UNIVERSITE DE LOME
FACULTE DES LETTRES ET DES SCIENCES
HUMAINES
(FLESH)
DEPARTEMENT D'HISTOIRE ET D'ARCHEOLOGIE
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LE FRONT FARABUNDO MARTí DE LIBERATION NATIONALE
AU SALVADOR : 1980 - 2009.
Mémoire pour l'obtention du diplôme de
maîtrise ès - lettres et sciences humaines.
Option : Histoire
Contemporaine.
Présenté et soutenu par :
sous la direction
de :
Jean-Michel Kacou Elom ADOBOE
M. Essoham ASSIMA- KPATCHA
Maître de conférences en
Histoire Contemporaine.
Décembre 2010
DEDICACE
A mes chers parents bien-aimés.
A mes chères soeurs Carine Dadié et
Marie-antoinette Adoboe.
REMERCIEMENTS
Au terme de ce travail, nous tenons à
exprimer notre profonde gratitude à notre directeur de mémoire M.
Essoham Assima-Kpatcha, Maître de Conférences qui a bien voulu le
diriger, malgré ses multiples occupations. Qu'il trouve ici l'expression
de notre sincère reconnaissance.
Nos profondes gratitudes vont ensuite à tout le corps
enseignant du Département d'Histoire et d'Archéologie de
l'Université de Lomé pour sa participation à notre
formation notamment aux Docteurs Tsigbé et Mayeda pour leurs soutiens et
leurs conseils prodigués. Qu'ils trouvent également en ce
présent travail l'expression de notre sincère reconnaissance.
Nos remerciements vont également à l'endroit de
nos amis et compagnons de route, Alexandre Danhoussrou, Magloire Hova, Gilbert
Sika et Isaac Sabi pour leurs soutiens dans la réalisation de ce
document.
Nous remercions très vivement nos camarades de
promotion notamment Bertrand Ahogla Gbamehossou, Dominique Ahossey, Mawobou
Attandji, Gadoufio Kodjo, Yom Dossou sans oublier Messan Kodja pour leur
assistance et soutien moral pour la confection de ce mémoire.
Nous témoignons enfin notre reconnaissance à
tous ceux qui de près ou de loin ont contribué à notre
formation, à la rédaction de ce document de recevoir l'expression
de nos meilleurs sentiments.
SIGLES ET ABREVIATIONS
ARENA : Alliance
républicaine nationaliste.
BPR : Bloc populaire
révolutionnaire.
CD : Convergence
démocratique.
CDU : Convergencia
democrático unido.
CV : Commission de
Vérité.
ERP : Armée
révolutionnaire du peuple.
FDR : Front
démocratique révolutionnaire.
FENASTRAS : Fédération
nationale syndicale des Travailleurs
Salvadoriens.
FMLN : Front Farabundo
Martí de libération nationale.
FPL : Front populaire de
libération.
FSLN : Front Sandiniste de
Libération Nationale.
ONUSAL : Mission des Nations unies au
Salvador.
PCN : Parti de conciliation
nationale.
PCS : Parti communiste
salvadorien.
PD : Parti
démocrate.
PDC : Parti démocrate
chrétien.
PRTC : Parti
révolutionnaire des travailleurs centraméricains.
RN : Résistance
nationale.
UCA : Université
centroaméricaine.
INTRODUCTION GENERALE
La vie politique en Amérique latine et
particulièrement dans sa partie centrale, après la période
coloniale aussi mouvementée qu'elle soit, a été
marquée par de nombreux problèmes parmi lesquels violences,
insurrections généralisées et répressions de toutes
sortes furent souvent le quotidien des populations. La pérennité
d'un pouvoir oligarchique du XIXè siècle soutenu par
les grandes puissances, l'ordre social injuste produit d'une structure de
tenure de la terre inégalitaire, d'un système fiscal inefficace
et du régime excluant, suscita des réactions de rejet de divers
types (Dabène 2003 : 146).
Ainsi le Salvador, un des petits Etats de l'Amérique
centrale (moins de 22 000 km2) et selon les termes d'Alain
Rouquié « le petit poucet » de la
région Amérique centrale, n'a pas échappé à
cette situation politique, économique instable et défavorable. A
côté d'une minorité d'individus riches qui concentre en
leurs mains le pouvoir politique et économique, figure une
majorité de la population en grande partie paysanne laissée dans
un état de paupérisation. La répression des militaires
à toute forme de revendication ainsi que le rejet systématique de
reformes et contestations notamment la reforme agraire furent des
éléments principaux à l'origine de la formation et de la
radicalisation des mouvements populaires puis des organisations militaires
révolutionnaires à l'instar des guérillas à partir
des années 1970.
En effet l'instauration au Salvador de la dictature militaire
ferme qui ne respecte pas les libertés individuelles et fondamentales de
l'homme, entraîne des contestations et des soulèvements venant
d'horizons divers et le développement de groupes dont certains
optèrent pour la guérilla. C'est dans cette logique que se
situent les différents groupes révolutionnaires
créés dans les années 1970 et qui vont unir leur force en
une faîtière d'organisations qu'est le Front Farabundo
Martí de libération nationale (FMLN) en 1980, dans le but de
mieux s'organiser et de mettre fin au régime dictatorial qui
sévit au Salvador. Par la suite une guerre civile éclate dans le
pays opposant combattants du Front Farabundo Martí de libération
nationale et forces armées salvadoriennes soutenues et financées
par les Etats-Unis, qui voient dans la guérilla l'instrument de Moscou
et de la Havane. A partir de 1992, un accord de paix fut signé mettant
fin à la guerre civile et prévoyant la réinsertion du FMLN
dans le paysage politique en tant que formation politique. Ainsi le FMLN devint
un parti de gauche et anima la vie politique au Salvador en essayant de
conquérir le pouvoir, qu'il obtient récemment en 2009.
C'est eu égard à toutes ces
considérations que nous avons opté dans le cadre de notre
mémoire pour ce thème : «Le Front Farabundo
Martí de libération nationale au Salvador :
1980-2009».
Le choix de la période d'étude n'est pas le
fruit du hasard. En effet il est basé sur certaines
considérations historiques qui constituent des ruptures pour
l'historien.
Ainsi l'année 1980, marque la création
officielle du FMLN, issu de la fédération de nombreux groupements
révolutionnaires. Quant à 2009, elle marque l'année,
où un leader du mouvement Mauricio Funes, est élu
président du Salvador, amenant donc le Front Farabundo Martí, un
parti de gauche à être à la tête de l'Etat
après avoir passé de longues années comme mouvement
armé puis parti politique d'opposition.
Ce sujet de recherche tient à apporter une modeste
contribution à l'histoire des mouvements armés qui optent pour la
guérilla dans la région Amérique latine, à analyser
la question de leur montée dans la marée de la nouvelle gauche
dans ladite région due à l'évolution des guérillas
en formation politique, et enfin à voir si ceux-ci ont atteint leurs
objectifs fixés à travers l'étude du cas FMLN au Salvador.
L'originalité de ce sujet de recherche tient à
sortir du champ d'étude classique des chercheurs au Département
d'Histoire et d'Archéologie, où mémoires et thèses
sont consacrés en grande partie à l'Afrique en
général et au Togo en particulier. Rares sont ceux qui sortent de
ce champ d'étude, et nous avons voulu après avoir
été suscité par notre directeur de mémoire, de
porter loin nos recherches afin de mieux connaître et comprendre les
réalités historiques et constitutives d'autres régions du
monde et les problèmes qui se posent. Par ailleurs, il faut souligner
qu'au cours de nos recherches nous avons pu constater qu'il y a des ouvrages
sur le Salvador le plus souvent en anglais ou en espagnol écrits par des
spécialistes de sciences sociales tels que des sociologues, des
spécialistes de science politique, d'économie mais rares sont des
ouvrages écrits par des spécialistes de la discipline historique
et se penchant sur l'évolution du FMLN. Aspect que nous avons voulu
combler en abordant cette thématique dans ce présent
mémoire.
De fait l'histoire du Salvador a été
marquée par des séries de soulèvements et de luttes qui
ont contribué au développement d'organisations
révolutionnaires. Pour mieux comprendre cela il incombe d'analyser ceci
au regard du contexte historique du pays. Le pays a été longtemps
victime de nombreux affrontements armés et d'ingérences
étrangères. En effet c'est à la suite de la série
d'indépendance en Amérique latine que le Salvador pays de
l'Amérique centrale conquiert son indépendance le 15 septembre
1821 (Lemoine 1988 : 302). Ainsi à la période coloniale
succède une autre celle de la dictature et de la dépendance
étrangère et de la soumission du pays à
l'impérialisme américain. Ces derniers soutenaient les
régimes dictatoriaux en place. Face à cela divers groupes
armés opérant sous forme de guérilla se sont
constitués dans le but de faire sortir le pays de la domination
américaine, de renverser le régime dictatorial en place, ensuite
d'enclencher le processus de développement du pays afin de
réduire ou de mettre fin à tant d'inégalités
sociales et d'instaurer un climat démocratique dans le pays. C'est dans
ce sillage qu'est né le FMLN au Salvador au début des
années 1980 grâce au ralliement et la fédération de
nombreuses guérillas du pays surtout d'inspiration marxiste. De
ce fait, en quoi la lutte armée a-t-elle permis au Front Farabundo
Martí de libération nationale d'atteindre ses objectifs et de
contribuer à la démocratisation du Salvador de 1980 à
2009 ?
Toutefois pour mieux approfondir l'analyse du sujet à
travers sa problématique, il est nécessaire de définir les
objectifs de la recherche dudit sujet. L'objectif que vise cette recherche est
d'apporter une modeste contribution à la connaissance des mouvements de
libération nationale comme acteurs des relations internationales et qui
aspirent à devenir des acteurs politiques étatiques. Dans le cas
de notre étude nous montrerons l'exemple typique de l'Amérique
centrale plus précisément au Salvador où le Front
Farabundo Martí a pu réaliser ses objectifs à travers la
lutte armée et un processus de démocratisation.
Pour atteindre cet objectif principal, nous avons
dû élaborer des objectifs spécifiques. Nous allons montrer
dans un premier temps la genèse du front et de sa plate-forme
revendicative, dans un deuxième temps la logique de lutte armée
qui a prévalu dans les décennies qui ont suivi la création
de l'organisation militaire et ensuite dans un troisième temps nous
analyserons comment la mutation du mouvement de guérilla en formation
politique après 1990 était orientée vers la satisfaction
des buts du front révolutionnaire.
Le travail en outre a reposé sur des hypothèses
de travail. D'abord, nous présumons que face à un pouvoir qui
gouverne par le meurtre et la répression, une partie importante de la
population a commencé la lutte pour ses droits légitimes, la
restauration de sa dignité et pour l'amélioration de leur
condition de vie. Ce qui a conduit à des insurrections qui se
généralisèrent en des mouvements de contestation qui,
à l'instar du FMLN optèrent pour la lutte armée pour
atteindre leurs objectifs et instaurer une démocratie dans le pays.
Ensuite, nous partons du principe selon lequel
l'environnement politique et social assez délicat du pays dans les
années 1970 et 1980 à contribuer au développement de
guérillas qui exposèrent leurs revendications.
Par ailleurs, il est fort probable que dans les
années qui suivirent la création du FMLN, la lutte armée
qui existait, était fondée et avait pour mission d'atteindre les
objectifs fixés par la guérilla.
Enfin, nous supposons que les Accords de paix de 1992
ont contribué à la mutation du FMLN de la guérilla en
parti politique ; mutation qui avait pour but de réaliser les
objectifs assignés à l'ex-mouvement de guérilla.
Pour bien cerner et éviter des nombreuses
confusions, il a été important pour nous de définir
certains mots-clés utilisés dans la formulation de notre
thème de recherche et nécessaire à sa
compréhension. Ainsi donc nous avons retenu trois mots et expressions
à savoir « Front Farabundo Martí de
libération nationale »,
« Guérilla » et « Guerre
civile ».
Par Front Farabundo Martí de libération
nationale (en espagnol : Frente Farabundo Martí Para
La liberación nacional, le FMLN), on entend selon le site
Answers.com « autrefois une coalition de cinq
organisations de guérilla révolutionnaire et qui est depuis 1992
un parti politique socialiste au Salvador (en espagnol El Salvador). Le FMLN a
été formé comme un groupe de coordination le 10 octobre
1980, de l'aile gauche, des différentes organisations de
guérilla »1(*). De cette définition il ressort que ce front
est révolutionnaire et donc aspire au changement brutal et parfois
violent de la structure politique et sociale du Salvador. Ce front est
aussi synonyme d'un mouvement insurrectionnel, qui par des soulèvements
massifs essaye de renverser par la force un pouvoir établi. Par ailleurs
selon le site Wikipédia, le Front Farabundo Martí de
libération nationale en abrégé FMLN est à l'origine
(1980) « un mouvement de guérilla issu de l'unification de
cinq forces révolutionnaires. Le FMLN s'est transformé en parti
politique en 1992, après le rétablissement de la paix et de la
démocratie »2(*). De ces deux définitions, nous retenons deux
sens qui cadrent bien avec notre recherche. Premièrement il s'agit d'une
coalition ou une union étroite de mouvements s'accordant sur un
programme commun, aspirant au changement brutal et parfois violent de la
structure politique et sociale du Salvador, et utilisant la tactique de
guérilla dans le but de lutter harmonieusement pour libérer le
peuple contre le régime dictatorial installé dans le pays et
soutenu par des puissances étrangères à l'instar des
Etats-Unis, et instaurer par tous les moyens un régime
démocratique où les inégalités sociales seront
réduites. Deuxièmement le FMLN que nous étudierons dans le
cadre notre mémoire, constituera également à partir 1992
suite aux Accords de paix de cette même année, un parti politique
légal de tendance socialiste faisant partie aujourd'hui de l'un des
principaux partis politiques du Salvador, après que toutes les
unités armées de l'ex-guérilla du même nom ont
été démobilisées.
Quant au concept
« Guérilla », selon sa
définition donnée par le dictionnaire du site la Toupie, ce terme
(en espagnol guerrilla) désigne « une petite
guerre, qui est diminutif de guerra, guerre. Son utilisation remonte aux
tactiques utilisées par les Espagnols contre le régime
imposé par Napoléon Bonaparte au début du XIXè s.
Ainsi donc ce terme est employé pour désigner des combats
réalisés par des petits groupes menant une guerre de
harcèlement, de coups de main, d'embuscades et de sabotage contre une
armée régulière. Contrairement au terrorisme elle ne vise
pas les civils. Elle a pour objectif de renverser une autorité en place
en la destabilisant par des confrontations peu intenses mais de longue
durée »3(*). Cette définition cadre bien avec notre
thème car elle met en relief les objectifs des guérillas et la
nature de leurs luttes. Par extension,
« guérilla » désigne aussi les
groupes qui mettent en oeuvre ce type de combats. Les combattants se livrant
à la guérilla sont appelés des
guérilleros. Selon David Garibay, la guérilla
désigne aussi des « groupes irréguliers
caractérisés par des méthodes de combats
privilégiant la mobilité et la surprise ». Nous
retenons également cette définition proposée par David
Garibay, qui en plus de présenter la nature du combat des
guérillas, les distingue des forces armées
régulières. Donc en faisant le rapprochement des sens, nous
retenons alors de la guérilla : des groupes de combattants qui ne
font souvent pas partie de l'armée régulière et qui
mènent une guerre d'harcèlement, d'embuscades, d'attaques
multiples et surprises dans une logique de lutte armée en vue
d'éparpiller voir anéantir les forces ennemies.
Enfin le concept « Guerre
civile » désigne selon le dictionnaire de droit
international public un « conflit armé non
interétatique mettant aux prises soit un gouvernement établi avec
un mouvement insurrectionnel, soit des groupes se disputant entre eux le
pouvoir de l'Etat. Dans la guerre civile le mouvement insurrectionnel veut
prendre le pouvoir du gouvernement en place. » (Dictionnaire de
droit international public 2001 : 538). Cette définition cadre
mieux avec notre sujet dans la mesure où la guerre civile (1980-1992)
que nous étudierons dans notre mémoire, est un conflit
armé non interétatique c'est-à-dire un recours à la
force armée entre forces gouvernementales et des groupes armés
organisés tels que la guérilla du FMLN au Salvador. Les
hypothèses susmentionnées nous ont conduits à adopter une
méthodologie pour le travail. La méthodologie utilisée
ici, est basée d'abord sur la collecte des données, ensuite sur
le traitement des sources et des documents répertoriés, et enfin
les difficultés rencontrées et les approches de solutions.
La méthode de collecte de données qui s'est pour
l'essentiel déroulée à Lomé, a consisté
à la fréquentation des centres de documentation par ordre
d'importance et en fonction de la documentation qui y est disponible
notamment le centre culturel français, la Bibliothèque centrale
de l'université, des cybers pour collecter des données sur le
net. Ceci dans le but de recueillir des informations relatives à notre
thème. A ce niveau, nous avons consulté des ouvrages et articles
traitant de la région Amérique latine, du Salvador et des Etats-
Unis. Par ailleurs il faut noter que nous avons fait usage de la photographie
sur Internet pour étayer des réalités que nous
dépeignons dans ledit mémoire.
Grâce à cette étape il nous a
été permis de nous familiariser avec les grands problèmes
que soulèvent notre sujet et les grandes thématiques qui y sont
abordées. Par ailleurs, pour la collecte, nous procédons par le
prêt du document pour le lire et prendre quelques notes et dans certains
cas quand les parties intéressantes sont vastes, nous en faisons
copies.
La méthode adoptée pour le traitement
des informations a été des opérations analytiques, des
opérations synthétiques (comparaison des sources et documents,
confrontation des données pour trouver matière à histoire,
raisonnement, analogie, déduction et interprétation).
En ce qui concerne les opérations analytiques,
il s'agit pour nous de nous assurer de l'authenticité des documents et
des informations qu'ils véhiculent. Par rapport aux opérations
synthétiques, nous avons procédé à la
vérification et à la confrontation des sources et documents pour
jauger le degré de pertinence. Les données douteuses dont la
vérification s'avère difficile voire impossible sont purement et
simplement abandonnées. Lorsque nous sommes en face de certains
documents qui comportent des contradictions, nous procédons à la
confrontation et avec toutes les précautions qu'exige l'analyse
historique. Ceci a été d'une grande importance dans la
confrontation et la fiabilité des sources et documents recueillis. Le
même procédé a été aussi observé avec
les sources webographiques notamment avec beaucoup de précautions.
En effet aucune entreprise ne
pouvant se faire sans difficultés, notre recherche n'a pas
échappé à quelques difficultés telles que celles de
notre incapacité de pouvoir aller sur le terrain d'étude pour
recueillir des informations, de rencontrer des personnes ressources. Une des
difficultés est aussi le fait que certains documents utiles ne sont pas
au Togo et où certains sont en des langues outre que le français
(l'espagnol et l'anglais surtout). Une autre difficulté majeure a
été surtout celle liée aux informations fournies par les
différentes sources, le plus souvent divergentes. D'où leurs
confrontations et leurs vérifications parfois difficiles.
Néanmoins nous avons dû rechercher
quelques ouvrages trouvés sur place et avons combler la faille de notre
recherche en enquête orale, en faisant recours à Internet
où nous avons eu accès à de nombreux articles et des
témoignages des acteurs de la période. Mais là encore les
difficultés ont été liées surtout au
téléchargement des documents et à leurs critiques. Souvent
nous avions dû faire face à des situations où certains
documents et articles sont accessibles à un abonnement via internet. Par
ailleurs, pour mieux cerner notre problématique, nous avions dû
faire l'état de la question.
Pour faire ce travail et surtout pour mieux comprendre nous
avons eu recours à des sources essentiellement écrites. Pour ce
faire, une large attention a été prêtée aux sources
informatiques. Nous avons recouru à des moteurs de recherche sur le net
et encyclopédies numériques (Microsoft Encarta) tels les sites
Google (www.google.fr), de Wikipédia (fr.wikipédia.org) pour ne
citer qu'eux, qui nous ont livré des informations
générales sur l'histoire, la géographie, la vie politique
au Salvador, sur Farabundo Martí et l'histoire du front
révolutionnaire qui portera son nom. Certains sites sur le net ont fait
l'objet de collection. Particulièrement le site du quotidien
français « le monde diplomatique »
(www.Monde-diplomatique.fr), qui fait une lecture critique de la situation du
Salvador, de la question de la reconversion du FMLN et de la montée de
sa côte de popularité jusqu'à sa prise du pouvoir en 2009.
Par ailleurs le site de Latin reporters
(www.latinreporters.com) où nous avons eu accès par exemple
à l'article « l'ex-guérilla du FMLN aux portes du
pouvoir » s'est appesanti sur la montée de la côte
de popularité et de l'électorat de l'ex-guérilla devenu
parti politique et ses possibilités de favori aux
échéances électorales de 2009. Dans cette même
optique le site de l'Esisc (www.Esisc.org) dans une note d'analyse du 02
février 2008 a orienté ses réflexions sur les conditions
et les raisons d'un éventuel basculement dans la vie politique
salvadorienne.
Ajoutons également à ceux-ci les sites du
Réseau d'information et de solidarité avec l'Amérique
latine (Risal.collectifs.net) et d'Alterinfos (www.Alterinfos.org). Sur le
premier site où nous avions eu accès à des informations
concernant la violence surtout celle juvénile et la prolifération
de gangs dans les pays d'Amérique latine, qui plonge ces pays dans un
état d'insécurité ; puis celles concernant le conflit
Honduras- Salvador pour ne citer qu'eux ont été
collectionnées. Quant au site Alterinfos.org, nous avons pu trouver
entre autres des informations relatives à la présence militaire
des Etats-Unis et l'accession du Front Farabundo Martí au pouvoir en
2009.
En outre dans cette optique de l'état de la
question, nous avons consulté divers ouvrages à travers la
fréquentation des centres de documentation. Parmi les sources
écrites, nous avons consulté des ouvrages généraux
tels que Chaunu (1964) ; Dabène (2003) ; Rouquié
(1987) ; Maurois (1947) qui nous apportent des informations sur l'histoire
de l'Amérique latine et des Etats-Unis.
Chaunu (1964) retrace l'histoire du
continent américain de la préhistoire jusqu'aux débuts des
années 1960. Il est intéressant dans la mesure où il
apporte des informations sur la conquête de l'Amérique latine,
l'indépendance de l'Amérique espagnole, l'impérialisme
états-unien et les premières formes de révolutions dont
celles du Mexique. Néanmoins on ne note presque pas d'informations
intéressantes concernant le Front révolutionnaire au Salvador.
Dabène (2003) quant à lui retrace l'évolution de
l'Amérique latine à l'époque contemporaine sur les aspects
politiques, sociaux et économiques. Nous trouvons des informations ayant
trait à notre sujet et nous voyons comment il montre les origines de la
crise en Amérique centrale qui ont entraîné la
radicalisation des mouvements révolutionnaires, le déclenchement,
le déroulement et le dénouement de la crise, les effets de la
révolution cubaine qui ont eu un impact sur la lutte armée
engagée par les guérillas en Amérique centrale pour se
libérer des dictatures. Des informations relatives à l'ordre
oligarchique dans la région, le panaméricanisme et le Front
Farabundo Martí au Salvador y sont abordées. Ceci nous permettra
de comprendre le régime oligarchique et les ingérences
américaines, ses buts et fondements dans la région.
Ensuite Maurois (1947) retrace l'histoire des Etats-Unis
depuis la découverte de ce continent par les Européens jusqu'aux
lendemains de la seconde guerre mondiale. L'auteur dans son ouvrage
réserve une partie à la puissance américaine. Ceci nous
permettra de mieux comprendre la montée de l'hégémonisme
américain en Amérique latine.
Nous avons aussi recouru à Lemoine (1988). Le premier a
le mérite de nous donner des informations générales sur
les dates, chiffres, les noms et les faits marquants de l'histoire de
l'Amérique latine. Cet ouvrage correspond à une sorte de mini
dictionnaire de l'Amérique latine. Les informations
générales retrouvées dans les ouvrages
généraux étant insuffisantes, nous avons recouru aussi
à des ouvrages spécifiques, peu nombreux mais qui traitent
indirectement ou directement d'une thématique liée à notre
sujet.
Il faut mentionner à cet effet l'ouvrage de Erdozain et
Barth (1982). Le premier traite de l'histoire du Salvador des origines
jusqu'à l'assassinat de Mgr Romero, grande figure marquante pour la
lutte pour la liberté dans le pays. Nous montrerons dans notre travail
comment son assassinat sera aussi à l'origine de la remontée des
violences au Salvador. Dans cet ouvrage, l'auteur de la première partie
présente les forces majeures intervenant dans la vie politique,
évoque les forces en présence au cours de la guerre civile et
donne des informations sur la constitution du FMLN. Quant à Placido
Erdozain, auteur de la seconde partie de l'ouvrage, il s'appesantit sur
l'attitude du clergé salvadorien du moins une partie de ce clergé
qui, fidèle à son évêque Mgr Romero dénoncera
les abus, la situation de dictature et de répression brutale que
subissent de milliers de salvadoriens. Nous montrerons dans notre travail que
cette attitude du clergé salvadorien a été vivement
combattue et réprimée par le gouvernement en place.
Ajoutons Rouquié (1991) plus
précisément son article sur le Salvador,
Villalobos (1999), Garibay (2003), Garibay (2004) et
Puyo et Taracena (2007). Le premier traite des forces politiques en
Amérique centrale. C'est surtout un de ses articles consacrés au
Salvador qui nous intéressera dans la mesure où il retrace la
genèse et l'évolution des forces politiques et formations
révolutionnaires dans le pays. J. Villalobos, un ancien dirigeant de
l'ex-guérilla et plus précisément de l'Armée
Révolutionnaire du Peuple (ERP), dans son article retrace le processus
de paix au Salvador depuis le début de la guerre civile. Il met un
accent particulier sur les exactions commises par la guérilla et
l'armée régulière, la manière dont le retour
à la paix a été une réussite, les rapports de l'ERP
avec la Commission Vérité et Justice mise en place pour faire la
lumière sur la guerre civile et enfin sur des éléments de
comparaison par rapport à d'autres pays qui ont connu des
guérillas à l'instar du Guatemala.
David Garibay, dans sa thèse de doctorat, montre
comment les anciennes guérillas en Colombie et au Salvador ont
tenté de parvenir au pouvoir par les armes et comment le lien entre
démilitarisation et démocratisation a mis fin effectivement
à un conflit armé et a permis la transformation de
guérilla en parti politique au Salvador et temporairement et
partiellement en Colombie. Cette thèse est intéressante à
plus d'un titre car en plus des éléments de comparaison entre les
guérillas dans ces deux pays, elle livre des informations sur le
processus de paix et de réinsertion des guérillas colombiennes et
salvadoriennes dans le paysage politique. Par ailleurs dans l'un de ses
articles publié dans la revue scientifique critique
internationale en 2004, il fait une bonne analyse de la manière
dont les Etats-Unis influencent les pays de l'Amérique centrale en leur
imposant des régimes démocratiques. Il montre les
inquiétudes des américains face aux révolutions dans la
région, présente leur stratégie (assistance militaire,
mise en place de régimes démocratiques caractérisés
par l'organisation d'élections à intervalles réguliers).
Cet article est intéressant dans la mesure où il nous permet de
comprendre les ingérences américaines en Amérique latine,
la manière dont ils soutiennent les dictatures si leurs
intérêts sont préservés et comment le contraire a
favorisé des coups d'état et la chute des gouvernements.
Ensuite Puyo et Taracena (2007) dans leur article, font une
étude comparative des guérillas latino-américaines en
Amérique centrale et en Colombie en retraçant le contexte
historique de l'émergence des différentes vagues de
guérillas, le rôle de l'interventionnisme américain, les
différentes idéologies qui animaient ces guérillas.
Nous ne devons pas perdre de vue l'ouvrage de Gandolfi (1989)
qui nous présente la typologie des mouvements de libération
nationale, leurs objectifs et leurs actions. Il évoque l'extrême
complexité du problème due à la multiplicité des
mouvements de libération nationale et tente d'en dresser un inventaire
de ces mouvements de libération. Cet ouvrage est intéressant
à plus d'un titre car il nous a permis de mieux cerner et comprendre le
mouvement que nous étudions, ses actions et ses objectifs et de pouvoir
mieux l'inscrire dans la panoplie d'organisations de libération
nationale. Il nous apporte des informations sur la dénomination des
mouvements de libération nationale (MLN), sur la manière dont les
populations expriment leur participation, leurs actions qu'elles soient
pacifiques ou violentes avec usage de stratégie de guerre comme la
guérilla, la recherche d'une reconnaissance internationale comme soutien
pour la réalisation de leur objectif et la manière dont
réagissent les Etats qui font face à de telles situations.
Par ailleurs nous ne pouvions pas oublier de souligner
les articles de Toinet (1982) et de Falquet (1997). Le premier traite de la
politique salvadorienne des Etats-Unis de Carter à Reagan. L'auteur
relève la dimension historique de la domination états-unienne
dans la région Amérique latine et son évolution. Il
souligne par ailleurs les actions américaines à travers les
politiques cartérienne et reaganienne. Ceci nous a permis de mieux
saisir et analyser les influences américaines à travers sa
politique extérieure et comment les actions nord-américaines ont
contribué à la déstabilisation de cette région et
donc aussi du Salvador. Le second article traite de la participation de la
gente féminine dans la guerre révolutionnaire ou civile au
Salvador de 1981 à 1992. L'auteur soulève entre autres pourquoi
une forte participation féminine à cette guerre, en dresse le
bilan de la guerre pour ces femmes. Ceci nous a permis de voir la portée
du conflit et la manière dont presque toutes les couches sociales au
Salvador furent impliquées notamment les femmes.
Nous ne devons pas sans doute perdre de vue les articles
sur le web, qui nous ont apporté un complément d'informations.
Nous pouvons mentionner certains comme : Bail (2006), Bourtel (2002),
Anonyme (2009). R. Bail montre avec chiffres à l'appui
comment l'émigration massive de salvadoriens aux USA a
entraîné la dollarisation de l'économie du Salvador.
Ensuite Bourtel (2002) présente la situation dans laquelle le Front
Farabundo Martí gouverne la capitale San Salvador et montre comment la
gestion de cette capitale aura une portée sur les élections
présidentielles de 2004. Ceci nous aidera à mieux analyser la
montée de la côte de popularité de l'ex-guérilla
depuis sa démobilisation après 1992. Par ailleurs l'auteur
anonyme de l'article publié dans www.latinreporters.com
montre comment pour la première fois depuis la fin de la guerre civile
au Salvador le Front Farabundo Martí de libération nationale
(FMLN), parti issu de l'ex-guérilla d'extrême gauche du même
nom, est favori aux élections législatives et
présidentielles de 2009. Nous montrerons dans notre travail les
conditions et les éléments qui ont permis au FMLN
d'accéder au pouvoir.
Ajoutons également à ceux-ci Huste (2008),
Beaulande (2009), Blanca (2004), Kaeser (2006). Huste (2008) dans son article,
fait une note d'analyse des conditions et de l'environnement dans lequel se
dérouleront les élections de 2009. Il évoque les raisons
du basculement de l'électorat au profit de l'ex-guérilla du FMLN
c'est-à-dire qu'il montre les raisons qui ont poussé les
Salvadoriens à ne pas accorder leur vote de confiance au parti au
pouvoir (ARENA) aux élections de 2009, expose les propositions du
FMLN à travers son candidat Mauricio Funes. Quant à Beaulande
(2009), il évoque la victoire récente du FMLN à la
présidence du 15 mars 2009 et retrace la vie politique du Salvador en
montrant les conditions d'évolution du FMLN de mouvement
révolutionnaire en parti politique, aujourd'hui au pouvoir. Blanca
(2004) dans son article présente les gangs d'Amérique centrale
comme un fléau incontournable. En effet pour l'auteur ces gangs qui
sévissent dans les pays comme le Nicaragua, le Guatemala et le Salvador
sont accusés d'être les responsables du problème de
sécurité dans ces pays à cause de l'accroissement du
nombre d'assassinats, de viols, de vols. Par ailleurs il évoque dans cet
article les séries de mesures qu'ont essayé de mettre en place
les dirigeants politiques.
L'historien suisse T. Kaeser pour sa part montre dans son
article comment le football a été le détonateur d'une
courte guerre entre le Honduras et le Salvador, guerre qui se profilait
à l'horizon à cause d'un certain nombre de problèmes que
connaissaient ces pays et que le football a été
l'élément déclencheur.
Etant donné que notre sujet porte sur un pays se
trouvant dans un continent autre que le nôtre (le Togo et l'Afrique),
nous avons jugé bon de présenter l'espace territorial dans lequel
s'inscrit notre recherche. Nous nous réservons de ne pas trop en dire
sur l'histoire car une partie lui étant consacrée dans le
présent mémoire.
Pour ce qui est du pays, nous pouvons dire qu'il
appartient à une région ou un sous continent
dénommé Amérique latine4(*), plus précisément en Amérique
centrale qui est une région, constituée d'un long
isthme étroit formant une passerelle entre l'Amérique du Nord et
l'Amérique du Sud (Anonyme, 2009)5(*). L'Amérique centrale couvre une superficie
d'environ 520 000 km2 et comprend, du nord au sud, outre
la péninsule du Yucatán, au Mexique, sept États dont le
Guatemala, le Belize, le Salvador, le Honduras, le Nicaragua, le Costa Rica et
le Panama. C'est sur cet espace que se localise au nord ouest le Salvador, une
république de cette région.
Il est limité au nord et à l'est par le
Honduras, au sud par l'océan Pacifique et à l'ouest et au
nord-ouest par le Guatemala6(*). Par ailleurs il est l'un des plus petits Etats du
continent (moins de 22 000 km2) et aussi l'un des plus
densément peuplés (250 hbts/km2) Rouquié
(1991 : 61). La population du Salvador était
évaluée à 6,9 millions d'habitants en 2007. Son
relief (cf. carte n°1) est composé d'un plateau central peu
élevé (de 400 à 800 m d'altitude)
découpé par des vallées fluviales et recouvert par de
nombreux volcans (Santa Ana, San Vicente, San Salvador, Tepaca,
Conchagua), dont certains sont encore actifs7(*). C'est sur cette terre volcanique, dominée
économiquement jusqu'à une époque récente par
« quatorze familles », que de nombreux conflits
sociaux vont se dérouler. Depuis 1979, une confrontation armée
déclenchée par une large coalition politique et sociale se heurte
à une aide militaire et un soutien économique massifs des
Etats-Unis qui voient dans la guérilla l'instrument de Moscou et de la
Havane (Lemoine 1988 : 301).
Le climat du Salvador est tropical, avec une
saison sèche (novembre à avril) et une saison humide (mai
à octobre). Les ressources naturelles du Salvador
sont rares, mais le pays possède un important potentiel
hydroélectrique, partiellement exploité. Les forêts
fournissent divers bois (chêne, cèdre, pin, acajou) et du
caoutchouc mais leur exploitation reste limitée.
Les montagnes du Salvador sont en partie couvertes de
chênes et de pins ; dans le reste du pays, des arbres à
feuilles caduques et des prairies dominent. La faune du Salvador, moins
variée que celle des pays voisins en raison de la grande densité
de population, comprend notamment des singes, des coyotes, des jaguars, des
pumas et des ocelots. La forte densité de population
tend à accentuer les tensions sociales et est l'une des causes de
l'émigration, notamment vers les États-Unis. Plus de 90 %
des Salvadoriens sont des métis (d'Espagnols et d'Indiens). La
société est surtout rurale, le taux d'urbanisation est de
60,1 %8(*). L'Espagnol
est la langue officielle du pays, et la principale religion est le
catholicisme. Le pays est divisé en quatorze
départements. Les grandes villes (cf. carte n°2) sont la capitale
San Salvador, des villes comme Santa Anna et San Miguel, située au pied
du volcan du même nom9(*).


Ces cartes n°1 et n°2 présentent les
composantes du relief au Salvador ainsi que les principales villes de ce petit
pays de l'Amérique centrale.
Pour traiter ce sujet de recherche nous avons opté pour
le plan chronologique qui est axé sur trois grandes parties. Les trois
grandes parties se composent de deux chapitres chacune.
Notre première partie intitulée :
« La genèse du Front Farabundo Martí de
libération nationale et de sa plate-forme revendicative en
1980 », nous permettra de présenter le contexte historique du
Salvador et analyser les problèmes hérités de l'histoire
et comprendre le développement de mouvements de soulèvements et
de contestation. Dans cette logique nous analyserons le processus ayant conduit
à la création du Front Farabundo Martí de
libération nationale comme mouvement révolutionnaire optant pour
la guérilla.
Notre deuxième partie
intitulée : « La lutte armée
au Salvador 1980 à 1992 », nous permettra de
voir en quoi la lutte armée engagée par le front
révolutionnaire au Salvador était orientée vers la
satisfaction de ses revendications de 1980 à 1992 ? Cette question
nous conduira à analyser la guerre civile salvadorienne et l'engagement
du front révolutionnaire dans l'option de lutte armée.
Enfin dans la dernière partie
intitulée : « Accords de paix, mutation et
enracinement du FMLN de 1992 à 2009 », nous
essayerons de montrer le processus ayant conduit aux accords de paix, les
mesures prises pour instaurer un véritable climat de paix, puis nous
verrons et analyserons comment la mutation du front révolutionnaire en
parti politique a participé à l'enracinement de ce nouveau parti
politique en vue de la conquête du pouvoir et pour satisfaire les
objectifs qui lui sont assignés.
PREMIERE PARTIE
LA GENESE DU FRONT FARABUNDO MARTí DE LIBERATION
NATIONALE ET DE SA PLATE -FORME REVENDICATIVE EN 1980
La question de soulèvement et de séries de
révoltes au XIXè siècle et au XXè
siècle, se généralisant parfois en mouvements de
contestation parfaitement organisés en Amérique centrale et
particulièrement au Salvador, est à analyser eu égard
l'histoire du pays et de la région. En effet ce pays, à l'origine
peuplé d'indiens, va connaître au XVIè
siècle la colonisation espagnole. Celle-ci va entraîner à
son tour une destruction totale de la structure sociale, économique et
de la tenure de la terre. La spoliation des terres d'avant et d'après
les indépendances, le processus d'accaparement des terres laissant une
masse de la population sans terre et dans un état de
paupérisation, conduiront à des séries de révolte.
Il en résulte que « des citoyens sont plus citoyens que
d'autres » (Puyo et Taracena 2007 : 5). Tout simplement
pour dire que l'ordre social était inégalitaire et injuste.
À côté d'une minorité riche disposant de tous les
droits et pouvoirs, vit dans la misère et la pauvreté une masse
de la population dépourvue de nombreux moyens. Face à cette
situation l'exigence d'un changement s'impose. Mais le rejet
systématique de toute forme de contestation, de mouvement social ainsi
que le rejet de toute reforme furent à l'origine de la radicalisation de
soulèvements populaires et à la formation d'organisations
révolutionnaires telles le Front Farabundo Martí de
libération nationale au Salvador qui fait l'objet de notre
étude ; organisation souvent recourant à la violence et qui
auront pour mot d'ordre « La révolution ou la
mort » (Erdozain et Barth 1982 : 37).
Dans cette partie, il s'agira pour nous de répondre
à la question suivante : quelle a été la
genèse du Front Farabundo Martí de libération nationale et
de sa plate-forme revendicative de 1970 à 1980 ?
Cette question trouvera sa réponse à travers
deux chapitres à savoir : « Aperçu historique du
Salvador» et « La création du Front Farabundo
Martí de libération nationale au Salvador ». Ce sont
ces deux chapitres qui feront l'objet de notre réflexion dans la
première partie.
Chapitre 1 : APERÇU HISTORIQUE DU
SALVADOR
El Salvador10(*), c'est tout d'abord une région de
l'Amérique latine plus précisément de l'Amérique
centrale, qui a connu une histoire bien mouvementée, méritant
d'être éclairée pour mieux comprendre les problèmes
qui se poseront et se répercutèrent dans la vie politique,
sociale et économique du pays à partir des années 1970.
Quelles furent les grandes lignes de l'histoire du Salvador de
l'époque précolombienne jusqu'aux années 1980 ?
Cette question nous amènera à voir d'abord
l'époque précolombienne et la période coloniale, ensuite
l'indépendance et les débuts de la république
salvadorienne et enfin les problèmes posés par la
colonisation.
1. L'époque précolombienne et la
période coloniale
La région Amérique latine a servi de cadre
à de brillantes civilisations indiennes qui se sont vite
écroulées au contact des Européens et ont
cédé la place à la culture européenne
importée par les conquérants espagnols et portugais à
partir du XVè siècle et XVIè
siècle. La rapide défaite des Indiens s'explique pour une large
part par la supériorité technique des Européens dont
l'avance technologique était plus qu'évidente. Ainsi après
la période précolombienne où se sont
développées de brillantes civilisations, l'intrusion
européenne occasionnée par les conquistadors notamment dans le
cas de notre champ d'étude par ceux espagnols, va sonner le glas
à une colonisation d'au moins trois siècles, qui laissera de
nombreuses empreintes sur la vie sociopolitique du pays.
1.1 L'époque précolombienne
Avant la découverte de l'Amérique par Christophe
Colomb en 1492, le Salvador était déjà peuplé au
cours de l'époque dite précolombienne par des populations
amérindiennes dont les cultures furent influencées par les
Mayas11(*). C'est une
époque qui n'est pas bien connue des chercheurs mais néanmoins on
sait qu'au cours de cette période se sont développées de
brillantes civilisations amérindiennes telles que celles des Mayas, des
Incas et des Aztèques.
En ce qui concerne le cas de notre champ d'étude, il
faut noter que le territoire aujourd'hui salvadorien a connu un peuplement
autochtone avant l'arrivée des colons espagnols. La zone qui est
maintenant El Salvador était composée de trois grands
États autochtones et plusieurs principautés.
Pipils
Nahua
MexicoLes
habitants autochtones étaient les Pipils, une tribu du peuple nomade des
Nahuas12(*)
installés depuis longtemps dans le centre du Mexique.
LencasLa
région de l'Est a été peuplée et gouverné
par les Lencas.
Lempa
Hi River
Chortis
Mayan
peopleLa zone nord de la rivière Lempa Salut a été
peuplée et gouverné par les Chorti, un peuple maya13(*). Ces peuples qui se sont
épanouis sur l'actuel territoire salvadorien, avaient une organisation
sociale et administrative particulière et fortement influencée
par la religion.
Aztec
Maya
Leur culture était similaire à celle de leurs voisins Mayas et
Aztèques.
Tazumal
San
Andrés
Joya
de CerénNéanmoins on peut noter que toute la civilisation de
ces peuples y compris leur structure sociale étaient encrées dans
la religion tout comme le note M. Barth : « La religion était
le ciment de ces communautés. » (Erdozain
et Barth 1982 : 14).
Mais à partir du XVIè siècle,
le territoire est en proie à la conquête espagnole qui va
entraîner de nombreux bouleversements au sein de ces brillantes
civilisations.
1.2 La conquête espagnole et la période
coloniale
La conquête espagnole de l'Amérique
latine est la période qui a vu en moins de cinquante ans des aventuriers
ou des conquistadores comme on les nomme, à la fois à
la recherche de fabuleuses richesses et désireux de soumettre tout un
continent.
En effet de la fin du XVè siècle et
au début du XVIè siècle, l'Europe sortait du
Moyen-Âge. Les Espagnols, désormais possesseurs d'instruments de
navigation hauturière (caravelle équipée du gouvernail
d'étambot, boussole, connaissance sur la navigation astronomique...) et
animés d'une volonté ardente de s'approvisionner en épice,
de trouver des métaux précieux, volonté de trouver le
prêtre Jean14(*) et
de faire des chrétiens, vont se lancer sur les mers, sur les traces de
leurs devanciers, les Portugais. Leur souci était d'atteindre les Indes.
Ainsi après la découverte de l'Amérique par Christoph
Colomb au service des « Rois catholiques »
d'Espagne, avait ouvert le chemin à de nombreuses expéditions qui
furent l'objet de conquête puis de colonisation plus tard.
C'est dans cette perspective qu'à la suite des
conquistadors15(*), des
tentatives d'annexion et d'occupation du territoire qui correspond plus ou
moins à l'actuel Salvador ont commencé. Elles furent
menées par Pedro de Alvarado, un conquistador espagnol et lieutenant
d'Hernán Cortés, (conquistador espagnol de l'empire
Aztèque du Mexique entre 1523 et 1525). A l'arrivée des
Espagnols, les Indiens du Salvador (environ 130 000 habitants) sont
constitués en communautés d'agriculteurs et d'artisans. Les
familles recevaient temporairement une parcelle du terrain de la commune et
cultivaient collectivement les produits de base. La chasse et la cueillette des
fruits constituaient d'autres activités qui constituaient aussi une
source de richesse. Les Espagnols détruisirent cette structure et la
remplacèrent par la grande propriété (hacienda),
au bénéfice bien sûr des colons, constituant une
unité de production et dotée d'une police, d'une prison et d'un
aumônier... (Erdozain et Barth 1982 : 14). Ces nouveaux
conquérants venus pour s'enrichir et vivre noblement vont mettre en
place les grands domaines coloniaux pour pouvoir mieux organiser la
conquête.
Mis à part le souci d'apporter aux populations
amérindiennes la religion catholique, l'un des buts premiers de la
conquête était aussi l'exploitation économique du
continent. Il s'agira d'exploiter massivement les mines d'or et de
développer de véritables plantations agricoles surtout
sucrières. C'est dans ce cadre que pour réussir cette
exploitation, il fallait mettre en place des structures administratives :
c'est le cas par exemple de l'instauration du système du
repartimiento ou de l'encomienda à la base.
Système qui a sans doute accentué les clivages sociaux et les
inégalités sociales.
Le système du repartimiento ou de
l'encomienda attribuait au colon en même temps que la terre, les
indiens vivant sur le territoire, à charge de les
« protéger » et de les amener à la
foi chrétienne (Erdozain et Barth 1982 : 14).
En effet ce système fit des esclaves qui devaient
contribuer au rendement maximum des terres dont ils avaient été
dépossédés. Quant aux produits de ces terres ils
étaient avant tout destinés à l'exportation vers la
métropole, l'indien devant se contenter de la nourriture que le
maître lui consentait en échange de son travail16(*) (Erdozain et Barth 1982 :
14).
Cette conquête entraîna la fin de la
civilisation indienne et aussi l'extermination d'une grande partie de
celle-ci. Pour les conquérants, les indiens étaient des
sous-hommes, ce qui justifiait tous les abus (Erdozain et Barth 1982 :
10). Il n'a fallut qu'attendre les interventions du Pape Paul III et les
protestations des Dominicains Montesimos et surtout Bartolomé de Las
Casas pour qu'on puisse penser à l'amélioration de leur sort.
Le pays une fois conquis, fera partie intégrante de la
« Capitainerie générale du
Guatemala ». La société quant à elle se
divisa en castes : les créoles, descendants blancs des
conquérants ; les métis et les indiens parlant castillan qui
adoptèrent des coutumes européennes (en général
artisans et petits commerçants) ; enfin les Indiens qui restaient
fidèles à leur civilisation, essentiellement des paysans, de plus
en plus marginalisés.
C'est sur un ensemble d'organisation administrative et
politique et sur cette nouvelle organisation sociale, que se feront sentir les
cris d'indépendance (Erdozain et Barth 1982 : 10). Ainsi de 1808
à 1823 l'Amérique latine s'émancipe de la domination
coloniale espagnole et portugaise.
2. L'indépendance et les débuts de la
république salvadorienne
Les Espagnols, qui avaient imposé à leurs
possessions d'Amérique latine une certaine unité en soumettant
à leurs dominations les peuples de diverses civilisations sur de vastes
espaces, commençaient à rencontrer vers le
XVIIIè siècle des signes de faiblesses de leur
système colonial. Ces signes de faiblesses qui conduirent à
l'effondrement de l'empire colonial espagnol et à la déclaration
d'indépendance du 15 septembre 1821, étaient dûs à
des causes internes et externes. Le Salvador est immédiatement envahi
par l'armée mexicaine qui l'incorpore, contre son gré à
l'empire d'Augustin Iturbide. Après le rapide renversement de celui-ci
en mars 1823, il intègre les Provinces unies d'Amérique
centrale17(*), dont le
premier président, Manuel José Arcé, est salvadorien
(Lemoine 1988 : 301). Mais cette fédération fut de courte
durée entraînant donc la proclamation par le Salvador de sa
souveraineté entière en 1841.
2.1. L'indépendance
L'Empire espagnol qui était
quasi intact jusqu'en 1810, commence à rentrer dans sa phase de
déclin sous l'influence de mouvements de contestations internes et
suite à des influences extérieures.
En ce qui concerne les influences extérieures, il faut
souligner les effets de la révolution des treize premières
colonies d'Amérique du Nord, l'embryon des futurs USA, ceux de la
Révolution française de 1789 et des idées libérales
du siècle des Lumières ont grandement contribué à
la fin de la domination coloniale espagnole en Amérique, car ces effets
servirent d'exemples et firent de ces colonies des foyers de
révolutions.
Parmi les mouvements de contestation, nous pouvons
évoquer l'action de l'aristocratie créole entraînant de
véritables révolutions. La révolution qui a abouti
à la fin de la domination coloniale ibérique fut avant tout
l'action des aristocrates créoles, avec ou sans l'appui de la population
métisse, alors que les Indiens sont restés souvent passifs
(Chaunu 1995 : 59). Sous l'influence de la guerre d'indépendance
des colons d'Amérique du Nord puis de la Révolution
française, l'aristocratie créole - descendants d'Espagnols
nés aux Amériques - formule depuis deux décennies des
revendications de caractère national (Lemoine 1988 : 209)
La déclaration d'indépendance du 15
septembre 1821 fut entrecoupée par la volonté d'annexion de toute
l'Amérique centrale à l'Empire mexicain. Ainsi donc juste
après son accession à l'indépendance, le Salvador est
incorporé dans l'Empire mexicain. Mais cette incorporation fut aussi
brève car cet empire d'Augustin Iturbide s'effondra et donc permettant
au Salvador d'être à nouveau libre.
Néanmoins le Salvador et ses voisins vont former les
provinces Unies d'Amérique centrale, une sorte de
fédération de pays centraméricain dont la consolidation
fut aussi un échec.
2.2. De la République fédérale
d'Amérique centrale aux débuts de la République
salvadorienne
Dans le souci de proclamer leur indépendance
vis-à-vis de leurs anciennes métropoles et afin de consolider
leur acquis contre toute ingérence étrangère, les pays de
l'Amérique centrale vont se regrouper en une fédération de
pays indépendants.
C'est ainsi qu'en 1824 fut enfin créée cette
fédération centraméricaine, comprenant le Guatemala, le
Honduras, le Salvador, le Nicaragua et le Costa Rica. Sa capitale qui
était Ciudad Guatemala (Guatemala), fut plus tard
transférée à San Salvador dans les années 1830 sous
la présidence de Francisco Morazán18(*). Par ailleurs il faut noter
que cette fédération avait une organisation. Il y avait un
congrès fédéral et un président, mais chaque Etat
avait son propre président et ses propres organes administratifs
(Erdozain et Barth 1982 : 12).
Cependant cette fédération fut de
courte durée. En effet les conflits qui existaient entre les
différents hommes politiques de diverses tendances ne permettaient pas
de mieux asseoir la fédération. Le combat sans cesse que se
livraient, hommes politiques « libéraux »
opposées à l'intervention économique et sociale de l'Etat,
et hommes politiques « conservateurs » hostiles
à tout changement de l'ordre politique établi, n'était pas
de nature à favoriser le développement de la
fédération entraînant une guerre civile. La guerre civile
donna la victoire aux « libéraux », mais
mit en même temps fin à la fédération (Erdozain et
Barth 1982 :12).
C'est ainsi qu'en 1838, un autre Congrès
fédéral décida que les Etats avaient le droit de quitter
la fédération s'ils le désiraient afin d'aller s'organiser
de façon indépendante. C'est dans ce sillage que le Nicaragua et
le Costa Rica s'en retirèrent immédiatement suivis par le
Guatemala et le Honduras en 1839 ; le Salvador restant encore partisan de
ladite fédération. Mais devant l'échec de Morazán
de rétablir l'Union, le Salvador va devoir changer d'orientation et
proclamer entièrement sa souveraineté.
La république d'El Salvador fut
proclamée en 1841 (Erdozain et Barth 1982 :12). Cette nouvelle
indépendance ne changea pas grandes choses mais plutôt
accentuaient la donne. Les affrontements entre
« libéraux » et
« conservateurs » se poursuivaient pendant
plusieurs décennies dégénérant en des guerres
civiles et des fois en des guerres entre Etats voisins (Guatemala 1906 ;
Nicaragua 1907). De fait, les débuts de la nouvelle république
salvadorienne furent marqués en plus des troubles sur le plan politique,
par des révolutions sur le plan économique. Cette
indépendance ne modifia en rien le sort des populations
indigènes, qui restèrent dans un état de
paupérisation et soumises aux grands propriétaires terriens.
L'introduction du café dans les années 1860 accentuèrent
la donne et favorisèrent les intérêts de ces riches
propriétaires terriens. La présence de survivances
héritées de la colonisation, sur lesquelles va reposer la
société salvadorienne ne fut pas sans incidences sur la vie
sociopolitique du pays.
3. Les conséquences de la colonisation et ses
survivances
Nous pensons pour
notre part que la colonisation du continent latino-américain, de par sa
nature et ses institutions, a entraîné de nombreuses
conséquences aux nouveaux Etats qui se constituèrent dans la
logique des indépendances de ce sous-continent. Ces pays
héritèrent des problèmes hérités de
l'époque coloniale. La détention de vastes et riches terres voire
leurs confiscations par les colons puis par leurs successeurs et
héritiers furent le prélude à la constitution d'une
véritable oligarchie qui va détenir l'essentiel du pouvoir entre
ses mains et va s'enrichir sur le dos de la grande majorité de la
population laissée à elle-même et dépourvue de
terres.
Cette situation conduira à une certaine
instabilité politique engendrée aussi par une situation
économique précaire. Tout ceci précipita l'entrée
de nouveaux acteurs sur la scène politique : l'immixtion des
militaires qui instaurèrent une véritable dictature et le
développement de mouvements de contestations politiques et sociales
alimentés par des formations révolutionnaires.
3.1. Le développement de l'aristocratie
salvadorienne
La conquête de l'Amérique
latine a eu aussi pour conséquence l'installation d'une aristocratie
foncière. La propriété féodale qui, régnait
encore en Europe au XVè siècle, fut
transplantée aux Indes ; d'immenses domaines furent
constitués en faveur des conquistadores et de leurs compagnons
(Chaunu 1995 : 42).
Dans son entrée dans l'ère contemporaine, cette
région vit l'apparition d'hommes forts les
« caudillos » donnant naissance au caudillisme et
l'assise puis la consolidation d'une aristocratie foncière
évoluant vers une véritable oligarchie. En effet, en
Amérique latine, au XIXè siècle, le pouvoir
local, régional voire national est bien souvent accaparé par des
personnages tout-puissants (les caudillos). Ce qui va accroître
le pouvoir de ces derniers c'est aussi le désordre et
l'instabilité politique qui régnaient aux sorties des
indépendances. Il arrivait même que dans les rivalités qui
les opposaient, un caudillo réussisse à s'imposer aux
autres, s'érige donc en unique et seul gouvernant du pays en installant
un régime dictatorial et népotiste. Grâce à
l'entretien de véritables armées privées, ils peuvent
passer de la gestion d'une propriété à la domination d'une
région entière. C'est le cas du dictateur dominicain Trujillo,
caudillo unique qui règne sans partage sur l'île de 1930 à
1960.
Par ailleurs il faut noter que par rapport à
l'apparition d'une société rurale profondément
inégalitaire due au régime colonial et l'anarchie qui s'en est
suivi à la suite des indépendances ; les critères de
valeur et de puissance du caudillo reposaient sur la possession de terres. La
grande propriété - latifundio, hacienda,
estancia, fazenda, fundo ou finca suivant
selon les régions - était à la fois le moteur de la vie
économique des pays et un modèle d'organisation sociale
(Dabène 2006 : 3). Entre le caudillo ou entre le
propriétaire terriens et ses travailleurs agricoles, il existait une
relation basée sur le clientélisme.
Cependant des groupes économiquement dominants
exerçant directement le pouvoir c'est-à-dire liés aux
activités d'exportation vont évoluer pour se constituer en une
véritable oligarchie dominante. Les caudillos furent
évincés voire intégrés dans un système de
collaboration avec le pouvoir central.
Au Salvador, comme nous l'avons évoqué
précédemment l'indépendance ne modifia en rien le sort des
populations indigènes qui restèrent soumises aux grands
propriétaires terriens. Les grandes exploitations mises en place par les
colons et leurs successeurs, au détriment des terrains appartenant aux
communes, c'est-à-dire exploités selon un système
communautaire très élaboré et ignorant la
propriété privée, s'orientèrent vers la grande
culture de l'indigo et du café (Erdozain et Barth 1982 : 12). Cette
classe dominante, celle des grands propriétaires terriens, s'accapara le
pouvoir politique et militaire. On appelle au Salvador ceux qui
détiennent ce pouvoir oligarchique notamment le pouvoir
économique à base agraire : les
« quatorze familles » des
cafetaleros (caféiculteurs). L'introduction d'un nouveau
produit, le café dans le pays dans les années 1850 va contribuer
à l'assise économique de ces « quatorze
familles ». L'indigo qui constituait la principale source de
revenus de cette nouvelle société salvadorienne fut
abandonné au profit du café. Ceci est dû au fait que
lorsque furent découverts les colorants chimiques, à partir de
1860, il a fallu trouver un nouveau produit de substitution exportable et
rentable. C'est dans ce contexte que fut introduit le café. Pour
permettre le développement de cette culture des mesures furent
adoptées : « Des lois furent promulguées qui
permirent l'expulsion des dernières communautés indiennes
subsistantes, l'interdiction de faire paître les troupeaux sur les terres
à l'abandon et firent disparaître tout ce qui restait de terres
communales. » (Erdozain et Barth 1982 : 15). Ces nouvelles
lois furent qualifiées de « reforme ou révolution
libérale ». Conséquence un nombre important de
paysans fut réduit au chômage. Ayant déjà leur
police pour contraindre les paysans à travailler dans leurs plantations,
les grands propriétaires créèrent également leurs
propres banques pour financer leur production et investirent leurs richesses
dans les appareils d'Etat (Erdozain et Barth 1982 : 15).
En témoigne le tableau n°1 ci-dessous, qui montre
comment ces riches propriétaires terriens étaient pour l'ensemble
des caféiculteurs et avaient entre leurs mains le pouvoir au Salvador.
Tableau n°1 : Salvador : quelques-unes
des « quatorze familles » et leurs secteurs
d'activité.
Noms
des familles
|
Culture
du café
|
Traitement
du café
|
Exportation
Du café
|
Sucre
|
Banque
|
Assurance
|
Immobilier
|
Construction
|
Industrie
|
Distribution
|
Alvarez
|
X
|
|
X
|
|
X
|
|
|
|
X
|
|
Battle
|
X
|
|
X
|
|
|
|
|
|
X
|
|
Dueñas
|
X
|
|
X
|
|
X
|
|
X
|
|
|
|
Escalón
|
X
|
|
|
|
|
|
X
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Guirola
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X
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X
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Magaña
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Mathies
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X
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X
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X
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X
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Meza Ayau
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X
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X
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X
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X
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X
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Quiñonez
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X
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X
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X
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X
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X
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Regalado
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X
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X
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X
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X
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X
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Deininger
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X
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X
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X
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De Sola
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X
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X
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X
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X
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X
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X
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X
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X
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X
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Hill
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X
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X
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X
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X
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Wright
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X
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X
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X
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Source: Rouquié (1987:143)
Au vu de ce tableau, il ressort que les quelques-unes des
grandes familles qui s'accaparent le pouvoir au Salvador sont presque
présentes dans tous les secteurs de l'activité économique.
On peut même l'observer à travers la famille De Sola dans ledit
tableau. Ceci témoigne de l'emprise sociopolitique et économique
de ces familles oligarchiques au Salvador. En effet ces familles sont
présentes dans presque tous les secteurs de l'activité
économique et dans leur ensemble concentrent entre leurs mains
l'essentiel du pouvoir économique. Cela leur a permis d'avoir une assise
économique et une certaine emprise sur la vie sociopolitique au
Salvador, en faisant ainsi du pays leur propriété privée
pendant qu'une grande masse de la population vit dans l'extrême
pauvreté et dépend totalement d'eux. C'est grâce à
ce pouvoir, qu'ils prirent une part active à l'exercice des
décisions dans le pays, le plus souvent épaulés par les
militaires. En outre Ce fut la plupart d'un des leurs qui occupa le pouvoir
suprême19(*).
Par ailleurs les capitaux étrangers commencèrent
à s'intéresser au café salvadorien vers 1920 ; ils
sont d'abord européens, britanniques surtout, puis à la faveur de
la Première Guerre Mondiale, nord-américains exposant le pays
à l'impérialisme états-unien. La grande crise mondiale de
1929 atteint le Salvador : l'effondrement du prix du café
empêche, en 1931, d'effectuer la récolte, unique gagne-pain pour
des centaines de milliers d'ouvriers agricoles : c'est la famine. Des
révoltes éclatent. Le gouvernement interdit les réunions
syndicales et la circulation des écrits marxistes. Farabundo
Martí est arrêté et expulsé (Erdozain et Barth
1982 : 17).
En outre, sur le plan politique, les premières
élections libres organisées en 1931, portaient au pouvoir Arturo
Araujo. Ce dernier sans parvenir à accomplir les promesses faites aux
ouvriers et paysans, doit aussi faire face à l'hostilité de
l'oligarchie. Les conditions économiques précaires, les
mécontentements politiques nés de la grande dépression de
1929, précipitèrent sa chute et provoquèrent l'immixtion
de l'armée dans la vie politique.
3.2. La révolte de 1932 et l'affirmation du
rôle politique des militaires
A partir des années 1920 à 1932, des
mouvements populaires qui visaient l'amélioration des conditions de vie
des ouvriers agricoles, commençaient à se développer au
Salvador. Constitués d'abord en unions d'artisans ou de paysans, les
syndicats locaux se regroupent en 1924 au sein de la Federación
Regional de Trabajadores de El Salvador (Garibay 2003 : 231). Arturo
Araujo, dirigeant du Partido Laborista20(*), est élu président du Salvador à
l'issue de cette élection l'emportant sur le candidat de la dynastie des
Melendez-Quiñonez. Ce fort riche ingénieur qui avait fait ses
études en Grande Bretagne, où il s'est également
marié, avait une vive admiration pour le Parti travailliste britannique,
admiration et influence qu'il transposa à travers son nouveau parti
crée au Salvador.
Cependant celui-ci n'a pas pu combler les attentes du peuple
en matière de reformes surtout celle agraire mais aussi il devait faire
face à l'hostilité de l'oligarchie terrienne à cause de la
dépression économique occasionné par la crise de 1929.
C'est le même avis que partage David Garibay dans sa
thèse : « un programme de gouvernement aux
accents volontaristes ne débouche sur aucune reforme véritable,
en partie à cause des effets de la crise économique mondiale
(...) L'oligarchie caféière s'inquiète à son tour,
d'autant qu'elle est touchée par la baisse des prix mondiaux du
café. » (Garibay 2003 : 232).
La dépression frappe le pays de plein fouet
(Rouquié 1991 : 62). Les conséquences ne se firent pas
attendre : réactions par des manifestations et grèves
ouvrières et paysannes malgré la répression dont elles
font l'objet ; le chômage et le gel des salaires des fonctionnaires
et en particulier des militaires.
C'est une erreur grave que va commettre Arturo Araujo en
gelant le salaire des militaires car cela va lui fait perdre son poste de
président. Ainsi donc ce gel des salaires des militaires va servir tout
comme le remarque Garibay (2003 : 232) de « prétexte
à un coup d'Etat militaire le 2 décembre 1931, au cours duquel
les jeunes officiers putschistes confient le pouvoir au vice-président
le général Maxiliano Hernandez Martinez. ».
Afin d'obtenir la reconnaissance internationale que les
Etats-Unis refusent aux régimes de fait, ils portaient au pouvoir le
général Hernandez Martinez, vice-président et successeur
légal du président déchu. L'immixtion de l'armée
salvadorienne dans la vie politique inaugurait une longue période de
dictature militaire que connaîtra le Salvador. Cependant très
tôt, le nouvel homme fort du pays se voit lui aussi confronter à
des difficultés notamment à d'intenses mobilisations sociales
dues aux effets de la crise, aux velléités des partisans d'Arturo
Araujo désireux qu'ils reviennent au pouvoir, et à la
nécessité d'obtenir des Etats- Unis les super-grands de la
région une certaine reconnaissance diplomatique de son pouvoir et de son
gouvernement de fait21(*).
Pour régler les différents problèmes qui
se posent à lui et pour plaire aux Etats-Unis en faisant un semblant de
régime démocratique, le général Martinez annonce
des élections locales qui sont en effet convoquées en janvier
1932. Le Parti communiste salvadorien (PCS) récemment crée en
1930, y participe en présentant de nombreux candidats, en particulier
des dirigeants indiens dans l'ouest du pays, et obtient des résultats
significatifs.
L'annulation de l'élection constitue pour le PCS
l'occasion d'appeler à une insurrection générale pour le
22 janvier22(*) (Garibay
2003 : 233). Le général Maximilien Hernandez Martinez
instaura une dictature militaire de 1931 à 1944, dirigea le pays avec
une main de fer, refusant toute reforme visant l'amélioration des
conditions de vie des populations. Ce refus d'accepter toute possibilité
de revendications, le conduira à réprimer durement souvent les
manifestations surtout dans le sang.
Nous renseignant sur la manière dont s'est
déroulée cette insurrection réprimée dans le sang,
dont la mémoire collective se souvient sous le nom de Matanza
« la boucherie ou la tuerie » ; voilà ce
que nous dit Garibay (2003 : 233) :
« Celle-ci se développe néanmoins,
principalement dans l'ouest du pays ; les insurgés, les paysans
indigènes armés de machetes, révoltés contre leurs
conditions de travail et la baisse de leurs salaires, qui ont été
divisés par quatre en deux ans, réussissent à s'emparer de
quelques villes. La répression massive et sauvage de l'armée, et
d'une « garde civique » constituée pour l'occasion
par des propriétaires terriens, vient y mettre tragiquement
fin, en faisant en quelques semaines entre 10 et 20 000 victimes parmi la
population indigène. »
Evidemment objet de polémique le nombre précis
de victimes de la répression de l'insurrection, ce nombre est en fait
inconnu. Plusieurs versions existent. Les autorités reconnaissent
2 000 exécutions. Chiffres qui nous semblent faible en vertu de la
nature de cette répression et de la zone concernée. Le Parti
communiste parlant de 30 à 40 000 morts. Ces estimations nous
semblent assez élevées étant donné que
l'insurrection ne s'est que principalement concentrée dans la zone
centre-occidentale consacrée à la culture du café et n'a
touchée qu'une partie de la population indigène
révoltée. Le nombre probable devrait se situer entre 10 et
20 000 victimes comme le note plusieurs spécialistes à
l'instar de Sara Gordon23(*). La population du Salvador était alors de 1,5
millions d'habitants, parmi lesquels entre 25 et 30 % d'indigènes. C'est
donc entre 5 et 10 % de la population indigène qui est brutalement
éliminée (Garibay 2003 : 233).
La mémoire historique de cet événement,
et la peur de sa reproduction, marque le Salvador un demi-siècle plus
tard, aussi bien dans la région affectée24(*), que dans le comportement de
l'oligarchie terrienne (Garibay 2003 : 233-234). Outre la
répression dans le sang de cette insurrection qui fait de nombreuses
victimes puis de nombreux déplacés vers des pays voisins, il faut
noter également l'arrestation puis l'exécution le 1er
février 1932 de celui qui avait appelé à l'insurrection
générale : il s'agit d'Augustin Farabundo Martí,
secrétaire général du PCS.
Les Etats-Unis quant à eux ne se plaignirent
pas de cette situation en Amérique centrale et plus
précisément au Salvador en vertu de leurs positions
anticommunistes. Vaut mieux un régime dictatorial qui sert les
intérêts nord-américains qu'un régime
qualifié de communiste qui vient porter un coup dur au
développement de l'économie libérale dans la
région. C'est cet avis que partage M. Barth quand il affirme que :
« Les Etats-Unis approuvèrent cette
politique de répression sauvage, sous prétexte d'arrêter le
danger communiste, argument qui se répétera à chaque fois
que des soulèvements populaires - ou simplement la mise en place de
régimes démocratiques - provoqueront la répression ou des
coups d'Etat militaire, soutenus par les Etats-Unis, et ceci jusqu'à nos
jours dans toute l'Amérique latine. » (Erdozain et Barth
1982 : 18).
En ce qui concerne l'idéologie du général
Martinez, elle était simple, claire et surtout basée sur la
répression. A l'Archevêque de San Salvador qui lui demandait, au
nom de Dieu d'arrêter les exécutions (Avril 1944), il
répondit : « Je suis Dieu au
Salvador » (Erdozain et Barth 1982 : 18). Ceci
témoigne encore une fois de plus le caractère de l'autoritarisme
militaire qui commençait à s'enraciner.
A partir de 1932, les militaires ne quittent plus le pouvoir.
La répression, quasi institutionnalisée se poursuit même
après le départ du général Hernandez
lâché par les Etats-Unis suite à une grève
générale, sous les présidences successives du
général Castaneda Castro, des colonels Osorio et Lemus qui tous
accèdent à la charge suprême à la suite
d'élections frauduleuses. Le climat politique du pays était
défavorable et pire encore la situation s'aggrave avec un conflit qui
éclate entre le Honduras et le Salvador.
3.3. Le conflit Honduras- Salvador et la naissance de
mouvements
révolutionnaires
Durant l'été 1969, les matches de
qualifications pour la coupe du monde 1970 à Mexico (Mexique) entre le
Salvador et le Honduras ont servi de déclencheur à une guerre
meurtrière et courte. Pour de nombreuses personnes la qualification pour
la phase finale du mondial à Mexico en est la cause. Même si le
football a été le catalyseur de cette guerre ou le
prétexte, pour l'historien les causes profondes de ce conflit sont
à voir ailleurs surtout à travers l'histoire de ces deux pays.
Ainsi pour l'historien suisse Thibaut Kaeser, les racines de cette guerre
plongent dans un contexte local marqué par la question agraire, le
déséquilibre démographique et la rivalité
nationale.
En effet ce bref et brutal conflit, que les historiens
centre-américains appellent « la guerre des cent
heures » (en raison de sa durée exacte), a des causes
plus profondes que le seul sport (Kaeser 2006). Malgré leur
proximité géographique, ces deux pays voisins connaissent des
conditions démographiques très différentes : le
Salvador, au Sud, a une faible superficie mais est surpeuplé (quatre
millions d'habitants au moment de la guerre, pour 23 000 kilomètres
carrés) ; le Honduras au Nord, est plus grand, moins peuplé
(trois millions d'habitants pour 120 000 kilomètres carrés)
et beaucoup moins dense (sept fois moins que son voisin)25(*). Dans ces deux pays la
répartition des terres est inégale. Face à une agriculture
tournée vers l'extérieur et ne favorisant que les
intérêts de l'élite terrienne, beaucoup de paysans
émigraient pour chercher un mieux-être ailleurs. Cette situation a
été perceptible aussi au Salvador. L'absence de terres et
l'inégalité dans la répartition poussaient les
salvadoriens à l'exode26(*).
En effet les militaires qui servent fidèlement
l'oligarchie terrienne, ont encouragé l'émigration massive de
milliers de Salvadoriens surtout à partir de 1932 afin de pallier
à une surpopulation lourde de menaces sociales et aussi éviter
une reforme agraire pourtant nécessaire. Ainsi San Salvador, estime
avoir un droit de regard sur ses 300 000 concitoyens au Honduras, dont la
majorité sont des illégaux tolérés depuis longtemps
à cause du besoin en main d'oeuvre qui s'est fait sentir avec la culture
de la banane au Honduras.
Même si au début cette situation
n'inquiétait pas, il n'en demeure pas pour longtemps. Cette situation ne
va plus satisfaire le président Arellano du Honduras qui,
encouragé par les revendications paysannes et la
Fédération nationale des Agriculteurs et Eleveurs du Honduras
(FENAGH), relance la reforme agraire et avec elle le sentiment anti-salvadorien
qui couve. Ainsi au début des années 1969, la FENAGH,
relayée par une presse enflammée, accuse les Salvadoriens
d'envahir illégalement les terres promises aux Honduriens (fait au
demeurant partiellement vrai), tandis que l'Institut national agraire distribue
des titres aux seuls nationaux en jouant la carte de la xénophobie. En
quelques mois, l'atmosphère se dégrade : molestés,
menacés, les immigrés salvadoriens subissent la colère
populaire et cinq cents familles sont officiellement expulsées le
1er juin 1969 (Kaeser 2006).
En outre parmi les causes de ce conflit, il ne faut
pas négliger les effets du Marché commun centre-américain.
En effet pour certains auteurs à l'instar de M. Barth, cette guerre est
en réalité une « des conséquences de la
crise du marché commun centre-américain »
(Erdozain et Barth 1982 : 21). Le pays fait office de parent pauvre dans
le Marché commun centre-américain27(*). Peu industrialisé et considéré
comme archaïque, le Honduras ne récolte pas les fruits du
décollage économique promis, alors que son voisin, El
Salvador, bénéficie de cette libéralisation des
échanges. Le déséquilibre économique qui en
découle de cette situation, ensuite alimenté par le sentiment de
jalousie des Honduriens face à la réussite économique des
Salvadoriens dans leurs pays va précipiter les deux pays à une
guerre inévitable. Face à cette situation, les passions se
déchaînent, et c'est dans ce contexte haïssable que les deux
équipes nationales se disputent l'honneur de représenter
l'Amérique centrale au Mondial mexicain de 1970.
La rencontre des équipes de football des deux
pays, pour le championnat du monde, est l'occasion d'une bagarre qui se
transforme en guerre. Après une nuit sans sommeil et un accueil hostile,
l'équipe du Salvador est battue 1 à 0 lors du match aller le 8
juin. Le match retour s'annonce encore plus détestable. Arrivée
à l'aéroport le 14 juin, l'équipe du Honduras apprend que
son hôtel a été incendié. Le match retour donne
l'avantage au Salvador : 3-0. Dans la nuit qui suit, deux supporters ayant
fait le déplacement sont tués, et une chasse à l'homme
à l'encontre des salvadoriens est lancée au Honduras. La
frontière entre les deux pays est fermée. Le 26 juin, les
relations diplomatiques sont rompues. Le lendemain, un match devait se jouer
pour départager les deux équipes sur un terrain neutre. Celui-ci
a lieu à Mexico et El Salvador se qualifie par 3 buts à
2: les émeutes recommencent au Honduras. Des incidents de
frontières se produisent, tandis que les médias des deux pays
jettent de l'huile sur le feu en mêlant le vrai au faux sur un air
martial. Pendant ce temps, des salvadoriens sont expulsés du Honduras
chaque jour.
Le président du Salvador, le général
Fidel Sanchez Hernandez, ne peut pas tolérer ces agressions.
L'oligarchie et l'état-major, eux, craignent l'arrivée de
réfugiés qui représentent potentiellement une menace de
contestation agraire derrière laquelle ils imaginent le spectre du
communisme. Le 14 juillet, Tegucigalpa est bombardée et l'avancée
de l'armée salvadorienne, qui fait peu de prisonniers, est fulgurante.
Sa progression n'est stoppée que par manque de munitions et de
ravitaillement ; le Honduras gagne la victoire aérienne en
détruisant les provisions de fuel. La situation va s'améliorer un
peu plus tard. Sous la pression des Etats-Unis et de l'Organisation des Etats
Américains (OEA), un armistice est signé28(*) (Lemoine 1988 : 302).
Cette guerre quoique courte ne fut pas sans incidences
sur la vie sociopolitique des deux pays. En effet, en quatre jours, cette
guerre a causé 6 000 victimes, dont 2 000 morts (une majorité de
civils honduriens), et entraîné la fuite de 60 000 à 130
000 salvadoriens établis au Honduras (Kaeser 2006). Le Mercomún
est mort. Les relations entre les deux pays resteront rompues jusqu'en 1980
où, sous la pression des Etats-Unis, un traité de paix est
signé, mais qui supprime pas le problème des
« poches » frontalières permettant à
l'armée salvadorienne de débusquer les guérilleros
(Erdozain et Barth 1982 : 21).
Le Honduras s'est vidé d'une majorité de ses
Salvadoriens. Sa réforme agraire fut timide et bancale. Suite à
ce conflit, des paysans et salariés ruraux salvadoriens rentrent dans
leur pays en provenance du Honduras. Ceux-ci retournés dans leurs
villages -avec lesquels ils n'avaient plus aucun lien- ne reçoivent pas
les terres qu'on leur avait promises et vont augmenter le nombre de paysans
sans terres dans un pays déjà surpeuplé. Ceci fut aussi
à l'origine de la résurgence de nouvelles luttes pour la
libération nationale. En effet ceux-ci apportèrent avec eux
l'expérience de la lutte acquise au Honduras.
L'environnement sociopolitique défavorable et le
mécontentement qui prévalaient, aggravèrent la situation
et conduisirent à la naissance d'organisations révolutionnaires
optant pour la guérilla. C'est ainsi donc que dans le début des
années 1970 voit naître des organisations révolutionnaires
armées telles que, les Forces de libération nationale et
l'Armée révolutionnaire du peuple qui participèrent
à la création du FMLN vers la fin de l'année 1980.
Peuplé par des populations paisibles
amérindiennes, le territoire aujourd'hui salvadorien a subi dans le
contexte de la découverte du nouveau monde par Christoph Colomb en 1492,
la colonisation espagnole. C'est ainsi qu'après moult
péripéties, ce pays a fini par s'affranchir de la domination
coloniale espagnole mais les débuts de la nouvelle république ne
furent pas faciles.
En effet ce pays se voit contraint de subir les
problèmes posés par l'héritage colonial. A la domination
coloniale, supplante une autre forme de domination, celle de la minorité
oligarchique, qui place les masses rurales dans un état de
paupérisation et de misère. Les problèmes posés par
la tenure de la terre inégalitaire, l'environnement politique instable
marqué par des coups d'état, par la répression à
toute tentative de réforme entraînèrent le
mécontentement général et exacerbèrent les
tensions. La conséquence est le foisonnement d'organisations
révolutionnaires armées dans les années 1970, qui se
fixèrent un objectif, celui de mettre fin à une situation pleine
d'injustices sociales.
La lutte enclenchée par le développement
de ces mouvements révolutionnaires de guérilla, s'accentua avec
l'union de ces différentes formations révolutionnaires pour
atteindre leurs objectifs. Avec la création Front Farabundo Martí
de libération nationale en 1980, commence une nouvelle ère dans
le processus de lutte armée au Salvador.
Chapitre 2 : CREATION DU FRONT FARABUNDO
MARTå DE LIBERATION NATIONALE (FMLN)
Résultat d'une atmosphère sociopolitique
dégradée, le Salvador à partir des années 1970 et
1980, va connaître le développement d'organisations
révolutionnaires optant pour la guérilla. Ces différentes
formations vont entreprendre une réalisation inédite : la
constitution d'un front révolutionnaire commun pour unir leur force et
atteindre leur objectif. C'est dans cette perspective que s'est
constitué le FMLN, fruit aussi d'un contexte favorable à sa
formation. Dans ce sillage, quel a été le processus de la
création du Front Farabundo Martí de libération
nationale ?
Cette question nous amène à voir d'abord le
prélude à la constitution du front révolutionnaire et
ensuite la formation du Front Farabundo Martí de libération
nationale.
1. Le prélude à la constitution du front
révolutionnaire
Nous pensons pour notre part que l'exclusion
socio-économique, engendrée par les crises économiques et
la situation de tenure inégalitaire de terre, marque la vie quotidienne
de milliers de salvadoriens. Cela a accentué l'inégale
répartition des ressources et la hausse du taux de pauvreté. A
l'actif de la formation ou de la radicalisation des mouvements de contestation
révolutionnaires, il faut ajouter les ingérences
étrangères voire leurs dominations. En cela dans le cas du
Salvador, l'ingérence américaine dans les affaires
intérieures salvadoriennes a contribué à l'organisation
des différentes formations révolutionnaires qui
s'opposèrent aux régimes dictatoriaux le plus souvent soutenus
par Washington.
1.1. Le Panaméricanisme et les débuts de la
domination étrangère
Les Etats-Unis voisins de l'Amérique latine
peuvent sembler placés par la nature dans une position
géographique prédestinée pour exercer leur influence sur
les républiques latino-américaines (Chaunu 1995 : 113).
En effet, ces deux Amériques libérées
presque au même moment du joug colonial ont paru se rapprocher dans les
premières décades du XIXè siècle. Mais
plus tard il commence à naître chez les Américains un
véritable désir d'expansion et de domination de toute la
région Amérique latine. Ces idées furent alimentées
par différentes doctrines qui sonnèrent le glas au
panaméricanisme, signe de l'impérialisme américain dans la
région. Impérialisme qui est certes encore perceptible de nos
jours sous diverses formes.
L'impérialisme a des origines lointaines en
Amérique latine. Aux lendemains des indépendances, la
pénétration des capitaux étrangers, britannique surtout,
se chargea de soumettre le continent à une dépendance d'un
nouveau type (Dabène 2006 : 24). Comme nous l'avions
souligné précédemment, l'une des causes de
l'ingérence étrangère dans les pays
latino-américains est aussi à voir dans la dépendance de
ces pays sur le plan économique. En effet bien avant la première
guerre mondiale, c'était l'Europe par le biais de la Grande Bretagne qui
s'imposait sur tous les marchés américains. Mais avec la guerre
on va assister à un basculement d'hégémonie de l'Europe
vers les Etats-Unis.
En Amérique latine ce changement se fit sentir de
manière spectaculaire. Aussi bien en ce qui concerne le commerce que
les investissements la Grande Bretagne s'effaça (Dabène
2006 : 38). Nous pouvons le constater à travers le tableau n°2
suivant :
Tableau n°2 : Importations salvadoriennes
des Etats-Unis et de la Grande Bretagne rapportées au total des
importations en pourcentage, (1913-1927).
|
Importations des Etats-Unis
|
Importations de la Grande Bretagne
|
El Salvador
|
1913
|
1927
|
1913
|
1927
|
39,5
|
46,3
|
27.2
|
16.1
|
Source : Dabène (2006 :
39).
En observant le tableau ci-dessus on note que les importations
salvadoriennes en provenance des Etats-Unis de 1913 à 1927 ont connu une
hausse passant de 39,5 % à 46,3 % contrairement à ceux provenant
de la Grande Bretagne qui ont connu une baisse passant de 27,2 % à 16,1
% à la même période. Ceci s'explique en particulier par la
Grande Guerre et ses effets sur l'économie. En effet on va assister
à un basculement d'hégémonie de l'Europe vers les
Etats-Unis. En raison de la guerre, et notamment des attaques sous-marines
menées par les Allemands à partir de 1917, le commerce
latino-américain s'orienta vers les Etats-Unis (Dabène
2006 : 37). Même si c'est vrai que les importations en provenance de
la Grande Bretagne ne s'estompèrent pas au cours de cette
période, ils furent toutefois supplantés par ceux
américains qui progressivement évoluèrent sans cesse.
Ainsi donc, dès le début du XIXè
siècle, les Etats-Unis se découvrent une vocation à
dominer l'ensemble des Amériques. Cette vocation découle d'une
déclaration faite par le président
Jefferson : « cette ultime possession de tout le
continent est l'ordre naturel des choses »
(Dénécheau, Girault et al 1979 : 30). Cette idée fut
reprise sous une autre forme par le président Monroe dans son message
annuel au Congrès américain le 2 décembre 1823. Celui-ci
signalait aux Européens que l' « Amérique
appartenait aux Américains ». Cette fameuse citation
élément moteur de ce qu'on va appeler la « doctrine
Monroe », va définir et sous-tendre la politique
extérieure américaine dans le continent latino-américain.
C'est cet avis que partagent D. Puyo et A. Taracena quand elles affirment
que : « la politique extérieure
américaine a une influence dans les pays de l'isthme depuis la
déclaration de la doctrine Monroe en 1823. » (Puyo et
Taracena 2007 : 5).
Mais cette politique extérieure connut par la suite une
note impérialiste. Car il faut que noter les Américains
avaient le désir de reprendre le projet de solidarité de
l'Amérique latine mais sous une autre forme afin de mieux
influencer et assurer leurs intérêts dans la région. La
touche impérialiste fut renforcée par le président
Roosevelt (Théodore) dans sa politique du « Big
stick » qui veut dire « Gros
bâton » qui visait avant tout l'Amérique centrale.
Le « Big stick » va en effet reprendre les
idées de Monroe mais rendant les Américains plus actifs dans la
région à travers leurs interventions. Cette lecture
impérialiste entraîne de multiples interventions :
- à la suite de la guerre de 1898 où ils
écrasent l'Espagne, les Etats-Unis annexent Porto Rico ; ils
proclament l'indépendance de Cuba, tout s'en attribuant un droit
permanent d'intervention et en occupant la base de Guantanamo,
-depuis longtemps, les USA s'intéressent à la
réalisation d'un canal interocéanique en Amérique
centrale ; en 1849, ils obtiennent une concession sur le territoire du
Nicaragua ; puis une société française
héritière de la compagnie de Lesseps, propose le rachat de la
concession et des travaux réalisés à Panama
(Dénécheau, Girault et al 1979 : 31).
Ainsi donc les Américains au nom du
panaméricanisme intervinrent dans les affaires internes des pays latino
américains à travers attaques armées ou occupations
militaires surtout quand leurs intérêts y sont en jeu. En
témoigne le tableau n°3 suivant :
Tableau n°3 : Interventions ou occupations
militaires nord-américaines en Amérique centrale et Caraïbes
entre 1898 et 1933
Cuba
|
1898-1902, 1906-1919, 1917-1922
|
Guatemala
|
1920
|
Haïti
|
1915-1934
|
Honduras
|
1903, 1907, 1911, 1912, 1924, 1925
|
Mexique
|
1914, 1916-1917
|
Nicaragua
|
1909-1910, 1912-1925, 1926-1933
|
Panama
|
1903
|
Porto Rico
|
1898
|
République Dominicaine
|
1903, 1904, 1905, 1912, 1916-1924
|
Source : Dabène (2006 :
27).
L'observation de ce tableau nous montre quelques
interventions ou occupations américaines dans certains pays de
l'Amérique centrale et les Caraïbes. On voit que ces interventions
furent successives dans certaines régions que dans d'autres. Cela
s'explique par la politique d'expansion des Etats-Unis et les
intérêts en jeu.
En effet les Etats-Unis vers la fin du XIXè
siècle et les débuts du XXè siècle
voulurent imposer leurs hégémonies politiques sur l'ensemble du
continent américain. La révolution économique qui fit
d'eux la première puissance du monde, et l'épuisement de la
frontière en 1890 incitèrent ce pays à offrir à son
développement capitaliste de nouveaux débouchés et
à la suite de nouveaux intérêts. D'où de nombreuses
intrusions dans des pays voisins en l'occurrence latino-américains se
généralisant parfois en occupations et interventions militaires
successives dans les pays tout comme le montre le tableau n°3. Ceci dans
le but d'assouvir ses intérêts tant sur le plan économique
que géostratégique.
Cependant cette intrusion américaine dans les affaires
internes des pays latino-américains va entraîner de nombreuses
résistances de la part de ces derniers désireux de sauvegarder
leur indépendance sur tous les plans. Pas question de sortir d'une
domination coloniale où espagnols et portugais se sont illustrés
en véritables maîtres, pour rentrer encore dans la domination
yankee (états-unienne). Ces interventions nord-américaines
provoquèrent des résistances armées29(*) et participèrent au
développement de mouvements de contestation qui lutteront pour la
libération nationale particulièrement en Amérique
centrale. Pour Puyo et Taracena (2007 : 5) :
« l'interventionnisme des Etats-Unis dans la région,
spécialement dans le cas de l'Amérique centrale, est un facteur
qui a contribué à la radicalisation des mouvements de gauche puis
au développement d'un sentiment anti-américain très
marqué dans les années 1960 et 1970. ». Nous le
démontrerons beaucoup plus loin mais il faut sans doute souligner que
l'intervention directe et continue des Américains alimentera des
thèses idéologiques et anti-impérialistes chez les
guérillas, thèses idéologiques qui furent
pénétrées profondément par l'idéologie
marxiste.
1.2. La pénétration d'idéologie
marxiste et leurs adaptations
A l'actif de la création de la
guérilla du FMLN, il faut souligner la propagation de doctrines et
d'idéologies d'inspiration marxiste, qui alimenteront les formations
révolutionnaires au Salvador. L'influence des idéologies
d'inspiration marxiste est fondamentale pour analyser la formation des
guérillas en Colombie, en Amérique centrale et aussi au Salvador.
Car au fait une des caractéristiques de ces guérillas
révolutionnaires, c'est que la plupart dans ces régions adoptent
une vision marxiste de la société. Elles sont majoritairement
constituées par des dissidents du Parti communiste, des étudiants
de classes moyennes et, dans certains cas par des paysans et des ouvriers (Puyo
et Taracena 2007 : 6).
Les guérillas en Amérique centrale et
même en Colombie apparaissent officiellement dans les années 1960
et se définissent comme des formations au service de la masse populaire
surtout du peuple opprimé. Ils se présenteront pour la plupart
comme des mouvements de libération nationale. Ils auront pour but la
lutte contre l'oppression d'un homme, d'un régime ou d'une classe avec,
en toile de fond, la résistance à l'impérialisme
nord-américain.
Cependant les guérillas latino-américaines plus
particulièrement en Amérique centrale ne naissent pas
ex-nihilo. Ce sont des organisations sociales qui vont opter pour la
mise en place d'une structure politico-militaire influencée par les
thèses guévaristes foquistes et le triomphe de la
révolution cubaine (Puyo et Taracena 2007 : 7). A travers
la guérilla, les formations révolutionnaires pensent mettre en
place une stratégie de guerre, un moyen d'atteindre leurs objectifs et
à parvenir pour la plupart des cas au pouvoir. Mais pourquoi ces
guérillas furent majoritairement fortement influencées par les
doctrines d'inspiration marxiste ?
Il faut noter que ce sont les effets du triomphe de la
révolution cubaine en 1959 qui sert de détonateur et de
modèle à toute l'Amérique latine. Ainsi la
révolution cubaine a joué un rôle fondamental dans le choix
de l'adoption des doctrines marxistes30(*) dans la mesure où elle constitue la preuve que
la révolution peut bien avoir lieu en Amérique latine et
être victorieuse. La portée de cette révolution eut un
impact sur le devenir futur des mouvements de guérillas car
« Cuba devient donc un point de référence
historique et politique pour les gauches du continent. Elle devient aussi un
lieu de formation politico-militaire pour la plupart des guérilleros
d'Amérique centrale » (Puyo et Taracena 2007 : 7).
Selon l'analyse de David Garibay31(*), il faut sans doute noter deux
vagues dans le processus d'émergence des guérillas
latino-américaines. C'est cet avis que partage aussi Wiarda32(*) notamment dans le cas de la
région Amérique centrale.
Une première vague se développe après le
succès de la révolution cubaine de 1959, autour des
théories de Che Guevara33(*), notamment la théorie des foyers
(focos en espagnol) dont l'idée sera de créer des foyers
insurrectionnels isolés en milieu rural, qui précipiteraient par
leur action armée, leur courage et leur détermination, les
conditions de la révolution. Ainsi suivant l'exemple du
« Che » les théories du
« foquisme » exposées dans son ouvrage
(la Guerre de guérilla, 1960) seront mises en oeuvre en
Amérique centrale et du Sud. Elles conduiront à des cuisants
échecs, faute pour la guérilla d'avoir trouvé un
véritable soutien dans le peuple, notamment dans le peuple en Bolivie en
1967 (Gandolfi 1989 : 29).
L'autre vague, la deuxième, qui se
développera à partir de la seconde moitié de la
décennie 1970, fera le bilan de l'échec des expériences
précédentes. Il s'agit d'une remise en cause de la théorie
du focos et la mise en place d'une large alliance constituée
par l'ensemble des forces révolutionnaires, civiles ou armées,
pour lutter contre un régime dictatorial.
C'est dans ce contexte marqué déjà par
une atmosphère sociopolitique et économique défavorable,
puis par la pénétration des idéologies marxistes que vont
se développer les différentes formations révolutionnaires
à l'origine du Front Farabundo Martí de libération
nationale au Salvador.
2. Formation et organisation du FMLN
Une situation d'oppression et de misère est
fondamentalement à l'origine du développement de mouvements
révolutionnaires, qui trouvèrent que la seule option pour
atteindre leurs objectifs résiderait dans la lutte armée à
travers la stratégie de la guerre de guérilla. Cette situation
favoriserait probablement la guerre civile meurtrière qui se
déclencha au Salvador et qui dura au moins pendant une décennie.
L'espace politique étant resserré et marqué par la
répression des oppositions politiques, des associations paysannes et
ouvrières, la contestation se prolongeait dans les organisations
révolutionnaires qui commencèrent à émerger et qui
furent à l'origine de la création du FMLN.
2.1. Les différentes formations
révolutionnaires à l'origine du FMLN
Pour une meilleure compréhension de cette
partie et pour ses besoins, nous distinguerons les forces de guérilla
proprement dites des « organisations populaires »
qui dépendent d'elles. Il existe cinq groupes armés qui ont
participé à la création du FMLN. À ces groupes, il
est important pour nous de parler des organisations populaires ou organisations
de masse qui ont joué un rôle non négligeable dans
l'organisation du front révolutionnaire et dans la mobilisation des
couches sociales surtout les plus défavorisées.
2.1.1. Etat des lieux des principales formations
révolutionnaires
Le plus ancien des groupes de
guérilla a été fondé le 1er avril 1970
par des dissidents du Parti communiste, qui ont choisi la voie des armes
(Rouquié 1991 : 90). Il s'agit des Fuerzas Populares de
libéración ou Forces Populaires de Libération
(FPL). Critiquant la stratégie du parti et prônant la lutte
armée contre le pouvoir, Salvador Cayetano Carpio34(*), alors secrétaire
général du PCS de 1964 à 1970, va se séparer de son
parti et fonder ce groupe armé. Cayetano Carpio qui va prendre le nom de
« commandant Marcial » au sein de la
guérilla va assurer le commandement en chef des FPL jusqu'à sa
mort. A ce groupe armé s'est alliée une
confédération des mouvements de masse. Il s'agit du Bloc
révolutionnaire populaire (Bloque Popular revolucionario,
BPR)35(*)
créé officiellement le 30 juillet 1975 et qui se présente
comme une organisation populaire de soutien à la guérilla du FPL
et plus tard au FMLN, regroupant des syndicats agraires, ouvriers,
étudiants et même des associations de quartiers.
Un second groupe fut créé en 1971 suite
à une rencontre entre militants du parti communiste, d'orientation
maoïste, et un groupe radicalisé de la jeunesse de la
démocratie chrétienne. Constitué en une armée
révolutionnaire : Ejército Revolucionario del
Pueblo (ERP), il avait une vision beaucoup plus militariste et
insurrectionnelle. Il était dirigé par le comandante
Joaquín Villalobos, ancien étudiant en économie issu d'une
famille aisée de San Salvador. Cette armée révolutionnaire
s'était dotée d'un parti, le Parti de la révolution
socialiste (Partido de la revolución socialista, PRS) et d'une
organisation de masse les Ligues du 28 février (Ligas Populares - 28 de
Febrero, LP-28)36(*) qui
ont une importance très réduite en raison du fait que l'ERP ne
s'est pas départie de son caractère éminemment militaire.
Même si elle connaît une faiblesse sur le plan organisationnel, il
faut noter que l'ERP était une véritable armée et elle a
été d'une importance capitale dans le contexte de la lutte
armée engagée par le FMLN à partir de 1980. Ainsi selon A.
Rouquié l'ERP avait constitué la première force militaire
du FMLN, la plus nombreuse, la mieux entraînée et la mieux
disciplinée. La seule à avoir attiré des officiers de
carrière et à posséder une brigade de commandos
d'élite (la Brigade Arce Zablah) d'une redoutable efficacité
(Rouquié 1991 : 93).
Un troisième groupe armé vit le jour
à partir de 1975 ; issu d'une scission intervenue au sein de l'ERP.
Il s'agit de la Résistance nationale (Resistencia Nacional, RN)
ou des Forces armées de la résistance nationale (FARN), une des
cinq organisations du FMLN. En effet, en réaction à l'assassinat
du poète Roque Dalton37(*) par la direction de l'ERP, un groupe de personnes
iront fonder la Résistance nationale même si on estime la RN un
peu proche de l'ERP surtout en partageant ses thèses
insurrectionnalistes ; elle diffère un peu de l'ERP sur le plan
action. Elle en diffère par ses relations étroites avec les
syndicats ouvriers et son implantation populaire (Rouquié 1991 :
94). Dirigée par un ancien ouvrier textile, Ernesto Jovel, premier
secrétaire général et commandant en chef des Forces
armées de la Résistance nationale jusqu'à sa mort en
septembre 1980 dans un accident d'avion « alors qu'il
réalisait une tournée d'orientation en vue de préparer
l'offensive finale du 10 janvier 1981»38(*). Lui a succédé
Fermán Cienfuegos (Eduardo Sánchez Castañeda), un
intellectuel ancien membre des jeunesses communistes issu d'une riche famille
costaricienne (et salvadorien par sa mère) (Rouquié 1991 :
94). Son organisation de masse n'est que le Front d'action populaire
unifié (le Frente de Acción Popular Unificada, FAPU).
Un quatrième groupe armé vit le jour mais
tardivement vers la fin des années 1979. Il s'agit du groupe armé
créé par le PCS : les Forces armées de
libération (Fuerzas Armadas de Libéración, FAL).
En effet le Parti communiste, illégal ou traqué depuis sa
fondation le 28 mars 1930 a connu une existence à éclipses.
Presque disparu après le soulèvement populaire auquel il a
appelé et qui s'est soldé par un véritable bain de sang et
la mort de ses principaux dirigeants dont Farabundo Martí en 1932;
le PCS va adopter une autre politique. Elle sera opposée à toute
forme de lutte armée et s'engagea dans le domaine juridique
électoral et dans l'organisation syndicale. Il fut donc légaliste
et pacifiste comme l'immense majorité de ses homologues en
Amérique latine ; mais ce fut pour un temps. Car après le
succès de la révolution cubaine et la radicalisation croissante
dans les années 1960, certains au sein du Parti communiste salvadorien
ont commencé à préconiser la lutte armée pour
renverser la dictature salvadorienne. Et nous savions plus loin que c'est dans
ce contexte de désaccord sur les options politiques à prendre que
certains communistes durent quitter le parti. C'est le cas par exemple de
Salvador Cayetano Carpio que nous avons précédemment
souligné. Légaliste et pacifiste, il est forcé de
rejoindre les autres mouvements de guérilla sous la pression de ces
mêmes guérillas et par les sollicitations de Cuba, convaincu que
le Salvador peut suivre le chemin révolutionnaire embrassé par
lui et par le Nicaragua. C'est ainsi que le Parti communiste est donc
entré dans la lutte armée en 1980 en formant ses Forces
armées de libération qui comptent un faible nombre de combattants
mais néanmoins son influence au sein du FMLN dépasse largement
son poids militaire. Ceci en raison de la qualité de ses cadres et de
leur expérience, d'abord et ensuite à cause du prestige de son
secrétaire général : Shafick Handal, qui fut un des
membres les plus puissants du commandement suprême de la guérilla
du FMLN.
A ces groupes armés, il faut ajouter le Parti
révolutionnaire des travailleurs centre-américains
créé le 25 janvier 1976 par des « jeunes
révolutionnaires » qui privilégiaient une
révolution régionale à l'échelle
centraméricaine, va se désorienter de cette option politique et
va opter pour la révolution par pays. C'est ainsi qu'au Salvador, le
PRTC va abandonner l'orientation de révolution régionale et va
rejoindre le FMLN. Ce sont ces principales organisations qui formeront
l'organisation révolutionnaire armée de guérilla, à
qui elles donneront le nom d'un héros de la lutte contre la dictature au
Salvador : Augustin Farabundo Martí.
Mais qui est ce fameux Augustin Farabundo Martí que
toutes les organisations révolutionnaires salvadoriennes rendent hommage
et que tous les salvadoriens considèrent jusqu'à nos jours comme
un héros et un modèle de la lutte pour la justice sociale et
pour la liberté du peuple ?
2.1.2. Qui est Augustin Farabundo
Martí ?
Augustin Farabundo Martí39(*) (cf. photo n°1), à
qui se rattache le nouveau front révolutionnaire, est une figure
historique marquante du mouvement paysan et ouvrier salvadorien, qui connut
très jeune la répression et l'exil. Après des
expériences militaires dans des pays comme le Mexique et son soutien au
général Sandino pendant la résistance aux marines
nord-américains au Nicaragua, il retourna au Salvador où il fonda
le Parti communiste salvadorien en 1930. Instigateur de l'insurrection paysanne
de 1932, il sera arrêté et fusillé la même
année par le régime militaire du général
Maximiliano Hernandez. L'organisation révolutionnaire sera
dénommée « Front Farabundo Martí de
libération nationale » en hommage à cet
héros et combattant salvadorien des années 1930. Ainsi Comme le
remarque Gandolfi (1989 : 35-36) : « plus
spécialement en Amérique latine ils aiment à se donner le
nom d'un héros de l'indépendance nationale ou de la lutte contre
la dictature, où s'incorporer la date d'un événement
particulièrement symbolique de cette lutte. ».
Photo n°1 : Augustin Farabundo Martí
(1893-1932), vue prise lors d'une de ses visites au Nicaragua en
1929

Source: http://
fr.wikipédia.org/wiki/fichier : Farabundomarti. Jpg.
Une fois constitué, il était impérieux
pour le front révolutionnaire de mieux s'organiser pour faire face aux
défis qu'ils visent à relever.
2.2. Création et organisation de la guérilla
du FMLN
La continuité entre les guérillas des
années 1980 et l'histoire nationale et centraméricaine des
mouvements révolutionnaires s'impose d'autant plus que la direction
unifiée des mouvements de guérilla créée en octobre
1980 a pris le nom du secrétaire général du Partido
Comunista de El Salvador (PCS), Agustín Farabundo Martí
(Garibay 2003 : 231). Ainsi le 11 octobre 198040(*), est créé
le FMLN, comme l'organe de direction commune des groupes armés
(Garibay 2003 : 261). Les groupes de guérilla en tant que tels sont
organisés en trois structures, un parti politique, un front de masse
(syndicats, associations, etc.), une armée de guérilla. Chaque
organisation conserve son identité et ses propres structures, ainsi que
ses zones d'intervention (Lemoine 1988 : 169). Le mouvement
révolutionnaire salvadorien apparaît donc comme singulier et donc
difficile à maîtriser de par son organisation. Les mouvements
révolutionnaires de guérilla au Salvador ont eu le mérite
d'être l'un des mouvements révolutionnaires les plus aguerris et
les plus importants d'Amérique latine car ils ont su tirer profit des
expériences révolutionnaires cubaines de 1959 et celles
sandiniste au Nicaragua de 1979. Ecartant un
« foquisme » par ailleurs géographiquement
impraticable, il s'est créé, suivant en cela les
guévaristes repentis, en appliquant la formule « ni les
armes sans le peuple, ni le peuple sans les armes »
(Rouquié 1991 : 89).
Ainsi chaque organisation s'est organisée sur une base
tripartite plus ou moins développée alliant parti, armée
et organisation de masse. Par exemple à l'organisation politique
Résistance nationale (RN) correspond la branche militaire des Forces
armées de résistance nationale (FARN) et l'organisation de masse
Front d'action populaire unifiée (FAPU) ; aux Forces populaires de
libération Farabundo Martí correspondent les Forces armées
populaires de libération et l'Union démocratique nationaliste
(UDN) etc. Comment se présentaient alors les structures de direction du
FMLN ?
Chacune des cinq organisations regroupées au sein du
FMLN étaient représentées de manière égale
au sein des structures de direction. Le niveau le plus élevé de
commandement militaire du FMLN, la Comandancia general était
composée des dirigeants de chacun des cinq groupes. La direction
politique était assumée par la Comisión
Política, composée de 15 membres, 3 par organisation, le
Consejo Nacional, organe délibératif, formé quant
à lui par 10 membres par organisation (Garibay 2003 : 459).
Par ailleurs on ne saurait limiter l'origine de ces
mouvements révolutionnaires rien qu'à l'influence du marxisme ou
du marxisme-léninisme. Même si c'est vrai que ces mouvements de
guérilla se réfèrent ouvertement au marxisme, il faut
aussi souligner l'influence de l'Eglise catholique et de la composante
chrétienne. Non seulement le rôle du clergé et des
laïcs, des communautés ecclésiales de base, a
été décisif dans la formation des organisations
révolutionnaires, mais on ne peut les comprendre sans se
référer, à travers la théologie de la
libération, à une légitimation chrétienne de la
mobilisation populaire et de l'insurrection (Rouquié 1991 : 89).
2.3. La prise de position de l'Eglise catholique
Il faut sans doute souligner qu'à cette
même époque, en Amérique centrale et
particulièrement au Salvador, des secteurs entiers de l'Eglise
catholique vont participer à l'organisation de mouvements paysans
chrétiens et révolutionnaires. Ainsi donc l'Eglise catholique a
toujours eu une grande influence et un fort pouvoir de mobilisation dans les
sociétés centraméricaines. S'inscrivant dans la ligne
tracée par la Conférence épiscopale d'Amérique
latine de Medellín, en Colombie (1968), à savoir
« l'option préférentielle pour les
pauvres » selon le chemin ouvert par le concile Vatican II, une
certaine solidarité envers le peuple salvadorien, qui est en grande
partie catholique, allait avoir une répercussion et constituer une
étape décisive à la lutte populaire ; même si
il y a eu une partie qui restera aux côtés du pouvoir.
L'engagement de l'Eglise prendra deux orientations différentes comme le
souligne Garibay (2003 : 247): « L'une
modérée, inspirée par le christianisme social, reste
proche du Parti démocrate-chrétien, l'autre, plus dynamique et
moins nombreuse, se tourne vers une orientation plus radicale, proche de la
théologie de la libération ».
Au Salvador, cette « option
préférentielle pour les pauvres » touchera tous
les niveaux de la hiérarchie catholique. En témoigne le
changement même perceptible aux plus hauts niveaux de la
hiérarchie à travers le changement d'attitude de Mgr Romero
à partir de 1977, ou le comportement plus modéré de son
successeur Mgr Arturo Rivera y Damas, ou dans les lieux de formation, en
particulier l'université centroaméricaine, fortement
influencée par les Jésuites.
Cependant cette solidarité de l'Eglise se
concrétisera par la présence de prêtres, de religieuses aux
côtés des plus pauvres dans leurs revendications. Les missions se
développent dans les zones rurales les plus pauvres dès 1969,
dans un engagement où se mêlent foi catholique, conscience
politique et action revendicative (Garibay 2003 : 247). De nombreux
prêtres créent des communautés évangéliques
de base et des pastorales de la parole. Sous la conduite des prêtres, des
grèves ou des occupations de terre sont menées dans
différentes régions à partir de 1973, ou lors des
manifestations pour l'augmentation des salaires des journaliers en 1976 dans
plusieurs régions (Garibay 2003 : 247).
Face à ces différentes actions, le gouvernement
oppose une terrible répression de la population, répression qui
n'épargne pas les milieux religieux et ecclésiastiques,
accusés de soutenir les mouvements de contestations et plus tard les
différents groupes révolutionnaires de guérilla. Par
rapport à cette situation, l'Eglise catholique commence à
condamner les actions répressives et violentes du gouvernement et
apparaîtra comme un acteur d'opposition non négligeable. Selon
Garibay (2003 : 248): « Ce n'est qu'à
partir des mobilisations de 1976, et de la répression conséquente
de la part de milices organisées par les propriétaires terriens,
avec pratiquement l'assassinat des pères Rutilio Grande et Alfonso
Navarro en mars et avril 1977 et l'occupation militaire de plusieurs
églises en 1977, que l'église catholique s'érige dans sa
grande majorité contre la répression
officielle. ». Ainsi après avoir été un des
acteurs dans les mobilisations agraires, l'Eglise catholique devient entre 1977
et le début de la guerre civile au Salvador une des sources importantes
de critique politique et sociale, non seulement au régime politique,
mais également à l'organisation socio-économique du pays.
Face aux exactions commises par l'armée, par des
milices paramilitaires à la solde du pouvoir notamment la ORDEN41(*), l'Eglise répond en
s'érigeant en contre-pouvoir. Elle organise des manifestations de
protestation, mène des enquêtes sur les disparitions, fait des
lieux de culte de refuges pour les victimes de persécutions, et propose
sa médiation dans les conflits agraires et sociaux, voire même
dans les rivalités entre les membres de l'oligarchie.
L'absence de Mgr Romero et de quatre évêques
à la cérémonie d'investiture du président Carlos
Humberto Romero témoigne de cette prise de distance par rapport au
pouvoir institué, et d'une certaine manière de la transformation
de l'Eglise en véritable opposition civile au régime (Garibay
2003 : 248-249).
A cette nouvelle position de l'Eglise, s'est ajouté les
effets où la pénétration des thèses de la
théologie de la libération, qui ont renforcé les
mouvements révolutionnaires dans leur quête d'une justice sociale.
2.4. Les effets de la Théologie de la
libération et les revendications du FMLN
La prise de conscience
d'une situation de dépendance économique, sociale, politique et
culturelle, ressentie comme injuste et aliénante, est le point de
départ des théologies dite
de « libération ». De nos jours
l'expression est employée au pluriel pour désigner
différentes approches théologiques qui prennent à leur
compte diverses formes d'oppression (fondées par exemple sur la race, le
sexe, la culture). Par exemple la « théologie
féministe », la « théologie
noire », la « théologie
africaine », qui sont des exemples les plus connues de
théologies de libération.
Mais lorsque l'expression théologie de la
libération est employée au singulier sans autre
spécification, elle est associée le plus souvent aux mouvements
religieux et sociopolitiques d'Amérique latine, liée aux noms de
Gustavo Gutiérrez, Ruben Alves, Hugo Assmann, Juan Luís Segundo,
José Miguez Bonino, Leonardo Boff, Jon Sobrino, et à ceux
d'autres théologiens catholiques et protestants des années 1960
et 1970. Le texte fondateur de cette théologie est la publication par
Gustavo Gutiérrez d'une réinterprétation de
l'évangile à la lumière de la théorie marxiste
(Puyo et Taracena 2007 : 15). Loin de limiter le salut
à la délivrance du mal, du péché, de la maladie et
de la damnation éternelle, ou uniquement, comme d'autres religions,
à la délivrance de la « prison du
corps » ou de l'emprise de la passion, la théologie de la
libération étend le salut à la libération de
l'esclavage, de la domination politique ou de l'oppression sociale42(*).
Dans un contexte où le capitalisme, la domination
étrangère et les dérives dictatoriales d'un gouvernement
aggravent la situation politique et les inégalités sociales dans
le pays ; beaucoup voient dans le marxisme et à travers la
théologie de la libération un stimulant, un moyen pour alimenter
les contestations sociales et de lutter contre le régime en place. Ainsi
les théologiens de la libération défendent-ils
l'accès à l'éducation et aux services de santé pour
les pauvres, de même qu'un travail intellectuel d'éducation
civique et politique des masses afin de leur permettre d'identifier leurs vrais
ennemis et de devenir des moteurs du changement actuel (Puyo et Taracena
2007 : 15). Après le concile Vatican II et la conférence des
évêques latino-américains de Medellín (Colombie),
à l'occasion desquels sont crées les Communautés
Ecclésiales de Base et le concept d'Eglise populaire, s'organisent des
communautés populaires actives animées par des
délégués instruits directement par des prêtres. Des
prêtres vont s'engager aux côtés des plus pauvres et vont
alimenter les mouvements de contestation face à une situation
d'inégalités sociales et d'oppression. Ceux-ci voient dans le
marxisme et dans la théologie de la libération la seule, du moins
l'une des voies possibles pour analyser de manière réelle les
causes de pauvreté, en procédant en partie par des analogies de
la situation précaire du christ et autres Saints avec les conditions de
pauvreté des exclus latino-américains, de même qu'une
proposition concrète et radicale pour l'abolir. La participation dans
les mouvements sociaux et les organisations populaires, voire dans les
mouvements d'obédience marxiste, se présentent comme des moyens
pour atteindre la liberté et la dignité de l'homme sur terre
(Puyo et Taracena 2007 : 15). Ainsi même les groupes de
guérilleros établiront des liens très étroits avec
les organisations ecclésiales. Certains parmi eux ont compté des
prêtres en leur sein comme dans les cas du Salvador avec Neto Barrera par
exemple43(*), du Nicaragua
ou de la Colombie avec le Père Camillo Torres, qui sera à
l'origine de la « plate-forme du Front Uni du peuple
colombien ». Cette présence donc de prêtres dans
les mouvements de guérilla semble être justifiée. Etant
donné que face à une situation de pauvreté,
d'inégalités sociales, de violence et de répression, les
deux parties (certains prêtres et les guérillas) sont à la
recherche d'une certaine justice sociale dans la société
salvadorienne, veulent atteindre un seul objectif : celui de la
libération du peuple de l'oppression dont il est victime et de lutter
contre l'extrême pauvreté. Par ailleurs ces deux milieux imbus
d'une même idéologie chrétienne, ne pouvaient que
collaborer ensemble pour atteindre les objectifs qu'ils se sont
assignés.
C'est cette atmosphère défavorable sur
le plan politique et social et marquée par la pénétration
de différentes idéologies à caractère
révolutionnaire et le souci de libérer le peuple salvadorien qui
poussèrent le FMLN à exposer ses revendications.
Elles avaient pour but principal entre autres la recherche de
la justice sociale et l'ébranlement de la dictature qui sévit
dans le pays. Ces revendications portèrent sur une plate-forme dont
les idées essentielles furent : mettre fin à une situation
d'inégalités sociales, mettre en place une véritable
politique de réforme agraire, améliorer les conditions de vie des
populations, instaurer par tous les moyens un climat démocratique dans
le pays (droits de vivre sur leurs terres, droits de s'organiser, droits
à un salaire décent, liberté des individus, liberté
publique etc.).
Les différentes formations
révolutionnaires qui se développèrent au début des
années 1970, furent à l'origine de la constitution du FMLN le 11
octobre 1980. Cette création survient suite à un contexte
favorable à la formation de mouvements de guérilla. En effet,
face à une situation d'injustices sociales et de pauvreté, des
mouvements de contestation se sont élevés. Ceux-ci devinrent de
véritables organisations révolutionnaires à la faveur des
dérives du pouvoir en place et d'une domination étrangère
sans cesse croissante. Par ailleurs la pénétration des
idéologies marxistes et le soutien de l'Eglise aux mouvements
révolutionnaires confortèrent les actions de ceux-ci. Les
idées de la théologie de la libération en furent pour
beaucoup. Les idées défendues sont principalement la
solidarité avec les pauvres ainsi que la défense de
l'émancipation (Puyo et Taracena 2007 : 15).
C'est ainsi que dans ce contexte défavorable, les
mouvements de guérilla vont l'exploiter pour atteindre leurs objectifs.
Ceux-ci vont se lancer dans la lutte armée, à travers la
stratégie de la guérilla contre le régime dictatorial en
place.
Le processus qui a conduit à la constitution du
FMLN, est le fruit de l'héritage de l'histoire et d'une situation
d'après indépendance défavorable. En effet la colonisation
espagnole qui s'est mise en place à partir des XVè et
XVIè siècles a profondément porté
atteinte à la structure sociale et économique des populations
précolombiennes présentes avant l'arrivée des Espagnols.
Cependant les mouvements d'indépendance qui ébranlèrent la
domination coloniale, ne furent pas une aubaine pour asseoir une
fédération de républiques d'Amérique centrale.
Après de nombreuses tentatives pour en aboutir, celles-ci
échouèrent à cause des dissensions qui existaient entre
les hommes politiques (l'affrontement entre conservateurs et libéraux)
menant parfois à des guerres civiles.
Contraintes à proclamer seules leurs
indépendances en 1841, les populations salvadoriennes durent faire face
à une domination de la classe oligarchique qui s'accapara les terres
surtout les bonnes et exploitaient la majorité de la masse paysanne,
laissée dans un état de pauvreté. L'armée qui, une
fois au pouvoir à partir des années 1930, accentuait la donne par
les séries de répression à tout mouvement de contestation
exigeant une véritable réforme profitable à toute la
société salvadorienne.
C'est dans cette atmosphère défavorable
caractérisée par l'état de paupérisation de la
majorité de la population, accentuée par le nombre
élevé de paysans sans terre et de chômeurs ; que vont
commencer à surgir des mouvements révolutionnaires dans les
années 1970, qui se radicalisèrent dans les années 1980
surtout avec l'assassinat de Mgr Oscar Romero ( la voix des sans voix) pour
constituer un véritable front révolutionnaire en octobre 1980
baptisé Front Farabundo Martí de libération
nationale en l'hommage de Farabundo Martí, héros du
combat pour la liberté du peuple salvadorien. Ce front
révolutionnaire pour atteindre ses objectifs dont l'essentiel est
l'instauration de la justice sociale et de la démocratie, va se lancer
dans la lutte armée pour parvenir à ses fins à travers la
stratégie d'une guerre de harcèlement : la guerre de
guérilla.
DEUXIEME PARTIE
LA LUTTE ARMEE AU SALVADOR DE 1980 À 1992
A partir d'octobre 1980, le Front Farabundo
Martí de libération nationale vit officiellement le jour. Ce
front se décidera d'agir pour mettre fin à une situation
d'inégalités sociales et d'oppression du peuple. Le régime
en place ne voulant pas donner réponse à leurs revendications,
son action s'orientera beaucoup plus dans la lutte armée avec comme
principal moyen, la technique de la guerre de guérilla, dans le souci de
pouvoir réaliser les objectifs qui lui ont été
assignés. De ce fait, en quoi la lutte armée engagée par
le front révolutionnaire au Salvador était orientée vers
la satisfaction de ses revendications de 1980 à 1992 ?
Cette question trouvera sa réponse à travers
deux chapitres qui feront l'objet de notre réflexion :
« La guerre civile salvadorienne : des origines à
l'unification du mouvement révolutionnaire » et « Le
Front Farabundo Martí de libération nationale dans la lutte
armée ».
Chapitre 3 : LA GUERRE CIVILE SALVADORIENNE :
DES ORIGINES À L'UNIFICATION DU MOUVEMENT REVOLUTIONNAIRE
Les années 1980 au Salvador furent les
débuts d'une nouvelle guerre civile, qui dura douze ans, guerre civile
à laquelle participa le Front Farabundo Martí de
libération nationale formée au cours de ces mêmes
années dans le but d'atteindre ses objectifs. Quelles ont
été les origines de la guerre civile qui plongea le Salvador
pendant douze ans dans la lutte armée ?
C'est à cette question que nous allons apporter des
éléments de réponses.
1. Les causes de la guerre civile
De nombreuses raisons sont à
l'origine du déclenchement par le FMLN de l'insurrection populaire
prolongée qui a conduit à une véritable guerre civile. La
situation politique, sociale et économique précaire
accentuée par de nombreuses inégalités sociales
poussèrent de nombreux milliers de salvadoriens à dénoncer
les dérives gouvernementales.
En effet la population vivait dans un contexte où suite
à des élections frauduleuses, elle était victime des
répressions, de plus les conditions sociales n'étaient pas
améliorées surtout par la mise en place d'une véritable
reforme agraire qui prend en compte les intérêts de tous. Tous ces
aspects contribuèrent à accentuer le sentiment de
mécontentement et préparait le terrain à une
véritable révolte généralisée que les
mouvements de guérilla n'hésiteront pas à exploiter. Les
points culminants de cette situation précaire furent donc le coup d'Etat
de 1979 et l'assassinat de l'archevêque de San salvador.
1.1. Le coup d'Etat de 1979 et les troubles civils
Au pouvoir depuis les années 1930, les militaires avec
le concours de l'oligarchie terrienne durent recourir à de fraudes
massives pour se maintenir au pouvoir lors des différents scrutins. En
témoigne les élections présidentielles de 1972 et 1977,
les législatives de 1972 et 1974 qui ne furent que des parodies qui
envenimaient encore plus une atmosphère politique déjà
dégradée.
Par ailleurs les répressions dont étaient
victimes les organisations populaires et le peuple salvadorien atteignirent
leur point culminant. La politique de répression prend vite le dessus
avec une intensité accrue : de décembre 1977 à
février 1978, on dénombre 790 victimes du terrorisme
d'Etat ; 126 pour le seul mois d'avril 1978 (Erdozain et Barth 1982 :
26). Ceci témoigne encore une fois le caractère répressif
du régime militaire au Salvador opposé à toute forme de
contestation sociale.
Cette politique intense de répression du peuple
entraîne des mobilisations sociales. Les grèves se multiplient,
obligeant le gouvernement à faire de larges concessions. Ainsi tous les
mouvements populaires se livraient à de vastes campagnes de contestation
et exigèrent une démocratisation du pays. Par exemple, Le BPR
occupe l'ambassade de France (mai 1979) et fait ainsi connaître au monde
entier la situation du peuple salvadorien. Le gouvernement répond en
faisant tirer sur des manifestants et en multipliant les incursions dans les
villages : viols, incendies, assassinats (Erdozain et Barth 1982 :
26).
Cependant à la crise sociopolitique qui
commençait à s'installer, un élément de force
majeur vient réconforter les organisations populaires et
révolutionnaires dans leur lutte contre le régime dictatorial
établi au Salvador.
Il s'agit des effets de la révolution sandiniste au
Nicaragua en 1979. La chute du dictateur Somoza au Nicaragua, le 19 juillet
1979, fut un encouragement pour tous les Salvadoriens qui ne voyaient d'issue
à leur crise que dans la lutte armée (Dabène 2006 :
173). Redoutant une contagion révolutionnaire et d'origine communiste
surtout dans la région ; et pour l'éviter, les Etats-Unis
vont soutenir un coup d'Etat à caractère préventif qui mis
fin au régime du général Romero et ouvrit la
période du première junte révolutionnaire composée
de civils et de militaires, le 15 octobre 1979. Pour certains auteurs en
l'occurrence M. Barth, ce coup d'Etat soutenu par les Etats-Unis comme nous
venons juste de le souligner, fut un coup d'Etat sérieusement
préparé de longue date. Selon lui des représentants des
Etats-Unis avaient effectué plusieurs voyages au Salvador en vue
« de barrer la route à l'insurrection et au
communisme... »44(*). Pour d'autres à l'instar d'Olivier
Dabène, ce coup d'Etat, qui reçut un soutien de la part de
l'Eglise catholique lança un processus de démocratisation
mitigé dans le pays et suscita l'espoir de nombreuses couches de la
population. L'ouverture de la junte aux parties civiles du pays notamment de
l'opposition fut perçue comme un début de changement dans le
pays. Les éléments modérés de l'opposition
(certains d'entre-eux acceptent de faire partie de la junte ; Ramon
Mayorca, recteur de l'Université Centre Américaine, Guillermo
Ungo, chef du M.N.R.45(*),
et Antonio Andino, chef d'entreprise), ainsi que Mgr Romero, croient tout
d'abord à une évolution libérale et démocratique
(Erdozain et Barth 1982 : 27).
Mais il est à noter que le pouvoir réel au sein
de cette junte restait aux mains des militaires conservateurs. Par rapport
à cet état de fait, les attentes furent néanmoins
rapidement frustrées. La « junte révolutionnaire de
gouvernement » qui s'installa se trouva dans
l'impossibilité d'affirmer son autorité face à une
armée qui continuait à réprimer avec force toute forme de
contestation sociale au nom de la lutte contre le communisme (Dabène
2006 : 173-174). Face à cette situation de répression et de
pérennité d'un ordre social injuste qui accentuent les clivages
sociaux et aggravent les mouvements de violences, la nécessité de
procéder à une véritable réforme dans le pays
s'imposait. C'est dans cet ordre d'idées que la junte
révolutionnaire essaya de mettre sur pieds une reforme sociale. La junte
annonce des réformes : réforme agraire46(*), nationalisation des banques
et du commerce extérieur (Erdozain et Barth 1982 : 27). Mais
hélas ces réformes ne purent se réaliser dans ce
présent cadre et contexte.
Pendant ce temps, la junte commençait à
essuyer de nombreuses critiques en son sein suite à son
incapacité d'asseoir les séries de reformes promises à la
population. Ces critiques aboutirent à des dissensions et contradictions
qui vont aller dans le sens de la désintégration et de la
dissolution de la junte soixante quinze jours après sa formation. De
nombreux hauts fonctionnaires et ministres menacèrent de
démissionner si la situation ne s'améliorait pas. Ainsi le 26
décembre les ministres civils lancent un ultimatum aux forces
armées, exigeant la destitution du ministre de la Défense, le
colonel José Guillermo Garcia et la mise en pratique des reformes
annoncées. Devant le refus de l'armée d'obtempérer, le
gouvernement démissionne le 3 janvier 1980, à l'exception de
quatre ministres. En février 1980, les membres civils de la junte se
retirent, parmi eux Guillermo Ungo qui déclare : « Il
n'y a aucune organisation ou parti politique, quelle que soit son
idéologie, capable de présenter une alternative possible et
viable de la crise que vit le Salvador. La seule alternative est celle que
présentent les organisations populaires, c'est-à-dire un
gouvernement qui émane directement du peuple. » (Erdozain
et Barth 1982 : 29). Ainsi pense t-il que la seule solution à la
crise que traverse le Salvador est la prise du pouvoir par les organisations
populaires et donc par le peuple ; car ces dernières
défendent les intérêts du peuple salvadorien opprimé
face à une oligarchie terrienne injuste soutenue par le régime
militaire répressif.
Par ailleurs, après la dissolution de la
première junte dite
« révolutionnaire », une deuxième
junte se formait, avec la participation du Parti
démocrate-chrétien (PDC) de Napoleón Duarte.
En effet le 3 mars 1980, le leader
démocrate-chrétien Napoleón Duarte47(*), entre temps en exil au
Venezuela, revient au pays et entre dans la nouvelle junte formée. Le 6
mars, la nouvelle junte militaro-civile adopte les premières mesures de
la reforme agraire, mais en même temps elle décrète
l'état de siège et suspend les droits civiques et les garanties
constitutionnelles. L'état de siège sera
régulièrement reconduit et la répression
s'accroîtra, surtout dans les campagnes (Erdozain et Barth 1982 :
29). Mgr Romero qui n'avait cessé de dénoncer les méfaits
du pouvoir et de l'oligarchie est assassiné le 24 mars. Son assassinat
le 24 mars 1980 en pleine messe, ouvrit une période de guerre civile qui
provoqua la mort de 70 000 personnes en dix ans.
1.2. L'assassinat de Mgr Romero et la remontée des
violences
Parler du Salvador, c'est aussi évoquer la
mémoire et le rôle joué par le saint évêque
d'alors de San Salvador, Mgr Oscar Romero, dans la lutte contre
l'injustice sociale dont est victime la population salvadorienne. Qui est donc
Mgr Romero (cf. photo n°2) ? Et quel rôle a-t-il joué
dans la société salvadorienne ?
Oscar Arnulfo Romero naît en 1917 d'un modeste
télégraphiste de Ciudad Barrios au Salvador. A dix-neuf ans, il
part pour Rome où six années de formation théologique
à l'Université Grégorienne lui forgent une
mentalité très traditionnelle. Ordonné prêtre en
1942, il rentre dans son pays et y demeure relativement effacé (Lemoine
1988 : 299). Les conditions misérables de ses concitoyens
l'amènent à travailler avec les communautés
chrétiennes de base ; mais en 1977 en raison de ses positions
conservatrices, il est choisi pour prendre la tête de l'Eglise
salvadorienne.
Ce choix était salué par les milieux tels que la
classe oligarchique et l'armée qui, en voyant le caractère simple
et conservateur du nouvel évêque, pensaient avoir un
représentant de l'Eglise qui ne les dérangerait pas. C'est cet
avis que partage le moine bénédictin brésilien Marcelo
Barros dans l'un de ses articles : « Le gouvernement
et l'oligarchie se réjouirent beaucoup quand il fut nommé
archevêque. Il était si simple et humble qu'ils pensèrent
pouvoir facilement le manipuler. Un évêque timide et aussi
conservateur était l'idéal pour cette maffia sans
miséricorde qui, depuis quarante ans, s'était installée au
pouvoir et avait empêché les petites réformes sociales et
politiques. Beaucoup de chrétiens qui assistaient à la
cérémonie de prise de possession de Mgr Romero comme
archevêque de San Salvador retournèrent chez eux tristes et
déçus par l'homélie du nouvel
archevêque. »48(*). Il commence son ministère pastoral
d'archevêque à l'époque la plus dure de la
répression contre le peuple et l'Eglise. Le 28 janvier 1977, alors qu'il
n'est pas encore été intronisé, plusieurs prêtres
étrangers sont expulsés par le gouvernement, dont certains
après emprisonnements et tortures.
Cependant la vie de Mgr Romero fut marquée par un
changement inédit. Celui qu'on percevait comme un homme conservateur qui
pourrait être à la solde du régime militaire et de l'ordre
oligarchique, se présentera plus tard comme un opposant au régime
répressif installé au Salvador. Certains éléments
ont milité au changement de sa pensée et de sa ligne pastorale.
La répression, les tortures, les emprisonnements voire les assassinats
dont étaient victimes les autorités ecclésiales qui
luttaient pour l'amélioration des conditions de vie des salvadoriens, le
touchèrent énormément. L'assassinat, le 12 mars 1977, de
son ami le jésuite Rutilio Grande49(*), fondateur des communautés de base paysannes
d'Aguilares, l'assassinat encore du prêtre Alfonso Navarro, les menaces
de mort portées par l'Union guerrière blanche- escadron de la
mort paramilitaire- contre tous les jésuites, le touchent
profondément et marquent un tournant dans sa vie (Lemoine 1988 :
300).
Après cet assassinat du père Rutilio, Mgr Romero
rompt avec le pouvoir militaire, prend le parti des pauvres et légitime
la violence révolutionnaire en donnant son appui aux
« organisations populaires ». Certains ont
même parlé dans son cas de
« conversion »50(*). Il déclare alors :
« l'Eglise ne peut être absente de la lutte pour la
libération » et, s'inscrivant désormais dans la
droite ligne de la théologie de la libération, bascule dans
l'opposition (Lemoine 1988 : 300).
Durant trois années, dans un climat de
répression féroce, l'archevêque de San Salvador se fut la
« voix des sans voix » et devient une figure
mondiale de l'Eglise engagée dans la lutte contre les injustices
sociales et pour l'amélioration des conditions de vie.
Photo n°2 : Mgr Oscar Arnulfo Romero y
Galdamèz, archevêque de San Salvador de 1977 à
1980

Source :
www._groupes-jonas_com-neaojonas-modules-upload-upload-romero_jpg_fichiers.
Défenseur acharné des Droits de l'homme, Mgr
Romero appuie le développement des Communautés de base et se
prononça contre toute ingérence étrangère en
l'occurrence des Etats-Unis. C'est dans ce sillage, qu'il adresse une lettre au
président Carter pour lui demander de cesser l'aide militaire
octroyée au gouvernement salvadorien dans sa lutte contre les mouvements
révolutionnaires au nom de la lutte contre le communisme. Mgr Romero
s'insurgea contre le régime militaire : « le pouvoir
politique est aux mains de militaires sans scrupules qui savent faire
qu'une chose : réprimer le peuple et servir les
intérêts de l'oligarchie. » (Lemoine 1988 :
300). Mais aussi contre l'opposition qu'il dénonce en particulier (9
mars 1980) : « Nous ne passons pas sous silence les
péchés de la gauche déclare-t-il, mais ceux-ci sont
infiniment moins graves que la violence répressive »
(Lemoine 1988 : 300).
Face aux répressions que subissait la population, Mgr
Romero appelait les soldats à la désobéissance dans sa
dernière homélie du 23 mars 1980 :
« Frères, vous êtes du même peuple que nous,
vous tuez vos frères paysans. Devant l'ordre de tuer donné par un
homme, c'est la loi de Dieu qui doit prévaloir, la loi qui dit : tu
ne tueras point. Un soldat n'est pas obligé d'obéir à un
ordre qui va contre la loi de Dieu. Une loi immorale, personne ne doit la
respecter. Au nom de Dieu, au nom du peuple souffrant dont les cris toujours
plus grands montent jusqu'au ciel, je vous en supplie, je vous le demande, je
vous l'ordonne : arrêtez la
répression ! » (Lemoine 1988 : 300).
Accusé de « communiste infiltré
dans l'Eglise », l'archevêque de San Salvador, compte tenu
de ses engagements en faveur du peuple salvadorien et le pouvoir militaire,
avait fait de nombreux ennemis. Par deux fois des tentatives d'assassinats
échouèrent. Mais le 24 mars 1980, pendant qu'il
célébrait une messe à l'hôpital de la Divine
Providence, il fut assassiné par un groupe de paramilitaires (les
escadrons de la mort). Il était exactement 18h 25 minutes. Mgr Romero
avait 62 ans. On l'emmena à l'hôpital mais il y arriva mort. Cet
assassinat a été commandité par les escadrons de la mort
à la solde du gouvernement salvadorien. En l'occurrence ce fut le major
Roberto d'Aubuisson, futur fondateur du fameux parti ARENA, qui fut mis en
cause dans cet assassinat.
Cet assassinat sera à l'origine de la remontée
des violences dans le pays et aussi du déclenchement de la guerre civile
salvadorienne meurtrière qui va durer douze ans comme le souligne un
rapport de l'ONU51(*). La
cérémonie de ses obsèques (30 mars) sera
ensanglantée (35 morts et 200 blessés) par tirs
déclenchés par la garde nationale (Erdozain et Barth 1982 :
29).
2. l'unification du mouvement
révolutionnaire
La guerre civile salvadorienne de 1980 à 1992
résulte d'une situation déjà défavorable dans les
années 70. Le contexte marqué par la répression à
toute forme de réforme sociale, les tortures, les assassinats,
l'autoritarisme militaire engendraient un climat de violence, accentuaient la
situation dans laquelle se trouvaient des millions de salvadoriens en proie
à la pauvreté.
Cependant, la situation d'inégalités sociales et
économiques qui prévalaient et perdurèrent, a fait prendre
conscience les Salvadoriens, les poussant à adopter de nouvelles
mesures : le déclenchement de la lutte armée.
En outre, par rapport à la mission qui les incombaient
et les attendaient, les différentes formations révolutionnaires
devaient par tous les moyens dépasser leurs différends sur le
plan idéologique, afin de s'unir pour lutter contre l'adversaire. C'est
dans cette perspective que l'unification de toutes les formations furent
prônées et aboutiront à la formation du FMLN et du Front
démocratique révolutionnaire (FDR), qui s'allieront pour mener
ensemble la lutte.
2.1. La coordination de la révolution
Face à cette mosaïque d'organisations
à caractère révolutionnaire (mouvements de masse, parti
politique, mouvement de guérilla etc.) le plus souvent divergent sur le
plan idéologique, il fallait comme nous l'avions souligné
précédemment une action coordonnée de la lutte
révolutionnaire de la part de ces organisations. Cela serait une
condition sine qua non pourtant de leur succès. C'est dans cette
perspective que l'unification de toutes les formations révolutionnaires
fut prônée et aboutit à la formation du FMLN et du Front
démocratique révolutionnaire (FDR). Alain Rouquié nous
dépeint dans son article sur El Salvador, les conditions voire
le processus de constitution des organes de coordination
révolutionnaire : « Le 11 janvier 1980, un pas fut
franchi, le plus facile, puisqu'il ne concernait que les mouvements de
masse : BPR, FAPU, LP-28 et UDN, rejoints plus tard par le MLP,
formèrent la coordination révolutionnaire de masses (CRM). Le 22
mai 1980, ce fut le tour des organisations de guérilla, malgré
les réticences de l'ERP et les doutes du Parti communiste, nouveau venu
dans la lutte armée, pour ne rien dire des réticences de la
Resistencia Nacional à côtoyer l'ERP et du ralliement tardif du
PRTC. La Direction révolutionnaire unifiée (DRU) fut
néanmoins créée, d'abord à trois, comme une
première étape sur le chemin de l'unité
révolutionnaire. » Rouquié (1991 :
98). Ces pas enregistrés pour la formation révolutionnaire
furent selon certaines sources52(*), le fruit des médiations de Cuba à
travers la personne de Fidel Castro. Cela n'est pas un fait étonnant.
Comme nous l'avions pu le souligner dans nos pages précédentes,
en vertu de la portée historique de sa révolution réussie,
il est vrai que Cuba a toujours selon A. Rouquié - le
précédent sandiniste en atteste- subordonné son aide
politique et organisationnelle à l'unité des mouvements
révolutionnaires.
Les coordinations révolutionnaires ne concernaient pas
uniquement les mouvements de guérilla. Même les mouvements de
masse et les partis politiques furent touchés par cette donne. Ainsi les
mouvements de masse formèrent la coordination de masses (CRM), et puis
plus tard avec la gauche démocratique s'unifia le Front
démocratique révolutionnaire (FDR). Le 18 avril 1980, dans un
climat de guerre civile qui semble laisser présager la victoire proche,
est fondé le Front démocratique révolutionnaire, qui
comprend les sociaux-démocrates du Mouvement nationaliste
révolutionnaire (MNR), les dissidents de gauche du Parti
démocrate chrétien (Mouvement populaire social-chrétien),
l'Association des entrepreneurs de transport en commun (AEAS,
propriétaires d'auto-bus), l'Université nationale qui va payer
très cher par sa présence dans un cartel politique, l'Association
générale des Etudiants (AGEUS), le Mouvement indépendant
des techniciens et membres des professions libérales (MIPTES), le
comité d'unité syndicale où l'on retrouve cinq centrales
syndicales influencées par des groupes politico-militaires et même
quelques autres organisations politiques et professionnelles. Ces institutions
politico-syndicales disparates sont supposées former un front commun
avec la Coordinadora Revolucionaria de Masas (CRM) qui chapeaute les
milliers d'adhérents des Fronts de masse de la guérilla
(Rouquié 1991 : 99).
Le FDR a connu aussi ses hauts et ses bas. Très vite sa
composition initiale se réduit. Il n'en reste que trois partis qui en
feront partie à savoir : le MNR, le MPSC et MIPTES. Ceci est
dû sans doute aux difficultés que traversent les composantes du
FDR et sans doute tout comme le pense A. Rouquié à l'assassinat
de six dirigeants du FDR par la police en novembre 198053(*). Nous partageons cette
pensée de l'auteur car sans doute l'assassinat des principaux dirigeants
aurait conduit au découragement, à l'abandon de la lutte
révolutionnaire par certaines organisations politiques et donc aurait
contribué à réduire la composition du FDR.
Par ailleurs il faut souligner que mis à part la
réduction du nombre de groupes affiliés au FDR dû à
l'assassinat déjà évoqué, il faut noter ce
même assassinat a aussi contribué à un revirement de
stratégie politique et à conforter le choix des armes par les
révolutionnaires. Selon ce même auteur, le rôle du FDR
serait d' « obtenir la compréhension des peuples et
des gouvernements du monde, de canaliser les appuis à la lutte
populaire. ».
Néanmoins malgré les difficultés les
différentes organisations politiques et révolutionnaires
conscientes que le succès de leur lutte pour la justice sociale quelle
soit dans la lutte armée ou pas, nécessitait une véritable
alliance de toutes les forces révolutionnaires du pays.
2.2. L'alliance révolutionnaire : le FDR et le
FMLN
L'espace politique salvadorien jusqu'aux milieux des
années 1970 était caractérisé par la multiplication
d'organisations à caractère révolutionnaires. Ces groupes
parfois opposés sur le plan idéologique et stratégique,
venaient conforter les divisions et la faiblesse de l'ensemble de la gauche
révolutionnaire. Or qu'est-ce qu'il fallait améliorer surtout
pour venir à bout d'un pouvoir politique dictatorial et atteindre ses
objectifs ?
Une fois conscientes que le succès politique au
Salvador réside dans la mise en place d'une solide et véritable
alliance pour la révolution, les différentes organisations
révolutionnaires essayeront bon gré malgré de s'entendre
et de s'unir pour une cause commune à tous. Les expériences de
regroupement à travers les différentes coordinations tant dans le
contexte des mouvements de masse, des partis politiques que des mouvements de
guérilla en témoignent des actions concrètes en vue d'une
alliance révolutionnaire. Mais cela restait aussi insuffisant, il
fallait aussi s'allier avec les différents partis d'opposition et
dépasser les différends sur le plan idéologique et de la
stratégie politique à adopter. C'est dans ce sillage qu'un pas
fut franchi pour aboutir à une alliance révolutionnaire :
c'est l'alliance révolutionnaire FMLN-FDR.
Il faut ajouter aussi que les fronts ont tout d'abord mis sur
pied une structure de direction de l'alliance, compétente pour tous les
aspects non militaires de l'action révolutionnaire : la commission
politico-diplomatique dont Guillermo Ungo assuma la présidence et qui
comprenait sept membres : un représentant des cinq composantes du
FMLN, ainsi que les leaders du MNR et MPSC. Cette commission
créée en janvier 1981 par l'alliance FMLN-FDR était
destinée à développer une offensive diplomatique à
l'échelle mondiale. Elle avait des finalités à
atteindre : « Son but est de faire connaître le
programme de gouvernement du FMLN-FDR et de démasquer la position
hypocrite des Etats-Unis en dénonçant des interventions
extérieures qui menacent toute la zone des caraïbes. Elle doit
aussi chercher une issue politique et appeler les nations démocratiques
à la solidarité. Elle a engagé une action
systématique et intense dans tous les pays du monde, soit par ses
représentants permanents (c'est le cas en France), soit par des
délégués auprès des grandes organisations
internationales, en particulier lors des sessions sur les droits de l'homme.
Elle est présente à la dernière session de
l'assemblée générale des Nations Unies. »
(Erdozain et Barth 1982 : 34).
Mais malgré cette alliance, les moments de tensions
subsistèrent toujours en vertu des considérations politiques et
idéologiques de chacun. Néanmoins des accords furent
signés pour essayer de fortifier cette alliance. C'est le cas d'un
nouvel accord FMLN-FDR signé en décembre 198654(*), qui « remet
à jour les termes de l'alliance » en ouvrant largement la
porte à des évolutions indépendantes de chacune des
composantes. Cet accord reconnaît l'existence de
« différentes conceptions
idéologiques » et l' « autonomie
des partis », écarte « dogmatisme et
hégémonie » et précise les
caractéristiques et les objectifs politiques de chacun :
« tandis que le FMLN maintient et développe une aspiration
et une politique d'unité afin de constituer un parti unifié, le
FDR est formé d'organisations politiques et sociales (...) cherchent
à préserver leur propre identité. »
(Rouquié 1991 : 104).
Les origines de la guerre civile, qui embrasa le pays
à partir de 1980 eurent pour cause essentielle la situation
défavorable qui prévalait dans les années 1970.
C'était une situation marquée par la frustration née de
nombreuses inégalités sociales et d'un régime dictatorial
basé sur la répression. Cela entraîna le
développement de formations révolutionnaires, qui fort du
contexte de l'époque où des révolutions ont
ébranlé des régimes dictatoriaux particulièrement
à Cuba (1959) et au Nicaragua (1979), vont se lancer dans la lutte
armée en vue d'instaurer par tous les moyens une société
salvadorienne plus juste et démocratique.
Néanmoins pour arriver et faire face à un
régime dictatorial soutenu par les grandes puissances à l'instar
des Etats-Unis dans leur lutte contre le communisme, il était
impérieux pour les différentes organisations
révolutionnaires de s'unir. Cette unification se concrétisera
malgré les divergences politiques et idéologiques par la
formation de la coordination révolutionnaire de masses (CRM) ; de
la Direction révolutionnaire unifiée (DRU), et le Front
démocratique révolutionnaire (FDR). Et plus tard la formation de
l'alliance entre le FMLN et le FDR : c'est l'alliance
révolutionnaire du FMLN-FDR.
C'est de cette alliance révolutionnaire, que les
mouvements révolutionnaires, surtout les organisations de
guérilla réunies au sein du FMLN, se lancèrent de pleins
pieds dans la lutte armée. Le pouvoir en place eut donc à faire
face à une opposition ferme et « unie »
dans sa lutte pour la justice sociale au Salvador.
Chapitre 4 : LE FRONT FARABUNDO MARTå DE
LIBERATION NATIONALE DANS LA LUTTE ARMEE AU SALVADOR
Les années 1980 à 1992 marquent le
déroulement d'une nouvelle guerre au Salvador. Guerre
« civile » pour les uns et guerre
« révolutionnaire » pour d'autres ;
mais ce qui est certain est que cette guerre va opposer les forces
armées gouvernementales et le régime en place aux organisations
révolutionnaires dont le Front Farabundo Martí de
libération nationale. Ainsi, comment a participé donc ce front
révolutionnaire à la lutte armée ?
Cette question nous amène à voir dans un premier
temps la stratégie de guerre des combattants du FMLN, dans un
deuxième temps les offensives armées, et dans un troisième
temps les appuis étrangers reçus par la guérilla et le
pouvoir en place.
1. Stratégie et moyens d'action de la
guérilla
Le revirement de la stratégie politique des
mouvements révolutionnaires (mouvements de masse, partis politiques de
gauche et mouvements de guérilla) suite à la persistance des maux
dont souffre le Salvador, a amené ces différentes organisations
à rejoindre la ligne tracée par les mouvements armés. Il a
s'agi de faire une guerre populaire prolongée pour aboutir à ses
fins. C'est dans ce sillage que les mouvements armés et les
différentes organisations révolutionnaires ayant appris des
expériences ratées des guérillas des années 1960 en
Amérique latine, vont se lancer dans une nouvelle stratégie
révisée de la guerre de guérilla.
1.1. La guerre de guérilla
Face à un combat qui l'oppose à l'Etat
qui est supposé se trouver dans une position de force, il était
important pour les mouvements révolutionnaires engagés dans la
« libération nationale » d'éviter tout
affrontement direct qui lui conduirait et le condamnerait au suicide. Il
fallait trouver une stratégie donc pour affaiblir l'Etat et
l'armée gouvernementale, de tenter de déstabiliser l'adversaire
dans un premier temps, pour acquérir l'avantage et remporter la victoire
définitive par les moyens de la guerre classique ou de l'insurrection
populaire. La « guerre de guérilla » tel
que nous peint Che Guevara fut adoptée mais
révisée eu égard les expériences fâcheuses
des guérillas des années 1960 qui ont suivi ses directives.
Qu'est que donc la guerre de guérilla ?
S'inscrivant dans la logique de lutte armée, les
organisations révolutionnaires réunies au sein du FMLN,
optèrent pour la guerre de guérilla qui fut une de leur
stratégie de luttes. La guérilla est une guerre. Non
conventionnelle, certes, mais tout de même une guerre opposant des bandes
armées à une armée régulière, les
premières évitant les confrontations directes avec la seconde en
multipliant les coups de main et les opérations de
harcèlement55(*).
Abondant dans le même sens, voilà ce que nous en dit Gandolfi
(1989 : 66-67): « La guérilla ou « petite
guerre » est l'arme du faible contre le fort. C'est une technique qui
permet à une petite troupe aux moyens limités de harceler
l'armée régulière de l'ennemi par de rapides coups de
main, de l'attaquer par surprise et de lui causer des pertes sans que
l'attaquant en subisse de semblable. ».
La guerre de guérilla mène une guerre populaire
dans un climat de violence à laquelle adhèrent toutes les couches
pauvres et marginalisées de la société, lutte contre des
régimes non démocratiques comme c'est le cas au Salvador et vise
à contrôler le territoire et s'accaparer du pouvoir de l'Etat, en
vue de la réalisation de leurs objectifs. Selon A. Gandolfi, la guerre
de guérilla est un prélude à la guerre conventionnelle et
à l'insurrection. Elle doit permettre le conditionnement de l'ennemi
tant sur le plan matériel que psychologique afin de mobiliser toutes les
forces nécessaires et d'établir un équilibre avec les
forces adverses pour les affronter en combat régulier. Il est rare sinon
plus qu'elle ne permet pas une victoire militaire décisive. Les
expériences catastrophiques des mouvements de guérilla des
années 1960 à travers l'échec de la théorie
du « foquisme », de certains autres
mouvements tels le sentier lumineux au Pérou etc., et même de
l'échec sur le plan de la conquête militaire du FMLN au Salvador
témoignent bien cet état de fait et conduisent à montrer
que le succès d'une guerre de guérilla est possible que si
certaines conditions sont réunies. Ces conditions, Alain Gandolfi les
relève dans son ouvrage en analysant les actions des mouvements de
libération nationale. Elle ne peut réussir que si trois
conditions sont réunies : 1) un idéal politique, exprimant
le projet d'une société meilleure, et conforté par une
abnégation et un moral à toute épreuve chez les
combattants; 2) le soutien inconditionnel de la population, la guérilla
devant pouvoir évoluer en son sein « comme un poisson dans
l'eau »56(*); 3) un espace géographique favorable, la
guérilla rurale trouvant ses terrains de prédilection dans les
forêts et les montagnes d'Amérique latine, d'Afrique ou
d'Extrême-Orient, la guérilla urbaine rencontrant des conditions
de déroulement plus difficiles s'apparentant au terrorisme (Gandolfi
1989 : 67).
Par ailleurs il est à noter qu'il arrive qu'on confonde
les deux concepts à savoir guérilla et terrorisme. Surtout
qu'aujourd'hui, il n'y a pas de moments où on ne parle pas d'actions
« terroristes » par rapport aux différentes
actions de violence enregistrées ça et là dans le monde.
Cette situation a amené de nombreux chercheurs à se poser de
nombreuses questions sur les actions qui relèvent de la guérilla
et celles qui viennent du terrorisme; bref qu'est-ce qui distingue la
guérilla du terrorisme?
Nous n'allons pas trop nous attarder dans un
développement qui risque de nous éloigner de l'essentiel de notre
thématique mais nous essayerons d'en dire quelques mots en vue de lever
l'équivoque.
Comme la guérilla, le terrorisme est aussi un moyen de
déstabilisation de l'adversaire mais les fins diffèrent. Le
terrorisme utilise des moyens plus déconcertants, plus limités
sans doute mais plus efficaces, en vue de résultats plus spectaculaires.
De plus, pour paraphraser Luis Mercier-Vega, la guerre de guérilla c'est
fondamentalement « deux pouvoirs se disputant le contrôle des
populations.»57(*). Or le terroriste ne veut pas contrôler la
population; il veut la « terroriser », et par elle
terroriser les acteurs politiques centraux. On dira donc que la guerre de
guérilla est une forme de mobilisation politique qui implique
nécessairement une modification de la compétition politique
(c'est-à-dire l'apparition d'une guerre interne), tandis que le
terrorisme, par sa portée et par ses buts et objectifs, ne vise pas
à infléchir la compétition proprement dite, mais tout au
plus une ou des politique(s) d'un gouvernement donné. A l'opposé
du guérillero, le terroriste oeuvre essentiellement dans la
clandestinité. Il se déploie indépendamment des sympathies
populaires : elles ne lui sont pas nécessaires, ni pour l'organisation
de ses opérations ni pour produire ses effets, a fortiori quand
les civils en sont les victimes.
Précisons par ailleurs qu'il existe un autre concept du
terrorisme qui caractérise notamment certains régimes
dictatoriaux en Amérique latine et dans d'autres régions du
monde. Il s'agit du « terrorisme d'État ».
On pourrait le définir approximativement comme une forme de gouverne
étatique, dans laquelle le but prioritaire, voire l'obsession des
acteurs centraux est le maintien de la sécurité de l'État,
et l'objectif, la liquidation physique et systématique de l'opposition
interne ou du moins son aile perçue comme « subversive
». Les principaux portefaix sont alors la police et autres forces
paramilitaires (avec bases civile ou militaire), et les moyens sont ceux de la
violence et de la terreur. Ce qui dans cette forme de gouverne s'apparente au
terrorisme, c'est, d'une manière apparemment paradoxale, la «
personnalisation de la répression » -- qui
touchera tel chef syndical, tel leader étudiant, etc. --, et
simultanément, l'indiscrimination avec laquelle on frappera dans les
populations civiles58(*).
Mais la lutte violente à travers la guerre de
guérilla n'est pas le seul moyen. Ainsi comme le souligne (Gandolfi
1989 : 65): « si la lutte violente et clandestine
apparaît indispensable, rien n'exclut cependant l'utilisation d'autres
moyens pacifiques, surtout quand ils sont susceptibles de conduire à une
victoire plus sûre et à moindre frais ». Par
rapport à cet état de fait d'autres moyens dont la
négociation, furent engagées.
1.2. Le recours à la négociation et à
d'autres moyens
Il semble de plus en plus évident que la guerre
révolutionnaire ou la lutte armée prolongée ne permet
forcement pas de trouver une issue à la crise que traverse le Salvador,
crise qui prend d'ailleurs de plus en plus la forme d'un génocide de la
part de la junte au pouvoir.
Néanmoins il faut noter que la lutte armée
même si elle n'est pas parvenue à la victoire décisive,
elle a aussi contribué à considérer le mouvement
révolutionnaire dans sa lutte pour la justice sociale et à
imposer au gouvernement salvadorien de discuter avec lui : d'où les
tentatives de négociations qui furent menées à plusieurs
reprises par des instances extérieures au conflit notamment
gouvernements d'Amérique latine, Internationale Socialiste, le Vatican
etc. Les négociations, si elles réussissent, permettent aux
mouvements révolutionnaires d'obtenir satisfaction du moins à une
partie de ses revendications. Et si elle fait économie des moyens
violents, ses résultats ne peuvent être que limités.
En effet, depuis les accords d'Esquipulas tentant de
mettre fin au conflit centraméricain maintes rencontres eurent lieu
entre des représentants du gouvernement salvadorien et du FMLN-FDR.
Elles ont abouti à des cessez-le-feu provisoires et
éphémères. Les discussions sur le règlement de fond
piétinent au contraire, chacun des protagonistes cherchant à
imposer à l'autre son propre point de vue. Un gouvernement supporte
d'ailleurs généralement assez mal les exigences des rebelles, et
même la négociation sur un pied d'égalité avec eux
(Gandolfi 1989 : 82). C'est ce qu'exprime le général
Humberto Ortega en juin 1988 à l'occasion des pourparlers entre les
Sandinistes et la Résistance nicaraguayenne : « ils
se comportent comme si nous discutions de gouvernement à gouvernement,
alors qu'ils représentent des forces irrégulières et
illégales » (Gandolfi 1989 : 82).
C'est dans ce contexte défavorable que vont
évoluer les tentatives de négociation au Salvador. Ce fut
notamment la première rencontre qui a lieu à La Palma, dans le
nord du Chalatenango, le 15 octobre 1984. A cette rencontre, les
émissaires du FMLN-FDR rappellent que la violence des escadrons de la
mort, le gel des reformes et le non-respect des droits de l'homme limitent
toute possibilité de participation de la gauche à la vie
politique.
Le 30 novembre a lieu la deuxième rencontre à
Ayagualo (La Libertad) (Garibay 2003 : 325). A cette rencontre la
guérilla présente un contre-projet (délimitation de
cessez-le-feu sur la base de territoires séparés, fusion des
armées, formation d'un gouvernement d'unité national)
précédant la convocation de nouvelles élections. Le refus
du président Duarte entraîne un arrêt des conversations et
discussions.
Une dernière rencontre entre l'administration
démocrate chrétienne et la guérilla les 4 et 5 octobre
1987 à la Nonciature de San Salvador, dans le cadre de la mise en oeuvre
des accords d'Esquipulas II59(*) (Garibay 2003 : 326). Ces nombreuses rencontres
organisées entre le gouvernement et le FMLN-FDR ont toujours
butté sur les mêmes problèmes, les mêmes
méfiances.
Mis à part les négociations d'autres moyens
à l'instar de la subversion sont utilisés par certains mouvements
révolutionnaires. Ainsi se développe une guerre dite subversive.
La subversion est une méthode de prise de pouvoir, ou plutôt de
désagrégation du pouvoir, par la diffusion et la valorisation de
l'action violente (guérilla ou terrorisme) par le moyen de la propagande
et de l'organisation des populations (Gandolfi 1989 : 72). Elle combat le
pouvoir pour lui ôter sa légitimité ; elle incite les
esprits à se dresser contre lui ; et par là même
à l'isoler, le paralyser, le gangrener et le condamner. Elle peut en
outre se développer sous plusieurs formes et de nos jours utilise les
techniques modernes de communication : chaque organisation à sa
radio, sa presse qui la fait connaître, ainsi que les faiblesses de
l'adversaire. C'est parfois distribution des tracts, diffusion de mots d'ordre
de bouche à oreille cristallisant les mécontentements et
suscitant les ralliements, préparant l'insurrection finale et la
victoire du mouvement de libération nationale.
Il faut noter qu'une simple guerre populaire prolongée
n'aurait pu en venir à bout, la combinaison des
deux « guerres » pourrait renforcer les
capacités du mouvement révolutionnaire à faire
fléchir le pouvoir en place.
A propos des négociations, le fait que chacun
reste sur des positions difficilement conciliables entre elles, le FMLN vise
désormais le long terme, c'est-à-dire la « guerre
populaire prolongée », qui prépare l'insurrection
populaire par le mécontentement que crée l'échec des
négociations, la destruction de l'infrastructure économique et
génératrice de chômage et de pauvreté. Les espoirs
de négociation entamés sous la présidence de
Napoléon José Duarte et poursuivis par le Jésuite Ignacio
Ellacuria furent des échecs.
En effet l'opposition de l'armée qui refusait cette
éventualité et l'assassinat du père jésuite en
1989, allaient jouer un rôle dans la radicalisation du climat de
violence. Il se solda par deux offensives majeures de la part des
guérilleros en vue de la victoire finale.
2. Les actions armées de la guérilla du
FMLN
Parmi les actions du FMLN, il faut noter des actions
armées dont certaines sont assimilables au terrorisme (le cas d'un
guérillero du FMLN qui ouvre le feu sur des personnes assises à
une terrasse à San Salvador le 19 juin 1985)60(*). Ces actions armées ont
parfois débouchées sur de véritables luttes sanglantes
entre guérilleros et forces armées gouvernementales soutenues par
des puissances étrangères à l'instar des Etats-Unis. Les
guérilleros, organisés et placés sous un haut
commandement, munis de leur signe distinctif (port d'un uniforme, d'un foulard,
d'un brassard etc.) se lancèrent dans la guerre de guérilla, qui
visait elle à contrôler le territoire et s'accaparer le pouvoir de
l'Etat. De ce fait, les guérilleros se réfugient habituellement
dans un havre frontalier ou en un lieu géographique difficilement
accessible (maquis, montagnes, jungle) où ils sont bien reçus par
les populations locales. À partir de cette base d'opération, ils
étendent peu à peu leur emprise sur le territoire en grignotant
l'adversaire et en ralliant les populations civiles à leur programme
d'action61(*).
En témoigne les bastions de la guérilla dans les
quelques régions du pays (cf. photo n°3). C'est le cas des FPL dans
le département du Chalatenango, le nord de San Salvador et de
Cabañas, de l'ERP dans le département du Morazán, de la RN
implantée dans le centre du pays (Usulután, Guazapa) et à
l'Est (San Miguel) (Rouquié 1991 : 91, 93, 94.).
C'est dans le souci de venir à bout du pouvoir et de
mettre en place son programme social et politique, que les guérilleros
du FMLN vont se lancer dans la lutte armée qui sera perçue comme
ultime solution à la crise politique que traverse le Salvador. Dans ce
sillage parmi les attaques du FMLN, il faut sans doute souligner deux attaques
ou offensives de force majeure : celle de 1981 et l'autre de 1989.
2.1. L'offensive de 1981
De nombreuses raisons ont militées et
poussées le FMLN pour une véritable offensive armée contre
l'armée et le pouvoir en place. Nous avons déjà
souligné certains. La crise politique et sociale que traverse le pays,
l'exemple de la victoire des révolutionnaires du FSLN en 1979
grâce à leur offensive sur Managua, la capitale du Nicaragua et
l'assassinat de six dirigeants du FDR en novembre 1980, confortent le choix des
armes pour la révolution dans chacune des organisations
révolutionnaires. C'est dans ce sillage que le FMLN essayera de
préparer son offensive armée qualifiée
de « finale » en vue de la victoire. Celle-ci
a lieu le 10 janvier 1981 et se solda par un échec sur le plan
militaire. Plusieurs raisons ont été avancées pour
justifier cet échec.
D'abord même le déclenchement de cette offensive
ne fera pas l'unanimité au sein du FMLN qui était souvent en
proie à des divisions internes, ensuite cette offensive était mal
préparée par ces organisations révolutionnaires qui
n'étaient pas encore habituées à travailler ensemble
surtout dans une logique de lutte armée et enfin le soutien
inconditionnel des États-unis à l'armée, au pouvoir en
place, a aussi beaucoup jouer dans la défaite du FMLN. C'est sans doute
ce dont témoigne Lemoine (1988 :
170): « Faible équipement en armes lourdes,
difficultés de ravitaillement, non-participation des populations
urbaines, en particulier à San Salvador, aide militaire massive et
immédiate des États-unis où Ronald Reagan vient
d'être intronisé, l'insurrection échoue. ».
Si l'administration Carter, au nom du respect des droits de
l'homme, avait forcé l'armée à s'allier avec le PDC et
à promulguer une reforme agraire, l'administration Reagan se montra
avant tout soucieuse d'empêcher au Salvador toute
réitération de l'expérience nicaraguayenne. Il fallait
empêcher le FMLN et vaincre et faire du Salvador un modèle de
démocratisation (Dabène 2006 : 174).
Ainsi donc le soutien des États-unis entraînant
la contre-offensive de l'armée salvadorienne et leur fait de s'opposer,
de surveiller et d'empêcher toute possibilité de ravitaillement de
la guérilla par ses alliés notamment Cuba ou le Nicaragua
sandiniste, entraîneront le repliement des guérilleros dans leurs
sanctuaires. Le FMLN se retire dans le nord-est du pays, et parvient,
malgré son échec initial, et après six mois de
réorganisation, à s'implanter durablement dans les
départements du Cabañas, Chalatenango, Morazán et San
Vicente62(*) (Garibay
2003 : 261).
Photo n°3 : (photo : AFP) Les
guérilleros du FMLN dans leur camp d'entraînement en avril 1982,
à Guacamaya dans le département du Morazán, au nord-est du
Salvador

Source : Gayral M.
(2009) : « Législatives : l'ex guérilla
de gauche favorite » in www.rfi.fr, consulté le
1er juin 2010 à 14h 02 min.
A travers la photographie ci-dessus l'on peut observer des
guérilleros du FMLN en train de danser dans un de leur camp
d'entraînement. Cela montre que les camps des guérilleros ne sont
pas non seulement des camps exclusivement consacrés à
l'entraînement militaire, mais aussi des camps où une partie du
temps est consacrée à la distraction, à la
récréation et dans ce cas à la danse.
Ce retrait du FMLN dans ces zones susmentionnées
était justifié dans la mesure où c'était le moment
de faire le bilan de l'offensive dernière, de se réorganiser en
vue d'en préparer et de lancer une autre de grande envergure.
2.2. L'offensive de 1989 et autres moyens d'actions du
FMLN
Les dix années qui suivirent
l'offensive de 1981 furent rythmées par la guerre et des
élections. Ces élections et même le dialogue qui s'ouvrit
toutefois à nouveau entre le nouveau gouvernement et le FMLN dans le
cadre de trouver une sortie de la crise politique du pays (le 13 septembre 1989
au Mexique et qui se poursuivait en octobre de la même année au
Costa Rica) n'aboutirent pas aux résultats escomptés.
L'échec de l'offensive de 1981 amena le FMLN à
repenser sa stratégie armée d'attaque, à se
réorganiser et à préparer une nouvelle attaque
victorieuse. De plus les espoirs de négociation entamés sous la
présidence de Napoléon José Duarte et poursuivis par le
Jésuite Ignacio Ellacuria échouèrent. Ce dernier
entretenait des contacts avec le président Alfredo Cristiani et
explorait les possibilités d'une négociation entre dirigeants du
FMLN et le pouvoir en place. L'opposition de l'armée qui refusait cette
éventualité et l'assassinat du père jésuite en
1989, allaient jouer un rôle dans la remontée des violences. Dans
ces conditions, la logique de lutte armée prévalait encore et
préparait encore le terrain à de nouvelles offensives de grande
envergure notamment celle de 1989.
Le 11 novembre 1989, le FMLN lança alors sa plus grande
offensive en dix ans de guerre civile (Dabène 2006 : 175). Il
bouscule l'armée salvadorienne et s'empare de pans entiers de la
capitale San Salvador. Militairement les résultats sont significatifs,
sans toutefois répondre à l'ambition du triomphe
révolutionnaire attendu. Il faudra aux forces armées une dizaine
de jours de combats acharnés, une aide militaire massive des Etats-Unis
et le bombardement des quartiers populaires pour reprendre le contrôle de
la situation (Lemoine 1997).
Par ailleurs le pouvoir en place ne se laissait pas faire et
accentuèrent les répressions par le biais des forces
armées, de quoi déstabiliser les guérilleros dans leurs
actions armées: « l'armée en profitait pour se
livrer à une vaste opération de répression, et assassina
six prestigieux professeurs jésuite de l'Université
centraméricaine (UCA). »63(*) (Dabène 2006 : 175).
L'assassinat des jésuites64(*) se justifiait selon le
commandement militaire qui n'a pas cessé de percevoir les
jésuites comme le principal soutien intellectuel et moral du FMLN dans
le pays, ainsi qu'en témoigne la virulente campagne de presse
menée contre eux les jours précédents le massacre. Le
soutien dont bénéficiait le pouvoir, l'absence de mobilisation
populaire autour du FMLN surtout dans la capitale à cause du
régime de terreur installé dans le pays,
entraînèrent de nouveau l'échec de la guérilla du
FMLN sur le plan militaire mais d'une certaine manière
entraînèrent également une
« victoire » dans la mesure où à
nouveau des nouvelles voies s'ouvrirent pour d'éventuelles
négociations. Ainsi nous partageons le même avis que Garibay
(2003 : 436) qui pense que : « Le FMLN agit donc dans
l'idée de renforcer sa position dans les négociations et non dans
l'objectif de remporter l'assaut final. ». Ces
négociations qui ont repris dans les années 90 et 91 aboutiront
à une trêve et aux Accords de janvier 1992, entraînant la
fin de la guerre civile.
Mis à part les offensives armées de la
part de la guérilla, il faut souligner qu'elle avait aussi d'autres
moyens propres à elles de se faire entendre et d'atteindre ces
objectifs. J. Villalobos nous renseigne sur les pratiques les plus courantes du
FMLN :
« enlèvement de personnes
étrangères ou nationales à des fins de financement (sept
chefs d'entreprises, cadres et diplomates ainsi enlevés furent
assassinés pendant leur détention65(*)) ; plus d'un millier de civil
d'exécutions sommaires de civils considérés comme des
espions de l'armée ; exécutions de prisonniers ;
victimes civiles de mines ; dizaines d'assassinats de fonctionnaires
civils du gouvernement, depuis des ministres jusqu'à des maires de
petits villages, dizaines de victimes civiles d'attentats à l'explosif
contre des installations militaires situées dans des zones
habitées ; et actions assimilables au terrorisme, comme l'agression
de quatre marins des Etats-Unis dans un restaurant, qui provoqua la mort de
plus d'une dizaine de civiles. » (Villalobos 1999 : 141).
Ces autres actions permettaient notamment au front de trouver des moyens
financiers pour continuer la lutte.
Par ailleurs, il faut aussi noter que les actions du FMLN
quelles soient armées où non, ne pourraient avoir une certaine
envergure s'il n'y avait pas eu aussi une certaine adhésion populaire.
2.3. La participation de la population
Comme nous l'avons souligné
précédemment, la réussite d'une révolution conduite
par une guérilla dépend aussi d'une adhésion du peuple
c'est-à-dire que d'une certaine manière que les couches sociales
adhèrent à l'idée révolutionnaire et y participent
selon leurs possibilités.
Dans leurs grandes majorités les guérillas
révolutionnaires en Amérique latine ont eu en leur sein des
militants provenant de catégories peu touchées par la politique
traditionnelle. Etant donné le contexte défavorable au
Salvador : pour une grande partie de la population qui doit faire face
à de nombreuses difficultés économiques, sociales et
même politiques pendant qu'une minorité vit dans l'opulence et
jouit de tous les droits et richesses ; militer au sein du mouvement
révolutionnaire et donc au sein du FMLN est la seule façon pour
les couches sociales défavorisées d'aider ce mouvement à
réaliser son objectif pour le bien de tous. Ainsi les organisations
révolutionnaires en Amérique latine et particulièrement au
Salvador recrutaient la majorité de leurs militants parmi les jeunes,
les femmes, les paysans, les anciens militaires ou des déserteurs et
parfois même des intellectuels.
En effet en ce qui concerne les jeunes (des
adolescents et enfants surtout), il faut noter que l'idéalisme,
l'enthousiasme et parfois l'inconscience les rendent plus sensibles à
l'action de libération. Adolescents, parfois enfants de onze à
douze ans, ils sont mûrs pour le combat que pour l'action politique
(Gandolfi 1989 : 44). Presque dans toutes les guerres de
libération, ils furent mobilisés pour le combat, où ils
ont payé un lourd tribut à la cause, portant un fusil parfois
plus grand qu'eux, constamment sur la brèche dans les embuscades,
participant aux attentats, souvent après quelques journées
à peine de présence dans des camps d'entraînement. Cette
participation de jeunes et d'enfants (Cf. photo n°4) dans la guerre civile
eut des effets négatifs même dans la période de
l'après-guerre
Photo n°4 : un jeune enfant combattant du
FMLN

Source : Erdozain et Barth (1982 :
35).
Evidemment du fait des exclusions sociales, de la
pauvreté et de la circulation des armes dans le pays, on assiste au
Salvador, le développement de bandes ou gangs armés (les
Maras), à l'accroissement des crimes perpétrés
par des jeunes hommes, au développement de la violence sociale sous
toutes ses formes.
Pour la femme aussi, l'action est une autre
libération. Elle se sent alors l'égale de l'homme dans des pays
où elle a souvent été habituée à être
sa subordonnée, voire son esclave, à ne pas participer à
la vie communautaire, à être exclue, en tant que femme, des
bureaux de vote et des manifestations de la vie civique.
Au Salvador, les femmes ne sont pas restées en marge de
la guerre civile qui oppose depuis 1981 le FMLN et les gouvernements
démocrate-chrétien et d'extrême-droite puissamment soutenus
par les Etats-Unis. Cette guerre a fait irruption dans la vie des femmes, les a
précipitées hors des cuisines pour participer activement au
projet révolutionnaire de la guérilla malgré le fait que
beaucoup se sont contentées de subir, non sans héroïsme, la
violence, la terreur et la misère supplémentaires produites par
la guerre. C'est ce qui nous montre clairement Jules Falquet dans l'un de ses
articles sur la question66(*). Selon lui, la participation des femmes à la
vie du pays, aux luttes sociales du pays puis à la guerre civile
révolutionnaire, a été très importante. Loin de
faire une analyse voire une étude approfondie de la participation des
femmes, nous allons juste aller à l'essentiel c'est-à-dire
montrer pourquoi cette adhésion des femmes au projet
révolutionnaire ? Et quelle a été leur
rôle ?
Si la guérilla du FMLN a pu s'enorgueillir de compter
parmi ses quelques douze mille combattants un tiers de femmes- un pourcentage
élevé pour les guérillas latino-américaines- c'est
que les femmes étaient, depuis avant la guerre et malgré un
système patriarcal écrasant, fort actives dans la vie du pays
(Falquet 1997 : 2).
Face au contexte politique et social qui prévalait vers
la fin des années 1960 et le début des années 1970, les
femmes eurent une grande participation dans la vie politique du pays en
dénonçant les abus et les dérives du pouvoir en place. Ce
qui a motivé que beaucoup voire que certaines
s'intéressèrent à la lutte révolutionnaire
s'explique par le fait qu'elles ont fait leurs pas à partir des
années 1960 et 1970 aux activités de la théologie de la
libération (réunions de lecture critique de la
réalité sociale appuyées sur la Bible, les sessions
d'alphabétisation, la formation des coopératives etc.). Ceci leur
a permis, légitimement aux yeux des hommes, de mettre le nez hors du
foyer.
Ainsi donc, les femmes ont même été parmi
les premiers pionniers à réaliser les organisations populaires
qui opteront pour la lutte armée révolutionnaire. C'est dans ce
sillage que la première formation de lutte armée
révolutionnaire issue de la scission du PCS en 1970 et, qui va basculer
dans le camp de la guérilla, était notablement porté par
des femmes. Des femmes se distingueront dans la lutte armée clandestine
et parviendront même au sommet de la hiérarchie militaire au sein
de la guérilla, ceci parfois causant des démêlés.
C'est le cas par exemple de la dirigeante principale du syndicat des
enseignants (ANDES 21) qui fut une femme : Mélida Anaya Montes,
bien que la direction du syndicat fut largement masculine. C'est l'une des
premières organisatrices, clandestine, de la lutte armée
révolutionnaire, où elle devient la Comandante Ana
María, dirigeante en second. Sa détermination, son prestige et sa
clairvoyance en font, avec le dirigeant ouvrier Caetano Carpio (ancien
secrétaire général du Parti communiste salvadorien et
fondateur de la guérilla sous le nom de commandant Marcial) un des
principaux piliers de la lutte révolutionnaire pendant plus de dix ans
(Falquet 1997 : 2-3).
Malheureusement celle-ci fut assassinée sous ordre de
Marcial, à cause probablement des différents idéologiques
qu'ils existaient entre-eux, et surtout qu'il craignait semble t-il qu'elle ne
lui ravisse la direction de la Révolution. Poussées à
embrasser l'idéal révolutionnaire pour diverses raisons67(*), les femmes eurent une
participation significative au sein de la guérilla. Voila ce que nous en
dit Falquet (1997 : 3): « Mais comme
généralement d'autres membres de la famille sont du
côté des compas guérilleros, elles donnent volontiers un
coup de main - la force de l'habitude : nourrir ces jeunes gens, laver
leurs vêtements, voire pour les plus jeunes et les plus
dégourdies, prendre en charge les communications radios, apprendre
quelques rudiments d'infirmerie... et pour les plus exceptionnelles, non sans
difficultés, prendre un fusil pour venger leurs morts et pour lutter
pour un meilleur futur pour les enfants du Salvador. ». Ainsi
donc certaines étaient cuisinières, d'autres infirmières,
d'autres chargées de l'éducation des enfants orphelins, une
infime minorité était combattante en première ligne et
moins nombreuses étaient les gradées qui emmenaient leurs
compagnons au combat. Ces femmes ont donc joué un rôle d'exemple
déterminant et ont puissamment lutté pour favoriser la
participation des femmes. Pour souligner les raisons de cette participation
féminine, certaines à l'instar de Puyo et Taracena pensent que
mis à part que cette participation était nécessaire pour
accroître l'effectif des guérilleros ; elle était
aussi nécessaire pour s'affirmer dans la vie politique et
réclamer une certaine émancipation : « si
cette participation s'explique surtout par le manque réel de
combattants, elle renvoit aussi au souci d'une égalité de genre
au sein des groupes guérilleros. » (Puyo et Taracena
2007 : 13).
Il faut aussi mentionner que le paysannat n'était
pas en marge des mobilisations populaires pour soutenir la guérilla. Les
paysans sont bien entendus l'élément le plus nombreux pour
diverses raisons : parce que la guérilla étant
essentiellement rurale, ils constituent un élément de recrutement
naturel, parce qu'aussi une des revendications essentielles des MLN68(*) porte sur des reformes
profondes de la société, dont la reforme agraire est en
général l'élément central (Gandolfi 1989 :
46-47). Quand on voit la composition du FMLN il est n'est pas fortuit de voir
qu'elle recrute en son sein de nombreux paysans étant donné qu'on
a même souligné que la guérilla se réorganise dans
les milieux ruraux et quand il s'agit d'une guérilla urbaine le nombre
de participant est limité ou du moins se recrutent dans les milieux
universitaires. Il faut quand même souligner que dans le cas salvadorien,
il y a quand même dans les milieux urbains quelques foyers qui ont
adhéré à la révolution témoignant ainsi de
l'importance réelle de l'élément urbain dans la lutte de
libération. C'est le cas du Parti révolutionnaire des
travailleurs centraméricains, qui a rejoint plus tard la composition du
FMLN ; des Ligues populaires ouvrières du Salvador etc.
Une place doit être aussi réservée
aux anciens militaires déserteurs et qui, passés dans la
résistance ou dans un mouvement de libération nationale, sont des
recrues de choix par leur formation, leur entraînement et par la
possibilité qu'ils ont d'être utilisés pour l'encadrement
d'autres militants (Gandolfi 1989 : 47). Ainsi certains soldats
adhérant au projet révolutionnaire de la guérilla au
Salvador, ont dû pour certaines raisons la rejoindre et combattre avec
elle pour atteindre leur objectif.
Enfin il faut noter la participation estudiantine, des
universitaires et des milieux religieux aux diverses organisations
révolutionnaires de libération en Amérique latine. Les
membres des mouvements de libération sont souvent recrutés dans
les universités, voire dans les lycées. Ce sont des milieux du
savoir et ce sont là où les futurs révolutionnaires ont
été animés de doctrines révolutionnaires dont le
marxisme. C'est la raison pour laquelle ces établissements sont si
fréquemment fermés par les autorités.
Au Salvador, le mouvement Résistance nationale
rassemble surtout des intellectuels, des étudiants, des membres de la
petite bourgeoisie (Gandolfi 1989 : 49).
Quant au clergé il a souvent fourni, également
par idéalisme, de nombreux éléments aux mouvements
latino-américains. Au Nicaragua par exemple, les principaux fondateurs
du FSLN ou du « groupe des douze » sont d'anciens
séminaristes ou étudiants souvent réfugiés au Costa
Rica ; au Salvador l'engagement de l'Eglise et du clergé notamment
des jésuites pour l'amélioration des conditions de vie et leur
soutien à la guérilla témoignent de ce fait.
Face aux différentes actions de la guérilla, la
réaction du gouvernement salvadorien ne se fit pas attendre.
2.4. L'Etat face au FMLN (la répression et la
persuasion)
Il est souvent très difficile qu'un Etat traite
un mouvement de guérilla ou insurrectionnel d'égal à
égal. Et donc de cette manière face à une contestation
sociale qui débouche sur une lutte voire une lutte armée
révolutionnaire, le pouvoir met en place une politique
caractérisée par la répression et parfois par la
persuasion. Ce qui envenime la situation et pousse le régime à
vraiment discuter avec les contestataires pour trouver une solution à la
crise. D'où les négociations qui souvent aboutissent à des
cessez-le-feu et puis à de véritables accords de paix. C'est le
cas dans de nombreux pays notamment au Salvador.
Cependant la répression est la première
réaction de l'Etat qui doit faire face à un mouvement de
libération nationale (mouvement populaire, mouvement de guérilla
etc.). Elle se caractérise surtout dans une atmosphère politique
instable, par des arrestations, des poursuites judiciaires, des
opérations de police et de maintien de l'ordre, des opérations
militaires pouvant aller parfois jusqu'à une véritable et
interminable guerre civile débouchant souvent sur un terrorisme d'Etat.
Les exactions et les violences causées par l'armée au Salvador
furent importantes et furent dénoncées par des organisations de
défense des Droits de l'homme. C'est le cas du massacre d'El Mozote en
décembre 1981 à la suite des combats entre l'armée et le
FMLN dans le Morazán à la frontière avec le
Honduras69(*). L'Etat peut
agir seul ou être aidé par les forces de police ou de
l'armée, être aidé par des conseillers étrangers ou
aidé ouvertement par des mouvements paramilitaires. Tel est encore le
cas avec les Escadrons de la mort ou la Main Blanche au
Salvador ou au Guatemala où la quarantaine d'organisations qui, en
Colombie, combattent la guérilla, plaçant le pays dans un
état de véritable anarchie (Gandolfi 1989 : 76). Le soutien
de l'armée dans la répression fut inconditionnel.
Il faut par ailleurs souligner qu'il est rare que la
répression se poursuive jusqu'à l'épuisement du mouvement
révolutionnaire et que le succès des entreprises gouvernementales
ne dépend pas nécessairement des moyens mis en oeuvre. L'aide
massive apportée à l'armée salvadorienne par les
Etats-Unis n'a pas détruit pour autant la guérilla, mais l'a
peut-être simplement empêché de remporter une victoire
militaire qui était à la portée de sa main en 1982
(Gandolfi 1989 : 77). Ainsi les actions du gouvernement furent
véritablement soutenues par des puissances étrangères, qui
avaient des intérêts dans le pays : C'est le cas par exemple
des Etats-Unis au Salvador et dans d'autres pays de la région.
La victoire de mouvements révolutionnaires
d'inspiration marxiste inquiétait beaucoup le gouvernement
américain. Celui-ci n'hésita pas à accorder des aides
financières et à former les officiers de l'armée pour
lutter contre la guérilla. Non seulement les Etats-Unis sont
accusés de soutenir des systèmes économiques
latifundiaires, mais aussi ils sont associés au maintien des oligarchies
et des dictatures au pouvoir (Puyo et Taracena 2007 : 6).
Mis à part la répression Alain Gandolfi
distingue aussi la persuasion, qui fut aussi une arme déployée
par l'Etat pour faire pression sur la guérilla et l'anéantir. La
mise en oeuvre d'actions violentes par une organisation à
caractère révolutionnaire est généralement source
d'émanation d'un profond malaise qui touche la société. La
réponse par la répression violente ne peut à elle seule
guérir le malaise. C'est pourquoi l'Etat, souvent quand il a les moyens
et s'il le peut préfère utiliser d'autres moyens. Parmi ces
moyens : la persuasion. Tout en poursuivant la lutte armée contre
un mouvement, l'Etat développe une large action psychologique
auprès des populations, dénonçant certaines
atrocités commises par les mouvements de libération, leur
intransigeance qui rend la guerre interminable, dans le but de détacher
d'eux les populations (Gandolfi 1982 : 80).
C'est ainsi qu'au Salvador une vaste campagne
médiatique voire auprès des populations fut une aubaine pour
discréditer l'image des guérilleros, accusés de
communistes, de véritables criminels, de destructeurs de l'ordre de
l'Etat ; ceci en vue de désolidariser les populations et
d'empêcher la guérilla d'avoir un véritable soutien
populaire.
Dans cette optique aussi, l'Etat prévoit dans la lutte
contre la guérilla, de mettre en place de séries de reformes qui
iront dans l'intérêt commun de tous. Ces programmes de reformes
sont susceptibles de battre l'adversaire sur son propre terrain, en coupant
court à certaines de ses revendications essentielles, en le privant du
soutien de la population, ou éventuellement d'un concours
extérieur. Mais à vrai dire ces reformes qu'elles soient
économiques ou agraires n'ont pas marché comme cela se doit,
étant donné le contexte qui prévalait et les oppositions
diverses provenant des milieux conservateurs (l'armée et les riches
propriétaires terriens).
Quelque soit la nature du mouvement et la nature de la lutte,
il est à noter que les protagonistes ne sont pas seuls à
être impliqués. Chacun a ou recherche en plus d'un soutien
interne, un autre beaucoup plus externe afin de lui permettre d'assurer sa
victoire.
3. Les appuis étrangers reçus par la
guérilla et le pouvoir en place
Généralement les mouvements
révolutionnaires et ses adversaires (dans notre cas ici il s'agit
principalement de l'Etat) nouent des relations avec des acteurs
étrangers dans le but de mener à bien leur lutte.
Nous pensons pour notre part que pour l'Etat salvadorien, il
s'agit d'affaiblir et d'anéantir par tous les moyens la guérilla
en recherchant un véritable soutien étranger. Les mouvements de
libération nationale, étant des acteurs non étatiques qui
envisagent d'être des acteurs étatiques, il est nécessaire
d'avoir une certaine reconnaissance et une certaine légitimité du
mouvement et de son action sur le plan international.
Le FMLN tout comme un mouvement révolutionnaire a
besoin lui aussi d'importants moyens pour poursuivre son objectif. Il lui faut
de l'argent pour subsister, pour s'organiser, entreprendre son action de
propagande, acheter des armes et des munitions. Ces besoins s'accroissent
d'ailleurs au fur et à mesure que le mouvement se développe et
qu'il se rapproche de la phase finale de son action.
3.1. La politique salvadorienne des Etats -Unis
Comme nous l'avons montré dans les pages et
chapitres précédents, les Etats-Unis ont joué un grand
rôle dans la région Amérique latine et ont participé
et contribué à l'instabilité politique de ladite
région, ceci en raison de la défense de leurs
intérêts. Depuis les années 60 et 70, les Etats-Unis
s'intéressent à l'Amérique centrale. Craignant que
l'exemple cubain se propage (ils) orientent leur politique suivant trois grands
axes : - l'aide militaire - le réformisme modernisant de l'Alliance
pour le progrès - l'encouragement à une apparence de
démocratie politique avec des élections, soit une
démocratie restreinte 70(*)(Erdozain et Placido 1982 : 20).
En effet tout au long du XXè siècle,
dans le bassin de la mer des Caraïbes, l'influence des Etats-Unis s'est
manifestée davantage par le recours par la force que par des
velléités d'édifier des régimes
démocratiques stables (Garibay 2004 : 125). Si ses
intérêts sont menacés, les Américains
n'hésitent pas à agir à travers des types
d'opérations qui vont de l'intervention militaire directe (en
témoigne les dernières interventions : Grenade 1983, Panama
1989), à la menace de la force, Gunboat Diplomacy, à
l'utilisation de troupes de substitution (intervention militaire indirecte),
d'opérations clandestines de « déstabilisation
contre les régimes de gauche- y compris des tentatives d'assassinat sur
des dirigeants politiques « hostiles »- à des blocus
ou sanctions économiques. A un moment donné l'une ou l'autre de
ces méthodes peut être préférée, mais aucune
n'a jamais été définitivement abandonnée. Il y a
une grande continuité de la politique étrangère des
Etats-Unis dans la région »71(*).
Dans les années 1980 en particulier, la victoire
des sandinistes au Nicaragua et les insurrections révolutionnaires au
Guatemala et au Salvador sont apparues aux Etats-Unis comme autant des facteurs
de déstabilisation de la région, et ont mis l'isthme
centraméricain sur l'agenda international (Garibay 2004 : 125).
En effet la victoire du FSLN au Nicaragua, le coup d'Etat
perpétré au Salvador en 1979 et le déclenchement de la
lutte armée en janvier 1981 obligent le président
américain Jimmy Carter élu en 1976 à revoir la politique
américaine en Amérique latine. Cette nouvelle politique va
consister à subordonner l'octroi de l'aide militaire au respect des
droits de l'homme par le destinataire. La politique suivie par M. Carter au
Salvador va dans le sens de la promotion des droits humains. Sous le
règne du général Romero frauduleusement élu
à la présidence du Salvador en 1977, il accéda au pouvoir
à la même période et tenta de faire pression sur le
gouvernement salvadorien pour que les droits de l'homme soient respectés
dans un climat où la répression était active. Son souci
prioritaire était de collaborer avec les pays démocratiques de la
région, comme le Costa Rica et surtout le Venezuela, afin de contraindre
les dictatures militaires à respecter les droits de l'homme et à
établir des calendriers de retour à la démocratie. C'est
en ce sens que l'aide américaine aux régimes en Amérique
latine fut conditionnée. Le coup d'Etat contre le général
Romero, le soutien aux juntes militaro-civiles installées dans le pays
dans le but d'enclencher une séries de reformes dans le pays en
témoignent de cette attitude de la politique américaine du moins
de celle cartérienne.
Mais son successeur Ronald Reagan va modifier en
profondeur la politique extérieure des Etats-Unis en lançant sa
« croisade démocratique » en juin 1982
(Garibay 2004 : 127). Anticommuniste et arrivé au pouvoir dans un
contexte de Guerre Froide, M. Reagan veut rapporter tous les conflits locaux
à un affrontement généralisé Est-Ouest : la
main de Moscou est partout. Ainsi, dès sa première
conférence de presse présidentielle du 29 janvier 1981, il accuse
les dirigeants soviétiques d'être prêts
« à commettre n'importe quel crime, à mentir,
à tricher72(*) » pour parvenir à la
révolution mondiale (Toinet 1982 : 503). Selon lui, la
guérilla qui se développe au Salvador est l'oeuvre des
soviétiques et de leurs alliés cubains qui n'hésitent pas
à les soutenir. Son élection comme président des
Etats-Unis fait passer la lutte contre le communisme et la subversion en
Amérique centrale avant la défense des droits de l'homme. Le
nouveau gouvernement s'abstiendrait de critiquer les atteintes aux droits de
l'homme dans les régimes autocratiques
« amis », leur rétablirait l'aide
économique et militaire et leurs troupes, fournirait des
« conseillers » militaires et n'hésiterait
pas à reprendre les activités clandestines
contre-insurrectionnelles (covert activities) contre les groupes de
gauche73(*) (Toinet
1982 : 504). Refusant de lier l'aide nord- américaine aux reformes
effectivement entreprises, Ronald Reagan base sa politique sur la reprise en
main d'une région historiquement sous sa domination et qui, depuis le
succès des sandinistes, tend à échapper à son
contrôle (Lemoine 1988 : 306).
Craignant une véritable contagion
révolutionnaire dans la région après le succès des
sandinistes et qui risque de saper les intérêts
nord-américains, Reagan a fait du Salvador une place de choix dans son
agenda et n'hésita pas à soutenir financièrement et
matériellement le gouvernement salvadorien en vue de lutter contre la
guérilla du FMLN74(*). Et comme le précise en effet un de ses
principaux adjoints : « il serait inconcevable que la
nouvelle administration laisse tomber le Salvador tomber (aux mains de la
guérilla) sans faire le moindre effort pour l'empêcher. Reagan ne
peut se peut se permettre un autre Nicaragua75(*) » (Toinet 1982 : 504). C'est dans
cette optique qu'il intensifia l'aide américaine et apporta
considérablement son soutien au gouvernement salvadorien contre la
guérilla du FMLN76(*).
Toutefois, la politique américaine ne changea
guère de fond, du Nicaragua au Salvador, de M. Carter à M.
Reagan. En toute circonstance ce fut la sauvegarde d'intérêts
nord-américains dans la région dans son ensemble.
Néanmoins ce fut au niveau des formes des stratégies politiques
que les divergences paraissent.
Que ce soit la politique cartérienne ou reaganienne, ce
fut plus ou moins un échec par rapport au but à atteindre. Mais
cela est à relativiser un tout petit peu. La politique de promotion des
droits de l'homme de Carter eut des effets ambigus. Mais elle eut au moins le
mérite d'attirer l'attention du monde sur la cruauté de certains
régimes latino-américains. Ceux-ci furent frappés
d'ostracisme par la communauté internationale, alors que les opposants
étaient encouragés dans leurs efforts. Il y eut là un
facteur d'évolution non négligeable qui porterait ses fruits
ultérieurement (Dabène 2006 : 166).
En ce qui concerne celle de Reagan mis à part qu'elle a
empêché la guérilla de parvenir au pouvoir par une victoire
militaire, elle n'a pas cependant réussi à faire du Salvador un
cas-test contre l'expansionnisme soviétique et anéantir
totalement le FMLN. Tout compte fait, les guérilleros ne vont pas rester
les bras croisés. Eux aussi rechercheront du soutien à
l'extérieur pour leur permettre de parvenir à réaliser
leurs objectifs.
3.2. Le FMLN et la société internationale
Un mouvement cherche à se faire
reconnaître pour que soit prise en considération la
légitimité de ses objectifs et de son action et, par
conséquent, il attend de cette reconnaissance un soutien à cette
action, de la part des organisations internationales, gouvernementales ou non,
ainsi que des Etats (Gandolfi 1989 : 99). Il faut au mouvement
révolutionnaire des soutiens politiques à l'extérieur pour
conduire son action psychologique, persuader l'opinion publique internationale
de la justesse de son combat.
Cette recherche de reconnaissance, les dirigeants l'ont vite
pressenti comme nécessaire. C'est dans cette optique que
déjà au début de la lutte pour
la « libération nationale », ils vont nouer des
contacts avec des acteurs extérieurs au conflit. C'est ainsi que le
FMLN-FDR ont fait des propositions le 4 octobre 1981 dans un texte
publié par département d'information de la représentation
du FMLN-FDR et remis à Daniel Ortega, membre de la junte
révolutionnaire au Nicaragua pour le transmettre à la
36è Assemblée générale des Nations Unies
et aux peuples du monde. Il s'agit de propositions relatives à la
recherche de conversations de paix, afin de trouver une solution à la
crise que vit le peuple salvadorien.
C'est aussi à la recherche de cette reconnaissance, de
cette légitimité internationale, que les dirigeants de la
guérilla salvadorienne nouèrent des contacts avec les pays
étrangers pour se faire reconnaître77(*). Sur le plan international, en
effet le FMLN entretenait déjà avec le Mexique, l'Europe et
l'Amérique latine des relations qui renforçaient de ceux (comme
moi) qui, au sein de la guérilla, étions favorables à la
négociation et à un programme démocratique
(Villalobos 1999 : 142). Le soutien aussi des cubains et des pays
voisins à l'instar du Nicaragua sandiniste n'est plus à
démontrer.
La guerre civile salvadorienne de 1980 à 1992 a
vu la participation du FMLN qui fut aux prises avec le régime en place
soutenu par la classe oligarchique et l'armée. Cette participation du
FMLN se matérialisa par l'usage de divers moyens : la tactique de
la guerre de guérilla, la négociation etc. Mais l'échec de
cette dernière due aux raisons que nous avons évoquées
plus loin, a fait perdurer le cours de la guerre. Une guerre qui fut
alimentée par des ingérences étrangères dont celles
des Etats-Unis, qui n'hésitaient pas à apporter leurs soutiens
tant financiers que militaires au régime en place. Cette politique va
connaître un changement avec l'arrivée de Ronald Reagan en 1981
à la magistrature suprême des Etats-Unis. Celui-ci accentue l'aide
nord-américaine au Salvador en vertu de sa croisade contre le
communisme.
Ainsi donc pour le front révolutionnaire, il fallait
aussi des appuis étrangers et se faire reconnaître. Le soutien
apporté par des pays comme la France, le Mexique, Cuba... Viendront
renforcer le front dans son engagement pour la lutte pour la liberté.
Cette guerre civile fut néanmoins de nombreuses victimes et des
déplacés : environ 79 000 morts (sur cinq millions
d'habitants)78(*).
La lutte armée engagée au Salvador de 1980
à 1992, et qui a opposé les forces gouvernementales et les
organisations révolutionnaires dont le FMLN, n'était pas fortuite
du moins pour le FMLN. Elle avait un but, celui de la satisfaction des
revendications et l'atteinte des objectifs de la guérilla. Quel qu'en
soit les moyens utilisés pour venir à bout, c'est l'atteinte des
objectifs assignés à la guérilla qui est nécessaire
tout comme le souligne Gandolfi (1989 :
6) : « cependant ce qui compte essentiellement c'est la
réalisation de l'objectif qu'il s'est assigné. ».
L'option pour une lutte armée était donc justifiée. En
effet le régime en place ayant fermé toutes les voies pacifiques
vers un changement, oblige le mouvement révolutionnaire à opter
pour la forme violente (la lutte armée). Cette option leur a conduit
à unir leurs forces et à faire face à un régime
autoritaire. L'échec des tentatives de négociations et des
offensives de la guérilla feront perdurer la guerre civile. Mais devant
son échec à parvenir à leur fin par la lutte armée,
le FMLN après surtout l'échec de l'offensive de 1989, va revoir
son programme révolutionnaire.
Cependant la lutte armée leur a permis de se faire
entendre et de pouvoir discuter et peser sur le régime en place. Ceci va
lui amener à reprendre les négociations, qui aboutiront aux
Accords de paix de 1992, qui mit fin à douze années de guerre
civile meurtrière et qui entraîna un changement inédit de
la guérilla.
TROISIEME PARTIE
ACCORDS DE PAIX, MUTATION ET ENRACINEMENT DU FMLN DE
1992 À 2009
Après la période de guerre civile, qui a
ravagé le pays pendant douze ans, la recherche d'une négociation
du conflit interne s'imposait. Le processus de négociation
relancé aboutit aux Accords de paix de janvier 1992. Ceux-ci eurent des
retombées en ce qui concerne le devenir de la guérilla du
FMLN : transformation en parti politique, insertion dans le paysage
politique et possibilité d'accession au pouvoir. De ce fait, en quoi
alors la mutation en parti politique a orienté les actions du FMLN dans
une perspective politique et démocratique, qui lui ont permis
d'atteindre ses objectifs qu'il s'est donné à sa création
de 1992 à 2009 ?
C'est à cette question que nous nous livrerons à
apporter des éléments de réponses à travers deux
chapitres : « La négociation de la
paix » et « La mutation et l'enracinement du
FMLN ».
Chapitre 5 : LA NEGOCIATION DE LA PAIX
A partir de janvier 1992, les Accords de paix de
Chapultepec au Mexique mirent fin à douze ans de guerre civile. Ces
Accords de paix ont été le fruit d'une longue négociation
parfois entrecoupée par des moments de crises entre gouvernement
salvadorien et dirigeants du FMLN, assistée par des observateurs tels
que l'Eglise catholique ou les Nations unies. Quel a été alors le
processus qui a conduit à l'instauration d'un climat de paix ?
C'est à cette question que nous tenterons d'apporter
des éléments de réponses.
1. Les Accords de paix de 1992
La recherche de la paix à travers des
négociations pour mettre fin à un conflit, a connu de nombreuses
péripéties. Cela n'a pas été facile de parvenir aux
Accords de paix qui mettront fin à la longue guerre civile. Les
nombreuses rencontres organisées entre le gouvernement salvadorien et le
FMLN-FDR ont toujours butté sur les mêmes problèmes, sur
les mêmes méfiances (Gandolfi 1989 : 82). Le fait que chacun
reste sur ses positions difficilement conciliables entre elles, l'assassinat de
personnalités chargées de la médiation (le cas du
père Ignacio Ellacuria en 1989), sont certains des
éléments qui ont entravé la quête d'une
véritable paix.
Néanmoins le changement d'attitude des Etats-Unis
envers le gouvernement en place, l'échec des offensives militaires de la
guérilla entre autres ont concouru à parvenir à la reprise
des négociations qui aboutiront à la signature des Accords de
paix en 1992.
1.1. Le prélude aux Accords de paix
Les Accords de paix de 1992 qui scellèrent la
fin de la guerre civile qui a duré douze ans au Salvador sont le fruit
d'un long processus de négociations à la recherche de la paix.
Nous avons vu dans les chapitres précédents comment cette
recherche fut menée quelques années après le
déclenchement de cette guerre et comment les espoirs pour la fin de
cette guerre étaient minimes. Il a fallu attendre les années 1989
et 1990 pour que de véritables espoirs pour trouver une solution au
conflit interne surgissent.
En effet plusieurs facteurs ont joué pour qu'on arrive
à instaurer la paix au Salvador. Sur le plan interne, la victoire de
l'Alliance républicaine nationaliste (ARENA) aux élections
présidentielles de 1989 est un élément majeur dans
l'évolution des négociations qui menèrent à la
recherche de la paix. L'ARENA79(*), parti fondé le 30 septembre 1981, est un
rassemblement des droites salvadoriennes destiné - pour la
première fois dans l'histoire du pays - à se mesurer à
d'autres partis dans une compétition électorale.
L'idéologie de ce parti, qui reçut une aide importante de l'ANEP
(Association nationale de l'entreprise privée) et de la Chambre de
commerce pour lutter contre les reformes de structure mises en oeuvre par la
Junte révolutionnaire démocrate chrétienne, est simple
sinon simpliste et, comme l'art de la guerre, toute d'exécution
(Rouquié 1991 : 82). L'idéologie du parti donc se fondait
sur des slogans du type : « Premièrement le Salvador,
deuxièmement le Salvador, troisièmement le
Salvador », « Oui à la patrie, non au
communisme », « Aujourd'hui la lutte, demain la
paix, le progrès et la liberté » (Rouquié
1991 : 82).
Cette victoire de l'ARENA à ces présidentielles
renforça un secteur modéré au sein de l'élite
salvadorienne contre les partisans de la solution militaire.
C'est-à-dire qu'au sein de ce parti, l'élite
modérée au pouvoir ne va pas trouver la solution à la
crise à travers la riposte militaire contre la guérilla dans un
climat où la violence est à un haut degré ; mais
plutôt va faire évoluer tout le parti vers la recherche du
dialogue en vue de véritables négociations pour aboutir à
la paix dans le pays. Cela se concrétisa par les initiatives du nouveau
patron de l'ARENA, Alfredo Cristiani, élu président du Salvador
en 1989. Il va essayer de trouver un compromis avec la guérilla du FMLN
afin de trouver une solution au conflit qui perdurait au Salvador. Le lendemain
de son élection à la présidence, Alfredo Cristiani fait
une proposition de paix au FMLN (Garibay 2003 : 434). D'ailleurs dans son
discours d'investiture le 1er juin 1989, il confirme ses
propositions dans un plan de paix qu'il annonce avec des conversations
régulières. Ces propositions de paix ne furent pas que purement
formelles car des rencontres entre gouvernement et responsables de la
guérilla furent organisées. C'est dans ce sens que se situent les
rencontres au sommet qui démarrent à Mexico du 13 au 16
septembre, puis se prolongent à San José (Costa Rica) du 15 au 17
octobre80(*). Ces
négociations achoppent sur les questions de l'armée et du
cessez-le-feu, mais n'en représentent pas moins une avancée
significative par rapport aux dialogues antérieurs (Garibay 2003 :
435). La troisième rencontre était prévue sur Caracas le
20 novembre de la même année.
En plus de ce facteur, il y a eu aussi les effets de
l'offensive de la guérilla de novembre 1989 qui a fait évoluer
vers de véritables négociations. Les guérilleros du FMLN,
conscients qu'ils ne pouvaient pas remporter l'assaut final à travers
cette offensive de 1989, agissaient dans l'idée de montrer non seulement
qu'ils ne sont pas affaiblis comme certains peuvent le croire et le
penser ; mais aussi c'était une manière pour eux de
renforcer leurs positions dans les négociations.
Sur le plan externe, nous pouvons noter d'autres
facteurs qui ont fait évoluer le Salvador de la donne de la guerre
civile à la donne de véritables assises ouvrant la voie à
l'instauration de la paix. En effet, comme nous l'avons montré dans les
chapitres précédents, l'ingérence des Etats-Unis dans les
affaires des pays latino-américains en l'occurrence au Salvador pendant
la période de guerre civile, a été vivement forte.
Cependant pour qu'on arrive à mettre fin à un long conflit ou
pour arriver à un apaisement dans le pays, il faut que les forces
extérieures qui participent d'une manière ou d'une autre au
conflit en soutenant les différents protagonistes de ce conflit,
acceptent de rentrer dans la dynamique de la recherche de la paix.
En ce sens que vers la fin de l'année 1989 et le
début des années 90, Washington va peser de tout son poids chaque
fois davantage pour parvenir à une résolution rapide et
négociée du conflit salvadorien. Pour la nouvelle administration
américaine dirigée par le président Bush, le Salvador
devient l'un des problèmes de taille dans l'agenda de la politique
étrangère américaine dans le monde latino-américain
auquel il faut trouver une solution. Pour des raisons différentes,
l'attitude du Congrès nord-américain va dans le même
sens : si lors de l'offensive de novembre, il a voté le
rétablissement de l'aide militaire, conditionnée depuis la
victoire électorale d'Alfredo Cristiani, il réintroduit de
nouvelles restrictions, lors de la publication du rapport Moakley, puis du vote
en octobre 1990 de l'amendement Dolle81(*). L'ensemble de ces circonstances constitue autant de
pressions pour le gouvernement Cristiani qui sait que le caractère
indéfectible du soutien de Washington dépend de l'avancée
significative des négociations (Garibay 2003 : 442).
En outre, même le régime sandiniste qui a souvent
soutenu la guérilla du FMLN, a accéléré le
calendrier électoral dans son pays pour permettre la tenue
d'élections libres, avec participation pleine de l'opposition, en
février 1990.
De plus le contexte international a changé. Les effets
de la Guerre froide s'adoucissaient et les deux blocs incarnés par les
deux super-grands (Les Etats-Unis et l'URSS) rentraient dans une phase de
détente puis coexistèrent pacifiquement. La chute du mur de
Berlin en 1989 sonna le glas à un contexte international changeant et
eut une certaine influence dans le monde latino-américain. La
guérilla du FMLN va commencer par perdre le soutien dont il
bénéficiait de Moscou. C'est pourquoi, pour affirmer d'une
certaine manière son existence autonome et montrer que sa force n'est
pas liée exclusivement à ses soutiens internationaux qui
d'ailleurs commençaient à perdre leurs influences, que le FMLN va
lancer son insurrection de novembre 1989.
Dans la logique du processus de négociations qui a
conduit à la paix au Salvador, il faut sans doute souligner que la route
qui a conduit aux Accords de paix de 1992 a enregistré des hauts et des
bas. En effet, l'offensive de 1989 déclenchée par la
guérilla empêchera le cours des rencontres de dialogues entre le
gouvernement et la guérilla. Cet arrêt des négociations fut
momentané car les discussions vont reprendre surtout avec la
médiation des Nations unies.
C'est ainsi que, les deux parties sollicitent rapidement
l'aide du Secrétariat général des Nations unies, et pour
la première fois de la guerre, les premières rencontres
aboutissent sur des textes qui vont constituer des bases pour
d'éventuelles négociations.
Le 4 avril 1990, les parties s'engagent par l'Accord de
Genève à rechercher une solution politique au conflit, sous la
médiation des Nations unies (Garibay 2003 : 442). Un mois
après, du 16 au 21 mai à Caracas, les thèmes et le
calendrier des négociations à venir sont établis :
les accords sur le devenir des forces armées, les droits de l'homme, les
reformes du système judiciaire, électoral et constitutionnel et
les thèmes socio-économiques constituent les points de l'agenda
des discussions à venir et conditionnent in fine le
cessez-le-feu et l'accord de paix final (Garibay 2003 : 442).
Les négociations se poursuivirent par des
séries de rencontres dans différents pays. Certaines de ces
rencontres n'aboutissent pas à des résultats encourageants tandis
que d'autres feront évoluer les négociations. Toujours est-il
qu'il existait une volonté manifeste des deux parties de parvenir
à la résolution rapide du conflit. Cette volonté
était confortée non seulement par l'engagement que prirent les
deux grands Mikhaïl Gorbatchev et George Bush82(*) pour la résolution des
conflits en Amérique centrale lors du sommet de Moscou (fin juillet
1991) mais aussi par l'appui onusien à la résolution du conflit
à travers la Mission des Nations unies au Salvador (Onusal) dont les
activités démarrèrent le 26 juillet 1991 (Garibay
2003 : 447).
Après les dernières discussions (les
dernières négociations ont eu lieu à Mexico du 11 au 22
octobre et 5 au 15 novembre 1991 puis à San Miguel de Allende du 25
novembre au 11 décembre 1991), les Accords de paix, scellant la fin du
conflit au Salvador, sont formellement signés à Mexico le 16
janvier 1992.
1.2. Les clauses des Accords de paix de 1992
A la sortie d'une longue guerre civile qui a
ravagé le pays ; pour panser les plaies et blessures et s'inscrire
dans la logique de réconciliation nationale, il était cependant
important de commencer par guérir les
blessures causées par les deux camps à l'ensemble de la
société salvadorienne. L'accord de paix signé à
Chapultepec (Mexique) le 16 janvier 1992, sous l'égide des Nations
unies, fut le moyen d'y parvenir (Villalobos 1999 : 141-142). Un ensemble
de mesures concernant l'armée, la police, le système
électoral et le pouvoir judiciaire allait transformer la
société ; les programmes de réinsertion dans la vie
civile pour les ex-commandants des deux bords devaient garantir le
désarmement et empêcher le retour à la guerre ; et des
mesures comme la création de la Commission de vérité,
l'épuration de l'armée et l'amnistie régleraient la
question du passé. Assurer la pacification par des dispositions
concernant de façon à la fois réaliste et
équilibrée le passé, le présent et l'avenir, tel
était en somme le contenu de l'accord (Villalobos 1999 : 142).
En effet concernant l'armée, elle est désormais
soumise au pouvoir civil, son statut constitutionnel est normalisé et
elle cesse d'être considérée comme la garante des
institutions de la république. Elle devra démobiliser tous les
bataillons spéciaux entraînés pour la lutte
anti-insurrectionnelle, réduire de moitié ses effectifs, qui
doivent passer de 80 000 à 40 000 hommes, dissoudre les
unités de police qui en dépendent (Policia de
Hacienda, Policia Nacional et Guardia Nacional),
ainsi que les services d'intelligence (Garibay 2003 : 450). Ses officiers
supérieurs devront répondre des crimes des droits de l'homme
commis pendant le conflit à travers des mécanismes prévus
par la Commission ad hoc et par la Commission de vérité.
Les fonctions de police sont dévolues désormais à une
nouvelle police civile (Policia Nacional Civil) qui ne sera plus un
corps militaire et qui devra être composée majoritairement de
personnes n'ayant pas combattu dans aucun des deux camps (Garibay 2003 :
450).
En ce qui concerne le pouvoir judiciaire, des reformes
également furent instituées. Le système judiciaire fut
donc reformé dans le sens d'une large indépendance
vis-à-vis du pouvoir exécutif. Une Procuraduría
sur les questions des droits de l'homme fut instituée mais aussi une
instance chargée de vérifier les processus électoraux
également dans le sens d'une grande indépendance vis-à-vis
de l'exécutif et des partis politiques.
Ensuite en ce qui concerne les reformes sur le plan
socio-économique, il faut noter qu'un ensemble de mesures furent
prévues principalement sur le transfert de terres aux anciens membres de
la guérilla, sur la légalisation des terres occupées et
sur la mise en place d'un forum sur les questions socio-économiques,
avec la participation du gouvernement, des représentants du patronat et
du syndicat.
En outre les Accords de paix comportent un point précis
et clé relatif à la participation politique du FMLN. En ce sens
les Accords prévoient la démobilisation des effectifs de la
guérilla, sa démilitarisation parallèle à celle de
l'armée et la livraison puis la destruction de tout le matériel
de guerre.
Enfin les Accords de paix prévoient la
légalisation du FMLN en parti politique prévue pour le
1er mai 1992 une fois que la démobilisation de ces forces
combattantes et la démilitarisation seront assurées. La pleine
liberté d'expression et d'exercice des droits civiques de ses membres,
avec les mesures de sécurité qui s'imposent, devraient être
garanties. Néanmoins, cette transformation ne pourra avoir d'effets en
termes politiques et institutionnels qu'à partir des élections
suivantes, programmées pour le 19 mars 1994, soit plus de deux ans
après la signature de la paix, et près de 18 mois après la
date prévue pour la fin de sa démobilisation83(*) (Garibay 2003 : 451). La
démobilisation des deux camps est programmée en plusieurs phases
et doit se terminer le 31 octobre 1992 ; mais elle prendra beaucoup plus
de temps que prévu, pour des raisons imputables aux deux parties, et la
fin officielle du conflit sera finalement annoncée le 15 décembre
1992 (Garibay 2003 : 448).
Par ailleurs la question de la terre, qui fut un
problème majeur au Salvador et qui a accentué les
inégalités sociales et les violences dans les pays, fut
abordée par les Accords de paix. Là où les
différentes reformes agraires et surtout celles de 1980 ont
échoué, les Accords de paix ont réussi d'une certaine
manière relativement à éliminer le problème de
terre. Ceci grâce à un programme de transferts de terres aux
anciens combattants des deux bords.
Entre janvier 1992 et mars 1994 la polarisation de la
vie politique salvadorienne s'accentue sur la question de la mise en oeuvre des
accords. À ce moment se généralise l'idée que
l'effective application des Accords de paix deviendra le signe tangible de la
démocratisation du pays (Garibay 2003 : 452). Mais très vite
les Accords de paix virent leur applicabilité être difficiles.
En effet une situation difficile se posait en ce qui concerne
la mise en oeuvre des mesures décidées durant l'année
1992. Très rapidement, les retards et les louvoiements du gouvernement
et de l'armée dans l'application des dispositions, en particulier dans
un premier temps sur la démobilisation des unités de police
militaire et des bataillons anti-insurrectionnels, puis sur l'épuration
des officiers impliqués dans des crimes contre les droits de l'homme et
plus tard sur les programmes de distribution de terres, sont utilisées
comme prétextes par le FMLN pour retarder sa propre
démobilisation (Garibay 2003 : 452).
En outre, pour de nombreux dirigeants du FMLN, les armes ont
représenté non seulement une force essentielle qui a permis de
mettre en échec le gouvernement et l'armée pendant la guerre
civile, mais aussi constituent un moyen de pression dont dispose l'organisation
pendant la période qui suit la signature de la paix. Par exemple,
l'explosion d'armes appartenant au FMLN à Managua (Nicaragua) le 23 mai
1993 témoigne encore que le FMLN a conservé une partie
significative de ses meilleures armes et montre comment les armes demeurent une
garantie incontournable pour la réalisation effective des Accords de
paix dans un contexte de profonde méfiance vis-à-vis de
l'armée. Or, cette situation contribue à prolonger la
période de transition, puisqu'elle retarde la transformation formelle de
l'ancienne guérilla en parti politique. Cette transformation
prévue pour le 1er mai ne sera effective que huit mois plus
tard, à la mi-décembre.
Par ailleurs ces Accords de paix portèrent en eux des
lacunes et insuffisances qui pourraient entraver le processus de paix dans le
pays. Villalobos (1995 : 143-144) les résume en ces termes :
« Celui qui portait sur la commission
chargée d'épurer l'armée ne précisait pas les
modalités d'application, ni s'il serait ou non rendu public ; il
n'y avait pas de programmes spécifiques de réinsertion pour les
chefs de la guérilla, dont certains avaient pris le maquis depuis vingt
ans ; l'Etat n'assurait pas la sécurité des dirigeants du
FMLN84(*) ; il n'y
avait pas non plus de dispositions visant à réinsérer dans
la vie civile des officiers ayant fait l'objet de l'épuration ; la
date d'entrée en vigueur de l'amnistie n'était pas
fixée ; et il n'était pas garanti que les terres,
très productives, qui étaient aux mains de la guérilla
seraient effectivement transférées aux anciens
combattants. La sécurité des dirigeants du FMLN était
essentielle pour le déroulement du processus ; l'assassinat, en
octobre 1993, de deux de ses chefs provoqua une crise.».
Ces Accords en outre eurent une incidence sur la composition
du FMLN car, des négociations et de l'Accord de paix intervinrent des
brouilles dont nous ne manquerons pas d'élucider quand nous serons dans
la partie concernant les scissions intervenues au sein des
ex-guérilleros dans le chapitre suivant. Ces lacunes donc furent l'objet
de renégociation, ceci dans le but d'améliorer le processus
d'instauration d'un climat de paix au Salvador à la sortie d'une longue
guerre civile.
2. L'instauration d'un climat de paix
La guerre civile qui a duré pendant douze ans au
Salvador, a opposé les forces armées salvadoriennes soutenues par
les Etats-Unis et le FMLN, une alliance de cinq groupes de gauche
appuyée par Cuba, par le Nicaragua sandiniste et par l'Union
soviétique. Les forces armées salvadoriennes massacrent et
déplacent sans discrimination des paysans vivant dans la zone où
opère le FMLN. Le FMLN assassine l'opposition politique. La justice
n'est pas en mesure d'en imputer la responsabilité aux
perpétrateurs.
Lorsque l'affrontement entre les deux Blocs s'atténue
et par conséquent que le flux d'aide cesse, il est évident que,
de part et d'autre, il ne peut y avoir de victoire nette. Cela mène
à des négociations pour la paix sous la médiation des
Nations Unies et enfin, en 1992, aux Accords de paix mettant fin à la
guerre.
Les Accords préconisent diverses mesures de confiance
de nature à dissiper la profonde méfiance entre les groupes et
à établir une interprétation commune des
évènements passés. L'une de ces mesures est une Commission
pour établir la vérité sur les pires exactions commises
pendant la guerre. Ces mesures ont pour but de contribuer à
l'instauration d'un climat de paix. Ce climat de paix pour le maintenir, fut
suivi par des organes pour s'assurer de l'aboutissement du processus
apaisé. C'est ainsi que l'entremise des Nations Unies dans les
négociations, a conduit à une mission de paix (Onusal) qui aura
pour tâche de s'assurer du respect et du suivi des clauses des Accords de
paix.
Mis à part elle, il y a eu la mise en place de la
Commission de Vérité (CV). Celle-ci placée sous
l'égide de l'Onu, était chargée d'enquêter, de faire
la lumière sur la situation de violations des droits humains et les
responsables des atrocités et des meurtres au cours de la guerre civile.
2.1. La Mission des Nations Unies
C'est à la recherche de la paix que les protagonistes
du conflit au Salvador vont aller solliciter l'appui onusien pour un
règlement pacifique de la crise salvadorienne. Le 4 avril 1990, les deux
parties s'engagent par l'Accord de Genève, à rechercher une
solution politique au conflit, sous la médiation des Nations unies.
C'est ainsi que par résolution 693 du Conseil de sécurité
de l'Onu fut créée la Mission d'Observation des Nations unies en
El Salvador (Onusal), composée de près 380 observateurs
militaires, 8 médecins et 631 observateurs de police85(*). L'Onusal avait pour mission
de vérifier l'application de tous les accords négociés par
le gouvernement salvadorien et le FMLN, en vue de mettre un terme à
douze ans de guerre civile.
Pour retracer le rôle de la mission de l'Onu au
Salvador, nous nous sommes appuyés sur les résumés de
l'ouvrage Sur le chemin de la paix de Michel Lelièvre86(*), dans l'article
intitulé « Sur le chemin de la paix avec l'Onu au
Salvador » disponible sur le site www.Irenees.net. C'est
à travers cet article que nous avions dégagé les
idées essentielles de ce qui était dévolu à
l'Onusal.
Après la signature des accords finaux de paix à
Chapultepec (Mexico), le 16 janvier 1992, la mission de l'Onu, initialement
centrée sur l'observation du respect des Accords de paix, voit son
mandat s'élargir. Elle est désormais chargée d'une part,
de veiller à la cessation des actes de combat (il est
précisé que les Nations unies devront vérifier la
réalité du cessez-le-feu, la séparation et le regroupement
des forces), et d'autre part, de dissoudre les anciens corps de police (issus
des forces armées) et de créer une nouvelle police
entièrement civile sous le contrôle des Nations unies qui devra
assurer la vérification du maintien de l'ordre public jusqu'au
déploiement total de ce nouveau corps. Ainsi l'Onusal va s'organiser sur
divers plans pour bien assurer sa mission. La mission se décline en
trois divisions.
Le premier plan concerne, la division des droits de l'homme,
qui poursuivit le travail entrepris précédemment et conserva la
responsabilité de la vérification du respect des accords de paix
(accords de San José, juillet 1990) concernant le respect des droits de
l'homme.
Le second plan concerne, la division militaire qui fut en
charge de vérifier l'applicabilité du cessez-le-feu, de la part
des forces gouvernementales comme des unités de la guérilla.
Parallèlement, la division organise le désarmement progressif des
combattants et le contrôle de la circulation des armes.
Enfin, le dernier plan concerne la division de la police, qui
eut pour objectif essentiel de remplacer les trois corps de police existants
(Garde nationale, Police financière et Police nationale) en une force
unique entièrement nouvelle, la Police nationale civile, aux effectifs
et au commandement totalement indépendants des forces armées,
à la différence de la situation antérieure où les
anciens corps de sécurité publique étaient en fait des
unités militaires.
Par ailleurs au-delà de la mission de reconstruction
de la paix qui lui incombait, l'Onusal participa, d'une certaine manière
à l'organisation des élections générales
(présidentielles, législatives et municipales). Celles-ci se
tiennent en mars 1994 et constituent la première consultation depuis le
retour à la paix. Le bon déroulement du processus
électoral et l'analyse des résultats de ces élections
témoignent du chemin parcouru depuis les Accords de paix et
présentent, en dépit de quelques incidents, des gages de
l'engagement du pays sur une voie démocratique. Quand au mandat de
l'Onusal, il s'est achevé le 30 avril 1995.
Cependant, le chemin de la reconstruction est encore
long : l'appui financier, économique et politique de la
communauté internationale sera déterminant pour s'assurer de la
pérennité des efforts de l'Onusal. Les efforts de l'Onusal furent
poursuivis dans le cadre de l'apaisement total dans le pays par une
deuxième mission beaucoup plus réduite. Il s'agit de la mission
des Nations unies au Salvador (Minusal), composée d'un petit groupe de
civils des Nations unies restée au Salvador pour fournir ses bons
offices aux parties et contrôler l'application des points non
réglés des Accords de paix.
Mis à part l'appui onusien pour un règlement
pacifique du conflit au Salvador, les Accords de paix ont aussi prévu
des organes dont notamment la Commission de vérité pour assurer
le bon processus de l'instauration de la paix.
2.2. La Commission de vérité (CV)
Au Salvador, les négociations surtout celles qui
aboutirent aux Accords de paix furent des négociations directes
où gouvernement de droite, l'armée et le FMLN y
participèrent. Ceci dans le but de rendre celles-ci efficaces et
fructueuses. Mais un problème se posait faudrait-il traduire les
négociateurs en justice dans la mesure où ceux-ci ont
été entre autres des protagonistes de la guerre et que chacun
d'eux d'une certaine manière ont commis des exactions et violer les
droits de l'homme à des degrés différents ? Si oui,
le processus de négociations risquerait d'être bloqué.
C'est pour pallier à cette difficulté qu'il a été
proposé la création d'une commission chargée de faire la
lumière sur la guerre civile salvadorienne. C'est dans ce sillage que
finalement les deux parties s'entendirent pour déléguer le
Secrétaire général des Nations unies la mission de former
une Commission de vérité composée de trois membres
étrangers au Salvador87(*). Ce furent Belisario Betancur, ancien
président de la Colombie, Reinaldo Figueredo, ancien ministre des
affaires étrangères du Venezuela, et le juriste américain
Thomas Buergental (Villalobos 1999 : 148). Ces personnalités
internationales de hauts rangs furent choisies sans doute parce qu'ils sont un
exemple dans la vie politique et sociale de leur pays, parce qu'ils jouissent
d'un certain prestige dans la défense des droits de l'homme sur le plan
national qu'international et surtout pour qu'ils soient impartiaux dans leurs
tâches. Mais cela ne nous empêche pas de jeter un regard critique
sur la composition des membres de cette Commission. Même si en
évitant le parti pris dans les affaires salvadoriennes, on ne pouvait
pas empêcher le fait qu'étant étrangers au Salvador, ils ne
connaîtront pas bien les réalités salvadoriennes et
certaines de leurs recommandations risquent de ne pas cadrer avec ces
réalités. C'est le cas par exemple où une de leurs
recommandations interdisait pour dix ans aux dirigeants du FMLN et aux
responsables de l'armée toute charge publique et de les écarter
à vie de toute fonction dans la sécurité ou la
défense. Cette recommandation fut invalidée au motif qu'elle
violait la Constitution en privant de leurs droits des individus qui n'avaient
pas faits l'objet de poursuites judiciaires (Villalobos 1999 : 148).
Il faut ajouter aussi que si l'un des objectifs des Accords de
paix c'était que, ceux qui utilisaient la violence comme moyen de lutte
politique, l'abandonnent au profit de méthodes démocratiques
c'est-à-dire passent par des élections transparentes et libres
pour accéder au pouvoir. Il n'était donc pas question d'exclure
du jeu politique les ex-militaires et les ex-guérilleros ; mais
cela plutôt impliquait une mutation de la guérilla en parti
politique et la soumission de l'armée au pouvoir civil. Quelle a
été donc le rôle dévolu à cette dite
Commission ?
La Commission de vérité (CV) était une
instance d'enquête et de vérification et non de condamnation dont
l'objectif était de promouvoir la réconciliation nationale au
Salvador. Néanmoins nous pensons que c'est compte tenu du fait que la
Commission pensait que ses travaux ne seraient pas relayés par la
justice salvadorienne - une justice qui n'a pas su faire ses preuves par
le passé de par son inaction à mettre fin à
l'impunité- que les membres de la Commission décidèrent de
rendre publics les noms des personnes reconnues comme responsables et faire
recommander les interdictions de ceux-ci aux charges publiques comme nous
l'avions souligné tantôt.
La Commission devait enquêter surtout sur les faits
survenus depuis 1980 et agir avec discrétion pendant une période
limitée à six mois, mais qui peut être prolongée
à trois mois de plus. Parmi ces prérogatives, on peut dire que la
Commission avait dans le cadre du recueillement d'informations, la
possibilité et le droit de s'entretenir librement et en privé
avec les personnes de son choix, de demander des informations et des documents
aux parties et de visiter tous lieux sans préavis. C'est dans ce sillage
qu'elle interrogea les représentants du gouvernement, les
autorités religieuses, les membres d'organisations civiles, associatives
et syndicales, des représentants des médias, la direction du FMLN
et les responsables locaux etc. Cette collecte de renseignements permet donc
d'avoir une idée globale des événements qui se sont
produits au cours des douze années de guerre civile. Par ailleurs la
Commission pouvait exprimer des recommandations et devait remettre un rapport
au Secrétaire général des Nations unies après sa
mission afin qu'on le publie88(*).
Par rapport à la mission qui lui incombait, ladite
Commission avait besoin de beaucoup de moyens. Les moyens ne manquèrent
pas ou du moins ce qui pourrait permettre à la CV de mieux fonctionner.
Il lui a fallu du personnel et des moyens financiers. Mis à part les
trois commissaires nommés par le Secrétaire général
de l'Onu, il a été décidé que le reste du personnel
pour cause d'impartialité qu'aucun ressortissant du pays n'y sera
recruté pour travailler : « Le personnel se
compose donc de juristes, de sociologues, d'anthropologues légistes et
de travailleurs sociaux originaires d'autres pays d'Amérique latine, des
Etats-Unis et d'Europe. Comparée aux Commissions vérité
chiliennes, la Commission a beaucoup de moyens. Elle dispose d'un budget de
fonctionnement de 2,5 millions $. Le personnel de la Commission
vérité établit plusieurs bureaux dans le pays et met en
place une politique de «portes ouvertes. » Elle demande
instamment aux témoins et aux victimes de communiquer leurs
renseignements. »89(*).
Cependant il faut souligner que les tâches de la CV ne
furent pas chose aisées. Il n'était pas facile de recueillir des
informations dans un contexte d'après guerre caractérisé
par une certaine méfiance et un manque de confiance envers les membres
de la Commission. Et de plus cette Commission intervient juste après la
cessation des violences et du conflit. Ainsi donc les gens doutent,
hésitent à donner des informations et ne savent pas encore si la
paix sera précaire ou bien durable.
Néanmoins malgré ces quelques difficultés
la CV a essayé de faire son travail et a présenté son
rapport final. Rapport final dans lequel une série recommandations
furent prises à savoir : une réforme des forces
armées et le licenciement des officiers de l'armée et des
officiers civils coupables de violence, une réforme judiciaire
(réforme de la Cour Suprême de Justice et du Conseil national du
Judiciaire, épuration du personnel judiciaire, réforme sur
l'administration de la Justice), une réforme du secteur de la
sécurité publique, une enquête sur les anciens groupes
illégaux ainsi que diverses mesures sur la protection des droits humains
(le renforcement du Bureau du Conseil national pour la défense des
droits humains, le renforcement de certaines procédures, le respect de
certains principes, la ratification de divers instruments internationaux, la
reconnaissance de la compétence de la Cour interaméricaine des
Droits de l'Homme). Les victimes et leur famille doivent avoir droit à
une compensation matérielle et morale. Pour ce qui est de la
compensation matérielle, la Commission recommande la création
d'un fonds spécial (en prévoyant son organisation et son
financement). Quant à la compensation morale, la Commission conseille la
reconnaissance des victimes et des crimes commis, la construction d'un monument
national portant les noms des victimes, et l'instauration d'un jour
férié national en mémoire des victimes du conflit90(*). Par rapport à sa
mission, quel bilan pouvions-nous tirer de l'action de la CV ?
Le bilan reste mitigé car les travaux de la CV eurent
des aspects positifs tout comme négatifs. A court terme, le bilan est
plutôt positif même si quelques faiblesses et lacunes sont à
constater, telles que la courte durée de son activité qui l'a
obligée à concentrer ses activités sur les cas les plus
importants. La Commission de vérité a exécuté une
tâche certes difficile mais qui à l'issue a fait sortir un rapport
dans lequel, des recommandations furent émises.
Cependant, les recommandations de la Commission n'ont
été que partiellement appliquées et souvent avec du retard
et ce probablement en raison de la nature même des recommandations
basées sur des principes internationaux parfois éloignés
de la réalité au Salvador. De plus même si le rapport a mis
en évidence le nom des principaux coupables des exactions les plus
importantes, cinq jours plus tard, conformément à l'accord
signé entre le FMLN et le Président de la république,
la Ley de Amnistía General para la Consolidación de
la Paz 91(*)(Loi
d'amnistie générale pour la consolidation de la paix) est
promulguée. Ce qui donc est une loi relevant d'un acte politique et qui
permet de ne pas poursuivre judiciairement les auteurs des violences et
violations des droits humains au cours de guerre civile. En plus de ces lacunes
précitées, d'autres encore sont des aspects de faiblesses selon
l'ex-commandante de l'ERP, Joaquin Villalobos. Celui-ci note donc dans l'un de
ses articles ces points négatifs : « La Commission
fut au-dessous de sa tâche sur quatre points :
- son rapport ne fut pas équilibré. D'un
côté elle fit porter la responsabilité sur la seule
armée et, de l'autre, sur un seul des cinq groupes de la
guérilla, l'ERP. Elle ne mentionna ni la responsabilité
concrète des Etats-Unis ni celle du patronat92(*) dans la
répression ;
- elle recommanda des mesures allant à l'encontre
de la nature de l'accord et de la légalité en demandant
d'interdire toute action politique à certains des assignés (dont
l'auteur de cet article ou en reclamant la démission du président
de la Cour suprême ;
- elle n'encouragea pas l'aveu comme mécanisme de
réconciliation. Bien au contraire, elle le punit. Et, en évitant
dans bien des cas d'aller au fonds des choses, elle se montra disposée
à éluder des responsabilités
différentes ;
- elle ne recommanda pas que les parties demandent pardon
à la société. » (Villalobos 1999 :
150).
Néanmoins au-delà des ces faiblesses et lacunes,
il faut quand même reconnaître que la CV eut des effets positifs.
Elle eut un rôle positif car elle rendit publique les enquêtes sur
l'assassinat de Mgr Romero en 1980, sur celui des pères jésuites,
sur le massacre d'El Mozote et sur d'autres événements de
violations des droits humains d'une grande portée historique.
Par ailleurs, il faut noter que ces Accords de paix qui
étaient censés contribuer à promouvoir la
réconciliation et l'union de tous les salvadoriens, a aussi
été source de division notamment entre les ex-guérilleros
du FMLN. Nous y reviendrons beaucoup plus en détails dans le chapitre
suivant.
En définitive les travaux de la CV qui ont
été rendus publics dans un rapport, ont aussi abouti à des
conclusions et résultats. Les travaux de la Commission rendent
responsables les Forces armées, la police ou les groupes paramilitaires
pour 95 % des actes de violations des droits de l'homme commis pendant la
guerre civile. Seuls les 5 % restants sont attribués au FMLN,
essentiellement dans le cas d'enlèvements et exécutions de maires
dans les zones de présence de la guérilla (Garibay
2003 :455).
L'apport de la CV au processus de réconciliation
nationale au Salvador a été d'une grande importance jusqu'au
point où certains pays qui ont traversé ces genres de crises ou
situations, ou bien qui sont en train de faire les expériences de
réconciliation nationale, pourraient s'en inspirer. On peut citer
actuellement le cas du Togo avec la Commission vérité justice et
réconciliation qui s'attèle à réconcilier tous les
Togolais. Il est bien vrai que le Togo n'a pas connu une guerre civile
similaire au Salvador, mais ladite Commission peut s'inspirer à quelques
près des travaux de la CV salvadorienne, mis à part celle de
l'Afrique du Sud afin d'atteindre les objectifs qui lui sont
assignés.
En somme, le processus de négociation qui a
conduit aux Accords de paix a été ardu. Malgré les
nombreux échecs, la solution d'un conflit négocié fut
trouvée : c'est la signature des Accords de paix de Chapultepec au
Mexique 1992, lui-même résultant d'un long processus de
discussions entre forces gouvernementales et dirigeants du FMLN. Ces Accords de
paix portaient sur le cessez le feu, la réduction de l'armée
salvadorienne, la démobilisation des guérilleros et leur
réinsertion, l'évacuation des zones de contrôle etc.
Par ailleurs pour mieux assurer le suivi des clauses des
Accords, la mission de paix des Nations Unies et la Commission de
vérité mise en place se chargeaient respectivement du suivi du
processus de paix et de faire la lumière sur les actes posés par
les forces impliquées dans la guerre civile.
Les Accords de paix vont entraîner des changements en ce
qui concerne la guérilla du FMLN. En effet le FMLN se transforme en
parti politique et s'insère de nouveau dans le paysage politique sous
une autre bannière : celui d'un nouveau parti politique de gauche
issu de l'ex-guérilla du même nom, en quête du pouvoir.
Chapitre 6 : LA MUTATION ET L'ENRACINEMENT DU
FMLN
A partir de janvier 1992, les Accords de paix mettent fin
à douze ans de guerre civile et exposent un certain nombre mesures pour
l'instauration de la paix et sa garantie. Parmi ces mesures, il est
prévu que le mouvement de guérilla du FMLN démobilise ses
forces combattantes et intègre l'atmosphère politique en tant que
parti politique. De ce fait, en quoi la mutation du FMLN de guérilla en
parti politique a contribué à son enracinement, à sa prise
du pouvoir et à la démocratisation du Salvador ?
C'est à cette question que nous essayerons d'apporter
des éléments de réponses.
1. La mutation du FMLN
La guérilla salvadorienne du FMLN a
négocié avec le gouvernement en place la fin d'un conflit
armé et sa transformation en parti politique, ceci dans le cadre d'une
reforme des institutions politiques permettant une pratique plus
démocratique. La métamorphose ou la mutation devait suivre une
logique donnée qui s'inscrit dans un processus temporaire qui y va de la
signature des Accords de paix à la première participation
à des élections libres et transparentes.
Mais à l'issue des Accords de paix qui stipulaient une
transformation de la guérilla en parti politique une fois sa
démobilisation et sa démilitarisation achevée ; il
faut noter que l'ex-guérilla va rencontrer des difficultés en ce
qui concerne sa composition, difficultés qui aboutiront à des
scissions internes.
1.1. La transformation de guérilla en parti
politique
Après les Accords de paix signés au Mexique le
16 janvier 1992, le FMLN conformément à ces mêmes Accords,
a progressivement enclenché son processus de transformation de son
statut de mouvement de guérilla pendant la guerre civile à un
statut de parti politique. La création du nouveau parti est
conditionnée à l'effectivité de la démobilisation
de ses forces combattantes et à la remise de ses dernières armes.
C'est en Août 1993 que la guérilla remet ses
dernières armes, ce qui permet au FMLN de devenir un parti politique et
de tenir sa première convention nationale en tant que tel le mois
suivant (Garibay 2003 : 489). Juste après la fin de la guerre
civile, le nouveau parti politique en constitution a gardé toujours la
dénomination de l'ex-guérilla (FMLN). Le choix de ce nom a
été débattu et a reposé sur des
considérations historiques. En effet ce sont chacune des cinq
composantes du FMLN qui ont fait la lutte armée, mais c'est aussi au nom
du Frente (FMLN) qu'ils sont allés aux négociations et
que la paix a été signée.
Le choix de ce nom, et plus tard de la dissolution des
composantes du FMLN (ERP, PRTC, FPL, RN, PCS), témoigne de cette
volonté de combiner la mémoire des années de la lutte et
le rappel de l'obtention de la paix par la négociation. Le nouveau parti
politique en constitution devra s'organiser sur de nouvelles bases. C'est ainsi
que la campagne pour les élections de 1994 accélèrent le
mode d'organisation du nouveau parti issu de l'ex-guérilla. La
Comandancia general disparaît, remplacée par le poste de
Coordinador general, dont le premier titulaire n'est nommé
qu'après les élections. Quatorze délégués,
nommés par l'organisation majoritaire dans chaque département du
pays, viennent s'ajouter au Consejo Nacional (Garibay 2003 :
459).
Cependant, le nouveau parti politique en constitution devait
très rapidement faire face à des séries de crises dont
celles qui entraîneront des scissions dues aux désaccords sur le
plan idéologique et politique en son sein. Ces désaccords se
solderont par le départ de quelques membres et des dirigeants de l'ERP
à l'instar du commandante Joaquín Villalobos et des
dirigeants de la RN peu après les élections législatives
de 1994.
1.2. Les crises internes au sein du FMLN et les approches
de solution
Le FMLN n'a jamais été homogène. Ce fut
un regroupement de groupes ou organisations politiques plus ou moins ayant
différentes conceptions sur le plan idéologique ; mais qui
en vertu de la lutte contre les inégalités sociales et pour la
libération nationale, se sont mis ensemble pour unir leurs forces et
atteindre des objectifs communs. Mais lors des négociations qui
menèrent aux Accords de paix de 1992 mettant fin à la guerre
civile, vont surgir des divisions au sein de l'ex-guérilla. Lors de ces
négociations, les divisions internes se font jour ouvertement au sein de
l'ancienne guérilla, certains cherchant à faire prévaloir
les textes des Accords de paix dans leur version originelle, d'autres
privilégiant une renégociation concertée de certaines
modalités pour éviter d'éventuelles réactions de
l'armée ou des secteurs les plus durs de la droite (Garibay 2003 :
454). Mais à cette occasion, les divisions conduisent la direction de
l'ERP à rechercher des soutiens à sa position auprès de
ses adversaires d'hier contre leurs propres anciens camarades d'armes, pour des
raisons qui tiennent compte à la fois d'analyses politiques sur la
situation et d'intérêts institutionnels bien compris (Garibay
2003 : 454).
La fracture opposait en effet d'une part l'ERP et la RN, et de
l'autre les trois autres organisations FPL, PCS, et PRTC. Joaquin Villalobos
justifie le fait qu'il soit sorti du FMLN peu après 1994 du fait des
divergences d'idées sur les Accords, du fait qu'il soit mal compris et
accusé de traître.
En effet, le commandante Villalobos suite à
quelques échecs dans les négociations entre le Commandement
général du FMLN et le Président du Salvador, s'engagea
dans des réunions informelles dans la résidence d'Iqbal
Riza93(*) pour signer un
accord avec le Président Cristiani au nom de l'ERP94(*) face à la crise
engendrée par l'échec des négociations entre M. Cristiani
et le Commandement général du FMLN. De ce fait, cet accord ne fut
pas bien vu par le Commandement général du FMLN et Joaquin
Villalobos fut accusé par celui-ci de traître pour avoir
signé seul un accord avec le Président Cristiani. Mais pourquoi
le commandante de l'ERP a-t-il signé un accord avec le
président Cristiani ?
Le discours de l'ERP, et en particulier Joaquín
Villalobos, mêle à cette occasion une volonté de
concertation et de modération dans les discussions avec le gouvernement
et l'armée, et un intérêt à voir le commandement de
son organisation amnistiée rapidement. Il savait en effet que les
actions de la guérilla sur lesquelles la Commission de
vérité portait ses enquêtes étaient essentiellement
les assassinats des maires dans les zones de conflits, plus d'autres d'actions
isolées (assassinats de personnalités de la vie politique
salvadorienne, d'anciens membres du FMLN déserteurs, des responsables
d'ONGs, attentat de la Zona Rosa contre les marines,
séquestration de Inès Duarte95(*), exécution des officiers survivants de
l'hélicoptère de l'armée nord-américaine).
L'exécution des maires était la seule action sur laquelle la
Commission pouvait faire porter la responsabilité sur l'ensemble du
commandement de l'organisation incriminée, dans ce cas l'ERP. Celle-ci
dans un geste de transparence, reconnut sa responsabilité à la
Commission de Vérité (Garibay 2003 : 454).
La scission au sein du FMLN va entraîner la faction
dissidente à aller se constituer en parti politique. Cette faction
dissidente du FMLN ira fonder « une nouvelle organisation
politique, le Partido Demócrata, d'orientation sociale-démocrate,
qui va se situer dans une ligne politique de gauche
réformiste » (Garibay 2003 : 473).
D'une manière générale, la scission
produit des effets relativement forts. Elle n'a pas réussi à
rallier un nombre important de membres et de dirigeants de l'ex - mouvement de
guérilla ; quand même elle a porté un coup dur
à la consolidation du nouveau parti. En effet, très rapidement la
scission échoue à rallier au-delà des dirigeants des
organisations dissidentes. Si la quasi-totalité des anciens combattants
et de cadres moyens reste au FMLN, la scission contribue néanmoins
à accroître la faiblesse du FMLN.
Confronté à une situation délicate
à la fin de 1994 due aux tensions internes et la scission, le FMLN va
quand même parvenir à se stabiliser et à se consolider sur
la scène politique. La deuxième Convention du parti, en
décembre 1994 acte le départ des dirigeants de l'ERP et de la RN
et décide d'importantes reformes d'organisation interne (Garibay
2003 : 476). Compte tenu du problème posé par la scission
et pour éviter que de pareils se reproduisent, on va opter pour la
dissolution des organisations composants le FMLN. L'auto-dissolution de ses
différentes composantes (essentiellement les FPL, le PCS et le
PRTC96(*), auxquelles
viennent s'ajouter les tendances composées par les militants de l'ERP et
de la RN qui n'ont pas accompagné leurs dirigeants dans la scission et
se sont regroupés dans la Tendencia Democrática) est
décidée dans le but de transformer le FMLN d'un
« parti de partis » en un parti qui
reconnaît certes la possibilité d'expressions des tendances
internes mais où l'adhésion ne repose plus sur l'appartenance
initiale à l'une ou l'autre de ses composantes, ouvrant ainsi la voie
à de nouvelles adhésions et de nouveaux axes de clivages internes
(Garibay 2003 : 476).
Ainsi donc les différentes organisations
regroupées au sein du FMLN perdent leur autonomie et se fondent dans un
parti unique afin de mieux s'insérer dans le paysage politique. Par
ailleurs il faut noter qu'il y eut une autre scission au sein du parti,
scission sur laquelle nous reviendrons plus loin.
2. L'enracinement et la consolidation du FMLN
Comme le prévoyaient les Accords de paix, une fois que
la démilitarisation et la démobilisation des
ex-guérilleros furent menées à bon terme sous
l'égide des Nations Unies ; la guérilla du FMLN, doit se
transformer en parti politique légal.
Le FMLN, en tant que parti politique, tient d'ailleurs sa
première convention nationale en septembre 1993. La décision d'y
participer aux élections y est adoptée (Garibay 2003 : 458).
Cela se justifie car pour tout parti politique, l'objectif qui lui est
assigné c'est la conquête du pouvoir. Et donc pour parvenir au
pouvoir et surtout par des moyens démocratiques tels que le
prévoient les Accords de paix de 1992 ; il incombait au FMLN,
nouveau parti politique de passer par des voies démocratiques et donc,
par des élections pour conquérir le pouvoir. C'est dans ce
sillage que le FMLN participera aux différentes élections
(législatives, municipales et présidentielles) organisées
dans le pays juste après la signature de la paix.
Et comme le processus de paix ne modifie en rien le
calendrier électoral, ce n'est que neuf mois plus tard, en mars 1994,
que le parti peut se présenter aux élections municipales et
législatives. Ces premières expériences de participation
électorale du FMLN permettront au nouveau parti politique de
s'insérer dans le paysage politique du Salvador, de mesurer ses chances
pour une éventuelle conquête du pouvoir. Cela contribuera beaucoup
d'une certaine manière à renforcer l'assise électorale du
FMLN, à favoriser la consolidation et l'enracinement du parti politique
issu de l'ex-guérilla sur l'échiquier politique national.
2.1. La participation du FMLN aux élections de 1994
à 2006
La signature de la paix au Salvador va permettre au FMLN de
pouvoir participer à de véritables scrutins électoraux
dans un climat apaisé et démocratique. Pour Garibay (2003 :
461) le premier scrutin post-Accords de paix révèle d'une
certaine spécificité : « Si des
élections de 1994 ne sont pas formellement les premières
élections libres de l'histoire du pays, puisqu'elles s'inscrivent dans
la suite du calendrier électoral mis en place depuis 1982, elles sont
indubitablement les premières élections véritablement
pluralistes de la vie politique salvadorienne depuis 1932. ».
Ainsi donc pour le FMLN, les élections de 1994 sont une occasion pour
lui de mesurer son influence au suffrage universel. Ces élections
qualifiées d'« élections du
siècle »97(*) vont représenter un défi particulier
pour le FMLN. Pour parvenir à cela, il compte sur ses solides bases
sociales qu'il pense avoir acquis dans le pays durant la période de la
guerre civile. Car selon le parti issu de l'ancienne guérilla, il
n'aurait pas pu combattre pendant douze ans s'il n'avait pas de bases sociales
solides ou du moins une forte adhésion populaire. Dans cette
préparation pour ces élections, de nouvelles sources de frictions
émergent autour du candidat à présenter aux
élections présidentielles. Finalement ce fut la formule
Rubén Zamora - Francisco Lima98(*) qui fut trouvé à l'issue d'un accord
tardif entre la CD et le FMLN.
Mais la campagne va être minée par les tensions
existantes entre les différentes formations politiques de la gauche
salvadorienne. Elle se présenta donc divisée aux élections
municipales et législatives de 1994. Si le processus électoral
semble se dérouler dans de conditions correctes, il faut noter qu'il y a
eu quelques irrégularités et des problèmes sérieux
qui ont entaché le scrutin. Ce furent surtout des problèmes
liés à la campagne électorale, à l'inscription des
électeurs, à la constitution de la liste électorale
provoquant de nombreuses irrégularités le jour du vote.
Par ailleurs la vague d'assassinats de dirigeants de
l'ancienne guérilla laissa présager une dégradation de la
situation et amena l'Onusal à intervenir99(*).
Pendant la campagne, ARENA n'a pas hésité
à employer un discours très agressif contre le FMLN avec un
recours massif aux moyens de communication et un financement très
supérieur à celui des autres partis (Garibay 2003 : 464).
Cela se justifie d'une certaine manière car, étant parti au
pouvoir l'ARENA cherche les voies et moyens pour se maintenir autant que faire
se peut aussi longtemps au pouvoir tout en discréditant ses principaux
adversaires en l'occurrence le FMLN. Sa position de parti au pouvoir lui offre
les moyens (financiers et médiatiques) pour y parvenir. Mais est-ce que
cela va toutefois anéantir et affaiblir complètement le parti
issu de l'ex -guérilla ?
Nous pouvons dire non car pour le FMLN, nouveau parti, la
lutte politique dans la voie démocratique venait d'être
enclenchée, pas question de reculer devant les difficultés et
surtout si les objectifs assignés ne sont pas encore atteints. Ainsi
malgré cette première expérience électorale de 1994
qui se révélera décevante, les dirigeants du FMLN ne vont
pas se décourager mais vont toujours continuer la lutte.
En effet, les élections sont décevantes pour le
FMLN car il va enregistrer un faible score surtout dans les zones où il
semblait avoir une certaine assise100(*). Cela s'explique surtout par la faiblesse dans
l'organisation de l'ancienne guérilla, surtout par les tensions
difficiles qui minent le nouveau parti et par l'absence d'expérience de
l'ex-guérilla en matière électorale.
Toutefois aux législatives, le FMLN ne rassemble que 21
% des voix, et obtient que 21 députés. Aux municipales, le FMLN
ne l'emporte que dans 16 villes. Le candidat d'ARENA, Armando Calderón
Sol, ancien ministre du président Cristiani et représentant des
secteurs les plus conservateurs du parti, manque de peu l'élection au
premier tour du scrutin présidentiel avec 49 % des voix. Aux
législatives, son parti demeure de loin le premier du pays et maintient,
avec 44,8 %, le même résultat qu'en 1991 et exactement le
même nombre de sièges (39). Le mode de scrutin aux municipales
permet d'ailleurs à ARENA de contrôler 206 municipalités
sur les 262 du pays. La campagne, dans laquelle Alfredo Cristiani s'est
engagée personnellement, axée sur le rôle d'ARENA dans
l'obtention de la paix, a produit les résultats escomptés
(Garibay 2003 : 465). Cela a permis d'ailleurs à l'ARENA de
conserver la majorité absolue au parlement (cf. annexe n°2). Le
second tour confirme la polarisation de l'électorat salvadorien, puisque
Armando Calderón est élu avec 68,2 % des voix, montrant ainsi les
limites de la gauche à mobiliser au-delà de l'électorat
qui s'est porté sur son candidat au premier tour (Garibay 2003 :
466).
Cependant les élections suivantes furent une occasion
pour le FMLN d'évoluer du statut de deuxième force politique du
pays largement distancée par ARENA en 1994 à une situation
où il peut faire jeu égal avec le principal parti de droite. La
perte de popularité du gouvernement d'Armando Calderón y
contribua surtout.
En effet cette perte de popularité était
liée sans doute au cas de corruptions et de mauvaise gouvernance dans
lesquels le gouvernement était impliqué. C'est ainsi qu'aux
élections législatives et municipales de mars 1997, à
la surprise d'un grand nombre d'observateurs électoraux, le FMLN
connaît une très forte progression et parvient à talonner
le parti au pouvoir. Ainsi l'ARENA recule au profit du FMLN et ne garde qu'une
étroite majorité relative aux législatives de 1997. Alors
qu'en 1994, ARENA a obtenu plus du double des voix que le FMLN, les deux partis
ne sont désormais séparés que par 40 000 voix, ARENA
obtenant 35,4 % et 28 députés contre 33,0 % et 27
députés pour le FMLN (Garibay 2003 : 526).
Par ailleurs, les élections municipales confirment
cette progression. Le FMLN remporte plusieurs dizaines de municipalités
dont la capitale San Salvador. Si ARENA conserve 162 municipalités,
le FMLN l'emporte dans 54 d'entre-elles et surtout s'impose dans 9 des 10
villes les plus peuplées, dont la capitale, et dans 6 capitales
départementales, administrant de ce fait au niveau municipal plus de la
moitié de la population du pays (Garibay 2003 : 527). Par rapport
à cette progression électorale, le FMLN nourrissait l'espoir de
remporter les présidentielles de 1999. Mais les différentes
tendances et fractions en son sein rendirent la réalisation de cet
objectif presque difficile.
En effet, après la scission intervenue après les
élections de 1994, des rivalités politiques resurgissent et
conduiront à des affrontements d'idées entre les secteurs
« orthodoxes » désireux que le parti suive
une ligne socialiste voire révolutionnaire et les secteurs
« rénovateurs » désireux que le
parti évolue vers la social-démocratie. Ces affrontements se
transforment en conflits d'intérêts personnels entre dirigeants du
FMLN : les « orthodoxes » qui soutiennent
Salvador Sánchez Cerén et les
« rénovateurs », Facundo Guardado101(*). Au terme de discussions
très vives et d'un scrutin très serré lors de la 5è
convention nationale du parti en décembre 1997, deux des figures du camp
« orthodoxe », Salvador Sánchez
Cerén et Schafik Handal sont écartées des postes de
direction au profit de Facundo Guardado du camp des
« rénovateurs », qui s'impose comme coordonnateur du
FMLN. Finalement pour les élections présidentielles de 1999, le
choix fut porté sur la formule Facundo Guardado - Nidia Díaz,
après de longues et vives discussions, pour affronter le candidat de
l'ARENA, Francisco Flores. Ce dernier s'impose dès le premier tour avec
52,0 % des voix, Facundo Guardado en obtient 29 % (cf. annexe n°3). Les
tensions et les rivalités au sein du FMLN ne lui permettent pas
d'accéder à la magistrature suprême. De plus cette
défaite de Facundo Guardado à la présidentielle de 1999,
scelle l'incapacité du courant
« réformateur » ou
« rénovateur » qu'il incarne, à
asseoir son influence au sein du parti. Il y a encore du chemin à
parcourir pour le FMLN et surtout s'il veut accéder au pouvoir, il va
falloir qu'il essaie de trouver des solutions idoines aux différentes
difficultés qui surgissent dans le parti.
Le FMLN à travers les scrutins électoraux, va
continuer sa progression en essayant d'accroître son électorat.
Les législatives et les municipales de 2000 sont une occasion au parti
de refaire partiellement son unité. Dans un contexte de forte
abstention, le FMLN fait jeu égal avec ARENA. C'est ainsi qu'aux
élections législatives et municipales de 2000, le FMLN arracha
autant de sièges au parlement (31 contre 29 pour l'ARENA) puis autant de
municipalités dont de nombreuses villes autour de la capitale, et de
nombreuses capitales départementales102(*).
Huit ans après la fin de la guerre civile, et six ans
après sa première participation aux élections, on pourrait
affirmer que le FMLN est en train de bien réussir sa conversion en parti
politique, dont l'objectif principal est la conquête du pouvoir. Mais
c'est encore loin de s'en réjouir car un événement qu'on
redoutait fort, surtout après le départ des dissidents en 1994,
réapparut.
En effet le FMLN va encore faire face à une nouvelle
scission qui va affecter son organisation. Nous avons plus loin
évoqué la question des différents courants et tendances
qui s'expriment dans le FMLN et qui porte tout à croire que
l'organisation politique est loin d'être homogène. En ce sens
comme l'indique Garibay (2003 :
533): « Malgré la consolidation à l'occasion
des scrutins de 2000 et de ses résultats électoraux, la fracture
interne entre « orthodoxes » et
« rénovateurs » est si forte que le parti est au
bord d'une nouvelle scission majeure, qui se révèlerait beaucoup
plus autodestructrice qu'en 1994. ».
Cependant cette fracture interne ne fut pas de nature
à affaiblir complètement le FMLN. Et tout comme nous l'avons
souligné, la pérennité et la conquête du pouvoir par
le FMLN dépendra surtout de sa capacité à gérer ses
conflits internes et sa manière de trouver des solutions idoines. En
cela nous pouvions affirmer que l'une des forces du FMLN, c'est aussi sa
capacité à s'adapter aux réalités du moment, aux
situations de l'heure, de faire face aux difficultés et d'arriver
à trouver des solutions. C'est dans ce sens que face à cette
éventuelle crise, le processus de consolidation était visé
à être conservé. Le contrôle exercé par les
« orthodoxes » sur l'appareil du parti, leur plus
grande influence sur les structures militantes du parti surtout hors de la
capitale, va permettre au FMLN de conserver son unité au prix des
départs, ponctuels et sur des bases individuelles de grandes figures du
camp « rénovateur ».
C'est ainsi que la Convention nationale de novembre 2001 voit
la majorité « orthodoxe » consolider sa
majorité interne, et porte à nouveau Salvador Sánchez
Cerén à la tête du parti. A cette occasion, les tensions
sont telles entre les deux groupes que Facundo Guardado finit par être
exclu en octobre 2001, et que plusieurs figures du camp
« rénovateur »103(*) font le choix quelques
semaines plus tard de partir du FMLN, à l'image de Francisco Jovel,
l'ancien commandant en chef du PRTC, ou de Raúl Mijango, l'un des
dirigeants de l'ERP à être restés après la scission
de 1994 (Garibay 2003 : 533). Un an plus tard, fin 2002, le maire de San
Salvador, Héctor Silva et certains de ses proches, comme Héctor
Dada, quittent le parti à la suite de rivalités internes dans la
préparation de la campagne pour les élections législatives
et municipales de mars 2003104(*) (Garibay 2003 : 533).
Par ailleurs,
entre janvier et février 2001, le Salvador est
frappé par deux tremblements de terre. Le premier séisme, d'une
magnitude de 7,6 sur l'échelle de Richter, est le plus violent
séisme survenu en Amérique centrale depuis vingt ans. La plupart
des victimes sont ensevelies par des glissements de terrain, notamment à
12 km de la capitale, qui est pour sa part épargnée.
Près d'un cinquième de la population est
touchée et le bilan humain s'élève
1 200 morts105(*).
Le coût de la reconstruction du pays est
élevé, malgré l'aide internationale. Des mesures telles
que la réforme des retraites et à la chute du cours du
café, influencent fortement l'économie du pays. En outre,
l'augmentation des dépenses publiques et l'accroissement de la dette
affaiblissent la politique du gouvernement. Le FMLN profite de cette situation
pour encore progresser dans sa marche vers la conquête du pouvoir au
point de devenir l'un des plus importants partis du Salvador.
En effet en 2003, les élections législatives
confirment le mécontentement populaire, avec 58,45 % d'abstention,
et la montée du Front Farabundo Martí de libération
nationale (FMLN), qui obtient 31 des 84 sièges de
l'Assemblée, devançant ainsi l'ARENA du président
Francisco Flores, qui n'obtient que 27 sièges106(*). De même les
municipales s'inscrivent dans la même dynamique. Le FMLN fera un bon
score en arrachant environ 74 municipalités107(*). Ces résultats
enregistrés permettront d'une certaine manière au FMLN d'avoir
une véritable assise électorale, de consolider et d'enraciner le
parti en vue d'une possibilité pour conquérir le pouvoir.
Les scores enregistrés par le FMLN en matière
électorale, lui permettent de diriger et administrer de nombreuses
villes et d'avoir une représentation parlementaire relativement forte
pour avoir un oeil sur l'activité gouvernementale. C'est donc un
contexte plutôt favorable au parti issu de l'ex-guérilla, une
atmosphère qui pourrait permettre au FMLN de mieux préparer les
présidentielles de 2004 et espérer cette fois-ci accéder
à la magistrature suprême du pays. Mais ce n'est pas chose
aisée car le parti se trouve en difficulté pour choisir son
candidat à la présidentiel. On veut par tous les moyens
éviter les erreurs du passé en l'occurrence celles des
présidentielles de 1999 et on veut porter le choix sur un homme à
poigne, un homme qui puisse rallier un électorat plus large.
Après des élections et de sérieuses discussions au sein du
parti, ce fut celui qui fut pendant une trentaine d'années
secrétaire général du Parti communiste salvadorien,
Shafick Hándal108(*), qui fut choisi. Celui-ci devait affronter le
candidat de l'ARENA Elías Antonio Saca. Mais malheureusement pour le
FMLN, cette élection ne fut pas l'occasion pour lui de conquérir
le pouvoir.
L'élection présidentielle de 2004 est donc
remportée par le candidat de l'ARENA, Elías Antonio Saca (dit
Tony Saca), un ancien commentateur sportif, face à Schafik Handal,
ex-commandant de la guérilla du FMLN (35,63 p. 100 des voix),
à l'issue d'une campagne marquée par la peur de voir le pays
dirigé par un ex-guérillero109(*).
En outre, lors du scrutin législatif de mars 2006,
l'ARENA obtient 34 députés devant le FMLN qui en a
désormais 32, ce qui oblige le président à s'allier avec
le Parti de conciliation nationale (PCN) qui dispose de
10 élus110(*).
Les résultats obtenus au cours de ces scrutins ont
participé à la consolidation du parti politique issu de
l'ex-guérilla et de faire de lui l'une des principales formations
politiques du pays. Ainsi, face à la montée de sa côte de
popularité beaucoup de spécialistes et d'observateurs de la vie
politique salvadorienne prévoyaient un ultime basculement dans la vie
politique. C'est-à-dire la fin d'un long règne sans partage de la
droite conservatrice incarnée par l'Alliance république
nationaliste (ARENA) et la montée au pouvoir d'un mouvement de gauche
notamment le FMLN.
2.2. Un ultime basculement du pouvoir au profit du FMLN
Les efforts et la progression
électorale du FMLN au Salvador depuis sa transformation en parti
politique, lui ont permis de pouvoir rivaliser le parti au pouvoir. Certains
spécialistes et observateurs qui ont suivi de près la vie
politique et électorale dans ce petit pays de l'Amérique
centrale, prévoient pour les futures échéances
électorales de 2009 un changement de pouvoir qui risque de faire
basculer le Salvador à gauche. Cet ultime revirement de tendance est
à analyser eu égard le contexte politique et
socio-économique qui prévaut au Salvador du moins depuis la fin
de la guerre civile.
En effet les Salvadoriens ne sont pas satisfaits de la
situation qui prévaut dans leur pays et de surcroît de la gestion
du pouvoir faite par l'ARENA. Ainsi plusieurs motifs évoqués par
l'opinion publique salvadorienne risquent d'être de nature à
provoquer un ultime basculement du pouvoir. Ces motifs sont nombreux mais on
peut relever quelques uns.
Au premier plan des raisons pouvant pousser des Salvadoriens
à ne plus attribuer leur confiance à un représentant de
l'ARENA, se range sans doute dans la détérioration du niveau de
vie qui s'ajoute au constat récurrent des retards qui n'a pas
enregistré d'améliorations à la hauteur de la croissance
économique (Huste 2008 : 2). Si el Frente gagne la
présidence en mars 2009, il est héritera d'un pays
désespéré (Wheeler 2009). Durant les 20 ans où
l'ARENA a gouverné, le Salvador a pâti de réformes
économiques néolibérales qui ont conduit à la
privatisation de services sociaux et détruit des emplois,
essentiellement dans le secteur de l'agriculture. Paul D. Almeida, un
professeur de l'université de Georgetown, a écrit dans son livre
publié en 2006, Les vagues de la protestation : la lutte
populaire au Salvador, 1925-2005, que la génération des
opposants d'après-guerre s'est battue non pas pour des terres ou pour
renverser le gouvernement, mais pour s'opposer à la privatisation des
besoins humains vitaux tels que la médecine, l'éducation et
l'accès à l'eau. En retour des centaines de millions de dollars
que les Etats-Unis ont envoyés au gouvernement pendant la guerre,
Washington a insisté pour semer les graines de la libéralisation
de l'économie d'après guerre (Wheeler 2009). Pour Julia Evelyn
Martinez, une économiste progressiste de l'Université
d'Amérique centrale, la privatisation des services sociaux, l'adoption
par le Salvador du dollar en 2001 et les accords de libre-échange -
comme l'Accord de libre-échange entre les Etats-Unis et
l'Amérique centrale (CAFTA) - ont placé le pays à la merci
de multinationales étrangères et l'ont rendu trop
dépendant des importations (Wheeler 2009).
Malgré plusieurs tentatives de
réformes sur le plan agraire, les inégalités restent
toujours criantes entre les grands propriétaires terriens, dont les
latifundia travaillent surtout pour l'exportation, et les familles
d'ouvriers agricoles ou de petits propriétaires, qui pratiquent une
agriculture de subsistance. Ceci entraîne de nombreuses
inégalités et bon nombre de Salvadoriens sont livrés
à eux-mêmes face à un gouvernement qui est incapable de
trouver des solutions idoines. Conséquence, nombreux sont ceux-là
qui préfèrent émigrer sous d'autres cieux à la
recherche du mieux-être. Ainsi comme nous l'avons souligné dans
les tous premiers chapitres, des situations (injustices sociales, guerre
civile, régime de répression) ont amené les populations
salvadoriennes à émigrer. A ces situations, s'ajoutera la baisse
accrue du niveau de vie même durant la période post-guerre civile,
amenant de nombreux exodes massifs vers les Etats-Unis où ces
immigrants bénéficient d'un statut particulier leur permettant de
travailler et d'envoyer de l'argent à leurs familles respectives
restées au pays111(*).
Ces envois de devises des Salvadoriens vivant aux Etats-Unis
(les remesas) contribuent d'une certaine manière à
maintenir l'économie hors de l'eau. Ces remesas ou transferts
familiaux vers le Salvador sont devenus une des principales ressources
financières du pays. Ils représentent 2,1 milliards de dollars en
2003, soit un chiffre équivalent à 14 % du PIB, 67 % des
exportations ou 80 % des investissements directs étrangers (Garibay
2004b : 11). Ainsi donc l'on comprend alors le poids des remesas
dans l'économie du pays et ce que cela représentent pour les
couches défavorisées, au point qu'ils furent utilisés
comme élément d'intimidation même dans les campagnes
électorales. Par exemple à travers les élections
présidentielles de 2004, on pourrait observer comment le candidat de
l'ARENA, Tony Saca a axé sa campagne sur les dangers
représentés par une victoire du FMLN, en particulier sur la
question spécifique des transferts familiaux depuis les Etats-Unis. Des
spots télévisés, amplement diffusés, mettent en
scène une conversation téléphonique entre un couple et
leur fils, installé aux Etats-Unis, dans lequel ce dernier annonce qu'en
cas de victoire du FMLN, il sera expulsé et ne pourra plus envoyer
l'argent qu'il épargne pour sa famille (Garibay 2004b : 11). Le
gouvernement de George Bush ira aussi dans le même sens en avertissant le
peuple salvadorien qu'il supprimera l'envoi des remesas au cas
où le peuple fera le choix d'être dirigé par le FMLN lors
de la campagne électorale de 2004 (Lemoine 2009). La dégradation
du niveau de vie, la cherté de la vie, la flambée des prix des
produits de premières nécessités, un fort taux de
chômage sont autant d'éléments parmi tant d'autres qui ont
mécontenté les Salvadoriens et les ont amené à s'en
prendre au gouvernement ARENA, qui leur a fait de nombreuses
promesses112(*).
Cette situation n'est pas sans incidence sur la couche
juvénile qui en pâtit sérieusement. En effet, les jeunes au
Salvador sont désoeuvrés, subissent les effets d'une guerre
civile passée et des politiques libérales mises en place par le
gouvernement ARENA. Cela accentue dans un premier temps le taux de
chômage faute de trouver un emploi décent bien
rémunérer113(*) et dans un deuxième temps le
développement de fléaux sociaux tels que la délinquance
juvénile, la prostitution, le vol à main armé, les
homicides et le développement de gangs etc. Ce dernier aspect fut un des
éléments principaux qui ont milité chez le peuple
salvadorien au profit du basculement du pouvoir car touchant à la
sécurité publique.
En effet l'Amérique latine se présente de nos
jours comme l'une des régions les plus violentes au monde114(*). Cette violence s'explique
d'une certaine manière par les situations délicates qu'ont
traversé ces pays sur le plan politique (régime de terreur et de
répression, climat de violence, guerre civile etc.) et par les diverses
formes d'inégalités sociales, qui d'ailleurs subsistent encore.
Nous pouvons aussi ajouter que l'environnement dans lequel baignent ces jeunes,
familiarise vite ceux-ci à la violence. Par exemple, dès leur
naissance, les enfants sont confrontés à toutes les formes de
violence qui sont devenues leur lot quotidien : violence familiale,
violence faite aux femmes, harcèlement et sévices sexuels,
violence dans les médias, violence exercée par les Etats qui
tendent à régler les conflits par la guerre et la
répression, etc. Parallèlement à ces
phénomènes, on observe dans presque tous les pays - fruit de
l'application du capitalisme sauvage - un développement de la petite
délinquance et des formes de délits quotidiens. Cette
banalisation de la violence favoriserait chez les enfants et les jeunes un
apprentissage de la violence comme façon « de trouver leur
place dans la société et d'être reconnus ».
Faute d'y parvenir par d'autres voies, ils cherchent à se faire
reconnaître par la peur (Tamayo 2005).
Ainsi donc depuis un certain temps, ces pays font face
à un climat d'insécurité publique
caractérisé par une certaine violence urbaine et masculine. Dans
la plupart de ces pays, des crimes sont commis dans les rues par des hommes
jeunes, qui s'organisent en de véritables bandes armées
appelées les « Maras »115(*).
Au Salvador et dans presque dans tous les pays
latino-américains, on donne la responsabilité de la
criminalité sans cesse galopante aux Maras. Ce sont de bandes
de jeunes, des gangs en « rupture avec la
société » issus des classes pauvres et se livrant
à des activités illicites et criminelles désormais
liées selon les autorités au crime organisé. Le manque de
marchés soutenables à l'intérieur du Salvador laisse
nombre de jeunes avec deux options : s'arranger pour trouver 9 000 dollars
- tarif en vigueur d'un « coyote » pour faire
passer quelqu'un aux Etats-Unis - ou rejoindre un gang (Wheeler 2009).
Face au développement des Maras qui font
accroître la violence, les crimes et l'insécurité dans le
pays ; les responsables politiques se sont investis pour trouver des
solutions aux développements de ces fléaux sociaux. Sur ce point
l'ARENA a beaucoup axé sa campagne et sa politique sur le
règlement de ces problèmes sociaux116(*). Mais la manière dont
le gouvernement ARENA a entrepris la lutte contre les gangs au Salvador,
s'avère tout comme le note J.P. Huste dans son article insuffisant voire
décevant pour les salvadoriens. Elément de plus qui fait baisser
la côte de popularité du parti au pouvoir.
Par ailleurs, mis à part ces quelques raisons
susmentionnées, d'autres raisons auraient eu aussi naturellement des
effets sur un éventuel basculement de tendance notamment la
présentation de Mauricio Funes, comme candidat du FMLN à la
présidence du Salvador en mars 2009.
Nous reviendrons plus tard sur les effets de cette
candidature. Ainsi donc pour de nombreux observateurs, ce furent
principalement, ces raisons (climat d'insécurité publique,
pauvreté, conflits sociaux etc.) qui auront milité en faveur de
ce basculement ou à pousser de nombreux salvadoriens à ne pas
faire confiance à un représentant de l'ARENA. Ces raisons, en
plus de la figure ou de la personnalité du candidat du FMLN aux
présidentielles de 2009, vont militer au profit du basculement de
tendance.
Conséquence, aux élections
présidentielles de mars 2009, des milliers de salvadoriens vont accorder
leur confiance à Mauricio Funes, candidat du FMLN amenant donc
l'ex-guérilla à la tête de l'Etat salvadorien.
2.3. L'accession au pouvoir de Mauricio Funes
Pour une seconde fois au Salvador, du moins depuis que le
calendrier électoral fut fixé en 1982, les élections
présidentielles, législatives et municipales qui s'annoncent, se
déroulent dans la même année (2009). Les élections
législatives et municipales sont prévues pour le 18 janvier 2009
et les présidentielles pour le 15 mars 2009. Les différentes
formations politiques en lice et surtout les principales du pays (ARENA et
FMLN) vont donc se préparer pour parvenir à leurs objectifs. Pour
le parti au pouvoir, il s'agit de remporter ces élections surtout
présidentielles et barrer donc la route à la conquête du
pouvoir à son principal rival le parti issu de l'ex-guérilla. En
revanche pour le FMLN, la présidentielle lui a toujours
échappé. Les élections de 2009 seront une aubaine pour ce
parti de confirmer la bipolarité du paysage politique au Salvador
et de mettre fin à un long règne sans partage de l'ARENA au
pouvoir. De tous les côtés les candidatures s'annoncent, les
différents Etats-majors s'investissent de plein pied dans les
préparatifs de ces échéances électorales.
Ainsi dans un contexte politique polarisé et
où la présidentielle constitue un enjeu, le FMLN a joué un
tour de maître-politicien en réussissant à présenter
bien avant les autres partis et dès septembre 2007, la personne du
journaliste de télévision Mauricio Funes (cf. photo n°5)
comme son candidat à la présidence en 2009. Mais qui est donc
Mauricio Funes ?
Mauricio Funes, préalablement à son engagement
en politique, a exercé le métier de journaliste. Il a
été correspondant pour la chaîne de
télévision CNN en espagnol et a animé pendant
quatorze ans « L'interview du jour »,
où il a reçu presque tous les responsables politiques du
pays[]. Il a été également reporter durant la
guerre civile salvadorienne, où il interrogera de nombreux chefs
rebelles. C'est durant cette période qu'il se forgera son orientation
politique. Agé de 49 ans, personnage à la fois connu et
très populaire pour ses « talk show »
volontiers critiques des actions du gouvernement, M. Funes n'est devenu membre
du Front qu'en août 2008 (Huste 2008 : 4).
Photo n°5 : Mauricio Funes, le nouveau
président du Salvador (Photo : Luis Galdamez / Reuters)

Source : Faux F. (2009) :
« Un nouveau président de la gauche » in www.
Rfi.fr, consulté le 26 mai 2010
à 23h.
Pourquoi alors la candidature d'une personne qui n'avait
auparavant aucun lien avec le Frente ?
Il s'agissait d'une stratégie politique visant
à passer par tous les moyens pour accéder au pouvoir. Faisant le
bilan des expériences électorales précédentes, les
dirigeants du FMLN ont vu que le peuple salvadorien n'était pas encore
prêt pour accepter un ex-commandant de la guérilla comme leur
président et de plus la communauté internationale et de
surcroît les Etats-Unis. En effet, jusque-là, c'étaient
d'anciens combattants, d'anciens chefs de l'insurrection armée, qui
avaient porté les couleurs du Front Farabundo Martí à la
présidentielle et jusque là la présidence leur a toujours
échappé. Ce sont ces raisons probablement qui ont amené le
parti issu de l'ancienne guérilla à choisir une personne neutre
et renommée c'est-à-dire quelqu'un qui n'aurait pas
participé à la guerre révolutionnaire et qui pourrait
attirer et avoir le vote de confiance des salvadoriens.
Ainsi donc changement de génération et contexte
politique obligent, c'est maintenant un journaliste de
télévision, très populaire au Salvador, qui est le
candidat de l'opposition, après avoir dû renoncer à son
métier parce qu'il était très critique à
l'égard du gouvernement. Il s'appelle Mauricio Funes. Ce choix, nous
verrons plus loin va payer puisque le FMLN remportera les
présidentielles de 2009.
Par ailleurs il faut souligner que la présentation de
Mauricio Funes était soumise à certains garde-fous. Pas question
pour les ex-commandantes de dénaturer l'idéologie
principale du FMLN et de s'exclure totalement du jeu électoral.
Considéré comme novice en la matière, les dirigeants du
FMLN ont jugé bon d'épauler la candidature de Mauricio Funes par
la présence d'un ancien du FMLN, en l'occurrence un ancien chef
guérillero. C'est dans ce sillage que ce fut la formule Mauricio Funes -
Salvador Sánchez Cerén qui fut adoptée. Ce dernier ancien
chef guérillero, chef de file du Front à l'Assemblée
législative, postulera au poste de la vice-présidence. Mais que
va proposer le FMLN à travers son candidat Mauricio Funes ?
Lors de l'approbation de sa candidature par la 23e
Convention nationale du parti de novembre 2007, Maurico Funes a fait preuve de
beaucoup de prudence, de beaucoup d'habileté dans la
présentation. Il a même émis la possibilité de
pouvoir réaliser des alliances avec d'autres partis. Bien entendu, M.
Funes s'est engagé à promouvoir « la construction
d'une société juste et solidaire », à
régler les problèmes de la pauvreté et de la
délinquance en investissant dans l'action sociale et en pourfendant les
privilèges des nantis. Il a promis de respecter les investissements
privés mais en conformité avec les lois ainsi que les accords
existants avec les Etats-Unis « dans le respect de
l'autodétermination des peuples ». Enfin, il a annoncé
l'ouverture de relations avec Cuba et la République populaire de Chine
ainsi que le renforcement des liens avec le Venezuela (Huste 2008 : 5).
Lors de la 24e Convention nationale (août
2008), Mauricio Funes va dévoiler son programme de société
qu'il pourra mettre en exécution si les Salvadoriens lui accordent leur
confiance. Ce programme de gouvernement ou de société (2009-2013)
reprend bon nombre de propositions du FMLN à l'Assemblée
législative et s'organise autour de quatre chapitres. Ce programme
touche du doigt des reformes sur tous les plans de la vie salvadorienne. Huste
(2008 : 5) nous donne une idée de ce programme en nous
résumant les idées essentielles : « Reforme
sociale se traduisant par de très nombreuses mesures :
éducation, sécurité sociale et logement pour tous, lutte
contre la malnutrition, le travail des enfants, etc. ; reforme
économique associée au développement de l'emploi et des
droits des travailleurs et à l'aide au développement des PME mais
aussi à une « reforme fiscale
intégrale » ; gestion de l'environnement ; reforme
politique dans laquelle se détache le choix de la démocratie
participative et qui vise parallèlement l'instauration d'un
« Etat social fort et efficace ». ». De ce
fait, tout était prêt pour que le FMLN et son candidat se lance de
plein pied dans la campagne électorale (cf. photo n°6) à la
quête du vote de confiance de millions de salvadoriens. D'une certaine
manière nous pouvons affirmer que Mauricio Funes a su faire
adhérer de nombreux salvadoriens à son projet de
société lors de la campagne présidentielle. En
témoigne la photographie n°6.
Photo n°6 : Le candidat de gauche du Front
Farabundo Martí de libération nationale (FMLN) aux
élections présidentielles du Salvador, Mauricio Funes, au milieu
de ses partisans, à la Herradura, le 10 mars 2009 (Photo :
Reuters)

Source : Misslin F. (2009) :
« la présidentielle ravive des rivalités datant de la
guerre civile » in www.rfi.fr, consulté le 21 septembre 2010
à 09h 44 min.
Cependant, il faut souligner que le FMLN devait affronter un
parti de taille au pouvoir à savoir l'ARENA.
L'ARENA, parti du président sortant Antonio Saca,
domine la vie politique depuis vingt ans au Salvador. Il a été
aux commandes avant même les Accords de paix qui ont mis fin en 1992
à la guerre civile qui faisait rage dans ce petit pays d'Amérique
centrale. Ce parti se présente aussi incontestablement comme un parti
très à droite, et d'ailleurs très proche des Etats-Unis.
Ce n'est qu'en avril 2008, soit près de 6 mois après le FMLN, que
l'ARENA a désigné comme son candidat à la
présidence, M. Rodrigo Avila (Huste 2008 : 5). Personnage pas
très charismatique, M. Avila a, depuis 1992, alterné les charges
de directeur national de la police civile, de vice-ministre chargé de la
sécurité et de député de son parti. Ainsi ARENA va
se lancer dans la campagne électorale le plus souvent avec le soutien
d'autres partis de moindre audience. Pour tenter de barrer le chemin à
la gauche, les deux autres formations conservatrices, le Parti de conciliation
nationale (PCN), représentant des gouvernements militaires (1961-1976),
et le Parti démocrate-chrétien (au pouvoir de 1984 à
1989), ont renoncé à présenter un candidat et se sont
ralliés d'emblée à l'ARENA (Lemoine 2009). Cette campagne
électorale de l'ARENA (cf. photo n°7) fut sous-tendue par un
programme politique et des critiques à l'endroit du FMLN et de son
candidat.
En ce qui concerne le programme politique
présenté sous la devise « Plan pour la
Nation 2009-2014 », il faut souligner qu'il ne présentait
pas de grande différence avec celui du FMLN. Juste quelques jeux de mots
et de termes. Par exemple au terme « reforme »
employée par son rival du FMLN, M. Avila préfère
plutôt le terme de « gestion ». Ainsi on
parlera de gestion sociale, de gestion de l'environnement, de gestion politique
etc.
En ce qui concerne les critiques, M. Avila tout au long de
la campagne a d'emblée attaqué les ambitions du FMLN en
dénonçant l'ambiguïté d'un parti qui, selon lui,
puise ses références idéologiques à
l'étranger et place « au dessus de notre drapeau... les
drapeaux de pays dont les systèmes de vie sont totalement opposés
aux nôtres ». Le candidat de l'ARENA à travers ses
propos critiques, fait ressortir un lien entre le FMLN et des pays dont le
système de vie est qualifié de socialistes et de communistes
(Cuba, Venezuela, Nicaragua etc.). Faisant en quelque sorte écho
à Mauricio Funes qui prétend incarner une nouvelle gauche sous la
bannière d'un vieux parti, M. Avila se présente comme le
représentant d'une nouvelle droite populaire oeuvrant
« pour un pays plus juste » (Huste 2008 :
6).
Photo n°7 : Le candidat de droite de l'ARENA
aux élections présidentielles du Salvador, Rodrigo Avila, au
milieu de ses partisans, à San Salvador, le 8 mars 2009 (Photo :
Reuters)

Source : Misslin F. (2009) :
« la présidentielle ravive des rivalités datant de la
guerre civile » in www.rfi.fr, consulté le 21 septembre 2010
à 09h 44 min.
De part et d'autre, les adversaires politiques ont
émaillé la campagne électorale de nombreuses
déclarations et critiques visant à discréditer l'autre.
Ainsi, Mauricio Funes, ancienne vedette du petit écran
et candidat à la présidence du Salvador, s'est voulu rassurant
pendant toute la campagne. Au nom de l'ancienne guérilla de gauche du
FMLN, il a d'ores et déjà promis que le Salvador demeurerait un
allié convaincu de Washington s'il devenait président, et non un
« satellite » du Venezuela et des autres forces de
gauche de la région, comme l'affirment ses adversaires de droite.
L'ARENA, n'a pas ménagé ses efforts pour effrayer
l'électorat : la télévision a diffusé en
boucle depuis des semaines des scènes de guerre urbaine et des soldats
en tenue de camouflage. Sans subtilité, le message prend la forme d'un
avertissement : si Mauricio Funes devient président, le pays sera
happé par le « camp socialiste »
latino-américain. L'ancien présentateur du journal
télévisé a pourtant deux atouts : il est
très populaire, et ne ressemble pas à un militaire. La droite
accuse en effet Mauricio Funes d'être une marionnette aux mains des
anciens guérilleros. C'est dans la même optique que le
président Tony Saca de l'ARENA n'a eu de cesse de traiter Funes de
marionnette du FMLN, en faisant cette déclaration à la
chaîne `CNN en espagnol' en février : « Si
ça vole comme un canard, nage comme un canard et mange comme un canard,
c'est un canard... Le FMLN est un parti communiste. Ses idées n'ont pas
changé. » (Wheeler 2009). Pour le parti ARENA, il fallait
tout faire pour entacher la quête de l'électorat par le FMLN.
D'où déclarations et campagnes médiatiques pour tenter de
faire croire aux Salvadoriens les dangers que menace leur pays si le FMLN
gagnait les élections. En matière de la bonne gouvernance, les
partisans de l'ARENA répètent que « sous la
droite, le pays a connu la liberté, notamment
religieuse et la prospérité économique ». A
gauche, avec autant de ferveur, on rétorque : « Les
patrons ont peur, ils pensent que nous allons devenir comme Cuba ou le
Venezuela, mais c'est un mensonge » (Misslin 2009).
Quant au candidat du FMLN, en réponse aux critiques de
bonne gouvernance, il s'attaqua à son principal adversaire en ces
termes: « L'ARENA a fait du Salvador le pays le plus violent de
la région latino-américaine... Quand nous disons que
son candidat été deux fois directeur de la police, et
qu'il a échoué... on ne le dénigre pas et on ne le
diffame pas...»117(*). Tout simplement pour montrer la faiblesse voire
l'incapacité du parti au pouvoir à trouver des solutions aux
problèmes quotidiens des salvadoriens notamment en ce qui concerne leur
sécurité, dénonçant ainsi le mauvais bilan d'ARENA
en matière de criminalité. Il revendique également en
effet une filiation plus brésilienne (même si Hugo Chavez a
apporté son soutien à la campagne du FMLN).
« La gauche que je représente est la gauche
salvadorienne », martèle-t-il. Le FMLN a
« évolué », selon lui et il en veut
pour preuve son slogan : « Le changement dans la
sécurité ». Mauricio Funes promet de
« construire des ponts avec l'élite économique
conservatrice », comme le président Lula, mais sera-t-il
suivi par la direction de son parti (Misslin 2009 : 3) ?
Par ailleurs, nous ne devons pas perdre de vue le fait que
ces élections de 2009 au Salvador vont constituer un véritable
enjeu pour les puissances européennes notamment les Etats-Unis qui ne
vont pas hésiter à apporter leur soutien au parti au pouvoir
qu'ils ont toujours soutenu et à exprimer leurs inquiétudes d'une
éventuelle victoire du FMLN et des risques et menaces pour la
sécurité dans la région. Ainsi les Etats-Unis, dont
l'intervention avait été décisive en faveur du pouvoir
actuel dans la guerre civile et qui pèsent sur l'économie
« dollarisée » du pays, sont directement
intéressés par les résultats de l'élection. L'ARENA
a reçu le soutien de 46 congressistes américains qui ont
écrit à Hillary Clinton : « La victoire de
Funes serait porteuse de menaces potentielles pour nos
intérêts de sécurité nationale »
(Misslin 2009 : 3). Comme à l'accoutumée, aux Etats-Unis,
les représentants républicains Dana Rohrabacher et Conni Mack ont
sonné le tocsin à la veille de l'élection :
« Si le FMLN gagne ce dimanche, le Salvador se transformera
rapidement en un satellite du Venezuela, de la Russie et peut-être de
l'Iran.»118(*). Toutefois, l'arrivée à la Maison
Blanche du démocrate Barack Obama semble changer la donne.
Après que le porte-parole du département d'Etat Heidi Bronke a
affirmé que le gouvernement des Etats-Unis n'appuierait aucun candidat,
Washington a réaffirmé sa détermination à
coopérer avec quelque président que ce soit (Lemoine 2009).
L'enjeu de ces élections est de taille : l'ancienne
guérilla de gauche du Front Farabundo Martí de libération
nationale (FMLN) semble en bonne position pour l'emporter sur la droite, qui
préside le pays depuis 20 ans.
Finalement les premières échéances, pour
se jauger avant les présidentielles furent les législatives et
les municipales. En effet, les Salvadoriens se sont rendus aux urnes le 18
janvier 2009 pour élire leurs 84 députés à
l'Assemblée législative pour un mandat de trois ans et les 262
maires. Il faut noter qu'il y avait également le scrutin pour le choix
de représentants du peuple au parlement centraméricain. Plus de 2
000 observateurs et environ 17 000 policiers furent déployés dans
un dispositif qui devrait être remis en service en mars, pour
l'élection présidentielle.
En ce qui concerne les législatives, le FMLN gagna les
législatives. Il obtient 35 sièges contre 32 pour l'ARENA soit 3
sièges de plus par rapport aux législatives de 2006 et 2
sièges de moins pour l'ARENA par rapport à ces mêmes
législatives. Les autres partis se partageront les autres
sièges : PCN, 11 sièges ; PDC ; 5 sièges et
CD, 1 siège (cf. Annexe 2).
En ce qui concerne les municipales, l'ARENA est sorti
victorieux. Les résultats du scrutin du 18 janvier 2009 montrent
qu'ARENA continue de rafler la majorité des
municipios du pays : 111 en 2003, 147 en 2006 et 122
en 2009. La grande fierté du parti aréniste a été
la conquête (avec 49,83 % des votes) de la mairie de San Salvador qui
demeurait aux mains de la gauche depuis 1994. De son côté, le
Frente passe de la gestion de 53 municipios en
2006 à celle de 75 en 2009119(*). Il s'agit là pour le FMLN en plus d'une
nette progression par rapport aux municipales dernières, d'une aussi
grande défaite car il va perdre la mairie de la capitale qu'elle
dirigeait depuis 1994.
En ce qui concerne les présidentielles, qui se
dérouleront le 15 mars 2009, la gauche salvadorienne emmenée par
le FMLN avait de grandes chances de gagner. Le candidat du FMLN, Mauricio
Funes, a devancé son adversaire de droite, Rodrigo Ávila, ancien
directeur de la Police National Civile (PNC) de 2006 à 2008, avec 51,32
% des voix contre 48,68 %120(*). Ainsi Mauricio Funes parvient à mettre fin
à vingt ans de règne de l'ARENA et à faire basculer le
Salvador dans la marée de gauche qui déferle depuis quelques
années dans la région latino-américaine.
La signature des Accords de paix de Chapultepec de 1992
mettant fin à douze ans de guerre civile, a changé le destin de
la guérilla du FMLN. En effet aux termes des Accords, le mouvement de
guérilla devrait après sa démobilisation, se muer en
formation politique. Le parti politique issu de cet ex-mouvement de
guérilla va se lancer dans la quête du pouvoir en
s'insérant dans le paysage politique. Cette insertion dans la
scène politique va lui permettre d'asseoir le parti.
Malgré les crises en son sein qui vont entraîner
des scissions, le FMLN va vite trouver une solution à celle-ci et
continuer à consolider son assise sur l'échiquier politique
national. Cette consolidation va payer grâce à l'enracinement du
FMLN aux cours des récentes élections législatives,
municipales et présidentielles.
L'insatisfaction de l'opinion publique salvadorienne face
à la gouvernance de l'ARENA et la présentation d'une
personnalité qui n'a pas été combattant du FMLN pendant
les luttes de guérilla, ont favorisé le basculement de tendance.
En effet, aux élections présidentielles de 2009,
l'ex-journaliste Mauricio Funes, présenté comme candidat du FMLN
accède à la magistrature suprême amenant donc avec lui le
parti de gauche du FMLN au pouvoir. Tout comme les présidents
latino-américains surtout issus de la gauche, Mauricio Funes a
annoncé et promis toute une série de mesures pour environ les 40
% de pauvres parmi lesquelles on peut citer la gratuité des fournitures
scolaires, la construction de logements etc.
Ainsi donc on pourrait se demander quelle serait la
portée historique de cette victoire du FMLN ? Celui-ci fait virer
le Salvador à gauche avec l'ex-guérilla du FMLN, et l'inscrit
dans la marée de gauche qui déferle depuis dix ans sur
l'Amérique latine. Mais cette nouvelle gauche au Salvador sera-t-elle
une gauche modérée ou radicale pour gouverner le pays ?
A l'issue de la signature des Accords de paix de
1992, le FMLN s'est transformé en parti politique légal et
reconnu. Le FMLN, qui jadis était un mouvement de guérilla, a
troqué sa bannière révolutionnaire contre une
bannière démocratique. Cette mutation était fondée
dans la mesure où les ex-guérilleros ont toujours orienté
leurs actions en vue de la conquête du pouvoir politique, dans le but
d'instaurer ou de mettre en place leurs mesures en vue de la transformation de
la société salvadorienne et de l'instauration d'un climat
démocratique. Malgré les crises et les tensions que va
connaître le nouveau parti politique après sa constitution suite
aux divergences idéologiques provenant de quelques dirigeants des
organisations affiliées à l'ex-guérilla, il va quand
même arriver à les surmonter et à s'insérer dans le
paysage politique. La lutte politique engagée par l'ex-guérilla
puis par le parti politique qui en est issu va payer plus tard et mettre fin
à 20 ans de règne du parti au pouvoir l'ARENA.
En effet après la signature des Accords de paix, il
fallait accompagner le processus devant mettre fin complètement à
une guerre civile qui a déchiré le pays, puis instaurer une paix
durable. C'est dans ce contexte que les Nations unies qui avaient joué
un grand rôle dans la négociation avaient une mission de paix sur
place, qui devait s'assurer du respect et du suivi des clauses de l'accord de
paix. En outre une Commission dite de Vérité fut
créée pour faire la lumière sur cette guerre. C'est sur
cet ensemble de garde-fous mis en place pour la garantie de la paix que le FMLN
évolua et s'enracina. Du fait de l'insatisfaction des milliers de
salvadoriens par rapport à la gestion de l'ARENA, beaucoup de
spécialistes et d'observateurs prévoyaient pour les
élections législatives et présidentielles de 2009, un
renversement de tendance et une probable victoire de la gauche.
Événement qui arriva lorsque le candidat du FMLN, Mauricio Funes
déjà populaire pour ses critiques contre le pouvoir en place fut
élu président de la république. A travers cette
élection, le FMLN pouvait s'en réjouir non seulement pour le fait
qu'il soit victorieux, mais aussi pour le fait qu'il a participé d'une
certaine manière grâce sa lutte, à la
démocratisation du Salvador puisque depuis sa mutation à l'issue
de la guerre, le calendrier électoral a été bien
respecté et les élections se sont bien tenues dans le pays.
Pour ce pays, déchiré par une guerre civile de
1980 à 1992, et gouverné depuis par une droite très
conservatrice (ARENA), l'élection de Mauricio Funes à la
présidence de la république du Salvador le 15 mars 2009
était un événement historique car c'est un
représentant du parti issu de l'ex-guérilla du Front Farabundo
Martí de libération nationale (FMLN) qui accède au
pouvoir, pour la première fois.
Parvenu à la tête de l'Etat, il a promis comme
n'importe quel candidat présidentiel latino-américain, de gauche
ou de droite, la lutte contre la pauvreté, la corruption, l'inflation et
la délinquance, l'amélioration des services de santé et
d'éducation, ainsi que le respect de l'écologie et des droits
fondamentaux. Ce succès, la gauche, le doit d'abord à son
candidat Maurico Funes. Ancien journaliste, il s'est forgé une image
d'opposant, grâce à ses interviews politiques. C'est un homme
qu'on sent modéré, voire de tendance social-démocrate et
c'est cela qui serait l'une des raisons qui a permis d'une manière ou
d'une autre à toute une frange de la population de voter à
gauche pour la première fois. D'ailleurs, cette modération a
été constatée dès son premier discours (cf. Annexe
1). Il a rappelé que son gouvernement donnerait la priorité aux
pauvres, aux exclus, mais il a assuré aussi qu'il respecterait la
propriété privée et qu'il ferait tout pour conserver de
bonnes relations avec les Etats-Unis.
Cette victoire est historique. Mauricio Funes, élu le
15 mars dernier, a été intronisé officiellement le
1er juin président du Salvador (cf. photo n°8). L'un
des premiers gestes du nouveau président était de renouer les
relations avec Cuba, rompues depuis l'arrivée de Fidel Castro au pouvoir
en 1959. Ceci pour témoigner de sa politique de gauche
modérée.
Photo n°8 : Le nouveau Président du
Salvador Mauricio Funes, en compagnie de son épouse Wanda Pignato,
après la prestation de serment le 1er juin 2009

Source : www.
Rfi.fr/actufr/images/114/salvador_432.jpg.
Mais des interrogations méritent d'être
posées en ce qui concerne l'orientation du futur gouvernement du FMLN au
pouvoir. Est-ce que le FMLN d'aujourd'hui c'est-à-dire au pouvoir
sera-t-il vraiment une survivance de l'ère de la Guerre froide
c'est-à-dire héritière du bloc communiste? Renversera-t-il
le capitalisme, chassera t-il les compagnies étrangères,
annulera-t-il les accords de libre-échange et expropriera-t-il les
terres ? Ces questions sont difficiles à répondre. Car il
est vrai qu'il serait difficile de faire un bilan à mi-parcours tant que
le mandat du président Funes n'est pas encore achevé. Mais de
façon théorique et si l'on se réfère à ces
propos durant la campagne électorale et après sa victoire, on
peut quand même voir quelle orientation il compte donner au Salvador
durant sa présidence. En effet, le président élu veut donc
maintenir l'apparente modération, réelle ou tactique, qui a
attiré les électeurs indécis et mêmes d'anciens
sympathisants de l'ARENA. Au cours de sa campagne électorale
facilitée par la popularité acquise sur les petits écrans,
l'ex-journaliste s'était efforcé de gommer l'image communiste du
FMLN, auquel il s'est allié voici moins de deux ans. Dans une interview
publiée le 13 janvier à San Salvador par El Mundo,
Mauricio Funes affirmait qu'il ne cherchera pas à construire le
socialisme, lui préférant « l'économie
sociale de marché », qu'il ne s'inféodera pas
à Hugo Chavez et qu'il conservera d'excellentes relations avec les
Etats-Unis. Il ne remettrait même pas en question l'usage par l'US Air
Force de la base salvadorienne de Comalapa pour combattre le trafic
régional de stupéfiants121(*). Ponctué du slogan « Le
changement au Salvador pour vivre mieux », le
« Programme de gouvernement 2009-2014 »
cosigné par le FMLN et Mauricio Funes ignore totalement, au long de ses
106 pages, non seulement le mot « communisme »,
mais aussi ceux de « socialisme »,
« nationalisation »,
« bolivarien »,
« révolution », « lutte des
classes » etc122(*). Ainsi M. Funes privilégie donc une politique
pour moderniser le capitalisme et non un socialisme pur. Par exemple, face
à la crise financière mondiale, il promet d'offrir sa
collaboration aux institutions monétaires internationales
vilipendées au Venezuela et dans d'autres pays de la région
gouvernés par la gauche radicale. A propos de la voie d'une
modernisation du capitalisme voilà ce que nous en dit
l'économiste Martinez : « Si vous lisez leur plan de
gouvernement, vous verrez que c'est un plan pour moderniser le capitalisme au
Salvador. C'est un plan économique avec de meilleures
opportunités pour distribuer la richesse et les services au sein de la
population, et [il] insiste sur le combat contre la pauvreté et la
garantie de la sécurité alimentaire pour les secteurs qui ont
traditionnellement été exclus du processus politique... Ce
à quoi nous assistons est un retour au pragmatisme »
(Wheeler 2009).
Ainsi d'une part avec cette victoire de Mauricio Funes, le
Salvador est un pays de plus qui, en Amérique latine, bascule
à gauche. Cependant, pour le tout nouveau président, il
s'agira d'une gauche modérée proche de celle pratiquée par
le président Lula du Brésil. D'autre part, un tel succès
serait révélateur d'une tendance actuelle de l'Amérique
latine non seulement à se doter de gouvernements de gauche ou de
centre-gauche - il n'y a décidément plus beaucoup de
présidents de droite dans la région - mais en plus ça
confirmerait qu'à la faveur de ce grand mouvement de balancier vers la
gauche, il y a de plus en plus de possibilités pour d'anciennes
guérillas d'arriver au pouvoir en Amérique latine par des moyens
démocratiques. Le cas du FMLN est un exemple typique.
CONCLUSION GENERALE
Habité avant l'arrivée des espagnols,
l'espace aujourd'hui salvadorien était peuplé par des populations
amérindiennes, qui s'organisaient à leur manière sur cet
espace. La civilisation de ces peuples, y compris leur structure sociale
était fortement encrée dans la religion (dite traditionnelle).
Nous ne connaissons pas très bien la période
précolombienne, mais on peut noter quelques caractéristiques.
Elle semble avoir eu dans les grands empires sur lesquels nous sommes mieux
informés de deux caractéristiques : la
propriété d'Etat des terres, d'une part, une organisation
communautaire d'une partie de celles-ci, d'autre part (Rouquié
1987 : 81).
Avec l'arrivée des conquistadores, vont se
mettre en place de grands domaines coloniaux, qui inaugurèrent la
période coloniale. En effet les nouveaux arrivants vont détruire
la structure de tenure de terre existante et la remplacer par la grande
propriété (hacienda), au bénéfice bien
sûr des colons. Cette situation accentua les inégalités
sociales et le problème de la terre qui se posèrent plus tard
dans le pays.
De fait l'histoire de Salvador fut marquée par une
série de soulèvements, des indiens tout d'abord (on ne parlait
pas encore de marxisme ni de communisme), des paysans métis ensuite, les
uns et les autres ne faisant que défendre leurs terres contre ceux qui
les en chassaient (Placido et Barth 1982 : 13-14). En chassant les
Espagnols dans le contexte des guerres d'indépendance en Amérique
latine, les masses paysannes n'ont pas connu une amélioration de leurs
sorts. Face à l'échec d'une fédération de
républiques d'Amérique centrale due aux affrontements entre
conservateurs et libéraux, le Salvador a dû faire route seule
à partir de 1841. Pire encore à la domination coloniale, se
substitue une autre forme de domination, celle des grands propriétaires
terriens, héritiers des colons qui vont constituer une oligarchie :
une véritable classe aristocratique qui va désormais
détenir le pouvoir politique, économique et ayant une
armée à leur solde.
Ainsi l'indépendance vit les grands domaines se
consolider ou parfois même s'agrandir tandis que la situation des
indigènes s'aggravait. Très tôt les héritiers du
domaine colonial, devraient faire face à des séries de
contestation des populations laissées dans un état de
pauvreté. Ce furent les débuts des mouvements de contestation, de
soulèvements, de manifestations, de grève contre l'ordre
oligarchique régnant après les indépendances. Mais ces
soulèvements furent durement réprimés surtout par une
armée à la solde de la classe aristocratique. C'est pour faire
face aux mécontentements qui s'aggravaient, qu'on ne trouva de solution
qu'en la personne d'un homme à poigne. C'est dans ce contexte
que la classe aristocratique fit appel à l'armée qui, par le
biais du général Maximiliano Hernandez Martinez va profiter de la
situation pour faire irruption dans la vie politique et essayer de s'y
maintenir autant que faire se peut au pouvoir. Celui-ci s'empara du pouvoir en
1931, se rendit rapidement célèbre en noyant dans le sang, en
1932 une insurrection paysanne soutenue par des partisans communistes. C'est
dans ce contexte de répression qui fit de nombreuses victimes, que
Farabundo Martí, un héros de la libération nationale du
pays fut exécuté.
Cependant l'oligarchie qui appuyait le général
Hernandez, se refusait à toute reforme sociale et aucun effort ne fut
entrepris pour contrecarrer les effets de la dépression
économique qui frappaient le pays. Le mécontentement
général de la majorité de la population qui s'ensuivit,
son état de pauvreté, la répression de toute tentative
réformiste et surtout de reforme agraire, furent à l'origine de
la formation puis de la radicalisation d'organisations révolutionnaires,
aux nombres desquelles se situe le Front Farabundo Martí de
libération nationale (FMLN), qui a fait l'objet de notre
réflexion dans ce présent mémoire.
C'est dans cette atmosphère politique et
sociale marquée par tant d'inégalités sociales, que le
FMLN va se constituer. Il est issu de l'unification sous une coordination
unique de différentes organisations révolutionnaires qui
existèrent et se développèrent à partir des
années 1970. Ces différentes organisations qui vont se retrouver
au sein du FMLN, vont choisir de s'inscrire dans le contexte d'une lutte
armée
« libération-révolution ».
Ainsi c'était surtout pour mettre fin à une
situation d'inégalités sociales, à une dictature, que le
FMLN mena le combat de lutte armée dans un contexte où comme nous
l'avons vu cette lutte armée était la seule alternative du
moment. Il mena cette lutte armée non pas parce qu'il ne pouvait pas
s'insérer dans la voie démocratique, puisque le cours de
l'histoire nous montrera le contraire, mais parce que c'était un moyen
pour lui de se faire entendre et de parvenir à la satisfaction de ses
revendications.
Mais avant d'en arriver là, nous devons noter que
l'organisation d'abord révolutionnaire, pénétrée
par les idéologies marxistes, s'engagera dans le combat politique
à travers une stratégie de guerre : la guérilla. Ceci
dans le but d'atteindre des objectifs qu'il s'est assigné notamment
l'établissement d'une série de reformes, d'une politique de
reforme agraire, la justice sociale, d'un climat démocratique ou les
droits des citoyens seront préservés etc. Le FMLN devant le refus
du pouvoir en place d'opérer de nombreux changements, va s'inscrire dans
une lutte armée qui va plonger le pays dans une guerre civile. Cette
guerre civile va opposer les forces gouvernementales et les organisations
révolutionnaires : le FMLN va s'allier avec les différents
partis de gauche rassemblés au sein du Front démocratique
révolutionnaire (FDR). On parlera de l'alliance révolutionnaire
FMLN-FDR. Les forces gouvernementales seront épaulées par les
Etats-Unis. Ceux-ci n'hésiteront pas à fournir des moyens tant
financier que militaire pour contrecarrer l'influence de la guérilla du
FMLN. Pour les USA, il s'agit d'une lutte contre le communisme dont les
idées marxistes les inquiétaient beaucoup. Le soutien
apporté par les Américains aux forces gouvernementales a
joué un grand rôle dans l'échec de la lutte armée
engagée par le FMLN et le développement des dérives
gouvernementales. Mais devions nous parler d'échec ?
Même si cela est vrai en terme de conquête
militaire (mis à part quelques départements notamment le Morazan
et le Chalatenango contrôlés par la guérilla à
l'issue de quelques offensives), il faut sans doute souligner que la lutte
armée a néanmoins permis au FMLN de se faire entendre,
d'être reconnu puis pris en compte par le pouvoir en place et la
société internationale. On peut donc partager l'avis du
commandant guérillero Joaquín Villalobos de l'ERP, Villalobos
(1999 : 142): « Quant à l'offensive des
guérilleros, elle n'avait pas pour but de remporter une victoire
militaire, mais de faire pression pour une médiation
internationale ».
Ainsi elle a permis, malgré quelques échecs au
niveau des négociations, de relancer le cours des celles-ci entre forces
gouvernementales et dirigeants de la guérilla en permettant d'exiger des
négociations qui finiront bon gré malgré par aboutir aux
Accords de paix de Chapultepec en 1992. Ces Accords de paix permirent de poser
de véritables bases pour un cadre institutionnel et démocratique
pour moderniser le Salvador.
En cela le FMLN peut se dire qu'il a contribué d'une
certaine manière à la démocratisation du Salvador. La
tenue régulière des élections dans un climat relativement
apaisé et sa transformation en parti politique légal
témoignent de cette démocratisation. Ainsi le combat politique de
l'ex-guérilla puis du parti politique qui en est issu pour la justice
sociale, pour la démocratie et les droits de l'homme au Salvador ne fut
donc pas vain puisqu'il paya plus tard par le couronnement du FMLN au sommet de
l'Etat en 2009. Ces négociations aboutiront à la signature des
Accords de paix de Chapultepec en 1992.
Les Accords de paix signés en 1992 ont mis fin à
douze ans de guerre civile, qui a pratiquement déchiré un pays.
Ces Accords de paix signés grâce à la médiation
onusienne vont contenir un certain nombre de décisions pour instaurer
une paix durable. L'un des faits majeurs introduits par ces accords furent
d'importantes reformes au sein de l'appareil de l'Etat. Du côté de
la guérilla, c'était sa démobilisation et sa
transformation en parti politique. La capacité des anciens
guérilleros de s'adapter à la nouvelle donne, a permis de donner
à la mutation du mouvement de guérilla en formation politique
tout son sens. Malgré les crises et tensions internes que va subir le
nouveau parti, les approches de solution vont permettre de surmonter ces
moments difficiles et de mieux s'insérer dans la scène politique.
Une analyse minutieuse donc de l'évolution du FMLN nous permet donc de
souligner sa capacité à s'adapter au contexte du moment et
à être toujours tenace par rapport à l'atteinte des
objectifs qu'il s'est assigné depuis sa création.
C'est ainsi que, le nouveau parti politique issu de
l'ex-guérilla participera aux différentes élections qui se
tiendront après les Accords de paix. Cette participation du FMLN, son
programme politique puis l'insatisfaction des milliers de salvadoriens face
à l'action gouvernementale du parti au pouvoir (l'ARENA),
contribuèrent à son enracinement. En effet l'augmentation de sa
côte de popularité et de ses scores aux différents
scrutins, furent du FMLN et de l'ARENA, les principaux partis politiques du
Salvador. Mais pour les élections législatives et
présidentielles de 2009, une grande partie de l'opinion publique
salvadorienne prévoyaient un ultime basculement du pouvoir. Certes
l'insatisfaction des salvadoriens et le candidat choisi par le FMLN à
jouer mais aussi le programme politique que s'est assigné le nouveau
parti et qui, pas trop différent du programme des guérilleros au
moment de la lutte armée, ont beaucoup contribué à ce
renversement de tendance.
Ainsi le 15 mars 2009, le candidat du FMLN, l'ex-journaliste
Mauricio Funes populaire pour ses critiques à l'encontre du gouvernement
salvadorien, remporte les présidentielles et amène donc avec lui
le parti de gauche issu de l'ex-guérilla au pouvoir. Mauricio Funes
venait ainsi donc de faire virer le Salvador dans la vague des pays latino-
américains dirigés par des socialistes, mais parmi ces
socialistes il y en a qui s'inscrivent dans la ligne dure
caractérisée par un certain anti-américanisme (le cas de
Hugo Chavez au Venezuela, d'Evo Morales au Pérou pour ne citer qu'eux)
et certains qui sont modérés et qui prônent une
collaboration avec les USA, (le cas de Lula Da Silva au Brésil). Dans
cette diversité de la gauche latino-américaine, vers quelle
catégorie de gauches se tournera Mauricio Funes et avec lui tout le
Salvador ?
En effet Mauricio Funes, premier président de gauche du
Salvador a annoncé toute une séries de mesures sociales à
son actif. Face à cette diversité de la gauche
latino-américaine, celui-ci s'est dit prêt à
privilégier une approche beaucoup plus modérée. Il n'est
pas prêt à tourner le dos aux Etats-unis et espère d'eux
une véritable coopération. Ainsi donc il
s'insère d'emblée dans le camp de la gauche
modérée, il a aussi nommé les deux hommes qu'il
considère comme ses modèles : le président
américain Barack Obama et le président brésilien
Lula123(*). Mais ses
autres collaborateurs notamment les ex-commandantes du FMLN lui
apporteront-ils leur confiance dans cette nouvelle orientation
politique ?
En effet c'est là que plane beaucoup de doutes. Le
président Funes est épaulé par un ex-guérillero
Salvador Sánchez Cerén, 65 ans son vice-président, qui
était connu sous le nom de Comandante Leonel González
pendant la guerre, et a pris les rênes du parti après la mort de
Shafick Handal. Il était l'un des pères fondateurs des Forces
populaires de libération, l'un des cinq groupes qui ont fusionné
pour former le FMLN en 1980, donc un membre de la vieille garde du parti. Entre
ces deux personnalités c'est-à-dire Mauricio Funes incarnant une
certaine modernisation idéologique du parti et Salvador Sánchez
Cerén, incarnant la ligne dure et le courant jadis des
« orthodoxes » ; on se demande si la
collaboration serait efficace ? Arriverait-il à se comprendre par
rapport aux orientations du président et par rapport aux volontés
de certains membres influents le plus souvent anciens guérilleros
d'être toujours attachées aux valeurs de l'ex-guérilla et
son affiliation idéologique au communisme ?
Beaucoup de personnes ont exposé leur inquiétude
en ce qui concerne qui dirigera le Salvador au sein du FMLN ? C'est le cas
de l'économiste Hernandez qui affirme : « Le FMLN...
donne à Funes le titre de candidat présidentiel, mais c'est
tout. Tous les candidats [au parlement] proviennent de la ligne
dure, la linea dura. Le candidat avance souvent une chose, mais le parti en
affirme une autre. Ce ne sont pas des erreurs, mais des manières de dire
à Funes qui commande réellement » (Wheeler 2009).
Pour un autre Salvador Samayoa ancien dirigeant de la guérilla, il
anticipait des difficultés entre le FMLN et Mauricio Funes, qui n'a
jamais appartenu à un parti politique : « Ils ne se
connaissaient pas vraiment quand Mauricio a été choisi [en 2007
comme candidat à la présidence] et plus ils se connaissent, moins
ils s'aiment. Je n'imagine pas le FMLN au pouvoir sans une relation forte et
très étroite avec Cuba, le Venezuela et le
Nicaragua »124(*). Ainsi donc il semble apparaître, un FMLN pro-
Chavez et un FMLN- Mauricio Funes, qui préfère se
référer au président brésilien Luiz Inacio Lula da
Silva. Qui de l'ex-guérilla ou du président élu gouvernera
réellement le Salvador?
Néanmoins pour l'instant et pour son mandat
présidentiel, le nouveau président aura à faire face
à de nombreux défis pour améliorer le quotidien de
milliers de salvadoriens qui, en proie à la pauvreté, attendent
beaucoup de lui : la désastreuse situation sociale de ce petit pays
de 5,7 millions d'habitants a obligé plus de 2,5 millions
d'entre eux à émigrer, essentiellement aux Etats-Unis ;
47,5 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et
19 % dans l'extrême pauvreté - quand 0,3 %
accaparent 44 % du revenu national. Un chômage massif et le taux
d'homicides le plus élevé du continent (67,8 pour cent mille
habitants) complètent le tableau. Il devra aussi composer avec un
parlement où il n'a pas la majorité parlementaire (Lemoine
2009).
Le Salvador reste un pays vivant entre le passé et le
présent -- divisé idéologiquement entre la droite et la
gauche et conservant beaucoup des mêmes figures de la guerre civile,
lesquelles s'évertuent à crier en direction de tous ceux qui
veulent bien les écouter. Mauricio Funes saura t-il combler ces
divisions -- ou leur succombera-t-il -- ; ceci reste une question à
laquelle personne ne peut répondre (Wheeler 2009).
ANNEXES
Annexe 1
Premier discours du président élu,
Mauricio Funes
Voir le discours sur Youtube.
Traduction :
« Chers compatriotes,
Nous avons réussi mes amis. Aujourd'hui nous
réalisons nos rêves de justice et de démocratie.
Aujourd'hui, nous initions une des tâches les plus importantes de ces
dernières années. Nous allons reconstruire notre pays. À
partir de maintenant, l'ARENA devient un parti d'opposition comme nous l'avons
été pendant si longtemps.
Maintenant est venu le tour de l'offensée, de l'exclue,
de tous ceux que l'on a marginalisés. Aujourd'hui est venu le tour de
ceux qui sont authentiquement démocrates, de ceux qui veulent, pour
tous, hommes et femmes, une justice sociale.
Je veux dédier cette victoire à un
saint125(*) qui nous
éclaire, à notre Farabundo Martí [...] qui
déjà réclamait cette justice sociale.
Nos armes se résument à la Constitution de la
République de ce pays pour la construction d'un État social et
démocratique... »
Source : Beaulande (2009) :
« El Salvador- Victoire du FMLN contre une droite
désarmée » in www. Alterinfos.org.
Annexe 2 : Distribution des sièges
parlementaires de 1994 à 2009
|
1994
|
1997
|
2000
|
2003
|
2006
|
2009
|
ARENA
|
39
|
28
|
29
|
27
|
34
|
32
|
FMLN
|
21
|
27
|
31
|
31
|
32
|
35
|
PCN
|
4
|
11
|
14
|
16
|
10
|
11
|
PDC
|
18
|
7
|
5
|
4
|
6
|
5
|
CDU-CD
|
|
2
|
3
|
5
|
|
|
CD
|
|
|
|
|
2
|
1
|
PLN
|
|
|
|
|
0
|
|
FDR
|
|
|
|
|
|
0
|
Autres
|
2
|
9
|
2
|
1
|
|
|
Total
|
84
|
84
|
84
|
84
|
84
|
84
|
Source: « El Salvador:
Elections » in www.Opalc.org, consulté le 27 septembre 2010
à 14h 28 min. Elaboration personnelle à partir des données
recueillies sur la page web de l'Instituto de Iberoamérica (Salamanque)
et sur le site du Tribunal Suprême Électoral.
Annexe 3 : Résultats des élections
présidentielles au Salvador de 1994 à 2004

Source : Garibay (2004b : 4)
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2. Bibliographie :
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Amérique latine, éd ouvrières, Paris, 239 p.
CHAUNU P., 1964 : L'Amérique et les
Amériques, Armand colin, Paris, 470 p.
CHAUNU P., 1995 : Histoire de l'Amérique
latine, PUF, Paris, 127 p.
DABENE O., 2003 : L'Amérique latine à
l'époque contemporaine, Armand colin, Paris,
« Cursus », 245 p.
DE GALINDEZ J., 1962 : l'ère de
Trujillo : l'anatomie d'une dictature latino-américaine,
(traduit de l'espagnol par J. Grignon Dumoulin), Gallimard, 356 p.
DENECHEAU J-H, GIRAULT J. et al, 1979: L'Amérique
latine au XXè siècle, Dossier d'Histoire Pierre Goubert,
Masson, Paris, 119 p.
ERDOZAIN P. et BARTH M., 1982 : Le Salvador :
Oscar Romero et son peuple, Karthala, Paris, 168 p.
FALQUET J., 1997 : « Les Salvadoriennes et la
guerre civile révolutionnaire » in Clio. Histoire,
femmes et sociétés n°5, pp. 1-10.
GANDOLFI A., 1989 : Les mouvements de
libération nationale, PUF, Paris, QSJ ?, 126 p.
GARIBAY D., 2003 : Des armes aux urnes processus de
paix et réinsertion des anciennes guérillas en Colombie et au
Salvador, thèse de doctorat en science politique, Institut
d'Etudes Politiques de Paris, 706 p.
GARIBAY D., 2004 a : « La Démocratie
prescrite par les autres : l'Amérique centrale où les
élections à tout prix » in Critique internationale
n° 24- Juillet 2004, pp.125-137.
GARIBAY D., 2004 b : « Salvador, les
défis du renouvellement. Le FMLN et les élections de 2003 et
2004 » in Problèmes d'Amérique latine, 54,
automne, pp. 33-52.
GARIBAY D., 2005 : « De la lutte armée
à la lutte électorale, itinéraires Divergents d'une
trajectoire insolite. Comparaison à partir des cas
centraméricains et colombiens » in Revue internationale de
politique comparée, Vol 12, n°3, 2005, pp. 283-297.
LEMOINE M., 1988 : Les cent portes de
l'Amérique latine, Autrement, Paris, 359 p.
MAUROIS A., 1947 : Histoire des Etats-Unis de 1492
à 1946, Albin Michel, Paris, 565 p.
PUYO D., TARACENA A., 2007 : « Analyse
comparative de la formation des guérillas d'Amérique centrale
et en Colombie », séminaire sur Mobilisations sociales
Amérique latine, Institut d'Etudes Politiques de Paris, 20 p.
QUEUILLE P., 1969 : L'Amérique latine, la
doctrine Monroe et le panaméricanisme, Payot, Paris, 270 p.
ROUQUIE A., 1987 : L'Amérique latine.
Introduction à l'extrême-occident, éd. du Seuil,
Paris, 445 p.
ROUQUIE A. (ss. coord) 1991 : Les forces politiques
en Amérique centrale, Karthala, « Hommes et
Sociétés », Paris, 303 p.
TOINET M-F., 1982 : « De Carter à
Reagan : la politique salvadorienne des Etats-Unis » in
Revue Etudes internationales, vol 13, n°3, pp. 497-513.
VILLALOBOS J., 1999 : « Ni vainqueurs ni
vaincus : la paix au Salvador » (traduit de l'espagnol par Claude
Grégoire) in Critique internationale n°5 - Automne 1999,
pp. 139-152.
LISTE DES TABLEAUX
Tableau n°1 : Salvador :
quelques-unes des « quatorze familles » et leurs
secteurs
d'activités...........................................................................................31
Tableau n°2 : Importations
salvadoriennes des Etats-Unis et de la Grande Bretagne rapportées au
total des importations en pourcentage,
(1913-1927).........................43
Tableau n°3 : Interventions ou
occupations militaires nord-américaines en Amérique centrale et
Caraïbes entre 1898 et 1933
.......................................................45
LISTE DES CARTES
Carte n°1 : la carte routière
du Salvador....................................................... 16
Carte n°2 : le Salvador avec ses
principales villes........................................... 17
LISTE DES PHOTOS
Photo n°1 : Augustin Farabundo
Martí (1893-1932), vue prise lors d'une de ses visites au Nicaragua en
1929..................................................................................
53
Photo n°2 : Mgr Oscar Arnulfo Romero y
Galdamèz, archevêque de San Salvador de 1977 à
1980................................................................................................68
Photo n°3 : Les guérilleros
du FMLN dans leur camp d'entraînement en avril 1982, à Guacamaya
dans le département du Morazán, au nord-est du
Salvador.............................................................................................83
Photo n°4 : un jeune enfant
combattant du FMLN............................................87
Photo n°5 : Mauricio Funes, le
nouveau président du Salvador................. .........136
Photo n°6 : Le candidat de gauche
du Front Farabundo Martí de la libération nationale (FMLN) aux
élections présidentielles du Salvador, Mauricio Funes, au milieu
de ses partisans, à La Herradura, le 10 mars 2009
..................................................139
Photo n°7 : Le candidat de droite
de l'Alliance nationale républicaine (ARENA) aux élections
présidentielles du Salvador, Rodrigo Avila, au milieu de ses partisans,
à San Salvador, le 8 mars 2009
.................................................................................141
Photo n°8 : Le nouveau
Président du Salvador Mauricio Funes, en compagnie de son épouse
Wanda Pignato, après la prestation de serment le 1er
juin........................148
TABLE DES MATIERES
|
|
Dédicace.....................................................................................................
|
i
|
Remerciements.....................................................................................
|
ii
|
Sigles et
abréviations................................................................................
|
iii
|
Introduction
générale.............................................................................
|
1
|
Première partie : La genèse du Front Farabundo
Martí de libération nationale au Salvador en
1980.............................................................................................................
|
19
|
Introduction de la
partie............................................................................................
|
20
|
Chapitre 1 : Aperçu historique du
Salvador...................................................
|
21
|
Introduction..............................................................................
.............
|
21
|
1. L'époque précolombienne et la période
coloniale.......................................................
|
21
|
1.1. L'époque
précolombienne...................................................................
|
22
|
1.2. La conquête espagnole et la période
coloniale...........................................
|
23
|
2. L'indépendance et les débuts de la
république salvadorienne...........................
|
25
|
2.1.
L'indépendance..............................................................................
|
25
|
2.2. De la république fédérale
d'Amérique centrale aux débuts de la
république
salvadorienne........................................................................
|
26
|
3. Les conséquences de la colonisation et ses
survivances...................................
|
28
|
3.1. Le développement de l'aristocratie
salvadorienne......................................
|
28
|
3.2. La révolte de 1932 et l'affirmation du rôle
politique des militaires...................
|
33
|
3.3. Le conflit Honduras-Salvador et la naissance des
mouvements
révolutionnaires....................................................................................
|
36
|
Conclusion.............................................................................................
|
40
|
Chapitre 2 : Création du Front Farabundo
Martí de Libération Nationale
(FMLN)............................................................................................
|
41
|
Introduction..........................................................................................
|
41
|
1. Le prélude à la constitution du front
révolutionnaire.....................................
|
41
|
1.1. Le Panaméricanisme et les débuts de la
domination étrangère.........................
|
42
|
1.2. La pénétration d'idéologies
marxistes et leurs adaptations ............................
|
46
|
2. La formation et l'organisation du
FMLN........................................................
|
48
|
2.1. Les différentes formations révolutionnaires
à l'origine du FMLN....................
|
48
|
2.1.1. L'état des lieux des principales formations
révolutionnaires.............................
|
49
|
2.1.2. Qui est Augustin Farabundo
Martí ?.....................................................................
|
52
|
2.2. Création et organisation de la guérilla du
FMLN........................................
|
53
|
2.3. La prise de position de l'Eglise
catholique.....................................................
|
55
|
2.4. Les effets de la théologie de la libération et
les revendications du
FMLN...............................................................................................
|
57
|
Conclusion.............................................................................................
|
59
|
Conclusion de la première
partie................................................................
|
60
|
Deuxième partie : la lutte armée au Salvador
de 1980 à 1992 ..............................
|
61
|
Introduction de la
partie..........................................................................
|
62
|
Chapitre 3 : la guerre civile au Salvador : des
origines à l'unification du mouvement
révolutionnaire....................................................................................
|
63
|
Introduction.......................................................................................
|
63
|
1. Les causes de la guerre
civile...............................................................
|
63
|
1.1. Le coup d'Etat de 1979 et les troubles
civils..........................................
|
63
|
1.2. L'assassinat de Mgr Romero et la remontée des
violences...........................
|
66
|
1. L'unification du mouvement
révolutionnaire...........................................
|
70
|
2.1. La coordination de la
révolution..........................................................
|
70
|
2.2. L'alliance révolutionnaire : FDR et
FMLN...............................................
|
72
|
Conclusion..........................................................................................
|
74
|
Chapitre 4 : Le Front Farabundo Martí de
libération nationale dans la lutte armée au
Salvador...........................................................................................
|
75
|
Introduction.........................................................................................................
|
75
|
1. Stratégie et moyens d'action de la
guérilla............................................................
|
75
|
1.1. La guerre de
guérilla....................................................................................
|
75
|
1.2. Le recours à la négociation ou à
d'autres moyens .........................................
|
78
|
2. Les actions armées de la guérilla du
FMLN............................................................
|
81
|
2.1. L'offensive de 1981....................
....................................................
|
82
|
2.2. L'offensive de 1989 et autres moyens du
FMLN....................................................
|
84
|
2.3. La participation de la population..........
................................................
|
86
|
2.4. L'Etat face au FMLN (la répression et la
persuasion)....... ..........................
|
91
|
3. Les appuis étrangers reçus par la
guérilla et le pouvoir en place.. ......................
|
93
|
3.1. la politique salvadorienne des
Etats-Unis..............................................................
|
94
|
3.2. le FMLN et la société
internationale....................... ................................
|
97
|
Conclusion........................................................................................................
|
98
|
Conclusion de la deuxième
partie...............................................................
|
99
|
Troisième partie : Accords de paix, mutation et
enracinement du FMLN de 1992 à
2009...................................................
............................................
|
100
|
Introduction de la
partie.......................................................................................
|
101
|
Chapitre 5 : La négociation de la
paix................. .........................................
|
102
|
Introduction.........................................
..............................................
|
102
|
1. Les Accords de paix de
1992...............................................................
|
102
|
1.1. Le prélude aux accords de
paix............................................ ...................
|
102
|
1.2. Les clauses des Accords de paix de
1992................................................
|
106
|
2. L'instauration d'un climat de paix
..........................................................
|
110
|
2.1. La mission des Nations unies................................
..............................
|
111
|
2.2. La Commission de Vérité.......................
...........................................
|
113
|
Conclusion..........................................................................................
|
118
|
Chapitre 6 : Mutation et enracinement du
FMLN.............................. ............
|
119
|
Introduction.......................................................................................
|
119
|
1. Mutation du
FMLN..........................................................................
|
119
|
1.1. La transformation de guérilla en parti politique
.......................... ............
|
119
|
1.2. Les crises internes au sein du FMLN et les approches de
solution ...... ...........
|
120
|
2. L'enracinement et la consolidation du FMLN ..........
.................................
|
123
|
2.1. La participation du FMLN aux élections de 1994
à 2006................ .............
|
124
|
2.2. Un ultime basculement du pouvoir au profit du
FMLN....................................
|
131
|
2.3. L'accession au pouvoir de Mauricio
Funes........................................................
|
135
|
Conclusion........................................................................................
|
144
|
Conclusion de la
partie..........................................................................
|
146
|
Conclusion
générale..............................................................................
|
150
|
Annexes
....................................................................................................................
|
157
|
Annexe
1............................................................................................
|
158
|
Annexe 2.....................................
......................................................
|
159
|
Annexe
3............................................................................................
|
159
|
Sources et
bibliographie.............................................................
............
|
160
|
1.
Webographie................................................................................
..
|
160
|
2. Bibliographie..........................................
........................................
|
165
|
Liste des
tableaux.................................................................................
|
167
|
Liste des
cartes....................................................................................
|
167
|
Liste des
photos...................................................
................................
|
167
|
Table de matières...........................
.....................................................
|
169
|
* 1 Information tirée
de « Farabundo Martí de libération
nationale », p. 1 in www. Answers.com, consulté le 08 mars
2010 à 14h 05 min.
* 2 Information tirée
de « Front Farabundo Martí de libération
nationale », p. 1 in fr. wikipédia.org, consulté le 20
mars 2010 à 10h 51 min.
* 3Information tirée de
www. La Toupie.org.
* 4 Région du
continent américain, située au sud des Etats-Unis et englobant
les pays hispanophones d'Amérique centrale, quelques îles des
Caraïbes et les pays hispanophones et lusophones de l'Amérique du
sud. Information tirée de « Amérique latine »
in Microsoft Encarta 2009- Etudes DVD.
* 5 Information tirée
de « Salvador. » in Microsoft Encarta 2009- Etudes DVD.
* 6 Information tirée
de « Salvador. » in Microsoft Encarta 2009- Etudes DVD.
* 7 Information tirée
de « Salvador. » in Microsoft Encarta 2009- Etudes DVD.
* 8 Information tirée
de « Salvador. » in Microsoft Encarta 2009- Etudes DVD.
* 9 Information tirée
de « Salvador. » in Microsoft Encarta 2009- Etudes DVD.
* 10 En espagnol le nom
officiel du Salvador est « República de El
Salvador » et le nom usuel « El
Salvador » (Garibay 2003 : 55).
* 11 Indiens de
l'Amérique centrale, créateurs d'une brillante civilisation
(IIIè- Xè s.) (Dictionnaire de poche
Larousse 2010 : 985).
* 12 Ensemble des
populations amérindiennes des régions centrales et orientales du
Mexique, parlant le nahuatl (information tirée dans
« Nahuas » in Microsoft encarta 2009 [DVD]).
* 13 Information
tirée dans « Histoire d'El Salvador » in
www.answers.com, consulté le 08 mars 2010 à 14h 20 min.
* 14 Roi et prêtre
légendaire au Moyen Âge, dont le vaste territoire aurait
été situé en Asie ou en Afrique. Information tirée
de « Jean, le prêtre » in Microsoft Encarta 2009.
* 15 Nom donné aux
aventuriers espagnols qui allèrent conquérir l'Amérique
(Dictionnaire de poche Larousse 2010 : 173).
* 16 Le maître avait
tout pouvoir sur ses esclaves, y compris pouvoir de vie et de mort. Dans bien
des régions les Indiens préférèrent se suicider
collectivement, plutôt que de se soumettre. Nombreuses furent aussi les
victimes des maladies apportées par les conquérants, ainsi que du
travail forcé, surtout dans les mines (Erdozain et Barth 1982 :
14).
* 17
Confédération, qui de 1824 à 1840, regroupa cinq Etats
d'Amérique centrale, le Guatemala, le Honduras, le Salvador ( San
Salvador jusqu'en 1841), le Nicaragua et le Costa Rica. Information
tirée de « Provinces-Unies d'Amérique
centrale » in Microsoft Encarta 2009- Etudes DVD.
* 18 Francisco
Morazán (1792-1842), homme d'Etat hondurien, président des
Provinces- Unies d'Amérique centrale (1830-1840), champion du
fédéralisme d'Amérique centrale
(« Morazán, Francisco. » in Microsoft Encarta 2009.
* 19 De 1913 à 1931
le gouvernement fut dirigé par une véritable
« dynastie », celle de la famille Quinonez-Melendez. Durant
cette période éclatèrent des conflits, à
l'intérieur même de l'oligarchie, entre les tenants
agro-exportateurs traditionnels et ceux qui s'ouvraient à l'influence
nord-américaine, prônant la diversification de l'appareil de
production (Erdozain et Barth 1982 : 15).
* 20 Il fut soutenu par les
secteurs ouvriers de la capitale du moins jusqu'à l'élection
présidentielle de 1931 (Garibay 2003 : 232).
* 21 Afin d'assurer la
stabilité de l'Amérique centrale, les Etats-Unis refusent
à partir de 1923 de reconnaître tout gouvernement sans
légitimité constitutionnelle (Garibay 2003 : 232).
* 22 Il existe plusieurs
versions sur la date de l'insurrection. Par exemple contrairement à
celle de Garibay (2003); Lemoine (1988), Erdozain et Barth (1982) puis
Rafael Menjivar Larin dans son article « El Salvador, le
plus petit maillon » paru dans l'édition espagnole du
Monde Diplomatique (septembre 1979) et cité dans l'ouvrage de
Erdozain et Barth (1982) s'accordent sur la date du 21 janvier. Notre propre
opinion à partir de la confrontation de ces diverses sources, se penche
en vertu de nos considérations historiques sur la date du 21 janvier.
Mais pour éviter toute polémique sur la date de cette
insurrection, il faut noter que ce qui est certain, est que celle-ci a eu lieu
en janvier 1932.
* 23 Cf. Gordon (Sara),
Crisis política y guerra en El Salvador, Mexico : Siglo
XXI, 1989, p. 65 cité par Garibay (2003 : 233).
* 24 Timothy Wickham-
Crowley considère que la mémoire de la répression de 1932
est un des facteurs qui permettent d'expliquer pourquoi les habitants, en
particulier les ruraux, des zones occidentales du pays (départements
d'Ahuachapán et Sonsonate) se sont tenus pratiquement à
l'écart du conflit du gouvernement entre le gouvernement et le FMLN de
1979 à 1992 cf. Wickham-Crowley T., Guerrillas and Revolution in
latin America, op.cit par Garibay (2003 : 233-234).
* 25 Information
tirée de « Guerre de cent heures » in
fr.wikipédia.org, consulté le 14 mars 2010 à 19h 31
min.
* 26 Ils allaient peupler
les villes (la capitale passa de 280 000 habitants en 1961 à 350 000 en
1969) ou émigraient au Honduras pour pouvoir travailler la terre. C'est
ce que firent 300 000 d'entre eux. Information tirée de
« Guerre de cent heures » in fr.wikipédia.org,
consulté le 14 mars 2010 à 19h 31 min.
* 27 Le Mercomún
réunit les cinq républiques centre-américaines) mis en
place à la ferme invitation de Washington en 1960 (Kaeser 2006).
* 28 Un cessez-le-feu est
signé le 18 juillet. Le dernier soldat salvadorien quitte le sol
hondurien le 3 août (Kaeser 2006).
* 29 C'est le cas au
Nicaragua avec Cesar Augusto Sandino qui va animer la guérilla et va
résister à la présence des marines
nord-américains dans ce pays. Augustin Farabundo Martí avait
été son collaborateur (Garibay 2003 : 231). Et c'est en son
hommage que le Front révolutionnaire au Nicaragua, hier mouvement de
guérilla et aujourd'hui parti politique, portera le nom de Front
Sandiniste de libération nationale. Notre propre opinion à partir
de Lemoine (1988), Garibay (2003) et Gandolfi (1989).
* 30 Encore sont-ils la
plupart du temps divisés en plusieurs courants, pro-soviétique,
pro-chinois, pro-castrite ou autonomes, difficilement enclins à
collaborer ou dont les alliances sont éphémères (Gandolfi
1989 : 28).
* 31Garibay D.,
s.d : « De la naissance de
guérillas au Chiapas. Bref aperçu historique de la lutte
armée en Amérique latine, disponible sur
www.dissidences.net/documents/chronologie_Garibay. pdf, consulté le 26
novembre 2009 à 10h 30 min.
* 32 Howard J. Wiarda,
Conflicto y Revolución: la crisis en América Central, Ed
Tres tiempos, 1986 cité par (Puyo et Taracena 2007 : 7).
* 33Guevara (Ernesto, dit
Che), homme politique cubain (1928-1967). Il développa la
guérilla en Amérique latine (Dictionnaire de poche Larousse
2010 : 961).
* 34 Ancien
séminariste, dirigeant du syndicat des ouvriers boulangers; Cayetano
Carpio a rompu avec son parti à l'issue d'un long et vif débat
interne autour de la révolution cubaine. Il entraîna
derrière lui un nombre non négligeable de cadres syndicaux
communistes comme José Dimas Alas, secrétaire de la
Fédération unitaire syndicale (FUS) (Rouquié 1991 :
90).
* 35 Le BPR est
l'organisation de masse la plus nombreuse, en particulier à cause de
l'importance de ses bases paysannes dont la Fédération
chrétienne des paysans salvadoriens (FECCAS). Il a d'ailleurs
été successivement dirigé par deux dirigeants venus du
syndicalisme agraire, Juan Chacón, jusqu'à son assassinat le 27
novembre 1980, puis Facundo Guardado (Garibay 2003 : 251).
* 36 Les Ligues populaires
-28 février doivent leur nom au massacre de manifestants qui eut lieu le
28 février 1977, Plaza libertad à San Salvador, à la suite
des élections frauduleuses. Elles comprenaient avant leur éclipse
totale en 1981 : les Ligues populaires paysannes, les Ligues populaires
ouvrières, les comités de quartier LP-28 et
l' « Association des usagers et des travailleurs des
marchés. » (Rouquié 1991 : 94).
* 37 Principal rival au sein
de l'organisation de Joaquim Villalobos, fondateur de l'ERP, accusé de
travailler pour la CIA. Cet assassinat (aucun élément de preuve
ne sera jamais apporté de l'éventuelle culpabilité de
Roque Dalton) entraîne le départ de quelque 2 000
guérilleros qui fondent les Forces armées de la Résistance
nationale (Lemoine 1988 : 169).
* 38 Cette information
provient de la presse du mouvement « Guazapa », organe
officieux de la RN, septembre 1985, p. 2 cité par Rouquié
(1991 : 94).
* 39 La figure de Farabundo
Martí est doublement symbolique de la continuité
revendiquée par le FMLN. Les guérillas des années 1980 ont
cherché à rappeler leur lien avec l'histoire nationale, ou
régionale dans le cas de l'Amérique centrale, rompant ainsi avec
l'aspect froid et impersonnel des mouvements armés des années
soixante. Par ailleurs, à la différence d'Augusto Sandino,
Farabundo Martí a été un dirigeant communiste, marquant
ainsi la plus forte affiliation idéologique de la guérilla
salvadorienne par rapport aux mouvements nicaraguayens (Garibay 2003 :
231-232).
* 40 D'après Sara
Gordon, le FMLN est composé initialement du PCS, des FPL et de l'ERP.
Les FARN avaient quitté la DRU en septembre, isolées dans leur
idée de rallier les secteurs progressistes. L'échec de cette
tentative, et la mort le 20 septembre dans un accident d'avion des dirigeants
favorables à cette stratégie, les conduisent à rallier le
FMLN fin octobre. Le PRTC suit cette voie en décembre (Garibay
2003 : 261).
* 41 Organisation
Démocratique Nationaliste, créée en 1964 par le colonel
José Alberto Medrano, alors chef de la Garde Nationale, se
présentait comme une organisation paramilitaire dont le but était
à la fois d'encadrer et de surveiller la population, en particulier
rurale, afin de propager les idéaux de la civilisation occidentale et de
combattre l'agitation communiste. La ORDEN acquiert très vite une
dimension beaucoup plus importante (Garibay 2003 : 244). Elle va jouer un
grand rôle dans la répression (Erdozain et Barth 1982 :
24).
* 42 Information
tirée de « libération, Théologie de
la » in Microsoft Encarta 2009 [DVD].
* 43 Neto Barrera
était membre des Forces Populaires de Libération
« Farabundo Martí» (FPL) et curé de la paroisse de
San Sebastian à Delgado (Erdozain et Barth 1982 : 116).
* 44Rapport de Vaky,
secrétaire adjoint aux Affaires interaméricaines devant la
commission des Affaires étrangères, 11 septembre 1979,
cité par (Erdozain et Barth 1982 : 27).
* 45 Mouvement nationaliste
révolutionnaire est un parti socialiste démocratique. Son
programme modéré refuse notamment « La dictature
d'une classe sociale et la création d'un parti unique »
voir « Supplemento especial : Bases ideológicas del
Moviemento Nacional Revolucionario » in Orientación Popular
(organe du MNR), février- mars 1987, cité par (Rouquié
1991 : 100).
* 46 Elle fut
décrétée le 5 mars 1980, voir Dabène (2006 :
174).
* 47 Fondateur du Parti
démocrate-chrétien en 1962, candidat à la
présidentielle de 1972 au nom de toute l'opposition. Remportant les
élections, il est arrêté, brutalisé et doit s'exiler
au Venezuela. Le 13 décembre 1980, appuyé par Washington qui,
pour discréditer et combattre les guérillas de gauche, a
besoin d'une apparence de gouvernement modéré, Napoléon
Duarte est nommé président de la République (Lemoine
1988 : 137).
* 48 Information
tirée de Barros M. (2005) : « El Salvador- il y a vingt
cinq ans, Mgr Oscar Romero était assassiné. L'actualité
d'une vie » in www. Alterinfos.org, consulté le 08 mars 2010
à 13h 28 min.
* 49 Le père Rutilio
Grande, était curé du Paisnal près de Guazapa, au nord de
la capitale (Rouquié 1991 : 107).
* 50 La fe de un pueblo.
Historia de una communidad cristiana en El Salvador (1970-1980), San
Salvador, UCA, 1983, pp. 100-101, cité par Rouquié (1991: 108).
* 51 En 1993, une
enquête de l'ONU a confirmé que le major d'Aubuisson a
ordonné l'assassinat de Mgr Romero, déclenchant ainsi la guerre
civile salvadorienne cf. Rapport de la commission de la
vérité de l'ONU sur le Salvador, le 1er avril
1993, cité par « Salvadorien Civil War » in www.
Answers. Com, consulté le 26 janvier 2010.
* 52 Elle aurait
été selon certaines sources fortement encouragée par Cuba
pour obliger le Parti communiste à brûler ses vaisseaux et
« casser la junte » réformiste de militaires
Rouquié (1991 : 98).
* 53 C'est ainsi que parmi les
six dirigeants du FDR assassinés figuraient Juan Chacón,
secrétaire général du BPR et Manuel Franco, dirigeant de
l'UDN, un représentant du FAPU et des LP-28 (Rouquié 1991 :
100).
* 54 Dont le texte fut rendu
public par le MPSC dans son organe Vispera, décembre-janvier
1986 (Rouquié 1991 : 103).
* 55 Information
tirée de Régimbald P. (2004) : « Qu'est-ce qui
distingue la guérilla du terrorisme ? » in www.
Cvm.qc.ca/encephi/syllabus/Hist..., consulté le 1er mars
2010à 13h 27 min.
* 56 Précepte de Mao,
selon lequel le révolutionnaire ou le guérillero doit s'immerger
dans la population civile et y «être comme un poisson dans
l'eau » : il y trouve les complicités et les sympathies
nécessaires pour son ravitaillement, son financement tout en offrant une
couverture pour déjouer les tentatives de répression de
l'État. Information tirée de Régimbald P. (2004) :
« Qu'est-ce qui distingue la guérilla du
terrorisme ? » in www. Cvm.qc.ca/encephi/syllabus/Hist...,
consulté le 1er mars 2010 à 13h 27 min.
* 57 Mercier-Vega L.,
Techniques du contre-État: les guérillas en Amérique
du Sud, Paris, Belfond, 1968, p. 107 cité par Grenier Y.,
(s.d) : « Guérilla et terrorisme en Amérique
latine » disponible sur http://id.erudit.org, consulté le 25
décembre 2009 à 19h 12 min.
* 58 Grenier Y.,
(s.d) : « Guérilla et terrorisme en Amérique
latine » disponible sur http://id.erudit.org, consulté le 25
décembre 2009 à 19h 12 min.
* 59 Le texte de cet accord
dit d' « Esquipulas II » (Guatemala) (1986-1987)
reconnaît les gouvernements, quels que soient leur alignement
international, comme légitimes, et donc les insurrections, quelles
soient leurs orientations idéologiques, comme illégitimes,
propose un véritable programme pour la paix, incluant entre autres,
dialogues nationaux, amnistie, élections démocratiques,
réconciliation nationale et vérification régionale
(Garibay 2003 : 326).
* 60 Voir Grenier Y.,
(s.d) : « Guérilla et terrorisme en Amérique
latine » disponible sur http://id.erudit.org, consulté le 25
décembre 2009 à 19h 12 min.
* 61 Information
tirée de Régimbald P. (2004) : « Qu'est-ce qui
distingue la guérilla du terrorisme ? » in www.
Cvm.qc.ca/encephi/syllabus/Hist..., consulté le 1er mars 2010
à 13h 27 min.
* 62 Le choix de ces zones
ne s'explique pas uniquement par le fait que l'organisation et la
conscientisation des paysans y étaient plus importantes, mais aussi pour
des raisons stratégiques (présence moins permanente de
l'armée et des organisations paramilitaires, zones de montagnes et de
forêts etc.) tout comme le fait remarquer Kincaid (Douglas),
« Des paysans aux rebelles : communautés et classes dans
le Salvador rural », p. 154-155, cité par Garibay (2003 :
261).
* 63 C'est au cours de ces
opérations de répression que le père jésuite
Ignacio Ellacuria, alors recteur de l'Université centraméricaine
fut assassiné, en novembre 1989 (Rouquié 1991 : 108).
* 64 Si les jésuites
de l'Université Centraméricaine ont été des
fervents partisans de la Théologie de la libération, et
figuraient en bonne place sur les listes des Escadrons de la mort au
début des années quatre-vingt, ils ont assumé depuis le
milieu des années quatre-vingt une position plus modérée,
prônant une solution négociée et démocratique du
conflit, au nom d'une analyse, lucide et sans concession pour aucune des deux
parties engagées dans la guerre, de l'évolution de la
société salvadorienne (Garibay 2003 : 439).
* 65Ernesto Regalado en
1971, Roberto Porna en 1977, Mauricio Bergonovo en 1977, Raúl Molina
Cañas en 1977, Fujio Matsumoto en 1978, Ernesto Liches, consul
d'Israël, en 1979, et Archibald Garner Dunn, ambassadeur d'Afrique du Sud,
en 1979 (Villalobos 1999 : 141).
* 66 Falquet J. (1997) :
« Les Salvadoriennes et la guerre civile
révolutionnaire » in Clio. Histoire, femmes et
sociétés n°5, pp. 1-10.
* 67Pour avoir des
informations approfondies sur ces raisons, voir Falquet J. (1997) :
« Les Salvadoriennes et la guerre civile
révolutionnaire » in Clio. Histoire, femmes et
sociétés n°5, pp. 1-10.
* 68 Mouvement de
libération nationale. Pour en savoir beaucoup plus sur la nature et les
buts de ces mouvements, cf. Gandolfi (1989).
* 69 C'est à
l'occasion de cette offensive de l'armée, menée en accord avec
les troupes honduriennes, qu'à lieu le massacre du Mozote
(Morazán), les 10 et 11 décembre 1981, lors duquel le bataillon
Atlacatl de l'armée extermine la population de ce village, faisant plus
de 200 victimes civiles. Ce massacre est suivi plusieurs autres dans la zone,
le nombre de victimes étant supérieur à 500 (Garibay
2003 : 321).
* 70 Menjivar Larin R.
(1979) : « El Salvador, le plus petit maillon » in
Monde Diplomatique et traduit en français dans une brochure
éditée par le comité de solidarité avec le peuple
d'El Salvador (Paris 1980, déjà épuisé).
* 71 Pearce J., Under
the Eagle, Londres, Latin America Bureau, 1981, p. 2 cité par
Toinet (1982: 501).
* 72 Cité in Strout
R.L, « Reagan's Foreign Policy Blitz », Christian
Science Monitor, 23 février 1981, repris par Toinet (1982 :
503).
* 73 Chardy A,
« Reagan's Latin Policy: Nationalism is the Key »,
Miami Herald, 4 janvier 1981, cité par Toinet (1982: 504).
* 74 Lors de l'offensive du
FMLN en janvier 1981, les forces armées salvadoriennes reçoivent
des Etats-Unis de l'équipement, des armes, des munitions pour une valeur
de 35,4 millions de dollars et 55 conseillers militaires nord-américains
(Lemoine 1988 : 306).
* 75 Cité in Chardy
A, « Reagan's Latin Policy: Nationalism is the Key »,
Miami Herald, 4 janvier 1981.
* 76 Selon Cynthia
McClintock, le Salvador reçut dans les années quatre-vingt 3,6
milliards de dollars. McClintock C., Revolutionary Movements in Latin
America, United State Institute of Peace Press, 1998, p. 221, cité
par Villalobos (1999: 141).
* 77 Les gouvernements du
Mexique et de la France ont reconnu le FMLN -FDR comme des forces politiques
représentatives qui luttent pour la libération nationale du
peuple salvadorien (Erdozain et Barth 1982 : 38).
* 78 Information
tirée du rapport de la Commission de vérité :
« De la folie à l'espoir : la guerre de 12 ans au
Salvador », disponible sur www.Irenees.net, consulté le 30
août 2010 à 12h 58 min.
* 79 De 1982 à
octobre 1985, le leader et secrétaire général de ce parti
fut le major Roberto D'Aubuisson (Rouquié 1991 : 83). Ancien chef
services de renseignement de l'armée et commanditaire des Escadrons de
la mort, il fut accusé plus tard d'être responsable de
l'assassinat de Mgr Romero en 1980 suite aux résultats de
l'enquête menée par l'Onu. La Commission pour la
Vérité, qui a enquêté sur les crimes commis
durant la guerre civile au Salvador (1980-1992), a établi dans un
rapport paru en mars 1993, que l'assassinat de Mgr Romero a probablement
été ordonné par le leader d'extrême droite Roberto
d'Aubuisson, fondateur de l'Alianza Republicana Nacionalista (Arena),
parti au pouvoir pendant vingt ans et jusqu'en mars 2009. Information
tirée de «Mgr Romero, « l'évêque des
pauvres » assassiné par les escadrons de la mort : les
évêques du Salvador demandent sa béatification »
in plunkett.hautefort.com/archives/2010.
* 80 Le nouveau
Président n'y participe pas directement mais y délègue une
équipe rapprochée qui constituera le noyau dur des
négociateurs gouvernementaux (Garibay 2003 : 435).
* 81 Ce rapport
présenté par Moakley (démocrate) chargé
d'enquêter sur le massacre des Jésuites mettaient en avant la
responsabilité haut commandement militaire salvadorien dans ces
assassinats et l'amendement déposé par le sénateur Dolle
qui sera voté par le Congrès va préconiser le gel de la
moitié de l'appui financier (la moitié des 85 millions de dollars
votés en crédits d'aide au Salvador) à l'armée
salvadorienne jusqu'au jugement des responsables du massacre. Mais il faut
noter que ce vote eut peu d'incidences réelles car le Président
Bush va rétablir une grande partie de l'aide en décembre 1990,
puis en la confirmant en janvier 1991 après qu'un
hélicoptère de l'armée nord-américaine avait
été abattu par le FMLN (Garibay 2003 : 441-442).
* 82 Homme politique
américain, (né en 1924). Républicain, président des
Etats-Unis de 1988 à 1993. Son fils George Walker Bush (né en
1946), républicain, a été président des Etats-Unis
de 2001 à 2009 (Dictionnaire de poche Larousse 2010 : 931).
* 83 Les différentes
négociations sur les Accords de paix ont reporté au 15
décembre la date de la fin formelle de la guerre civile (Garibay
2003 : 455).
* 84 Dans la partie de l'accord
de paix relative au rôle politique du FMLN, il y a un paragraphe
à ce sujet, mais sans engagement clair du gouvernement (Villalobos
1999 : 143).
* 85 Information
tirée de « Sur le chemin de la paix avec l'Onu au
Salvador » disponible sur www.irenees.net, consulté le 30
août 2010 à 12h 54 min.
* 86 Michel Lelièvre
est un officier de la gendarmerie nationale française, qui a pris part,
à l'occasion d'un appel à volontaires lancé en 1991,
à la mission internationale d'observation des droits de l'homme en
République du Salvador. Information tirée de « Sur le
chemin de la paix avec l'Onu au Salvador » disponible sur
www.irenees.net, consulté le 30 août 2010 à 12h 54 min.
* 87 Les membres de la
Commission Vérité ont été nommés en
décembre 1991 par le Secrétaire général des Nations
Unies, Javier Pérez de Cuellar, après consultation des parties.
Pour éviter tout risque de partialité, aucun salvadorien n'a
été engagé. Information tirée du rapport de la
Commission de vérité « De la folie à
l'espoir : la guerre de 12 ans au Salvador », disponible sur
www.irenees.net, consulté le 30 août 2010 à 12h 58 min.
* 88 La Commission a rendu
son rapport « De la folie à l'espoir, douze ans de guerre au
Salvador » dans lequel figurent les noms des principaux coupables des
massacres les plus importants le 15 mars 1993. Information tirée
« De la folie à l'espoir : la guerre de 12 ans au
Salvador », disponible sur www.irenees.net, consulté le 30
août 2010 à 12h 58 min.
* 89 Information
tirée de « Salvador : Commission de vérité
des Nations unies pour le Salvador » in www.thruthcommission.org,
consulté le 12 août 2010 à 20h 27 min.
* 90 Information
tirée « De la folie à l'espoir : la guerre de 12
ans au Salvador », disponible sur www.irenees.net, consulté le
30 août 2010 à 12h 58 min.
* 91 Texte disponible
à l'adresse suivante : www. asamblea.gob.sv/leyes/19830210.htm.
* 92 L'armée
salvadorienne fut un instrument de la politique des Etats-Unis et des
détenteurs salvadoriens du pouvoir économique. Le bataillon
d'Atlacatl fut entraîné par les Etats-Unis et c'est lui qui commit
la majorité des meurtres y compris, celui des pères
jésuites. Il ne s'agit pas seulement là d'actes de fanatisme
individuel, mais des effets de l'instruction et la doctrine militaires qu'ils
avaient reçues (Villalobos 1999 : 151).
* 93 Chef de la mission des
observateurs de l'Onu (Onusal) (Villalobos 1999 : 144).
* 94 Pour en savoir plus sur
l'accord signé entre Joaquin Villalobos et le Président Cristiani
et sur cet épisode de la scission intervenue, voir Villalobos J.
(1999) : « Ni vainqueurs ni vaincus : la paix au
Salvador », in Critique internationale n°5- Automne
1999, pp. 145-146.
* 95 Fille du
président Napoléon Duarte enlevée par la guérilla
en septembre et octobre 1985. Le 24 octobre 1985, Inès Duarte est
libérée en échange de 22 prisonniers politiques et 96
guérilleros blessés (Lemoine 1988 : 138).
* 96 Le PRTC s'autodissout le
30 juillet, le PCS le 5 août, les FPL le 9 décembre 1995 (Garibay
2003 : 476).
* 97 Manuel Alcántara
Sáez, « El Salvador : les "élections du
siècle" », Problèmes de l'Amérique
latine, 15, octobre 1994, pp. 73-85 cité par Garibay D.,
« Salvador, les défis du renouvellement. Le FMLN et les
élections de 2003 et 2004 », Problèmes
d'Amérique latine, 54, automne 2004, pp. 33-52.
* 98 Rubén Zamora est
un dirigeant de la Concertación Democrática (CD) un
parti politique issu de l'ex-FDR allié au FMLN pendant la guerre civile,
qui depuis la disparition de Guillermo Ungo en février 1991,
apparaît comme le seul dirigeant d'envergure nationale ayant une
expérience politique nationale et internationale mais ne dispose pas
d'un véritable appareil militant. Francisco Lima quant à lui est
un avocat et avait été vice-président du colonel Rivera
entre 1961 et 1966 (Garibay 2003 : 463).
* 99 Les assassinats de
trois dirigeants du FMLN (le 25 octobre, Francisco Velis, membre du Conseil
National, le 30 octobre, Eleno Hernán Castro, membre de la commission
agraire, et le 9 décembre Mario López, membre de l'équipe
de négociation du FMLN), abattus selon les méthode propres aux
escadrons de la mort, va conduire l'Onusal et les parties signataires à
constituer une commission d'étude et à renforcer les mesures de
protection (Garibay 2003 : 464).
* 100 Dans les anciennes
zones de présence permanente, les résultats sont faibles pour
l'ancienne guérilla, le FMLN n'obtenant aux législatives que
15,8% dans le Morazán, 15,9% dans l'Usulután ou 18,9% dans le
Chalatenango. Dans les départements où le FMLN avait maintenu
pendant la guerre une activité importante, les résultats sont
également décevants : 12,1% dans le département
de Cabañas, 15,0% dans le San Miguel, 18,3% dans le Cuscatlán
(Garibay 2003 : 468).
* 101Tous deux
s'étaient disputés le commandement militaire des FPL
assumé par Salvador Sánchez Cerén depuis le suicide de
Salvador Cayetano Carpio (Garibay 2003 : 525).
* 102 Héctor Silva
est réélu à San Salvador avec plus de 56 % des voix, et le
FMLN s'impose dans 12 des 19 villes autour de la capitale et dans la
moitié des capitales départementales, gouvernant au niveau local
désormais près 70 % de la population (Garibay 2003 :
532).
* 103 Ce courant
crée un nouveau parti politique, le Partido del Movimiento
Renovador, qui, avec 1,9 % des voix aux élections
législatives de 2003, échoue une nouvelle fois à
concurrencer le FMLN. (Garibay 2003 : 593).
* 104 Pendant ses mandats
de maire de la capitale, il acquit une popularité qui sans doute lui a
influencé. Car ce dirigeant du courant des
« rénovateurs » nourrissait des ambitions
personnelles pour se présenter aux présidentielles de 2004 dans
le compte du FMLN. Cela a attisé de sérieuses tensions avec les
dirigeants historiques du FMLN et donc du courant
« orthodoxe ». Cela a entraîné son
départ du FMLN et il va rallier la CDU. Notre opinion à partir de
Garibay (2003 : 534).
* 105 Information
tirée de « Salvador » in Microsoft Encarta 2009,
Microsoft Corporation, 2008.
* 106 Information
tirée de « Salvador » in Microsoft Encarta 2009,
Microsoft Corporation, 2008.
* 107 Dont 62 en son propre
nom et 12 en coalition, avec le CDU ou le PDC (Garibay 2003 : 534).
* 108 Figure
emblématique du FMLN, décédé en 2006, fut l'un des
membres du commandement général du FMLN durant la guerre civile.
Il occupa durant les dix dernières années de sa vie et avant
Sanchez Cerén, la place de chef de file des députés du
Front à l'Assemblée législative (Huste 2008 : 4).
* 109 Information
tirée de « Salvador » in Microsoft Encarta 2009,
Microsoft Corporation, 2008.
* 110 Information tirée
de « Salvador » in Microsoft Encarta 2009, Microsoft
Corporation, 2008.
* 111 Le Salvador, comme
d'autres pays d'Amérique centrale, a bénéficié de
conditions dérogatoires pour les conditions de séjours de ses
nationaux aux Etats-Unis pendant toute la période de la guerre civile.
Révisées à l'occasion de la fin du conflit, ces
dispositions ont été prolongées jusqu'à la fin de
1994, sous l'appellation de « Temporary Protected Status
(TPS) », mesure transitoire de 18 mois destinée
généralement aux ressortissants des pays en guerre ou souffrant
de situations exceptionnelles. Près 180 000 Salvadoriens ont alors
obtenu des permis de séjours temporaires. Depuis mars 2001, une nouvelle
période de TPS a été ouverte, officiellement pour aider
les efforts de reconstruction du pays à l'issue du tremblement de terre
de janvier 2001. La mesure a été reconduite en septembre 2003 et
demeure valable jusqu'en mars 2005. 300 000 Salvadoriens en
bénéficient actuellement. Le nombre d'immigrants salvadoriens
entrant légalement aux Etats-Unis est 30 000 par an, soit en 2002
le 6ème contingent national, et le deuxième
latino-américain après le Mexique (chiffres du service du
recensement des Etats-Unis consultables, sur www.census.gov). Le nombre de
salvadoriens vivant aux Etats-Unis est estimé à environ 2
millions, en y incluant les illégaux (Garibay 2004b : 11).
* 112 Environ 100 000
Salvadoriens - à peu près un sur soixante - sont passés
sous le seuil de pauvreté entre septembre 2007 et juin 2008, selon le
Programme alimentaire mondial (Wheeler 2009).
* 113 Le Programme des
Nations unies pour le développement (PNUD) a rapporté
récemment que 62,4 % de la jeunesse salvadorienne est
sous-employée, manquant de travail suffisant pour mener une vie digne.
(Wheeler 2009)
* 114 Avec un taux de 30
homicides pour 100 000 habitants, l'Amérique latine est une des
régions les plus violentes du monde : elle devance largement
l'Afrique et le Moyen-Orient, qui affichent des taux inférieurs à
10, selon des études de la Banque interaméricaine de
développement (BID) et de la Banque mondiale. Avec la Colombie, le
Salvador et le Honduras se partagent les premières places au titre du
degré de violence observé dans la région (Tamayo 2005).
* 115 Le terme
mara (bande de jeunes) vient de marabunda, nom d'une fourmi
vorace originaire d'Afrique, bien connue pour agir en communautés de
plusieurs milliers, qui détruisent sur leur passage toute vie animale et
végétale. Pour en savoir plus sur les Maras, on peut
consulter l'article de Eduardo Tamayo sur les Maras :
« les « Maras » : une nouvelle menace
internationale ? » sur le site de risal
(risal.collectifs.net).
* 116 Le président
Flores (1999-2004) avait opté pour la méthode répressive
(Plan Mano Dura en 2003), et M. Saca a confirmé le choix avec
le plan Super Mano Dura qui a rempli les prisons de
Pandilleros (4500 sur 14 600 prisonniers) sans épuiser les
ressources de cette criminalité, d'autant plus que les Etats-Unis ont
augmenté les expulsions d'immigrés clandestins salvadoriens, dont
20 % avec antécédents pénaux (Huste 2008 : 3).
* 117 Information tirée
de « Mauricio Funes, candidat de la gauche et favori du
scrutin : le mauvais bilan de l'ARENA même en matière de
criminalité » in www.rfi.fr, consulté le 21 septembre
2010 à 09h 44 min.
* 118Déclaration
faite sur BBC Mundo, le 14 mars 2009 cité par Lemoine (2009).
* 119 Information
tirée de « El Salvador : Elections » in www.
Opalc.org, consulté le 27 septembre 2010 à 14h 28 min.
* 120 Information tirée
de « El Salvador : Elections » in www. Opalc.org,
consulté le 27 septembre 2010 à 14h 28 min.
* 121 Information
tirée de « Salvador vire à gauche avec Mauricio Funes
et l'ex-guérilla du FMLN » in www.latinreporters.com,
consulté le 28 janvier 2010 à 09h 57 min.
* 122 Information
tirée de « Salvador vire à gauche avec Mauricio Funes
et l'ex-guérilla du FMLN » in www.latinreporters.com,
consulté le 28 janvier 2010 à 09h 57 min.
* 123 Information
tirée de « Aussitôt investi, Mauricio Funes renoue avec
Cuba » in www.Rfi.fr, article publié le 02 juin 2009 à
02h 58 TU et consulté le 27 mai 2010 à 23 heures.
* 124 Salvador Samayoa,
dans une déclaration publiée par le quotidien français
Le Monde daté du 14 mars 2009 et cité dans
« Salvador vire à gauche avec Mauricio Funes et
l'ex-guérilla du FMLN » in www.latinreporters.com,
consulté le 28 janvier 2010 à 09h 57 min.
* 125 Mauricio Funes a
dédié son élection à la présidence à
un saint qui illumina le peuple salvadorien. Il s'agit de l'évêque
martyr de San Salvador Oscar Arnulfo Romero. M. Funes a promis qu'il gouvernera
comme Mgr Romero voulait que gouvernent les hommes de son époque.
Information tirée de « Salvador vire à gauche avec
Mauricio Funes et l'ex-guérilla du FMLN » in
www.latinreporters.com, consulté le 28 janvier 2010 à 09h 57
min.
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