3-Enonciation des hypothèses
Ces travaux antérieurs ont guidé la construction de
l'hypothèse suivante :
La multiplication des centres urbains semble-t-il
n'a pas permis d'aménager la province de façon harmonieuse et
équilibrée, elle a plutôt amplifié les écarts
socio économique et démographique qui existaient
déjà dans cette province. Ces villes n'ont pas joué un
rôle dans l'aménagement de la province en faisant le contre-poids
à l'hypercentralisation librevilloise. Elles n'ont pas
bénéficié des décentralisations en particuliers les
équipements sociaux et de prestige.
Dans le cadre de notre étude, la stratégie
opératoire va se focaliser sur l'utilisation des théories
fonctionnalistes des réseaux urbains, largement appliquées en
Afrique Noire depuis la fin des années soixante10. Il s'agit
des grands modèles théoriques de la géographie et de
I'économie urbaine tels que : la théorie des places centrales de
CHRISTALLER (1933), la théorie des pôles de développement
de F. PERROUX et analyse hiérarchique des fonctions tertiaires des
villes de ROCHEFORT, appliquée à l'espace gabonais depuis les
années soixante.
10 Séminaire international de Rabat (15-17 mai
1990), Croissance démographique et urbanisation : politique de
peuplement et aménagement du territoire, PP 108-110.
13
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
C'est ainsi que le déterminant administratif a
progressivement été abandonné au profit des
critères relatifs à l'activité économique, le
postulat de base devenant alors l'antinomie entre "activité agricole" et
"urbain". Ainsi, dans la plupart des pays africains et notamment au Gabon, ces
approches fonctionnalistes des réseaux urbains, bâties sur
l'expérience européenne de l'urbanisation, permettent de dresser
un schéma simple de l'urbanisation : il existe une hiérarchie des
villes de l'intérieur, centres administratifs, industriels et
commerciaux, mais les pouvoirs de décision leur échappent
totalement au profit de Libreville, capitale au service d'un Etat
centralisateur, où se concentrent toutes les fonctions urbaines.
L'absence de dynamisme propre des villes de la province de l'Estuaire, la
faiblesse des flux de relations entre elles caractériserait la situation
gabonaise. D'où le constat d'absence de réseau urbain à
l'heure actuelle au Gabon, le pays étant dominé par la
"macrocéphalie" de Libreville, ville organisant seule la province, voire
même l'ensemble du pays.
2-1-1 L'observation directe.
Il constitue le point de départ de toute recherche et
sert à confronter nos hypothèses. Sur le terrain, notre
préoccupation était de voir si la création des nouvelles
communes de la province de l'Estuaire a eu un impact sur l'organisation de
l'espace de cette province.
Sur le terrain, les nouvelles communes qui ont
été créées à l'Estuaire ont répondu
au schéma classique de création des villes du Gabon. En effet,
les chefs-lieux de département ont été
érigés en commune pour remplir les fonctions administratives, de
contrôle de territoire et d'encadrement des populations, même si
quelques efforts ont été réalisés dans
l'implantation de certaines unités économiques.
Dans la province de l'Estuaire, les fonctions principales et
fondamentales qui sont assignées aux villes de cette région sont
les fonctions politique et administrative. En effet, le choix de cette fonction
se justifie au Gabon et particulièrement dans cette région, par
le fait qu'on s'est contenté d'équiper les anciens postes et donc
de renforcer l'armature urbaine, esquissée par l'administration
coloniale.11Ainsi l'agglomération de Libreville et les villes
de Ntoum, Kango, Cocobeach, Cap-Estérias et Ndzomoé sont par
11 R.POURTIER, 1989, Les états et le
contrôle territorial en Afrique Centrale : Principes et pratiques,
Annales de géographie, pp286-301.
14
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
essence des centres urbains à vocation politico
administrative, comme en témoigne les énormes investissements
consentis par l'Etat pour doter ces villes des équipements
nécessaires au contrôle et d'encadrement des populations. Par
exemple, toutes ces villes sont dotées d'une préfecture, d'un
poste de gendarmerie, d'une mairie, d'un conseil départemental, etc.
Mais en dehors de la fonction politique et administrative qui
a constitué le socle de la création des villes dans la province
de l'Estuaire, d'autres fonctions sont apparues, du fait non seulement des
potentialités naturelles que ces villes regorgent, mais aussi
grâce au développement que ces dernières ont connu. Ainsi,
dans la ville de Libreville, on retrouve une population active12 de
150 065, soit 36% de la population librevilloise. La fonction administrative y
est de première importance employant 28% de la population occupée
(42.000, dont 91,29% fonctionnaires d'Etat). La deuxième fonction, celle
des services, emploie 24 % de la population occupée, dont 1363 personnes
dans les banques. La fonction commerciale suit de près en employant
21,60% des résidents occupés. La fonction industrielle, en 5e
position seulement, emploie 8400 personnes (7%) principalement dans les
secteurs du bois et de l'agro-alimentaire13.
Owendo, en plus des services centraux de l'État,
concentre la fonction industrialo-portuaire, grâce notamment à une
importante zone industrielle et portuaire. Owendo abrite d'importantes
infrastructures minéralières, portuaires et industrielles : un
port en eau profonde, un port à bois, un port minéralier et un
terminal frigorifique. A cette fonction industrialo- portuaire, cette commune
pourrait, par ailleurs exercer une fonction touristique avec les deux
îles non exploitées :Coniquet et Perroquet ; deux grands fleuves
:la Lowé et l'Igoumié ; des plages et des aires de
randonnées ; des merveilleuses vues en Delta-plane et surtout un parc
hôtelier important.
S'agissant de la ville de Ntoum (à 42 km de Libreville,
vient du mot Fang « Töm » qui signifie fromager),
hormis la fonction administrative qui lui est dévolue, elle peut
également jouer le rôle économique, comme l'atteste de
nombreux projets agro-industriels comme le CIAM, l'IGAD qui y sont
implantés. En effet, Ntoum
12 Résidents de 10 ans et plus occupés
(selon la définition de la DGSEE) + chômeurs
13 Il est à souligner que tous ces chiffres
proviennent du recensement détaillé général de la
population et de l'habitat de 1993.
15
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
est considéré comme le grenier de la capitale
gabonaise. La ville et ses environs alimentent les librevillois en produits
agricoles frais. Les fruits et légumes produits dans cette région
sont écoulés sur les grands marchés de Libreville. En plus
de l'agriculture, Ntoum compte avoir une fonction industrielle et touristique,
à en juger par l'implantation de CIMGABON et de nombreuses scieries.
Pour la fonction touristique, la ville de Ntoum bénéficie d'une
bonne carte touristique : la mission catholique Saint Paul de Donguila
hissée sur le fleuve Komo, le Monastère des soeurs Clarisse
à Essassa, etc
Les villes de Cocobeach (qui signifie la « plage aux
cocotiers ») et de Kango ont les mêmes attributs. En dehors de
leur fonction administrative, elles ont par ailleurs des potentialités
touristiques à développer. Situées respectivement à
122 km et 91 kilomètres de la capitale, ces deux villes
bénéficient d'une bonne carte touristique, même si ces
potentialités touristiques ne sont pas valorisées. En effet, dans
la ville de Cocobeach, par exemple, on peut profiter des délices
procurés par le farniente au bord de mer et voir le mausolée
aux morts. Ce monument est dédié aux africains
incorporés dans l'armée française et morts aux combats
contre l'Allemagne14. Le même cas de figure se présente
à Kango, mais dont les potentialités halieutiques du fleuve Komo
serait la source d'attraction des visiteurs et autres commerçants.
Enfin, les communes du Cap-Estérias et de
Ndzomoé, de création récente, seraient à n'en point
douter des villes à vocation touristique de part leur site et situation.
En effet, la commune du Cap-Estérias, située à 31
kilomètres de Libreville est bâtie au coeur de la Forêt
Classée de la Mondah (CFM). Elle dispose des capacités
hôtelières non négligeables, un Hermitage ainsi que des
plages et d'un phare. Quant à la ville de Ndzomoé (qui signifie
en langue Fang le « piège à sorcier »), le
scénario est presque le même, puisqu'elle est bâtie entre la
réserve présidentielle et le Parc National de Pongara. Mais ne
dispose pas encore des structures hôtelières.
Au total, comme nous venons de le constater, les villes de la
province de l'Estuaire exercent au moins deux fonctions. Les fonctions politico
administrative et touristique sont exercées par toutes les villes, alors
que les fonctions industrielle et portuaire sont le monopole de
l'agglomération de Libreville et dans une moindre
14 Le quotidien d'information L'Union, du
jeudi 02 Avril 2009, P.17
16
Processus d'urbanisation et aménagement de la
province de l'Estuaire.
mesure, la ville de Ntoum
2-1-2 Recherche documentaire.
Afin de mieux cerner notre problématique, nous avons eu
recours à plusieurs ouvrages et revues spécialisées qui
nous ont permis de bien circonscrire notre étude. De même, cette
recherche documentaire, s'est effectuée à la bibliothèque
de l'Université Omar Bongo, aux centres de recherche que compte le
département, à savoir : le LANASPET, le CERGEP et le LAGRAC.
Aussi, avons-nous pu nous rendre à la bibliothèque du Centre
Culturel Français et dans bien d'autres centres de documentation
(archives nationales, le C.I.CI.B.A, DGAT, ....).
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