B. Spécification de la fonction de réaction
de la BEAC
L'objet de cette sous section est de donner la
spécification fonctionnelle de la règle présumée de
la BEAC qui fera l'objet d'estimations dans la section suivante. Il s'agit dans
un premier temps de présenter les paramètres que nous ajoutons
à la règle de Taylor. Dans un second temps, nous
présentons l'équation à estimer afin de déterminer
la meilleure règle pour la BEAC.
1. Paramètres additionnels à prendre en
compte
Nous avons retenu trois paramètres que nous ajoutons
à la fonction de Taylor. Il s'agit ici du différentiel
d'inflation, du différentiel de taux d'intérêt avec la
France et le taux de croissance de la masse monétaire en zone BEAC.
Le différentiel d'inflation entre la CEMAC et la France
nous semble un paramètre important pour plusieurs raisons. Ceci parait
plausible en raison des relations monétaires et économiques entre
la France et la sous région. Ainsi, la parité fixe qui a
longtemps existé entre le FCFA et le FF et qui est aujourd'hui traduite
par la fixité de la parité entre l'Euro et le FCFA est un
élément qui justifie l'introduction de ce paramètre. En
fait, une cible de taux de change (voir encadré n°2 pour plus de
détails) implique de fixer la valeur d'une monnaie par
rapport à celle d'un grand pays à faible
inflation. Et l'un des avantages de cette cible est que l'ancrage nominal d'une
cible de taux de change fixe le taux d'inflation pour les biens
échangés au niveau international et ainsi contribue directement
à garder l'inflation sous contrôle. La théorie
économique ayant admis que l'évolution du taux
d'intérêt et celle de l'inflation sont liées, la BEAC va
donc fixer son taux directeur de telle sorte que le taux d'inflation qu'il est
susceptible d'entrainer soit conforme à celui de la France. D'où
la prise en compte du différentiel d'inflation avec la France dans
l'estimation de la règle de BEAC.
Le différentiel de taux avec la France est un autre
indicateur supplémentaire à prendre en compte dans l'estimation
de la règle monétaire de la BEAC. En effet, la Banque Centrale
vise à travers sa politique de taux d'intérêt, à
limiter les transferts de ressources vers des pays offrant des
opportunités de placement plus intéressantes. Dès lors, il
est important d'inclure dans la fonction de réaction de la Banque
Centrale, le gap d'intérêt entre la France, principal pays
partenaire de la CEMAC, et la zone CEMAC. Aussi, la BEAC veille toujours
à ce que son taux directeur soit au dessus de celui de la France ou Zone
Euro selon l'époque afin d'atténuer la sortie des capitaux. C'est
ce que nous confirme le graphique suivant :
94 96 98 00 02 04 06 08
TAOBFBCE TIAO
Figure n°8 : évolutions du
TIAO et du Taux d'Appel d'Offre de la Banque de France ou de la BCE selon
l'époque
Avec TAOBFBCE le taux d'intérêt directeur de la
Banque de France ou de la BCE selon l'époque ;
TIAO le taux d'intérêt directeur de la BEAC.
Pour ce qui est des agrégats monétaires, leur
prise en compte peut se justifier par le fait que la BEAC suit
étroitement la croissance de cet agrégat qu'elle utilise comme
objectif intermédiaire de la politique monétaire. Ce que nous
avons bel et bien confirmé à travers la règle de McCallum
testée pour la BEAC dans le chapitre précédent. Cette
intégration dans la fonction de réaction peut encore par le fait
que plusieurs études théoriques et empiriques mettent en
évidence l'existence d'une relation entre la progression de la masse
monétaire et l'inflation.
Certaines études à l'exemple de Kamgna et al
(2009), ont montré que le taux directeur de la BEAC est fonction de sa
valeur passée. Ce que nous confirme bel et bien le graphe ci-dessous.
94 96 98 00 02 04 06 08
TIAO TIAOU
Figure n°9 : évolutions du
TIAO et du TIAO retardé d'une période
TIAO est le taux directeur de la BEAC et TIAOU est sa valeur
retardée d'une
période.
Il nous reste donc maintenant à inclure ces
différents éléments dans la fonction de réaction de
la BEAC afin de retenir ceux qui sont significatifs pour cette institution.
Encadre n°2 : Notion de
cible de taux de change
Cible de taux de change
Selon Mishkin (1999), une cible de taux de change est un
régime de politique monétaire avec une longue histoire. A
l'origine, elle établissait que le prix monétaire d'un bien
spécifique, par exemple l'or, peut être gardé constant dans
le temps. Plus récemment et même de nos jours, elle implique de
fixer la valeur d'une monnaie par rapport à celle d'un grand pays
à faible inflation. C'est par exemple le cas de l'arrimage du XAF au
franc français puis
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à l'Euro. Une telle politique présente des
avantages tout comme des insuffisances.
Comme avantages, nous avons :
> L'ancrage nominal d'une cible de taux de change fixe le
taux d'inflation pour les biens échangés
au niveau international et ainsi contribue directement à
garder l'inflation sous contrôle ;
> Si la cible de taux de change est crédible, cela
ancre les anticipations d'inflation au taux de change
dans le pays d'ancrage dont la monnaie est fixée ;
> Une cible de taux de change fournit une règle
automatique pour la conduite de la politique monétaire qui aide à
mitiger le problème d'inconstance temporelle. Cela impose une
restriction de la politique monétaire là où il y a une
tendance de la monnaie domestique à se déprécier ou une
perte de politique quand la monnaie domestique a tendance à
s'apprécier, de sorte qu'une politique monétaire inconstante dans
le temps, donc discrétionnaire, est moins qu'une option ;
> Une cible de taux de change est simple et claire, ce qui
la rend facilement compréhensible par le public. Ceci a
été important, par exemple, en France où un appel au franc
fort est souvent utilisé pour justifier une politique monétaire
stricte ;
> Une cible de taux de change est aussi un moyen effectif pour
réduire rapidement l'inflation dans les pays de marche
émergent.
Nonobstant ces multiples avantages, ce type de règle subit
aussi de nombreuses critiques parmi lesquelles nous avons :
> La perte d'indépendance par la banque centrale car
le pays s'appuyant sur cette cible perd la capacité d'utiliser la
politique monétaire pour répondre aux chocs domestiques
indépendants de ceux qui frappent le pays d'ancrage ;
> Les chocs du pays d'ancrage sont automatiquement transmis
aux pays cibles parce que les changements de taux d'intérêt dans
le premier pays entrainent les mêmes changements dans le second ;
> Le désavantage additionnel d'enlever le signal que le
marché des taux de change fournit sur la position de la politique
monétaire sur une base journalière.
La cible de taux de change n'est pas une option pour les
Etats-Unis, le Japon ou l'Union Européenne mais
pourrait l'être pour la zone BEAC du moins implicitement
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