Mise en place d'un suivi amphibien à Vohibola, l'une des dernières forêts humides de la côte Est de Madagascar( Télécharger le fichier original )par Ewald JAUSSAUD Université Joseph Fourier (Grenoble I ) - Master 2 pro biodiversité écologie environnement 2011 |
Conclusion : recommandationsPour parvenir à assurer un suivi fiable, le guide du village employé de MATE, Nabé, a été formé à la méthode d'inventaire et à l'identification précise des espèces d'amphibiens. Un porte-vue réalisé spécialement pour le suivi des amphibiens de Vohibola lui a été remis sur le terrain, et un autre exemplaire a été remis au bureau de MATE à Antananarivo. Ce document contient : - des fiches d'aide à l'identification des espèces (clé de détermination) classées par type de milieu; - la liste des espèces retrouvées et de celles que l'on peut potentiellement retrouver; - une fiche d'inventaire reprenant les paramètres à noter et une fiche contenant les indices à receuillir pour une identification ultérieure d'un individu non capturé; - Un CD contenant les chants des amphibiens présents et potentiellement présents accompagné d'une liste de référence associant une espèce à un numéro de piste sur le CD. Ces documents forment une première base de travail, mais avec un peu de matériel supplémentaire il serait facile de rendre le suivi beaucoup plus efficace. En effet, sur le terrain il n'y a pas d'appareil photo en état de marche et à la disposition du guide. De ce fait, l'identification devra obligatoirement se faire sur place ce qui réduit la précision des données, étant donné que les individus observés ne sont pas toujours capturés. De plus, l'achat d'un dictaphone pour le suivi s'avérerait particulièrement pertinent pour permettre d'enregistrer les chants dont on a démontrer l'intérêt pour réaliser une étude. Mais, en plus du matériel nécessaire, cette étude à également permis de mettre en avant des éléments de réflexion dont la prise en compte pourrait permettre un suivi des amphibiens d'autant plus fiable. Le Tableau 7 présente l'ensemble des mesures préconisées pour un suivi efficace sur le long terme des amphibiens de Vohibola. 41 Tableau 7 Préconisations pour le suivi amphibien à Vohibola
Valorisation et développement durable MATE tente au travers de son intervention de concilier développement économique et social et protection de l'environnement, ce qui correspond à la notion de développement durable. MATE soutient en effet que les populations doivent pouvoir tirer profit de leurs ressources naturelles locales mais de manière raisonnée afin de permettre la préservation du milieu dont elles tirent les ressources. Ceci apparaît alors comme une action totalement légitime car l'Homme, aussi bien que toute autre espèce, doit pouvoir tirer parti des ressources de son environnement immédiat. Toutefois, plusieurs problématiques, sur lesquelles une réflexion est initiée ici, peuvent alors émerger : Tout d'abord, comme nous avons pu le voir plus haut, il existe un risque de surexploitation du milieu pour le niaouli. Il est donc primordial de mettre en place à la fois un système de surveillance permettant une exploitation réellement raisonnée de cette ressource et un système de rémunération des collecteurs plus approprié au respect des bonnes pratiques de collectes. De plus, la mise en place d'un suivi scientifique comme conseillé suite aux résultats de cette étude sur les amphibiens, serait un outil pertinent à la gestion du niaouli. 42 De plus, le projet huile essentielle, qui est le programme phare de MATE, s'inscrit dans le cadre du commerce international. En effet, on comprend facilement que les huiles essentielles et les produits cosmétiques dérivés de ces huiles ne constituent pas les besoins premiers d'une population dont environ 70%5 de la population vivait encore sous le seuil de pauvreté national en 2005. Quel problème y a-t-il au commerce international de marchandises si cela permet l'amélioration de la qualité de vie de la population? Dans le fond aucun, car l'objectif semble tout à fait louable. Il est juste surprenant d'observer qu'un organisme qui se pose en protecteur de l'environnement à une échelle locale, oublie ainsi l'impact de son activité, en terme de bilan carbone notamment, sur le reste de l'environnement à l'échelle internationale. Ne résout-on pas un problème localement en l'aggravant à l'échelle globale? Ceci, en particulier lorsque de nombreuses études scientifiques démontrent la diminution significative de l'impact de l'Homme sur l'environnement dans le cas d'échanges à une échelle locale contre la logique de commerce international actuelle (IPCC, 2001). Ensuite, le concept de valorisation sous-entend que la biodiversité est un bien qui nous appartient et qui doit nous être utile. En extrapolant : si la technologie permettait de subvenir à tous nos besoins aurait-on pour autant le droit de détruire l'environnement? De plus, il est probable que les villageois qui travaillent dans les projets de MATE ne voient dans l'environnement qu'une source de revenu. Ils n'auraient donc théoriquement aucun problème à faire une activité destructrice de l'environnement si cela leur rapportait un revenu plus élevé. Cette politique est-elle réellement durable, c'est-à-dire viable sur le long terme? Ne risque-t-on pas en associant une valeur économique à certaines ressources naturelles, de créer un nouveau marché nécessairement soumis à la loi de l'offre et de la demande, qui peut, tout en conduisant à de réels progrès sociaux (développement d'écoles ou d'infrastructures sanitaires par exemple), provoquer une surexploitation de l'environnement que l'on cherche à protéger. Car que faire si les huiles essentielles bio et équitables deviennent les produits "à la mode"? Limitera-t-on alors la production afin de protéger l'environnement devant la pression du capital économique et des avancées sociales sous-jacentes que cela représente? Rien n'est moins sûr, surtout face à une population ayant tiré les bénéfices de cette activité et dont les besoins auront évolués. En poursuivant cette logique, on peut également se demander : comment empêcher l'augmentation de la pression qu'exerce l'Homme sur l'environnement lorsque le développement économique est synonyme de croissance, donc d'augmentation de la production, du niveau de vie, de la taille des populations et nécessairement de la consommation qui les accompagne? Ceci amène finalement, à un aspect essentiel qui n'est pas, du moins pas encore, totalement traité par MATE dans sa gestion de la réserve : la sensibilisation à l'environnement. C'est-à-dire, 5 source : http://donnees.banquemondiale.org/pays/madagascar 43 permettre une réflexion aux villageaois et surtout pour les plus jeunes sur des questions comme : qu'est-ce que l'environnement? Pourquoi le protéger? Quelles sont les actions qui le dégrade? Nous appartient-il ou en faisons nous partie au même titre que n'importe quelle espèce? Avons nous un droit sur le reste de la vie? Cet aspect éducatif semble primordial si l'on souhaite un changement de notre relation à la nature qui est peut-être l'enjeu majeur de la sauvegarde de l'environnement dans le futur. Il existe actuellement au sein de l'ONG une "mission éducation". Cependant celle-ci n'existe que depuis deux ans et s'intéresse principalement à la scolarisation des enfants et au matériel scolaire. Ceci est bien sûr une base fondamentale, car il faut tout d'abord permettre aux enfants d'avoir accès à l'éducation. Mais il serait également possible d'envisager des projets d'éducation à l'environnement à moindre coût. En ce sens, la mise en place d'une ou plusieurs journées de "classe verte" dans la réserve pourrait répondre à cet objectif. Tout le monde s'accordera sur le fait que, face aux priorités qu'impliquent la situation de pauvreté dans laquelle se trouve une grande partie de la population malgache (nourriture quotidienne, logement, chauffage...), la préservation de la biodiversité est inévatiblement et logiquement reléguée au second plan. Pour autant, il ne faut pas oublier l'importance de la composante éducative qui s'avère nécessaire, d'une part dans le cadre d'un changement des comportements vis à vis de l'environnement, et d'autre part dans la compréhension et l'acceptation des actions de l'ONG (fondamentale pour la conduite d'un projet à long terme dont le but est l'autonomisation des populations). De plus, une exploitation durable de l'environnement est un gage de ressources sur le long terme. De ce fait, il est possible d'en montrer l'intêret stratégique aux populations locales. Toutefois, MATE à travers son action de valorisation des ressources naturelles s'inscrit totalement dans le cadre de la Politique Nationale de l'Environnement et de la Stratégie Nationale de Gestion Durable de la Biodiversité mise en place par l'Etat malgache. On peut citer, à titre d'exemple, le Madagascar Action Plan (MAP) élaboré en 2006 et appliqué pour le quinquennat 2007-2012. Ce nouveau plan d'action met l'accent sur le développement rural et à cet égard, la valorisation des plantes aromatiques à travers l'exportation des HE fait partie des activités prioritaires identifiées par le MAP. La stratégie de préservation de la biodiversité qui prédomine actuellement dans le monde, est la valorisation des ressources naturelles, censée allier création de revenus et protection de l'environnement. Peut-être faut-il effectivement que la biodiversité apporte un gain direct à l'Homme avant qu'il ne puisse penser à préserver l'environnement pour ce qu'il est, mais peut-être aussi que cette vision inculque l'idée, que la nature, si elle ne présente pas d'intérêt, devient inutile et donc quelque chose qu'il n'est pas nécessaire de conserver. 44 |
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