Le Front Farabundo Marti de Libération Nationale au Salvador: 1980- 2009( Télécharger le fichier original )par Kacou Elom Jean-Michel ADOBOE Université de Lomé Togo - Maà®trise en histoire contemporaine 2010 |
2.3. L'accession au pouvoir de Mauricio FunesPour une seconde fois au Salvador, du moins depuis que le calendrier électoral fut fixé en 1982, les élections présidentielles, législatives et municipales qui s'annoncent, se déroulent dans la même année (2009). Les élections législatives et municipales sont prévues pour le 18 janvier 2009 et les présidentielles pour le 15 mars 2009. Les différentes formations politiques en lice et surtout les principales du pays (ARENA et FMLN) vont donc se préparer pour parvenir à leurs objectifs. Pour le parti au pouvoir, il s'agit de remporter ces élections surtout présidentielles et barrer donc la route à la conquête du pouvoir à son principal rival le parti issu de l'ex-guérilla. En revanche pour le FMLN, la présidentielle lui a toujours échappé. Les élections de 2009 seront une aubaine pour ce parti de confirmer la bipolarité du paysage politique au Salvador et de mettre fin à un long règne sans partage de l'ARENA au pouvoir. De tous les côtés les candidatures s'annoncent, les différents Etats-majors s'investissent de plein pied dans les préparatifs de ces échéances électorales. Ainsi dans un contexte politique polarisé et où la présidentielle constitue un enjeu, le FMLN a joué un tour de maître-politicien en réussissant à présenter bien avant les autres partis et dès septembre 2007, la personne du journaliste de télévision Mauricio Funes (cf. photo n°5) comme son candidat à la présidence en 2009. Mais qui est donc Mauricio Funes ? Mauricio Funes, préalablement à son engagement en politique, a exercé le métier de journaliste. Il a été correspondant pour la chaîne de télévision CNN en espagnol et a animé pendant quatorze ans « L'interview du jour », où il a reçu presque tous les responsables politiques du pays[]. Il a été également reporter durant la guerre civile salvadorienne, où il interrogera de nombreux chefs rebelles. C'est durant cette période qu'il se forgera son orientation politique. Agé de 49 ans, personnage à la fois connu et très populaire pour ses « talk show » volontiers critiques des actions du gouvernement, M. Funes n'est devenu membre du Front qu'en août 2008 (Huste 2008 : 4). Photo n°5 : Mauricio Funes, le nouveau président du Salvador (Photo : Luis Galdamez / Reuters) Source : Faux F. (2009) : « Un nouveau président de la gauche » in www. Rfi.fr, consulté le 26 mai 2010 à 23h. Pourquoi alors la candidature d'une personne qui n'avait auparavant aucun lien avec le Frente ? Il s'agissait d'une stratégie politique visant à passer par tous les moyens pour accéder au pouvoir. Faisant le bilan des expériences électorales précédentes, les dirigeants du FMLN ont vu que le peuple salvadorien n'était pas encore prêt pour accepter un ex-commandant de la guérilla comme leur président et de plus la communauté internationale et de surcroît les Etats-Unis. En effet, jusque-là, c'étaient d'anciens combattants, d'anciens chefs de l'insurrection armée, qui avaient porté les couleurs du Front Farabundo Martí à la présidentielle et jusque là la présidence leur a toujours échappé. Ce sont ces raisons probablement qui ont amené le parti issu de l'ancienne guérilla à choisir une personne neutre et renommée c'est-à-dire quelqu'un qui n'aurait pas participé à la guerre révolutionnaire et qui pourrait attirer et avoir le vote de confiance des salvadoriens. Ainsi donc changement de génération et contexte politique obligent, c'est maintenant un journaliste de télévision, très populaire au Salvador, qui est le candidat de l'opposition, après avoir dû renoncer à son métier parce qu'il était très critique à l'égard du gouvernement. Il s'appelle Mauricio Funes. Ce choix, nous verrons plus loin va payer puisque le FMLN remportera les présidentielles de 2009. Par ailleurs il faut souligner que la présentation de Mauricio Funes était soumise à certains garde-fous. Pas question pour les ex-commandantes de dénaturer l'idéologie principale du FMLN et de s'exclure totalement du jeu électoral. Considéré comme novice en la matière, les dirigeants du FMLN ont jugé bon d'épauler la candidature de Mauricio Funes par la présence d'un ancien du FMLN, en l'occurrence un ancien chef guérillero. C'est dans ce sillage que ce fut la formule Mauricio Funes - Salvador Sánchez Cerén qui fut adoptée. Ce dernier ancien chef guérillero, chef de file du Front à l'Assemblée législative, postulera au poste de la vice-présidence. Mais que va proposer le FMLN à travers son candidat Mauricio Funes ? Lors de l'approbation de sa candidature par la 23e Convention nationale du parti de novembre 2007, Maurico Funes a fait preuve de beaucoup de prudence, de beaucoup d'habileté dans la présentation. Il a même émis la possibilité de pouvoir réaliser des alliances avec d'autres partis. Bien entendu, M. Funes s'est engagé à promouvoir « la construction d'une société juste et solidaire », à régler les problèmes de la pauvreté et de la délinquance en investissant dans l'action sociale et en pourfendant les privilèges des nantis. Il a promis de respecter les investissements privés mais en conformité avec les lois ainsi que les accords existants avec les Etats-Unis « dans le respect de l'autodétermination des peuples ». Enfin, il a annoncé l'ouverture de relations avec Cuba et la République populaire de Chine ainsi que le renforcement des liens avec le Venezuela (Huste 2008 : 5). Lors de la 24e Convention nationale (août 2008), Mauricio Funes va dévoiler son programme de société qu'il pourra mettre en exécution si les Salvadoriens lui accordent leur confiance. Ce programme de gouvernement ou de société (2009-2013) reprend bon nombre de propositions du FMLN à l'Assemblée législative et s'organise autour de quatre chapitres. Ce programme touche du doigt des reformes sur tous les plans de la vie salvadorienne. Huste (2008 : 5) nous donne une idée de ce programme en nous résumant les idées essentielles : « Reforme sociale se traduisant par de très nombreuses mesures : éducation, sécurité sociale et logement pour tous, lutte contre la malnutrition, le travail des enfants, etc. ; reforme économique associée au développement de l'emploi et des droits des travailleurs et à l'aide au développement des PME mais aussi à une « reforme fiscale intégrale » ; gestion de l'environnement ; reforme politique dans laquelle se détache le choix de la démocratie participative et qui vise parallèlement l'instauration d'un « Etat social fort et efficace ». ». De ce fait, tout était prêt pour que le FMLN et son candidat se lance de plein pied dans la campagne électorale (cf. photo n°6) à la quête du vote de confiance de millions de salvadoriens. D'une certaine manière nous pouvons affirmer que Mauricio Funes a su faire adhérer de nombreux salvadoriens à son projet de société lors de la campagne présidentielle. En témoigne la photographie n°6. Photo n°6 : Le candidat de gauche du Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) aux élections présidentielles du Salvador, Mauricio Funes, au milieu de ses partisans, à la Herradura, le 10 mars 2009 (Photo : Reuters) Source : Misslin F. (2009) : « la présidentielle ravive des rivalités datant de la guerre civile » in www.rfi.fr, consulté le 21 septembre 2010 à 09h 44 min. Cependant, il faut souligner que le FMLN devait affronter un parti de taille au pouvoir à savoir l'ARENA. L'ARENA, parti du président sortant Antonio Saca, domine la vie politique depuis vingt ans au Salvador. Il a été aux commandes avant même les Accords de paix qui ont mis fin en 1992 à la guerre civile qui faisait rage dans ce petit pays d'Amérique centrale. Ce parti se présente aussi incontestablement comme un parti très à droite, et d'ailleurs très proche des Etats-Unis. Ce n'est qu'en avril 2008, soit près de 6 mois après le FMLN, que l'ARENA a désigné comme son candidat à la présidence, M. Rodrigo Avila (Huste 2008 : 5). Personnage pas très charismatique, M. Avila a, depuis 1992, alterné les charges de directeur national de la police civile, de vice-ministre chargé de la sécurité et de député de son parti. Ainsi ARENA va se lancer dans la campagne électorale le plus souvent avec le soutien d'autres partis de moindre audience. Pour tenter de barrer le chemin à la gauche, les deux autres formations conservatrices, le Parti de conciliation nationale (PCN), représentant des gouvernements militaires (1961-1976), et le Parti démocrate-chrétien (au pouvoir de 1984 à 1989), ont renoncé à présenter un candidat et se sont ralliés d'emblée à l'ARENA (Lemoine 2009). Cette campagne électorale de l'ARENA (cf. photo n°7) fut sous-tendue par un programme politique et des critiques à l'endroit du FMLN et de son candidat. En ce qui concerne le programme politique présenté sous la devise « Plan pour la Nation 2009-2014 », il faut souligner qu'il ne présentait pas de grande différence avec celui du FMLN. Juste quelques jeux de mots et de termes. Par exemple au terme « reforme » employée par son rival du FMLN, M. Avila préfère plutôt le terme de « gestion ». Ainsi on parlera de gestion sociale, de gestion de l'environnement, de gestion politique etc. En ce qui concerne les critiques, M. Avila tout au long de la campagne a d'emblée attaqué les ambitions du FMLN en dénonçant l'ambiguïté d'un parti qui, selon lui, puise ses références idéologiques à l'étranger et place « au dessus de notre drapeau... les drapeaux de pays dont les systèmes de vie sont totalement opposés aux nôtres ». Le candidat de l'ARENA à travers ses propos critiques, fait ressortir un lien entre le FMLN et des pays dont le système de vie est qualifié de socialistes et de communistes (Cuba, Venezuela, Nicaragua etc.). Faisant en quelque sorte écho à Mauricio Funes qui prétend incarner une nouvelle gauche sous la bannière d'un vieux parti, M. Avila se présente comme le représentant d'une nouvelle droite populaire oeuvrant « pour un pays plus juste » (Huste 2008 : 6). Photo n°7 : Le candidat de droite de l'ARENA aux élections présidentielles du Salvador, Rodrigo Avila, au milieu de ses partisans, à San Salvador, le 8 mars 2009 (Photo : Reuters)
Source : Misslin F. (2009) : « la présidentielle ravive des rivalités datant de la guerre civile » in www.rfi.fr, consulté le 21 septembre 2010 à 09h 44 min. De part et d'autre, les adversaires politiques ont émaillé la campagne électorale de nombreuses déclarations et critiques visant à discréditer l'autre. Ainsi, Mauricio Funes, ancienne vedette du petit écran et candidat à la présidence du Salvador, s'est voulu rassurant pendant toute la campagne. Au nom de l'ancienne guérilla de gauche du FMLN, il a d'ores et déjà promis que le Salvador demeurerait un allié convaincu de Washington s'il devenait président, et non un « satellite » du Venezuela et des autres forces de gauche de la région, comme l'affirment ses adversaires de droite. L'ARENA, n'a pas ménagé ses efforts pour effrayer l'électorat : la télévision a diffusé en boucle depuis des semaines des scènes de guerre urbaine et des soldats en tenue de camouflage. Sans subtilité, le message prend la forme d'un avertissement : si Mauricio Funes devient président, le pays sera happé par le « camp socialiste » latino-américain. L'ancien présentateur du journal télévisé a pourtant deux atouts : il est très populaire, et ne ressemble pas à un militaire. La droite accuse en effet Mauricio Funes d'être une marionnette aux mains des anciens guérilleros. C'est dans la même optique que le président Tony Saca de l'ARENA n'a eu de cesse de traiter Funes de marionnette du FMLN, en faisant cette déclaration à la chaîne `CNN en espagnol' en février : « Si ça vole comme un canard, nage comme un canard et mange comme un canard, c'est un canard... Le FMLN est un parti communiste. Ses idées n'ont pas changé. » (Wheeler 2009). Pour le parti ARENA, il fallait tout faire pour entacher la quête de l'électorat par le FMLN. D'où déclarations et campagnes médiatiques pour tenter de faire croire aux Salvadoriens les dangers que menace leur pays si le FMLN gagnait les élections. En matière de la bonne gouvernance, les partisans de l'ARENA répètent que « sous la droite, le pays a connu la liberté, notamment religieuse et la prospérité économique ». A gauche, avec autant de ferveur, on rétorque : « Les patrons ont peur, ils pensent que nous allons devenir comme Cuba ou le Venezuela, mais c'est un mensonge » (Misslin 2009). Quant au candidat du FMLN, en réponse aux critiques de bonne gouvernance, il s'attaqua à son principal adversaire en ces termes: « L'ARENA a fait du Salvador le pays le plus violent de la région latino-américaine... Quand nous disons que son candidat été deux fois directeur de la police, et qu'il a échoué... on ne le dénigre pas et on ne le diffame pas...»117(*). Tout simplement pour montrer la faiblesse voire l'incapacité du parti au pouvoir à trouver des solutions aux problèmes quotidiens des salvadoriens notamment en ce qui concerne leur sécurité, dénonçant ainsi le mauvais bilan d'ARENA en matière de criminalité. Il revendique également en effet une filiation plus brésilienne (même si Hugo Chavez a apporté son soutien à la campagne du FMLN). « La gauche que je représente est la gauche salvadorienne », martèle-t-il. Le FMLN a « évolué », selon lui et il en veut pour preuve son slogan : « Le changement dans la sécurité ». Mauricio Funes promet de « construire des ponts avec l'élite économique conservatrice », comme le président Lula, mais sera-t-il suivi par la direction de son parti (Misslin 2009 : 3) ? Par ailleurs, nous ne devons pas perdre de vue le fait que ces élections de 2009 au Salvador vont constituer un véritable enjeu pour les puissances européennes notamment les Etats-Unis qui ne vont pas hésiter à apporter leur soutien au parti au pouvoir qu'ils ont toujours soutenu et à exprimer leurs inquiétudes d'une éventuelle victoire du FMLN et des risques et menaces pour la sécurité dans la région. Ainsi les Etats-Unis, dont l'intervention avait été décisive en faveur du pouvoir actuel dans la guerre civile et qui pèsent sur l'économie « dollarisée » du pays, sont directement intéressés par les résultats de l'élection. L'ARENA a reçu le soutien de 46 congressistes américains qui ont écrit à Hillary Clinton : « La victoire de Funes serait porteuse de menaces potentielles pour nos intérêts de sécurité nationale » (Misslin 2009 : 3). Comme à l'accoutumée, aux Etats-Unis, les représentants républicains Dana Rohrabacher et Conni Mack ont sonné le tocsin à la veille de l'élection : « Si le FMLN gagne ce dimanche, le Salvador se transformera rapidement en un satellite du Venezuela, de la Russie et peut-être de l'Iran.»118(*). Toutefois, l'arrivée à la Maison Blanche du démocrate Barack Obama semble changer la donne. Après que le porte-parole du département d'Etat Heidi Bronke a affirmé que le gouvernement des Etats-Unis n'appuierait aucun candidat, Washington a réaffirmé sa détermination à coopérer avec quelque président que ce soit (Lemoine 2009). L'enjeu de ces élections est de taille : l'ancienne guérilla de gauche du Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) semble en bonne position pour l'emporter sur la droite, qui préside le pays depuis 20 ans. Finalement les premières échéances, pour se jauger avant les présidentielles furent les législatives et les municipales. En effet, les Salvadoriens se sont rendus aux urnes le 18 janvier 2009 pour élire leurs 84 députés à l'Assemblée législative pour un mandat de trois ans et les 262 maires. Il faut noter qu'il y avait également le scrutin pour le choix de représentants du peuple au parlement centraméricain. Plus de 2 000 observateurs et environ 17 000 policiers furent déployés dans un dispositif qui devrait être remis en service en mars, pour l'élection présidentielle. En ce qui concerne les législatives, le FMLN gagna les législatives. Il obtient 35 sièges contre 32 pour l'ARENA soit 3 sièges de plus par rapport aux législatives de 2006 et 2 sièges de moins pour l'ARENA par rapport à ces mêmes législatives. Les autres partis se partageront les autres sièges : PCN, 11 sièges ; PDC ; 5 sièges et CD, 1 siège (cf. Annexe 2). En ce qui concerne les municipales, l'ARENA est sorti victorieux. Les résultats du scrutin du 18 janvier 2009 montrent qu'ARENA continue de rafler la majorité des municipios du pays : 111 en 2003, 147 en 2006 et 122 en 2009. La grande fierté du parti aréniste a été la conquête (avec 49,83 % des votes) de la mairie de San Salvador qui demeurait aux mains de la gauche depuis 1994. De son côté, le Frente passe de la gestion de 53 municipios en 2006 à celle de 75 en 2009119(*). Il s'agit là pour le FMLN en plus d'une nette progression par rapport aux municipales dernières, d'une aussi grande défaite car il va perdre la mairie de la capitale qu'elle dirigeait depuis 1994. En ce qui concerne les présidentielles, qui se dérouleront le 15 mars 2009, la gauche salvadorienne emmenée par le FMLN avait de grandes chances de gagner. Le candidat du FMLN, Mauricio Funes, a devancé son adversaire de droite, Rodrigo Ávila, ancien directeur de la Police National Civile (PNC) de 2006 à 2008, avec 51,32 % des voix contre 48,68 %120(*). Ainsi Mauricio Funes parvient à mettre fin à vingt ans de règne de l'ARENA et à faire basculer le Salvador dans la marée de gauche qui déferle depuis quelques années dans la région latino-américaine. La signature des Accords de paix de Chapultepec de 1992 mettant fin à douze ans de guerre civile, a changé le destin de la guérilla du FMLN. En effet aux termes des Accords, le mouvement de guérilla devrait après sa démobilisation, se muer en formation politique. Le parti politique issu de cet ex-mouvement de guérilla va se lancer dans la quête du pouvoir en s'insérant dans le paysage politique. Cette insertion dans la scène politique va lui permettre d'asseoir le parti. Malgré les crises en son sein qui vont entraîner des scissions, le FMLN va vite trouver une solution à celle-ci et continuer à consolider son assise sur l'échiquier politique national. Cette consolidation va payer grâce à l'enracinement du FMLN aux cours des récentes élections législatives, municipales et présidentielles. L'insatisfaction de l'opinion publique salvadorienne face à la gouvernance de l'ARENA et la présentation d'une personnalité qui n'a pas été combattant du FMLN pendant les luttes de guérilla, ont favorisé le basculement de tendance. En effet, aux élections présidentielles de 2009, l'ex-journaliste Mauricio Funes, présenté comme candidat du FMLN accède à la magistrature suprême amenant donc avec lui le parti de gauche du FMLN au pouvoir. Tout comme les présidents latino-américains surtout issus de la gauche, Mauricio Funes a annoncé et promis toute une série de mesures pour environ les 40 % de pauvres parmi lesquelles on peut citer la gratuité des fournitures scolaires, la construction de logements etc. Ainsi donc on pourrait se demander quelle serait la portée historique de cette victoire du FMLN ? Celui-ci fait virer le Salvador à gauche avec l'ex-guérilla du FMLN, et l'inscrit dans la marée de gauche qui déferle depuis dix ans sur l'Amérique latine. Mais cette nouvelle gauche au Salvador sera-t-elle une gauche modérée ou radicale pour gouverner le pays ? A l'issue de la signature des Accords de paix de 1992, le FMLN s'est transformé en parti politique légal et reconnu. Le FMLN, qui jadis était un mouvement de guérilla, a troqué sa bannière révolutionnaire contre une bannière démocratique. Cette mutation était fondée dans la mesure où les ex-guérilleros ont toujours orienté leurs actions en vue de la conquête du pouvoir politique, dans le but d'instaurer ou de mettre en place leurs mesures en vue de la transformation de la société salvadorienne et de l'instauration d'un climat démocratique. Malgré les crises et les tensions que va connaître le nouveau parti politique après sa constitution suite aux divergences idéologiques provenant de quelques dirigeants des organisations affiliées à l'ex-guérilla, il va quand même arriver à les surmonter et à s'insérer dans le paysage politique. La lutte politique engagée par l'ex-guérilla puis par le parti politique qui en est issu va payer plus tard et mettre fin à 20 ans de règne du parti au pouvoir l'ARENA. En effet après la signature des Accords de paix, il fallait accompagner le processus devant mettre fin complètement à une guerre civile qui a déchiré le pays, puis instaurer une paix durable. C'est dans ce contexte que les Nations unies qui avaient joué un grand rôle dans la négociation avaient une mission de paix sur place, qui devait s'assurer du respect et du suivi des clauses de l'accord de paix. En outre une Commission dite de Vérité fut créée pour faire la lumière sur cette guerre. C'est sur cet ensemble de garde-fous mis en place pour la garantie de la paix que le FMLN évolua et s'enracina. Du fait de l'insatisfaction des milliers de salvadoriens par rapport à la gestion de l'ARENA, beaucoup de spécialistes et d'observateurs prévoyaient pour les élections législatives et présidentielles de 2009, un renversement de tendance et une probable victoire de la gauche. Événement qui arriva lorsque le candidat du FMLN, Mauricio Funes déjà populaire pour ses critiques contre le pouvoir en place fut élu président de la république. A travers cette élection, le FMLN pouvait s'en réjouir non seulement pour le fait qu'il soit victorieux, mais aussi pour le fait qu'il a participé d'une certaine manière grâce sa lutte, à la démocratisation du Salvador puisque depuis sa mutation à l'issue de la guerre, le calendrier électoral a été bien respecté et les élections se sont bien tenues dans le pays. Pour ce pays, déchiré par une guerre civile de 1980 à 1992, et gouverné depuis par une droite très conservatrice (ARENA), l'élection de Mauricio Funes à la présidence de la république du Salvador le 15 mars 2009 était un événement historique car c'est un représentant du parti issu de l'ex-guérilla du Front Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) qui accède au pouvoir, pour la première fois. Parvenu à la tête de l'Etat, il a promis comme n'importe quel candidat présidentiel latino-américain, de gauche ou de droite, la lutte contre la pauvreté, la corruption, l'inflation et la délinquance, l'amélioration des services de santé et d'éducation, ainsi que le respect de l'écologie et des droits fondamentaux. Ce succès, la gauche, le doit d'abord à son candidat Maurico Funes. Ancien journaliste, il s'est forgé une image d'opposant, grâce à ses interviews politiques. C'est un homme qu'on sent modéré, voire de tendance social-démocrate et c'est cela qui serait l'une des raisons qui a permis d'une manière ou d'une autre à toute une frange de la population de voter à gauche pour la première fois. D'ailleurs, cette modération a été constatée dès son premier discours (cf. Annexe 1). Il a rappelé que son gouvernement donnerait la priorité aux pauvres, aux exclus, mais il a assuré aussi qu'il respecterait la propriété privée et qu'il ferait tout pour conserver de bonnes relations avec les Etats-Unis. Cette victoire est historique. Mauricio Funes, élu le 15 mars dernier, a été intronisé officiellement le 1er juin président du Salvador (cf. photo n°8). L'un des premiers gestes du nouveau président était de renouer les relations avec Cuba, rompues depuis l'arrivée de Fidel Castro au pouvoir en 1959. Ceci pour témoigner de sa politique de gauche modérée. Photo n°8 : Le nouveau Président du Salvador Mauricio Funes, en compagnie de son épouse Wanda Pignato, après la prestation de serment le 1er juin 2009
Source : www. Rfi.fr/actufr/images/114/salvador_432.jpg. Mais des interrogations méritent d'être posées en ce qui concerne l'orientation du futur gouvernement du FMLN au pouvoir. Est-ce que le FMLN d'aujourd'hui c'est-à-dire au pouvoir sera-t-il vraiment une survivance de l'ère de la Guerre froide c'est-à-dire héritière du bloc communiste? Renversera-t-il le capitalisme, chassera t-il les compagnies étrangères, annulera-t-il les accords de libre-échange et expropriera-t-il les terres ? Ces questions sont difficiles à répondre. Car il est vrai qu'il serait difficile de faire un bilan à mi-parcours tant que le mandat du président Funes n'est pas encore achevé. Mais de façon théorique et si l'on se réfère à ces propos durant la campagne électorale et après sa victoire, on peut quand même voir quelle orientation il compte donner au Salvador durant sa présidence. En effet, le président élu veut donc maintenir l'apparente modération, réelle ou tactique, qui a attiré les électeurs indécis et mêmes d'anciens sympathisants de l'ARENA. Au cours de sa campagne électorale facilitée par la popularité acquise sur les petits écrans, l'ex-journaliste s'était efforcé de gommer l'image communiste du FMLN, auquel il s'est allié voici moins de deux ans. Dans une interview publiée le 13 janvier à San Salvador par El Mundo, Mauricio Funes affirmait qu'il ne cherchera pas à construire le socialisme, lui préférant « l'économie sociale de marché », qu'il ne s'inféodera pas à Hugo Chavez et qu'il conservera d'excellentes relations avec les Etats-Unis. Il ne remettrait même pas en question l'usage par l'US Air Force de la base salvadorienne de Comalapa pour combattre le trafic régional de stupéfiants121(*). Ponctué du slogan « Le changement au Salvador pour vivre mieux », le « Programme de gouvernement 2009-2014 » cosigné par le FMLN et Mauricio Funes ignore totalement, au long de ses 106 pages, non seulement le mot « communisme », mais aussi ceux de « socialisme », « nationalisation », « bolivarien », « révolution », « lutte des classes » etc122(*). Ainsi M. Funes privilégie donc une politique pour moderniser le capitalisme et non un socialisme pur. Par exemple, face à la crise financière mondiale, il promet d'offrir sa collaboration aux institutions monétaires internationales vilipendées au Venezuela et dans d'autres pays de la région gouvernés par la gauche radicale. A propos de la voie d'une modernisation du capitalisme voilà ce que nous en dit l'économiste Martinez : « Si vous lisez leur plan de gouvernement, vous verrez que c'est un plan pour moderniser le capitalisme au Salvador. C'est un plan économique avec de meilleures opportunités pour distribuer la richesse et les services au sein de la population, et [il] insiste sur le combat contre la pauvreté et la garantie de la sécurité alimentaire pour les secteurs qui ont traditionnellement été exclus du processus politique... Ce à quoi nous assistons est un retour au pragmatisme » (Wheeler 2009). Ainsi d'une part avec cette victoire de Mauricio Funes, le Salvador est un pays de plus qui, en Amérique latine, bascule à gauche. Cependant, pour le tout nouveau président, il s'agira d'une gauche modérée proche de celle pratiquée par le président Lula du Brésil. D'autre part, un tel succès serait révélateur d'une tendance actuelle de l'Amérique latine non seulement à se doter de gouvernements de gauche ou de centre-gauche - il n'y a décidément plus beaucoup de présidents de droite dans la région - mais en plus ça confirmerait qu'à la faveur de ce grand mouvement de balancier vers la gauche, il y a de plus en plus de possibilités pour d'anciennes guérillas d'arriver au pouvoir en Amérique latine par des moyens démocratiques. Le cas du FMLN est un exemple typique. * 117 Information tirée de « Mauricio Funes, candidat de la gauche et favori du scrutin : le mauvais bilan de l'ARENA même en matière de criminalité » in www.rfi.fr, consulté le 21 septembre 2010 à 09h 44 min. * 118Déclaration faite sur BBC Mundo, le 14 mars 2009 cité par Lemoine (2009). * 119 Information tirée de « El Salvador : Elections » in www. Opalc.org, consulté le 27 septembre 2010 à 14h 28 min. * 120 Information tirée de « El Salvador : Elections » in www. Opalc.org, consulté le 27 septembre 2010 à 14h 28 min. * 121 Information tirée de « Salvador vire à gauche avec Mauricio Funes et l'ex-guérilla du FMLN » in www.latinreporters.com, consulté le 28 janvier 2010 à 09h 57 min. * 122 Information tirée de « Salvador vire à gauche avec Mauricio Funes et l'ex-guérilla du FMLN » in www.latinreporters.com, consulté le 28 janvier 2010 à 09h 57 min. |
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