassirer évoque le postulat de
Grassmann en affirmant que, « à partir de chaque point de
l'espace, il est possible d'effectuer des constructions semblables en tous
lieux et dans toutes les directions »78(*). Dans l'espace de la perception, il n'y a pas une
homogénéité et ce postulat évoqué est
impossible dans un tel espace ; dans la mesure où il n'y a pas
d'homogénéité des lieux et des directions. Chaque lieu a
sa modalité propre et sa valeur propre. Au moment où l'espace
visuel et tactile s'oppose à l'espace géométrique, entre
les deux se convergent. Selon Cassirer, ils possèdent tous deux les
mêmes caractéristiques. Ils sont, « anisotrope et
inhomogènes ».79(*)
Par ailleurs, Cassirer a tenté dans une
étude sur le rapport entre la perception et la géométrie,
en établissant ce rapport à partir de « la
théorie de groupe de transformation en
mathématique »,80(*) dans laquelle la figure de Félix
Klein reste de proue. Une telle analyse sera approfondie lors de nos
recherches doctorales. Voyons maintenant l'approche conventionnaliste de
Poincaré qui aborde cet aspect.
II.3.3. Henri
Poincaré : espace géométrique et espace
représentatif
Dans son ouvrage la science et l'hypothèse,
Henri Poincaré établit une analyse précise de l'espace
représentatif et montre qu'il y a une différence essentielle
entre l'espace représentatif et l'espace géométrique.
L'espace géométrique fait l'objet de la géométrie.
Cet espace a des caractéristiques suivantes : « il est
continu, il est infini, il a trois dimensions, il est homogène,
c'est-à-dire que tous ses points sont identiques entre eux ; il est
isotrope, c'est-à-dire que toutes les droites qui passent par un
même point sont identiques entre elles81(*) ». L'espace représentatif, celui qui
sert de cadre à nos sensations et à nos représentations,
« n'est ni homogène, ni isotrope, il n'est pas trois
dimensions82(*) ». Cet espace contient aussi d'autres types
d'espaces, comme l'espace visuel, l'espace tactile et l'espace motrice. Dans
l'espace visuel, il y a :
1° L'espace visuel pur : qui sert de cadre
aux impressions purement visuelles dues à une image qui se forme sur le
fond de la rétine. Cet espace a deux dimensions et n'est pas
homogène, parce que les points qui sont au bord et ceux qui sont au
centre de la rétine ne contribuent pas de façon égale
à la formation de images visuelles d'un objet.
2° L'espace visuel complet : cet espace sert de
cadre aux impressions purement visuelles et à certaines sensations
musculaires qui nous donnent la notion de la troisième dimension. Il
n'est pas isotrope parce que la troisième dimension ne nous apparait pas
comme jouant le même rôle que les deux autres. En outre, il n'est
pas nécessaire qu'il ait trois dimensions : c'est au contraire
« un fait d'expérience externe83(*)».
Concernant l'espace tactile et l'espace moteur,
Poincaré pense que l'espace tactile est plus compliqué que
l'espace visuel et s'éloigne de plus en plus de l'espace
géométrique. En dehors des données visuelles et du toucher
qui constituent un moment spatial, il ya aussi d'autres sensations qui
constituent la notion de l'espace. Ce sont « nos mouvements et
que l'on appelle ordinairement musculaires, c'est l'espace moteur 84(*)». A cet effet, chaque
muscle donne naissance à une sensation qui est spéciale, capable
d'augmenter ou de diminuer, de tel enseigne l'ensemble de nos sensations
musculaires dépendent d'autant de variables que nous avons de
muscles.
L'espace moteur a trois dimensions, mais ceci n'est pas
nécessaire : il est plutôt le résultat d'une
interaction entre nos organes sensoriels et le milieu dans lequel nous vivons.
Le sentiment de la direction est le produit d'une association des sensations
musculaires, laquelle est le résultat d'une habitude, qui
elle-même résulte des nombreuses expériences. Il arrive
que, nous projetons dans l'espace géométrique, les objets de
notre perception externe, que nous les localisons cela signifie que nous
représentons les objets extérieurs dans l'espace
géométrique. Ainsi, d'avis de Poincaré, nos
représentations ne sont que la reproduction de nos sensations, elles ne
peuvent donc se ranger que dans le même cadre qu'elles,
c'est-à-dire dans l'espace représentatif.
De ce fait, l'espace représentatif n'est qu'une
image de l'espace géométrique. Mais, cette image est
déformée par une sorte de perspective que nous appelons ici, la
perspective illusionniste.
Au reste, d'avis de Poincaré, les axiomes
géométriques ne sont pas apriorique et ne constituent pas des
faits expérimentaux, comme l'a pensé Kant. Ce sont plutôt,
« des conventions, notre choix parmi toutes les conventions possibles
est guidé par des faits expérimentaux ; mais il reste libre
et n'est limité que par la nécessité d'éviter toute
contradiction »85(*).Dans ce sens, le rôle de l'expérience
réside dans la naissance de la géométrie.
L'expérience nous guide dans le choix qu'elle impose pour reconnaitre
non seulement si une géométrie est vraie mais aussi si elle est
la plus commode. Maintenant, nous allons aborder les éléments qui
constituent la philosophie de l'espace cassirerien.
II.3.4. Eléments
d'innovation Cassirerienne de la théorie de l'espace
Le contexte dans lequel Cassirer élabore sa
philosophie de l'espace est tout à fait différent de ce que nous
avions parcouru tout au long de l'histoire des sciences. Cassirer voulait
concilier les sciences de la nature et les sciences de la culture, en
établissant des procédés logiques spécifiques pour
les sciences de la culture. Sa théorie de l'espace se veut une approche
plurielle.
II.3.4.1. Essence d'une pluralité d'espaces
L'on serait peut être étonné de
constater que, Cassirer élabore sa théorie de l'espace loin des
présuppositions kantiennes de l'espace apriorique. Le fait que Cassirer
adopte une attitude pluraliste de l'espace, il ne lui conviendrait plus
d'adopter la méthode de Kant. Ses références sont les
théories de Leibniz et de Klein.
Pour Cassirer, « l'espace est une
catégorie logique invariante ou une fonction des
relations ».86(*) Cette conception de considérer l'espace comme
une détermination des relations, lui est venu de Leibniz. A sa suite, il
définit l'espace comme un ordre, un système de relations entre
des choses existantes ou possible. L'espace « est un ordre des
coexistences, comme le temps ordre des successions»87(*). L'espace n'est pas une
substance, il est relatif au sens logique. C'est la conception substantielle
que Cassirer réfutait avec véhémence et proposa par la
suite une conception fonctionnelle. Cassirer, on l'a déjà
souligné, s'interrogeait sur le problème des conditions de
possibilité des sciences. Mais, il le faisait en laissant de coté
la critique des principes pour la critique des faits en affirmant l'exigence
d'une « approche fonctionnaliste »88(*).
En sus, pour Cassirer, l'espace est une pure forme,
c'est un schéma d'organisation, une théorie de relation. Dans le
cadre de l'étude sur l'espace géométrique, notre auteur ne
s'est pas intéressé à la définition et à la
classification des différents types de géométrie, mais il
adopte l'étude leibnizienne de l'analysis situs et de Félix Klein
sur la théorie de groupe de transformation, en étudiant
essentiellement les propriétés d'invariants des
différentes figures géométriques. Concernant son point de
vue, Cassirer pense que la théorie de l'espace peut quitter sa structure
des sciences de la nature, pour être appliquée aux sciences la
culture. Une telle orientation contribue pour résoudre la
problématique de l'espace. C'est pourquoi, nous affirmons que le savant
de l'école de Marbourg a innové à partir de son point de
vue que nous trouvons pluraliste et unitaire.
En effet, pour éviter le malentendu, Cassirer
a proposé de classifier chaque orientation spatiale à un domaine
particulier. A partir de cette classification, Cassirer sort la notion de
l'espace de sa structure des sciences de la nature, pour l'appliquer aux
domaines de la culture. D'où, il y a :
1. L'espace mythique, qui correspond aux
représentations spontanées.
2. L'espace esthétique, qui
prévaut dans les figures artistiques.
3. L'espace théorique, qui correspond
aux nécessités scientifiques : c'est ici qu'il y a l'espace
mathématique. Cette distinction nous parait acceptable et nous pensons
qu'il a résolu quasiment la préoccupation sur la question
spatiale en commençant par les grecs anciens jusqu' à nos jours.
Au de-là ce triple classification, Cassirer ajoute d'autres orientations
spatiales que nous brossons succinctement les caractéristiques.
4. L'espace anthropologique
D'après Cassirer, décrire et analyser le
caractère spécifique de l'espace et du temps dans
l'expérience humaine est l'une des tâches les plus
intéressantes et les plus importantes qui s'offrent à
l'anthropologie philosophique. Cependant, il est étonnant d'affirmer
que tous les êtres organiques ont la même perception d'espace. La
question de l'essence de l'espace n'est pas identique chez les êtres,
qu'ils soient supérieurs ou inférieurs. Dans le cadre de
l'étude de l'espace humain, nous devons aussi suivre une autre voie,
celle de l'analyse des formes de la culture humaine. Dans cette analyse, il
existe plusieurs types d'expérience spatiale ou temporelle qui soient
aussi différents.
5. L'espace organique ou espace
d'action :
Pour Cassirer, cet espace, est le niveau le plus bas ou
la couche inférieur des êtres. Il poursuivait en affirmant que, la
plupart d'organisme vit dans un certain milieu particulier. Pour y survivre,
ils sont obligés de s'adapter aux conditions données par ce
milieu. Cette exigence va de soi aux organismes inférieurs. Qui, leur
adaptation doit nécessiter un système de réactions
compliqué et une différenciation entre les stimuli physique et
une réponse adéquate à ces stimuli. A titre
illustratif, « les animaux nouveau-nés semblent avoir
un sens très juste et aigu de la distance et de la direction
spatiale : un jeune poussin à peine sorti de sa coquille se
repère et picore les grains répondus sur son
chemin »89(*).
Il s'ensuit que, les biologistes et les psychologues
ont entrepris les investigations sur les conditions particulières du
processus d'orientations spatiales chez les animaux. Souvent, l'on se pose des
questions concernant la faculté d'orientation des abeilles, des fourmis
et des oiseaux de passage...selon Cassirer, les animaux suivent dans leurs
réactions très complexes, un « processus
idéationnel »90(*). Les animaux sont guidés par des impulsions
corporelles, d'un genre particulier, ils n'ont pas aussi l'image mentale ou
carrément, les animaux n'ont pas l'idée de l'espace. Il n'y a pas
de représentation des relations. Sur ce, Cassirer cite Hans Volkelt, sur
les représentations des animaux, « l'expérience de
l'araignée ».91(*)
6. L'espace perceptif
Pour Cassirer, l'espace perceptif concerne les animaux
supérieurs. Cet espace n'est pas juste une donnée simple des
sens. Il est complexe et dans cette complexité, il y a plusieurs
éléments qui appartiennent à l'expérience
sensible : il y a l'optique, le tactile, l'acoustique et le
kinesthésique. Dans l'espace perceptif, tous les éléments
coopèrent afin de le construire. Celui qui a pensé à une
telle étude s'appelle Hermann Von Helmholtz, à partir de son
Optique physiologique, il résolvait les problèmes liés
à la physiologie et à l'expérience sensible. Ne perdons
pas de vue que, dans l'histoire de la psychologie, il y a eu une lutte
acharnée entre le nativisme et l'empirisme sur la question de l'origine
de la perception spatiale. La solution à ce problème sera
étudiée dans l'approche symbolique.
7. L'espace symbolique ou abstrait
Le fil conducteur de cette étude nous
amène à la distinction entre l'espace purement humain et l'espace
animal. Nous avons vu que dans l'espace organique, l'espace de l'action,
l'homme est très inférieur à l'animal. Par exemple, un
enfant doit acquérir pour toutes sortes d'actions une habileté
que l'animal possède à la naissance. Par ailleurs, l'homme
compense cette insuffisance par un processus intellectuel de conception, c'est
la notion d'espace abstrait ou symbolique. C'est l'espace théorique de
la géométrie. Avant cela, voyons comment se présente
l'espace dans le langage.
8. L'espace langagier
L'espace dans la structure du langage, parait
étonnant pour toute personne qui est néophyte des écrits
de Cassirer. Comment le langage peut-il acquérir une vision
spatiale ? Par quel mécanisme ? Voilà les
interrogations qui nous ont préoccupé quant nous nos sommes mis
à lire l'ouvrage de Cassirer, qui contient la perspective spatiale dans
le langage. Le langage suit une voie tout à fait autre que le mythe.
Selon Cassirer, « ce qui caractérise déjà les
premiers mots d'espace qu'on y rencontre, c'est qu'ils impliquent une certaine
fonction déictique ».92(*) La forme fondamentale de tout acte de langage se
ramène à celle de « montrer » et cette
fonction ne peut naître et se fortifier que là où la
conscience a élaboré cette déictique en elle-même.
Le geste démonstratif, constitue le moment
crucial de ce développement. Cassirer évoque à cet effet,
Hans Freyer qui soutient l'importance décisive des gestes
démonstratifs et leur différence de principe avec tous les
simples mouvements d'expression, en tant qu'une détermination spatiale.
Ce qui a rendu possible l'idée sur les gestes démonstratifs,
c'est le langage « qui la guide dans ses voies propres et qui
crée avec ses particules déictiques les premiers moyens
d'exprimer la proximité et l'éloignement ainsi que certaines
différences cardinales de direction ».93(*)
A cet effet, bien que l'espace langagier opère
dans la teinture du sentiment et de la sensation, comme se fait dans le mythe,
il a aussi un tournant décisif. Car, il passe de l'espace de
l'expression à l'espace de la représentation. Dès lors,
les divers lieux ne paraissent plus seulement séparés entre eux
par certains caractères qualitatifs et affectifs mais font intervenir
des relations précises d'interposition, d'ordre spatial.
Alors, une question mérite d'être
posée : qu'est-ce qui fait l'unité de ces espaces
énumérés dans le contexte cassirerien ? Ce qui relie
tous les espaces, qui ont un caractère et une provenance
différente de sens, « c'est une détermination purement
formelle qui trouve son expression la plus précise et la plus
prégnante dans la définition leibnizienne de l'espace comme
possibilité de la coexistence et comme ordre des coexistences
possibles »94(*). Cette possibilité est vécue d'une
manière différente dans les différents modes de formation
spatiales.
II.3.4.2. Ouverture et projet d'une nouvelle
recherche
Pour
élaborer sa théorie de l'espace, Cassirer s'est plus
référé à Leibniz avec sa théorie de
l'analysis situs et de Félix Klein à partir de sa théorie
de groupe de transformation. En effet, Klein élabore le vaste projet de
réunification des toutes les géométries à partir
d'un programme qu'il présenta à l'occasion de l'entrée
à la faculté de philosophie et au sénat de
l'université d'Erlangen en 1872. Ainsi, la théorie des groupes
permet de régner sur toutes sortes de géométries possibles
et engendre la théorie des invariants. Cassirer récupère
cette théorie de groupe, afin d'établir la possibilité
d'un rapport entre les structures invariantes des transformations
géométriques et les structures de la perception sensible.
Lors de nos recherches
doctorales, nous allons nous servir de la théorie de groupe de
transformation amorcée déjà par Evariste Galois, Emile
Jordan, Sophus Lie et Félix Klein, afin d'asseoir la théorie
relationnelle et fonctionnelle des espaces, en écartant toutes les
présuppositions métaphysiques et en établissant un rapport
sur toutes les géométries à partir des groupes de
transformations, en commençant par le groupe euclidien, la
géométrie projective et d'autres formes de
géométrie non-euclidiennes. Ainsi, notre approche à
travers Cassirer est dynamique, complexe et symbolique. La complexité
dans le sens, d'une ouverture à ce qui est tissé ensemble. Nous
pensons que le problème de la croissance de la connaissance est complexe
et intervient énormément en géométrie. Si hier la
géométrie était seulement une science des figures,
aujourd'hui, elle devient la « science de l'espace 95(*)».
II.4. Conclusion
Il était question dans ce chapitre de montrer
l'innovation Cassirerienne en matière de la théorie de l'espace.
Si pour longtemps, l'on a pensé que l'espace n'était que
l'apanage de la cosmologie et des sciences physico-mathématiques,
Cassirer amène le débat en dehors de sa structure normale, dans
le domaine de la culture. C'est pourquoi, il parle de l'espace
esthétique, mythique, anthropologique. L'essence de l'espace dans la
perspective Cassirerienne est pluraliste. Il considère l'espace comme
une organisation des théories relationnelles en s'inspirant de Leibniz
et de Félix Klein.
Ne perdons pas de vue que, la philosophie de l'espace
de Cassirer est à classer dans la structure de sa philosophie des formes
symboliques. Il s'ensuit que, le point de vue de Cassirer sur la question de
l'espace est pluriel et unitaire. Dans le cadre de classification des espaces,
il colle l'espace mythique aux représentations spontanées et
primitives, l'espace esthétique dans les figures artistiques et l'espace
théorique aux nécessités scientifiques. C'est dans
l'espace théorique et surtout dans l'espace géométrique
qu'il y a eu révolution. Depuis toujours, plus de XIX eme
siècle, on a cru que la géométrie d'Euclide a
été absolue et intouchable. Mais, avec l'avènement des
géométries dites non-euclidiennes, il y a eu l'explosion de
point de vue différent.
En ce moment, la physique était aussi
affectée et il fallait qu'elle coopère avec la nouvelle
géométrie afin d'asseoir ses théories. C'est le cas
d'Albert Einstein qui a utilisé d'abord l'espace euclidien dans sa
relativité restreinte et la courbe de Riemann en vue ses
équations gravitationnelles dans le cadre de la relativité
générale. Une telle étude sera approfondie et
fouillée lors de nos recherches doctorales.
CONCLUSION GENERALE
Au terme de notre parcours d'étude qui a
porté sur la philosophie de l'espace chez Ernst Cassirer, le moment
vient pour nous de jeter un regard panoramique et rétrospectif voire
synthétique, sur l'ensemble de notre travail. Pour l'essentiel, notre
préoccupation principale était de montrer comment la question de
l'espace constitue le problème de la croissance de la connaissance
aujourd'hui à partir de la théorie d'Ernst Cassirer.
Nous sommes partis d'un constat selon lequel, parmi les
questions qui préoccupent l'épistémologie de
manière générale, celle de l'espace demeure
problématique et énigmatique. Du point de vue
cosmologico-physique, l'espace est le lieu qui nous abrite et où est
fixé la sphère terrestre et d'autres planètes. Du point de
vue psychologique ou phénoménologique, l'espace est crée
par l'esprit du sujet connaissant à partir des modèles et des
matériaux qu'il observe dans la nature. C'est de cette opinion que
Poincaré soutenait l'idée d'un espace géométrique,
qui est crée à partir des idées d'imperfections des
objets constatés dans la nature : d'où l'espace
géométrique est conventionnel. Ainsi, la question de l'espace est
très vaste et multisectorielle. Raison pour laquelle, nous avions
abordé l'aspect cosmologique et l'aspect mathématique. Pour y
arriver, nous avions adopté une structure bipartite.
Le premier chapitre offre l'aperçu historique
sur la question de l'espace cosmologique et physique. Il s'agissait d'aborder
la problématique de l'espace absolu, qui a commencé depuis les
grecs anciens jusqu'au temps modernes. Chez les atomistes, l'univers est
constitué de particules très petites qu'ils appelaient atomes.
Du point de vue de la problématique de l'espace, ils ont eu du mal
à définir le caractère logique de l'espace abstrait. C'est
pourquoi par exemple Démocrite pensait que l'espace est un
non-être et ce non-être est une réalité vraie, qu'il
soit illimité ou insaisissable.
C'est de cette idée, qu'est née la
conception de l'espace absolu. Cette conception était
récupérée par Newton au temps moderne qui affirmait aussi
l'existence de l'espace absolu. Avant lui, Platon s'était beaucoup des
atomistes pour concevoir sa théorie des formes
géométriques, en les identifiants aux atomes qui constituent
l'univers : l'eau, l'air, le feu et la terre. Chacune de ces atomes une
forme géométrique qu'il identifie. Aristote quant à lui,
associe l'espace à sa théorie du mouvement et du lieu. Selon le
stagirite, les choses sont immobiles et son en mouvement continu dans un espace
donné. Ce mouvement n'est que le passage de la puissance à
l'acte.
Newton de son coté, à travers son
expérience du seau, atteste l'existence non seulement de l'espace absolu
mais aussi du mouvement absolu. C'est cette conception qui lui mettra en
débat avec Leibniz qui ne croyait pas à l'existence d'un espace
absolu.
Descartes pense que, le problème de l'espace
doit être résolu dans la tradition rationaliste. N'oublions pas
qu'il est le père de cette tradition. Contre les empiristes, il
affirmait que les organes de sens ne peuvent rien nous offrir des
représentations sensibles. Toutes les représentations spatiales
que nous avons, nous sont venues des idées claires et distinctes que
nous possédons de ces représentations.
Il appert que, la problématique de l'espace
comme traité dans l'histoire de la philosophie a suscité le
débat. D'une part, il y a eu le débat sur l'étendue de
l'espace entre Descartes et Spinoza, et d'autre part le débat sur
l'espace absolu entre Newton et Leibniz. C'est Kant qui était l'arbitre
de ce dernier débat. Il donna ses objections contre la doctrine de
Leibniz et de newton et proposa enfin sa propre théorie, celle de
considérer l'espace comme forme apriori de la sensibilité.
Au delà de la conception absolue, il y avait un
autre courant, celui des empiristes, soutenu par Georges Berkeley et
d'autres. Berkeley a critiqué avec véhémence les
conceptions absolues et rationalistes de l'espace. Pour cet empiriste, l'espace
absolu n'était qu'un espace imaginaire, une fiction de l'esprit. Par
ailleurs, la conception nativiste conduite par Hering affirmait que les
présuppositions spatiales ne sont pas acquises à partir des
expériences sensibles comme l'ont prédit les empiristes, mais
l'homme naît avec. Pour éviter ce malentendu
épistémologique, Cassirer distingua les niveaux de chaque
représentation de l'espace. C'est ce qui fait son innovation.
C'était l'objet du deuxième chapitre.
En effet, depuis toujours, dans l'histoire de la
philosophie, l'on a cru que la question de l'espace n'était que
l'apanage de la cosmologie ou des sciences physico-mathématiques.
Cassirer amène le débat ailleurs, c'est-à-dire dans un
terrain nouveau, celui de la culture. C'est pourquoi, il classifie les
différents types d'espaces : l'espace mythique, l'espace
esthétique, l'espace anthropologique etc. En plus, la philosophie de
l'espace de Cassirer est inscrite dans la structure générale de
sa philosophie des formes symboliques. De là suit que, le
problème de l'espace dans le contexte cassirerien est pluriel et
unitaire.
Ainsi, l'espace mythique correspond aux
représentations spontanées ou primitives, l'espace
esthétique prévaut bien dans le domaine des figures artistiques
et l'espace théorique correspond aux nécessités
scientifiques, c'est-à-dire dans le domaine physico-mathématique.
C'est l'espace théorique qui nous intéresse plus, et où il
y a eu révolution dans le cadre du passage de la
géométrie euclidienne aux géométries
non-euclidiennes. Lors de nos recherches futures, nous allons montrer la
continuité entre ces deux types de géométrie à
partir de la théorie de groupe de transformation, en établissant
la théorie relationnelle et fonctionnelle des théories spatiales,
dans la perspective d'une pensée complexe.
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Pathologique, n° XXXV, 1938, pp.368 - 410.
FERRARI, M., La philosophie de l'espace chez Ernst
Cassirer, dans la Revue de
Métaphysique et de
morale, 96 e année, n°4, Octobre/Décembre, 1992,
pp.479-491.
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
1
CHAP. I
4
L'ESPACE DANS LE SILLAGE DE LA TRADITION
HISTORIQUE
4
I.0. Introduction
4
I.1. L'espace absolu dans la tradition
historique
4
I.1.1. Les atomistes
4
I.1.2. Platon
5
I.1.3. Aristote
7
I.1.4. L'espace absolu de Newton
8
I.1.5. Débat sur l'espace absolu :
Newton et Leibniz
10
I.2. Descartes : approche rationaliste
11
I.3. Le statut de l'espace selon Emmanuel Kant
14
I.3.1. Les arguments kantiens contre la conception
de Newton et celle de Leibniz
14
I.3.2. l'espace comme forme « a
priori » de la sensibilité
15
I.4. L'espace dans la tradition empirique
17
I.4.1. Georges Berkeley: approche
empirico-sensualiste
17
I.4.2. H. Helmholtz : approche
empirico-physiologique
19
I.4.3. Hering : approche nativiste
20
I.5. Conclusion
22
CHAP. II
23
INNOVATION CASSIRERIENNE DE LA THEORIE DE
L'ESPACE
23
II. 0. Introduction
23
II.1. Notions
23
II.1.1. Espace dans l'architectonique des fonctions
symboliques d'Ernst Cassirer
23
II.1.2. Rapport espace-temps : le concept
d'ordre et le concept de relation
25
II.2. Différents types d'espaces chez
Cassirer
26
II.2.1. L'espace mythique
27
II.2.2. L'espace esthétique
29
II.2.3. L'espace théorique des sciences
mathématiques
30
II.3.Mise au point
36
1. Rapport espace théorique et physique
36
2. Rapport espace théorique et espace de la
perception
38
II.3.3. Henri Poincaré : espace
géométrique et espace représentatif
39
II.3.4. Eléments d'innovation Cassirerienne
de la théorie de l'espace
41
II.4. Conclusion
46
CONCLUSION GENERALE
47
BIBLIOGRAPHIE
49
Table des matières
53
* 1 E.CASSIRER, Espace
mythique, espace esthétique et espace théorique, dans
Ecrits sur l'art, Paris, Cerf,
1995, p.101.
* 2 E. CASSIRER,
Philosophie des formes symboliques t3, Paris, Minuit, 1972,
p.167.
* 3 E. CASSIRER, La
théorie de la relativité d'Einstein, Paris, Cerf, p.61.
* 4 D.NYS, Notion
d'espace, Bruxelles, les éditions de Robert Sand, 1921, p.20.
* 5 PLATON, OEuvres
complètest2, Bibliothèque de la pléiade, Paris,
Gallimard, 1977, p.473-480, cité par
AKENDA, dans Epistémologie structuraliste et
comparée. Tome1 les sciences de la culture, Kinshasa,
Facultés Catholiques de Kinshasa, 2004, p.141.
* 6 J .C.AKENDA,
O.c., p.141.
* 7 De gauche à droite
et de haut en bas : le pyramide, le cube, l'octogone, le dodécagone
et l'icosaèdre.
* 8 A. KREMER-MRIETTI,
Philosophie des sciences de la nature, Paris, L'Harmattan, 2007,
p.58.
* 9 ARISTOTE, Physique
IV, 11,220 a 5, cité par A. KREMER, O.c., p.60.
* 10 ARISTOTE,
O.c., cité par AKENDA, dans O.c., p.142.
* 11 B. BACHELET,
L'espace, Paris, P.U.F, 1998, p.44.
* 12 E. CASSIRER,
Essai sur l'homme, Paris, Minuit, 1975, p.70.
* 13 I. NEWTON,
Principia, cité par B. BACHELET, O.c., p.46.
* 14 Ib.,
p.47.
* 15 M. GHINS,
L'inertie et l'espace-temps absolu de Newton à Einstein. Une analyse
philosophique, Bruxelles,
Académie Royale de Belgique,
1987, p.45.
* 16 Ib.
* 17 D. NYS,
O.c., p.22.
* 18 A. ROBINET,
Correspondance Leibniz-Clarke, Paris, PUF, 1957,223p.
* 19 B. BACHELET,
O.c., p.106.
* 20 A. ROBINET,
Correspondance Leibniz-Clarke (4 eme Lettre, remarque 27),
Paris, P.U.F, 1957, p.93.
* 21 Ib.,
p.52.
* 22 B. BACHELET,
O.c., p.107.
* 23 Ib., p.53.
* 24 Ib., p.54.
* 25 E. CASSIRER,
Philosophie des formes symboliques, t3, p.168.
* 26 E. CASSIRER, Le
problème de la connaissance t1, Paris, Cerf, 1991,
p.489.
* 27 E. CASSIRER,
Philosophie des formes symboliques, t3, p.169.
* 28 B. SPINOZA, Ethique
II, proposition 2, cité par B. BACHELET, O.c., p.105.
* 29 E. KANT, La
dissertation de 1770, §15E, p.71, cité par M.
LACHIEZE-REY, dans L'espace physique entre
mathématiques et
philosophie, Paris, EDP Sciences, 2006, p.32.
* 30 E. KANT, Critique
de la raison pure, Paris, P.U.F, 1950, p.75.
* 31 G-G-GRANGER, La
pensée de l'espace, Paris, Odile Jacob, 1999, p.10.
* 32 E. CASSIRER, Essai
sur l'homme, p.70.
* 33 E. CASSIRER,
Philosophie des formes symboliques t3, p.169.
* 34 E. CASSIRER,
Philosophie des formes symbolique t3, p.169.
* 35 Ib.
* 36 Ib.,
p.170.
* 37 Ib.
* 38 Ib.
* 39 E. CASSIRER,
Philosophie des formes symboliques t3, p.169.
* 40 E. CASSIRER,
Philosophie des formes symboliques t3, p.171.
* 41 E. CASSIRER, Le
problème de la connaissance, t4, p.56.
* 42 E.CASSIRER,
Philosophie des formes symboliques, t3, p.172.
* 43 Ib.
* 44 E.CASSIRER,
Philosophie des formes symboliques, t3, p.172.
* 45 Ib.
* 46 Ib.
* 47 B. BACHELET,
O.c., p.43.
* 48 E. CASSIRER, Le
problème de la connaissance, t4, préface, p.v.
* 49 E. CASSIRER,
Philosophie des formes symboliques, t3, p.173.
* 50 E.CASSIRER,
O.c., p.172.
* 51 E. CASSIRER,
Philosophie des formes symboliques t3, p.174.
* 52 E.CASSIRER, Espace
mythique, espace esthétique et espace théorique,
O.c., p.101.
* 53 E. CASSIRER,
O.c., p.103.
* 54 E.CASSIRER,
Espace mythique, espace esthétique et espace théorique,
O.c., p.105.
* 55 E.CASSIRER, Espace
mythique, espace esthétique et espace théorique,
O.c., p.109.
* 56 Ib.
* 57 E. CASSIRER, Espace
mythique, espace esthétique, espace théorique,
O.c., p.111.
* 58 SCHILLER, Lettres
sur l'éducation esthétique, Paris, Aubier-Montaigne, p.307,
cité par Cassirer dans ID.
* 59 E.CASSIRER,
O.c., p.112.
* 60 Par un point on ne
peut faire passer qu'une parallèle à une droite donnée.
* 61 C'est un terme
emprunté chez Eric-Temple BELL, dans son ouvrage Les grands
mathématiciens, Paris,
Payot, p.239.
* 62 E.CASSIRER, Le
problème de la connaissance, t4, p.31.
* 63 F.LURÇAT,
L'autorité de la science, Paris, cerf, 1995, p.149.
* 64 Cette figure prouve que
nous ne pouvons pas tracer une droite dans une surface sphérique car la
surface est
courbe.
* 65 Par un point A il y a
plusieurs parallèles à une droite D et non zéro comme sur
une sphère.
* 66 C'est un terme
emprunté chez Eric-Temple BELL, O.c., p.320.
* 67 H.POINCARE,
Science et hypothèse, Paris, Flammarion, 1968, p.64.
* 68 L'on peut par un
point situé dans un plan mener plusieurs parallèles à une
droite donnée
* 69 L.BRUNSCHVICG,
Les étapes de la philosophie mathématique, Paris, P.U.F,
1947, p.318.
* 70 Cité par R.
TATON, dans la science contemporaine.1.le XIXème siècle,
Paris, P.U.F, 1995, p.28.
* 71 RIEMANN, OEuvres
mathématiques, Paris, J. Gabay, 1990.
* 72 E.CASSIRER, Le
problème de la connaissance t4, p.31
* 73 A. EINSTEIN, La
théorie de la relativité restreinte et
générale, Paris, Gauthier-Villars, 1954, p. 159.
* 74 M. BINDUNGWA, Une
histoire de la pensée de la théorie de la relativité,
Kinshasa, Mediaspaul, 2010,
p.230.
* 75 M. PATHY,
L'espace physique vu du monde quantique : une approche
épistémologique, p.43, dans
L'espace physique entre
mathématiques et philosophie, O.c.
* 76 E.CASSIRER,
Philosophie des formes symboliques, t2, Paris, Minuit,
1972, p.109.
* 77 E.CASSIRER,
O.c., p.109.
* 78 E.CASSRER,
O.c., p.110.
* 79 Ib.
* 80 E.CASSIRER, Le
concept de groupe et la théorie de la perception, dans Journal de
psychologie normale
et Pathologique, n°
XXXV, 1938, p.368.
* 81 H. POINCARE, La
science et l'hypothèse, Paris, Flammarion, 1968, p.78.
* 82 H. POINCARE,
O.c., p.81.
* 83 H. POINCARE,
O.c., p.79.
* 84 Ib., p.80.
* 85 H. POINCARE,
O.c., p.75.
* 86 G. IBONGU,
Cassirer's structural Realism, Berlin, Logos Verlag, 2011, p.31.
* 87 E.CASSIRER,
Espace mythique, Espace esthétique, Espace théorique,
O.c., p.109.
* 88 E. CASSIRER, Le
problème de la connaissance, t4, p.V (préface).
* 89 E.CASSIRER, Essai
sur l'homme, p.68.
* 90 Ib.
* 91 Hans Volkelt, dans son
ouvrage sur les représentations des animaux, nous brosse du mode
d'orientation de l'araignée dans l'espace. Quand un objet était
tombé sur la toile, l'araignée, après une première
réaction, ne se précipitait sur lu que s'il bougeait ; mais
lorsque l'objet restait tout d'abord suspendu en repos, elle ne courait pas
depuis sa tanière jusqu'à lui sans faire une halte : elle
marquait un temps d'arrêt au centre de la toile, afin d'établir
s'il est permis de parler ce langage humain à partir de là et
par attouchement des fils disposés en rayons, la direction dans laquelle
se trouvait l'objet volant qui s'était pris à la toile... une
mouche s'était-elle jetée sur la toile que l'araignée
laissait parfois sa victime lui échapper de cette manière ;
car il arrivait que la mouche, à compter du moment où elle avait
touché la toile, demeurât parfaitement immobile dans quelque
position désespérée. L'araignée, attirée au
centre par la première et unique secousse, palpait alors circulairement,
depuis le centre, les rayons les uns à la suite des autres ;
parfois elle trouvait la direction où la mouche pendait dans une
immobilité complète ; parfois aussi elle y échouait
et rentrait alors bredouille...Il ressort sans conteste de tous ces faits que
l'araignée ne reçoit pas par le biais de qualités optiques
( qu'il s'agisse d'une image ou même seulement d'une vision de
mouvement), y compris depuis le centre de la toile, d'information suffisante
sur ce qui se passe à la périphérie de celle-ci, et que
c'est le tact qui conditionne pour l'essentiel son comportement...même
quand l'objet pend sur la toile à la très courte distance de
2-3cm de l'araignée en train de palper, il arrive qu'elle ne le trouve
pas. Cfr Philosophie des formes symboliques t3, p.177.
* 92 E.CASSIRER,
Philosophie des formes symboliques, t3, p.175.
* 93 E. CASSIRER,
O.c., p.176.
* 94 E.CASSIRER, Espace
mythique, espace esthétique et espace théorique, dans,
O.c., p.109.
* 95 F. KLEIN, Le
programme d'Erlangen, p.61.
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