UNIVERSITE DE MONTREAL
La construction identitaire d'une ONG par la
communication: Le cas de Médecins Sans Frontières
Par Jessica Ellouk
Département de communication Faculté des arts
et des sciences
Mémoire présenté à la
Faculté des études supérieures en vue de l'obtention du
grade de Maitre ès Sciences en Sciences de la communication (M.
Sc.) option Communication organisationnelle
Février 2011 (c) Jessica Ellouk, 2011
UNIVERSITE DE MONTREAL Faculté des études
supérieures et postdoctorales
Ce mémoire intitulé: La construction
identitaire d'une ONG par la communication: Le cas de Médecins Sans
Frontières
présenté par: Jessica Ellouk
a été évalué par un jury
composé des personnes suivantes:
Lorna Heaton Président-rapporteur
Francois Cooren Directeur de recherche
Boris H. J. M. Brummans Co-directeur de recherche
Carole Groleau Membre du jury
RÉSUMÉ
L'objet de ce mémoire est de s'interroger sur la
co-construction et la négociation de l'identité organisationnelle
par la parole dans les interactions quotidiennes. Cette étude a
été menée sur une organisation du monde de l'humanitaire,
Médecins Sans Frontières (MSF) et plus précisément
sur une mission réalisée dans la région du Nord- Kivu en
République Démocratique du Congo. Les données ont
été collectées en employant la méthode du video
shadowing, encore appelée vidéo filature, une approche
consistant à suivre et filmer des acteurs dans leurs interactions du
quotidien, et particulièrement, dans notre cas, le chef de mission. La
méthodologie utilisée pour analyser les enregistrements
vidéo a, par la suite, été inspirée de l'analyse de
conversation et de l'ethnométhodologie. Les concepts phares sur lesquels
se base cette recherche sont la <<ventriloquieÈ et la
<<présentification È, deux concepts en communication
organisationnelle développés par François Cooren de
l'École de Montréal. Plus précisément, nous nous
sommes attachés à montrer comment les acteurs de MSF cultivent
l'identité et l'image de leur organisation à travers des
<<conversations identitaires È. Nous avons ainsi pu observer et
analyser comment les acteurs de l'organisation agissent par le biais de la
parole pour construire et établir l'identité de leur
organisation, et à travers cela, leur propre identité.
Mots clefs : construction sociale,
identité, image, identité organisationnelle, ventriloquie,
présentification, Ecole de Montréal en communication
organisationnelle, vidéo shadowing, parole, conversations identitaires,
interactions, Médecins Sans Frontières (MSF)
iv
ABSTRACT
The purpose of this thesis is to examine the co-construction
and the negotiation of organizational identity through speech in everyday
interactions. This study focused on a humanitarian organization,
Médecins Sans Frontières (MSF), and more specifically on a
mission carried out in the North-Kivu in the Democratic Republic of Congo. Data
were collected by using shadowing, that is, by filming MSF actors in their
daily interactions, particularly in our case, a head of mission. These data
were analyzed, in turn, by using conversation analysis. The methodology used to
analyze the video recordings was inspired by conversation analysis and
ethnomethodology. The key concepts of this research are
<<ventriloquism>> and <<presentification >>, both
developed by Francois Cooren of the Montreal School of Organizational
Communication. Specifically, our analyses show how MSF actors cultivate the
identity and image of their organization through <<identity conversations
>>. In other words, it is through these conversations that MSF actors
construct and establish the identity of their organization, as well as their
own identity.
Keywords : social construction, identity, image,
organizational identity, ventriloquism, presentification, Montreal School of
Organizational Communication, shadowing, speech, identity conversations,
interactions, Doctors Whitout Borders (MSF)
TABLE DES MATIERES
Résumé iii
Abstract iv
Table des matières v
Liste des figures vii
Liste des abréviations vii
Dédicace viii
Remerciements ix
Chapitre 1 : INTRODUCTION GENERALE 1
Chapitre 2: REVUE DE LITTERATURE SUR LA QUESTION DE
L'IDENTITE ORGANISATIONNELLE 6
2.1 L'identité organisationnelle en question 6
2.1.1 Des multiples définitions de l'identité
organisationnelle 6
2.1.2 Des multiples définitions de l'image
organisationnelle 10
2.1.3 Vision interne vs vision externe du rTMle de la
communication dans
la production de l'identité et de l'image
organisationnelle 13 2.1.4 Relations entre image et identité au
niveau organisationnel :
La rencontre de l'interne et de l'externe 15
2.2 Les éléments qui participent à la
construction de l'identité organisationnelle 17 2.2.1 Une construction
discursive:
Un discours, une narration, des acteurs, une performance 17
2.2.2 La notion de temps et les dynamiques de processus 20
2.3 Discussion critique de la littérature
& problématique 22
Chapitre 3: CADRE THEORIQUE 27
3.1 L'Ecole de Montréal 29
3.2 Le concept de ventriloquie 33
3.3 La présentification 35
Chapitre 4: PRÉSENTATION DU CAS & METHODOLOGIE
39
4.1 Présentation du cas Ð Médecins Sans
Frontières 40
4.1.1 Retour sur son histoire 40
4.1.2 Une organisation 42
4.1.3 MSF au Nord-Kivu (RDC) 43
4.2 Méthodologie 45
4.2.1 Collecte des données 46
4.2.2 Choix des séquences 48
4.2.3 Traitement des données 52
4.2.3.1 Transcription des enregistrements 52
4.2.3.2 Analyse des interactions 53
Chapitre 5: ANALYSE DES DONNÉES 56
5.1 Contexte général des séquences
sélectionnées 57
5.2 Analyse Séquence A:
Réunion d'information MSF à l'hôpital de
Mumba (cf. Annexe 1) 57
5.2.1 Description du contexte 57
5.2.2 Analyse de la séquence 57
5.3 Analyse Séquence B:
Rencontre des membres de la coordination MSF au Nord -Kivu
avec
deux officiers de la MONUC (cf. Annexe 2) 97 5.4 Analyse
Séquence C:
Réunion entre Max et des représentants du
Ministère de la Santé congolais
(cf. Annexe 3) 100
5.4.1 Description du contexte 100
5.4.2 Analyse de la séquence 100
5.5 Analyse Séquence D:
Conversation entre Max et Eric (cf. Annexe 4) 117
5.5.1 Description du contexte 118
5.5.2 Analyse de la séquence 120
Chapitre 6: RÉSULTATS DES ANALYSES &
DISCUSSION 129
6.1 Résultats des analyses 129
6.1.1 Une identification par la négation et la
différenciation 129
6.1.2 Une construction dans la répétition 133
6.1.3 Un discours qui mobilise pour affirmer l'originalité
de son être 136
6.1.4 Le rapport entre soi et l'autre & la question de la
co-construction 141
6.1.5 Une identité qui agit ou l'utilisation performative
de l'identité
organisationnelle 151
6.2 Discussion 156
Chapitre 7: CONCLUSION 159
7.1 Implications pratiques 161
7.2 Limites de la recherche 162
7.3 Les voies futures de recherche 163
7.4 Commentaire personnel 166
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 167
ANNEXES (Totalité des transcriptions)
Annexe 1 xii
Annexe 2 xxiii
Annexe 3 xl
Annexe 4 lxiii
LISTE DES FIGURES
Figure 1: Logo de Médecins Sans Frontières 40
Figure 2 : Carte du monde 44
LISTE DES ABRÉVIATIONS
CEMUBAC: Organisme Non Gouvernemental qui a pour projet de
venir en appui au fonctionnement des systèmes de santé de la RDC
par de l'aide, de la formation et de la recherche
DCZ: Direction de Campagne de Zone (Zone de Santé,
correspond à une zone administrative en Afrique)
ECHO: Service d'aide humanitaire de l'Union européenne
FARDC : Forces Armées de la République
Démocratique du Congo FDLR : Forces Démocratiques de
Libération du Rwanda
May May : Milice armée qui sévit dans le nord et
sud Kivu de la RDC MONUC : Mission des Nations Unies en République
démocratique du Congo MSF : Médecins Sans Frontières
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
PAM: Programme Alimentaire Mondial (officine des Nations Unies)
RDC : République Démocratique du Congo
Ç Parler c'est semer, écouter c'est
recueillir È Plutarque
Ç Tu ne peux pas voyager sur un chemin sans
être toi même le chemin È Bouddha
Ç Entre Ce que je pense, Ce que je veux
dire, Ce que je crois dire, Ce que je dis, Ce que vous
avez envie d'entendre, Ce que vous entendez, Ce que vous comprenez... il y a
dix possibilités qu'on ait des difficultés à communiquer.
Mais essayons quand même... È
REMERCIEMENTS
Ë travers ce mémoire, j'ai pu réunir mes
trois passions et interrogations de toujours: la communication, la psychologie
et l'humanitaire. Ce fut donc pour moi une réelle chance de rencontrer
les Docteurs François Cooren et Boris Brummans, ainsi qu'une
opportunité intellectuelle qu'ils acceptent d'être mes directeurs
de recherche. En effet, ce présent mémoire n'aurait pu voir le
jour sans leur formidable enthousiasme, leurs précieux conseils, leur
patience et bien sür leur inconditionnel soutien. Je leur manifeste tout
spécialement ma gratitude pour m'avoir accompagnée et
guidée sur le chemin de l'écriture de ce mémoire, ainsi
que pour la richesse de leurs contributions.
Je tiens aussi à remercier tout particulièrement
deux autres de mes professeurs, à savoir, le Docteur Nicole Giroux qui,
par sa chaleur humaine et ses grandes connaissances, m'a été d'un
grand support, mais aussi, le Docteur André Lafrance qui a eu foi en moi
dès le début et m'a permis d'intégrer la Maitrise des
Sciences de la communication de l'Université de Montréal.
Mes sincères remerciements aux participants du
laboratoire de recherche LOG (Langage, Organisation et Gouvernance) du
Département de communication de l'Université de Montréal,
qui lors des séances d'analyses de données m'ont beaucoup
apporté à travers leurs suggestions et critiques constructives et
ont ainsi contribué à ce mémoire.
Je remercie aussi mes professeurs et mes collègues
étudiants que j'ai croisés durant ces dernières
années dans les couloirs et les salles de cours du département de
communication, ainsi que l'équipe administrative qui a permis à
l'étudiante étrangère que je suis, de me faufiler dans les
méandres des impératifs administratifs qu'incombent aussi un
parcours au sein de la Maitrise de communication.
Ma profonde gratitude s'adresse tout spécialement
à mes parents, ma sÏur, mon frère et ma famille au
Québec qui ont toujours été là et m'ont
supporté dans tous les moments importants de ma vie. Enfin, je souhaite
exprimer mes sentiments de reconnaissance à mes amis au Québec et
à mes proches en France qui se reconnaitront et qui ont su m'accompagner
dans les instants de joie et de doute.
A toutes ces personnes que j'ai citées, ainsi que celles
et ceux que je n'ai pu citer, sans qui ce mémoire ne serait pas, je vous
dis un grand Merci du fond du cÏur.
Chapitre 1 : INTRODUCTION GENERALE
Ce mémoire a lÕhumble prétention de
proposer une réflexion sur la construction de lÕidentité
organisationnelle sous lÕangle des interactions du quotidien des acteurs
de lÕorganisation. La recherche se situe à la croisée
dÕune réflexion sur les questions de lÕidentité
organisationnelle et de lÕhumanitaire. On peut dÕores et
déjà dire que cette question allie et couvre des domaines
scientifiques aussi différents que complémentaires que sont la
communication, la linguistique, la psychologie et les sciences de la gestion.
Mais avant dÕentrer dans le vif du sujet, permettez nous de faire un
petit detour par lÕHistoire pour introduire cette recherche.
Le XIXeme siècle fut le des révolutions
idées, le XX ème
siècle et des siècle celui,
paradoxalement, des démocraties, des regimes
autoritaires et totalitaires, un siècle dÕexces, de ruptures et
dÕaffrontements, ainsi que le siècle des pires folies comme des
plus belles inventions, lÕhomme dans son pire comme dans son meilleur
état. Aider lÕautre, lÕétranger, celui que
lÕon ne conna»t pas, nÕest pas une conception moderne, le
fruit du XXème siècle, en opposition ou reaction aux
pires horreurs que ce siècle a effectivement connues. Cette idée
a toujours été présente, que lÕon parle en termes
de générosité, de don, de charité, de
solidarité par opposition à lÕégo ·sme ou
lÕégocentrisme. Cependant, ce qui est ne au siècle
dernier, cÕest une institutionnalisation de cette aide à
lÕautre, celui qui souffre, par des organisations dont la raison
d'être est de fournir une telle aide. Dans le contexte trouble de
lÕimmédiat aprés guerre, lÕhumanitaire
appara»t alors comme une possibilité de redemption et cÕest
ainsi que sont apparus dans le thé%otre mondial les organisations non
gouvernementales ou ONG.
Apparaissant pour la première fois en 1945 dans le
vocabulaire international à l'article 71 de la Charte des Nations
Unies, le terme d'ONG ou organisation non gouvernementale, ne
possède pas vraiment de définition légale et reconnue au
niveau juridique, cependant le Conseil économique et social de l'O.N.U
(Organisation des Nations Unies) définit une organisation non
gouvernementale comme suit:
Sera considérée comme organisation non
gouvernementale toute organisation dont la constitution ne résulte pas
d'un accord intergouvernemental y compris les organisations qui acceptent des
membres désignés par les autorités gouvernementales,
pourvu que de tels membres ne nuisent pas à la libre expression.
Le respect des critères énoncés permet
ainsi à une ONG d'être officiellement reconnue comme telle par
l'O.N.U. Cependant d'autres organisations internationales intergouvernementales
comme l'Union Européenne proposent leur propre liste d'ONG. La notion
qui apparait le plus souvent lorsqu'il est question de définir une ONG
c'est le but non lucratif de son action, c'est-à-dire qu'elle ne doit
pas servir des intérêts financiers. Il existe différents
types d'ONG, certaines d'entre elles ayant un caractère plus
spécifiquement humanitaire, en ce qu'elles s'attellent en
général à organiser des programmes d'aide envers des
populations en danger.
Médecins Sans Frontières fait partie de cette
classification à titre d'ONG humanitaire spécialisée dans
l'aide médicale d'urgence. En s'intéressant à
l'humanitaire et à son application dans le cadre de l'organisation
Médecins Sans Frontières, on peut donc se poser des questions sur
sa réalité institutionnelle, l'identité qu'elle
s'attribue
ainsi que celle qu'on lui attribue et le rTMle que ses acteurs
ont dans ce cheminement. Pour répondre à cette interrogation, il
nous appara»t nécessaire, dans un premier temps, de comprendre les
enjeux de l'identité organisationnelle et nous allons donc nous pencher
sur la littérature qui traite de cette notion, une littérature
qui peut para»tre relativement abstraite aux premiers abords. Mais
laissons nous, dès maintenant et de facon générale, nous
plonger dans cette question de l'identité.
D'un point de vue philosophique, la première
idée qui apparait lorsque l'on décide de s'intéresser
à la notion d'identité, c'est-à-dire d'un
<<être È que l'on peut précisément identifier,
circonscrire, voire repérer. On parle donc ici de quelque chose ou de
quelqu'un (soi-même, un autre, quelque chose) qu'on peut identifier
durant un laps de temps défini et malgré certains changements. Du
latin idem, qui veut dire <<le même È,
l'identité est ce par quoi des êtres ou des choses apparaissent
semblables, ce qui nous permet ainsi de les comparer entre elles, affirmant
qu'elles sont de l'ordre de l'identique et donc du même.
L'identité peut exprimer ainsi ce que Derrida (1990) appellerait la
restance (toujours relative) de ce qui semble caractériser quelqu'un,
quelque chose, voire même un groupe, ce qui nous amène, au niveau
de l'être humain, à l'idée de personnalité.
Selon Albert et Whetten (1985) qui ont grandement
contribué à définir le concept d'identité
organisationnelle, lorsque les membres d'une organisation s'intéressent
à la question de l'identité, ils se retrouvent face à ce
type d'interrogations : << Qui sommes - nous ? È,
<< Dans quel genre de travail sommes-nous actifs? È et
<<Que voulons-nous être ? È. Les chercheurs Gioia,
Schultz et Corley (2000) considèrent, quant à eux, que le concept
d'identité est une clef essentielle pour comprendre les organisations
modernes.
Il est à noter que lorsque lÕon dit
identité organisationnelle, on peut entendre deux choses. En effet, ce
terme peut etre utilisé soit pour parler de lÕidentité
dÕune organisation, soit pour parler dÕun individu en tant
quÕil parle au nom dÕune organisation et sÕidentifie avec
elle. Notre intérêt se portera plus précisément sur
la première definition, cÕest -à-dire sur la question de
lÕidentité de lÕorganisation. Cependant, nous serons
amenés, dans cette recherche, à souvent mobiliser et faire
référence à la littérature traitant de
lÕidentité individuelle, lorsque celle-ci semble faire sens quant
à la question de la construction de lÕidentité
organisationnelle. Il appara»t en effet que les processus de
(re-)production de lÕidentité individuelle et de
lÕidentité organisationnelle sont souvent intimement lies (Chaput
et al., sous presse) dans la mesure oil sÕidentifier à une
organisation revient à sÕidentifier aux valeurs, missions et
autres raisons d'être de lÕentreprise ou institution, ce qui
revient à identifier cette derniére, au moins implicitement .
Nous ferons donc appel aux écrits dÕauteurs ayant traité
la question de lÕidentité individuelle tout en traduisant leur
propos en les recadrant à lÕintérieur de la question de
lÕidentité organisationnelle.
Aprés avoir exposé une partie de la somme des
connaissances sur les questions de lÕidentité et de
lÕimage organisationnelle dans la revue de la littérature, nous
amorcerons une discussion critique qui déterminera les manques à
combler pour aboutir à notre problématique. Puis nous
présenterons le cadre théorique dans lequel se place cette
recherche, cÕest-à-dire dans lÕesprit de
lÕethnométhodologie, en mettant lÕemphase sur les concepts
de ventriloquie et de présentification organisationnelle au sein des
écrits de lÕEcole de Montréal. Par la suite, nous
exposerons le cas sur lequel cette analyse repose, soit lÕorganisation
Médecins Sans Frontiéres et son action sur le terrain du Nord-
Kivu en Republique Démocratique du Congo. Nous ferons
ensuite une presentation du cadre methodologique de cette recherche qualitative
réalisée, pour lÕenregistrement des données, par le
biais dÕune démarche dÕinspiration ethnographique, et pour
lÕanalyse des données sélectionnées, par le
truchement dÕune approche inspirée de lÕanalyse de
conversation. Nous reviendrons également sur la collecte des
données faite dÕobservations directes à travers la
méthode du shadowing et nous expliquerons le choix des sequences et le
traitement qui en a été fait.
Aprés nous etre ainsi clairement positionnée,
nous aborderons le chapitre dÕanalyses de données, lequel
présente, dans un premiers temps, le contexte général des
sequences sélectionnées, pour dans un deuxieme temps, nous
permettre de nous plonger dans les données à travers quatre
sequences analysées. Enfin, nous dévoilerons les résultats
de ces analyses et discuterons dÕun certain nombre de points qui en sont
ressortis et qui méritaient, selon nous, d'être
développés plus en profondeur. Pour finir, le chapitre de
conclusion fera part des implications pratiques que les réflexions qui
ont eu lieu dans ce present mémoire peuvent offrir. Nous verrons aussi
les limites de notre etude et nous proposerons des pistes de réflexion
à exploiter ou à approfondir pour la recherche future.
Chapitre 2: REVUE DE LITTERATURE
Ë travers cette revue de littérature, nous allons
maintenant tenter, non pas de définir, car de nombreux auteurs que nous
allons citer se sont déjà attelés à cette
tâche, mais plutôt de dresser un tableau des réflexions
entourant la question de l'identité organisationnelle. Dans un premier
temps, nous allons voir ce que la littérature nous dit à propos
de l'identité organisationnelle et de son lien avec l'image
organisationnelle. Nous pourrons alors voir quelles en sont les
définitions. Puis, dans un second temps, nous tâcherons de
réunir et d'observer les éléments qui peuvent
potentiellement participer à la construction de cette
identité.
2.1 L'identité organisationnelle en question
2.1.1 Des multiples définitions de l'identité
organisationnelle
Avant d'aborder plus précisément la question de
l'identité d'un point de vue organisationnel, nous allons revenir un
instant sur cette même question, mais en l'orientant à l'individu
à l'aide de réflexions tirées de la philosophie et de la
psychologie. Aussi, nous utiliserons des écrits d'auteurs qui se sont
interrogés sur l'identité individuelle. Ce petit détour
nous semble, en effet, nécessaire car les idées
développées sur l'identité organisationnelle sont
nées à la suite et en parallèle de celles sur l'individu.
Ceci nous permettra donc de positionner plus solidement le sujet qui nous
préoccupe dans cette recherche.
processus social constitué de deux phases distinctes,
le <<Je >> et le << Moi >> (Hatch et Schultz, 2002).
Pour lui, le <<moi >> correspond à une
intériorisation des rTMles sociaux et le <<je >> correspond
à un processus de socialisation personnelle. Mais, selon lui, lorsque
l'on aborde la question de l'identité, c'est la notion d'un <<soi
>> qui émerge aussi. Celui-ci se construit de facon permanente au
cÏur de l'interaction et il est donc dynamique. De plus, Mead
considère que c'est dans l'interaction que l'individu émerge et
prend conscience de lui-même.
Le << soi >> correspondrait donc, selon cet
auteur, à l'ensemble des images que les autres nous renvoient et que
l'on finit par intérioriser. Nous notons donc ici ce qui semble
être une interdépendance entre le soi et l'autre dans la question
de l'identité. Cette définition de l'identité est
exprimée d'un point de vue philosophique et s'attache, dans un premier
lieu, à la personne, l'être humain. Voyons donc comment cette
question de l'identité peut se traduire à un niveau collectif et
organisationnel.
Selon la classification de Giroux (2002), il existerait quatre
facons de définir l'identité organisationnelle, soit comme une
<< présentation >> de l'organisation, selon une perspective
fonctionnaliste et managériale; soit comme une <<
représentation >> de l'organisation, qui est vue comme un
processus organisant au sens de Weick (1969), processus oü les acteurs
construisent le sens d'une réalité (ou des
réalités/situations) et créent l'identité
organisationnelle ; soit comme une << création collective>>
de l'organisation (nous y reviendrons en détail un peu plus loin); soit
comme une <<illusion discursive >>, oü l'on n'observe pas
l'identité <<réelle >>, mais l'image
organisationnelle.
Toutes ces manières de définir l'identité
organisationnelle sont, selon
sur cette question. Cependant, nous avons choisi de
privilégier celle qui la considère comme une
<<création collective È. Ce serait alors une
réalité intersubjective co - construite dans des
<<conversationsÈ (Shotter, 1993; cité dans Giroux, 2002).
Dans ce cas-là, on parlera de <<conversations identitairesÈ
(p. 137). L'identité est alors
créée par tous les acteurs, de facon continue, et
l'identité devient donc une réalitédiscursive
et interactive, une construction sociale. De plus, l'identité peut alors
être
concue comme un concept négocié et
réflexif.
Albert et Whetten (1985) montrent, pour leur part, que la
définition de l'identité organisationnelle est verbalisée
par les membres de l'organisation, ce qui nous invite à mieux comprendre
comment ils représentent leur organisation de facon durable et
distincte. Selon eux, ce qui est externe à l'organisation devient le
public de celle-ci. On ne peut donc pas parler d'une seule identité
organisationnelle, car il n'y a pas un seul contexte organisationnel, avec un
public considéré. Il est donc nécessaire de parler
d'identités multiples pour être en phase avec la
réalité de l'organisation (Gioia et al., 2000). L'organisation
n'a pas une identité, mais des identités. De plus,
l'identité organisationnelle semble apparaitre comme dynamique et
transformable, en ce sens, Gioia, Schultz et Corley (2000) expriment
l'idée d'une instabilité adaptable. Ils ajoutent que
l'identité est une image modelée par les médias et les
professionnels de la communication, donc une réalité volatile.
L'identité organisationnelle semble donc être multiple au
même titre que le <<soiÈ est multiple, comme Mead (1933/1963
; cité dans Marchal, 2006) nous le précise:
Les types de relations que nous entretenons varient suivant
les différents individus: nous sommes une chose pour un homme et une
autre pour un autre. Il existe une grande diversité de soi correspondant
aux différentes réactions sociales. Une personnalité
multiple est en un sens normale. (p. 71)
Appliquée à l'identité organisationnelle,
nous pourrions donc avancer que cette identité se construit dans
l'interaction, qu'elle est multiple et dynamique. Lorsque l'on parle
d'interaction, on pense forcément au rapport à l'autre et ce
rapport à l'autre semble être empreint d'une quête de
reconnaissance avec des besoins identitaires qui s'expriment de façon
implicite ou explicite (Lipiansky, 1992).
Parmi ces besoins identitaires de l'individu, on note une
étude, menée par Lipiansky (1992) à partir des discours
des participants de groupes, qui en a fait ressortir cinq que nous allons
énumérer. Il y a (1) le besoin d'existence, c'est-à-dire
le fait de se sentir exister aux yeux de l'autre en ayant une certaine
visibilité et en étant écouté d e l'autre. Puis, il
y a (2) le besoin d'intégration, c'est-à-dire avoir sa place en
obtenant la considération, l'approbation et l'acceptation de l'autre.
Ajoutons aussi (3) le besoin de valorisation, qui est d'avoir une valeur ou
image positive aux yeux des autres, besoin qui cherche à susciter
l'approbation, l'admiration ou l'estime de l'autre, en mettant parfois en
Ïuvres certaines stratégies à cette fin. Lipiansky fait le
lien ici avec la notion de face de Erving Goffman (1973/1974) oü
dans les rites d'interaction, il est de mise de préserver la face des
protagonistes. Notons aussi (4) le besoin de contrôle qui appara»t
lorsqu'est ressentie la perte ou la menace à l'encontre de son
identité, qui est définie comme suit par Lipiansky (1992) :
Ç Le sentiment d'identité implique la perception de soi comme
individualité autonome, capable de s'autodéterminer, de
décider de son comportement, d'exercer une certaine maitrise sur soi et
l'environnementÈ (p. 152). Il est à noter que le sentiment de
perte de contrôle du soi peut amener à l'exercice d'un pouvoir sur
l'autre et sur la situation afin de calmer sa peur de perte de
contrôle.
Enfin, Lipiansky met le doigt sur un dernier besoin identitaire
à considérer,
individualité comme unique, constante et autonome. Il
s'exerce ici le besoin d'être reconnu par l'autre dans la
différence et la singularité de son être. L'identité
semble donc s'exprimer à travers des besoins ou des désirs au
sein des interactions. Nous notons donc que l'identité peut être
définie dans le rapport à autrui et à la recherche du
consentement du soi. L'identité se construit donc au sein d'une relation
entre soi et l'autre, oü son regard a de l'importance et participe donc
à son être.
Mais s'il existe de multiples définitions de
l'identité organisationnelle et une littérature riche sur
l'identité individuelle, nous allons maintenant voir qu'il y en a autant
pour une notion assez voisine, soit celle d'image organisationnelle. Comme nous
le verrons, il y a souvent confusion entre image et identité et il
semble presque impossible de parler d'identité sans parler d'image.
2.1.2 Des multiples définitions de l'image
organisationnelle
Lorsque l'on s'intéresse à l'image
organisationnelle et que l'on cherche à la définir, on se rend
compte qu'il existe plusieurs interprétations possibles. Aussi, dans un
premier temps, il est nécessaire de revenir au concept d'image. Pour
cela, nous nous appuierons sur un article d'Alvesson (1990) pour qui l'image
est l'enregistrement subjectif d'une expérience, enregistrement qui est
censée reproduire des perceptions, mais qui n'est pas une copie conforme
de la réalité. De plus, la construction d'une image porte, selon
cet auteur, les empreintes d'un destinateur essayant de projeter une certaine
impression à un public qui fait office de récepteur.
Bernstein (1984; cité dans Alvesson, 1990)
considère, quant à lui, que l'image organisationnelle est une
fabrication d'impressions publiques créées pour un auditoire.
Selon lui, les images sont des instruments ou outils qui projettent une
impression de réalité, lui donnant un visage ou une forme
donnée. Boorstin (1961 ;
cite dans Alvesson, 1990) ajoute que lÕimage est
quelque chose dÕambigu`, située entre lÕimagination et la
réalité. Aussi, pour survivre dans un environnement de
representations et de symboles dans nos sociétés,
lÕorganisation est obligee de répondre à cette
nécessité de production dÕimages, afin en partie de
légitimer son action (Berg et Gagliardi, 1986 ; cité dans
Alvesson, 1990).
On notera, par la suite, les nombreuses definitions de
lÕimage organisationnelle, une notion Ç fourre-tout È qui
renvoie à des perceptions aussi bien au niveau interne (les membres)
quÕexterne (le public, les clients, les fournisseurs, etc.). Par
ailleurs, les images sont aussi bien projetées que revues (Gioia et al,
2000). LÕimage organisationnelle peut ainsi etre envisagée comme
les attributs octroyés par les personnes en-dehors de
lÕorganisation aux membres de lÕorganisation dans le but de les
distinguer (Dutton et Dukerich, 1991). Mais, selon Hatch et Schultz (2002),
lÕidentité organisationnelle peut aussi etre
élaborée par ses membres avec ce quÕils perçoivent
de ce quÕils sont et pas seulement avec ce que les autres disent
à leurs propos. Ils expriment ici lÕidée de
réflexion de lÕimage. Cependant lÕimage organisationnelle
peut aussi etre un portrait que les cadres de lÕorganisation veulent
proposer aux gens extérieur à celle -ci (Whetten et al, 1992 ;
cité dans Gioia et al, 2000). On retrouve ici lÕidée de
réputation de lÕentreprise, cÕest-à-dire
dÕune identité ou une image projetée aux autres, ceux
à lÕextérieur, par le biais de la publicité, du
logo, des conferences de presse, ou même des biens materiels de
lÕentreprise. On parle alors de la projection des expressions de
lÕorganisation ou dÕune vision de celle-ci.
Les chercheurs Gioia, Schultz et Corley (2000) mettent en
exergue cette idée de reputation au travers de la construction
identitaire qui sÕapparente à une construction sociale
dérivée des interactions. De plus, selon Rindova et Fombrun
( 1 99 8; cité dans Hatch et Schultz, 2002), qui ont
travaillé sur la question de la réputation corporative, cette
projection a lieu tous les jours par le savoir, les gestes, les apparences et
l'attitude. Ils disent: <<Images are not projected only through official,
management-endorsed communications in glossy brochures because organizational
members at all levels transmit images of the organization>> (p. 1003). Le
succès d'une organisation peut donc se jouer sur la façon dont
elle gère ses images (Alvesson, 1990).
Ainsi, on peut considérer l'identité
organisationnelle comme relevant d'une personnalité avec une
réputation à entretenir. Le discours de l'organisation est
construit avec cette idée de tension entre la franchise et la
proximité avec l'environnement organisationnel qu'on appelle parfois
<<le marché>> (Morin, 1986; cité dans Cheney et
Christensen, 2001). En se basant sur la même idée, Hatch et
Schultz (2002) considèrent que l'identité d'une organisation peut
s'apparenter à un simulacre. Autrement dit, ce serait une image qui
serait projetée aux gens à l'extérieur de l'organisation
-- les consommateurs ou les actionnaires par exemple -- dans le but de
correspondre à leurs préférences, leurs attentes.
Cependant, pouvons-nous parler ici de marketing de la
pensée? Car l'image ou les images de l'organisation sont alors
orchestrées dans le but de manipuler l'opinion. Ajoutons à cela
qu'il faut faire attention à ne pas réduire l'idée d'image
à une conception uniquement mentale, car l'image est aussi
matérielle, elle peut par exemple être projetée dans la rue
à travers des publicités. L'image a donc une dimension hybride,
faite de matérialité et d'immatérialité.
Nous retiendrons donc que l'identité organisationnelle
est construite, en
ci. Après avoir défini l'identité et
l'image organisationnelle, nous allons maintenant nous intéresser
à leurs fonctions potentielles dans l'organisation en comparant deux
approches - dites internes et externes - de cette question.
2.1.3 Vision interne vs vision externe du rTMle de la
communication dans la production de l'identité et de l'image
organisationnelle
Différentes visions cohabitent autour du lien
hypothétique entre communication et identité/image
organisationnelle, notamment une vision interne et une vision externe, que nous
allons maintenant définir l'une après l'autre. Ce sont des
attributions que la littérature a tendance à octroyer à
ces questions. Notons tout de méme que ces questions sont de nature
complexe et qu'il est relativement injuste de les simplifier/réduire de
la sorte.
Définir l'identité organisationnelle de
façon interne, c'est se poser ce type de question: Ç Qui
sommes nous? È et Ç Qui nous pensons que nous devrions
être ? È (Gioia et al., 2000). On peut alors
considérer que les membres de l'organisation sont les ambassadeurs de
celle-ci et qu'ils ont donc, à ce titre, un rTMle à jouer pour
son avenir, à l'extérieur de l'organisation ou en son sein. On
pense ici à l'esprit de contagion (Cheney et Christensen, 2001). Dutton
et Dukerich (1991 ; cité dans Cheney et Christensen, 2001) ajoutent que
l'identité organisationnelle sert de référence pour ses
membres et qu'elle contribue à valoriser leur participation, leur
action. Traditionnellement, la communication interne relève des
unités chargées de la communication externe de l'organisation.
Cela induit donc une prédisposition à considérer la
construction de son identité comme relevant des publics
extérieurs, avec des incidences au niveau interne (Cheney et
Christensen, 2001). Cependant, ce que l'on appelle aujourd'hui la communication
interne, c'est-à-dire les relations entre
employés ainsi que les déclarations de missions,
les politiques et développements de l'organisation, ne peuvent
être vus sans la communication externe.
Définir l'identité organisationnelle de facon
externe, c'est se poser ce type de question : Ç Comment les autres
nous voient ? È et Ç Comment les autres pensent que nous
devrions être ? È (Gioia et al., 2000). Ainsi, dans un monde
de communications oü l'opinion publique compte, l'organisation a un besoin
de légitimité. Celui-ci se traduit par une communication avec
l'environnement, qui sert à maintenir et confirmer son ou ses
identités (Cheney et Christensen, 2001). On retrouve ici une idée
de projection stratégique d'images servant à asseoir le
bien-fondé de l'organisation dans son environnement. En d'autres termes,
nous parlons ici de la nécessité de plaire à l'autre, de
le séduire, pour mieux le persuader de la légitimité de
son action et l'enrôler. Selon Cheney et Christensen (2001), ce qu'on
appelle aujourd'hui la communication externe, c'est-à-dire les relations
publiques, le marketing et les questions managériales, ne peut
être envisagée sans la communication interne. En effet, pour avoir
une communication adaptée à l'environnement, les organisations
doivent, dans un premier temps, savoir se définir, c'est-à-dire
se conna»tre. Dans la littérature, on retrouve souvent une
hypothèse sur les relations entre l'externe et l'interne, à
savoir le fait que les processus de communication interne sont une
résultante de la communication externe de l'organisation (Cheney et
Christensen, 2001). Ajoutons que la question de l'identité
organisationnelle semble être reliée à la facon dont
l'organisation se défin»t dans son environnement et aux
réponses qu'elle accorde aux problèmes qui s'y présentent
(Dutton et Dukerich, 1991 ; cité dans Cheney et Christensen, 2001).
Nous retiendrons ici que l'identité de l'organisation est
en questionnement
de stratégies communicationnelles, car l'organisation
exprime, à travers ses représentants, un besoin de canaliser ses
images, qu'elles soient destinées à l'intérieur ou
à l'extérieur. Après avoir passé en revue les
définitions de l'identité et de l'image organisationnelle et nous
être penchée sur ses attributions éventuelles, nous allons
maintenant nous intéresser aux relations qui peuvent exister entre
l'identité et l'image dans le cadre de l'organisation.
2.1.4 Relations entre image et identité au niveau
organisationnel : la rencontre de l'interne et de l'externe
Dans cette section, nous développons l'idée que
la construction du sens organisationnel passe par une étroite relation
ou une interdépendance entre la communication interne et externe.
Cependant, pour pouvoir concevoir cela, il faut se débarrasser de la
métaphore du canal oü le message passe d'un émetteur
à un récepteur (Cheney et Christensen, 2001). Pour la question de
l'identité organisationnelle, cela se traduirait dans le cadre d'un
échange, d'une transaction oü l'on donne et l'on recoit. Mais, pour
comprendre les interactions entre les visions de l'interne et de l'externe de
l'identité organisationnelle, il faut aussi prendre en compte d'autres
éléments, comme la culture et l'image de l'organisation (Hatch et
Schultz, 2002).
L'identité se construit ainsi à partir des
interactions entre les personnes de l'intérieur et de l'extérieur
de l'organisation. Autrement dit, l'identité organisationnelle est le
fruit des perceptions des membres de l'organisation, ajoutées aux
impressions/opinions qui en ressortent à l'externe sur cette même
organisation (Gioia et all, 2000). Il y a donc une interdépendance au
niveau de la construction identitaire d'une organisation entre
l'intérieur et l'extérieur. En ce sens, Jenkins
( 1 994; cité dans Hatch et Schultz, 2002) dit:
<< It is in the meeting of internal and external definitions of an
organizational self that identity É is created>> (p. 1004).
En pratique, il appara»t qu'on ne peut pas vraiment faire
de distinction entre la communication interne et externe, la
réalité du terrain confirmant l'étroite relation entre
l'image et l'identité (Cheney et Christensen, 2001). En effet,
très souvent dans les organisations, les services de communication
interne et externe se trouvent au sein d'un seul et unique bureau. De plus, il
est difficile de réussir à convaincre l'extérieur de
l'organisation, c'est-à-dire les gens en dehors de l'organisation, d'une
certaine image ou identité organisationnelle lorsque à l'interne,
les employés eux- mêmes ne sont pas convaincus de ce que
l'organisation tente de projeter à l'extérieur (Cheney et
Christensen, 2001). Le discours doit donc être cohérent. On parle
d'une voix unitaire de l'organisation qui s'exprime par de multiples voix,
identités, cultures, images et intérêts.
Cheney et Vibbert (1987; cité dans Cheney et
Christensen, 2001) ajoutent que distinguer de manière stricte les
aspects internes et externes du discours organisationnel peut être
problématique pour des organisations qui agissent avec un environnement
communicationnel de plus en plus vaste. En ce qui concerne la publicité,
on peut ainsi noter que même si la cible de base est le public à
l'extérieur de l'organisation, un impact se fait sentir, même
à l'intérieur de celle-ci (Cheney et Christensen, 2001). La
publicité renvoie donc une image à la fois aux consommateurs et
aux employés. De plus, selon l'idée d'instabilité
adaptable illustrée par Gioia et al. (2000), l'organisation a une
capacité d'adaptation qui est due à sa relative
instabilité, qui l'amène à construire et à
négocier son identité à travers les interactions. Ainsi,
l'identité et l'image interagissent dans la construction et la
négociation du << soi >> de l'organisation avec son
environnement.
Nous retiendrons ici que la réalité de
l'identité organisationnelle ne peut être comprise qu'en tenant
compte de ses définitions interne et externe, car elles sont
indissociables et inséparables.
Après avoir défini l'identité
organisationnelle sous de nombreux aspects, nous allons maintenant
déterminer les éléments qui participent à sa
construction.
2.2 Les éléments qui participent à
la construction de l'identité organisationnelle
2.2.1 Une construction discursive: Un discours, une
narration, des acteurs, une performance
L'identité est, à bien des égards,
construite par le langage, postulat que nous avons choisi de suivre et qui nous
a été tout particulièrement inspiré par l'article
de Nicole Giroux (2002), <<La gestion discursive des paradoxes de
l'identité>> dont nous avons emprunté les
références. Selon Strauss (1992), << nommer permet
d'identifier, de situer, de caractériser, de classer un objet >>
(p. 144), donc l'identité peut être narrée de
manière différente selon la personne ou le groupe qui en parle ou
qui la nomme. La langue est ainsi le support et le véhicule de
l'identité (Decourt, 1999). Marc (1997) met, quant à lui,
l'emphase sur le fait que l'identité est co - construite dans
l'interaction entre les différents partenaires, ce qui l'amène
à dire que :
A travers leurs échanges, ils remettront en question
cette identité pour la nier, la réaffirmer ou encore la modifier
; chacun tentant de faire prévaloir une version valorisante de soi qui
lui procure du bien-être. (p. 146)
Cette notion n'est pas simplement individuelle, elle a une
portée collective, car c'est aussi le << devenir ensemble>>
qui est en jeu dans la conversation, au-delà de l'affirmation de soi.
Ainsi, selon Brown (1994), le discours sert de lien entre l'identité
individuelle et collective, cela à travers la narration et la
conversation.
La communication est donc une valeur centrale dans la
construction de l'identité organisationnelle. Giroux (2002) nous
présente une grille d'analyse des stratégies discursives de
l'identité, constituée à partir de la littérature
sur la gestion du changement stratégique. Le postulat est que:
L'identité organisationnelle est construite
discursivement dans des messages publics inscrits dans différents textes
(discours des dirigeants, rapports annuels, rapport d'analyse, journal interne
ou externe, dépliant d'information, documents publicitaires, etc.) qui
sont diffusés à divers auditoires. (p. 150).
Ainsi, les éléments qui constituent
l'organisation sont déterminés en fonction de ce qu'est
censée être l'organisation, c'est-à-dire ses valeurs, ses
caractéristiques et ses attributs, mais aussi, ce qu'elle est
censée faire, en prenant en compte les métiers et
activités et, pour finir, ce qu'elle possède, c'est-à-dire
ses ressources et ses capacités (Giroux, 2002). L'identité est
donc présentée comme un phénomène interdiscursif
(Giroux, 2002), c'est-à-dire des échanges de discours dans le but
de produire du sens avec l'aide de la narration et l'argumentation, auquel
plusieurs auteurs (ou plusieurs voix) participent à différents
degrés, même si ce sont généralement aux dirigeants
que revient a priori la tâche d'y veiller.
Selon Weick, qui s'exprime dans le cadre de l'identité
individuelle (1995 ; cité dans Gioia et all, 2000), <<Identities
are constituted out of the process of interaction. To shift among interactions
is to shift among definitions of the self>>
(p. 65). Il semble que cette idée puisse aussi bien
être considérée à un niveau collectif qu'individuel.
De plus, l'identité serait construite et reconstruite dans un processus
continu de narration (Czarniawska-Joerges, 1994; cité dans Chreim,
2005). La construction d'une histoire avec des autobiographies de
l'organisation, des autoportraits et des mémoires joue un rTMle
important dans la gestion de l'identité (Cheney et Christensen, 2001).
De façon externe, cela se joue au niveau des relations publiques et de
façon interne, cela permet aux membres de l'organisation de s'y voir
comme dans un miroir.
Dans la littérature sur la question de
l'identité individuelle, RicÏur (1990) développe aussi la
notion d'identité narrative: Pour se comprendre, l'acteur doit mettre en
récit sa vie. La notion de discours identitaire n'a donc de sens, selon
cette perspective, que parce qu'elle fait le lien entre le passé et le
futur (Brown, 1994), un lien qu'assure justement la narration. Ajoutons
à cela que la narration peut faire le lien entre les individus, car ils
peuvent alors s'identifier les uns les autres à travers des histoires
qu'ils échangent au cours d'interactions quotidiennes, abordant ainsi un
vécu qui donne sens à leur condition.
Selon la littérature, plusieurs éléments
discursifs peuvent être mobilisés par les acteurs dans cette
construction de l'identité organisationnelle. Ainsi, nous trouvons: les
mots-clefs, les étiquettes, les assertions et les négations, les
arguments et les narrations, les métaphores, analogies et paraboles, les
lieux communs et les mots passe-partout ou à la mode (Giroux, 2002).
Nous retiendrons ici que l'identité organisationnelle
est un phénomène discursif qui se construit dans l'interaction et
qui se raconte à l'écrit comme à l'oral, dans un processus
souvent narratif. Mais au delà de la dimension discursive et
narrative de la construction de lÕidentite
organisationnelle, nous allons maintenant voir le rTMle que joue le temps dans
cette construction.
En effet, le temps est un enjeu important quand on parle
dÕidentité, car il réun»t lÕhier,
lÕaujourdÕhui et le demain. De plus, comme nous lÕavons
vu, lÕidentité est à la fois ce qui dure et ce qui change.
Giroux (2002), qui reprend les travaux dÕErikson (1959/1980) concernant
la notion de temps et la construction de lÕidentité individuelle,
dresse un paralléle avec lÕidentité organisationnelle. Il
y est dit que lÕidentité se construit tout au long de la vie,
avec plusieurs étapes qui sont entrecoupées de crises. On
pourrait comparer cela à des rites de passage. Ainsi,
lÕidentité est, selon Erikson : Ç le produit
(unifié, coherent, stable) dÕun processus dynamique de
constitution de soi qui doit etre validé par le sujet et reconnu par les
autres È (p. 143). LÕidentité appara»t donc au sein
dÕune evolution qui correspond à la durée dÕune
vie.
2.2.2 La notion de temps et les dynamiques de processus
RicÏur (1995 ; cite dans Giroux, 2002), quant à
lui, aborde la thématique du temps et de lÕidentité en
distinguant Ç lÕidenti té-idemÈ,
cÕest-à-dire la Ç mêmeté È, la
permanence dans le temps et Ç lÕidentité-ipse
È, cÕest -à-dire lÕunicité, le
sentiment d'être un. Cela veut dire que lÕidentité
réun»t ces deux dimensions et quÕelle est donc dynamique.
Les chercheurs postmodernes considérent, pour leur part, le
développement historique de lÕorganisation comme un
élément constitutif de lÕidentité. Ils mettent
lÕemphase sur lÕidée dÕorigine, on pense alors au
concept de mythe (Gioia et all, 2000). Les événements, les
changements et le temps forment donc ensemble un processus qui donne son
identité à lÕorganisation. Cependant, il appara»t,
notamment selon Baudrillard et Perniola (1988 ; 1982 ; cite dans Gioia et
al. , 2000), que tout ceci ne pourrait être qu'un '
simulacre ou une ' illusion car <<identity is transformed
into `image without identity' È (p. 72), une image créée
par des professionnels de la communication.
Ajoutons qu'Albert et Whetten (1985) suggèrent qu'il
existe un cycle de vie dans l'organisation avec des étapes ou
événements. On voit ici un parallèle avec les propos
d'Erikson. Ils présentent ainsi plusieurs étapes avec: (1) la
formation de l'organisation; (2) la perte d'un élément soutenant
l'identité comme la perte d'un père fondateur; (3)
l'accomplissement de la raison d'être ou de sa mission première ;
(4) une croissance extrêmement rapide (on peut faire le parallèle
ici avec l'adolescence); (5) un changement dans le <<statut
collectifÈ (le parallèle peut être fait ici avec des
événements comme un mariage, une naissance, un divorce); ou
encore (6) le retranchement, qui correspond à une période de
réflexion et de calme. Ces chercheurs établissent aussi un
diagramme oü les marqueurs temporels du cycle de vie concernant la
question de l'identité dans l'organisation sont
représentés, avec: la naissance, la croissance, la
maturité et le retranchement. Dans cette perspective, nous sommes ici
face à une personnalisation de l'organisation avec un cycle de vie
comparable à celui de l'être humain. On suppose donc que son
identité correspond à son histoire et à sa
personnalité.
Nous retiendrons ici que l'identité se construit tout
au long de la vie de l'organisation, avec des événements qui
marquent cette construction. Cependant, l'interaction ajoute à l'instant
la notion d'imprévu, qui amène une négociation et donc un
aspect dynamique, en ajoutant au fait que chaque acteur arrive avec sa
mémoire, ses expériences, ses conceptions, ses attentes et son
discours.
Cette revue de littérature nous a permis de
synthétiser les différentes orientations qui existent
aujourdÕhui sur la question de lÕidentité
organisationnelle. Cependant, comme nous le constaterons dans la section
suivante, peu de recherches semblent considérer lÕidentité
organisationnelle selon une vision performative. Notons que langage,
performativité et interaction semblent etre au cÏur de la
construction de lÕidentité organisationnelle et cÕest en
partie là-dessus que nous allons nous interroger dans la prochaine
section.
2.3 Discussion critique de la littérature &
problématique
Comme nous lÕavons vu, la question de
lÕidentité est une preoccupation essentielle des organisations et
cÕest aussi un concept clef pour comprendre les organisations modernes
(Gioia et all., 2000). En ce sens, Cheney et Christensen (2001) concluent leur
chapitre du New Handbook of Organizational Communication en notant que
le défi pour les chercheurs en communication aujourdÕhui est de
réussir à conceptualiser la réalité complexe des
organisations contemporaines.
La revue de littérature a montré quÕil
nÕest pas simple de définir lÕidentité
organisationnelle car ce concept est encore (et sera sans doute toujours)
à lÕétat de discussion et de réflexion pour de
nombreux chercheurs qui se sont attelés à le définir.
Néanmoins, nous avons réussi à faire ressortir plusieurs
points intéressants à noter et à prendre en compte dans le
cadre de lÕétude de cette question. Ainsi, nous retiendrons que
lÕidentité organisationnelle se construit dans
lÕinteraction entre les individus eux-mêmes et dans leur rapport
à lÕenvironnement et quÕelle est donc a priori
multiple et dynamique. Sa construction passe par les images de
lÕorganisation qui apparaissent comme des miroirs reels ou choisis de
celle -ci. De plus, la question
de lÕidentité est toujours a priori
ouverte dans lÕorganisation, aussi bien du point de vue des membres sur
eux -mêmes, que vis-à-vis du sens que cette identité
projette à lÕextérieur. Cela peut donc aboutir à la
mise en place de strategies communicationnelles à lÕinterne comme
à lÕexterne, afin de garder le contrTMle des images que projette
lÕorganisation.
Quant à la réalité de
lÕidentité au niveau organisationnel, on ne peut la comprendre
quÕen prenant en compte ses definitions interne et externe, car elles
semblent indissociables et inséparables. Ajoutons que
lÕidentité organisationnelle appara»t comme un
phénomene discursif qui se construit dans lÕinteraction et qui se
raconte à lÕécrit comme à lÕoral, dans un
processus de narration. LÕidentité se construit ainsi tout au
long de la vie de lÕorganisation, avec des événements qui
marquent cette construction.
Apres avoir abordé les points essentiels de la
littérature sur le sujet, nous pouvons des lors faire le point et
determiner les manques à combler par la recherche, cela afin de
permettre une meilleure comprehension de la question. Ainsi, il apparait que le
phénomene dÕidentité est abordé dÕun point
de vue general et que trop peu dÕétudes empiriques
sÕattardent à démontrer la dimension non seulement
performative, mais egalement interactionnelle de la construction identitaire
dÕune organisation. Nous pensons quÕil serait donc productif de
sÕy intéresser dÕun point de vue plus micro oil
lÕidentité de lÕorganisation appara»t à
travers les interactions qui la font etre, se reproduire et évoluer, le
but étant dÕapporter une contribution à la fois
théorique pour la recherche et pratique pour la comprehension
organisationnelle. En effet, souvent les etudes portant sur
lÕidentité sont dÕordre quantitatif, mais notre recherche
qui est qualitative et se concentre sur les interactions quotidiennes offre une
vision plus communicationnelle/performative de cette question. Notre
approche
montre une dimension incarnée, une vision ancrée
sur les interactions qui se distingue donc des etudes basées sur des
entrevues, exposant la maniere dont les interviewés font sens de
lÕidentité organisationnelle. Notre recherche propose donc de
montrer et analyser lÕidentité organisationnelle en action, au
fil des interactions qui lÕincarnent. Quant aux contributions pratiques,
nous en ferons part dans la conclusion de cette recherche, avec notamment la
nécessité de former le personnel de lÕorganisation sur
lÕimportance de leur parole dans le quotidien de leurs activités
pour la construction de lÕidentité et lÕimage de leur
organisation. En effet, notre etude fera la demonstration du pouvoir que
peuvent avoir les mots dans le cadre de négociations implicites et
explicites qui sont le lot des interactions quotidiennes dans
lÕorganisation, influencant lÕimage que chacun peut avoir de
celle-ci et donc le cours des missions, pour une organisation comme
Médecins Sans Frontiéres.
En outre, Kerbrat-Orecchioni (1992) nous indique que
lÕinteraction est le lieu de négociations implicites et
explicites, ce point précis étant lÕobjet de notre
interrogation sur lÕidentité organisationnelle : Ç Tout
discours dialogue est le produit dÕun "travail collaboratif", les
partenaires en presence mettant en Ïuvre en permanence des processus de
négociations, dÕharmonisation de leurs comportements respectifs,
et de "synchronisation interactionnelle" » (p. 148).
Finalement, on peut supposer que lÕidentité
organisationnelle est (re)construite tous les jours et par tout le monde. En ce
sens, si lÕidentité organisationnelle fait lÕobjet
dÕune construction par des acteurs, on peut donc dire quÕelle est
performée, en particulier par la parole et lÕécrit, et que
lÕinteraction est le cadre de cette performance. En poursuivant cette
idée de performance et en lÕalliant avec lÕidentité
de lÕorganisation, nous nous sommes penchée sur le concept de
présentification. Pour Cooren, Brummans et Charrieras (2008) qui se sont
intéressés
à la notion de présence de l'organisation avec
des données sur Médecins Sans Frontières, cette
idée de performance renvoie à une facon de rendre présent
ou présentifier l'organisation, de la représenter. On peut donc
parler d'incarnation, voire d'incorporation. De plus, dans leur article, ils
disent : Ç Thus, while our view foregrounds the performative aspects of
presentification, this performance always involves processes of negotiation,
transaction, interpretation, translation, co - constructionÈ (p. 1346).
Cela nous amène donc à réfléchir sur la conception
d'une identité organisationnelle plus centrée sur la performance
des acteurs. En effet, qui dit performance, dit l'accomplissement de quelque
chose et ce quelque chose est accomplie notamment par le biais d'une
négociation ou d'une co-construction. De plus, comme nous sommes
fortement attachée à la dimension discursive et interactive d'une
définition de l'identité organisationnelle, nous pouvons alors
émettre l'idée d'une co-construction de l'identité
organisationnelle par le biais des performances discursives des acteurs de
l'interaction.
Il y a, par ailleurs, souvent un profond sentiment
d'attachement des acteurs vis-à-vis de leur identité et de
l'identité de leur organisation. L'identité, c'est ainsi quelque
chose qui est censé les définir, qui est censé être
propre mais qui se nourrit aussi de l'impropre, autrement dit de ce qui, pour
être approprié, doit d'abord être autre. On parle alors de
la rencontre de soi et de l'autre. Ajoutons que toute relation suppose une
appropriation et nous mettons donc ici en exergue une vision relationnelle de
l'identité. Dans le cadre d'une ONG comme Médecins Sans
Frontières, cela se manifeste, comme nous le verrons, par une
réaffirmation constante de l'essence même de sa mission
auprès de ses partenaires sur le terrain de l'action comme directement
dans ses différents sièges dans le monde. De plus, le principe
d'urgence de ce type d'organisation ajoute une difficulté
particulière à ces
interactions et aussi une certaine intensité.
Après avoir abordé la littérature sur la
question de l'identité organisationnelle et son application dans le
cadre de l'humanitaire, nous pouvons donc nous interroger sur sa construction
par le biais de la communication et plus précisément par la
parole. Retenons que cette identité peut aussi bien se construire que se
déconstruire et qu'il s'agit donc aussi de la négocier au fil des
interactions. De plus, la construction de l'identité peut être
associée au rituel de la danse dans un processus interactionnel entre
soi et l'autre, selon la métaphore initiée par Goffman (1967) et
qui est reprise dans une réflexion de Roth (1996) qui dit:
Construction of identity in interaction is a process that
engages both participants in a ritual dance or in a ritual contest (Goffman,
1967, pp.31 and 32). Dancelike aspects of identity construction are found when
participants cooperate (intentionally or not) in ceremonial rituals that are
embedded in everyday conversation. (p. 175)
Ainsi, la question qui nous animera tout au long de ce travail
sera d'évaluer par quels moyens les membres de l'organisation
construisent leur identité organisationnelle dans leurs interactions du
quotidien et comment ils agissent dans ce cadre ? Les questions de cette
recherche sont donc formulées de la manière suivante:
QR : Comment est ce que l'identité organisationnelle de
MSF est négociée dans la communication (interactions), soit entre
les membres de MSF, soit entre les membres de l'organisation et les gens
à l'extérieur ?
Chapitre 3: CADRE THEORIQUE
|
Les questions et idées qui émergent de la revue
de littérature réalisée sur l'identité
organisationnelle nous amènent à identifier différents
concepts qui vont servir de cadre théorique à cette recherche. Il
existe de nombreuses approches en communication organisationnelle, a priori
aussi valables les unes que les autres, mais en choisir une, c'est comme
choisir un angle de vue pour sa recherche. En ce sens, la lunette
interprétative me semble la plus opportune. En effet, l'approche
interprétative considère que la réalité
organisationnelle est socialement construite à travers la communication,
c'est-à-dire les interactions entre les individus. On y retrouve aussi
l'idée de processus. De plus, nous emprunterons, pour les fins de cette
recherche, les lecons tirées de l'ethnométhodologie, un courant
de pensée né dans les années 1960 avec notamment comme
maitre d'Ï uvre, Harold Garfinkel (1967, 2002). Le principe de base qui y
est exprimé, c'est que le social se construit et se reconstruit sans
cesse dans les relations quotidiennes entre les acteurs. Au sein de ce courant,
nous trouvons aussi l'analyse de conversation (Boden, 1994; Sacks, 1992) et on
notera aussi une certaine influence de la théorie des actes de langages
d'Austin (1991), Ç Quand dire, c'est faire È, qui
considère le langage dans sa dimension performative et actionnelle.
Une notion étudiée et développée
par des chercheurs de l'École de Montréal a attiré notre
attention, soit celle de la ventriloquie car elle agrandit le champ de vision
de notre recherche, en identifiant tout ce qui est rendu présent dans
l'interaction, en plus de ceux qui le sont physi quement. Au premier abord, la
ventriloquie évoque pour tous, la capacité d'une personne
à faire parler une marionnette sans bouger ses
lèvres . On imagine donc aisément un spectacle
oü l'on s'amuse d'un petit être, une peluche, qui parle aux
spectateurs ou à la personne qui le manipule. Du latin ventris
ou venter qui signifie ventre et loqui qui signifie
parler, ce concept renvoie donc à l'idée da Çfaire
parlerÈ quelqu'un ou quelque chose. Nous reviendrons donc à cette
idée dans un aspect communicationnel, car il semble permettre
d'approcher, d'une certaine manière, les coulisses du discours, de la
parole en interaction.
Tout au long de cette étude, le concept clef qui
guidera ma réflexion sera celui de présentification car il nous
permettra d'observer comment MSF est rendu présente par ses acteurs et
ce, en vue de mieux saisir la construction de son identité
organisationnelle. Pour cela, je m'inspirerai de l'article de Cooren et al.
(2008) qui se conclut en notant l'intérêt d'une étude
portant sur l'identité organisationnelle à travers la lentille du
concept de présentification organisationnelle. De plus, leur cas
d'étude confirme que ce sont dans les interactions que cette
construction a lieu:
As É illustrated É what or who belongs (or does
not belong) to an organization (i.e. what is considered `in' or `out'), or how
an organization is perceived and experienced by `insiders' (identity) and
`outsiders' (image), is always a question of negotiation played out on the
terra firma of interaction. (p. 1361)
Ainsi, à travers l'interaction, c'est la confrontation
de plusieurs images qui peut produire l'identité, c'est-à-dire
que chacun (que ce soit des personnes à l'intérieur ou à
l'extérieur de l'organisation) mobilise implicitement ou explicitement
une ou plusieurs images ou identités de l'organisation et c'est au cours
des interactions que ces images/identités s'harmonisent ou non.
comprendre pleinement, il est nécessaire de le situer
dans un premier temps dans un cadre plus large, pour ensuite revenir sur ce
concept et lÕexpliquer avec plus de profondeur. Nous allons pour cela
nous intéresser aux réflexions de lÕÉcole de
Montréal, en commentant egalement certains concepts de la théorie
de lÕacteur- réseau, pour ensuite nous atteler à la
description de ce que lÕon entend par Ç présentification
organisationnelle È et la pertinence de cette notion dans le cadre
dÕune réflexion sur lÕidentité
organisationnelle.
3.1 L'École de Montréal
LÕÉcole de Montréal est un courant de
pensée qui rassemble des chercheurs autour dÕune idée
centrale selon laquelle les organisations sont constituées par et dans
la communication, une communication vue comme organisante (Brummans, 2006).
Cependant, lÕÉcole de Montréal ne
sÕintéresse pas seulement à la communication, elle cherche
aussi son inspiration au sein de toutes les disciplines des sciences humaines,
en sÕintéressant notamment à la linguistique, la
sémiotique, aux etudes sur les organisations et au m anagement
(Brummans, 2006). Comme son nom lÕindique, cette école de
pensée prend son origine à Montréal, au Québec,
cÕest- à-dire un espace francophone au cÏur de
lÕAmérique du nord. Ce lieu se trouve culturellement et
historiquement à la frontiére de lÕEurope et du continent
américain. Son originalité lui permet notamment de relier et de
réunir en son sein des concepts venus des deux cotes de
lÕOcéan Atlantique.
Ainsi, par exemple, lÕEcole de Montréal
réussit à connecter des idées provenant du pragmatisme
européen et américain (Brummans, 2006), cÕest à
dire une philosophie qui sÕattache à la réalité, au
concret, autrement dit à lÕaction. Cette école
trouve ses fondements dans la théorie des actes de
langage dÕAustin, les écrits de Searle, certaines
réflexions de Durkheim, le formalisme de Peirce, les travaux de Dewey et
de Deetz, pour nÕen citer que quelques-uns. De plus, elle mobilise les
concepts issus de la théorie de lÕacteur-réseau (ANT),
appelée aussi sociologie de la traduction (Akrich, Callon & Latour,
2006), laquelle considére le monde comme un ensemble de réseaux
oil interagissent des acteurs humains et non-humains, acteurs qui peuvent eux
-mêmes etre considérés comme des réseaux. Nous
allons maintenant faire un petit detour pour presenter les conceptions de cette
approche, cela dans le but de mieux comprendre les réflexions de
lÕÉcole de Montréal.
Le postulat de base est que tout élément qui
fait quelque chose peut etre considéré comme un acteur et
quÕil y a une interdépendance entre les différents
êtres qui constituent des collectifs. Par ailleurs, lorsquÕun
individu prend la parole, ce nÕest pas seulement lui qui parle mais tout
ce quÕil peut alors se mettre à représenter ou traduire
(cÕest-à-dire, ce quÕil rend present à travers son
acte de parole). Ainsi, lÕidentité dÕun acteur peut se
définir comme la configuration de ces effets de representation. De fait,
les êtres sont hybrides car ils incarnent ou sÕincarnent dans
plusieurs choses, cÕest -à-dire que tout etre peut etre
représenté, incarné, matérialisé, traduit ou
incorporé par plusieurs autres êtres. Cooren et Taylor nous disent
ainsi (1997 ; cite dans Cooren et al., 2008) :
An organization is a hybrid, protean and polymorphous entity
composed of human and nonhuman agents (documents, computers, spokespersons,
employees) that do things in the organization's name or on its behalf. (p.
1342)
<< Faire, c'est faire faire>> (p. 601)
et, qu'il n'y a pas d'origine à l'action. On est donc toujours dans un
processus, un processus dont on ne peut qu'arbitrairement designer l'origine
car tout être est mu par quelque chose qui l'anime en amont, l'amenant,
en aval, à faire quelque chose. On est ainsi <<toujours aussi
déjà>> (selon l'expression de Derrida, 1990) dans un
continuum d'actions successives.
Ainsi, par le discours, on peut faire agir plusieurs choses ou
personnes. Le collectif, selon une vision performative, est donc toujours en
train de se définir, à travers ces effets de
présentification/délégation. Cette re-définition
constante peut traduire et/ou trahir la parole du collectif, car il y a
forcement transformation, car déplacement/translation. La
société est réalisée par les performances de ses
acteurs, une société est à la fois complexe (car
résultant des interactions) et compliquée (car résultant
d'effets de représentation).
Au-delà de l'influence de la théorie de l'acteur
-réseau, l'École de Montréal a développé une
approche originale du phénomène organisationnel à partir
d'une réflexion sur les propriétés organisantes de la
communication (Brummans, 2006, Cooren, 2000). Le fonctionnement du langage
Ð sous ses deux modalités: la conversation et le texte Ð y est
tout particulièrement analysé. Selon cette approche, les textes
servent de médiateurs dans une conversation entre agents, alors que les
conversations produisent et mobilisent elles-mêmes des textes (Brummans,
2006). De plus, l'emphase est mise sur l'interaction dans la construction des
organisations:
Organizational structuring occurs because human interactions
are mediated by nonhuman agents (including `objects' like texts or langage more
generally) that constrain and enable these interactions, give them a relatively
lasting character in time and space, and allow the translation of individual
into collective action (p. 201, Brummans, 2006; voir aussi Cooren
& Taylor, 1997 et Taylor & Giroux, 2005)
Au sein des conceptions de cette école, on retrouve
aussi l'idée d'agency ou d'agentivité, qui est
définie comme suit: << the term agent means what or who appears to
make a difference, whereas agency simply means making a differenceÈ
(Cooren, 2006, p. 82). Cooren (2006) ajoute que le monde est composé de
nombreuses agentivités, << a plenum of
agenciesÈ (p. 85), et qu'au quotidien, ces acteurs y font appel
dans leurs discours et leurs actions.
3.2 Le concept de ventriloquie
La ventriloquie est un concept développé par
Cooren (2010b) dans la continuité des réflexions sur la
communication organisationnelle du courant de pensée de l'Ecole de
Montréal. Les bases théoriques de ce concept se situent dans un
premier temps autour de l'ethnométhodologie de Garfinkel, puis
s'insère dans la théorie de l'acteur réseau avec une
considération éminente pour les interactions. Ajoutons que cette
réflexion ne serait pas sans la contribution d'Austin et sa
théorie sur les actes de langages qui amène le postulat de la
performance et de l'action des mots, du langage dans les interactions (Cooren
& Bencherki, sous presse). Le concept de ventriloquie est
présenté et défini de la sorte :
La notion de ventriloquie, [est] concue
métaphoriquement comme le processus par lequel des interlocuteurs
animent et font parler des êtres (que je propose
d'appeler figures, le nom que les ventriloques utilisent pour parler des
mannequins qu'ils manipulent), êtres qui sont eux -mêmes
censés animer
33 ces mêmes interlocuteurs en situation d'interaction. (p.
1/2, Cooren, 2010b)
Il est donc question, avec la notion ou le concept de
ventriloquie, de s'intéresser aux figures que mobilisent les
interlocuteurs au sein de l'interaction. En ce sens et comme le dit Cooren
(2010a), cette notion permet d'approcher une dimension plus profonde de
l'interaction et plus profonde de ses acteurs, car : « interagir,
c'est faire parler des figures, figures qui sont censés certes
nous animer, mais que nous animons aussi implicitement ou explicitement pour
ordonner la conversation de telle ou telle maniere » (p. 24). Il est donc
à noter que ce concept prend tout son sens lorsqu'il est utilisé
dans le cadre d'une analyse de conversation. De la sorte, il peut être
tres utile pour une recherche qui s'intéresse à décrypter
ce qui se passe dans une interaction et plus précisément ce que
font les acteurs.
L'idée est donc ici de considérer que dans nos
conversations nous faisons appel à des figures en les invoquant, de
façon implicite ou explicite, pour les faire parler, les ventriloquiser,
ajoutant ainsi leur force à notre propos. Mais, il appara»t aussi
que nous sommes en quelque sorte des marionnettes et que si nous parlons, c'est
aussi que nous sommes agis nous-mêmes. Ainsi comme le dit Cooren (2010b)
suite à l'analyse d'une interaction filmée dans le cadre d'une
recherche sur l'organisation Médecins Sans Frontieres :
Parler au nom de MSF (ce que lui permet son statut), c'est
donc être (officiellement) mue par les intérêts de
cette organisation, c'est les traduire, les re-présenter, les
présentifier pour une autre première fois. [É] Faire
parler ou ventriloquiser la figure d'une organisation, c'est donc aussi et
surtout faire parler ses intérêts, tels que traduits et compris au
moment même de l'interaction, dans son eccéité.
(p.16/17)
Revenons un instant sur la définition d'une figure ou
d'un être dans le cadre de cette métaphore de la ventriloquie. Il
s'agit de principes, de valeurs, d'idées, d'idéologies, de
normes, de lois, de règlements, de procédures, de statuts,
d'organisations, de groupes, de sociétés ou de personnes (Cooren;
2010a; 2010b). Il est donc question de répertorier et d'examiner tous
les acteurs humains et nonhumains qui agissent dans l'interaction, dans son ici
et maintenant de la situation et qui l'influencent. Ainsi, par exemple,
invoquer un principe, c'est en quelque sorte se l'approprier et l'incarner. En
termes d'identité, c'est donc être identifié par son ou ses
interlocuteurs par ce même principe. Cet exemple est valable pour tous
les acteurs humains ou non-humains qui peuvent être appelé
à participer directement ou indirectement, implicitement ou
explicitement, à la conversation. De plus, il existe une
réciprocité dans l'action des figures/êtres auxquelles on
fait appel dans nos conversations :
Ventriloquism is also interesting as a metaphor for
communication because people can alternatively position themselves or be
positioned as the figure or the ventriloquist, a vacillation or oscillation
that is typical of this type of phenomenon. (Goldblatt, 2006; cité dans
Cooren & Bencherki, sous presse)
En effet, au même titre que l'on anime quelque chose ou
quelqu'un, celui-ci nous anime aussi: Ç Ils agissent dans la mesure
oü on les mobilise/anime/meut/enrôle et oü ils nous
mobilisent/animent/meuvent/motivent. È (p.13/14, Cooren, 2010b). Ainsi
si dans une conversation, je me présente comme étant d'une
certaine nationalité, par la même occasion je recois tous les
attributs de cette nationalité et l'incarne aux yeux de mon ou mes
interlocuteurs.
construction de l'identité organisationnelle dans les
interactions du quotidien permet de s'extraire d'une vision réductrice
de la conversation qui ne considère que les seuls interlocuteurs
présents physiquement. Aussi, reconstruire les effets de ventriloquie
dans une conversation, c'est déconstruire la scène
interactionnelle pour rendre compte de son entièreté et lui
redonner toute sa dimension visible et surtout invisible (Cooren &
Bencherki, sous presse).
3.3 La présentification
Comme nous l'avons vu, les chercheurs de l'Ecole de
Montréal considèrent que le collectif se bâtit avec tout ce
qui parle et agit en son nom et c'est par ce biais qu'ils amènent
l'idée de présentification dans les organisations. Ainsi, selon
Cooren (2006):
Acting in the name of others thus amounts to making these
others present, a sort of `presentification' that, as we will see, tends to
solve the conundrum of the mode of being of societies and organizations.
According to this approach, a collective entity like a group, organization, or
society exists through all the entities that act or speak on its behalf. (p.
83)
Le concept de la présentification qui est
utilisé dans le cadre des études réalisées par les
chercheurs de l'Ecole de Montréal sert de lentille dans l'observation
des organisations (Brummans et al., 2009). S'inspirant de Gumbrecht (2004), les
penseurs de cette école définissent la présentification
organisationnelle comme un concept qui renvoie à la manière dont
une organisation est rendue présente par le biais d'agents humains et
non-humains qui sont, eux-mémes, dans un processus
d' interaction (Cooren, Matte, Taylor & Vasquez, 2007).
L'idée de présentification permet donc de voir comment
l'organisation s'incarne par l'entremise des acteurs humains et non-humains qui
la mettent en scene implicitement ou explicitement (Cooren, 2006). Les acteurs
humains peuvent mobiliser des acteurs non-humains et parfois aussi d'autres
acteurs humains (Cooren et al., 2008).
Cette idée d'incarnation qui rappelle aussi l'idée
de parler ou d'agir au nom de, est décrite ainsi:
The incarnation that enables presentification occurs through
the interplay between spoken and written language (conversations, speeches,
documents, memos, posters), nonverbal language (gestures, symbols), context
(circumstances, previous interactions), and materialities (costumes, buildings,
desks, computers). (Brummans et al., 2009, p. 104)
Cependant, même si l'on considère que toute
entité peut potentiellement être l'agent d'une autre
entité, il faut prendre en compte le fait que dans le cadre d'une
organisation, certains agents ont plus de visibilité ou d'importance que
d'autres.
Comme nous l'avons vu, présentifier une organisation,
c'est la rendre présente. En ce sens, on peut aussi rendre
présent son identité, celle-ci s'incarnant dans des acteurs
humains (employés, directeurs, porte -parole, É) et non-humains
(vêtements, logo, bâtiments, É) qui sont censés la
manifester. On notera d'ailleurs qu'il n'y a pas une incarnation, mais bien
plusieurs, plusieurs agents ayant potentiellement un rTMle de
représentation à jouer au sein du collectif. Ainsi,
l'organisation est re-produite selon les nombreuses présentifications
censées l'incarner. Comme le précisent Cooren et al. (2008):
Our study indicates that the ways in which an organization's
presence is produced can never be fully controlled by the organization itself
(i.e. by its representatives), because organization presentification results
from the interplay between a number of human and nonhuman interactants. Going
one step further than Gumbrecht (2004), we thus argue that an organization's
(or individual's) presence is always a co -production. (p. 1346)
Dans le phénomène de présentification et
d'incarnation, il y a aussi l'idée de performance, qui se manifeste par
la traduction, l'interprétation, la transaction et surtout, en ce qui
nous concerne dans cette étude, la co-construction (Cooren et al.,
2008).
D'un point de vue communicationnel, cette
présentification organisationnelle, dans le cas de l'organisation
Médecins Sans Frontières, se manifeste surtout selon des
narratifs produits par les membres de l'organisation, narratifs qui les
apparentent à des héros, alors que les non-membres passent alors
soit pour des adjuvants, soit pour des opposants (Cooren et al., 2008).
La revue de littérature nous a montré que
l'identité organisationnelle se construit de facon quotidienne et
qu'elle fait l'objet de négociations constantes à travers les
interactions. On peut donc considérer que l'organisation se
présentifie dans l'interaction à travers les valeurs, les
principes, les arguments, les documents qui sont censés incarner son
identité, sa mémeté. Nous allons donc nous concentrer sur
les interactions au quotidien pour comprendre la construction du Ç soi
È d'une organisation, à travers ses incarnations exprimées
par le langage. Afin de justifier l'étude de l'identité
organisationnelle par le biais de l'analyse du discours en interaction, nous
nous baserons sur l'idée d'agentivité développée
par Cooren
(2006) : « In a world full of agencies, an organization's
identity can thus be understood through all these entities that can act and
speak in its name » (p. 83).
Afin d'analyser empiriquement comment l'identité
organisationnelle s'incarne dans la construction interactionnelle, nous
proposons d'étudier l'organisation Médecins Sans Frontieres.
Pourquoi cette organisation ? Notamment parce que c'est l'une des seules ONG
à but humanitaire d'envergure internationale, avec une identité
complexe et des tensions entre sa cause et ses impératifs
stratégiques. Mais aussi, parce que des sa création, elle clame
haut et fort dans les médias qu'il faut aider les populations en
souffrance sur le terrain de leur drame, en envoyant des médecins, mais
aussi des caméras, pour dénoncer la réalité de leur
détresse aux yeux du monde. Les représentants de cette
organisation ont donc a priori conscience du pouvoir des mots et des images,
lesquels sont des éléments majeurs dans la constitution de
l'identité d'une organisation. Toutes ces raisons m'amenent à
penser que l'organisation Médecins Sans Frontieres semble être un
cadre d'étude tres intéressant pour une recherche sur la
construction de l'identité organisationnelle. En outre, il existe
déjà un corpus de données (vidéos d'une mission de
Médecins Sans Frontieres en République Démocratique du
Congo) qui est mis à notre disponibilité pour notre recherche par
Francois Cooren, mais nous y reviendrons plus tard.
Chapitre 4 : PRESENTATION DU CAS & METHODOLOGIE
SÕinteresser à la question
de lÕidentite organisationnelle et la façon dont
celle- ci est construite nous a conduit naturellement vers une demarche de
recherche de nature qualitative. En effet, dans un contexte organisationnel,
lÕapproche qualitative a tendance à mieux rendre compte de la
realité humaine dans toute sa complexite. LÕinteret de notre
recherche est de nous interroger sur la façon dont est construite
lÕidentite organisationnelle dans les interactions quotidiennes. Au
cours de cette recherche, notre attention va se porter sur le quotidien de
lÕorganisation Medecins Sans Frontiere (MSF), qui sÕavere etre un
riche cas pour notre etude. Aussi, lÕapproche ethnographique
(Schwartzman, 1993) semble etre un outil approprie pour nous guider dans notre
recherche. Cette demarche prend racine au sein de lÕethnographie, une
methode qui me para»t appropriee pour réaliser une etude sur la
construction identitaire. LÕethnographie sÕattache à
lÕetude analytique et descriptive des mÏurs ou des façons
dÕagir et dÕêt re dÕune population
determinée, dÕun groupe. Les preceptes de lÕetude
ethnographique peuvent etre presentes comme suit :
Il sÕagit : de tenter de comprendre les
phénomenes sociaux, à partir des rapports qui
sÕétablissent entre les individus plutTMt que
dÕétudier ces phénomenes à partir
dÕhypotheses préétablies ; de laisser parler les
données, cÕest à dire de ne pas faire lÕanalyse
à partir de codes et de categories conceptuelles
préétablis, mais à partir des données recueillies ;
dÕanalyser un nombre restreint de cas, ou même, dans certaines
circonstances, un seul ; de fonder lÕanalyse des phénomenes
sociaux sur lÕinterprétation du sens à donner aux actions
humaines, plutTMt que sur une quantification statistique des
donnees recueillies (pp. 75-76, Guerin-Lajoie, 2006 ; voir aussi
Atkinson & Hammersley, 1994).
Apres avoir décrit le cas de notre etude,
cÕest-à-dire lÕorganisation Médecins Sans
Frontières (MSF), nous présenterons la démarche que nous
avons adoptée pour collecter nos données, faire une selection
parmi celles-ci, pour finir par leur interpretation, à lÕaide de
lÕanalyse de conversation.
4.1. Présentation du cas - Médecins Sans
Frontières
4.1.1 Retour sur son histoire
LÕassociation Médecins Sans Frontieres a
été créée en France en 1971 par treize fondateurs,
avec pour objectif premier dÕallier une action humanitaire à un
travail de sensibilisation de lÕopinion internationale, notamment par le
biais des médias. Son histoire se définit en plusieurs
étapes pour devenir aujourdÕhui la grande ONG internationale
connue de tous. Nous allons brievement revenir sur lÕhistoire de cette
association. Elle démarre avec un événement fondateur,
celui de la guerre du Biafra, en 1969, oil de jeunes médecins francais
engages aupres du Comité International de la Croix Rouge
sÕinsurgent face au drame dont ils sont les témoins. Ils
décident alors de rompre la neutralité dont ils doivent faire
preuve, dl au respect de la convention de Geneve de 1864 (Rufin, 1996). Ils
témoignent alors de ce quÕils ont vu dans une lettre ouverte, en
denonçant le silence et lÕindifférence face aux massacres,
afin dÕalerter lÕopinion publique. De retour en France, ils
fondent, dans un premier temps,
le GIMCU (Groupe d'intervention médicale d'urgence),
puis ces jeunes médecins s'allient aux journalistes du journal
médical Tonus et c'est de leur alliance que va naitre
l'association Médecins Sans Frontières (Siméant, 2001).
Avec la création de MSF, appara»t alors aussi dans l'imaginaire
populaire de l'action humanitaire d'urgence, la figure du <<French Doctor
>>. Brauman (2006) nous dit à propos de MSF que c'est un produit
de son époque, dü notamment à la notion de médecine
d'urgence, la capacité de mobilité internationale et l'importance
des médias. Ë ses premières heures d'existence, MSF
n'était encore qu'une sorte d'agence de placement pour personnel
médical humanitaire (Brauman, 2006). Mais ses médecins
volontaires interviennent dès lors dans des missions d'urgence, pour
soigner des victimes de guerres, d'affrontements, de catastrophes naturelles,
de famines et d'épidémies aux quatre coins de la planète.
Quéinnec (2003) nous parle d'une rupture stratégique au
début des années 1980 oü l'association renouvelle sa
direction. En effet, suite à l'opération très
médiatisée <<Un bateau pour le Viêt Nam >> en
1979, une querelle a lieu entre les membres fondateurs, qui se conclut par le
départ de Bernard Kouchner qui était là depuis le Biafra
et qui fondera peu après Médecins du Monde. Dès lors, MSF
s'institutionnalise et tend désormais à stabiliser ses ressources
financières en plus de professionnaliser son action. Cette organisation
a d'ailleurs été récompensée pour son travail par
un Prix Nobel de la Paix en 1999, un prix qui a témoigné, aux
yeux du monde entier, de la reconnaissance de son combat et de son action sur
le terrain. D'ailleurs, MSF qui est qualifié de <<lauréat
irrespectueux >> (p. 649) par Vallayes (2004) se sert de cette tribune
pour témoigner et user de sa liberté de dénonciation pour
faire réagir les politiciens européens et le monde face à
la guerre et aux exactions qui font toujours trop de victimes.
4 . 1 .2 Une organisation
A tort ou à raison, MSF est identifié par
l'opinion publique à un engagement politique (les droits de l'homme),
à l'éthique (le témoignage), au droit d'ingérence
et à l'indépendance par rapport aux pouvoirs politiques (Brauman,
2006). Les principes de l'association sont énoncés dans une
charte qui vise à guider le travail de tous les membres. Ecrite par
Philippe Bernier, voici son contenu:
Les Médecins Sans Frontières apportent leur
secours aux populations en détresse, aux victimes de catastrophes
d'origine naturelle ou humaine, de situation de belligérance, sans a
ucune discrimination de race, religion, philosophique ou politique.
Îuvrant dans la neutralité et en toute impartialité, les
Médecins Sans Frontières revendiquent, au nom de l'éthique
médicale universelle et du droit à l'assistance humanitaire, la
liberté pleine et entière de l'exercice de leur fonction. Ils
s'engagent à respecter les principes déontologiques de leur
profession et à maintenir une totale indépendance à
l'égard de tout pouvoir, ainsi que de toute force politique,
économique ou religieuse. Volontaires, ils mesurent les risques et
périls des missions qu'ils accomplissent et ne réclameront pour
eux ou leurs ayants droit aucune compensation, autre que celle que
l'organisation sera en mesure de leur fournir. (Source :
www.msf.fr)
En outre, afin de parfaire notre esquisse de
présentation de cette organisation, ajoutons que Comte et
Quéinnec (2004) disent à propos de la constitution de MSF que :
Ç Médecins sans frontières fait en quelque sorte serment
d'allégeance à une culture du chaos, du bouleversement, de
l'impertinence et de l'autogestion dont la congruence avec son environnement
opérationnel - turbulent - est à releverÈ (p. 274). De
plus, elle se distingue par le fait qu'elle porte Çun projet aussi
insolent
qu ' ambitieuxÈ (p. 274; Comte et Quéinnec,
2004). Il est à noter que les objectifs principaux de cette
organisation, selon la manière dont elle se présente sur son site
internet, sont de ÇSauvegarder la vie, alléger les souffrances,
et restaurer les capacités de choix de populations dont
l' équilibre est mis en danger par des crises aiguësÈ
(Source :
www.msf.fr). MSF offre ainsi une aide
médicale d'urgence sous la forme de missions humanitaires sur le terrain
et est présente dans de nombreuses régions en difficulté
à ce jour. De plus, elle possède des sièges sociaux en
France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Suisse et en Espagne, ainsi que des
bureaux aux quatre coins du monde, cela afin de faciliter son action. Elle
offre son aide aux populations en danger dans environ 70 pays dans le monde.
MSF est une grosse machine associative de l'humanitaire
travaillant main dans la main entre les différents sièges et le
terrain. En effet, il est à noter que cette Ç
multinationaleÈ de l'humanitaire avait comme budget annuel pour
l'ensemble de ses branches en 2009, 665,4 millions d'euros et intervenait
approximativement dans une soixantaine de pays (Source: MSF Activity Report
2009). En outre, MSF, ce n'est pas seulement des médecins et des
infirmiers, méme si leur présence est indispensable, c'est aussi
et avant tout une logistique à toute épreuve, accompagnée
de tous les corps de métiers qui font fonctionner n'importe quelle
organisation mondiale aujourd'hui. Ainsi, pour réaliser sa mission, elle
possède un siège logistique à Bordeaux (France), avec cinq
branches plus ou moins autonomes dans le monde, à Amsterdam, Barcelone,
Bruxelles, Genève et Paris. Sur le terrain, les équipes sont
composées de dizaines, voire de centaines de personnes, avec un
responsable de terrain ou de mission qui organise et supervise l'ensemble des
activités et coordonne l'action avec le siège. Sur le terrain, le
dit responsable est le porte-parole de son organisation et c'est aussi lui qui
se charge de développer les
liens avec les autorités et populations locales. Sous
sa responsabilité, on retrouve un coordonateur médical, un
responsable technique logistique et un administrateur. On retrouve aussi des
traducteurs, des cuisiniers, des personnels de sécurité, des
opérateurs radio, etc. Nous allons, au cours de cette étude, nous
intéresser plus précisément à une région de
mission de MSF, en l'occurrence, le Nord-Kivu, situé en
République Démocratique du Congo (Afrique centrale).
4.1.3 MSF au Nord-Kivu (RDC)
(Source :
www.msf.fr)
Le Nord-Kivu est une province de la République
Démocratique du Congo dont la capitale se situe à Goma.
L'essentiel des opérations de MSF en République
démocratique du Congo (RDC) a pour cadre le Nord -Kivu. Cette province
située dans l'est du pays est toujours en proie à des
affrontements armés qui provoquent des déplacements incessants de
populations. Cette région est ainsi le théâtre de violences
oü plusieurs forces et milices se battent depuis des années. Cette
tragique mais humaine configuration créée bien évidemment
de nombreuses souffrances pour les populations civiles présentes sur le
territoire, amenant avec elle son lot de famines, malnutrition, viols,
blessures et décès.
à l'intervention MSF. Plusieurs sections de MSF sont
présentes en RDC, avec les sections francaise, belge, hollandaise et
espagnole. Nous allons présenter les programmes de la section francaise
qui prend en charge les programmes du Nord-Kivu. Ainsi, depuis 2004, MSF a
ouvert un programme d'intervention à l'hôpital de Laika (nom
fictif), oü elle prend en charge les patients en collaboration avec les
pouvoirs administratifs locaux. Notons que cette mission a été
fermée en 2007 en raison de l'amélioration de la situation au
niveau de la sécurité et au bon fonctionnement de la zone de
santé .
L'organisation MSF travaille aussi depuis aoüt 2005 dans
l'enceinte de l'hôpital de Mumba (nom fictif), afin de venir en aide aux
malades. Elle s'occupe à ce titre du service de chirurgie, de la
pédiatrie, de la médecine interne, des soins intensifs, des
urgences et, depuis 2007, d'une partie du service maternité
(césariennes et soins post-opératoires). MSF est aussi
présent dans plusieurs centres de santé pour répondre aux
problèmes de malnutrition, aux victimes de violenc es sexuelles, aux
épidémies et faire des campagnes de vaccination.
4.2 Méthodologie
Mondada (2006) a écrit:
D'une manière générale, les travaux
développés en AC [Analyse de conversation] et EM
[Ethnométhodologie] montrent que la parole-en- interaction est une
ressource centrale pour l'exercice de nombreuses tâches professionnelles
(résolution de problèmes, prise de décision,
négociation, élaboration collective de solutions, co-conception,
coordination des équipes,
offre de service, etc.). (p. 14)
Il semble donc aux vues de ces informations que notre
étude s'intègre et se justifie en se positionnant à la
suite des précédentes recherches qui ont suivi la
méthodologie d'analyse de conversation dans un contexte organisationnel.
Nous allons maintenant présenter la facon dont nous avons
collecté nos données, puis fait un choix parmi celles-ci, pour
enfin les traiter.
4.2.1. Collecte des données
D'ores et déjà, il est nécessaire de
stipuler que les données que nous avons utilisées pour notre
recherche sont de type secondaire. En effet, les données - des
enregistrements vidéo - ont été collectées par
Francois Cooren, en 2005, au cours d'un terrain d'une dizaine de jours en
République Démocratique du Congo, en pleine zone de conflits. Le
chercheur qui est aussi un des directeurs de recherche de cette présente
étude avait pour but de suivre le travail d'un chef de mission MSF sur
le terrain dans ses activités et déplacements, de devenir en
quelque sorte son ombre. L'analyse secondaire est le terme utilisé pour
désigner l'analyse de données produites par quelqu'un d'autre -
on peut aussi parler de recyclage (Thorne, 1992). Le fait que les
données que nous avons collectées soient de type secondaire pose
déjà une des limites de cette recherche. Cependant, étant
donné que le chercheur qui les a collectées est l'un de
directeurs de cette recherche, cela a facilité notre
compréhension et la recontextualisation de celles-ci, nous permettant
ainsi de limiter les éventuelles erreurs d'interprétation.
La méthode qui a été utilisée est
celle de l'observation directe. Notons que, comme nous le dit Peretz (2004), ce
qui est intéressant avec l'observation directe des personnes dans leurs
activités quotidiennes, c'est que cela permet au chercheur de
découvrir les categories quÕelles utilisent dans
les situations et face aux individus pour caractériser ceux-ci selon
leur propre perspective. Peretz (2004) dit aussi que lÕobservateur a
quatre t%oches à accomplir : (1) etre sur place parmi les personnes
observées et sÕadapter à ce milieu, (2) observer le
déroulement ordinaire des événements, (3) enregistrer ceux
-ci en prenant des notes ou par tout autre moyen, (4) interpreter ce
quÕil a observe et en rediger un compte-rendu.
La collecte des données a été
effectuée en suivant lÕapproche du shadowing, encore
appelé filature en francais (Bruni, 2005 ; Bruni et al. 2004 ; Cooren et
al., 2005 ; Kostera, 2007 ; McDonald, 2005 ; Wolcott, 1973). Le shadowing est
une pratique qui consiste à suivre quelquÕun en le filmant avec
une camera video, tout au long de sa journée de travail, dans le
quotidien de son action. Par consequent, elle donne une dimension visuelle et
orale de lÕinteraction, donnant ainsi un maximum de details de celle-ci.
On peut néanmoins, face à un tel outil, se poser la question de
lÕinfluence de la camera sur le naturel des personnes et situations
filmées. En effet, la camera sÕavére etre un acteur de la
recherche au même titre que le chercheur present sur le terrain.
Néanmoins, même si au début une attention lui est
généralement portée, trés rapidement, la
réalité du travail et du quotidien reprennent le dessus et ces
deux acteurs deviennent ainsi presque invisibles, la gene sÕestompant
progressivement.
La base de données fut ainsi mise
généreusement à notre disposition par Francois Cooren,
nous permettant ainsi dÕaccéder aussitTMt à des
données relativement brutes mais nous exemptant par la même
occasion de lÕexpérience de terrain. Mais, il est à noter
que pour le type de recherche et dÕanalyse que nous souhaitons faire,
les enregistrements video qui reproduisent des interactions quotidiennes de
lÕorganisation sont assez riches en informations. De plus, ce type de
données nÕest
pas facilement collectable, étant donné
quÕelle se trouve sur un terrain fortement instable et dangereux pour le
chercheur, tout comme le personnel de MSF sur place. Notons aussi, afin de nous
remettre dans le contexte de la collecte initiale, que pour le chercheur et
directeur de recherche, lÕobjectif de cette collecte était
dÕenregistrer le plus fidelement possib le la réalité du
quotidien dÕune mission humanitaire. Des son arrivée, le
chercheur a été accueilli par le chef de mission (Max, un
pseudonyme) que nous verrons plus tard dans les analyses et il lÕa suivi
tout au long de son périple. Cette filature a donc eu pour principal
focus le chef de mission dans ses activités et déplacements, mais
par la même occasion, elle a permis de faire la rencontre de
différents acteurs de MSF et de partenaires locaux. LÕensemble de
la mission filmée correspond à environ 42 heures
dÕenregistrements video dÕinteractions entre les membres de MSF
eux-mêmes, avec leurs partenaires, les acteurs de leur environnement,
aussi nous y trouvons des reunions formelles et dÕautres informelles,
ainsi que quelques entrevues.
4.2.2. Choix des sequences
NÕayant pas participé à la collecte de
données sur le terrain, il nous a paru important et dans le but de mieux
comprendre lÕensemble de la mission, de nous immerger dans les
données, cÕest-à-dire les videos. La première
étape a donc été de visionner
lÕintégralité des 42 heures dÕenregistrements video
afin de sÕimprégner du contexte. Regarder lÕensemble des
videos nous a permis de nous familiariser avec le langage particulier des
membres de MSF et de le comprendre. Puis, à lÕaide dÕun
carnet de route et armé dÕun stylo, nous nous sommes
attelée à noter les details du déroulement et les sujets
de conversations de chacune dÕentre elles. En même temps que nous
notions toutes ces informations, nous nous sommes évidemment
intéressée plus particulierement à la manière dont
MSF est exposé, raconté, présenté et
négocié
par ses acteurs dans leurs interactions. Ainsi, notre
attention s'est portée sur la facon dont était construite et
performée l'identité organisationnelle, mais aussi la facon dont
celle-ci était utilisée pour accomplir des choses, explicitement
et implicitement. Tout au long du visionnage, nous nous sommes focalisée
sur l'expression des marqueurs d'identité tels que: prénoms,
noms, on, nous, vous, MSF, principes,É afin de capter des moments de
manifestation de l'identité organisationnelle. Le but étant, en
particulier, d'identifier des extraits qui démontrent la
négociation et la construction de l'identité de MSF au sein des
interactions.
Avant d'effectuer l'analyse proprement dite, nous avons
dü opérer un choix à travers la quantité de
données qui se présentaient à nous. Pour cela, nous avons
eu recours à certains critères comme la longueur de
l'interaction, le nombre de participants et la diversité des situations
interactionnelles. En plus de ces critères de base, nous avons
cherché des séquences où la question de l'identité
organisationnelle semblait clairement présente dans l'interaction. Il
faut noter, de surcroit, que nous avons sélectionné des
séquences oü les acteurs utilisaient dans leurs conversations des
expressions comme MSF fait/ne fait pas, doit faire/ne doit pas faire ou encore
est/n'est pas.
En ce qui concerne la longueur des séquences choisies
pour l'analyse, nous avons préféré nous restreindre au
choix d'extraits d'interactions n'excédant pas une vingtaine de minutes,
cela afin de mieux nous concentrer sur les détails de celles-ci. Il est
à noter que les séquences choisies ne correspondent pas aux
débuts et fins de rencontres entre les acteurs présents dans les
interactions, mais à une sélection en leur sein pour
répondre à notre objet d'étude. Le choix s'est aussi fait
par rapport à la notion de co-construction dans les conversations.
Ë ce sujet, Traverso (2009) dit : Ç La conversation se
caractérise surtout par sa temporalité, liée au fait
qu'elle impose
à chacun lÕabandon de son temps individuel et
ordinaire, lÕentrée dans un temps commun È (p. 83). Ces
critéres sur la longueur des sequences nous ont obligee de proscrire de
notre analyse des interactions intéressantes dans leur globalité,
mais qui duraient environ une heure, donc qui étaient beaucoup trop
longues pour pouvoir espérer entrer dans leur detail.
Quant au nombre de participants, nous avons
privilégié les sequences qui sÕavéraient suivre
cette prémisse : Ç Le nombre des interlocuteurs est a priori
illimité, il doit cependant permettre de preserver une proximité
favorable aux échanges È (Traverso, 2009, p. 83). Ë ce
titre, les extraits choisis ne compte pas plus de trois personnes qui parlent
dans lÕinteraction, cela afin de nous permettre de considérer le
mieux possible le discours de chacun. Nous avons donc éliminé des
sequences qui étaient intéressantes pour notre analyse, comme des
reunions dites de « mise au point » entre des membres de MSF et des
reunions du Conseil dÕadministration de lÕhTMpital de Mumba
(ville fictive), car elles comprenaient de cinq à dix personnes qui
prenaient la parole. De plus, il faut savoir que lors de la collecte de
données, les participants des videos nÕont pas été
choisis par le chercheur, qui sÕest laissé guide par la
réalité des rencontres du quotidien du travail du chef de mission
MSF.
Un autre de nos critéres a été de
sÕefforcer dÕoffrir pour lÕanalyse une certaine
diversité des situations et natures interactionnelles, avec un
dénominateur commun qui est en lÕoccurrence Max, chef de mission
de la branche francaise de MSF. En effet, le but de ce critére
était de pouvoir accéder à un florilége, sans
aucunes prétentions dÕuniversalité, des situations
normales auxquelles peut être confronts un chef de mission MSF dans son
travail de tous les jours, afin dÕessayer de capter lÕessence de
son discours et dÕen observer les variations et/ou la constance. De
plus, nous nous sommes attelés à sélectionner des
sequences oil lÕidée de construction
et/ou de négociation de l'identité
organisationnelle était clairement présente dans l'interaction.
On revient donc ici au coté interprétatif de notre recherche.
Remarquons aussi que, comme le dit Traverso (2009), <<La finalité
de la conversation est interne et les participants y poursuivent un objectif
communÈ (p. 83). Ainsi, c'est aussi l'idée de performance des
acteurs qui nous a guidée avec un focus sur les conversations oü
les interactants semblaient aborder la question << Qu'est ce que c'est
MSF ? È de facon explicite ou implicite.
Ë l'aide de tous ces critères, nous avons
finalement abouti à une sélection de quatre extraits vidéo
que nous allons brièvement présenter. Pour la première
séquence, il s'agit d'une réunion d'information à
l'hôpital de Mumba qui se situe au début de l'intervention de MSF
dans cet hôpital oü Max, chef de mission MSF, prend la parole devant
le personnel de l'hôpital. Cette séquence nous présente
donc la voix de MSF ou son discours officiel, face à ses partenaires. La
deuxième séquence sélectionnée est une
réunion entre Max, accompagné de Carole et deux
représentants militaires de la MONUC, mission de la paix de l'ONU en
RDC. Cette séquence nous montre la voix de MSF ou son discours officiel,
face à des acteurs de son environnement. Le troisième extrait est
une rencontre entre Max et deux représentants du ministère de la
Santé du Nord-Kivu avec qui MSF travaille en collaboration pour
établir ses programmes. Cette séquence illustre les discussions
entre un chef de mission MSF et des collaborateurs gouvernementaux de terrain.
Ces trois premières séquences nous permettent d'observer et
d'analyser une vision donc plus <<externeÈ de l'identité
organisationnelle. Pour finir, la quatrième séquence nous
présente une interaction entre deux membres de MSF, Max (chef de
mission) et Eric (responsable terrain). Celle -ci nous permet de voir comment
est présentifier l'organisation sous un angle plus << interne
È.
4 .2 . 3 . Traitement des données
4.2.3.1 Transcription des enregistrements
Les données ont été transcrites selon les
règles et directives de l'analyse de conversation qui a pour objectif de
fixer sur le papier, donc à l'écrit, le maximum des
éléments oraux et visuels d'une conversation. Les données
vidéos ainsi sélectionnées ont donc été
transcrites sous la forme de verbatim avec le plus de détails possibles
afin de faire appara»tre les données contextuelles et physiques,
ainsi que la dimension non-verbale des interactions, car tous ces
éléments peuvent avoir une grande importance sur la signification
et la compréhension d'une interaction.
Afin de transcrire les conversations avec le plus de
fidélité possible à l'écrit, mais tout en
permettant une certaine lisibilité pour le lecteur, nous avons choisi de
respecter l'orthographe usuelle des mots tout en ajoutant des symboles
témoignant de son oralité (prononciation, intonation, silence,
pauses, interruptions, chevauchements) et des indications de son contexte. Nous
avons donc eu recours pour la transcription à une partie des symboles
présentés dans la convention de transcription de Traverso (2009)
dans son livre LÕanalyse des conversations qui se
réfère pour cela aux écrits de Gail Jefferson. Voici les
symboles que nous avons utilisés:
Tours de paroles
[ Interruption et chevauchement. Le crochet appara»t sur
chacune des deux lignes.
= Enchainement immédiat entre deux tours
Silences et pauses
(.) Pause (dans le tour d'un locuteur) inférieure à
1 seconde
(0.0) Pauses chronométrées (supérieures
à 1 seconde)
Rythmes
' Chute d'un son
: Allongement d'un son. Un allongement très important
est
marqué par plusieurs fois deux points.
- Mot interrompu brutalement par le locuteur
Réalité Indique une certaine insistance sur
le propos (mots soulignés)
Voix et intonations
#? Intonation fortement montante
1. Intonation fortement descendante
(FORT)...+ Les caractéristiques vocales sont notées
en petites capitales
entre parenthèses au début de l'extrait. Leur fin
est indiquée par le signe +
Actions et gestes
((il se tourne)) Les gestes et actions sont notés
entre parenthèses en italiques.
Graphie des unites non lexicales
(ASP) Note une aspiration
(SP) Note un soupir
(RIRE) Note un rire
4.2.3.2 Analyse des interactions
Une fois les séquences audiovisuelles choisies pour
notre recherche et transcrites selon les conventions de l'analyse de
conversation, nous avons décidé de faire une analyse transversale
de celles-ci à partir d'un a priori sur le fait qu'en parlant on
accomplit une performance. Nous avons suivi une démarche inductive pour
notre analyse qui consistait à réfléchir à partir
des données: Ç Partir des données, c'est adopter une
démarche construite sur un va-et-vient entre des observations et des
hypothèses élaborées en cours de route et
vérifiéesÈ (Traverso, 2009, p. 27). Nous avons donc
notamment cherché à voir comment s'opérait la
negociation de lÕidentite organisationnelle de MSF, en
nous attachant plus précisément à suivre Max qui est chef
de mission au Nord-Kivu.
Dans cette analyse, ce ne sont pas que les marqueurs
classiques de lÕidentité comme Ç nous È, « on
», « MSF » qui nous ont intéressés, mais aussi
tous les moments oil les acteurs sont en train de définir les
caractéristiques de lÕorganisation et surtout de maniere
itérable. En effet, comme le disent Taylor et Van Every (1993) dans le
deuxieme prémisse de leur chapitre Organization as talk and
text : Ç Conversation is the means by which people construct and
maintain social identities È (p. 113). Lors de lÕanalyse, ce sont
les séquences où la question même de
lÕidentité de MSF semblait etre en question qui nous ont plus
particulierement intéressée. En outre, nous avons
été tout particulierement guidée par le concept de
présentification pour analyser nos données et nous avons aussi
observe et rapporté ce que les acteurs étaient en train de faire
ou de chercher à faire à travers le langage dans leurs
interactions.
Afin de confirmer certaines de nos hypotheses
dÕanalyse, nous avons eu recours aux séances dÕanalyse de
données en groupe du LOG (Langage, Organisation & Gouvernance),
laboratoire de recherche de lÕUniversité de Montréal,
ainsi quÕà des rencontres regulieres avec nos directeurs de
recherche, Boris Brummans et Francois Cooren. En effet, lÕanalyse de
conversation est une méthode qui part des données, mais comme
toute les approches qualitatives, une dimension interpretative
caractérise sa démarche. Aussi, le fait de pouvoir partager les
résultats de nos analyses et de confronter les données aux
regards dÕautres chercheurs a permis dÕétablir un plus
grand consensus quant aux résultats des analyses et de nous ouvrir
à dÕautres regards qui rendent ainsi notre recherche sans doute
plus « objective ».
Les séquences sélectionnées
présentent trois extraits oü l'on retrouve des marqueurs de
l'identité de manière très explicite et un dernier extrait
oü ces marqueurs sont moins explicites mais tout aussi forts si la
séquence est replacée dans son contexte originel. Il est à
noter qu'en analyse de conversation, il y a une prise en compte importante du
contexte des interactions. Nous allons donc maintenant tâcher de suivre
les enseignements de Boden (1994) qui déclare, au sujet des travaux de
Harvey Sacks sur l'analyse de conversation: Ç The key, he felt, was to
be able to systematically observe actual détails of actual events, and
handle them formally with the precision of description and detachment of
observation of natural historyÈ (p. 64). Ainsi, au cours des analyses,
nous allons tenter de traduire ce qui s'y passe en terme d'action,
c'est-à-dire décrire ce que font les acteurs, comment ils se
positionnent, qu'est ce qu'ils invoquent et ventriloquisent. En outre, nous
avons pris le parti d'analyser chaque séquence dans son
entièreté, toujours en ayant en tête la
problématique de l'identité organisationnelle, mais en ayant
d'abord comme objectif de décrire et d'analyser ce qui est en train de
se passer en lien ou non avec l'identité, par honnêteté
intellectuelle avec l'interaction. Notre méthode sera donc, d'une
certaine manière, d'analyser le tout, mais, notez cependant que dans le
chapitre concernant les résultats des analyses et la discussion, nous
nous cantonnerons plus particulièrement à la problématique
identitaire et à la question de recherche.
Chapitre 5: ANALYSE DES DONNEES
Nous allons maintenant, dans ce chapitre, entrer au cÏur
de notre recherche en analysant les interactions de quatre séquences
vidéo choisies pour répondre à notre problématique
et la question qui nous intéresse ici, la construction de
l'identité organisationnelle de MSF.
5.1 Contexte général des séquences
sélectionnées
Les séquences audiovisuelles qui vont faire l'objet de
notre analyse sont des extraits d'interactions entre un ou des responsables de
Médecins Sans Frontières et des représentants
médicaux congolais. MSF est présent dans la région du
Nord-Kivu, oü elle mène des actions en partenariat avec des
structures médicales locales de plusieurs localités. De plus,
l'organisation collabore pour le bien de ses missions avec le Ministère
de la santé congolais en tentant de respecter sa structure de soins
(soins primaires et soins secondaires). Cette aide humanitaire sous forme de
partenariat s'exprime par l'envoi de personnels médicaux
(médecins, chirurgiens, infirmiers, etc.) et de personnels non
médicaux (logisticiens, Responsables RH, Responsables terrains, Chef de
mission, etc.) que MSF recrute dans ses différents sièges
à travers le monde. Il y a aussi un recrutement local pour permettre
l'aboutissement de ses missions locales sur le terrain de son action. En outre,
il est à noter que les noms des personnes présentes dans les
différentes séquences sélectionnées ont
été remplacés par des pseudonymes, ainsi que les lieux par
des villes fictives, cela, afin de respecter leur anonymat tout en n'entravant
en rien notre
recherche.
5.2 Analyse de la Sequence A : Reunion d'information
MSF à l'hôpital de Mumba
5.2.1. Description du contexte
Cette interaction a lieu dans lÕenceinte de
lÕhTMpital de Mumba et réunit lÕéquipe de la
mission MSF de Mumba, ainsi que le personnel de lÕhTMpital. Les membres
de lÕéquipe de MSF font face au personnel de lÕhTMpital.
Au centre, se trouve Max, chef de mission MSF ; à ses cotes le Docteur
Joseph, directeur de lÕhTMpital, suivi de Éric, responsable
terrain MSF. Pendant toute la sequence, les acteurs sont
régulièrement interrompus par le chant dÕun coq qui semble
etre proche de la salle oil a lieu la reunion. Cet élément sonore
peut possiblement déranger les interventions orales des acteurs et
perturber leurs propos, mais nous avons choisi de ne pas lÕinscrire dans
les transcriptions afin de ne pas distraire la lecture et lÕanalyse. De
plus, il est à noter que le public reste silencieux pendant toute la
durée de lÕintervention de Max.
5.2.2. Analyse de la sequence
Comme nous le verrons, cette interaction sÕapparente en
réalité à une sorte de monologue avec, dans le rTMle
principal, Max, qui se présente comme un porte-voix de son organisation,
en lÕoccurrence Médecins Sans Frontières. Nous verrons que
le discours de Max est prepare car il regarde de temps à autres ses
notes. Par ailleurs, même sÕil sÕagit dÕun
monologue, nous verrons que Max met en scène un jeu de
questions/réponses quÕil sÕadresse, en quelque sorte,
à lui-même. Par cela, nous
verrons qu'il anticipe d'éventuelles critiques qui
pourraient être présentes dans la tête de ses auditeurs,
pour ensuite y répondre. On peut donc penser que Max tente ainsi de
réagir à priori aux opinions et images préconçues
que ses interlocuteurs pourraient avoir de son organisation.
4 ((Le chant d'un coq fait irruption tout au long de cette
séquence coupant
5 en partie la parole à Max, accompagné de
temps en temps de pleurs
6 d'enfants))
7
8 Max Euh:: les gens de MSF se présenter (.) commencons
peut -être par Jean-
9 Pierre =
10
11 Jean-Pierre =Oh oui je réponds au nom de Jean-Pierre
Barjavel (.) je suis
12 administrateur assistant MSF (.)
13
14 Isabelle Moi c'est Isabelle (.) je suis l'administratrice
à Béni (.) donc pour le
15 Nord-Kivu
16
17 Gérard Euh Gérard (.) je suis responsable des
ressources humaines de euh sur la
18 RDC (ASP) et: euh:: j'suis suis passé par
Kinshasa
19
20 Jonathan J'suis LOG admin euh de Kiwandja
21
22 Eric Ben Eric (.) euh: responsable euh: terrain ici euh: pour
MSF euh: à Mumba
23 et voilà
24
25 (3.0)
26
27 Docteur Joseph Ok on a demandé seulement à
l'équipe de: MSF de présenter euh sinon::
28 nous avons l'équipe de l'hôpital aussi (( se
tourne vers Max qui hoche la tête
29 en signe d'accord)) ils sont nombreux euh nous sommes
actuellement au
30 nombre de: cinquante:::
31
32 X Quatre
33
34 Docteur Joseph Quatre personnes et il n'y a pas moyen qu'on
donne à chacun la parole
35 pour se présenter. Au nom de l'équipe donc c'est
((fait des gestes avec les
36 bras)) euh c'est toute la c'est tout l'hôpital
qui est présent ici ((il s'enfonce
37 au fond de sa chaise et croise ses bras))
Au début de l'interaction (ligne 8), Max demande aux
personnes de MSF de se présenter. Par cette intervention, il marque sa
supériorité hiérarchique envers ses collègues en
leur demandant de se qualifier. Ceux-ci répondent favorablement à
sa requête en prenant la parole les uns après les autres; ils
choisissent tous de se présenter comme des personnes avec des fonctions
dans certains lieux, par exemple: Ç Moi c'est ?Isabelle je suis
l'administratrice à ?Béni È (ligne 14). C'est une sorte de
tour de table classique oü chacun prend la parole l'un après
l'autre dans l'ordre oü sont assises les personnes. Le suivant à
prendre la parole, avant Max, est le Docteur Joseph qui ne se présente
pas, mais prend la parole au nom du personnel de l'hôpital
de façon très brève (lignes 35-37),
choisissant, par souci d'économie, de présenter l'hôpital
dans son ensemble en disant Çc'est toute la c'est tout l'hôpital
qui est présent iciÈ (ligne 35), ce qui marque évidemment
un contraste avec la manière dont les représentants de MSF se
sont individuellement présentés. On peut aussi remarquer que tous
les intervenants (acteurs de MSF et partenaire) utilisent l'acronyme MSF et non
pas le nom ÇMédecins Sans Frontières È, pour parler
de l'organisation humanitaire, ce qui peut se traduire comme exprimant une
certaine familiarité avec elle.
39 (3.0)
40
41 Max Donc comme je vous ai dit hein c'est une rencontre
d'information d'abord
42 j'souhaite un peu vous présenter MSFtd'abord qu'est ce
que c'est MSFt
43 euh: à commencer par le Congo donc j'vous ai
déjà dit que MSF ben on
44 travaille au Nord-Kivu depuis euh: depuis 2002 on est aussi
présent dans le
45 Katanga euh laj'ai pas les dates ca fait déjà
euh: ça fait déjà plusieurs
46 années euh ya eu aussi ya aussi une équipe de
coordination qui est basée à
47 Kinshasa avec un chef de mission avec Gérard entre
autres qui travaille sur
48 les ressources humaines entre autres pour toute la RDC ya
Carole que
49 vous avez vue qui est la coordinatrice médicale euh:
qui travaille aussi qui
50 est basée à Kinshasa donc ya une Coordinationt
à Kinshasa ya une
51 coordination au Katanga et au Katanga ya un projet en cours
à Roukourou
52 ya un projet à Kitengi ya un un projet euh: à:::
=
53
54 Eric =Moukoubou=
55
56 Max =Moukoubou euh:: et ici au Nord Kivu euh: donc on a des
projets à Béni
57 on a des projets à Laika et des projets euh à:
Mumba (.) donc ça c'est c'est
58 pour la partie euh::: la partie que (.) donc tMSF ça a
été démarré en 1971
59 euh:: par des médecins français (.) ensuite de
ça le mouvement s'est
60 internationalisé ya d'autres sections (.)
opérationnelles qui sont venues (.)
61 donc Ya 5 sections donc yaMSF France ya MSF Hollande yaMSF
62 Belgique yaMSF Espagne et ya MSF Suisse (.) ces 5 sections
euh: sont
63 présentes au Congo (.) hein MSF Suisse ils sont
à Bougna MSF Hollande
64 ils sont aussi à Goma mais ils travaillent un peu plus
vers le sud Kivu ya
65 MSF Belgique qui est vers l'équateur et euh:: province
orientale ya MSF
66 Espagne qui est aussi dans le Katenga MSF Belgique ils sont
aussi à:: Kin-
67 ((se tourne vers Gerard)) à Kinshasa donc ya
quand mémet tdonc parfois
68 les cinq sections sont dans un pays parfois ya seulement une
section et ya
69 aussi des sections partenaires ya 12 sections partenaires
euh::
70
71 (2.0)
72
73 Max Qui participent à recruter du personnel à
recruter des fonds Euh:: MSF
74 Canada MSF Etats-Unis MSF euh:: Australie Japon Suède
donc ya: ya une
75 douzaine de- de sections partenairest
Après un léger silence, Max prend la parole sans
se présenter à l'assemblée comme il l'avait demandé
à ses collègues, puis il qualifie la situation présente de
rencontre d'information (ligne 41). Cet acte de qualification est
intéressant dans la mesure oü il définit/identifie pour son
auditoire ce qu'il est sur le point de faire:
présenter son organisation, leur offrant ainsi une
manière d'interpréter la situation. En prenant la parole devant
cet auditoire, Max parle au nom de son organisation MSF au sens
général, mais aussi, nous allons le voir, de façon plus
locale: << j'souhaite un peu vous présenter MSFtd'abord qu'est ce
que c'est MSFt euh: à commencer par le Congo>> (lignes
42-43). Le discours de Max va donc, selon lui, répondre à la
question <<Qu'est-ce que c'est MSF ? >> Cependant, nous verrons
que, de façon implicite, Max répond aussi à deux autres
questions : << Qui sommes - nous ? >> et <<Que faisons-nous ?
>> (à titre d'acteurs de MSF). L'intervention de Max répond
donc à ces interrogations qu'il s'est adressées à
lui-même et il s'en charge dans cet ordre, en donnant des
éléments de l'être de son organisation du
début de l'interaction à la ligne 165, puis des
éléments du faire c'est-à-dire de l'action de MSF
à l'hôpital de Mumba des lignes 166 à la fin. Nous allons
donc voir comment Max, qui se présente donc comme porte -parole de MSF,
communique sur ce qu'est et ce que fait son organisation. Nous observerons
ainsi à quels éléments il fait appel pour construire
l'image de MSF qu'il présente à l'hôpital de Mumba.
Dans sa présentation de MSF, Max choisit de commencer
en parlant de la présence de MSF au Congo. En faisant cela, il situe son
organisation de façon locale, avec des éléments
géographiques et temporels: << à commencer par le Congo
donc j'vous ai déjà dit que MSF ben on travaille au Nord-Kivu
depuis euh: depuis 2002 on est aussi présent dans le ?Katanga euh la
j'ai pas les dates ça fait déjà euh: plusieurs
années euh ya eu aussi ya aussi une équipe de coordination qui
est basée à Kinshasa>> (lignes 43-47). Max poursuit son
exposé en invoquant des projets. Par cela, on comprend des missions MSF,
dans plusieurs villes de la région pour finir par celle de Mumba qui
concerne l'assemblée réunie: << ya un projet en cours
à Roukourou ya un projet à Kitengi ya un un projet euh:
à::: = [É] [Moukoubou euh::
et ici au Nord Kivu euh: donc on a des projets a Beni on a des
projets à Laika et des projets euh à: Mumba>> (lignes
51-57).
En amorçant son propos avec ces éléments,
Max peut produire donc des effets de légitimation/justification de
l'action et la présence de MSF dans l'hôpital, cette justification
étant verbalisée par l'énumération des nombreuses
présences de MSF dans la région. Ainsi, de cette manière,
tout se passe comme si Max était en train de dire implicitement à
l'assemblée que MSF a l'expérience nécessaire pour
conduire une mission dans cet hôpital. Le passé et la
répétition valide donc, en quelque sorte, la présente
mission. Après avoir développé l'action de MSF au Congo,
Max présente alors l'organisation MSF de façon plus globale. Pour
cela, il revient très brièvement sur la fondation de
l'organisation pour ensuite s'attacher à sa nature présente,
d'envergure internationale: Ç donc tMSF ça a été
démarré en 1971 euh:: par des médecins français (.)
ensuite de ça le mouvement s'est internationalisé ya d'autres
sections (.) opérationnelles qui sont venues>> (lignes 58-60). Il
fait donc une invocation très rapide et presque mythique de la fondation
de l'organisation, pour ensuite s'attacher à développer en
détail la réalité du présent de l'organisation,
c'est à dire une organisation avec une présence internationale
avec différentes sections, mais qu'il rattache aussitôt au local
(lignes 61 à 75).
En invoquant de la sorte toutes les sections de MSF monde, Max
donne donc de la force et de la légitimité à la
présence de MSF dans cet hôpital. En quelque sorte, en faisant
appel à toutes ces organisations qui incarnent MSF, en les
présentifiant donc, il donne une valeur ajoutée à l'action
locale de MSF, l'inscrivant dans une certaine lignée, une certaine
histoire et une notoriété mondiale. En termes de travail
identitaire, on peut donc dire que l'intervention de Max définit son
organisation non seulement en termes locaux, mais également en termes
globaux, ce
qui revient à dire que par le biais de cette intervention
locale dans cet hTMpital, c'est aussi toute l'organisation
internationale qui se met à agir et opérer.
79 Max Meme si MSF France est basée on dit MSF France
parce que le siege est
80 basé à Paris hein mais c'est pas euh: ga a l'air
ga n'a /aucun /lien avec la
81 France (.) dans ce sens où euh: Tout le monde peut
venir travailler pour
82 une des sections opérationnelles. Moi meme par exemple
j'suis Canadien
83 j'suis pas Francais, mais j'travaille avec euh: avec MSF
France euh c'est
84 important parce que euh: quand on va revenir sur les principes
de MSF
85 entre autres le principe d'indépendance, on est
#?d'aucune fagon #?lié au
86 gouvernement frangais belge hollandais ou etc c'est du fait
que les Qu- les
87 les sièges sociaux soient basés dans ces
capitales là hein (.) donc ya ga \
88 euh (.) ((il sÕeclaircie la voix))
89
90 (2.0)
91
92 Max Donc les grands principes (.) de base de Médecins
Sans
93 Frontieres=Médecins Sans Frontieres donc c'est une
organisation médicale
94 (.) d'urgence euh: on intervient principalement dans des::
zones de conflit
95 euh dans des endroits oix ya eu des catastrophes naturelles
((bouge ses mains
96 et penche sa tete )) euh pour venir en appui euh aux
populations dans des
97 situations précaires dans des situations de danger (.)
donc c'est::: (.) le
98 cas ((bouge ses mains en faisant une sorte de
reverence)) au Congo
99 ((regarde ses notes sur la table )) et puis euh
d'urgence parce qu'on n'est
100 pas là en principe pour du long terme on fait pas de
de de développement
101 (.) on est là pour des des appuis ponctuels
dans des moments euh:: plus
102 difficiles euh:: dans des contextes euh:: souvent oix euh de
/violence (.)
103 donc ga ga c'est aussi une différence par rapport
à d'autres organisations
Apres avoir dressé le tableau d'un Médecins Sans
Frontieres d'envergure internationale, Max se penche plus
précisément sur MSF France, qui est la branche de l'organisation
pour laquelle il travaille (lignes 79-83). On remarque toutefois qu'il
s'empresse de dissocier cette organisation du gouvernement francais, une
dissociation qu'il marque par l'illustration de son cas personnel : « par
exemple j'suis Canadien j'suis pas Francais mais j'travaille avec euh: avec MSF
France » (lignes 82-83). Conscient en effet que le nom « MSF France
» puisse donner à penser à ses auditeurs que cette
organisation travaillerait pour le gouvernement francais, Max s'empresse donc
d'opérer une désidentification, synonyme pour lui
d'indépendance, en regard, en particulier du passé colonial de la
France (et ce meme si la RDC était jusque dans les années 60 une
colonie belge et non pas francaise). En termes de travail identitaire, on peut
donc noter (et ceci se confirmera par la suite) que Max insiste autant sur ce
que MSF est ou fait que sur ce qu'elle n'est pas ou ne fait pas.
L'exposé de Max se poursuit en abordant les fondements
de MSF, ce qu'il appelle les Çgrands principes de base de
Médecins sans Frontières>> (ligne 92). On notera en effet
que jusqu'à présent, il n'a pratiquement que fait un travail de
mise en situation de l'organisation dans le paysage congolais. Il amorce, par
contre, dès la ligne 92 une énumération et une explication
des valeurs de MSF, autrement dit de sa raison d'être. Les deux premiers
points sont abordés des lignes 93 à 102. Max informe ou rappelle
à son auditoire que MSF est une organisation médicale d'urgence,
en s'attardant à définir le principe médical et celui
d'urgence. L'aspect médical est exprimé ici par un des termes du
nom propre de l'organisation Ç Médecins >>, donc de facon
très claire, ainsi que par l'emploi du terme Ç appui >> qui
renvoie ici au fait d'aider et comme nous parlons de médecine, en
l'occurrence de soigner. L'aspect d'urgence, est quant à lui, beaucoup
plus explicité: en effet, le terme même est employé deux
fois. Il est aussi défini par Max dans un cadre particulier. Ainsi,
l'urgence, selon MSF (tel qu'interprété par Max, bien entendu),
c'est le cadre d'une zone de conflit, c'est une catastrophe naturelle, c'est
une situation de danger, c'est un contexte de violence.
Pour parfaire sa définition, Max inclut l'action de MSF
au Congo et justifie donc sa présence, ainsi que la nature de
l'organisation en disant: Ç donc c'est::: (.) le cas ((bouge ses
mains en faisant une sorte de révérence)) auCongo>>
(lignes 97- 9 8) . Mais l'urgence, toujours selon ses propos, cela s'estime de
manière temporelle. En effet, Max parle de moments, d'appuis ponctuels
et que ce n'est donc pas pour du long terme. De plus, dans le discours, il
semble y avoir une opposition forte entre l'urgence et le développement,
l'urgence étant associée à du court terme et le
développement à du long terme. Les points sont donc
expliqués de manière assez claire à l'aide d'exemples et
de détails. Cependant, Max précise, à la ligne 100, que
tout ceci est vrai <<en principe È, ce qui induit
un doute dans son discours. Ainsi, après avoir fait l'apologie du
caractère d'urgence auquel serait associé l' organisation MSF,
Max semble dire implicitement que ce n'est pas toujours le cas dans la
réalité. L'opposition entre court terme et long terme est donc
alors quelque peu remise en question par ces quelques mots.
Puis Max dit à la ligne 103 : << donc ça
ça c'est aussi une différence par rapport à d'autres
organisations È, marquant ici une différenciation de son
organisation par rapport à d'autres organisations humanitaires.
L'organisation MSF est donc aussi définie par ce qu'elle n'est pas. Son
identité, sa raison d'être est donc présentée comme
unique, différente des autres, des autres que Max invoque donc pour
asseoir l'originalité de son organisation et donc son importance. On
notera d'ailleurs que l'autre est sans nom, il n'est pas identifié
nommément, mais porte certaines caractéristiques que l'on
retrouve tout au long du discours de Max. Plusieurs indices apparaissent ainsi
dans son propos pour marquer la différence de MSF, la distinguer,
montrer qu'elle n'est pas semblable à d'illustres <<autres
È. Ce principe s'apparente clairement à une démarche
identitaire, une démarche d'individuation, qui consiste à se
distinguer des autres et à affirmer sa personnalité propre
(Lipiansky, 1993). La question est de savoir pourquoi il est important pour
Max, lorsqu'il présente son organisation, de la différencier, de
verbaliser cette différence. Y a-t-il donc ici un aspect qui peut porter
à controverse au sein de l'organisation et qui s'exprime dans le
discours du porte-parole de MSF? Mais nous pouvons aussi tout simplement dire
que Max, en pointant l'autre du doigt, est en train de construire
l'identité de son organisation, à travers un jeu de miroir entre
soi et l'autre, oü l'organisation se construit au regard de son
environnement et de ce qu'elle ne serait pas.
107 Max Comment MSF fonctionne pour son fi::nancement
((bouge ses mains))
108 donc c'est une association MSFt euh: 85 à 90 % des
Fonds (.) de
109 Médecins Sans Frontières sont des fonds
privés (.) c'est à dire que c'est
1 1 0 moi qui donne ((fait des gestes vers lui)) de
l'argent, mon frere, ma mere
111 ((fait des gestes vers le public dans la salle ))
votre frere, votre cousin, votre
112 oncle qui a 1$ qui a 5$ qui a 10$ et qui fait une donation
à Medecins Sans
113 Frontieres Donc c'est cet argent c'est avec cet argent
là que Medecins
114 Sans Frontieres euh arrive à faire des programmes
d'urgence euh:: dans les
115 milieux dans des contextes de violence ou dans des les
contextes ou ya des
116 catastrophes naturelles (.) Donc ca c'est le 85 à 90 %
et le 10 15 % restant
117 ya un peu de fond institutionnel, les institutions que vous
connaissez
118 comme Echo, USAid euh:: ou d'autres (.) donc ca aussi
c'est::: ca me
119 semble quand meme assez important dans la mesure où
Medecins Sans
120 Frontieres est une organisation tindependante (.) donc
on n'est pas euh:: on
121 n'est pas sujet à:: aucunes /politiques nationales euh
on n'est pas lie à
122 aucuns gouvernements on n'est pas /lie à aucunes
forces militaires donc
123 quand on intervient par exemple comme ici au Congo MSF,
par souci
124 d'independance euh:: Ne va pas faire taucuns convois
avec aucuns
125 militaires qu'ils soient FARDC ou qu'ils soient MONUC hein
euh par souci
126 #?d'independance euh pour pas creer de
tconfusion dans la tete euh des
127 populations et on soigne #?tout le monde (.) donc on
va soigner euh:: tous
128 les belligerants hein au conflit (.) du moment que ya un
blesse militaire
129 ben il devient non combattant ((fait des gestes avec une
main )), qu'il soit
130 FDLR, May May, FARDC euh:: ou autre (.) MSF ne fait
taucunes
131 tdiscriminations à la prise en charge euh:: des
patients (.) donc ca aussi
132 c'est un autre des principes ((fait un geste de la main
de soi vers le public))
133 importants de Medecins Sans Frontieres on on soigne tout
le monde
134 sans aucunes discriminations ((compte avec ses
mains)) de religion de politique
135 euh:: d' ethnie de de et de groupe euh donc pas de
politique pas de religion
136 pas:: de de d'ethnie on est là pour soigner tout le
monde ca aussi c'est un
137 autre des principes euh::fondateurs de Medecins Sans
Frontieres
138
139 (5.0) ((Chant dÕun coq et silence dans la
salle))
Max explique ensuite le volet financement de l'organisation
MSF des lignes 107 à 118. Pour cela, on voit qu'il
materialise/concretise, en quelques sorte, le principe du don en parlant de
petites sommes d'argent et en faisant intervenir dans son exemple sa propre
identite, des membres de sa famille, ainsi que des membres de la famille de ses
interlocuteurs : « c'est moi qui donne ((fait des gestes vers
lui)) de l'argent, mon frere, ma mere (( fait des gestes vers le
public dans la salle)), votre frere, votre cousin, votre oncle qui a 1$,
qui a 5$, qui a 10$ et qui fait une donation à Medecins Sans Frontieres
j. » (lignes 109-113). Cet exemple permet non seulement de concretiser un
principe, mais aussi de donner un visage et une identite à la figure du
donateur. Dans un sens, cette image d'un donateur familier permet de
positionner implicitement MSF comme etant responsable face à cet argent,
car cet argent qui est utilise dans le cadre de la mission, ce n'est pas de
l'argent venu de collectifs sans visage (un gouvernement, des bailleurs de
fonds), il porte le visage de son donateur.
De plus, on notera que Max ne parle pas de grosses sommes
d'argent dans son exemple. Il situe le don d'un particulier entre 1 et 10 $, ce
n'est donc pas enorme si
l ' on considère les coüts qu'engendrent la
présence et l'action que peut avoir MSF au sein d'un hôpital. Les
coüts financiers de la mission de MSF représentent donc les
économies de plusieurs milliers de particuliers et en
conséquence, il faut éviter les gaspillages. Ainsi, tout se passe
comme si MSF, selon Max, ce n'était pas que le nom d'une organisation,
une organisation qui est connue ou méconnue de la part de ses
interlocuteurs, mais ce sont aussi des gens qui font des dons, des proches qui
donnent quelques dollars, pour rendre possible des interventions d'urgence. En
faisant appel à la figure de << Monsieur tout le monde>> et
en prenant l'exemple de petites sommes d'argent, Max cherche sans doute
à donner à MSF un visage humain dans la mesure oü MSF
travaille certes pour les populations en danger, mais aussi au nom de Monsieur
et Madame tout le monde qui s'avèrent être ses bailleurs de fonds.
De plus, il met aussi en évidence une certaine responsabilité
financière qui incombe aux acteurs de la mission prise en charge par
MSF.
Cet aspect financier de l'organisation appara»t comme un
tremplin pour aborder un sujet qui semble être important aux yeux de Max,
soit l'indépendance de MSF, car celui-ci l'annonçait
déjà, avant de présenter l'organisation: << c'est
important parce que euh: quand on va revenir sur les principes de MSF entre
autres le principe d'indépendance>> (lignes 83-85). Le financement
et l'indépendance de MSF apparaissent donc comme intimement lié:
<< ça me semble quand même assez
important dans la mesure oü Médecins Sans
Frontières est une organisation tindépendante>>
(lignes 118-120). Dans un premier temps, il traduit donc l'indépendance
de l'organisation d'un point de vue monétaire: être
indépendant signifie pour lui que la trésorerie de l'association
soit constituée de dons de nature privée et non,
institutionnelle. Max continue cependant sa définition de
l'indépendance en apportant de nouveaux éléments: <<
donc on n'est pas euh:: on
n ' est pas sujet à:: aucunes politiques nationales euh
on n'est pas lié à aucuns
gouvernements on n'est pas lié à aucunes forces
militairesÈ (lignes 120-122). On notera ici que la traduction est ici
faite ici par la négation: être indépendant selon MSF
(selon Max, bien entendu), c'est ne pas être assujetti à des
politiques nationales, ne pas être lié à un gouvernement et
ne pas être lié à une force militaire.
On constate donc que le travail de définition est
encore une fois réalisé par Max par le biais d'une
différenciation. Il y a donc un fort travail de dissociation de sa part
et par sa voix, de son organisation, pour faire en sorte que MSF apparaisse,
une nouvelle fois, comme unique. Ce concept d'indépendance qui se
présente comme un principe important de MSF, est donc traduit
concrètement par Max, porte-parole de l'organisation, qui livre ici sa
version ou traduction de l'indépendance. Ajoutons que pour
matérialiser ce concept fort d'indépendance et traduire donc, en
quelque sorte, l'être par le faire, Max donne des exemples concrets des
lignes 122 à 130: Ç donc quand on intervient par exemple comme
ici au Congo MSF par souci d'indépendance euh:: ne va pas faire
taucuns convois avec aucuns militaires qu'ils soient FARDC ou qu'ils soient
MONUC hein euh par souci td'indépendance euh pour pas
créer de tconfusion dans la tête euh des populations et on
soigne ttout le monde (.) donc on va soigner euh:: tous les
belligérants hein au conflit (.) du moment que ya un blessé
militaire ben il devient non combattant ((fait des gestes
avec une main)) qu'il soit FDLR, May May, FARDC euh:: ouautre
È.
Notons que Max emploie deux fois le mot Ç souci
È, un terme qui traduit un intérêt fort, une
préoccupation importante, ce qui confirme donc un besoin sérieux
qu'aurait MSF de revendiquer son indépendance. De ce fait, MSF est
implicitement présenté comme animé par le souci de son
indépendance, souci qui enjoint cette organisation à ne pas faire
certaines choses, comme être convoyé par des militaires.
Cela veut donc dire concrètement que MSF refuse une
protection de ses déplacements par des militaires. MSF est donc
présentée comme habitée par un souci d'indépendance
qui se traduit en des actions concrètes. Si l'on étend cette
idée et en considérant que l'action de MSF se concentre en grande
partie dans des contextes de violence, la sécurité de MSF n'est
donc pas assurée à proprement dit par les armes, mais semble t-il
par la parole. On pourrait, en effet, avancer que Max est donc aussi en train
d'assurer la sécurité de son organisation et surtout de son
personnel, en donnant ce type d'informations dans son discours, d'oü
l'insistance dans ces propos sur ce sujet. Ce fort souci d'indépendance
peut donc s'assimiler à un outil de protection de l'action de MSF et non
comme une simple idée évoquée dans un discours. Il agit en
tant que tel comme bouclier pour anticiper d'éventuelles
présomptions qui pourraient mettre en danger les acteurs de MSF et la
légitimité de leur action. Nous avons vu avec quelle force Max
fait en sorte d'attacher le principe d'indépendance à
Médecins Sans Frontières. Cependant, dans un sens, ce fort souci
d'indépendance le rend en quelque sorte dépendant de ce souci
là précisément. En effet, il est déjà et
avant tout dépendant de l'image qu'il renvoie à son
environnement, comme aux populations et aux gouvernements notamment, une image
qui peut le précéder et qu'il est obligé de
négocier dans ses interactions pour essayer de la faconner en
adéquation avec la réalité qu'il veut projeter. Il est
donc dépendant de son discours officiel; sous entendu, MSF est
dépendant de son discours.
Ce souci d'indépendance qui anime MSF, selon Max,
semble aussi s'apparenter à un souci de clarté car il dit qu'il
n'est pas question de créer de la confusion dans la tête des gens.
Le message doit être compris, il doit être clair et consiste
à dire: Ç on soigne ttout le mondeÈ (lignes
126-127). Parler de confusion
renvoie à l'idée de prendre une chose pour une
autre. Il s'agit donc, via le discours de Max, de présenter un tableau
unique, de marquer la différence de son organisation, pour qu'elle ne
soit pas confondue avec une autre qui prendrait partie dans un conflit. MSF,
à travers Max, se montre donc soucieuse de l'image que la population a
de ses activités et de ce qu'elle est. En disant que MSF soigne tout le
monde, Max présente un nouveau principe dans la discussion qu'il
verbalise concrètement des lignes 130 à 131 : << MSF ne
fait taucunes tdiscriminations à la prise en charge euh:: des patients
(.) donc ça aussi c'est un autre des principes >>. Il s'agit donc
du principe de non-discrimination, principe qui est traduit, de nouveau
concrètement par des exemples locaux quand il dit: << qu'il soit
FDLR May May FARDC euh:: ou
autre >> (lignes 129-130), évoquant les
différentes milices ou armées qui s'affrontent dans la
région.
De plus, MSF, par l'intermédiaire de Max, se charge de
définir clairement ce qu'est la discrimination à l'aide d'un
exemple: << on va soigner euh:: tous les belligérants hein au
conflit (.) du moment que ya un blessémilitaire ben il devient non
combattant>> (lignes 127-129). MSF, en disant cela, se donne donc
implicitement le droit de déclarer qu'un combattant, lorsqu'il est
blessé, n'est plus considéré comme tel et obtient, du
méme coup, le statut de patient. MSF, en définissant la situation
ainsi, fait donc un travail de classification, le public étant là
juste pour prendre acte de cette réalité et recevoir/faire sien
ce message. Des signes non verbaux sont aussi là pour confirmer cette
action: << ((fait un geste de la main de soi vers le
public))>> (ligne 132). Mais le public est aussi là pour
comprendre et appliquer les principes de MSF. En effet, Max se charge aussi de
définir ce que sont les discriminations dont ils parlent aux lignes 130
et 133. Les discriminations sont nommées deux fois à la suite par
Max (lignes 134 à 135): elles concernent les
religions, la politique, les ethnies et les groupes, qui sont,
en effet, au vu de la situation particuliére du Congo, souvent sources
de conflits, voire de massacres. LÕeffet de repetition est donc surement
employé pour marquer lÕimportance de son propos et permettre
à ce dernier d'être bien saisi par ses interlocuteurs.
Max finit son tour de parole en disant : Ç on est
là pour soigner tout le monde ca aussi cÕest un autre des
principes euh:: fondateurs de Médecins Sans Frontiéres È
(lignes 135-137), il ne parle pas ainsi juste de simples principes, mais de
principes fondateurs. Le fait de parler de principes fondateurs renvoie aux
origines de lÕorganisation, cÕest à dire ce qui est de
lÕordre du non négociable, quÕon ne peut pas remettre en
question et quÕil faut appliquer. Max est donc en train de faire
implicitement une injonction à lÕassemblée, afin que tous
appliquent sans discuter ces principes.
141 Max Que dire dÕautre ? (.) sur Médecins Sans
Frontières
142
143 (6.0)
144
145 Max ((Max se tourne vers la droite oh se trouve les
collaborateurs de MSF et
146 sÕadresse à eux)) Des choses à
ajouter ? (.)
147
148 Max tDes questions par rapport à ga ? ((Max se
tourne vers le public de la salle ))
149
150 (12.0)
151
152 Max Pas de questions (.)
153
154 Docteur Joseph Ou bien on nÕa pas de soucis, ga arrive
aussi ((rire et décroise ses bras))=
155
156 ((Max et quelques personnes rigolent dans la
salle))
157
158 Max =Si ya des choses si ya des choses qui sont pas claires
((Docteur Joseph
159 recroise ses bras en souriant)) faut pas se
gêner ((le visage de Docteur
160 Joseph se ferme)) hein euh
161
162 (5.0)
Des la ligne 141, Max semble avoir fini son exposé ou
du moins la partie de son exposé quÕil avait consacrée
à la question : Ç quÕest ce que cÕest MSF
È (ligne 42). Il a donc, semble-t-il, fait le tour de la question et
para»t ne plus savoir quoi dire dÕautre sur ce point ; un silence
suit cette interrogation. Il se tourne alors vers ses collaborateurs, comme
à la recherche dÕun soutien ou dÕune precision par
rapport à ce qu'il vient de dire (lignes 145-146). Il
leur propose ainsi de participer à la présentation de
l'organisation, du moins si celui-ci n'a pas déjà tout dit sur
MSF. On retrouve ici la figure associative de MSF, l'idée que chacun est
un membre de valeur de l'organisation, peu importe sa place dans celle-ci, que
chacun a la parole et peut donner son avis. Puis il cherche à faire
participer l'auditoire (ligne 148), répondant peut-être ainsi
à un souci de clarté, le but étant que son discours soit
compris pour que l'application des principes de MSF soit effective par les
partenaires de MSF. Il laisse le temps (ligne 150) à ses interlocuteurs
de lui poser des questions, mais ceux-ci restant muets, Max réagit en
notant à la ligne 152 que personne ne semble vouloir poser de questions.
La classique paire question/réponse n'est donc pas visible et
respecté dans l'interaction.
Le Docteur Joseph intervient alors en associant la demande de
questions d'un coté, à l'annonce d'un problème de l'autre.
Il prend la parole pour ses employés et se repositionne comme directeur
de l'hôpital: Ç Ou bien on n'a pas de soucis, ça arrive
aussi ((rire et décroise ses bras))=È (ligne 154). Son
intervention et surtout son rire semblent être là pour
détendre l'atmosphère et démontrer une certaine
solidarité vis-à-vis de Max. Le non verbal nous donne aussi des
indications sur l'état d'esprit d'une personne dans le cadre de
l'interaction, mais il est difficile d'interpréter le fait que le
Docteur Joseph soit très souvent les bras croisés.
Jusqu'à présent, nous avons vu que Max, à
travers son discours, a présenté ce qu'est l'organisation MSF
à un auditoire composé du personnel de l'hôpital de Mumba.
Pour cela, il a invoqué des principes et les a donc
présentés. Nous avons également vu comment il a aussi
inséré l'action de MSF dans un cadre international tout en
donnant des exemples locaux, donc intelligibles pour le public qui
l'écoute. En somme, Max a dressé un tableau illustré d'une
certaine vision de Médecins Sans
Frontières. Il a donc posé les pierres qui lui
permettent dès lors de parler de la mission qui se déroule
à l'hôpital de Mumba et qui intéresse tout
particulièrement son auditoire.
162 (5.0)
163
164 Max si ya des questions qui vous reviennent plus tard (.) il
sera toujours temps
165 (.) ((DocteurJoseph fait un signe d'accord en hochant la
tête)) par rapport
166 à ça donc maintenantj'voulais un peu::: revenir
un peu::: aussi sur
167 l'entente euh:: que nous avons prise ici (.) avec les
autorité sanitaires
168 avec le bureau central avec euh l'hôpital avec le
comité de gestion euh de
169 l'hôpital donc on a signé un protocole d'ent euh
d'accordt qui a
170 commencé le 7 ((se tourne vers Eric et Docteur
Joseph)) Octobre
171 ((Docteur Joseph hoche de la tête pour montrer son
accord)) (.) j'vais
172 revenir un peu sur l'esprit/ de cet accord làde cette
entente là qu'est ce que
173 ça veut direcomment on va faire comment on va mettre
en place quels
174 moyens on vase donner pour faire ça (.) donc comme je
vous ai dit on a
175 prit un p'tit peu on a prit on supporte l'hôpital
à Laika aussi donc c'qu'on
176 c'qu'on souhaite faire donc le système de
santé congolais euh::: le
177 principe c'est que d'abord les gens doivent aller consulter
dans un soit
178 dans un poste de santé soit dans un centre de
santé euh c'est la première
179 ligne (.) si ça:: si ya besoin de soins
supplémentaires àce moment là on
180 doit référer soit vers le centre de
santé de référence soit vers l'hôpital euh
181 de référence ((Docteur Joseph tousse))
donc l'idée pour MSF ce n'est pas
182 de tca::sser ((fait des gestes de guillemets avec
ses doigts)) le système on
183 est pas là euh::: pour défaire tout mais pour
venir en appui euh les
184 populations ici subissent des violences depuis maintenant
plusieurs années
185 du fait de ces violences là déplacements de
population paupérisation de la
186 population qui a difficilement accès euh aux soins
plus particulièrement
187 aux soins secondaires oü on peut sauver beaucoup de
vies euh:: avec les
188 soins secondaires donc l'idée c'est de faire un appui
essentiellement sur
189 les soins secondaires pour que les soins primaires puissent
continuer à
190 fonctionner dans le système de recouvrement des couts
que les gens
191 puissent continuer à avoir confiance de ce
système là tout en sachant que
192 si ya un gros pépin ben que les centres de
santé vont référer les patients
193 vers l'hôpital et qu'à l'hôpital ils
pourront être pris en charge gratuitement
194 (.) euh donc ça aussi c'est une une politique de
Médecins Sans Frontières
195 quand Médecins Sans Frontières fait un appui
euh::: soit à un hôpital ou
196 dans d'autres circonstances dans un camp de
déplacés ou etc tMédecins
197 Sans Frontières fait toujours des soins
tgratuits (.) euh on n'est pas un
198 tbailleur de fond #?Médecins Sans
Frontières ne va pas tDonner ((fait des
199 gestes avec ses mains notamment vers Docteur
Joseph)) de l'argent à un
200 centre de santé ou à unhôpital etc etc
Médecins Sans Frontières est une
201 organisation indépendante on fait euh Médecins
Sans Frontières fait tout
202 par lui tmême c'est à dire qu'il va pas
donner d'argent ou des médicaments
203 sans être tPrésent (.) euh:: toujours en
travaillant en collaboration
204 évidemment avec les gens qui sont déjà
dans ces dans ces structures là hein
Des lignes 164 à 166, Max exemplifie implicitement une
qualité d'écoute de MSF à l'encontre de ses partenaires
locaux, puis il annonce le sujet de la prochaine question qu'il va aborder dans
son discours: Ç donc maintenant j'voulais un peu::: revenir un peu:::
aussi surl'entente euh:: que nous avons prise ici (.) avec les autorité
sanitaires avec le bureau central avec euh l'hôpital/ avec le
comité de gestion euh de l'hôpital/ donc on a signé un
protocole d'ent euh d'accordt qui a commencé le 7 ((se tourne vers
Eric et Docteur Joseph)) OctobreÈ (lignes 166-170). Ainsi,
Max invoque une entente, un protocole d'accord, c'est à
dire un contrat signé et daté. Les acteurs qui prennent part
à ce contrat sont de poids, il s'agit de MSF, donc une grosse machine
associative représentée par Max et des acteurs de la RDC, avec
les autorités sanitaires, le bureau central et l'hôpital de Mumba
représenté par son comité de gestion. L'auditoire de la
réunion est donc là pour prendre acte de cette information,
information de taille car elle les dépasse, tout en les y
insérant car ce sont des acteurs d'un des partenaires invoqués
dans ce protocole. Max fait donc un travail de positionnement de l'action de
MSF dans une structure légale et approuvé par des
autorités. Après avoir vu que l'identité de MSF
était composée d'idéaux, il semble que celle-ci soit aussi
très opérationnelle et construite de façon très
pratique dans l'action par ses acteurs et ses partenaires. L'entente est donc
quelque chose sur laquelle les différentes parties se sont mises
d'accord, impliquant donc une co - construction de l'identité de MSF
dans le cadre d'une action locale. L'identité de MSF appara»t comme
quelque chose qui est conclue et indiquée dans l'entente dans la mesure
oü il y a un accord sur ce que fait et ce qu'est son intervention.
Après avoir informé son auditoire de la
présence d'un nouvel acteur dans l'environnement de l'hôpital,
Max, poursuit en procédant avec un mode plus explicatifoü il met en
scène cet acteur, c'est à dire l'entente. En effet, des lignes
171 à 172, il dit qu'il souhaite revenir sur l'esprit de l'entente et du
protocole. Il va donc le faire parler et d'une certaine manière, on peut
penser ici à un effet de ventriloquie. Max se donne donc comme objectif
de répondre à ces questions: Ç qu'est ce que ça
veut direcomment on va faire comment on va mettre en place quels moyens on va
se donner pour faire çaÈ (lignes 172-174). Les réponses
à ses questions vont donc servir à présenter l'esprit du
protocole d'accord, c'est-à-dire les intentions qui sont traduites par
ce texte. Max va donc donner les clefs de la mise en Ïuvre de l'action
humanitaire à son auditoire et pour cela, il invoque
dans un premier temps deux autres acteurs, qui sont l'hôpital de Laika
(ligne 175) et le système de santé congolais (lignes 176-181).
L'hôpital de Laika a déjà
été invoqué dans le discours de Max comme exemple de
l'intervention de MSF dans une structure locale équivalente à
l'hôpital de Mumba. Cet acteur est donc mis en scène afin de
démontrer à l'auditoire l'expérience et le savoir-faire de
MSF dans des partenariats locaux équivalents à celui qui fait
l'enjeu de la discussion de cette réunion d'information. Max ne rentre
pas dans les détails de l'intervention de MSF à l'hôpital
de Laika. Il semble que sa simple invocation suffise à donner le poids
qu'il souhaite à son discours. Cependant, il est à noter que
lorsqu'il invoque cette structure, Max commet un lapsus, qui est quand
même à souligner : Çon a pris un p'tit peu on a pris on
supporte l'hôpital à LaikaÈ (lignes 174-175). En effet, Max
semble hésiter pour décrire l'intervention de MSF dans cet
hôpital entre les verbes prendre et supporter. Ces deux verbes
n'induisent pas les mêmes conséquences pratiques, ce qui laisse
à penser que ce lapsus nous montre peut-être une différence
entre la réalité et le discours dans le cadre des partenariats et
ententes que MSF établit avec ses partenaires.
Aussi, de facon implicite, il semble que ce lapsus nous
présente l'image d'une organisation qui, dans la réalité
de l'action et non sur le papier, a une certaine main mise ou un certain
contrôle sur ses partenaires. Ensuite, Max poursuit en s'attachant
à décrire le second acteur qu'il mobilise dans son exposé,
c'est à dire le système de santé congolais. Il invoque ce
système en parlant de principe, ce qui signifie que normalement, c'est
quelque chose que les gens se doivent de respecter, la responsabilité
n'étant pas donc pas du coté de MSF, mais du coté des
Congolais eux- mêmes. De plus, en invoquant de la sorte le système
de santé congolais, MSF (selon
Max, bien entendu) reconna»t donc un système
établi dans le cadre oü il opère et par rapport auquel il
s'intègre. MSF se positionne donc, à travers Max, comme une
organisation consciente de son environnement et qui agit en partenariat avec
celui-ci. Cette idée est clairement verbalisée par Max des lignes
181 à 183 : Ç donc l'idée pour MSF ce n'est pas de
tca::sser ((fait des gestes de guillemets avec ses doigts)) le
système on est pas là euh::: pour défaire tout mais
pour venir en appuiÈ. En terme d'identité organisationnelle, on
peut traduire le fait de ne pas vouloir casser le système comme la
présentation d'une organisation respectueuse de l'ordre établi.
MSF est donc identifiée comme n'étant pas destructrice de son
environnement. On voit ici que Max tente de déconstruire une idée
qui pourrait être préconcue par ses interlocuteurs.
De plus, Max ajoute que le but de MSF, dans ce cadre, c'est de
venir en appui, donc de supporter une action et d'aider à sa mise en
place. En conséquence, c'est une image altruiste et
généreuse de MSF qui est véhiculée lorsque Max
parle d'appui. Cependant, si Max trouve le besoin d'aborder ce point, on peut
se dire que ce n'est pas anodin et qu'il doit y avoir des raisons. Une des
raisons probables est sürement de répondre, à travers son
intervention, à d'éventuelles critiques qui peuvent être
faites à l'encontre de Médecins Sans Frontières, comme par
exemple le fait de se comporter en territoire conquis en ne prenant pas compte
du système de santé en place. Aussi, il semble que Max
réagisse en prévision de critiques à travers un discours
de justification oü il fait intervenir les figures de l'écoute et
de la compréhension. Cette réaction montre que le discours de Max
est assez rodé et que MSF a l'habitude des critiques et qu'elle met en
scène un contre discours qui est donc préparé. En
conséquence, cela nous permet de dire que les critiques poussent
à la réaffirmation d'une certaine identité. Ainsi, en plus
d'être chef de mission chez
MSF , Max est aussi un garant de son image. Ë travers la
parole, il tente ainsi de gommer les tâches éventuelles qui
pourraient venir ternir l'image de son organisation. En effet, le discours de
MSF, par l'intermédiaire de ses porte-parole, s'efforce implicitement et
explicitement dans les interactions, d'écarter la critique qui lui est
faite par ses partenaires locaux de casser ou du moins de perturber le
système de santé local. Il s'avère cependant que les
interventions de MSF ont un impact sur le système et que d'une certaine
manière on peut dire que MSF casse quand méme, ne serait-ce qu'un
peu, le système comme cela a été abordé dans
l'article << A humanitarian organization in action : organizational
discourse as an immutable mobile >>, écrit par Cooren, Matte,
Taylor & Vasquez (2007).
Puis, Max reprend son travail de justification, en s'attelant
à légitimer la présence de MSF au Congo, pays oü de
nombreuses violences sévissent, violences qui ont des
conséquences humaines dramatiques qui correspondent aux domaines
d'intervention de l'organisation (lignes 183-187). Cet historique et cette
réalité viennent donc appuyer et légitimer la
présence de MSF, car elle répond aux principes et à la
nature méme du rTMle de Médecins Sans Frontières qui est
avant tout de sauver des vies, comme cela est verbalisé par Max:
<< on peut sauver beaucoup devies>> (ligne 187). MSF
répond donc à une demande, demande qui est faite, en quelque
sorte, par la réalité de la situation. La population est en
danger et a besoin d'aide, besoin de soins: << doncl'idée c'est de
faire un appui essentiellement sur les soins secondaires>> (ligne
188-189). Il est à noter que le système de santé congolais
est compartimenté en deux niveaux de soins de la population, les soins
primaires et les soins secondaires. Les soins primaires se concentrent sur les
soins médicaux de base, tandis que les soins secondaires
nécessitent des soins chirurgicaux et une surveillance médicale
accrue. Max répète trois fois que dans le cadre de cette
mission, MSF ne va s'impliquer que dans les soins secondaires
et pas dans les soins primaires (lignes 187-189). Cette insistance semble
démontrer le fait qu'il souhaite bien se faire comprendre de son
auditoire et faire passer son message.
Puis, Max poursuit en invoquant le système de
recouvrement du coüt de soins et en souhaitant que les centres de
santé, qui font partie des soins primaires, travaillent main dans la
main avec l'hôpital, qui couvre plutôt les soins secondaires
(lignes 188-193). Max précise aussi qu'il faut que la population
continue à avoir confiance en ce système, la question se posant
alors de comprendre pourquoi il parle ici d'un éventuel problème
de confiance de la population et le lien qu'il fait implicitement avec la
présence de MSF à l'hôpital de Mumba. L'explication
possible à cette question se trouve, vraisemblablement, lorsque Max
évoque la gratuité des soins qui vont être donnés
à l'hôpital: Ç à l'hôpital ils pourront
être pris en charge gratuitement È (ligne 193). Cette
gratuité des soins est présentée comme une politique
affiliée à l'intervention de Médecins Sans
Frontières (lignes 194-197), cela fait partie de son identité, de
ses habitudes. Il appara»t alors que MSF est aussi
représentée par ses politiques et notamment sa politique
concernant la gratuité des soins dans ses interventions. D'un point de
vue identitaire, la gratuité des soins procurés par MSF à
la population démontre son désintérêt dans une
optique de don de soi. L'organisation est ainsi ici dans une logique de type
missionnaire.
On notera donc que, depuis le début de son
intervention, Max dresse petit à petit un tableau de son organisation.
Il a ainsi évoqué des principes dans la première partie de
celle-ci et il continue ce cheminement même lorsqu'il parle du cadre
opérationnel de l'action de MSF à l'hôpital de Mumba.
Aussi, on peut dire que Max réalise un travail de positionnement par des
effets de ventriloquie, afin de présenter son organisation comme une
entité très structurée (principes, politiques,
habitudes,
protocoles) qui s'impose inévitablement dans son
discours. En conséquence, on peut concevoir que MSF peut ainsi produire,
par son représentant, Max, un effet massif qui peut intimider
ou désarmer son interlocuteur et le forcer à s'adapter. Il n'y a
donc pas d'égalité effective entre MSF et ses partenaires,
même si celle-ci est spécifiée par la signature d'ententes
qui amènent des partenariats. On comprend donc comment il semble
difficile pour l'auditoire de questionner ou de critiquer MSF, alors que leur
implication est indispensable au fonctionnement de MSF. S'il y a
co-construction de l'identité de MSF, on voit donc qu'une telle
co-construction se fait essentiellement par l'affirmation d'une identité
d'un coté (celle de MSF par Max) et la reconnaissance, la traduction ou
le rejet possible de cette même identité par ses interlocuteurs,
lesquels, ne prennent jamais la parole. Autrement dit, on ne voit, à
aucun moment, de négociation de l'identité de MSF à
travers la parole.
Des lignes 197 à 204, Max présentifie clairement
son organisation: << on n'est pas un tbailleur de fond
tMédecins Sans Frontières ne va pas tdonner ((fait des gestes
avec ses mains notamment vers le Docteur Joseph)) de l'argent à un
centre de santé ou à un hôpital etc. etc. Médecins
Sans Frontières est une organisation indépendante. On fait euh
Médecins Sans Frontières fait tout par lui tmême
c'est à dire qu'il va pas donner d'argent ou des médicaments sans
être tprésent (.) euh:: toujours en travaillant en
collaboration évidemment avec les gens qui sont déjà dans
ces dans ces structures là hein È. Dans sa présentation,
Max réaffirme ainsi de nouveau le principe d'indépendance de MSF,
un principe qui est invoqué pour justifier le fait que MSF ne donne pas
de l'argent ou du matériel à une structure médicale sans
être présent physiquement. Dans cette intervention, MSF (selon
Max, bien entendu) est défini comme n'étant pas un bailleur de
fond, mais comme étant une organisation autonome et capable d'agir seule
<<Médecins Sans Frontières fait
tout par lui ?même » (lignes 210-202). De
plus, Max définit aussi MSF comme une organisation qui, en contrepartie
de sa contribution financière et de médicaments, exige sa
présence physique dans l'action en le notifiant : « qu'il va pas
donner d'argent ou des médicaments sans être
#?présent » (ligne 202-203). Enfin, MSF (selon Max, bien
entendu) est défini comme une organisation qui collabore avec ses
partenaires dans le cadre de l'action.
Ë la lumière de ses quelques paroles, il semble
que Max soit de nouveau dans un mode quelque peu défensif. Il
protège son organisation et envoie avec force un message au personnel de
l'hôpital. De plus, il semble qu'implicitement, cette information soit
orientée vers le docteur Joseph : « ((fait des gestes avec ses
mains notamment vers le Docteur Joseph)) » (lignes 198-199). On peut
donc en déduire qu'une partie du discours de Max s'avère
être construit pour renvoyer une certaine image à son auditoire et
pas nécessairement la construire avec lui. C'est un « on »
exclusif et non inclusif qui est employé par Max. Il y a donc d'un
coté un « Nous », représenté par les acteurs de
MSF, un « Nous » qui donne de son temps, de son argent et de son
matériel en étant présent, chez un « Vous »,
représenté par les partenaires locaux de MSF, qui recoivent ces
aides silencieusement. Nous sommes donc face à une configuration dite
classique de la communication oil l'on retrouve l'émetteur, le
récepteur et le message ou encore le pourvoyeur/fournisseur, le
bénéficiaire et l'offre. Ainsi, le discours de Max laisse
transparaitre MSF comme une organisation obsédée par son
indépendance, son autonomie et sa présence.
208 Max Donc c'est c'est ga l'idée aujourd'hui c'est c'est
d'appuyer l'hôpital de
209 Mumba euh avec une prise en charge de qualité
euh pour les patients
210 une prise en charge gratuite donc pour faire ga euh::
et pour pas non plus
211 tout euh:: tout euh briser le système donc M-
Médecins Sans Frontières va
212 euh donner des primes (.) à tout le
personnel (.) de l'hôpital (.) de la GR
213 de Mumba euh:: en complément de la prime CEMUBAC hein
donc euh on
214 va donc la prime CEMUBAC est toujours là#? euh
Médecins Sans
215 Frontières va prendre cette portion là (.) la
déduire du montant euh que
216 normalement MSF payerai (.) que si vo us aviez 10$ de du
CEMUBAC
217 euh: et si MSF euh pour le poste que vous avez vous donne
vous /donnerai
218 normalement 50$t donc le 50$t on va déduire le 10$#?
MSF va vous
219 donner 40$t et le CEMUBAC 10$t ga vous fera toujours le 50$t
donc ga
220 on y reviendra un peu plus dans le détail ((Max se
tourne vers Gérard)) ben
221 Gérard pourra vous expliquer un p'tit peu ((fait
des gestes avec ses mains))
222 ya une échelle de fonctions a Médecins Sans
Frontières on va y revenir
223 après ((Max regarde ses notes sur la
table))
224
225 (2.0)
226
227 Max Donc ttous les services de l'hôpital auront la
tprime par contre lya un
228 serv ya quelques services euh (.) que MSF ne va pas:: entrer
directement la
229 ici j'fais référence a la maternité (.)
eta la consultation externe tpourquoi?
230 (.) parce que la maternité euh:: c'est du soinprimaire
a la base euh les
231 femmes qui vont consulter viennent pour un accouchement pas
seulement a
232 l'hôpital ils vont dans les centres de santé ici
dans la zone de santé donc
233 toujours dans le méme esprit tde pas casser tde pas
briser le système
234 existant (.) les gens ont confiance d'aller euh accoucher
dans les centres de
235 santé donc ça euh ya les gens vont continuer a
payer pour euh un
236 accouchement eutocique ((s'adresse au Docteur
Joseph)) (TOUT BAS) euh ici
237 c'est quoi c'est 6, 7$ ? +
238
239 Docteur Joseph C'est 6$ ((il reste les bras
croisés et racle sa gorge))
240
241 Max Donc 6$ donc ça ça va rester on va quand
méme on va quand méme ici
242 payer une prime euh pour ceux et celles qui travaillent a la
maternité euh::
243 parce que:: l'hôpital va avoir moins de revenus donc
yaura plus de
244 ponctions (.) salariales pour l'hôpital euh::
pour ces salariés la (.) donc euh
245 MSF euh prend en/charge cette partie la euh de prime mais les
patients
246 vont quand méme payer c'qui va permettre a
l'hôpital de continuer a
247 acheter desmédicaments du matériel a sms pour
les services
248 de maternité et de:::
249
250 X (TOUT BAS) dispensaire +
251
252 Max Du dispensaire ((fait un geste de la main vers la
personne qui lui a soufflé
253 l'information)) donc ça aussi ça vous
ça permet a la GR de pas se mettre
254 en marge du système on parle plutôt de de soins
primaires
Des lignes 209 a 214, Max continue son travail de
positionnement et de présentification de MSF en l'ancrant dans le
présent, le concret, tout en rappelant les points essentiels de
l'intervention de MSF. L'organisation y est associée, encore une fois, a
la qualité de sa prise en charge des patients, a la gratuité et
ne souhaite pas détruire entièrement le système et c'est
pour cela qu'elle octroie des primes, donc donne de l'argent au personnel de
l'hôpital de Mumba. Max véhicule donc dans son discours le fait
que MSF est une organisation qui sait ce qu'elle veut, ce qu'elle ne veut pas
et qui prend pour acquis l'adhésion de ses collaborateurs a cette
vision. De plus, MSF offre une compensation financière pour pallier sa
présence, ce qui laisse entendre donc qu'elle perturbe en partie un
système préexistant et qu'elle comprend que sa présence
n'est pas forcément positive pour tous ou sur tous les points qui la
concerne.
Des lignes 213 a 219, Max invoque la prime CEMUBAC, qui est un
salaire
versé au personnel de l'hôpital par
l'organisation du même nom. En évoquant le CEMUBAC, MSF, par
l'intermédiaire de Max, démontre sa connaissance de
l'environnement et qu'elle s'y intègre, car elle va offrir un salaire en
complément de cette prime qui était déjà offerte
avant l'intervention de MSF à Mumba. De plus, Max ne parle pas de
salaires pour l'argent que MSF va donner au personnel de l'hôpital dans
le cadre de son intervention, mais de primes: Ç ttous les services de
l'hôpital auront la tprime par contre 1.ya un serv- ya quelques services
euh (.) que MSF ne va pas:: entrer directement làÈ (lignes
227-228). Le fait de parler de primes peut faire allusion à un
caractère exceptionnel, Max étant donc déjà en
train signifier à son auditoire que MSF ne va pas rester. Ainsi, il
semble qu'implicitement, Max soit en train de dire que tout comme ces primes
sont de natures exceptionnelles, la présence de MSF l'est tout autant.
On pense ici au caractère d'urgence voulu dans l'intervention de MSF.
Après avoir détaillé les conditions de
ces primes, Max revient encore une fois sur des points qui semblent
obséder son organisation (lignes 233-236), c'est à dire le fait
que MSF ne veuille pas être percue comme un perturbateur de l'ordre
établi dans lequel il intervient et le désir profond que sa
présence ne perturbe pas les habitudes de la population. MSF apparait
donc comme soucieuse de sa présence et des conséquences qu'elle
peut avoir sur son environnement, alors qu'elle cherche à ne pas en
avoir, si ce n'est pour sauver des vies (ligne 187). Notons aussi que Max
(lignes 234-235) associe le fait d'avoir confiance dans un système, au
fait de continuer à payer pour recevoir des soins. Il montre ici les
conséquences possibles de la gratuité des soins offerts par MSF,
c'est à dire que les patients ne souhaitent plus payer. Dans le jeu de
questions/réponses auquel s'adonne Max dans son discours, qui met en
exergue d'éventuelles critiques faites à l'encontre de MSF, la
gratuité semble
en être une. En effet, l'insistance sur ce point semble
le confirmer, cela même si elle n'est pas verbalisée clairement.
La répétition et l'insistance de façon
générale, nous montre que l'identité, selon MSF, doit
être protégée et construite prospectivement et
rétrospectivement. La construction de l'identité
organisationnelle porte donc les stigmates d'hier, d'aujourd'hui et de demain
dans le discours, le rôle de Max dans ce cadre-là semble
être de contrôler l'image de MSF.
258 Max Donc voilà un peu le l'idée l'esprit de
de cette entente là de cet accord là
259 euh (.) c'qui est clair c'est que ga va amener euh de la
#?réorganisation
260 euh::: (.) dans #?l'hôpital (.) ga risque d'amener
une hausse de l'activité
261 dans #?l'hôpital euh donc attendez vous pas à
travailler moins fort avec
262 MSF attendez vous à travailler #?plus #? fort avec MSF
Ah Ah Ah on a:: déjà
263 vu déjà revu par exemple les horaires de
travail avec vous hein euh:: ga par
264 de ce côté-là j'pense que c'est ga
semble satisfaisant pour tout le monde
265 en tout cas de c'que j'ai entendu en tous cas les gens
semblent être plutôt
266 heureux euh de cette réorganisation des horaires donc
ga c'est pour
267 reprendre un exemple mais yaura dans les prochaines
semaines dans les
268 prochains mois yaura toutes sortes de
réorganisation comme celle-là hein
269 qui peut être parfois vont vous qui vont être
T confrontantes (.) seront
270 peut-être euh:: vont peut-être ((fait le
geste des guillemets avec ses doigts))
271 déstabilisantes parfois on va tenter des
expériences aussi euh:: c'est aussi
272 à vous ((fait des gestes vers le public de la
salle)) à nous dire tout ga hein
273 on fait en tcollaboration on est pas là pour
timposer les choses on
274 tpropose des tchoses et puis on essaye de voir tous
ensemble après à
275 vous de nous faire des retours si euh si ya des
insatisfactions si ya des
276 difficultés parfois on va présenter des choses
euh:: peut être que ga
277 fonctionnera pas peut être que ga va fonctionner donc
là j'pense l'exemple
278 des des horaires parce qu'on m'a dit que:: que les gens
semblait plutôt
279 satisfait de cette réorganisation$? là$? donc
y'aura #?d'autres exemples
280 comme ga euh::: pour en reprendre un autre ben la pharmaciet
c'est euh::
281 c'est Médecins Sans Frontières qui va fournir
((fait un geste de lui vers le
282 public de la salle)) les médicaments. On va
le faire T service par T service
283 donc vous vous étiez habitué à
fonctionner avec une pharmacie centrale
284 avec des commandes chaque matin pour chaque service là
on va plutôt
285 faire une pharmacie par service (.) avec une commande euh::
par semaine
286 donc euh les superviseurs de chaque service sont en charge du
suivi de la
287 de la pharmacie du suivi des consommations ga c'est des
choses
288 importantes à (coupe video) tMSF on
fait des tcommandes à peu près à
289 tous les tsix mois (.) qui vient qui vient par bateau donc il
faut planifier
290 d'avance et il faut avoir des bonnes consommations
savoir combien
291 on consomme exactement par service pour être le
plus près possible de la
292 réalité quand on va lorsqu'on va faire une
commande (.) par exemple
293 ((regarde ses notes sur la table))
294
295 (2.0)
296
297 Max Donc j'pourrais pas vous énumérer (.) tout
ce qu'on va réorganiser tout ga
298 va se faire au fur et à mesure avec tvous hein on a
pré réorganisé un peu le
299 bloc (.) on a pré réorganisé la
stérilisation (.) euh:: donc ga aussi euh:: ga va
300 amener on va rajouter du personnel oil yaura des besoins euh
j'pense
301 qu'entre autres sur la tgarde de nuit oil yavait 2
infirmiers pour tout
302 l'hôpital ga faisait une tache #?colossale euh
((se tourne vers Docteur
303 Joseph)) là on a déjà
ajouté 2 infirmiers supplémentaires ? ((Docteur
304 Joseph hoche la tête tout en restant les bras
croisés, puis il se tourne
305 vers Eric)) donc ga fait 4 infirmiers pour les
gardes chaque nuit c'est ga ?
306
307 Eric En fait on a fait par service (.) là euh:: on a
ajouté 2 infirmiers sur le::
308 service de pédiatrie et 2 infirmiers euh sur le
service de chirurgie (.) pour
309 faire des roulements et avoir 1 infirmier ttoujours sur
tchaque tservice (.)
310 et ((se tourne vers Max qui hoche de la tete pour
manifester son accord))
311 c'est à dire que les infirmiers tournent plus sur tout
l'hôpital juste sur leur
312 service
Ë la ligne 258, Max dit : « Donc voilà un peu
le l'idée, l'esprit de de cette
entente là, de cet accord là
È, il confirme ainsi qu'il vient de présenter, en quelque sorte,
l'idéologie de son organisation (au sens neutre du terme) à
travers des éléments choisis, idéologie qui l'amène
alors, à aborder les conséquences ou la mise en acte de ce
contrat, car il parle de réorganisation dans l'hôpital (lignes
259-260). La mobilisation des principes, des politiques et de la
présence en tant que telle de Médecins Sans Frontières
dans le discours de Max ont donc pour finalité de générer
l'action, une action qui se manifeste particulièrement par la
nouveauté et le changement.
Une des premières conséquences voulues, car
imaginée et verbalisée par Max est : << ça risque
d'amener une hausse de l'activité dans tl'hôpital euh donc
attendez vous pas à travailler moins fort avec MSF attendez vous
à travailler tplus tfort avec MSF Ah Ah AhÈ (lignes 260 -262).
Max annonce donc que la signature de cette entente entre MSF et l'hôpital
de Mumba va faire accroitre le nombre de patients à traiter par
l'hôpital. On peut imaginer qu'il affirme cela au nom d'une certaine
expérience ou bien d'un profond désir que ce chiffre augmente, ce
qui justifierait la présence de MSF et les changements qu'elle exige
dans la structure. Puis, Max s'adresse directement au personnel de
l'hôpital sur le ton de l'humour pour leur annoncer quel va être
leur sort suite à ces changements, plus particulièrement du point
de vue de leur future charge de travail. La tournure de phrase que Max emploie
pour dire cela signifie que, d'une certaine manière, il imagine leur
pensée. Autrement dit, Max est en train de leur dire qu'il ne faut pas
qu'ils considèrent que la présence de MSF sur leur lieu de
travail va les décharger et qu'ils vont <<se tourner les pouces
È. Max positionne en cela le rôle de MSF comme un acteur qui
accompagne dans l'action et non qui la prend en charge en entier. Il est donc
en train de leur demander leur soutien et leur participation à ce
processus. MSF se présente donc
comme une entité qui est là pour aider l'autre,
mais qui n'est pas là comme un prestataire de service, de bien ou de
salaires (MSF n'est pas un bailleur de fond).
Des lignes 262 à 267, Max parle d'un exemple de
réorganisation qui a déjà eu lieu dans l'hôpital
à l'initiative de MSF. Cet exemple concerne les horaires de travail des
infirmiers. Max invoque ce changement à titre d'exemple positif en
faisant parler les gens : << j'pense que c'est ça semble
satisfaisant pour tout le monde en tout cas de c'que j'ai entendu en
tous cas les gens semblent être plutôt heureux euh de cette
réorganisation des horairesÈ (lignes 264-266). Ce n'est donc pas
Max qui parle seul ici, mais aussi des gens dont on ne conna»t pas le nom,
mais qui semble se dire heureux des réorganisations et donc de la
présence de MSF. Cependant, le discours de Max n'est pas uniquement
basé sur des exemples de réussites sans difficultés
marquées, mais se présente aussi comme un discours
réaliste qui laisse entendre que le changement ne s'opère que
rarement sans conflits ou incompréhensions.
MSF marque ici, à travers la parole de Max, une
certaine habitude ou expérience par rapport à ce qui est
implicitement présentée comme l'application difficile de ses
préceptes chez ses partenaires. Il dit ainsi sous le ton de la
prédiction: << y'aura toutes sortes de réorganisation comme
celle-là hein qui peut être parfois vont vous qui vont être
confrontantes (.) seront peut-être euh:: vont peut-être
((fait le geste des guillemets avec ses doigts))
déstabilisantesÈ (lignes 268-271). En annonçant ces
possibles difficultés à son public, au personnel de
l'hôpital de Mumba, Max marque du même coup le fait qu'il leur
porte de l'intérêt, que MSF est soucieuse de leur condition, un
souci qui pourrait être traduit comme de la compassion. MSF
véhicule ainsi l'image d'une organisation compréhensive des
conditions de ses partenaires face aux changements qu'elle demande. Finalement,
c'est en quelque sorte l'image d'une organisation relativement transparente qui
est
véhiculée ici car elle pourrait présenter un
tableau idyllique de ses interventions à ses partenaires, mais elle ne
le fait pas.
De plus, on voit que Max dit: << parfois on va tenter des
expériences aussiÈ (ligne 271). Ainsi, il inclut les
partenaires et l'auditoire dans ce processus de changement, changement qui
n'est pas gravé dans la pierre et qui implique donc des essais. Il
laisse entendre ainsi qu'il n'y a pas de recette miracle et qu'une
certaine faillibilité marque les interventions de l'organisation
humanitaire (voir aussi Matte, 2006). Cette idée est totalement en
phase avec le fonctionnement de l'organisation MSF, car c'est une
organisation qui se présente comme se construisant dans
un échange constant entre la réalité du terrain,
l'opérationnel et le siège qui donne les grandes marches
à suivre. D'un coté, il y a les protocoles, les principes, les
grandes lignes et de l'autre coté, il y a le terrain, la
réalité, les interactions du quotidien, les partenaires et des
facteurs non prévisibles. Max positionne donc MSF comme
une organisation qui n'a pas toutes les réponses, mais qui a le
mérite d'essayer de donner des réponses à des
problèmes, qui va expérimenter des solutions. Cependant,
cet exercice ne se fait pas seul, MSF marquant le besoin de l'autre, de ses
partenaires pour agir et tenter des expériences, comme on peut le
constater des lignes 271 à 277. Ce besoin de l'autre, dans le cas de
Médecins Sans Frontières, passe, selon Max, par un travail de
responsabilisation du partenaire vis à vis de la tâche
à accomplir ensemble: << c'est aussi à vous ((fait
des gestes vers le public de la salle)) à nous dire tout
ça hein on fait en tcollaborationÈ (lignes 271-273).
Ainsi, Max attribue des responsabilités à son auditoire. Illes
informe qu'ils ne doivent pas être passifs mais bien actifs afin que
ces changements s'avèrent positifs pour tous. Puis, Max
présentifie d'une certaine manière à ses partenaires les
règles de conduites en vigueur dans l'organisation: << on n'est
pas là pour timposer les choses on
tpropose des tchoses et puis on essaye de voir tous
ensemble après à vous de nous faire des retours si euh si ya des
insatisfactions si ya des difficultésÈ (lignes 273- 276)
.
Communiquer est une de ces règles. En effet, la parole
a une place importante chez MSF et cela se retrouve aussi bien au niveau
interne qu'externe, comme on peut le voir ici. Ce principe ou, du moins, cette
exigence a sürement pour origine le fondement associatif de l'organisation
et ses particularités. En effet, une des particularités des
associations est de donner la parole à tous ses membres, MSF montrant
donc qu'elle a de la considération pour le personnel de l'hôpital
de Mumba, car leur avis compte dans l'opérationnalisation des
réorganisations. Leur responsabilité est cependant de manifester
cet avis et surtout de dire si ça ne va pas, plutôt que de se
taire. On peut aussi imaginer que cette nécessité de
communication peut avoir pour objectif de lutter contre une certaine
résistance au changement organisationnel. L'image que Max
véhicule de MSF est donc celle d'une organisation qui n'impose pas les
choses ou les changements mais les propose. Si elle se positionne comme
à l'initiative des changements, elle attend des autres une
réaction (positive ou négative). C'est donc au nom,
implicitement, d'un principe d'échange et d'ouverture que Max encourage
son auditoire à ne pas hésiter à s'exprimer. D'une
certaine manière, Max est en train de leur dire, si vous voulez changer
et vous améliorer, c'est à vous de le faire et de prendre les
choses en main. Ajoutons que l'idée de ne pas imposer les choses donne
une ouverture à la négociation, MSF en appelle donc à la
capacité de réflexion et de penser de ses partenaires. Ceci
montre qu'un des marqueurs de l'identité de MSF semble être le
dialogue ou du moins une organisation qui laisse place à la
conversation, à la négociation pour construire ensemble.
On voit donc que Max, tel un leader, communique la vision de
MSF à l'assemblée, celle des principes de Médecins Sans
Frontières en l'adaptant à son public, en renvoyant aux
caractéristiques qui sont censées lui être propres et en
choisissant des exemples locaux. Max est désormais dans une phase
oü il cherche à susciter leur engagement et leur transmettre un
désir de changement pour les orienter vers l'action. L'identité
de MSF semble donc construite dans une idée de projection
adressée à l'autre, projection d'un idéal auquel il faut
adhérer. Cependant, aucune certitude n'est annoncée quant
à la réussite des changements proposés par MSF à
l'hôpital de Mumba: << peut être que ça fonctionnera
pas peut être que ça va fonctionnerÈ (lignes 276-277). Max
met donc de l'avant une tolérance MSFienne vis-à-vis des erreurs,
présentifiant donc son organisation comme une organisation qui n'est pas
parfaite et qui peut se tromper. Il est aussi peut être en train de leur
communiquer le fameux adage : Nous apprenons de nos erreurs.
En somme, cela donne l'idée que MSF est une
organisation à échelle humaine, qui a le droit à l'erreur.
Tout en montrant une certaine tolérance de la part de MSF, Max donne au
public un exemple gratifiant et positif d'un des changements qui a
déjà eu lieu dans l'hôpital à l'initiative de son
organisation (lignes 277-280). Il parle d'un changement qui s'est
opéré par rapport aux horaires de travail des infirmiers. Tout en
citant cet exemple, il parle à leur place (il les ventriloquise, donc)
pour dire que c'est un changement positif : <<on m'a dit que:: que les
gens semblait plutôt satisfait de cette réorganisation.1..
là.1..È (lignes 278-279). MSF tente donc de transmettre
l'idée à ses partenaires qu'elle a fait une bonne réforme
de leur système et ce n'est pas elle qui le dit, ce sont lesdits
partenaires, ce qui est censé donner une plus grande
crédibilité au propos en le rendant plus difficilement
critiquable.
La démarche de changement initié par MSF à
l'hôpital appara»t donc comme
positive gr%oce à l'intervention de cet exemple dans le
discours de Max. Les pierres sont dès lors posées pour l'annonce
de futures réorganisations, ce que Max va faire: << donc yaura
td'autres exemples comme ça euh::: pour en reprendre un autre ben la
pharmacietÈ (lignes 279-280). Cet exemple est détaillé par
Max des lignes 281 à 292 oü il y spécifie les habitudes de
MSF en matière de gestion des stocks de la pharmacie, que l'organisation
souhaite bien appliquer au sein de l'hôpital de Mumba. Max invoque donc,
de nouveau, l'expérience de son organisation pour laisser entendre que
la réforme du système partenaire va ultimement
l'améliorer. MSF est ainsi présentifié/mise en
scène comme une organisation expérimentée qui partage son
savoir et change les habitudes de ses partenaires.
De plus, MSF se présente, à travers Max, comme
une organisation préparée et prête à agir dans de
brefs délais. Ainsi, comme nous avons pu le constater, l'urgence est
aussi bien un cadre opérationnel qu'une façon d'être. MSF
est présentifiée comme une organisation qui prévoit le
plus possible son action avec une importante logistique à l'appui, le
but étant d'optimiser son action. Aussi, Max annonce ce pouvoir
d'efficacité et de rapidité dans l'action à ses
partenaires des lignes 297 à 299 : << Donc j'pourrais pas vous
énumérer (.) tout ce qu'on va réorganiser, tout ça
va se faire au fur et à mesure avec tvous hein on a pré
réorganisé un peu le bloc (.) on a pré
réorganisé la stérilisation È. MSF transmet donc
une image forte à son auditoire en ce qui concerne sa
réactivité à mettre en place une structure
conséquente pour << sauver des vies È. De plus, l'exemple
de la gestion de la pharmacie est censé démontrer la
rationalité de l'organisation. Ajoutons aussi, que dans ce cadre, il
semble que l'initiative revienne aux acteurs de l'association
représentés par le <<on È. Cependant, on remarquera
que l'annonce est tout de même faite que ce travail est commun aux
acteurs de l'hôpital de Mumba: << ça va se faire au fur et
à mesure avec
tvous >> (ligne 298). Max est donc en train, pierre
après pierre, de se présenter comme responsabilisant les
employés de l'hôpital (ce qui laisse entendre quand méme
que ceux-ci manqueraient a priori de ce sens des responsabilités,
évoquant implicitement une attitude paternaliste, voire méme un
tant soit peu <<colonialiste>> de sa part et les intégrant
au sein d'un programme de réorganisation à la fois de leur
structure de travail et de leur façon de travailler.
Afin, sans doute, de ne pas faire peur aux
intéressés, une peur qui pourrait générer de leur
part une résistance à cette réorganisation, Max leur
montre que MSF est compréhensive de la tâche qu'ils ont à
accomplir et qu'il prend les moyens effectifs pour les aider à
réussir cette mission: << on va rajouter du personnel oü
y'aura des besoins >> (ligne 300) et <<ça faisait une
tâche tcolossale>> (ligne 302). Max fait participer Eric
à ce processus de mise en scène de MSF, après avoir fait
une tentative avortée de joindre le Docteur Joseph à son
discours: << ((se tourne vers Docteur Joseph)) [É]
((Docteur Joseph hoche la tête tout en restant les bras
croisés, puis il se tourne vers Eric))>> (lignes 302-305).
Eric, le responsable terrain de la mission, répond à l'appel de
son supérieur et collègue et expose les détails pratiques
de cette réorganisation à l'assemblée des lignes 307
à 312. En effet, ces détails sont de son ressort puisque c'est
lui et le Docteur Joseph qui sont les maitres d'Ïuvre à
l'hôpital de Mumba. La position de Max est, quant à elle, plus
générale car il supervise aussi d'autres missions dans la
région. Il donne donc les grandes lignes et ce sont des acteurs locaux
comme Eric qui les appliquent dans les structures, avec les partenaires et les
équipes locales de MSF. Cependant méme si il y a une
hiérarchie au sein de l'organisation, c'est l'esprit d'équipe qui
ressort de l'intervention de Max, matérialisé par l'utilisation
constante du <<on >> et du << nous >> pour parler de
l'ensemble des acteurs de MSF.
314 Max Donc ces réorganisations là:: on les fait
avec vous j'pense que vous ((jette
3 1 5 un coup dÕÏil vers Docteur Joseph qui hoche
de la tete en restant sto ·que))
316 aussi vous aviez constaté qu'il y avait des besoins de
ce cTMté là/ et euh tout
317 ga pour amener euh:: pour essayer euh:: d'avoir des soins de
meilleure
318 qualité hein le fait d'être plus d'infirmiers
sur une garde va faire en sorte
319 que:: les patients vont bénéficier d'un travail
de meilleur qualité donc on
320 s'est c'est plutTMt en ces termes #?là qu'on souhaite
voir la réorganisation
321 avec vous #?Médecins Sans Frontieres a quand
même une texpertise depuis
322 une trentaine d'années dans ce dans ce type de
contexte là et puis on::
323 #?Médecins Sans Frontieres travaille dans des
hTMpitaux euh depuis depuis
324 longtemps aussi (.) mais donc ga ((se tourne vers Docteur
Joseph)) c'est
325 toujours fait en partenariat euh avec vous avec la direction
de l'hTMpital
326 avec la direction du DCZ ((se tourne vers Docteur
Joseph)) donc on n'est
327 pas là non plus pour f imposer les choses euh: on est
là pour essayer de
328 travailler avec tvous mais c'est stir qu'on a des
expertises et qu'on qu'on
329 veut les partager avec vous (.) ensuite on vous remettra
aussi du matériel
330 à la disposition de l'hTMpital donc à:: votre
disposition'!" euh:: dans les
331 services au bloc euh on aura aussi du du matériel euh
de tsupport une
332 bibliotheque opérationnelle à Médecins
Sans Frontierest euh vous avez
333 déjà surement vu les guides les guides
cliniques euh donc ga ce sera aussi
334 c'est des outils qu'on vous perm- qu'on met à
votre disposition c'est ga
335 aussi c'est à vous à tVous les
tapproprier ces toutils là\ qu'on va mettre
336 dans les services etc euh: ben aussi à tvous de de
d'utiliser ce matériel là
337 (.) donc tout ga pour dire ga fait beaucoup
#?d'ajustements euh:: on vous
338 demande un peu de flex::ibilité par ga par
rapport à ga euh parfois ga va
339 faire des /frictions parfois ga va peut être faire des
/mécontents ((fait des
340 gestes avec ses mains et montre plus ou moins Docteur
Joseph)) euh:: il
341 s'agit de pas garder son mécontentement#? mais de
venir en tdiscuter euh et
342 comme ga euh on peut aplanir les difficultés (.) une
autre chose donc dans
343 cette réorganis- dans cette réorganisation
là euh:: comme Eric ((se tourne
344 vers Eric)) l'a dit là au lieu de bouger sur
tous les services on va plutTMt se
345 concentrer sur des services donc on va revoir donc j'pense
que c'est déjà
346 en cours avec Docteur Joseph ((Docteur Joseph hoche de la
tete en signe
347 dÕaccord)) on a revu des profils de poste
donc ga pour moi par exemple les
348 profils de poste c'est une chose qui doit demeurer vivante
(.) et qui vous
349 appartient aussi (.) c'est pas seulement à nous
((fait des gestes vers lui)) à
350 faire la description du profil de poste c'est aussi
à vous:: à vous
351 #?l'approprier et à dire ben apres trois quatre six
huit semaines (.) euh:: à
352 un poste qui est un peu changé par rapport peut
être à celui que vous aviez
353 (.) à nous dire bein ga fait pas parti de mon profil
de poste parce que dans la
354 réalité ga je le fais pas mais dans la
réalité ga je le fais et c'est pas dans
355 mon profil de poste (.) donc ga aussi à vous à
nous faire des retours sur ça
356 euh:: tranquillement (.) polé polé ? ((qui se
traduit par « Lentement,
357 lentement » en Swahili))
L'esprit d'équipe présent chez MSF tend à
être véhiculé chez ses partenaires, l'idée
principale étant de travailler ensemble : « Donc ces
réorganisations là:: on les fait avec vous » (ligne 314).
L'organisation exprime ici une reconnaissance de l'autre et la réunion
autour d'un objectif commun : améliorer ou réorganiser un systeme
existant. Le partenariat est clairement mis en scene dans le discours de Max et
le fait de travailler ensemble n'appara»t pas comme une question, mais
plutTMt comme une affirmation qui est produite par l'emploi du « donc
». Le public de la réunion est ainsi enrTMlé dans une
aventure qui va modifier son quotidien professionnel et se doit de l'accepter.
Cependant, cette annonce ne tombe pas telle une sentence car Max dit aussi :
« j'pense que f vous ((jette un coup dÕÏil vers Docteur
Joseph qui hoche de la
tête en restant sto ·que)) aussi vous
aviez constaté qu'il y avait des besoins de ce côté
là È (lignes 314-316). En disant cela, Max opère un
travail de traduction de la pensée de ses interlocuteurs et se fait le
porte parole de leur avis sur la question, donnant ainsi du poids à son
propos.
Leur adhésion à cette réorganisation est
donc présentée comme issue de leur propre chef (le directeur de
l'hôpital) et les moyens déployés par MSF à
l'hôpital répondent donc aussi bien à l'urgence du contexte
qu'à l'appel de ses acteurs quotidiens, ce qui est censé rendre
leur légitimité d'autant plus évidente. Max est donc, de
nouveau, en train de responsabiliser son auditoire face à ses
désirs de changement en invoquant le jugement de leur propre situation
qui semble être antérieur à l'intervention de son
organisation. MSF est donc présentée comme une organisation qui
reconna»t et gratifie le raisonnement des acteurs locaux dans les
contextes dans lesquels elle intervient. Elle signifie ainsi sa qualité
d'écoute et d'attention. L'objectif de ces changements est de permettre
au personnel de l'hôpital de donner des soins de meilleure qualité
aux patients (lignes 316-319).
Max fait donc intervenir ici la figure du patient, afin sans
doute de clarifier l'intervention de MSF à Mumba et de ne pas perdre
l'objectif ultime de la mission humanitaire. MSF n'est pas un prestataire de
service et n'est pas là pour améliorer leur structure de travail,
mais pour sauver un maximum de vies, de patients. Les changements voulus sont
là pour répondre à des critères propices à
une bonne prise en charge des malades et des blessés. MSF
présente ainsi un gage de qualité dans son action oü
l'idée principale est de sauver des vies et de le faire bien.
L'amélioration de la qualité, du système et du
matériel est présentée comme visant à
réduire la mortalité des populations qui vont se présenter
à l'hôpital. Cependant, il semble aussi que Max véhicule
ici le fait que son organisation est attentive et sensible aux
populations dans les endroits oü elle intervient, avec une
préoccupation aussi bien pour les patients que pour les soignants.
De plus, Max marque son insistance sur la définition du
rôle du personnel dans cette mission: Ç donc on s'est c'est
plutôt en ces termes tlà qu'on souhaite voir la
réorganisation avec vous tÈ (lignes 319-321). On remarque ici que
c'est MSF qui fixe, de nouveau, les règles de ses partenariats,
même si les mots employés par Max font part d'une intention et non
d'une affirmation. Après avoir communiqué sa vision de la
réorganisation à son auditoire, Max y ajoute des arguments pour
donner plus de poids à son propos et légitimer la
présence, ainsi que la facon de faire de MSF (lignes 321-324). Nous
sommes donc face à un discours de légitimation qui repose sur
l'expérience et l'expertise de Médecins Sans Frontières
depuis plus de 30 ans. Max fait ainsi appel, une nouvelle fois, à
l'histoire de son organisation (il la ventriloquise, donc) pour défendre
et asseoir son discours. Ce qui semble étonnant dans cette intervention,
c'est le besoin que ressent Max de devoir justifier la valeur et la
présence de son organisation auprès de ses interlocuteurs, comme
si ses compétences pouvaient être, par définition, remises
en question. Cela illustre le fait que MSF fait souvent l'objet d'attaques en
ce qui concerne sa facon de faire et que le discours de Max est donc empreint
de cette critique qu'il anticipe et à laquelle il répond à
l'avance. En conséquence, il répond à ses
détracteurs sous prétexte d'informer son auditoire, afin de faire
taire les éventuelles remises en question du savoir faire de
l'organisation. Le porte parole de MSF opère donc un jeu de
questions/réponses à l'intérieur même de sa
performance.
Après avoir présenté avec
intensité son organisation, Max revient sur le partenariat qui unit tous
les acteurs en présence des lignes 324 à 326. Il réaffirme
que cette mission doit se faire main dans la main et reconna»t verbalement
chacun de ses
partenaires dans le cadre de celle-ci en les
hiérarchisant: Ç avec vous, avec la direction de l'hôpital,
avec la direction du DCZÈ (lignes 325-326). Il met ainsi au premier plan
le public qui est face à lui, et cela, avant la direction de
l'hôpital, donc le Docteur Joseph et les représentants de la
Santé de la RDC. A travers cette annonce, Max est donc en train de
valoriser les personnes qui sont en train de l'écouter en laissant
quelque peu de côté toute hiérarchie. Il montre en cela que
MSF est une organisation qui considère ses employés et qui n'est
pas trop concernée par la bureaucratie et la question
hiérarchique. De plus, cela dévoile un trait identitaire chez MSF
qui est de porter une attention plus particulière au terrain, à
sa réalité humaine et à ses acteurs.
Max poursuit en disant : Çdonc on est pas là non
plus pour imposer les choses euh: on est là pour essayer de travailler
avec tvous mais c'est sür qu'on a des
expertisesÈ (lignes 326-328). Max anticipe donc
de nouveau une des critiques souvent adressées à l'encontre de
MSF, soit le fait qu'elle impose son propre système, ce qui vient faire
écho à ce qu'il avait lui-même avancé quelques
minutes auparavant lorsqu'il avait déjà mentionné cette
information à son auditoire, comme on peut le voir des lignes 273
à 274. Dans ce tour de parole, il disait que MSF n'imposait pas les
choses mais les proposait. Max est donc, encore une fois, en train de
protéger son organisation face aux attaques qu'on pourrait
éventuellement lui porter. Il communique ainsi une image positive de
MSF, une organisation préoccupée et consciente de son
environnement. L'argument principal employé ici par Max est l'expertise
de son organisation. C'est sa carte de visite pour rassurer et enrôler
ses partenaires.
Des lignes 328 à 334, Max exprime par plusieurs
exemples l'idée selon laquelle MSF serait une organisation qui partage
et met à la disposition de ses
partenaires des outils pour faciliter et améliorer
l'action humanitaire. Ainsi, MSF est représentée et
incarnée par ses expertises, les guides cliniques d'une
bibliothèque opérationnelle, ainsi que du matériel.
L'invocation de ces guides par Max nous montre aussi que MSF est aussi une
organisation très protocolaire et structurée. De plus, il semble
que cette évocation démontre le désir de MSF que ses
partenaires adoptent sa façon de faire, en somme, ses pratiques.
L'existence d'une telle bibliothèque exprime le caractère
raisonnable et prévoyant de MSF et il appara»t donc que, d'une
certaine manière, l'organisation cherche à normaliser une action
médicale dans un contexte instable. Paradoxalement, l'organisation est
aussi représentée par un ensemble d'expertises, donc de
témoignages de la réalité du quotidien.
Cette réalité est de l'ordre de
l'imprévisible, mais MSF s'en sert pour construire une sorte de
mémoire organisationnelle qu'elle utilise pour agir au quotidien et
qu'elle est apte à transmettre. MSF appara»t alors dans toute sa
complexité, une organisation qui a soif de prévoir
l'imprévisible ou du moins de s'y préparer du mieux qu'elle peut.
Max continue son travail de responsabilisation des lignes 335 à 336:
Ç c'est à vous à tVous les tapproprier ces toutils
là qu'on va mettre dans les services etc euh: ben aussi à tvous
de de d'utiliser ce matériel là È. Ainsi, il semble que
chacun ait sa place au sein de cette configuration: MSF met à
disposition des outils, mais c'est aux acteurs de la structure médicale
de se les approprier, pour offrir en retour, une meilleure qualité de
service. Ajoutons qu'au delà de ce travail qui se veut de
responsabilisation, c'est aussi un travail d'éducation qui transparait
ici de la part de MSF, laquelle semble donc prête et disposée
à instruire ses partenaires, laissant de nouveau entendre qu'ils ont
besoin d'être donc responsabilisés et éduqués.
L'organisation n'est donc pas qu'une association
médicale d'urgence classique avec du matériel et
du personnel médical, c'est aussi un savoir et en quelque sorte une
école de la médecine d'urgence ou du moins c'est comme cela
qu'elle souhaite être identifiée.
Des lignes 337 à 338, Max fait rimer ajustements (pour
ne pas parler de changements) avec flexibilité, demandant ainsi aux
acteurs concernés par la réorganisation qu'ils soient ouverts
d'esprit et prêts à faire des concessions pour le bien commun. De
plus, la communication semble au cÏur de la méthode MSF, car Max
incite, de nouveau, ses interlocuteurs à se manifester si ils ne sont
pas satisfaits ou que les changements les indisposent. On constate cela des
lignes 338 à 342: << parfois ça va faire des frictions
parfois ça va peut être faire des mécontents ((fait des
gestes avec ses mains et montre plus ou moins Docteur Joseph)) euh:: il
s'agit de pas garder son mécontentementt, mais de venir en
tdiscuter euh et comme ça euh on peut aplanir les
difficultés >>. MSF montre alors, de nouveau, sa disposition
à entendre la critique. Puis, des lignes 342 à 355, Max illustre
le désir d'agir concrètement ensemble à l'aide d'un
exemple de revalorisation des profils des poste, oü il utilise un
<<on>> qui inclut cette fois-ci le Docteur Joseph (ligne 346) et
incite le personnel à faire des retours, donc à donner leur avis
(ligne 355), tout cela, pour être plus en phase avec la
réalité (ligne 354).
Ainsi, Max, au nom de MSF, positionne les membres de son
auditoire comme de véritables collaborateurs et acteurs de ce processus
de changement, leur rTMle devant être actif et non passif. L'organisation
est donc présentée comme préoccupée par la
communication et la discussion plus précisément, car elle
considère que les acteurs détiennent les solutions du changement.
C'est donc une vision de la base vers la direction qui est
préconisée, même si l'initiative revient au haut de la
hiérarchie. Correspondre à la réalité semble
être un trait marquant de l'identité projetée de
Médecins Sans Frontières, qui s'exprime ici
à travers cet exemple, mais qui semble être récurrent dans
son approche. Enfin, Max finit son tour de parole par une note amicale qui
démontre l'intérêt qu'il porte à la culture et la
langue de ses partenaires: << euh:: tranquillement (.) polé
polé? ((qui se traduit par<<lentement, lentement >> en
Swahili))>> (lignes 356-357). Cela nous montre également que
même si les interventions de MSF sont en quelque sorte brèves, ses
acteurs portent une attention particulière à l'autre et cela non
pas forcement que d'un point de vue opérationnel et médical. Ce
souci démontre aussi une certaine éthique dans ses interventions,
sa facon de travailler et un intérêt pour la communication.
Pour finir, nous avons donc pu constater que sous
prétexte d'informer, car c'était le but annoncé de la
réunion au début de l'intervention de Max, on voit que ce dernier
en profite pour donner en réalité la vision des choses de MSF et
défendre ses idées dans le but d'influencer l'assemblée
réunie et de les convaincre d'agir dans le sens de MSF. Pour faire cela,
Max agit avec le seul moyen qu'il a à sa disposition, c'est à
dire le langage, le discours, la parole. D'une certaine manière, Max
négocie avec le public l'adhésion de ce dernier à sa
vision de MSF, le choix de ses arguments devant donc être pertinent. Pour
cela, on voit comment il ventriloquise implicitement et explicitement les
principes, politiques et pratiques de son organisation afin de la
présenter et ainsi la rendre présente dans son intervention. Tout
au long de son discours, Max fait un travail de positionnement à travers
un subtil jeu de langage mettant en scène le <<nous>> et le
<<vous >>, qu'il conclut par un <<faire>> collectif.
MSF se caractérise donc aussi dans toute sa complexité, avec au
sein de son discours, des marqueurs de l'ouverture et de la fermeture à
l'autre.
au Nord-Kivu avec deux officiers de la MONUC
Sur l'ensemble des 42 heures de vidéos que nous avons
visionnées concernant la mission de MSF en RDC, nous avons pu constater,
à plusieurs reprises, que Max tenait le même discours. Ainsi, sous
prétexte d'informer ses interlocuteurs, il semblait souhaiter, en
réalité, accomplir quelque chose et notamment les convaincre en
communiquant sa vision de l'identité de son organisation. Nous avons
donc vu, à de nombreuses reprises, ce même travail à
l'Ïuvre et tout particulièrement dans un extrait où il
rencontre deux représentants de la MONUC.
Afin de replacer cette séquence dans son contexte,
notons qu'elle a lieu dans un camp militaire de la MONUC, qui est une mission
de paix des Nations Unies chargée de remplir plusieurs mandats en RDC,
notamment la protection des civils et la sécurité du territoire.
Les acteurs de cette réunion sont deux officiers de la MONUC, ainsi que
deux membres de MSF (Max, chef de Mission au Nord-Kivu et Carole, coordinatrice
médicale de la RDC). En plus de ces quatre personnes, nous constaterons
la présence de Francois Cooren, co-directeur de ce mémoire,
accompagné de sa caméra qui filme l'interaction.
Ce présent extrait ne va pas faire l'objet d'une
analyse minutieuse, mais va plutôt être étudié dans
son ensemble pour constater que le processus qui est à l'Ïuvre est
le même que celui observé dans l'analyse de la séquence A
que nous avons précédemment analyser. En arrivant sur le
campement des militaires, Max remet un rapport d'activité trimestriel de
l'action de MSF dans la région à un des chefs militaires qui
l'accueille. Puis il lui pose des questions sur les milices présentes
dans la région (May May et FDLR) et leurs activités et mouvements
dans celle-ci. Le militaire lui répond en lui donnant certaines
informations, puis il demande à Francois
Cooren dÕeteindre la video pour communiquer à Max
des informations non officielles.
Les deux hommes discutent cordialement de ces informations sur
les milices et lÕaction de la MONUC. Ils disent aussi quÕils se
rencontrent assez souvent, cette rencontre nÕest donc pas
exceptionnelle. Puis, un deuxieme chef militaire entre dans la reunion. Notons
que celui-ci ne conna»t pas Max. Automatiquement, Max lui explique en
detail les activités de MSF dans la region. Il parle du programme de
lutte contre la malnutrition des enfants, ce qui amène son interlocuteur
à le remercier pour le travail que MSF fait sur le terrain. Puis, cette
même personne demande à Max comment cela se passe pour que MSF
intervienne. Il sÕen suit alors un long monologue de Max, ponctué
par des signes dÕaccords de son interlocuteur, lequel se montre
apparemment tres attentif au discours de son vis-à-vis.
On voit Max aborder de nombreux points, mentionnant que toutes
les operations sont financées par MSF à lÕaide de fonds
privés, quÕelle négocie avec les autorités locales
pour sÕimplanter sur le terrain. Il parle aussi de la politique de
transparence de son organisation, du fait que MSF a été
créé en 1971 par des médecins francais et quÕelle
est aujourdÕhui une association dÕenvergure internationale
implantée localement sur tous les continents avec sa maison mere en
France. Il signifie aussi que MSF est organisation médicale non
gouvernementale, qui donne des soins gratuitement à tout le monde et
cela, sans aucunes discriminations. Max lui dit egalement, avec une certaine
conviction dans la voix et les gestes, que MSF est une organisation
indépendante et quÕà ce titre elle refuse d'être
convoyée avec des militaires lors de ses déplacements. En outre,
il précise que MSF nÕest pas lie à la MONUC, ni aux FARDC,
ni à aucun gouvernement. Enfin, il indique à son interlocuteur
que les membres de MSF sont, pour la majorité, des
volontaires issus de tous les pays du monde.
On le voit ensuite confirmer à plusieurs reprises
quÕune des habitudes de MSF est de parler avec tout le monde, afin
dÕexpliquer les activités quÕelle realise et le pourquoi
de ses interventions. Il explique aussi que le rapport dÕactivité
quÕil vient de remettre à son collégue vise à ce
que tout le monde soit vraiment au courant de lÕaction de MSF.
Finalement, lÕinterlocuteur de Max le félicite pour
lÕaction de son organisation et lui demande pour combien de temps ils
vont rester dans la region. LÕambiance est ensuite assez détendue
tout au long de la rencontre, il y a beaucoup dÕéclats de rire.
Les officiers de la MONUC invitent Max, Carole et Francois à rester
déjeuner avec eux, mais Max sÕexcuse car il ne peut accepter
lÕoffre et se justifie en disant quÕils sont attendus à
une autre reunion. Les militaires les raccompagnent endehors du campement et la
délégation MSF reprend la route dans leur voiture aux couleurs de
MSF.
Cette rencontre entre les membres de MSF et les militaires de
la MONUC nous montre quÕau moins deux buts poursuivis semble (1)
dÕentretenir des relations cordiales avec leur vis-à-vis et (2)
dÕobtenir des renseignements qui peuvent etre utiles à la
sécurité du personnel MSF dans le cadre de leurs missions dans la
region. Max, qui se confie à Francois Cooren dans un autre extrait,
parle de pêche à lÕinformation. Cette sequence nous montre,
en outre, que les mêmes exemples sont utilisés par Max
lorsquÕil présente les principes de MSF à un des
officiers. Nous pouvons donc constater que Max est attaché à un
discours identique et recurrent qui rend present MSF dÕune certaine
façon, mais aussi que celui-ci est utilisé par ses membres dans
leurs interactions pour informer lÕautre de leur(s) vision/programmes
(ce quÕils font) et de leur identité (qui ils sont). Le rTMle de
Max sÕapparente ici à une sorte de responsable des relations
publiques. On pourrait comparer la façon de
communiquer de MSF à celle d'une campagne politique,
oü il faut voir un maximum de personnes pour leur communiquer une vision
et les rallier à notre cause. Ce type de rencontre sert donc à
collecter des informations et à communiquer l'essence de MSF à
l'autre.
5.4. Analyse de la Séquence C : Réunion
entre Max et des représentants du Ministère de la Santé
congolais
5.4.1. Description du contexte
En tant que chef de mission MSF, Max rencontre
régulièrement les partenaires locaux des projets mis en
Ïuvre par son organisation, il se voit aussi attribuer le rôle de
porte-parole de MSF auprès des représentants des institutions du
pays d'intervention. Dans le cadre de l'interaction qui nous intéresse
ici, Max est en réunion avec deux représentants de la
Santé de la RDC, les docteurs Guy et Tony, à Goma (ville du
Nord-Kivu). La présente conversation a lieu peu après le
début de la réunion oü les trois hommes ont fait le point
sur l'action mise en Ïuvre à l'hôpital de Mumba.
5.4.2. Analyse de la séquence
Cette in teraction nous montre comment l'identité de
MSF dans son intervention en RDC est négociée et construite entre
un de ses membres, autrement dit Max, et des partenaires de l'organisation, les
docteurs Guy et Tony, tous les deux congolais. Nous allons aussi voir ici
comment certaines figures sont invoquées de part et d'autre pour
accepter, refuser ou inviter à accomplir certaines choses. Nous pourrons
ainsi constater que l'identité n'est pas quelque chose de figé
mais qu'il
existe une utilisation performative de l'identité
organisationnelle.
167 Guy Donc par rapport a ça, on avait encore une autre
euh, je ne dirai pas une
168 préoccupation on avait une requête a formuler
euh:: ((fait un geste de la main vers
169 Tony)) on en a longuement discuté avec
Docteur Tony C'est par rapport au euh
170 au chirurgien
171
172 Max Oui=
173
174 Guy =que MSF a amené pour essayer d'aider
l'hôpital. Nous, on s'est dit si euh c'est
175 la présence de ce chirurgien ne peut pas
profiter a d'autres médecins.
176
177 Max Hum hum
178
179 Guy Je crois que peut être Carole vous en a vous en a
déja parlé.
180
181 Max C'est possible
Des lignes 167 a 170, Guy annonce a Max la formulation d'une
requête concernant le chirurgien MSF avec le soutien de Tony a l'appui.
En formulant cette requête a Max, Guy et Tony reconnaissent implicitement
son caractère décisionnaire, car celui-ci représente MSF
et prend des décisions en son nom. Cependant, la formulation d'une
proposition de la part des deux médecins et la discussion qui s'en suit,
peuvent aussi être considérés comme participant de la
construction de l'identité de MSF, leur organisme partenaire, car ils
tentent de modifier son action en apportant leur propre vision de ce qu'est et
doit être MSF dans le cas présent. Guy évoque la
présence de MSF (par le biais d'un de ses chirurgiens), qualifiant son
action d'aide a l'hôpital, mais il considère que cette
présence pourrait constituer une opportunité
supplémentaire a l'action classique de MSF, c'est a dire soigner:
Ç Nous, on s'est dit si euh c'est la présence de ce chirurgien
ne peut pas profiter a d'autres médecins. È (lignes
174-175).
Afin d'ajouter du poids a son propos, Guy, a ligne 179,
invoque, par ailleurs, le fait que Carole soit au courant et qu'elle ait
possiblement fait part de la requête a Max. En faisant cela, Guy fait
appel a ce que représente Carole, c'est a dire, une expertise en tant
qu'actrice de l'organisation MSF, car elle est coordonatrice médicale
MSF et médecin congolais. Ajoutons qu'une telle introduction a
l'annonce
d'une demande et la façon de la formuler, laisse
para»tre une certaine hésitation, Guy n'affichant pas beaucoup
d'assurance dans son discours. La réponse de Max n'est, quant à
elle, pas ou peu claire, lorsqu'il rétorque: Çc'est
possibleÈ (ligne 181), ce qui semble pousser Guy à
préciser la formulation et l'argumentation de sa requête. Cette
réponse confère à Max un certain pouvoir quant au
déroulement de la suite de la conversation, car il peut ainsi, par
exemple, dire qu'il n'était pas vraiment au courant de cette
requête et donc ne pas d'ores et déjà donner une
réponse favorable ou non à la requête.
183 Guy Donc que euhnous, on voudrait, avec votre accord
envoyer nos médecins en
184 formation, évidemment uniquement euh pour la
chirurgie, pour qu'ils puissent
185 profiter euh de de de l'expérience du chirurgien que
MSF a mis a mis à l'hôpital.
186
187 Max Bon en formation euh = (( il affiche un visage
emprunt de perplexité))
188
189 Guy Bon on dirait formation, c'est peut être trop dire
mais bon euh=
190
191 Tony = En fait, en fait euh, l'idée vient du fait que
(.) le le système de santé que nous
192 essayons d'appuyer dans la province euh comprend non
seulement les structures,
193 les institutions mais aussi du personnel. Et donc qu'euh on a
constaté depuis un
194 certain temps que dans les milieux ruraux il y a de plus en
plus de jeunes
195 médecins
196
197 Max hum hum
198
199 Tony qui ne sont plus encadrés par des médecins
beaucoup plus =
200
201 Guy =[chevron[nés
202
203 Tony [Expérimentés, et donc chaque fois qu'il y
a une opportunité comme
204 celle que vous donnez à la zone de santé de
Mumba, nous pensons que c'est
205 vraiment quelque chose qu'il ne faut pas rater pour renforcer
le système. C'est
206 vrai quel'approche MSF, c'est une approche directement
centrée sur le patient
207 mais notre approche, tout en visant le patient essaie
d'appuyer plus le système. Et
208 je crois que les 2 ensembles pourraient faire un très
bon résultat. Donc nous
209 avons pensé qu'on peut vous approcher dans ce euh=
210
211 Guy =Dans ce sens-là
212
213 Tony =Dans ce sens-là, pour dire qu'euh, on pourrait
profiter de cette présence de ce
214 médecin-là pour essayer de de recycler un peu
les médecins des autres zones
215 voisines. Ainsi après c'est une année
d'intervention MSF, en plus du fait que les
216 gens auront accédé aux soins, on aura en
permanence des médecins qui sont
217 capables de répondre aux urgences les plus
fréquentes et de manière efficace.
218 Voilà un peu dit en gros.
Des lignes 183 à 185, la requête est enfin
formulée plus clairement par Guy et consiste à demander à
MSF l'autorisation d'envoyer des médecins à former par le
chirurgien MSF présent à l'hôpital de Mumba. MSF est ainsi
implicitement qualifiée et reconnue par ses partenaires pour son
expérience en matière de chirurgie. De plus, les partenaires de
MSF, représentés ici pas Guy et Tony, semblent considérer
que
cette expérience chirurgicale pourrait être mise
à disposition dans l'hôpital et à ce titre, ils demandent
à MSF si cette dernière serait prête à former des
chirurgiens locaux, cela en plus de soigner les patients. Il appara»t
donc, qu'implicitement, les partenaires de MSF ne voient pas l'organisation
uniquement comme une organisation humanitaire d'aide médicale, mais
aussi potentiellement comme un organisme capable de former du personnel
médical.
Cette requête met donc Max face à plusieurs
problématiques. Il doit en effet confirmer ou démentir cette
vision/identité de son organisation que lui projettent implicitement ses
partenaires/interlocuteurs. Mais, face à cette requête, il est
aussi mis à l'épreuve d'y répondre, pouvoir que semblent
lui conférer Guy et Tony dans la situation présente. C'est donc
dans ce contexte que Max répond: << Bon en formation euh =
((il affiche un visage emprunt de perplexité)) >> (ligne
187), répétant donc l'information principale de la requête
en exprimant un certain malaise. Il semble que ce malaise est percu par Guy,
qui nuance aussitôt son propos en cherchant à atténuer
l'impact du terme <<formation>> (ligne 189). Puis, dès la
ligne 191, Tony, le collègue de Guy, entre dans la conversation en
s'attachant à construire un contexte à la requête qui vient
d'être formuler, lui donnant ainsi une certaine assise et donc une
légitimité/autorité.
Son intervention sert sans doute à gagner l'assentiment
de Max en optimisant, en quelque sorte, la demande en vue de l'obtention d'un
accord de la part de MSF. Il représente donc la demande en
l'insérant dans un plan d'action du système de santé de la
province du Nord-Kivu. Tony présente ainsi à Max une
requête qui est identifiée comme issue d'une constatation
raisonnée, à l'effet de laquelle il n'y aurait pas d'encadrement
des jeunes docteurs congolais de la région et qu'il serait donc
raisonnable et envisageable que le chirurgien MSF les encadrent
pour le temps de son intervention à Mumba. De plus,
l'invocation du système de santé de la province comme acteur
ajoute un caractère responsable et respectable à la dite
requête. Ë la ligne 203, Tony parle du manque de médecins
expérimentés, il est donc implicitement en train de dire:
<< nous avons besoin de médecins expérimentés et vos
médecins sont expérimentés, donc MSF devrait pouvoir nous
aider È.
De plus, la présence même de MSF est
associée à une opportunité du point de vue de ses
partenaires : << donc chaque fois qu'il y a une opportunité comme
celle que vous donnez à la zone de santé de Mumba, nous pensons
que c'est vraiment quelque chose qu'il ne faut pas rater pour renforcer le
systèmeÈ (lignes 203-205). Ainsi, on voit que la requête
formulé à Max est présentée comme ayant pour but de
renforcer le système de santé, MSF étant alors
identifiée comme une chance à ne pas rater. Des lignes 206
à 208, on note aussi que Tony tient un discours oü il met en
scène le <<vous È, puis le <<nous È, pour
conclure sur le <<ensemble È. En effet, dans un premier temps, il
invoque l'approche MSF ou la vision que peut avoir un partenaire sur la facon
de faire de MSF et la définit comme étant centrée sur le
patient. Il se permet donc de parler au nom de MSF en l'identifiant
d'une certaine manière. Puis, il insère la facon de faire de
son organisation qu'il décrit comme étant équivalente
à celle de MSF en ce qui concerne le patient, mais en ajoutant le fait
de vouloir aussi appuyer le système. Pour finir, il déclare
souhaiter un ralliement entre ces deux visions, proposant que MSF se joigne
à sa vision.
En quelque sorte, les partenaires déclarent souhaiter
que MSF fasse sienne la mission proposée par la requête et en
conséquence, modifie quelque peu sa facon de faire, son approche. Il y a
donc une tentative de co-construction de l'identité de MSF par ses
partenaires locaux. Tony prétend donc que c'est quelque chose que MSF
pourrait faire et de facon implicite que cela pourrait correspondre à
son identité. Ë la
ligne 209, on voit Tony reformuler son propos: ce n'est plus
une requête qui est émise, mais une approche, la portée
étant dès lors moins forte que celle générée
par une requête. La présence de MSF est aussi qualifiée
d'opportunité de recyclage des
médecins des zones de santé voisines à
celle de Mumba (lignes 213-215), puis iidéveloppe une vision
de l'avenir en exprimant oralement les résultats attendus de
cette initiative.
Tony met en scène MSF dans cette prévision du
futur lorsqu'il dit: Ç Ainsi après c'est une année
d'intervention MSF, en plus du fait que les gens auront accédé
aux soins, on aura en permanence des médecins qui sont capables
de répondre aux urgences les plus fréquentes et de manière
efficaceÈ (lignes 215-217). En disant cela, Tony reconna»t, bien
entendu, que l'intervention de MSF signifie un accès aux soins pour les
gens, mais il montre aussi qu'il attend plus que cela de l'intervention de MSF,
autrement dit, de la formation. Ainsi, si MSF donne une réponse
favorable à cette requête, cela permettrait, selon lui, une
augmentation du nombre de médecins capables de répondre à
l'urgence et de façon efficace dans la région. En
conséquence, MSF est qualifiée et reconnue par ses partenaires
pour l'efficacité de son action dans l'urgence. Elle est ainsi
identifiée pour son expertise dans ce domaine. Implicitement et en
invoquant un désir de permanence, de développement, Tony
reconna»t le caractère ponctuel des interventions de
Médecins Sans Frontières. Ainsi, MSF semble toujours
véhiculer dans son environnement l'image d'une organisation qui
intervient épisodiquement dans des situations critiques d'urgence, ce
qui se confirme par la manière dont le médecin présente
l'organisation humanitaire à Max.
220 Max Ouais faut ouais faut faire attention hein (.) juste
comment comment utiliser ça
221 parce que effectivement formation, MSF, on n'est pas une
université
222
223 Tony Oui [ça ca on comprend
224
225 Max [On n'est pas là comme formateur en même
temps c'est clair quand MSF
226 passe dans un milieu hospitalier::, dans euh même dans
des centres de santé::, peu
227 importe oü on passe c'est clair que ya que ya qu'il y a
un volet euh
228 apprentissage qui est important
229
230 Guy bien sür
231
232 Max hein parce qu'on a quand même des outils euh
qui je pense sont intéressants à
233 MSF. On a plusieurs livres: je pense aux guides
cliniques, aux livres à
234 l'utilisation des médicaments essentiels avec les
protocoles thérapeutiques,
235 euh: aprês on apporte euh: le savoir en hygiene la
gestion la gestion de des
236 déchets de l'hygiene tout ça donc. Oui c'est
clair euh qu'il y a =
237
238 Guy =[un apprentissage=
239
240 Max =un euh un apprentissage qui est un peu, je dirai qui se
fait au quotidien euh en
241 mettant la main à la pâte hein? ((il agite
ses mains en parlant))
242
243 Guy hum hum
244
245 Max Et on n'estpas là j'dirais pour faire Ecole
246
247 Guy Hum hum
248
249 Max C'est aussi aux gens à s'approprier les outils
qu'on met à disposition euh. Et c'est
250 surtout de cette façon-là que je pense qu'il
qu'il y a des acquis, des apprentissages
251 (.) a, ça me semble, ça me semble euh me semble
euh évident. Aprês commeje
252 vous le dis c'est pas:: c'est pas euh tous les matins au
tableau pour faire l'école
253 ((il mime quelqu'un en train d'écrire sur un
tableau)) a c'est pas, c'est pas la
254 façon que MSF fait donc Moi, moi disons de prime
abord j'ai pas de gro::sses
255 objec:tions (.) Mais euh euh à voir comment
ça peut se faire (.) D'abord il ya le
256 docteur Luc qui est à l'hôpital de Mumba, qui
est aussi un jeune médecin=
257
258 Guy =Voilà
259
260 Max Euh::: qui qui est euh invité à passer au
bloc euh à chaque fois qu'il y a des
261 interventions. Donc c'est pas un souci euh mais en premier
lieu, c'est quand
262 même le chirurgien MSF qui doit faire euh les
opérations euh qui va qui va mettre
263 aprês quand c'est des euh tranquillement, je pense que
Luc va faire la césarienne,
264 etc euh sous la supervision de du chirurgien, de de
l'anesthésiste
265
266 Guy Hum hum
267
268 Max a c'est clair que l'anesthésiste sera toujours
présent euh à chaque euh=
269
270 Guy =Ë chaque [intervention
271
272 Max [à chaque intervention parce qu'on a amené
du matériel euh qui doit
273 être utilisé par un anesthésiste
[formé àce titre là
274
275 Guy [formé
276
277 (3.0)
278
279 Max donc apres euh:: comment vous vous voyez les choses? Vous
en êt- euh, vous
280 feriez passer euh le médecin euh deux semaines trois
semaines un mois au bloc?
281 Euh comment vous voyez la chose? Donc si vous envoyez un
médecin au bloc,
282 ça veut dire que Luc perd un heu sa son espace=
Des lignes 220 à 221, on voit alors Max revenir sur le
principe de formation que Tony a tenté d'écarter de son
argumentation et affirme avec vigueur que MSF n'est pas une université.
On peut remarquer ici que MSF s'identifie donc aussi à travers ce
qu'elle ne fait pas, et donc ce qu'elle n'est pas. C'est donc
comme si Max mettait ainsi en garde ses partenaires sur le choix de leurs mots
pour parler de son organisation. Il semble donc refuser leur tentative de
qualification implicite de son
organisation. On remarque que, ce faisant, Max, en tant que
membre de MSF, se positionne implicitement comme ayant le droit et
l'autorité nécessaire pour définir et parler au nom de son
organisation, ses vis-à-vis n'ayant évidemment pas cette
capacité, ou, en tout cas, pas avec la méme autorité.
Puis, des lignes 225 à 228, Max s'attèle à requalifier la
signification de la présence de MSF, la dissociant d'une structure de
formation: Ç On n'est pas là comme formateur È (ligne
225).
Il poursuit en précisant que ce n'est pas de la
formation que MSF fait lorsqu'elle est présente dans une structure
médicale, mais qu'elle rend possible de l'apprentissage, une distinction
intéressante dans la mesure oü il peut y avoir, bien entendu,
apprentissage sans formation structurée en tant que telle (par
observation, par exemple). Il confirme donc à ses partenaires qu'un des
volets de son action et de sa présence peut mener à
l'apprentissage, tout en écartant la possibilité d'une formation
structurée. On voit que Max est donc en train de requalifier son
organisation avec ses propres mots, sa propre vision. Ainsi, c'est comme s'il
se réappropriait MSF, contrant du méme coup la qualification
implicite que ses vis-à-vis lui proposent, celle d'une organisation dont
l'une des aptitudes serait de former des médecins. Il montre, de ce
fait, à ses partenaires qu'il n'est pas possible, en quelque sorte, de
faire faire quelque chose à MSF, la seule chose qu'il soit
possible de faire étant de bénéficier indirectement des
activités existantes et définies a priori par l'organisation
elle-méme.
Puis, des lignes 232 à 236, Max semble se sentir
obligé de justifier le volet apprentissage de MSF dont il vient de
parler en invoquant et mobilisant des outils que son organisation apporte dans
ses interventions et qui agissent donc en son nom: guides cliniques, livres sur
les médicaments essentiels, protocoles thérapeutiques en plus
d'un savoir faire en hygiène et en gestion des déchets. Notons
aussi que Max
précise: <<parce qu'on a quand même des
outils euh qui je pense sont intéressantsÈ (ligne 232),
donnant ainsi son avis sur la question avec une certaine intensité, ce
qui enjoint implicitement son interlocuteur à reconna»tre la valeur
de ces outils. Ajoutons qu'avec l'annonce de tous ces attributs, MSF
appara»t comme une organisation assez protocolaire ou du moins très
structurée, qui opère selon une formalisation et une
standardisation de ses pratiques. Notons également qu'une telle
indication des ressources nécessaires laisse entendre que si les
partenaires veulent en bénéficier, libre à eux, mais cette
même indication conforte également la position d'une organisation
qui ne dévie pas de la trajectoire qu'elle s'est elle-même
fixée, laissant aux autres le loisir de saisir les opportunités
que MSF leur offre de facto.
Ë travers son argumentaire, Max semble donc faire un
travail de désappropriation et d'élimination de la
responsabilité que ses partenaires ont tenté d'attribuer à
MSF, avec la mission proposée. Des lignes 240 à 241, Max confirme
qu'il y a un apprentissage chez MSF, mais celui-ci est qualifié comme de
nonformel, car quotidien et impliquant qu'on apprenne en <<mettant la
main à la pâte È. Il est à noter que <<mettre
la main à la pâteÈ est une métaphore qui signifie
implicitement l'idée d'un faire collectif, un faire qui, ultimement,
mènerait donc à un apprentissage de la part de ceux qui y
participeraient. Max est donc en train de mettre en scène et de
communiquer l'idée d'une transmission d'un savoir au quotidien, en
effectuant le travail, autrement dit en soignant les patients.
Ë la ligne 245, on voit aussi Max dire explicitement:
<< Et on n'est pas là j'dirais pour faire Ecole È.
Ainsi l'organisation souhaite être reconnue par ses partenaires dans la
non portée éducationnelle de son action. Max est en quelque sorte
en train de dire à ses partenaires qu'ils se trompent dans leur vision
implicite de MSF comme lieu de formation formelle, même s'il laisse
ouverte la porte à un
apprentissage de facto. Max est donc en train de
défendre la vision que son organisation, MSF, souhaite, semble-t-il,
transmettre ou faire para»tre à son environnement et en particulier
à ses partenaires. MSF partage donc son savoir avec les acteurs locaux,
mais ne souhaite et ne donne pas de formation officielle.
Puis, des lignes 249 à 256, on voit comment Max se
positionne implicitement comme responsabilisant ses partenaires par rapport
à l'héritage que MSF est censé apporter : ÇC'est
aussi aux gens à s'approprier les outils qu'on met à
disposition euh. Et c'est surtout de cette facon-là que je pense que
qu'il y a des acquis, des apprentissages >> (lignes 249-250). Notons que
ce positionnement quelque peu paternaliste, voire colonialiste, laisse entendre
implicitement que ces interlocuteurs et les gens qu'ils représentent
n'auraient pas conscience de cette responsabilité et n'initieraient donc
pas d'eux-mêmes de telles pratiques d'appropriation. On voit donc comment
le travail identitaire se fait dans les deux sens, les interlocuteurs de Max ne
réagissant pas aux attributions implicites de leur vis-à-vis,
laissant ouverte l'idée d'une acceptation possible de cette
attribution.
Ensuite, on voit Max parler d'évidence lorsqu'il
qualifie ce qu'il vient d'annoncer, marquant donc une certaine fermeture,
fermeture qui annonce peut-être à ses interlocuteurs qu'il n'est
pas ouvert à la négociation. Il reconfirme encore à ses
interlocuteurs que MSF ne veut pas être associé à l'image
d'une école, en faisant appel à l'image classique de
l'école dans la mémoire collectiveÇtous les matins au
tableau>> (ligne 252). Puis, Max affirme et confirme en cela que MSF,
c'est une facon de faire et des habitudes: Ç a c'est pas, c'est pas la
facon que MSF fait>> (lignes 253-254). A la suite de cela, Max relativise
son propos et sa fermeté avec l'emploi de la première personne du
singulier, oü il sous entend que ce projet ne le dérange pas
complètement de facon personnelle, mais que c'est éventuellement
avec
son organisation qu'il n'est pas en phase: Ç Moi, moi
disons de prime abord, j'ai pas de gro::sses objec::tions
È (lignes 254-255). Max fait donc en quelque sorte appel à son
expérience personnelle, à son avis d'expert face à cette
requête. De plus, c'est aussi, en quelque sorte, une tactique pour ne pas
faire perdre la face à ses vis-à-vis. En effet, il ne leur dit
évidemment pas que leur projet est inintéressant et
irréalisable car ce serait alors une offense à leur encontre. Il
s'agit ici, pour Max, de répondre ni par oui, ni par non, mais de
laisser une ouverture tout en préparant ses interlocuteurs à la
non acceptation de leur requête telle qu'elle est présentée
aujourd'hui.
De plus, on voit comment Max opère ici un subtil
détachement entre son organisation et lui-même. Notons qu'en
invoquant de la sorte la facon de faire et les habitudes de MSF, Max
présentifie MSF dans l'interaction comme un être agissant dont il
ne serait qu'un simple porte-parole. Ë ce moment là, il n'est plus
l'incarnation de MSF, mais il travaille pour MSF. Il peut être ainsi en
train de montrer à ses interlocuteurs qu'il n'est pas totalement
décisionnaire dans cette histoire et que ce sont d'autres personnes
à MSF qui décident de ces implications. Cependant, contre toute
attente, il laisse une ouverture à ses partenaires pour
l'opérationnalisation de leur requête sans grosses objections,
ceci sous-entendant qu'il y aura de toute manière des objections,
mêmes petites. Autrement dit, c'est comme si Max leur disait, ÇJe
n'ai pas de grosses objections par rapport à ce que vous proposez, mais
ma (petite) objection, en quelque sorte, c'est que nous ne sommes pas une
école et qu'il n'y aura pas de formation formelle È.
Ajoutons que Max, à la ligne 256, invoque le Docteur
Luc, qui est un jeune médecin congolais qui travaille au coté du
chirurgien MSF à l'hôpital de Mumba. La raison pour laquelle Max
invoque le Docteur Luc semble être qu'il veut démontrer à
ses interlocuteurs que ce qu'ils demandent, MSF le fait déjà avec
lui, démontrant
ainsi sa générosité et son principe
d'apprentissage au quotidien. A la ligne 258, Guy confirme par un Ç
VoilàÈ le raisonnement ou du moins le propos de Max, marquant un
alignement entre les deux parties (et donc une co-construction identitaire
implicite). Puis, des lignes 260 à 264, le porte-parole de MSF poursuit
son raisonnement en justifiant le rôle de MSF dans la formation du
docteur Luc et la transmission du savoir au quotidien à la
manière MSF. Donc MSF appara»t ainsi implicitement comme
n'étant pas avare dans la communication de son savoir à
l'autre.
Cependant, des lignes 272 à 273, Max dit aussi que
l'action de MSF à l'hôpital nécessite du personnel
qualifié, l'organisation se présentant donc comme soucieuse de la
qualification de ses membres, laissant entendre que MSF fait donc, en quelque
sorte, les choses bien. Puis, des lignes 279 à 282, Max marque son
désir de conna»tre le point de vue de ses interlocuteurs sur les
conséquences pratiques de leur requête. Il renvoie en quelque
sorte la balle dans leur camp en leur demandant donc de formuler
l'opérationnalisation de leur demande et en les mettant ainsi devant
leurs responsabilités. Notons aussi qu'il prend la défense du
docteur Luc, car il comprend la requête de ses partenaires comme une
perte d'espace, donc de travail et d'apprentissage pour ce médecin.
284 Guy ((il parle avec un debit de parole relativement
rapide)) = Nonnon, ce n'est pas
285 de cette façon que nous avons pensé,
c'est-à-dire que Luc est là, vous
286 comprendrez l'autre fois on l'a dit, nous n'avons pas voulu
lui confier
287 de responsabilité parce qu'on savait que, il venait
à peine de terminer, qu'il
288 n'avait pas assez d'expérience raison pour laquelle
jusqu'à ce jour c'est docteur
289 Joseph qui qui porte qui porte les deux chapeaux, nous
l'idée c'est que la
290 personne que nous envoyons là-bas n'est pas là
uniquement pour la chirurgie
291 parce que avec le projet vous vous rendez compte que, il ya
un afflux massif de de
292 de malades et que la chir- que le volume de travail::
augmente. a sera aussi pour
293 nous une façon de désengorger un peu docteur
Joseph qui en fait doit
294 normalement s'occuper des aspects euh techniques
administratifs de la zone de
295 santé, le médecin qui sera là, il est
là pour une durée de de de trois mois. Et pour
296 ce qui est de la chirurgie euh c'est au chirurgien de voir
comment les utiliser.
297 Donc utiliser Luc et utiliser celui qui sera là. S'il
n'est pas euh:: au bloc ce jour -là,
298 il peut, peut être, être en médecin
interne ou en chirurgie euh en pédiatrie. Donc
299 c'est c'est de cette façon-là que nous, donc il
est là juste pour une période de 3
300 mois mais il bénéficie de de
l'expérience de de de du chirurgien MSF. S'il y a par
301 exemple dix interventions programmées pour la jour
née, Luc prend cinq, lui
302 prend cinq hein comme ça euh ils ils se relayent. Pour
nous le prob - le l'important
303 pour nous c'est que, évidemment ce sont des jeunes, il
y a d'autres interventions
304 qu'ils peuvent faire, d'autres non. Mais en voyant le
chirurgien MSF le faire, à la
305 longue, ils peuvent être a mesure aussi de le faire,
donc que, acquérir de cette
306 expérience-la. Je crois que c'est c'est de cette
facon-la que::
307
308 Tony Oui en fait on se dit sans doute avec l'intervention de
MSF, on aura l'afflux de::
309 de patients donc on aura besoin d'un personnel
supplémentaire. Et on se dit il ne
310 serait pas bien de prendre un médecin euh euh pour
neuf mois par exemple hein
311 alors qu'on pourrait potentialiser ce ce médecin-la.
On prend par exemple le
312 médecin de la zone de santé voisine qui vient
pendant trois mois tout en appuyant
313 l'équipe qui est la. Donc il fournit les services de
médecin il profite en même
314 temps de l'expérience des médecins qui sont la,
des médecins expérimentés MSF.
315 Et alors pendant les trois mois, il acquiert des
compétences, dès qu'il rentre dans
316 sa zo[
317
318 Guy [dans son hôpital
319
320 Tony Dans son hôpital, il améliore aussi dans sa
zone dans son hôpital. Et donc que, on
321 se dit ce serait une facon de de potentialiser de de faire en
fait d'une pierre=
322
323 Guy =deux coups=
324
325 Tony =Deux coups : on intervient, on améliore la
l'accessibilité, mais on améliore
326 aussi=
327
328 Guy =l'offre=
329
330 Tony =dans la périphérie. Donc c'est un peu ce
qu'on a pensé. Le seul euh, la la seule
331 préoccupation qui s'est faite c'est que euh, en
déplacant ces euh ce personnel-la, il
332 vase créer un beug = un vide
333
334 Max hum
335
336 Tony dans l'hôpital. Donc l'inspection a dit il y a un
médecin qui pourrait faire donc le
337 le le c'est un, c'est un autre médecin qui va aussi
bénéficier en fait de cette
338 formation mais en dernier lieu. Donc les trois derniers mois
ce médecin pourrait
339 alors se retrouver euh euh aussi pour cette formation=
340
341 Guy = Mais entre temps il couvre [les absences
342
343 Tony [il couvre les absences dans les autres centres=
344
345 Guy =des autres médecins dans les autres centres donc
quand il y a un médecin par
346 exemple dans la zone A qui est a Mumba, ce médecin-la
couvre son absence
347 pendant les trois mois=
348
349 Tony =les trois mois
350
351 Guy Quand le deuxième médecin de la zone B ira
a Mumba et que celui qui était a
352 Mumba revient a son poste, il couvre l'absence du
médecin dans la zone B
353
354 Tony voila
355
356 Guy et que lui sera le dernier a bénéficier de
ce passage=
357
358 Tony =ce déploiement
359
360 Guy deMumba
Des lignes 284 a 306, Guy répond a Max et, dans un
premier temps, lui signifie formellement qu'il n'est pas question d'enlever de
l'espace au docteur Luc a l'hôpital de Mumba au profit de ce projet et de
ce fait, redéfinit les conséquences de leur proposition. Puis il
invoque le docteur Joseph et son rôle dans l'hôpital comme
médecin et administrateur, laissant ainsi entendre que celui-ci est
débordé et qu'il a donc besoin de soutien, donc de
médecins supplémentaires. Guy semble ainsi
démontrer à Max que cette requête n'est
pas inconsidérée ou une lubie de leur part, mais bien une
nécessité, un besoin, qui est le résultat de
l'intervention de MSF à l'hôpital. Tony et Guy visent donc, en
quelque sorte, à responsabiliser MSF par rapport aux conséquences
de ses interventions, de sa présence/ingérence à Mumba.
MSF est donc implicitement présentée ici par ses partenaires
comme une charge de travail supplémentaire, car il y a une augmentation
de patients, donc de la charge de travail et par conséquent cela
amène une nécessaire réorganisation à leurs
yeux.
MSF est donc ici synonyme de changement perturbateur, une
attribution qui leur permet ainsi d'espérer qu'en retour,
donnant/donnant, MSF accepte, en compensation pour cette surcharge de travail
et ce mini bouleversement, de contribuer à l'apprentissage des
médecins qui se rendraient à son hôpital pour y travailler.
Selon eux, MSF doit donc comprendre qu'elle doit faciliter la tâche de
ses partenaires en acceptant la requête et ainsi permettre à
plusieurs chirurgiens d'apprendre de l'expérience du chirurgien MSF. Des
lignes 308 à 316, on voit Tony poursuivre le travail de
responsabilisation et d'appropriation de la requête de MSF que son
collègue a formulé. Il signifie alors que le but de
l'opération est d'utiliser le temps de présence de MSF à
l'hôpital pour optimiser le savoir et les compétences des
médecins/chirurgiens locaux: Ç Donc il fournit les services de
médecin il profite en même temps de l'expérience des
médecins qui sont là, des médecins
expérimentés MSFÈ (lignes 313-314).
L'issue de la requête du point de vue des partenaires
est donc de potentialiser la présence de MSF. Ainsi, MSF est
présentée de nouveau comme une opportunité à
saisir, l'idée étant de puiser dans les ressources que peut
offrir l'organisation à la région. Ë la ligne 325, Tony dit
qu'il est ainsi possible de faire d'une pierre deux coups, métaphore qui
indique la réalisation ou la résolution de
deux choses à la fois en une seule action. La
présence de MSF et de chirurgiens expérimentés est donc
implicitement présentée comme une opportunité pour
améliorer les compétences des chirurgiens, non pas seulement dans
la zone d'intervention de MSF, dans la zone de Mumba donc, mais aussi dans les
zones périphériques. Des lignes 336 à 360, Tony et Guy
montrent qu'ils ont déjà réfléchi à
l'opérationnalisation de leur proposition et qu'ils en ont
déjà parlé à des instances, invoquant par exemple
l'inspection médicale. De plus, ils donnent beaucoup d'informations sur
la faisabilité du projet, afin, semble-t-il, de montrer à Max que
celui-ci est raisonné et construit.
362 Tony Donc on a pensé que ce sera un système de
trois mois trois mois et donc à ce
363 moment-là, le coût coût
supplémentaire peut être cela que cela ça ça
pourrait
364 jouer, c'est c'est de dire est ce que MSF prévoit
payer donc un médecin
365 supplémentaire? Si tel est le cas ça serait
facile alors comme ça c e médecin qui
366 remplacerait irait prendre les primes de ceux qui euh qui
sont euh.
367
368 Max a pour l'instant, pour moi pour le point de vue
administratifeuh ça moi j'ai pas
369 d'enveloppe de prévu pour ça.
370
371 Tony Hum
372
373 Max Mon enveloppe est déjà, mon budget est
déjà fait
374
375 Tony Hum
376
377 Max Pour toute l'année 2006 euh on a sorti, on a
principalement prévu du personnel
378 infirmier=
379
380 Guy =infirmier
381
382 Max supplémentaire parce que c'est vrai de ce
cTMté -là euh euh qu'il y a des manques (.)
383 euh donc moi j'en ai pas, j'en ai malheureusement pas de
budget de ce cTMté-là
384 euh.
385
386 Guy hum hum
387
388 Max Euh après moi comme je vous dis j'ai pas euh de
prime abord j'ai pas de
389 d'objection qu'on puisse procéder comme ça de
cette façon-là
390
391 Guy humhum
392
393 Max euh euh à vous de voir Ðlà à
l'inspection provinciale, comme vous pouvez faire; est
394 ce que CEMUBAC, parce que moi je trouve que ça
s'inscrit euh directement dans
395 dans ce que le CEMUBAC veut faire en termes de
développement. Euh euh, moi
396 j'ai pas d'objection à ce qu'on le fasse en
collaboration sauf que du point de vue
397 administratif, moi j'ai pas pour l'instant j'ai pas cette
marge de manoeuvre-là.
398 Mon budget vient de passer en commission budgétaire
à Paris euh::: j'vais pas
399 pouvoir euh faire des ajouts de ce cTMté-là.
((il affiche un visage désolé et
400 compréhensif))
401
402 X Hum
Des lignes 363 à 366, on voit enfin Tony formuler
implicitement une
en charge le projet financièrement. Il déclare
ainsi: << le coüt coüt supplémentaire peut être
cela que cela ça ça pourrait jouer, c'est c'est de dire est ce
que MSF prévoit payer donc un médecin supplémentaire? Si
tel est le cas ça serait facile alors comme ça ce médecin
qui remplacerait irait prendre les primes de ceux qui euh qui sont euh
È. MSF est donc de nouveau positionnée comme une
opportunité, mais cette fois-ci en termes monétaires.
L'organisation MSF semble ainsi présentifiée comme une
possibilité de faciliter des projets de changement et
d'amélioration des systèmes partenaires. En ce qui concerne le
point financier, Max répond à ses interlocuteurs en disant:
<< a pour l'instant, pour moi pour le point de vue administratif euh
ça moi j'ai pas d'enveloppe de prévu pour çaÈ
(lignes 368-369). S'il se confirme implicitement comme décisionnaire
d'un point de vue financier, il en profite donc pour dire qu'il ne peut rien
faire pour eux de ce coté-là, prétextant que cela
n'était pas prévu.
A la ligne 373, Max invoque donc la figure du budget et c'est
ce budget qui l'empêcherait, selon lui, de donner suite à la
demande de financement: << Mon enveloppe est déjà, mon
budget est déjà fait È. MSF appara»t ainsi comme une
organisation qui prévoit et planifie les choses, de façon
comptable notamment. Des lignes 382 à 383, MSF, par
l'intermédiaire de Max, se présente comme une organisation qui
pallie les manques en matière de personnel dans ses interventions, cela
après les avoir constaté sur le terrain. Max est ainsi en train
de positionner MSF comme n'étant ni un bailleur de fonds, ni la
trésorerie de la région, mais une association qui dépense
son argent pour parer au plus urgent et répondre à sa mission.
Cependant, notons aussi que Max s'excuse implicitement
auprès de ses
proj et, laissant entendre qu'il est toujours favorable
à leur demande d'apprentissage sur le tas : Ç Euh après
moi comme je vous dis j'ai pas euh de prime abord j'ai pas de d'objection qu'on
puisse procéder comme ça de cette façon-là >>
(lignes 388-389) et Ç j'ai pas d'objection à ce qu'on le fasse en
collaboration>> (ligne 396). Puis, il les dirige vers un autre
interlocuteur pour le financement de leur projet, en invoquant son nom et sa
façon de faire: Ç parce que moi je trouve que ça s'inscrit
euh directement dans dans ce que le CEMUBAC veut faire en termes de
développement>> (lignes 394-395). Max renvoie ses interlocuteurs
à ce qu'il présente implicitement comme leur
responsabilité quant à la faisabilité financière de
leur projet. Il est à noter que Max invoque le CEMUBAC en l'associant au
développement. Par opposition, MSF est associé à l'urgence
et n'est donc pas apte à financer ce projet du point de vue de ses
principes de bases. C'est une collaboration qui est proposée et non une
prise en charge du projet. Max invoque aussi, à la ligne 398, la
commission budgétaire de Paris et par ce biais, il montre donc à
ses interlocuteurs qu'il n'est pas le seul décisionnaire et qu'il est,
en fait, un simple maillon de la structure internationale de MSF.
Cet extrait nous a montré comment des partenaires de
MSF peuvent en quelque sorte jouer sur l'identité de MSF en
tâchant de saisir les moindres opportunités que sa présence
peut leur offrir. Nous avons vu comment Tony et Guy tentent ainsi implicitement
de redéfinir l'action possible de MSF selon leurs
intéréts, mais aussi comment Max se pose en gardien de
l'image/identité que peut/doit avoir son organisation auprès de
son environnement, excluant certaines dimensions de l'action que peut poser son
organisation vis-à-vis de son environnement. On voit comment Tony et Guy
présentent implicitement et explicitement MSF comme détentrice
d'un savoir et d'une expérience à transmettre à l'autre
sur le terrain de ses
opérations, ce qui est confirmé par Max, même
si celui-ci ne veut pas parler de formation, comme eux le font, mais bien
d'apprentissage.
De plus, notons que Tony et Guy positionnent implicitement MSF
comme un déclencheur de changements et qu'à ce titre ils
demandent qu'elle se responsabilise et réponde fa vorablement à
leur requête. Max, quant à lui et en tant que porte-parole de MSF,
a tout au long de l'interaction fait une sorte de travail de Ç
défiguration È (notons que par défiguration, j'entend ici
déconstruction) des figures invoquées par ses interlocuteurs afin
d'asseoir et de les convaincre de sa propre vision de MSF, donc de la vision
qu'ils doivent en avoir. Cette interaction a démontré que la
co-construction de l'identité de MSF se faisait dans la
négociation, à travers un combat de mots et d'imag es, de part et
d'autre. Nous constatons alors qu'une requête peut être vue comme
une participation à la construction identitaire de l'organisation. Nous
avons aussi vu qu'être partenaire de MSF ne signifiait pas
forcément le fait d'en faire partie à part entière comme
un de ses membres, de pouvoir parler en son nom. Finalement, il semble que
l'identité de MSF fasse l'objet d'un contrôle de tous les jours
dans les interactions de ses membres avec leur environnement.
5.5 Analyse de la Sequence D : Conversation entre Max
et Eric
Les séquences précédemment
analysées nous ont montré des cas oü la question de
l'identité para»t évidente à traiter car MSF est
positionnée dans le discours de manière explicite, mais ce n'est
pas toujours le cas dans le travail de construction de l'identité
organisationnelle. Ainsi, l'extrait qui suit va nous démontrer que
même les discussions les plus anodines peuvent aussi faire l'objet d'une
négociation identitaire. De plus, cet extrait nous amène dans une
dimension
plus ÇinterneÈ de l'organisation MSF, car il
implique deux de ses membres en interaction: ainsi il est intéressant de
voir comment ces deux membres la définissent. MSF y est
positionné de manière implicite, mais le dépliage
analytique que nous opérerons ouvre la voie vers la découverte
d'autres traits identitaires moins évidents à observer.
5.5.1. Contexte de la séquence
L'extrait qui va faire l'objet de notre analyse s'inscrit dans
un contexte précis qu'il est important de conna»tre afin de mieux
saisir le propos des acteurs réunis dans cette interaction. Ainsi,
l'interaction qui va nous intéresser intervient tout juste après
une réunion d'environ une heure qui a réunit le Docteur Joseph
(directeur de l'hôpital de Mumba), Eric (Responsable terrain MSF) et Max
(Chef de mission MSF). Ces trois personnes sont réunies dans le cadre
d'un partenariat entre MSF et l'hôpital de Mumba, partenariat qui est
officialisé par un protocole d'accord. Ë l'hôpital de Mumba,
le directeur de l'hôpital, le Docteur Joseph est responsable du personnel
de celui-ci et de sa gestion et rend ainsi des comptes à un
comité de direction qui dépend du Ministère de la
santé congolais. C'est donc lui l'interlocuteur principal au niveau
local pour MSF, qui est représenté par Eric, responsable terrain.
Ë ce titre, Eric prend en charge la mise en Ïuvre à Mumba de
la mission MSF et localement, il est aussi responsable des autres
employés de MSF. Les deux hommes sont donc amenés à se
rencontrer régulièrement pour s'entendre sur les modalités
d'action et de mise en place de la mission. Concrètement, cela s'exprime
par un ajout de personnel, une réorganisation des locaux, des pratiques
en vigueur, dans le but d'améliorer la prise en charge des patients et
d'accroitre la qualité des soins et le nombre de patients afin de
répondre à une forte demande.
Nous retrouvons aussi, dans lÕinteraction, Max, chef de
mission MSF et coordinateur des missions MSF au Nord-Kivu. Ë ce titre, il
fait donc réguliérement des tournées pour rendre visite
aux acteurs des missions dont il a la charge et pour verifier la bonne marche
de celles-ci. Il est le superviseur hiérarchique de Eric et des autres
responsables terrain de MSF au Nord -Kivu. CÕest donc dans ce cadre
quÕil se trouve aux cotés de Eric à lÕhTMpital de
Mumba. De plus, afin de replacer lÕaction de façon temporelle, il
est à noter que MSF est present à lÕhTMpital de Mumba
depuis aofit 2005 et nous sommes, au moment de lÕinteraction, en
novembre, donc leur partenariat a commence récemment.
Lors de cette reunion, de nombreux sujets ont
été abordés par les trois hommes concernant la vie
courante de lÕhTMpital et les changements qui y ont lieu, mais deux
sujets plus particuliérement sÕavèrent polémiques.
Ils font donc lÕobjet dÕune négociation car les avis sont
différents, notamment entre les deux représentants de MSF et le
directeur de lÕhTMpital. Il sÕagit dÕun premier
désaccord au sujet dÕune clinique privée qui est prise en
charge par lÕhTMpital et qui oblige les infirmiers à quitter
leurs services, laissant les patients sans surveillance médicale, pour
aller visiter un ou deux malades à lÕoccasion. Eric et Max sont
dérangés par cette idée, alors que le Docteur Joseph
considére que ce nÕest pas problématique, car si il y a un
probléme les infirmiers seront alertés. Le second
désaccord qui oppose ces messieurs concerne une reunion du staff medical
qui a lieu le matin trois fois par semaine, laissant les patients sans
surveillance médicale. Pour le Docteur Joseph, ces reunions sont
trés importantes car elles sÕinsérent dans une logique de
transmission du savoir et des experiences de chacun face aux cas
médicaux traités dans lÕhTMpital, cÕest une sorte
de mise à niveau réguliére du personnel au complet. Eric
et Max se déclarent inquiets et proposent des solutions pour que les
patients ne res tent pas seuls, tout en
respectant le volet transmission d'informations et formation.
Finalement, le Docteur Joseph ne semble pas être convaincu et conclut en
appelant à l'observation. Il souhaite voir avec le temps ce qu'il
adviendra.
Ë la fin de cette réunion, Eric et Max se
retrouvent devant l'hôpital près de la voiture qui porte les
couleurs de MSF (logo sur un drapeau qui flotte sur la voiture). Leur
discussion est informelle, mais fait état du ressenti de chacun suite
à cette réunion et leur propos sont emprunts de
l'atmosphère électrique des discordes qui ont eu lieu quelques
minutes plus tôt dans le bureau du Docteur Joseph.
5.5.2. Analyse de la séquence
Nous allons commencer par une vue d'ensemble de cet extrait
puis par une description et une analyse linéaire de cette
séquence. On peut dire que le rythme de la conversation est tonique et
rapide car les enchainements de tours de paroles sont presque tous sans pauses
et il y a plusieurs chevauchements. Cela exprime certainement une certaine
tension au vu du contexte de la discussion que nous avons préalablement
décrite. Les tours de parole de Max apparaissent plus longs que ceux de
Eric, lui donnant ainsi l'occasion de développer à voix haute sa
pensée, alors que Eric fonctionne plus par des interjections et des
phrases courtes. On peut alors dire que Eric est tout au long de la
conversation à l'écoute de Max, sanctionnant, qualifiant ou
prolongeant les dires de son interlocuteur.
11
|
Max
|
Bon au début ça a été difficile aussi
à Laika:: ça a pas été non plus Si:: simple que
|
12
|
|
ça (.) mais après euh:: deux mois de fonctionnement
c'est là que ça s'est mis à:::
|
13
|
|
(.)=
|
14
|
|
|
15
|
Eric
|
=[XXX (inaudible)=
|
16
|
|
|
17
|
Max
|
=[Ë avoir de la facilité (.)=
|
18
|
|
|
19
|
Eric
|
=[Parce que=
|
20
|
|
|
21
|
Max
|
=La Réalité fini tous par nous rattraper Ah Ah Ah
(rire cynique) =
|
22
|
|
|
23
|
Eric
|
=Non mais tu vois sur des trucs j'ai pas envie qu'elle nous
rattrape quoi sur des
|
24
25
26
|
|
trucs euh:: (.) j'ai pas envie qu'on prenne une décision
une fois qu'y a un gamin qui est éclaté=
|
27
|
Max
|
=Non non non=
|
|
28
|
|
|
|
29
|
Eric
|
=Tu vois=
|
|
30
|
|
|
|
31
|
Max
|
=Mais mais j'dis ça dans le sens oü ya d'la
|
réalité euh=
|
32
|
|
|
|
33
|
Eric
|
=Ouais=
|
|
Max amorce cette discussion avec Eric en faisant état
de la situation à Mumba par le biais d'une comparaison. En effet, il
invoque le déroulement d'une mission MSF proche en termes de temps et
d'espace, soit celle de Laika. Il se présente donc comme porte-parole de
la situation à Laika, une mission qui se déroule aussi dans la
région du Nord -Kivu et dont il est aussi le superviseur. En faisant
cela, on peut avancer que Max effectue un travail de normalisation de la
situation présente. En normalisant la situation, Max exprime le fait que
ce type de situation (assez tendue) est connu et habituel chez MSF. Ainsi comme
c'est une situation normale, cela renvoie à une réponse normale
de la part de MSF, donc à ce que fait MSF et comment l'organisation agit
dans ce cadre-là. En conséquence, si l'on considère que
l'action d'un acteur a vocation de refléter une partie de ce qu'est cet
acteur, nous sommes donc face à un travail de construction identitaire
et donc de ce qu'est MSF habituellement et itérablement.
La situation présente est qualifiée de difficile
par Max << Bon au début ça a été difficile
aussi à Laika:: ça a pas été non plus Si::
simple que ça (.)È (lignes 11-12). En suivant le fil de cette
comparais on, il signifie toutefois à Eric que la situation
présente tend à l'amélioration après un certain
temps. Il dit ainsi, de la ligne 12 à 17, << mais après
euh:: deux mois de fonctionnement c'est là que ça s'est mis
à::: [É] à avoir de la facilité (.) È. On
peut ainsi supposer qu'en invoquant une mission équivalente à
celle dont Eric à la charge à Mumba, il souhaite le rassurer et
l'encourager. Il conclut son tour de parole en disant : <<La
Réalité finit tous par nous
rattraper>> (ligne 21), ce qui devrait s'apparenter
donc, pour Max, à une note d'espoir pour Eric et une issue positive de
l'accomplissement de sa mission. Du latin res qui signifie la chose,
la réalité désigne communément ce qui est
réel, ce qui existe vraiment par opposition à ce qui est
rêvé ou imaginaire.
L'interaction aurait pu s'arrêter là si Eric
avait acquiescé, mais il enchaine par un << =Non>> (ligne
23) et poursuit en disant qu'il ne souhaite pas avoir à faire face
à la réalité car pour lui, cette réalité
pourrait être la mort d'un enfant: << j'ai pas envie qu'on prenne
une décision une fois qu'y a un gamin qui est
éclaté=>> (lignes 24-25). Il semble donc y avoir une
mécompréhension entre Max et Eric sur ce qu'ils entendent par le
mot réalité. Max reprend la parole et ajoute des
éléments à son argumentation pour permettre à Eric
de suivre sa pensée entre les lignes 31 à 41. Il
défin»t donc ce que signifie pour lui la réalité,
c'est à dire des faits, du concret, des actions posées :
<<C'est à dire du concret ? en faisant les ?choses que:::
que au fur et à mesure que::: qu'ils finissent par se rendre compte
d'eux même hein >> (lignes 35- 3 6). Les propos de Max portent
à croire ici qu'il y a une sorte de vérité omnisciente,
qui n'est connue que des acteurs de MSF et qui apparaitrait donc par le biais
de leurs actions. Les membres de MSF, représentés par le <<
on >> (ligne 37), sont donc positionnés comme ceux qui savent, par
opposition à <<eux >> (lignes 36 et 38), les partenaires,
qui ne savent pas (les hôpitaux, les centres de santé, les
représentants de ces structures). La réalité c'est aussi
ce que l'on fait et ce qu'on ne peut pas faire, comme on peut le constater dans
l'interaction, des lignes 37 à 46 :
35 Max =C'est à dire du concret en faisant les
choses que::: que au fur età mesure
36 que::: qu'ils finissent par se rendre compte d'eux même
hein et puis c'est normal
37 que:: on leur fait changer beaucoup de choses on
réorganise plein de choses
38 donc euh ça les euh et donc c'est confrontant pour eux
hein c'est normal:: quoi
39 on peut pas:: Et puis on peut pas leur présenter le
truc à chaque fois en leur
40 disant:: tout est croche votre truc faut tout refaire parce
que c'est::: ils s'en
41 prennent plein la gueule quoi [et:::
42
43 Eric [Ouais nan mais en même temps on le fait pas
44 comme ça tu vois
4 5
46 Max Non voilà on le fait pas comme ca mais cÕest
pour ca que ca prend du temps cÕest
47 pour ca que ca prend plusie- ca prend des discussions et que
parfois cÕest chiant et
48 que Ah Ah Ah ( rire gene) mais bon cÕest:::
49
50 (3.0)
51
52 Max Et cÕest partout pareil hein
52
53 Eric Ah bein ouais ouais
Ë la ligne 37, MSF, par lÕintermédiaire de
Max, est présenté comme lÕinitiateur de changements et de
reorganisation dans le cadre de ses partenariats. Max signifie toutefois que de
telles actions peuvent etre inquiétantes pour les partenaires de MSF,
tout en disant aussi que cette inquietude est comprehensible, comme on peut le
constater à la ligne 38 : Ç cÕest confrontant pour eux
hein cÕest normal:: È. MSF justifie donc la resistance au
changement et lÕintegre dans son action et dans sa normalité.
Ë la ligne 39, il poursuit en disant deux fois « on peut pas »,
invoquant par cela un certain principe de respect du partenaire, principe
quÕil est, selon lui, nécessaire dÕappliquer dans le cadre
de lÕaction. Au niveau identitaire, on peut donc avancer quÕen
parlant de la sorte, Max met indirectement de lÕavant certaines valeurs
qui définirait MSF et son action, autrement dit, des valeurs de respect
vis-à-vis des partenaires avec qui lÕon travaille. Nos actions
mettent en scene nos paroles, il faut donc transmettre une certaine image par
nos actions qui est en totale correlation avec nos propos.
En suivant cette idée, faire cÕest donc etre, au
même titre que Ç dire cÕest faire È selon Austin
(1991). Il faut donc faire les choses et parler en adéquation avec nos
valeurs, nos principes, valeurs et principes qui définissent ce que nous
sommes et donc notre identité. Les paroles dÕEric aux lignes
43-44 sÕapparentent donc à une affirmation identitaire, presentee
comme une sorte dÕévidence implicite. Eric semble alors
rétorquer à Max que ce respect du partenaire ne doit pas aller
jusquÕà remettre en cause les pratiques de MSF, ou du moins la
vision quÕil en a. Max lui répond alors
: << Non voilà on le fait pas comme ça
mais>> (ligne 46), il marque donc son désaccord par rapport
à cette vision et, par l'emploi du <<mais >>, annonce la
venue d'un argument plus fort. On note donc une légère
confrontation entre eux, c'est à dire deux membres de MSF, par rapport
à ce que fait leur organisation dans ce type de situation. Il s'agit
donc d'un travail identitaire oü l'on voit que cette identité est
en tension.
Poursuivant son propos, Max insiste alors sur les notions de
temps et de discussions qui sont pour lui des conditions à la
réussite de la mission. Aux yeux de Max, la réalité est
donc le résultat d'un processus qui va dans le sens de l'action de MSF,
c'est à dire que le but de la mission de MSF se réalise gr%oce
à plusieurs facteurs qu'il présente et développe dans
cette interaction. Il y a donc le facteur temps avec : << mais
après euh:: deux mois de fonctionnement c'est là que ça
s'est mis à::: [É] à avoir de la facilité (.)
>> (lignes 12-17) et<< ça prend du ?temps >> (ligne
46). Il y a aussi l'action et le travail avec: << en faisant les
?choses >> (ligne 35) et << C'est enrageant mais en même
temps bein:: tu fais quand même ? avancer les ?choses tu finit
quand même? par avoir accès aux gens tu finis quand
même? par faire c'que tu veux faire>> (lignes 82-84). Et pour
finir, il y a un facteur déterminant dans ce processus: la parole avec:
<< ça prend des discussions>> (ligne 47), <<les
discussions>> (ligne 56), << des heu::res et des heu::res de
discussions qui aboutissent ja:mais (.) tu recommences>> (lignes 61-62)
et <<c'était cinq heures de discussions>> (ligne 64).
Le travail de normalisation de Max par le biais des
invocations appara»t clairement à ligne 52: << Et c'est
partout pareil hein >>. Ainsi, la norme est affirmée implicitement
par l'effet de répétition qu'il présente. On voit donc que
Max plaide pour un travail à long terme, voulant dire que si toutes ces
discussions peuvent être
considérées comme a priori une perte de temps,
sur le long terme, ce genre de négociations et de tergiversations
payent. Max en appelle donc à une certaine persévérance,
persévérance qui finit par porter ses fruits et qui, d'une
certaine manière, est présentée comme normale et
attendue au sein de MSF, marquant donc aussi son identité.
Ë la suite de ces mots, il poursuit son argumentation en évoquant
d'autres missions MSF comme il l'a fait en donnant l'exemple de Laika. Il
évoque ainsi des anecdotes passées de missions MSF auxquelles il
a participé au Darfour, au Soudan et au Tchad.
56 Max C'est:: euh et Ici ca va encore (.) parce que au
Soudan putain les discussions
57 foua:::: ((il bouge sa tête de gauche à
droite)) j'te dit pas hein
58
59 Eric Ah ouais j'ai fait le Nigeria aussi ca va aussi
[c'était pas mal
Ah Ah Ah
60
61 Max [Et là tu voit c'est des heu::res et des
62 heu::res de discussion qui aboutissent ja:mais (.) tu
recommences euh:: et là
63 encore tu vois encore pour se déplacer c'est nos
propres infos qu'on prend avant
64 de bouger au Darfour au Soudan c'était euh::
c'était cinq heures de discussions
65 pour pouvoir prendre la route pour euh pour faire une heure de
route (.) à chaque
66 fois à chee à tous les jours Ah Ah Ah
ça prenait l'autorisation le p'tit tampon le
67 machin (.) du AC à chaque fois qu'on faisait
euh:: qu'on se déplaçait pour aller à
68 l'appel des populations=
69
70 Eric =Et situ te déplaces sans ça ?
71
72 Max Ah tu te déplaces pas sans ça (.) Ah Ah Ah
Tu te déplaces pas sans ça
73
74 Eric Y t'arrête y t'arrête
75
76 Max Ah ouais y t'arrête (.) si t'as pas le tampon du
gouverneur du mec du AC ça prenait
77 quatre tampons à chaque arrivée dans
chaque ville fallait aller se refaire
78 tamponner parce qu'on arrivait et là c'était
trois heures de tampons euh:::
79
80 (3.0)
81
82 Max C'est enrageant mais en même temps bein:: tu fais
quand même avancer les
83 choses tu finis quand même par avoir
accès aux gens tu finis quand même
84 par faire c'que tu veux faire (.) et ça était le
bordel avec les histoires de vaccins
85 on voulait faire campagne vacci on arrive à Genina
((avec une voix grave)) Vous
86 n'avez pas l'autorisation de ramener vos vaccins euh::
Pardon Ah Ah ( rire jaune )
87 Pas de vaccination euh::Pardon Ah Ah Ah (rire
jaune) Parce que là ya 25 000
88 personnes dans le camp euh:: Ah Ah Ah (rire gene)
On peut donc dire que l'identité se construit à
l'aide du passé, par le biais d'expériences qui sont par la suite
exprimées dans des interactions par le biais de la narration, à
l'aide d'histoires et d'anecdotes à raconter à ses
interlocuteurs. L'identité d'une organisation se construit donc dans le
temps. Ainsi, en parlant de ses expériences au cours de missions
passées, Max communique ainsi un savoir de MSF
à Eric, car ce n'est pas lui seul qui a
été l'acteur de ses histoires, mais bien des équipes MSF.
C'est donc l'histoire de Médecins Sans Frontières qui est
contée à Eric afin que celui-ci s'y inscrive dans le
présent et l'avenir. Max appara»t donc dans un rTMle de formateur
vis-à-vis de Eric qui est son subalterne au niveau hiérarchique
de l'organisation ou cela peut tout simplement être une transmission du
savoir-faire organisationnel d'un collègue à un autre. Ajoutons
qu'à travers ses mots, Max semble être en train de construire une
image de son organisation, une image qu'il négocie avec Eric au cours de
l'interaction.
90 (4.0)
91
92 Eric Mais à la fin t'as réussi
93
94 Max Ë la fin on a réussi
95
96 Eric Au Nigeria on a pas réussi=
97
98 Max Ah Ah Ah ( rire jaune )=
99
100 Eric Eux ils sont pas mal aussi (.) Ah Ah Ah en
discussion=
101
102 Max =Ah ouais les soudanais et les nigériens
apparemment ils sont pas mal (.) au
103 Tchad ils ont été pas mal aussi par moment
euh
104
105 (6.0)
106
107 Max Tu vas voir le plus p'tit tu vas voir le plus grand tu
vas voir le plus grand des chefs
108 le p'tit chef Ah Ah Ah (rire a gacé)
109
110 (5.0)
111
112 Max Nous ça va encore tu vois on disait que
l'administ- qu'à l'administration du
113 territoire ils étaient chiant finalement ils nous font
pas trop chier depuis qu'on est
114 là quoi
On note que les histoires que racontent Max apparaissent comme
des symboles de réussite. Il dit à ligne 94: Ç Ë la
fin on a réussi È. Ces histoires semblent être
invoquées à titre d'arguments dans le but de convaincre l'autre
afin qu'il s'identifie, comme dans les morales des histoires pour enfants.
Ainsi,
implicitement, Max est en train de présenter et de
mobiliser une image de MSF quisemble être résiliente,
une organisation patiente et persévérante. En effet, les
histoires que raconte Max montrent que malgré tous les
obstacles bureaucratiques, MSF finit par obtenir ce qu'elle veut et à
réussir sa mission, cela à force de patience,
de diligence et gr%oce à sa détermination, trois
valeurs qui sont implicitement mises de l'avant ici.
C'est une sorte de récompense face à son
obstination et celle de ses acteurs, il dit : Ç C'est enrageant mais en
méme temps ben:: tu fais quand mémeavancer les
choses tu finis quand mémepar avoir accès
aux gens tu finis quand mémepar faire c'que tu veux faireÈ
(lignes 82-84). Ainsi, MSF est présentée comme une organisation
résiliente face aux difficultés qui sont présentes dans
son environnement. De fait, méme si cela n'est pas dit dans
l'interaction, on pourrait avancer que Max laisse entendre (ou ventriloquise)
que c'est le type d'attitude ou de comportement qui est attendu de la
part des acteurs de l'organisation. Les exemples et anecdotes que Max raconte
à Eric au cours de cette interaction servent donc à communiquer
cette vision. Ces outils servent donc à lui dire que la normalité
au sein de leur organisation est synonyme, certes, de difficulté, mais
aussi de réussite.
De plus, Max finit par une note positive aux lignes 112
à 114 en relativisant le comportement de l'administration de la RDC par
rapport aux autres pays oü les deux hommes ont accompli des missions pour
le compte de MSF. Donc à travers cette discussion, Max véhicule
le fait qu'il est important que MSF, par le biais de ses acteurs, garde son
calme et continue à discuter parce qu'à la fin elle obtient ce
qu'elle veut, soit l'aboutissement de sa mission. De facon purement
spéculative, on peut ajouter qu'à travers ce travail d'anecdotes,
donc de répétition, Max met en acte un certain leadership en
tentant d'inculquer les valeurs et pratiques de MSF à Eric ou, du moins,
la vision qu'il en a, et ce afin de renforcer son identification et de le
convertir à sa vision. Il est nécessaire à ce stade de
rappeler que Max est chef de mission, tandis qu'Eric est Responsable terrain.
Ainsi, Max, préche, en quelque sorte, par l'exemple pour qu'Eric adopte
sa vision, sa facon de voir les choses, afin
de faciliter la conduite de son travail. Car si Eric voit la
réalité comme Max la voit, il changera sans doute son approche
avec le directeur de l'hôpital, méme si celui-ci semble assez
sceptique lorsqu'il déclare à la ligne 96: << Au Nigeria on
n'a pas
réussi= È.
Pour conclure, il semble que Max et Eric communiquent deux
visions différentes de leur organisation, correspondant ainsi à
deux types de profils de membres de MSF. D'un coté il y a Eric, pour qui
MSF est une organisation avec certains protocoles, certaines manières de
faire et un but à atteindre sans perte de temps, en somme un
idéal, mais qui n'est pas toujours accompagné par la
réussite, loin s'en faut. De l'autre coté on retrouve Max, qui
semble se présenter comme la voix d'un certain compromis, d'une certaine
pragmatique de l'action humanitaire, qui considère qu'il faut composer
avec les autres, comprendre leurs perspectives, pour finalement atteindre son
objectif et réussir sa mission. En somme, c'est donc la confrontation et
la négociation de deux acteurs de MSF et semble-t-il de deux visions de
leur organisation: celle des principes, incarnées par des hommes comme
Eric qui paraissent démunis face aux réalités du terrain
et celle d'une organisation plus à l'aise et plus consciente de ces
mémes réalités, incarnées par des hommes comme Max.
Cette interaction nous a donc montré qu'il y a donc aussi, au sein de
l'organisation, une négociation pour répondre aux simples (mais
non forcement évidentes) questions: << Qui sommes nous ? È
Et donc << Qu'est ce que c'est MSF? È Ainsi, pouvons-nous dire
qu'au sein d'une organisation, les acteurs sont non seulement le produit de
leurs pratiques mais aussi définis par les principes et les valeurs
organisationnelles qui sont censés gouverner ces mémes
pratiques.
Chapitre 6 : RESULTATS DES ANALYSES &
DISCUSSION
Malgré son apparente longueur, le chapitre
précédent comportait plusieurs passages qui, même
sÕils nÕabordaient pas tous directement la question
précise de lÕidentité organisationnelle, contribuaient
selon nous à participer de la (re-)productio n identitaire de MSF. Dans
ce chapitre, nous montrerons comment les analyses proposées peuvent etre
mises en lien avec la question de recherche qui nous anime et ainsi
démontrer la valeur de notre démarche analytique.
6.1 Résultats des analyses
6.1.1 Une identification par la negation et la
différenciation
Au cours des différentes analyses, nous avons
remarqué que le discours de Max pour qualifier MSF était à
plusieurs reprises performé par la negation de type Ç on
nÕest pas ca È. Ainsi lÕorganisation est identifié,
par exemple, comme nÕétant pas un bailleur de fond ou comme
nÕétant pas une université. Le chef de mission fait donc,
en quelque sorte, un travail de défiguration en conjurant des images
auxquelles il ne souhaite pas que son organisation soit associée. Ainsi,
comme le dit Belay (1996) : Ç The process of elaboration of collective
consciousness involves contrasting one's cultural group to another. In other
words, identity does not exist by itself, in isolation, but is co-created in
relationship to others. We are defined in part as being different from
how they are. È (p. 322).
Ce travail de défiguration correspond, notamment dans
lÕanalyse de la reunion dÕinformation de lÕhTMpital de
Mumba, à une sorte de jeu de questions/réponses pour
répondre à dÕéventuelles critiques ou images
préconçues de ses interlocuteurs sous prétexte
dÕinformer. On peut donc dire, dÕune certaine maniere, que Max y
conjure des fantTMmes, cÕest-à-dire des figures qui, même
si elles sont peut-être présentes à lÕesprit de ses
interlocuteurs pour qualifier lÕaction de MSF et ce quÕelle
serait, ne correspondrait pas, selon Max, à la réalité de
cette organisation, ce qui revient à réduire du même coup
ces attributs à des Ç figures de lÕesprit È de ses
interlocuteurs. Nous sommes donc ici face à un travail de
défiguration ou de deconstruction des figures invoquées ou
attribuées par Ç lÕautre È.
Certains de ces fantTMmes peuvent etre, par exemple, issus des
origines culturelles de lÕorganisation. Ainsi comme Fox (1995) le dit,
Ç lÕaction humanitaire sans-frontiériste est fortement
imprégnée de la culture de son pays dÕorigine et de
"lÕarrogance" quÕon lui prete souvent È (p. 83 ; cite dans
Queinnec, 2004). Aussi, Max, en disant que MSF nÕest pas quelque chose,
fait intervenir, implicitement, donc sans le dire ouvertement, ce
quÕelle est censée etre. Ainsi lorsquÕil dit que MSF
nÕest pas destructrice de son environnement, il est aussi en train de
dire quÕelle est respectueuse de lÕordre établi, altruiste
et généreuse. Nous notons alors que lÕutilisation de la
negation dans le discours peut permettre, dÕune certaine maniere, de
sÕauto complimenter sans para»tre prétentieux au regard de
lÕautre. Cependant, en disant sans cesse que lÕon nÕest
pas quelque chose, on peut aussi avoir tendance, a u contraire, à rendre
plus présente cette figure dont on essaye de se débarrasser
(cÕest le paradoxe de la conjuration, voire de lÕexorcisme).
DÕautre part, on peut aussi considérer que MSF démontre
aussi une éthique dans ses
relations interpersonnelles par cette même
négation, notamment dans la conversation entre Eric et Max, oü Max
dit à Eric <<on ne peut pas imposer les choses >>. Ë ce
sujet, Picard (2008) dit: << Respecter les autres, c'est leur donner la
place et la considération qui leur reviennent et ne pas s'imposer
à eux. Cela se traduit par des marques de déférence et de
tact>> (p. 139).
De plus, nous avons aussi pu constater dans les analyses que
Max s'employait à justifier la présence de MSF, ce qui laisse
entendre qu'elle pourrait être condamnée. Autrement dit, il semble
qu'aux yeux de Max, MSF pourrait représenter quelque chose de
négatif pour << eux >>, ses partenaires et interlocuteurs,
un quelque chose contre lequel il faut donc se battre. En ce sens, il est donc
en train d'essayer d'affirmer une certaine identité en disant
<<voilà ce que nous sommes et voilà ce que nous ne sommes
pas >>. C'est donc dans cette même démarche que notamment
Max dissocie clairement son organisation du gouvernement francais, faisant
ainsi un travail de désidentification. MSF, comme beaucoup d'autres
organisations, a donc une forte tendance, à travers les interventions de
Max, à se définir par ce qu'elle n'est pas, par sa
différence, ce qui participe d'une démarche d'individuation
(Lipiansky, 1992). Dans cet esprit de différenciation, le discours de
Max, lorsque celui -ci présente MSF, s'évertue à
identifier son organisation à la notion d'urgence. En ce sens, il la
distingue des organisations centrées sur le long terme, rappelant ainsi
que MSF ne fait pas du développement dans le cadre de son action.
Comme nous l'avons noté dans nos analyses, cette
justification récurrente de la présence de MSF sur le terrain de
ses missions passe aussi par un travail de légitimation et/ou
d'argumentation. Ainsi, lorsque Max dit à ses interlocuteurs du
Ministère de la
santé du Congo que MSF n'est pas une université
et qu'elle ne fait pas l'école, on observe tout un travail de
requalification de l'organisation qui l'amène à écarter
l'idée de formation que ses interlocuteurs avaient
évoquée, mettant de l'avant la notion d'apprentissage par
observation, de facon non formelle. De cette manière, Médecins
Sans Frontières, par l'intermédiaire de Max, montre son
désir de maitriser et contrôler son image, rejetant, dans ses
interactions, toute image qui ne correspondrait pas à celle qu'elle veut
mettre de l'avant.
Le désir de singularisation de MSF est également
palpable par sa facon de donner ses propres définitions aux choses qui
l'entourent. Ainsi, on voit comment Max donne sa propre définition de
l'urgence et présente le cadre d'intervention de son organisation, aussi
identifiée comme organisation médicale d'urgence. De plus, un des
principes forts de MSF est celui d'indépendance et on voit comment il
est présenté à la fois par la différenciation et
avec l'aide de définitions donnée par Max. Ainsi être
indépendant aux yeux de MSF, c'est ne pas être dépendant
d'un quelconque gouvernement, de forces militaires et surtout d'un financement
par des fonds publics. MSF, à travers Max, marque et confirme donc son
identité en donnant ses propres traductions des principes auxquels elle
souhaite être assimilée.
De plus, ce besoin de se différencier et d'être
clair sur ce que l'organisation est et fait semble relié à
l'idée de ne pas être confondu avec une autre organisation qui
pourrait par exemple prendre part au conflit. Comme nous avons pu le remarquer,
à la question Ç Qui sommes-nous ? È, MSF par
l'intermédiaire d'un de ses membres, pourrait raisonnablement
répondre Ç nous ne sommes pas celaÈ et comme nous le dit
Mucchielli (1986) à propos de l'identité individuelle: Ç
L'identité se construit normalement par la
negation dÕun certain nombre de traits identitaires
attribues par lÕenvironnement social. " Non, je ne suis pas (nous ne
sommes pas) celui (ceux) que lÕon croit. " È (p.86).
6.1.2 Une construction dans la répétition
Les données analysées nous ont egalement
montré lÕimportance de la répétition dans la
construction de lÕidentité. Cette répétition se
déploie, semble-t-il, selon deux modalités: (1)
réitérer constamment le même discours, les mêmes
idées et les mêmes exemples, mais aussi dans le sens dÕune
transmission, (2) assurer le passage de relais, comme lors dÕune course
sportive.
SÕil existe une pratique établie chez
Médecins Sans Frontières, il semble que cela soit
dÕassurer une certaine continuité dans lÕimage
véhiculée en envoyant toujours le même message tout le
temps et à tout le monde par le biais dÕintermédiaires
comme Max (voir aussi Cooren et al., 2007 ; Cooren et al., 2008). Ce message
sÕapparente à un travail identitaire oil
lÕintermédiaire rappelle sans cesse les valeurs et les principes
de Médecins Sans Frontiéres. Remarquons que cette conception de
la communication ne consiste pas nécessairement à etre à
lÕécoute de lÕautre et/ou à sÕadapter
à un public donné, mais à lui adresser continuellement le
même message avec quelques variations. Chez MSF, au vu des extraits que
nous avons analyses, le même discours semble etre construit et
répété dans lÕesprit dÕune diffusion assez
uniforme.
Ainsi, le discours de Max est resté identique à
quelques ajustements interactionnels prés dans les quatre extraits
auxquels nous nous sommes intéressées et nous pouvons même
aussi dire la même chose à partir des différentes videos
que nous avons visionnées de lÕensemble de la base de
données, que la situation sÕavére
interactive ou non. Aussi, tel une cassette
enregistrée, Max semble constamment ventriloquiser le discours officiel
de MSF, toujours prêt notamment à parer
dÕéventuelles critiques de ses interlocuteurs. Nous notons tout
particulierement lÕutilisation des mêmes exemples dans les
extraits, comme par exemple lorsque Max présente le financement de
lÕorganisation par des dons de particuliers, se mettant lui même
en scene ainsi que ses interlocuteurs et leurs familles. Ce discours identique
et recurrent chez MSF est ainsi utilise dans le but dÕinformer Ç
lÕautre È des programmes existants, témoignant ici du
faire de lÕorganisation, mais aussi de son identité,
renvoyant ici à son 'etre.
LÕun des extraits que nous avons analyses et qui
concerne la réunion informelle entre Max et Eric nous a aussi
montré à quel point le témoignage et les anecdotes
semblent souvent mobilisées par les membres de MSF pour encourager
lÕautre à agir dÕune certaine façon ou du moins etr
e en adéquation avec une certaine vision privilégiée. Ceci
confirme que lÕidentité est quelque chose qui se construit dans
le temps et, comme nous lÕavait apprit la revue de littérature,
que lÕidentité dÕaujourdÕhui est construite gr%oce
aux histoires et anecdotes dÕhier, notamment par le témoignage
chez MSF. Ces narrations participent à construire lÕimage de MSF
aussi bien auprès de ses membres que vis-à-vis de son
environnement, oil elle est présentifié comme une organisation
résiliente, patiente et persévérante, ceci étant
démontré par la répétition dÕun même
discours et dÕhistoires.
Ë ce propos, Cheney et Christensen (2001) disent que les
constructions narratives ont une importance dans la gestion de
lÕidentité organisationnelle aussi bien au niveau interne
quÕexterne. Elles permettent aux membres de se voir comme dans un
miroir, mais elles possedent aussi des implications pour les relations
publiques. De plus,
nous avons aussi pu constater que la répétition
et l'insistance montrent que l'identité de MSF est quelque chose qui est
constamment protégée et construite, à la fois
prospectivement et rétrospectivement, les narrations apparaissant comme
des moyens très efficaces pour servir cette cause. Ajoutons qu'en ce qui
concerne la narration, Taylor et Robichaud (2007) disent: <<Narratives,
it has been argued, are motivated by the perception of a breakdown of some
sort, or a deviation from what was generally expected to happen>>
(p.11).
La répétition dans le sens d'une transmission a
en outre la vertu de participer à la construction d'une mémoire
collective en permettant à chacun de s'identifier et de se reconnaitre
dans les histoires qui sont racontées. De plus, comme le dit Brown
(1994; cité dans Giroux, 2002), elles font le lien entre les individus
qui s'identifient les uns aux autres et donne du sens à leur condition.
Mais, comme nous l'avons vu dans les analyses, il y a la
répétition d'un discours certes, mais il y a aussi la
répétition d'une action qui est valorisée chez MSF, le
passé et plus précisément les missions passées
servant de référence et validant, en quelque sorte, les missions
actuelles. Ces missions passées sont racontées de facon
informelle comme dans l'échange entre Max et Eric, oü le
témoignage fait part de l'expérience et montre le chemin à
suivre. Aussi, il semble que le passé serve de <<béquille
>> au présent tout en l'accompagnant. Nous constatons alors que
l'identité de Médecins Sans Frontières est construite et
ancrée dans l'action et dans le temps.
Ajoutons aussi que la comparaison incite la
répétition d'une facon de faire. Ainsi, lors de l'interaction
entre Max et Eric, l'idée qui semble être véhiculée
est que s'il y a de bons résultats pour l'intervention de MSF à
Laika, il va sans dire que cette facon de faire
peut être réitérée à Mumba,
car c'est aux même type de structure et d'us et coutumes que les
équipes de MSF font face. Il en ressort alors un constant aller et
retour entre le passé et le présent.
6.1.3 Un discours qui mobilise pour affirmer
l'originalité de son être
Les analyses ont fait état de nombreuses mobilisations
ou invocations au cours des interactions, Max faisant alors appel à de
nombreuses figures pour présenter son organisation. Nous avons donc vu
que MSF semblait être une organisation protocolaire avec l'invocation de
figures apparemment très actives comme les protocoles d'accord, les
principes et les guides cliniques qui normalisent la pratique médicale
lors de missions. Ces figures présentifient donc l'organisation comme
une entité stable et structurée. Cepen dant, nous avons pu
également constater que MSF est, à travers ses
représentants, souvent amenée à improviser, ce qui,
à nos yeux, l'identifie à un savoir faire pratique et adaptable.
Ce paradoxe montre qu'il s'agit d'une organisation qui laisse place à l'
imprévu, tout en essayant de le minimiser. Elle possède donc une
identité dynamique, ce qui nous renvoie au concept d'instabilité
adaptable développé par Gioia, Schultz et Corley (2000).
Comme nous avons pu le constater, MSF, c'est donc à la
fois des règle s, des principes, des protocoles et une identité
structurée qui dit à ses acteurs ÇVoilà ce que nous
sommes et ce que nous devons être È, mais c'est aussi la
réalité du terrain, des partenaires et un environnement complexe.
Tous ces éléments forcent à la négociation et
nécessite une forme d'appropriation et de traduction personnelle de la
part de ses représentants. On se retrouve donc dans une sorte
d'opposition entre une voix officielle
et la voix du terrain, qui nécessite une conciliation
pour être efficace et opérationnel. D'une certaine manière
aussi, on a pu se rendre compte, au cours des analyses, d'une sorte de Ç
schizophrénie È de la part de MSF, l'organisation se battant dans
son discours avec plusieurs identités, mobilisant plusieurs
Çêtres È. En effet, on a pu remarquer cela notamment
lorsque l'organisation, par l'intermédiaire de Max, s'évertue
à construire par le discours un ensemble alors qu'en même
temps, elle fait une distinction entre le nous et le vous
(voir aussi Chaput et al., sous presse). D'autre part, on peut aussi
retrouver ce type de paradoxe lorsque MSF clame haut et fort qu'elle ne veut
pas faire partie de convois militaires et être associée aux
militaires, quelle que soit leur bannière, même si, en même
temps, Max rend visite aux officiers de la MONUC et glisse dans la conversation
ce que fait et où se trouve MSF dans la région, afin, semble-t-il
d'obtenir une protection non-officielle de leur part ou du moins susciter leur
intérêt.
Évoluant dans un environnement complexe, MSF semble
engagée dans un combat incessant pour maintenir tant bien que mal une
structure dans un milieu d'action déstructuré (Matte, 2006).
Comme la littérature sur la question de l'identité
organisationnelle et celle sur l'identité individuelle nous l'a fait
remarquer, il n'y a donc pas une identité, mais bien des
identités (Gioia et all., 2000 ; Mead, 1933/1963, cité dans
Marchal, 2006) et c'est l'expression de cette multiplicité
d'identités qui apparait bien dans le discours de son porte-parole, Max.
Ce travail de positionnement de l'organisation et de son identité s'est
souvent révélé dans les analyses par des effets de
ventriloquie, permettant de présenter l'organisation comme une
entité très structurée par le biais de l'invocation de
principes, habitudes, protocoles et politiques, qui peuvent avoir tendance
à désarmer l'interlocuteur et produire un effet massif sur
celui-ci.
De plus, nous avons constaté que l'identité,
c'est aussi être animé par des choses, comme le souci
d'indépendance, par exemple, un souci qui pousse à agir d'une
certaine manière et dans notre cas à ne pas se joindre à
des convois militaires, par exemple. Le travail identitaire consiste à
affirmer son originalité par la mobilisation d'attributs qu'on
considère particuliers comme, pour MSF, son financement, sa
clarté et son indépendance. Le discours de MSF mobilise aussi le
facteur temps pour s'identifier, concluant en cela que la construction de
l'identité porte les stigmates d'hier, d'aujourd'hui et de demain, comme
c'était d'ailleurs signifié dans notre revue de la
littérature. En effet, nous avons vu comment Max en revenait toujours,
dans ses interventions, à la fondation de l'organisation en 1971 par des
médecins francais pour présenter MSF, comme nous avons pu le
constater dans la réunion d'information à Mumba et lors de la
rencontre avec les militaires de la MONUC.
En faisant cela, il pose de solides bases à son
discours et présente MSF comme une entité qui dure dans le temps,
qui est établie, instituée. De plus, il mobilise aussi
implicitement la figure du ÇFrench doctorÈ dans l'imaginaire de
ses interlocuteurs. Cette figure correspond à la représentation
d'un humanitaire indépendant, qui prTMne le droit d'ingérence,
qui soigne tout le monde en toute impartialité (Verna, 2007). Ë la
suite de cela, Max enchaine généralement sur la présence
internationale de l'organisation, la présentant donc implicitement comme
une organisation très structurée.
Comme en contrepoint à sa dimension internationale, MSF
est aussi présentée comme une organisa tion à
échelle humaine quand Max fait appel à la figure du donateur en
lui donnant le visage de quelqu'un de familier qui donne des petites sommes
d'argent à l'organisation. Ainsi, cette mobilisation sert à
montrer que les missions de
l Õ organisation sont financées par Ç
Monsieur et Madame tout le monde È, renvoyant à une
responsabilité financiére de lÕorganisation oil chaque
dollar doit etre dépensé consciencieusement, ce qui exige une
réciprocité de ce comportement de la part de ses partenaires.
De plus, nous avons aussi remarqué que la mobilisation
de principes, de politiques et de la presence de MSF a pour finalité de
générer lÕaction qui est souvent synonyme de changement et
de nouveauté pour ses collaborateurs. Ajoutons que Max mobilise aussi la
figure du patient dans son discours à Mumba en démontrant
lÕobjectif commun avec ses partenaires de sauver des vies, sous
entendant en cela que MSF est une organisation préoccupée et
attentive aussi bien aux patients quÕaux soignants. En outre, nous avons
remarqué à plusieurs reprises que lÕorganisation cherche
à normaliser son action dans un contexte instable et représente
cela, à travers son discours, par la mobilisation de guides et
dÕoutils cliniques, en plus de participer à la construction
dÕune mémoire organi sationnelle dans le but dÕagir et de
transmettre.
Ce besoin de normalisation exprime ainsi le caractére a
priori raisonnable et prévoyant de lÕorganisation. De plus, nous
constatons la mobilisation dÕhistoires et exemples anecdotiques de la
part de Max, histoires et exemples qui contribuent à un travail de
normalisation de la situation assez tendue qui existe entre Eric et le docteur
Joseph de lÕhTMpital de Mumba. Ë ce propos, Witten (1993 ; cite
dans Giroux & Marroquin, 2005) dit que : Ç les histoires servent
à enseigner aux employés leurs obligations ainsi que les normes
de comportements jugées acceptables par la direction È (p. 27).
Nous tenons, par ailleurs, à mettre lÕaccent sur le fait que dans
ces histoires et anecdotes invoquées, la normalité pour MSF
semble etre synonyme de difficulté, mais
tout autant de réussite. Aussi, Max valorise
l'obstination des acteurs de MSF, une obstination qui finit par payer
lorsqu'ils réussissent leurs missions, cela à force de patience,
de diligence et de détermination. On reconna»t alors que c'est le
type d'attitude qui est attendue chez MSF, une organisation qui se construit
par l'exemple. Nous notons alors que d'une certaine manière la culture
organisationnelle de MSF est mobilisée telle une boite à outils
pour répondre à de possibles problèmes (Hatch et Schultz,
2002).
D'autre part, la mobilisation du protocole par Max dans les
discussions avec ses partenaires renvoie à une certaine
opérationnalité de l'organisation, son identité
étant ainsi inscrite dans l'action par une mise en acte qui se
matérialise par la signature d'un contrat. Quant aux exemples
invoqués de la réorganisation de la gestion de la pharmacie et
des horaires des infirmiers à l'hTMpital de Mumba, il confirme que pour
MSF, l'urgence appara»t aussi bien comme un cadre opérationnel
qu'une facon d'être, car il faut prévoir et agir vite pour
être efficace, donc répondre à la mission première
de MSF. Par ailleurs, de cette argumentation construite à l'aide
d'exemples, de mobilisations de nature humaine et non-humaine, Max fait la
démonstration de ce qu'est et fait son organisation, comme, par exemple,
lorsque Max invoque le Docteur Luc, dans sa conversation avec ses partenaires
du Ministère de la Santé congolais, pour leur montrer que MSF
fait déjà de la formation non officielle avec lui alors que c'est
ce qu'ils demandent. Finalement, Max en mobilisant le rapport d'activité
trimestriel de MSF dans ses discussions avec les hommes de la MONUC et ceux du
Ministère de la santé congolais, sous-entend que la
présence de son organisation est efficace et qu'elle donne des
résultats, mais c'est aussi une invocation qui plaide en faveur du
principe de transparence de l'action de MSF et pour démontrer qu'elle
n'a rien à cacher.
Pour finir, il est à considérer qu'avec chaque
figure invoquée, viennent des traits ou des caractéristiques de
son identité. Aussi, ce travail de mobilisation dans le discours permet
de témoigner de son être. Les mobilisation et invocations montre
implicitement des aspects de la « personnalité » de MSF dans
son discours et elles servent donc à la fois à participer
à la construction de l'identité/image de l'organisation et
à adresser un message à l'autre quant aux attentes qu'une telle
identité implique.
6.1.4 Le rapport entre soi et l'autre et la question de la
co-construction
MSF et l'autre Les extraits que nous avons
analysés et plus particulierement l'analyse de la réunion
d'informations à l'hTMpital de Mumba ont fait état de la
présence et de la mobilisation constante d'un certain esprit
d'équipe chez MSF, notamment par l'utilisation dans le discours du
on et du nous, pour généralement déboucher
sur le ensemble, symbole de collaboration et d'union dans l'action
avec les partenaires. Nous remarquons donc que la parole met en scene le
collectif, un collectif qui représente l'organisation car c'est lui qui
est invoqué pour présenter l'organisation. Mucchielli (1986)
démontre que l'esprit de groupe ou d'équipe est avant tout un
sentiment d'appartenance : « On trouve dans l'esprit de groupe
l'adhésion aux normes et objectifs, l'entraide et la solidarité,
la loyauté, la confiance dans le groupe, la fierté de
l'appartenance et la valorisation des liens communautaires. Toutes ces
conduites se trempent dans la participation affective » (p. 50). Ce
sentiment d'appartenance des membres de MSF semble même être
exacerbé avec l'utilisation fréquente d'un on exclusif
qui suppose un rapport exclusif à l'autre ou au partenaire. Donc, si
l'on poursuit cette logique, le discours a apparemment pour but de projeter une
image et non de la construire avec l'autre. C'est, en quelque sorte, une
logique d'émetteur à récepteur, un
nous versus un vous. On peut alors
eventuellement se poser la question de savoir si cette logique se retrouve
autant dans le discours que dans lÕaction de MSF.
En effet, il reside une idée récurrente chez MSF
de faire ensemble, dÕessayer autant que possible de faire du sur mesure
et dÕexpérimenter des solutions avec les autres.
LÕorganisation démontre alors quÕelle a conscience
quÕil y a une marge entre les Ç grandes lignes È,
lÕexpertise/expérience et le terrain, sous entendu la
réalité de cas particulier, contextuellement et humainement
parlant. Dans ses interventions, Max présente donc souvent MSF comme une
organisation consciente de son environnement, de l'autre et qui
souhaite agir avec lui. Aussi, il répéte sans cesse quÕil
nÕest pas question de Ç casser le système È,
témoignant de son respect pour le pays hTMte tout en répondant
à une des critiques classiques adressées à
lÕendroit de son organisation. DÕailleurs, Max
répéte à ce titre que MSF se concentre sur les soins
secondaires à Mumba, sÕinsérant ainsi dans le systeme de
soins congolais. Ë propos du rapport à lÕautre et les
reactions de defense qui peuvent se manifester, Mucchielli (1986) dit dans une
réflexion sur lÕidentité individuelle :
LÕanalyse systématique des reactions
(individuelles ou groupales) aux menaces sur lÕidentité fait
appara»tre trois grandes categories de conduites : les mises à
distance (lÕautre menacant est attaqué, intimidé ou fuit)
; les immobilisations (on sÕinhibe, se dissimule ou se rétracte
devant la menace pour lÕéviter) et les rapprochements (on se
conforme ou se justifie pour neutraliser la mise en cause). (p. 113)
positionnerait plutôt dans la catégorie des
rapprochements, si l'on en croit, en tout cas, son travail de justification
assez courant. En outre, nous avons noté, au cours des analyses, que Max
tente souvent de ne pas offusquer l'autre tout en lui faisant passer
son message, montrant ainsi par exemple son caractère a priori
respectueux. A cela, il faut ajouter que MSF semble s'attendre à ce que
ses partenaires reconnaissent la valeur des outils qu'elle met à leur
disposition avant que ceux-ci ne lui demande quoi que ce soit d'autre. Un des
aspects identitaires qui est aussi projeté dans le discours est que MSF
fait tout par elle-méme, ce qui appara»t comme un synonyme
d'autonomie de l'organisation.
D'autre part, dans la réunion d'information de Mumba,
on voit Max faire tout un travail de traduction de la pensée de ses
interlocuteurs lorsqu'il laisse entendre qu'ils ont déjà
constaté par eux-mémes les problèmes que MSF veut
régler à l'hôpital. Nous notons qu'en disant cela, Max
accomplit un travail de légitimation de la présence de MSF
(<< vous aviez besoin de nous È), tout en responsabilisant ses
partenaires. Mucchielli (1986) déclare à ce propos et dans une
méme réflexion sur l'identité individuelle: <<Par
son regard, puis par ses attitudes envers moi, autrui m'attribue une
identité et me pousse à me comporter de manière à
répondre à cette définition qu'il donne de moi. "L'enfer
c'est les autres" a aussi pour signification que la relation à autrui
est, d'une certaine manière, aliénante È (p.111).
Par ailleurs, nous avons aussi pu constater au cours de
l'analyse de l'interaction entre Max et Eric qu'il existe chez MSF, à
l'interne et d'une certaine manière, au moins deux visions de
l'identité et surtout deux visions de la relation à
l'autre, le partenaire. Il est ainsi ressorti de cette analyse une
possible identité en tension de MSF et un soi
multiple, avec deux types de profils organisationnels
incarnés par Max et Eric. Ainsi, selon Eric, les perpétuelles
discussions avec les partenaires ou plus précisément dans son
cas, avec le docteur Joseph, sont considérées comme une perte de
temps et donc dÕefficacité. Tandis quÕaux yeux de Max, ces
mêmes discussions sont un facteur clef pour réussir une mission.
Aussi, en tant que porte-parole de lÕorganisation, il prTMne la
communication avec l'autre ou plutTMt une certaine
persévérance dans cet exercice.
On notera cependant quÕau delà de leurs
differences, Max et Éric présentent MSF comme détentrice
dÕun savoir, savoir que nÕont pas les autres, qui sont ceux qui
ne savent pas et quÕil faut donc guider. En même temps, au cours
de la reunion dÕinformation de lÕhTMpital de Mumba, MSF est
présenté par Max comme étant ouverte au dialogue et
à la négociation avec lÕautre, reconnaissant ainsi sa
capacité à informer lÕaction de MSF. Ceci semble donc
correspondre à lÕidée dÕune construction de
lÕidentité avec une vision externe que nous avions relevé
dans la revue de littérature, avec une projection stratégique
dÕimages qui servent à maintenir et confirmer son ou ses
identités dans le but de plaire à lÕautre en
légitimant son action et en tentant de lÕe nrTMler (Cheney et
Christensen, 2001). Cependant, comme le disait Jenkins (1994 ; cite dans Hatch
et Schultz, 2002), cÕest dans la rencontre des definitions internes et
externes de lÕorganisation que lÕidentité est
créée, donc la vision que MSF a dÕelle même et celle
quÕautrui peut avoir de lÕorganisation.
L'autre et MSF Nous souhaitons maintenant
nous intéresser au regard de lÕautre sur MSF et sa participation
à la construction de son identité, gr%oce à ce que nous
avons pu apercevoir dans les analyses des interactions. Nous disons bien
apercevoir, car il est souvent difficile de bien se rendre compte de ce regard
et de cette action. Cependant, le
choix des mots, conscient ou inconscient, nous permet tout de
méme de faire un point sur ce sujet. Lors de la rencontre entre Max et
les messieurs du Ministère de la santé congolais, nous avons
remarqué que le discours de Tony mettait en scène le
vous, en parlant de MSF et de sa façon de faire centrée
sur le patient, le nous, c'est à dire le Ministère de la
santé du Congo et sa façon de faire identique à celle de
MSF, avec en plus ce qu'il appelle un appui du système. Pour finir, le
discours de Tony se clTMt sur le ensemble avec l'annonce du souhait
que MSF se joigne à la vision du nous qu'il vient de
présenter.
Ë pro pos de l'utilisation du Nous dans le discours,
Callon et Latour (2006) disent : << Dés qu'un acteur dit "nous",
voici qu'il traduit d'autres acteurs en une seule volonté dont il
devient l'âme ou le porte-parole. Il se met à agir pour plusieurs
et non pour un seul. Il gagne de la force. Il grandit. >> (p. 16). Ainsi,
Tony en parlant au nom de MSF et en définissant sa façon de
faire, prétend que c'est quelque chose que MSF pourrait faire,
qu'implicitement ça lui correspond. Nous remarquons alors que les
partenaires se donnent un pouvoir de proposition tout comme MSF le fait en
modifiant les structures dans lesquelles elle intervient. De plus, nous nous
rendons compte qu'ils utilisent la même rhétorique du
<<Vous, Nous, Ensemble>> que MSF met en scène dans ses
discours de mobilisations.
Par ailleurs, comme Benwell et Stokoe (2006) nous le font
remarquer en citant un article de Fairclough et Wodak (1997) qui ont
analysé les discours de Margaret Thatcher, l'utilisation du pronom
nous démontre une certaine ambigu ·té en
envoyant différents messages : <<"We" was sometimes used
inclusively, to convey solidarity with the général
public ("We do enjoy a standard of living that was undreamt of then"), and
sometimes exclusively to convey an institutionalised
sense of "we", the party ("After we returned to power")È (p. 115). Comme
nous l'avons dit, le langage nous permet d'entrevoir comment MSF est percue par
autrui et donc quels sont les traits identitaires qui ressortent. Aussi, MSF
est présenté implicitement et explicitement par ses partenaires
du Ministère la santé congolais, incarnés par Guy et Tony,
comme détentrice d'un savoir à transmettre à l'autre sur
le terrain, élément qui est confirmé par Max.
Ainsi, implicitement, MSF est alors percue par ses partenaires
comme une aubaine à saisir et à exploiter, car elle
représente une opportunité pour la formation des jeunes
médecins congolais. Ë cela, il faut ajouter que les partenaires
reconnaissent donc implicitement l'expérience pertinente de MSF. Nous
notons donc que la présence de MSF est vue comme une chance à ne
pas rater par ses collaborateurs locaux et est assimilée à une
possibilité d'améliorer l'avenir. MSF est
présentifiée par ses partenaires comme une possibilité de
faciliter des projets de changement et d'amélioration des
systèmes locaux. Finalement, on peut dire que les partenaires tentent de
modifier la pensée de MSF en ajoutant le fait de penser au futur,
c'est-à-dire à l'après intervention de MSF, en exprimant
leur désir que MSF forme des médecins de facon formelle.
Implicitement, les partenaires tentent donc de redéfinir l'action
possible de MSF par rapport à leurs propres intérêts, mais
c'est une tentative qui s'avère avortée pour eux car le
porte-parole de l'organisation ne conclut pas vraiment dans ce sens.
Cependant, nous notons tout de même de la part des
partenaires la formulation d'une argumentation solide oü ils expriment une
réflexion élaborée sur ce que MSF est et fait. Tony et Guy
présentent ainsi leur requête en la qualifiant de
nécessaire et cette nécessité est dü à
l'intervention de MSF à Mumba, car sa présence augmente le
travail à
faire et que le Docteur Joseph est débordé. MSF
est donc présentée par les acteurs locaux du terrain de sa
mission comme une charge supplémentaire de travail. Il semble donc
quÕici, MSF soit synonyme de changement Ç perturbateur È
et cela même si dans le discours de MSF, lÕorganisation dit
quÕelle propose, mais nÕimpose pas les changements.
Par ailleurs, nous nous sommes rendue compte dans les
analyses, quÕen suivant ce raisonnement, les partenaires poursuivent un
travail de responsabilisation de MSF face aux consequences de son intervention,
des changements quÕelle déclenche et finalement de son
ingérence. Ainsi, elle se doit d'être responsable et notamment de
répondre positivement à leur requête afin de donner une
contrepartie à sa presence. De plus, nous avons note la mise en
Ïuvre dÕun travail dÕappropriation de la requête
à lÕencontre de MSF, en disant que celle-ci aurait pu etre
proposée par MSF elle-même. On peut penser que le format de la
presence de MSF au titre de partenariat/collaboration pousse à ce genre
de réflexion, dans la mesure oil cela peut induire une sorte de relation
dÕégal à égal.
En réalité, on sait que cette relation est
presque impossible car cÕest MSF qui amene le financement et les moyens
dÕaction, ce qui lui confére donc un pouvoir supérieur
à celui de ses partenaires. Ajoutons que les partenaires semblent etre
conscients de cette réalité et que cÕest sans doute pour
cela quÕils semblent trés prudents et précautionneux dans
la formulation de leur requête. Finalement, on peut dire que cÕest
par un mélange de plaintes et de marques de reconnaissance que
sÕexprime le regard de Tony, Guy et le Docteur Joseph sur MSF, une
organisation qui sÕavére etre pour le ministére de la
sante et la population congolaise quÕils représentent, une
opportunité en terme de savoirs, mais aussi en terme financiers. Quant
aux deux hommes de la
MONUC avec lesquels Max sÕentretient dans une de nos
sequences analysées, leur regard marque une certaine reconnaissance
envers MSF et le travail que ses acteurs accomplissent dans la region.
Que dire de la co-construction et de la
négociation ? Aprés avoir présenté le
rapport que MSF entretient avec autrui et nous etre penché sur le regard
dÕautrui vis à vis de MSF, nous sommes naturellement
amenée à nous interroger sur la question de la co-construction de
lÕidentité de MSF. Dans lÕanalyse de lÕextrait sur
la reunion dÕinformation MSF, le public semble etre là pour
prendre acte des dires de Max, les comprendre et si possible adhérer aux
principes de MSF. En effet, dans son discours, il fait appel à des
principes quÕil présente comme fondateurs,
cÕest-à-dire quÕimplicitement il signifie à ses
interlocuteurs quÕils ne peuvent pas faire lÕobjet dÕune
négociation. Aussi, il semble difficile de parler de co-construction de
lÕ etre dans cette situation, contrairement à celle
du faire, cÕest-à-dire de lÕaction, qui fait
lÕobjet dÕune demande explicite de la part de Max, le
porte-parole.
Cependant, on peut imaginer une co-construction de
lÕidentité de lÕorganisation entre les membres de ladite
organisation, car dans cette même sequence, Max invite les membres de la
mission à participer à la presentation de lÕorganisation.
Cette démarche para»t logique, étant donné que la
structure de lÕorganisation est associative. Il semble donc y avoir un
esprit associatif chez MSF oil le soi appara»t comme synonyme
dÕesprit dÕéquipe, qui semble lui-même etre synonyme
du droit à la parole de tous, matérialisé par
lÕutilisation récurrente du on et du nous dans
le discours. De plus, Max fait intervenir les figures de lÕécoute
et de la comprehension face à son partenaire, mais cela ne signifie pas
pour autant une co -construction. En effet, comme nous lÕavons remarq
ué, le discours
de MSF vis à vis de ses partenaires s'apparente au type
Çnous versus vous È. Sous entendu, on va faire
les choses ensemble, mais c'est nous qui décidons. Vous devez accepter
cette idée-là, néanmoins nous sommes ouvert à la
communication.
D'autre part, nous avons constaté que la formulation
d'une requête par les partenaires de MSF pouvait être vue comme une
tentative de modification de l'action de celle-ci, donc de son être et
donc une tentative de participation à sa construction. Face à
cela, MSF, par l'intermédiaire de Max, n'a pas dit non mais a bien
reprécisé l'identité de MSF, une identité qui
semblait être redéfinie par ses interlocuteurs. Max a ensuite
poursuivi en s'attachant à requalifier les propos de ses partenaires. De
ce fait, il montre qu'il n'est pas possible de faire faire quelque chose
à MSF. Nous avons aussi pu voir, au fil des séquences, que c'est
une organisation qui souhaite ne pas dévier de sa trajectoire et avec
qui on ne marchande pas facilement. Aussi, être partenaire de MSF ne
signifie pas pour autant qu'on puisse se mettre à la
redéfinir.
On remarque donc que l'identité de MSF fait l'objet de
contrôle de la part de ses représentants dans ses interactions
avec ses interlocuteurs, un contrôle quotidien, une sorte d'obsession.
Cependant, nous avons pu aussi constater un travail de responsabilisation de
l'autre, MSF considérant qu'autrui a a priori un avis à formuler
et qu'il se doit de le manifester pour que le partenariat soit constructif. Il
y a donc invitation à un rôle actif, donc quelque part, un
désir de co-construction de la part de MSF. Ajoutons que parler à
tout le monde appara»t comme un leitmotiv au sein de MSF et qu'en parlant,
en étant en situation d'interaction, on prend le risque de l'implication
de l'autre.
Ainsi, comme le dit Kerbrat-Orecchioni (2008) dans une
réflexion sur la communication interpersonnelle et l'analyse des
conversations : << La proposition d'identité effectuée par
l'un des participants sur lui-même ou sur son partenaire peut être
ratifiée par ce dernier, ou au contraire contestée, ce qui va
enclencher le processus négociatif.>> (p. 132). La
co-construction, selon MSF, semble être un jeu compliqué d'aller
et retour oü dans l'interaction et la relation avec l'autre,
l'identité peut y être niée, réaffirmée ou
modifiée (Marc, 1997; cité dans Giroux, 2002). L'avis de l'autre
peut ainsi être intégré de facon épisodique à
la construction du soi à certaines conditions. Mais, il arrive aussi que
celui-ci s'autorise à participer à cette construction sans y
être invité au préalable. Aussi, MSF maintient une distance
tout en étant proche, il s'agit alors de garder la bonne distance afin
de ne demeurer ni en rupture ni en fusion avec l'autre. Mais, d'une certaine
manière, on peut parler d'un jeu de miro ir entre soi et l'autre en ce
qui concerne MSF, une organisation qui se construit au regard de son
environnement.
Nous avons pu remarquer que pour MSF, il y a un besoin de
l'autre pour la construction de l'action, du faire, mais pas
forcément de l'être. Cependant, comme le soi c'est
logiquement ce que nous sommes et ce que nous faisons, il appara»t que MSF
se trouve au sein d'une dualité identitaire ou une certaine
schizophrénie, comme nous l'avons expliqué
précédemment. De plus, nous ajouterons, pour repre ndre la
métaphore initiée par Goffman (1967) faisant le parallèle
entre le rituel de la danse et la construction de l'identité, un
parallèle développée par Roth (1996): << If the
interaction dance is to be graceful, the other participants must honor the line
that he establishes by showing deference>> (p. 175).
6 . 1 . 5 Une identité qui agit ou l'utilisation
performative de l'identité organisationnelle
Lorsque nous nous sommes attelés à analyser les
séquences que nous avions sélectionnées, l'idée
était de chercher à voir comment l'identité
organisationnelle se construisait gr%oce à la parole dans les
interactions. Cependant, nous nous étions aussi donnée comme but
de nous laisser guider et inspirer par les données. Nous nous sommes
ainsi rendus compte qu'en effet, l'identité était bien construite
dans les conversations, mais que cette identité, aussitôt
re-construite ou réaffirmée, agissait en tant que telle. Par
conséquent, il s'est avéré que l'identité de
l'organisation pouvait servir dans l'interaction afin de refuser ou d'accepter
les choses, d'encourager des comportements et même d'inviter à en
accomplir par le biais d'invocations de figures de la part des acteurs de MSF
et de leurs partenaires.
La revue de littérature que nous avions établi
sur la question ne laissait pas apparaitre cette relation entre être et
agir. En parlant de son identité, donc de l'être, on fait quelque
chose, on agit, car dire ce que je suis a un effet d'action dans l'interaction.
Kaufmann (2004), à ce propos et au sein d'une grande réflexion
sociologique sur l'identité de l'individu nous dit: Ç "
identité" et " action " sont généralement rangés
dans deux catégories bien distinctes du savoir scientifiqueÈ (p.
173). Cependant, il ajoute que les considérer ensemble offre de
nouvelles perspectives non négligeables pour la recherche. Ainsi, il
envisage Çl'identité comme condition de l'action È, cela,
en s'appuyant notamment sur les dires de Mead (1963): Ç l'infrastructure
du soi se fond dans l'action en cours È (p. 233), mais aussi de Strauss
(1992) : Ç s'impliquer totalement dans un acte signifie s'y
intéresser, s'y attacher, s'identifier à luiÈ (p. 44) et
de Foote
( 1 95 1 ): Ç lorsque le doute sur l'identité
s'accroit, l'action est paralyséeÈ (p. 81).
En conséquence, par exemple, lorsque Max invoque dans
son discours les différentes antennes de MSF à travers le monde,
nous notons alors que par le biais de l'intervention locale, c'est la structure
internationale qui est présentée comme aussi agissante. Ces
invocations ont donc un effet massif dans l'interaction, offrant à cette
mission MSF, une assise internationale, une légitimité. Chez MSF,
il semble y avoir une identification par l'action, ce sont donc les actions qui
définissent l'organisation. Faire c'est donc être au
méme titre que dire c'est faire. Dans la réunion
d'information de l'hôpital de Mumba, à la question Ç Qu'est
ce que c'est MSF ? È Max y répond dans son discours par
ÇQui sommes nous? et Que faisons nous ? È, il met donc en exergue
une dimension totalement humaine de l'organisation, qui correspond ou peut se
traduire par le fait que MSF, c'est avant tout des personnes qui agissent.
En outre, nous pouvons noter qu'il existe un lien
marqué entre l'être et le faire de MSF dans les
interactions qui ont lieu dans la séquence A, oü il y a traduction
par le porte-parole de l'être par le faire avec l'aide
d'exemples locaux concrets. On dénote alors une volonté de
l'organisation de correspondre à la réalité, c'est
à dire que son être et son faire soient
envisagés seulement ensemble. Il semble y avoir pour MSF une
nécessité de faire les choses et de parler en adéquation
avec ses valeurs et ses principes car cela défin»t ce que nous
sommes, donc son identité. Notons que lorsque Max ventriloquise des
principes comme ceux de l'échange et de l'ouverture, il met en
perspective des traits identitaires au service d'une meilleure action.
utilisation de lÕidentité pour pousser à
lÕaction pouvait être faite de façon inconsciente par les
acteurs. En effet, les lapsus et hesitations dans le discours peuvent envoyer
des images inconscientes à ses interlocuteurs et ainsi transmettre des
images auxquelles on ne souhaite pas etre associés, ou faire
appara»tre des incoherence entre le discours et la
réalité. En ce sens, nous mettons le point sur le fait
de prendre en charge ou de supporter, lorsque Max parle de
lÕintervention de MSF à lÕhTMpital de Laika dans la
reunion dÕinformation à Mumba. Il est ici question dÕune
prise en charge versus une collaboration, ce qui nÕest pas la même
chose surtout pour les partenaires. Nous remarquons donc que
lÕidentité de lÕorganisation peut agir de manière
consciente ou inconsciente dans lÕinteraction en empruntant le corps et
la voix des acteurs qui se prêtent à cette performance et donc en
reaction induire une certaine action.
Lors de la reunion dÕinformation MSF à
lÕhTMpital de Mumba, nous nous sommes aussi rendue compte que les
invocations dÕautres projets ayant lieu dans la region servaient
à justifier et légitimer la presence de MSF à Mumba. Ainsi
en rendant compte dÕactivités qui participent de la definition de
ce quÕon est, on performe du même coup quelque chose au niveau
interactionnel, marquant un rapport assez clair entre lÕ
être et le faire. Ajoutons que le souci
dÕindépendance chez MSF la rend paradoxalement dépendante
de la reconnaissance de ses interlocuteurs. Ce souci qui lÕanime la
pousse, en effet, à véhiculer dans son discours cette idée
et cette image aux yeux de tous. Aussi, le discours officiel de
lÕorganisation, son être, rend lÕorganisation
dépendante dÕune certaine stratégie visant à
constamment réaffirmer cette indépendance.
LÕidentite de MSF agit et se force à agir donc sur
son environnement. Outre ce
obsession de sa présence et de son autonomie. Ajoutons
que la ventriloquie peut avoir un effet de suggestion pour l'interlocuteur dans
l'interaction, encourageant et invitant certains comportements. Par exemple,
lorsque Max ventriloquise les acteurs de l'hôpital de Mumba en disant
qu'ils sont heureux des réorganisations, il construit une
identité positive de MSF tout en prévenant qu'il peut y avoir
quelques incompréhensions. De plus, les anecdotes invoquées et
les narrations construites par Max durant sa conversation avec Eric, concernant
des équipes de MSF, ventriloquisent l'expérience de MSF et la
marche à suivre pour tous ses membres. Autrement dit, <<Faire,
c'est faire faire>> c'est-à-dire que les exemples cités
sont censés avoir un pouvoir de suggestion, marquant une construction
par l'exemple qui nait de l'expérience, du terrain, avec une
tolérance relative à l'erreur, car l'urgence et le terrain
impliquent certains <<bricolages >>.
L'identité de MSF agit aussi dans le sens oü elle
est utilisée comme un livre de prédictions car, par exemple, elle
sait que le changement est synonyme de difficulté, mais qu'il est tout
autant nécessaire, etc. Nous constatons alors un positionnement quelque
peu paternaliste de MSF, par l'intermédiaire de Max, dans son rapport
avec les locaux. En ce sens, Médecins Sans Frontières semble
souvent se positionner implicitement comme détentrice d'une sorte de
vérité omnisciente. Elle conna»t la réalité et
ses membres aussi et à ce titre, ils se doivent de communiquer pour
mettre en place leurs solutions et ainsi de voir les objectifs de
l'organisation se réaliser. Mais si elle propose des remises en
question, cela peut vouloir dire qu'elle est elle-méme en constante
remise en question. En effet, nous avons constaté que l'organisation
détient une force d'adaptation à chaque situation, en
déployant son savoir -faire, ses membres et ses outils. Aussi, la
constance de l'identité de MSF se retrouve dans son évolution
permanente, c'est-à-dire que la norme, c'est le
changement. De plus, encore une fois, on peut dire que l'identité de MSF
est dynamique car elle est présentifiée comme initiatrice de
changements.
Pour ce faire, nous avons vu que MSF communique tant à
l'oral qu'à l'écrit. En effet, l'organisation a l'habitude de
communiquer avec de nombreux interlocuteurs pour expliquer son action, non
seulement oralement, comme nous l'avons constaté au cours de nos
analyses, mais aussi par écrit, par le biais de son rapport
d'activités, par exemple, lequel est donné lors de la
réunion avec les officiers de la MONUC et via le protocole d'accord.
Dans cette idée, communiquer chez MSF, c'est tenter de rallier à
sa cause ses interlocuteurs afin de faciliter son action et de se
protéger.
L'identité de MSF semble ainsi être construite
selon une idée de projection à l'autre, une projection à
laquelle il doit adhérer, un aspect que nous avions identifié
lors de la revue de littérature. Mais il n'empêche que cette
vision appara»t comme trop simpliste à la lumière de nos
analyses et qu'il faut avoir en tête que celle-ci nécessite une
âpre négociation qui se matérialise notamment par un combat
de mots et d'images, comme en témoigne les échanges lors de la
réunion entre les représentants du Ministère de la
santé du Congo et Max. Ajoutons que Kaufmann (2004) dit:
ÇSchèmes incorporés et processus identitaires se
mélangent intimement pour déclencher l'actionÈ (p. 176).
Ainsi, les habitudes ou pratiques, l'être et le faire
sont interdépendants. De plus, nous avons remarqué que les
partenaires parlent aussi au nom de ce qu'est, selon eux, MSF, en qualifiant
l'organisation et en lui attribuant de potentielles pratiques, comme celles de
former des médecins congolais à Mumba oü elle intervient.
Ainsi l'identité de MSF est utilisée aussi bien par ses membres
que ses partenaires à des fins d'action.
6.2 Discussion
Dans cette recherche, notre interrogation de base se situait
autour de la question de la négociation et de la co-construction de
l'identité organisationnelle au fil des interactions du quotidien de MSF
et de ses acteurs. Nous avons ainsi trouvé des pistes de réponses
en nous rendant compte qu'il y avait tout un travail d'identification par la
négation et la différenciation, que cette construction se faisait
dans la répétition et que le discours identitaire était
mobilisateur, c'est-à-dire que l'invocation d'une identité
pouvait agir sur l'interaction et être ainsi au service de l'action
organisationnelle.
Nous pouvons alors affirmer que l'organisation est, certes
produite et véhiculée à travers des discours, des
histoires, des comptes rendus, mais que, d'une certaine manière,
l'organisation, par son identité ainsi produite et
réaffirmée, produit aussi elle- même certains récits
et discours. La parole y tient plusieurs fonctions, c'est un outil pour
persuader, pour convaincre l'autre, pour l'informer de ce que je suis ou veut
être, mais aussi, bien entendu chez MSF, pour se protéger. Nous
pensons aussi, en ce qui concerne l'action de la parole, à
Kerbrat-Orecchioni (1990) qui écrit: Çparler, c'est
échanger, et c'est changer en échangeantÈ (p. 17). De
plus, ce que l'on peut appeler le travail identitaire chez MSF est quelque
chose de très pratique, car il a notamment des répercutions
concrètes sur la sécurité, sur l'action locale (Cas de
Tontine, dans Cooren, Brummans & Charrieras, 2008) et sur l'aspect
médical. Ajoutons que l'identité est ajustée en fonction
des interlocuteurs, agissant comme un boite à outils, tout en
étant ventriloquisée par Max, le chef de mission, qui
répète inlassablement les même choses, telle une cassette
enregistrée. Obsession de ne pas être mal percu par son
entourage.
Par ailleurs, on décèle dans l'organisation
beaucoup de paradoxes identitaires. En effet, MSF réitère souvent
le même message participatif, mais semble avoir du mal à
l'appliquer en pratique. Elle invite, certes, les autres à participer
mais avec certaines limites qu'elle n'énonce pas dans un premier temps
mais qui ont tendance à se manifester, comme pour les rappeler à
l'ordre sans les avoir vraiment prévenu. Il va de soi alors que
l'organisation appara»t comme Ç schizophrène È dans
son discours. On note une forte volonté de contrôle de son image
de la part de MSF, mais l'interaction avec les représentants du
Ministère de la santé du Congo montre qu'elle peut renvoyer
d'autres images qu'elle ne maitrise pas. On peut alors considérer, dans
ce cas précis, qu'il y a cocontruction car négociation avec
l'autre de la définition du soi.
Cependant, celle-ci reste difficile à cerner car MSF
laisse peu d'espace d'intervention à l'autre, aussi si co-construction
il y a, cela s'avère être de facon implicite. Nous avons en effet
remarqué que l'identité de MSF fait l'objet d'un contrôle
de tous les jours dans les interactions dans l'esprit de protection de son
territoire. Pourtant, il semble y avoir co-construction de l'être de MSF
par tous les membres de MSF dans un esprit d'équipe hérité
du principe associatif de l'organisation, mais il est difficile d'envisager le
même type de co-construction avec les partenaires et l'environnement de
l'organisation, même si on note cependant un co-construction du faire
de celle-ci, c'est-à-dire de l'action organisationnelle.
En outre, il semble aussi y avoir une négociation de
l'identité au sein même de MSF, car, il y a plusieurs images et
définitions de l'organisation, et en même temps, l'organisation
semble avoir le désir de renvoyer à son environnement une seule
image de de MSF. Par exemple, on voit qu'au sein de MSF il y a identité
multiple en se basant respectivement sur les visions d'Eric et de Max. En
effet, le premier semble avoir une
vision protocolaire avec des principes qui doivent être
appliqués tels quels, tandis que le deuxième semble avoir une
vision avec les mêmes principes mais en offrant plus de marge quant
à la manière de composer avec l'environnement pour les voir
appliquer. Cette vision étant alors associé à la
réussite.
Finalement, le discours identitaire de MSF voyage dans le
temps et l'espace, à travers ses différentes missions aux quatre
coins de la Terre, avec un désir fort de correspondre à la
réalité du moment, du terrain. Paradoxalement, la norme chez MSF
semble être la persévérance et ce besoin de normaliser une
action dans un contexte qui ne l'est pas, en prévoyant au maximum
l'imprévisible, (guides, protocoles, collecte d'informations, etc.).
Aussi, MSF rime avec savoir dans le sens oü il semble qu'elle sache quoi
faire, elle a l'expertise, mais elle a aussi le Savoir, c'est-à-dire la
connaissance et l'expérience d'une pratique médicale d'urgence.
Ë ce titre, MSF est initiateur de changement dans ses partenariats mais
elle comprend la résistance au changement, en cela, elle respecte dans
une certaine mesure ses partenaires. De plus, elle affirme avec humilité
ne pas avoir toutes les réponses et propose alors à l'autre
d'essayer en le responsabilisant dans l'alternative positive que cela
fonctionne.
Ajoutons aussi que MSF transmet majoritairement son message
par l'humour et par le biais d'une image sympathique oü tout le monde
s'appelle et se présente par son prénom, avec un personnel qui
porte des vêtements décontractés ou des t-shirt blanc avec
le logo de MSF et qui s'adapte à la culture de l'accueillant en
utilisant dans ses interactions des mots de sa langue. Tous ces
éléments sont des éléments qui participent à
présentifier l'être de MSF dans son environnement et
à construire son identité.
Chapitre 7 : CONCLUSION
Notre preoccupation de depart concernait la négociation
et la co-construction de lÕidentité organisationnelle par la
parole lors des interactions des acteurs, à lÕinterne et à
lÕexterne. Appliquée à Médecins Sans
Frontiéres, cette problématique nous a guide tout au long du
mémoire pour nous amener vers des pistes de réponses et de
discussions. LÕutilisation de lÕanalyse de conversation comme
methodologie sÕest avérée intéressante car elle
permet de sÕapprocher au plus près de la réalité
organisationnelle au niveau des pratiques et activités. Au niveau
théorique, le concept de ventriloquie sÕest avéré
utile pour repérer dans lÕinteraction toutes les figures qui
entrent en jeu pour définir lÕidentité de
lÕorganisation. En outre, nous nous sommes rendue compte que même
lors des situations moins dialogiques, comme quand le chef de mission parle
à un public, il y a un discours qui est lui-même dialogique et qui
met en scene des voix qui ajoutent au propos et tentent de le renforcer.
Ajoutons que la mobilisation du concept de
présentification nous a révélé que
lÕidentité était souvent présentifiée au
service de lÕaction, du faire, à travers une multitude
dÕimages invoquées explicitement ou implicitement, donc de
lÕordre de la performance. Nous avons trouvé que le di scours
organisationnel se retrouve dans les conversations quotidiennes des acteurs de
lÕorganisation oil lÕidentité est construite entre hier,
aujourdÕhui et demain. Son identité est construite sur une notion
de changement, de rupture (avec la Croix Rouge internationale, notamment) et
cela se ressent et se visualise dans son action quotidienne. Ainsi, de par son
histoire et sa raison d'être, MSF, lors de
ses rencontres, peut provoquer et perturber l'ordre établi
si il y a, ou du moins se faire remarquer.
Nous avons aussi pu nous rendre compte que <<la pratique
MSFienneÈ est ritualisée, il y a des schémas qui sont
pensés, construits, négociés et reproduits dans le cadre
de ses missions à travers le monde, dans l'esprit d'un apprentissage
constant de la réalité du terrain. Nous avons, en outre,
noté une obsession du contrTMle qu'elle applique dans son quotidien
à travers une sorte de jeu de séduction. Dans une recherche
permanente de l'anticipation, elle développe donc des stratégies,
possiblement inconscientes et des normes. Enfin, nous avons pu observer,
à travers ce mémoire et les analyses des séquences, la
culture fédératrice de Médecins Sans Frontières et
sa dimension << missionnaire È qui nous permet, en ce sens, de
citer Quéinnec (2004) lequel déclare:
Parce qu'elles sont issues d'un acte de foi, il n'est pas
surprenant que les associations humanitaires soient parvenues à
bâtir une identité forte, notamment structurée autour d'une
"religion" (l'éthique humanitaire), d'un "langage" particulier
(tutoiement systématique, abréviations, anglicismes, etc.) et de
"combats" incessants (contre l'oppression ou la maladie, bien entendu, mais
aussi contre l'aide humanitaire institutionnelle, certains gouvernements,
etc.). (p. 83)
Finalement, Médecins Sans Frontières, tel un
monstre à trois tétes est créé et se débat
entre la passion, la raison et l'action.
7. 1 Implications pratiques
Il est important que les gens chez MSF sachent ou du moins
quÕils aient une idée claire de ce quÕils
représentent, de ce quÕils incarnent, de ce quÕils sont
car cÕest cela souvent qui va définir ce qui va etre fait dans la
mesure oil, comme on lÕa vu, lÕinvocation identitaire peut avoir
un reel pouvoir dÕaction. Cette conscience et cette connaissance
sÕacquièrent par lÕexpérience, mais cela peut aussi
etre enseigné avec une formation préalable à
lÕenvoi sur le terrain dÕune mission notamment. Comme nous avons
pu le constater au cours de cette recherche, la parole a un vrai pouvoir chez
Médecins Sans Frontiéres. Il semble donc nécessaire de
former le personnel de lÕorganisation et plus spécifiquement les
chefs de mission sur leur rTMle et le discours quÕils doivent tenir
à ce titre. Ainsi, il sÕavérerait fondamental de faire
attention à la question de lÕidentité et de lÕimage
lors de lÕembauche du personnel MSF car comme nous avons pu le
constater, dÕune personne à une autre, comme entre Eric et Max,
il peut ne pas y avoir la même vision de ce quÕest et de ce que
fait (ou doit faire) MSF.
Etant donné que ce sont des personnes influentes dans
lÕenvironnement de lÕorganisation, il faut donc faire attention
à ne pas véhiculer une image qui pourrait ultimement être
néfastes à lÕaction humanitaire entreprise (si lÕon
considére, bien entendu, que les aspects de cette action sont
généralement positifs pour la population). Notons que Max avait
été sélectionné pour lÕétude
entreprise car il était considéré comme un bon chef de
mission chez MSF, il serait donc intéressant pour dÕautres chefs
de mission dÕapprendre, en quelque sorte, de lui. De plus, au cours des
analyses, nous avons pu voir plusieurs definitions et un jeu de langage autour
du nous et vous et ensemble. Au regard de cela, il
semble donc nécessaire de faire un travail de
positionnement plus clair avec les partenaires sur le terrain,
de mieux les identifier, ainsi sont-ils ou non MSF et si oui, de façon
ponctuelle ou permanente (la même question se pose constamment par
rapport aux Ç nationaux È, autrement dit les personnes qui
travaillent officiellement pour MSF, mais qui vivent dans le pays oil
lÕintervention humanitaire se déroule, mais nous nÕavons
pas la place ici pour analyser cette question). Ceci entraine un questionnement
pour MSF sur son positionnement quant à lÕurgence et au
développement. Pour finir, malgré une idéologie forte et
une certaine intransigeance par rapport à ce quÕelle est et fait,
une des forces de MSF semble etre sa propension à vouloir constamment se
remettre en question et ce, même si en pratique, une telle remise en
question est difficile. Que lÕon parle de lÕorganisation en tant
que telle ou de son identité, MSF trouve son equilibre, comme toutes les
organisations, entre la stabilité et le changement.
7.2 Limites de la recherche
La recherche que nous avons menée ne sÕest
basée que sur une mission particuliére avec un focus sur un chef
de mission, ce qui, a priori, peut poser certaines limites quant à la
Ç tranférabilité È (Lincoln & Guba, 1985) de
ses résultats à toutes formes de missions de MSF et à
toutes formes dÕorganisations humanitaires. Si nous avons pu traduire
une des paroles de MSF, celle dÕune mission du Nord-Kivu, par
lÕidentité quÕun de ses représentants lui donnait,
implicitement et explicitement, on peut cependant penser que des effets
similaires de representation existent dans dÕautres contextes MSFiens,
ce que démontre dÕailleurs dÕautres etudes menées
par lÕéquipe de
recherche du LOG (Langage Organisation Gouvernance) sur d'autres
missions de cette organisation (publications à venir).
Par ailleurs, le fait que notre étude sur la question
identitaire ait pour cadre d'analyse, l'humanitaire d'urgence, avec MSF,
amène une dimension particulière. En effet, l'humanitaire est un
domaine organisationnel particulier car il est peut-être, plus que les
autres domaines organisationnels, emprunt de passion et accompagné d'une
forte dose d'émotions. Aussi, ceux qui travaillent dans des
organisations comme MSF, donc l'humanitaire médical d'urgence,
travaillent dans des conditions difficiles et ils les acceptent, car ils ont
généralement choisi ce domaine pour la cause que cela
représente. Cela nous indique alors qu'il y a une forte notion
d'engagement à prendre en compte dans ce type de domaine
organisationnel.
Ainsi, si nous avions réalisé la même
étude, mais dans un autre domaine organisationnel, les résultats
auraient peut-être été différents. Ajoutons aussi
parmi les limites de cette recherche, notre propre regard, certes scientifique
mais avec un certain attachement pour la cause humanitaire. De facon plus
générale, sur le regard extérieur porté aux ONG,
Quéinnec (2004) dit : Ç Le concept d'accountability
place ici les ONG dans une situation apparemment confortable. Peu
d'activités sont aussi peu soumises à un jugement externe
invalidant que celles qu'elles mettent en ÏuvreÈ (p. 80).
7.3 Les voies futures de recherche
organisationnelle d'une manière plus dynamique et plus
interactionnelle. L'idée serait donc de poursuivre et de pousser cette
réflexion. En effet, ne serait-ce que sur le corpus que nous avons
exploité, il reste encore beaucoup de données et donc une
richesse à exploiter, mais aussi d'autres terrains à investiguer
et d'autres manières de présenter d'autres organisations. De
plus, le fait de mener une recherche dans le cadre d'une organisation
humanitaire médicale d'urgence comme MSF est très riche en terme
de communication. Il pourrait donc être intéressant d'envisager
une recherche sur les émotions dans les interactions, étant
donné que la nature même de cette organisation est fortement
chargé d'émotions, car elle implique au centre de son action
l'être humain. L'organisation repose donc sur une charge
émotionnelle qui se répercute dans son être, son
identité, cela même si ses actions, son faire, peuvent être
qualifiées de raisonnable, avec une recherche constante de normalisation
de son action dans des terrains difficiles et de crises.
Notre recherche a aussi montré implicitement que le
rTMle du chef de mission est important dans la construction de
l'identité organisationnelle de MSF, aussi cette question pourrait faire
l'objet d'une étude plus approfondie dont nous avons
décelé quelques pistes que nous allons présenter. En
effet, nous nous sommes rendue compte que Max était une sorte d'homme
orchestre avec des qualités de leadership endossant plusieurs rTMles et
présentifiant l'identité de son organisation à plusieurs
titres. Ainsi, il est apparu que le chef de mission pouvait avoir plusieurs
rTMles qui impliquaient certaines actions: (1) un rTMle de protection et de
collecteur d'informations (gérer l'inattendu, entretenir des relations
cordiales avec l'environnement, aller à la Çpêche à
l'informationÈ comme outil de protection de l'organisation et de ses
membres sur le
terrain), (2) un rTMle de prédication et d'information
(comme porte-parole avec un travail d'information pour influencer et
négocier l'adhésion d'autrui, ainsi qu'un travail d'interface
entre le dedans et le dehors), (3) un rTMle de formation (comme porte-parole
implicite de l'expérience de l'organisation, de son savoir, qui est
enseigné et transmise par le biais de la narration) et pour finir (4) un
rTMle de décisionnaire (rTMle qui est relatif car l'esprit associatif
règne solidement chez MSF avec des décisions du collectif prises
au siège, mais pour les aspects locaux, il est le chef et doit
être capable de prendre des décisions pour
l'opérationnalité des missions en cours).
Il serait aussi souhaitable de poursuivre la recherche que
nous avons entreprise en s'attachant plus précisément à
voir les perceptions de l'identité organisationnelle de MSF à
l'extérieur de l'organisation et sa participation à son
être. Les différences culturelles ou le choc des
identités serait une piste intéressante à exploiter, dans
le sens oü MSF par son action est amenée à rencontrer et
à interagir avec de nombreuses cultures, cela en plus d'avoir cette
multiplicité culturelle au sein même de son organisation, avec des
membres issus de tous les continents. Ajoutons, qu'au même titre que l'on
parle d'un travail de face ou de figuration, d'après Goffman, on se rend
compte qu'on peut aussi parler de face organisationnelle et ceci pourrait
être à explorer. En effet, dans nos analyses, nous nous sommes
rendue compte de l'importance chez MSF du regard qu'elle pose sur l'autre et
qu'autrui peut porter sur l'organisation, cela en ne voulant pas Çcasser
le systèmeÈ dans ses interventions et respecter l'autre. Ces
éléments pourraient donc s'apparenter aux principes de garder la
face et celui de préserver la face de l'autre d'Erving Goffman, mais au
niveau organisationnel.
avoir, tant de recherches à mener lorsque l'on
s'intéresse à la sphère MSF. Cette organisation, son
fonctionnement, son identité, sa raison d'être, ses
idéologies, ses actions et ses a cteurs sont une mine d'informations
pour un chercheur. Cependant, nous pourrions aussi envisager pour le futur une
recherche sur la construction de l'identité organisationnelle d'une
autre ONG que Médecins Sans Frontières. Il serait aussi stimulant
de s'in téresser aux représentations de l'organisation dans le
cadre de son identité, en poussant cette idée dans la dynamique
de ce que l'on appelle aujourd'hui le monde du web 2.0. Les chercheurs de
l'Ecole de Montréal et les autres ont donc encore de nombreuses
réflexions à mener.
7.4 Commentaire personnel
Ce mémoire qui avait pour but de mener une
réflexion sur l'identité organisationnelle de Médecins
Sans Frontières m'a permis par la même occasion de m'interroger
sur ma propre identité. Cette quête m'a
révélé qu'empli de doutes et de certitudes, nous sommes
toujours en perpétuelle recherche de qui nous sommes, de ce que nous
voudrions être et que nous construisons notre identité tous les
jours à travers nos paroles et nos actions. Mais cette identité
n'aurait pas de sens, sans le regard d'autrui et sa participation, qui nous
permet de nous réaliser.
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1 ANNEXE 1 - Transcription Séquence A
(durée : 28 min 30 sec)
2 Réunion d'information MSF à l'hôpital de
Mumba
3
4 ((Le chant d'un coq fait irruption tout au long de cette
séquence
5 coupant en partie la parole à Max, accompagné
de temps en
6 temps de pleurs d'enfants))
7
8 Max Euh:: les gens de MSF se présenter (.)
commençons peut-être par
9 Jean-Pierre =
10
11 Jean-Pierre =Oh oui je réponds au nom de Jean-Pierre
Barjavel (.) je suis
12 administrateur assistant MSF (.)
13
14 Isabelle Moi c'est Isabelle (.) je suis l'administratrice
à Béni (.) donc
15 pour le Nord-Kivu
16
17 Gérard Euh Gérard (.) je suis responsable des
ressources humaines de
18 euh sur la RDC (ASP) et: euh:: j'suis suis
passé par Kinshasa
19
20 Jonathan Jonathan j'suis LOG admin euh de Kiwandja
21
22 Eric Ben Eric (.) euh: responsable euh: terrain ici euh: pour
MSF euh: à
23 Mumba et voilà
24
25 (3.0)
26
27 Docteur Joseph Ok on a demandé seulement à
l'équipe de: MSF de présenter euh
28 sinon:: nous avons l'équipe de l'hôpital aussi
((se tourne vers Max
29 qui hoche la tête en signe d'accord)) ils sont
nombreux euh nous
30 sommes actuellement au nombre de: cinquante:::
31
32 X Quatre
33
34 Docteur Joseph Quatre personnes et il n'y a pas moyen qu'on
donne à chacun la
35 parole pour se présenter. Au nom de l'équipe
donc c'est ((fait des
36 gestes avec les bras)) euh c'est toute la c'est tout
l'hôpital qui est
37 présent ici ((il s'enfonce au fond de sa chaise et
croise ses bras))
38
39 (3.0)
40
41 Max Donc comme je vous ai dit hein c'est une rencontre
d'information
42 d'abord j'souhaite un peu vous présenter MSFtd'abord
qu'est ce
43 que c'est MSFt euh: à commencer par le Congo
donc j'vous ai
44 déjà dit que MSF ben on travaille au Nord-Kivu
depuis euh:
45 depuis 2002 on est aussi présent dans le Katanga euh la
j'ai pas
46 les dates ca fait déjà euh: ça fait
déjà plusieurs années euh ya eu
47 aussi ya aussi une équipe de coordination qui est
basée à Kinshasa
48 avec un chef de mission avec Gérard entre autres qui
travaille sur
49 les ressources humaines entre autres pour toute la RDC ya
50 Carole que vous avez vue qui est la coordinatrice
médicale euh:
51 qui travaille aussi qui est basée à Kinshasa
donc ya une
52 Coordinationt à Kinshasa ya une coordination au Katanga
et au
53 Katanga ya un projet en cours à Roukourou ya un projet
à Kitengi
54 ya un un projet euh: à::: =
55
56 Eric =Moukoubou=
57
58 Max =Moukoubou euh:: et ici au Nord Kivu euh: donc on a des
projets
59 a Béni on a des projets à Laika et des projets
euh à: Mumba (.)
60 donc ça c'est c'est pour la partie euh::: la partie que
(.) donc
61 tMSF ça a été démarré en
1971 euh:: par des médecins français (.)
62 ensuite de ça le mouvement s'est
internationalisé ya d'autres
63 sections (.) opérationnelles qui sont venu (.) donc Ya
5 sections
64 donc ya MSF France ya MSF Hollande ya MSF Belgique ya
65 MSF Espagne et ya MSF Suisse (.) ces 5 sections euh: sont
66 présentes au Congo (.) hein MSF Suisse ils sont
à Bougna MSF
67 Hollande ils sont aussi à Goma mais ils travaillent un
peu plus
68 vers le sud Kivu ya MSF Belgique qui est vers
l'équateur et euh::
69 province orientale ya MSF Espagne qui est aussi dans le
Katenga
70 MSF Belgique ils sont aussi à:: Kin- ((se tourne
vers Gerard)) à
71 Kinshasa donc ya quand même.i. tdonc parfois les cinq
sections
72 sont dans un pays parfois ya seulement une section et ya aussi
des
73 sections partenaires ya 12 sections partenaires euh::
74
75 (2.0)
76
77 Max Qui participent à recruter du personnel à
recruter des fonds Euh::
78 MSF Canada MSF Etats-Unis MSF euh:: Australie Japon Suede
79 donc ya: ya une douzaine de- de sections partenaires .i.
80
81 (2.0)
82
83 Max Même si MSF France est basé on dit MSF France
parce que le
84 siege est basé à Paris hein mais c'est pas euh:
ça a l'air ça n'a
85 /aucun /lien avec la France (.) dans ce sens oü euh: Tout
le
86 monde peut venir travailler pour une des sections
opérationnelles.
87 Moi même par exemple j'suis Canadien j'suis pas
Français, mais
88 j'travaille avec euh: avec MSF France euh c'est important
parce
89 que euh: quand on va revenir sur les principes de MSF entre
autres
90 le principe d'indépendance, on est td'aucune
façon tlié au
91 gouvernement français belge hollandais ou etc c'est du
fait que les
92 Qu- les les sieges sociaux soient basés dans ces
capitales là hein
93 (.) donc ya ça\ euh (.) ((il
sÕéclaircie la voix))
94
95 (2.0)
96
97 Max Donc les grands principes (.) de base de Médecins
Sans
98 Frontiéres=Médecins Sans Frontiéres donc
cÕest une organisation
99 médicale (.) dÕurgence euh: on intervient
principalement dans des::
100 zones de conflit euh dans des endroits oil ya eu des
catastrophes
101 naturelles ((bouge ses main et penche sa tete)) euh
pour venir en
102 appui euh aux populations dans des situations
précaires dans des
103 situations de danger (.) donc cÕest::: (.) le cas
((bouge ses mains
104 en faisant une sorte de reverence)) au f Congo
((regarde ses notes
105 sur la table)) et puis euh dÕurgence parce
quÕon nÕest pas là en
106 principe pour du long terme on fait pas de de de
développement (.)
107 on est là pour des des appuis f ponctuels dans
des moments euh::
108 plus difficiles euh:: dans des contextes euh:: souvent oil
euh de
109 /violence (.) donc ça ça cÕest aussi
une difference par rapport à
110 dÕautres organisations
111
112 (2.0)
113
114 Max Comment MSF fonctionne pour son f fi::nancement
((bouge ses
115 mains)) donc cÕest une association MSF? euh:
85 à 90 % des
116 Fonds (.) de Médecins Sans Frontiéres sont des
fonds privés (.)
117 cÕest à dire que cÕest moi qui donne
((fait des gestes vers lui)) de
118 lÕargent mon frére ma mere ((fait des
gestes vers le public dans la
119 salle)) votre frére votre cousin votre oncle
qui a 1$ qui a 5$ qui a
120 10$ et qui fait une donation à Médecins Sans
Frontiéres Donc
121 cÕest cet argent cÕest avec cet argent
là que Médecins Sans
122 Frontiéres euh arrive à faire des programmes
dÕurgence euh:: dans
123 les milieux dans des contextes de violence ou dans des
les
124 contextes oil ya des catastrophes naturelles (.) Donc
ça cÕest le 85
125 à 90 % et le 10 15 % restant ya un peu de fond
institutionnel les
126 institutions que vous connaissez comme Echo USAid euh::
ou
127 dÕautres (.) donc ça aussi cÕest:::
ça me semble quand meme assez
128 important dans la mesure oil Médecins Sans
Frontiéres est une
129 organisation tindépendante (.) donc on
nÕest pas euh:: on nÕest pas
130 sujet à:: aucunes politiques nationales euh on
nÕest pas lie à
131 aucuns f gouvernements on nÕest pas lie à
aucunes forces
132 militaires donc quand on intervient par exemple comme ici
au
133 Congo MSF, par souci dÕindépendance
euh:: Ne va pas faire
134 #? aucuns convois avec aucuns militaires quÕils
soient FARDC ou
135 quÕils soient MONUC hein euh par souci #?
dÕindépendance euh
136 pour pas créer de #? confusion dans la tete
euh des populations et on
137 soigne ttout le monde (.) donc on va soigner euh::
tous les
138 belligérants hein au conflit (.) du moment que ya un
blessé
139 j militaire bein il devient non combattant ((fait des
gestes avec une
140 main)), qu'il soit FDLR, May May, FARDC euh:: ou
autre (.)
141 MSF ne fait ? aucunes ?discriminations à la prise en
charge euh::
142 des patients (.) donc ça aussi c'est un autre des
principes ((fait un
143 geste de la main de soi vers le public)) importants
de Médecins
144 Sans Frontiéres on on soigne tout le monde sans
aucunes
145 discriminations ((compte avec ses mains )) de
religion de politique
146 euh:: d' I' ethnie de de et de groupe euh donc pas de
politique pas
147 de religion pas:: de de d'ethnie on est là pour
soigner tout le
148 monde ça aussi c'est un autre des principes euh::
fondateurs de
149 Médecins Sans Frontiéres
150
151 (5.0) ((Chant dÕun coq et silence dans la
salle))
152
153 Max Que dire d'autre ? (.) sur Médecins Sans
Frontiéres
154
155 (6.0)
156
157 Max ((Max se tourne vers la droite oil se trouve les
collaborateurs de
158 MSF et sÕadresse à eux)) Des choses
à ajouter ? (.)
159
160 Max ?Des questions par rapport à ça ? ((Max
se tourne vers le public de
161 la salle))
162
163 (12.0)
164
165 Max ?Pas de questions (.)
166
167 Docteur Joseph Ou bien on n'a pas de soucis, ça arrive
aussi ((rire et décroise ses
168 bras))=
169
170 ((Max et quelques personnes rigolent dans la
salle))
171
172 Max =Si ya des choses si ya des choses qui sont pas claires
((Docteur
173 Joseph recroise ses bras en souriant)) faut pas se
gêner ((le visage
174 de Docteur Joseph se ferme)) hein euh
175
176 (5.0)
177
178 Max si ya des questions qui vous reviennent plus tard (.) il
sera toujours
179 temps (.) ((Docteur Joseph fait un signe dÕaccord
en hochant la
180 tete)) par rapport à ça donc
maintenant j'voulais un peu::: revenir
181 un peu::: aussi sur f l'entente euh:: que nous avons prise
ici (.)
182 avec les autorités sanitaires avec le bureau central
avec euh
183 l'hTMpital (.) avec le comité de gestion euh de
l'hTMpital donc on a
184 signé un protocole d'ent- euh d'accord? qui a
commencé le 7 (( se
185 tourne vers Eric et Docteur Joseph)) j Octobre
((Docteur Joseph
186 hoche de la tete pour montrer son accord)) (.)
j'vais revenir un
187 peu sur l'esprit/ de cet accord là de cette entente
là qu'est ce que
188 ça veut dire comment on va faire comment on va mettre
en place
189 quels moyens on va se donner pour faire ça (.) donc
comme je
190 vous ai dit on a prit un p'tit peu on a prit on supporte
l'hôpital à
191 Laika aussi donc c'qu'on c'qu'on souhaite faire donc le
systeme
192 de santé congolais euh::: le f principe c'est
que d'abord les gens
193 doivent aller consulter dans un soit dans un poste de
santé soit
194 dans un centre de santé euh c'est la première
ligne (.) si ça:: si ya
195 besoin de f soins supplémentaires à ce moment
là on doit référer
196 soit vers le centre de santé de
référence soit vers l'hôpital euh de
197 référence ((Docteur Joseph tousse))
donc l'idée pour MSF ce
198 n'est pas de tca::sser ((fait des gestes de
guillemets avec ses
199 doigts)) le systeme on est pas là
euh::: pour défaire I tout mais
200 pour venir en appui euh les populations ici subissent des
201 violences depuis maintenant plusieurs années du fait
de ces
202 violences là déplacements de population
paupérisation de la
203 population qui a difficilement accés euh aux soins
plus
204 particuliérement aux soins secondaires oil on peut
sauver
205 beaucoup de vies euh:: avec les soins secondaires donc
l'idée
206 c'est de faire un appui essentiellement sur les soins
secondaires
207 pour que les soins primaires puissent continuer à
fonctionner dans
208 le systeme de recouvrement des couts que les gens puissent
209 continuer à avoir confiance de ce systeme là
tout en sachant que
210 si ya un gros pépin ben que les centres de
santé vont référer les
211 patients vers l'hôpital et qu'à l'hôpital
ils pourront être pris en
212 charge gratuitement (.) euh donc ça aussi c'est
une une politique
213 de Médecins Sans Frontiéres quand
Médecins Sans Frontiéres
214 fait un appui euh::: soit à un hôpital ou dans
d'autres circonstances
215 dans un camp de déplacés ou etc
?Médecins Sans Frontiéres fait
216 toujours des soins ?gratuits (.) euh on n'est pas
un ?bailleur de
217 fond ?Médecins Sans Frontiéres ne va pas
#?Donner ((fait des
218 gestes avec ses mains notamment vers Docteur
Joseph)) de
219 l'argent à un centre de santé ou à un
hôpital etc etc Médecins
220 Sans Frontiéres est une organisation
indépendante on fait euh
221 Médecins Sans Frontiéres fait tout par lui
?même c'est à dire qu'il
222 va pas donner d'argent ou des médicaments sans
être #?Présent (.)
223 euh:: toujours en travaillant en collaboration
évidemment avec les
224 gens qui sont déjà dans ces dans ces structures
là hein
225
226 (2.0)
227
228 Max Donc c'est c'est ça l'idée aujourd'hui
c'est c'est d'appuyer
229 l'hôpital de Mumba euh avec une prise en charge de
qualité euh
230 pour les patients une prise en charge f
gratuite donc pour faire ça
231 euh:: et pour pas non plus tout euh:: tout euh briser le
système
232 donc M- Médecins Sans Frontières va euh donner
des primes
233 (.) à tout le personnel (.) de l'hôpital
(.) de la GR de Mumba euh::
234 en complément de la prime CEMUBAC hein donc euh on va
donc
235 la prime CEMUBAC est toujours làt euh Médecins
Sans
236 Frontières va prendre cette portion là (.) la
déduire du montant euh
237 que normalement MSF payerai (.) que si vous aviez 10$ de
du
238 CEMUBAC euh: et si MSF euh pour le poste que vous avez
vous
239 donne vous donnerai normalement 50$t donc le 50$t on va
240 déduire le 10$t MSF va vous donner 40$t et le CEMUBAC
10$t
241 ça vous fera toujours le 50$t donc ça on y
reviendra un peu plus
242 dans le détail ((Max se tourne vers
Gérard)) ben Gérard pourra
243 vous expliquer un p'tit peu ((fait des gestes avec ses
mains)) ya
244 une échelle de fonctions à Médecins Sans
Frontières on va y
245 revenir après ((Max regarde ses notes sur la
table))
246
247 (2.0)
248
249 Max Donc ttous les services de l'hôpital auront la
tprime par contre
250 1.ya un serv- ya quelques services euh (.) que MSF ne va
pas::
251 entrer directement là ici j'fais
référence à la maternité (.) et à la
252 consultation externe tpourquoi ? (.) parce que la
maternité euh::
253 c'est du soin primaire à la #?base euh les femmes qui
vont
254 consulter viennent pour un accouchement pas seulement
à
255 l'hôpital ils vont dans les centres de santé ici
dans la zone de santé
256 donc toujours dans le méme esprit t de pas
casser t de pas briser le
257 système existant (.) les gens ont confiance d'aller
euh accoucher
258 dans les centres de santé donc ça euh ya les
gens vont continuer à
259 payer pour euh un accouchement eutocique ((s'adresse
au
260 Docteur Joseph tout BAS)) euh ici c'est
quoi c'est 6 7$ ? +
261
262 Docteur Joseph C'est 6$ ((il reste les bras
croisés et racle sa gorge ))
263
264 Max Donc 6$ donc ça ça va rester on va quand
même on va quand
265 méme ici payer une prime euh pour ceux et celles qui
travaillent à
266 la maternité euh:: parce que:: l'hôpital va
avoir moins de revenus
267 donc yaura plus de ponctions (.) salariales pour
l'hôpital euh::
268 pour ces salariés là (.) donc euh tMSF euh
prend en charge cette
269 partie là euh de prime mais les patients vont quand
méme payer
270 c'qui va permettre à l'hôpital de continuer
à acheter des
271 médicaments du matériel à sms pour les
services de maternité
272 et de:::
273
274 X (TOUT BAS) dispensaire +
275
276 Max Du dispensaire ((fait un geste de la main vers la
personne qui lui a
277 soufflé l'information)) donc ça aussi
ça vous tça permet à la GR
278 de pas se mettre en marge du système on parle
plutôt de de soins
279 primaires
280
281 (4.0)
282
283 Max Donc voilà un peu le l'idée l'esprit de de
cette entente là de cet
284 accord là euh (.) c'qui est clair c'est que
ça va amener euh de la
285 tRéorganisation euh::: (.) dans
tl'hôpital (.) ça risque d'amener
286 une hausse de l'activité dans tl'hôpital
euh donc attendez vous
287 pas à travailler moins fort avec MSF attendez vous
à travailler
288 tplus tfort avec MSF Ah Ah Ah on a:: déjà vu
déjà revu par
289 exemple les horaires de travail avec vous hein euh::
ça par de ce
290 côté-là j'pense que c'est ça
semble satisfaisant pour tout le
291 monde en tout cas de c'que j'ai entendu en tous cas les
gens
292 semblent être plutôt heureux euh de cette
réorganisation des
293 horaires tdonc ça c'est pour reprendre un exemple
mais yaura
294 dans les prochaines semaines dans les prochains
mois yaura toutes
295 sortes de réorganisation comme celle-là hein
qui peut être parfois
296 vont vous qui vont êtreconfrontantes (.) seront
peut-être euh::
297 vont peut-être ((fait le geste des guillemets avec
ses doigts))
298 déstabilisantes parfois on va tenter des
expériences aussi euh::
299 c'est aussi à vous ((fait des gestes vers le
public de la salle)) à
300 nous dire tout ça hein on fait en tcollaboration on
est pas là pour
301 timposer les choses on tpropose des tchoses et
puis on essaye de
302 voir tous ensemble après à vous de nous faire
des retours si euh
303 si ya des insatisfactions si ya des
difficultés parfois on va présenter
304 des choses euh:: peut être que ça fonctionnera
pas peut être que ça
305 va fonctionner donc là j'pense l'exemple des des
horaires parce
306 qu'on m'a dit que:: que les gens semblait plutôt
satisfait de cette
307 réorganisation.i. là.i. donc yaura td'autres
exemples comme ça
308 euh::: pour en reprendre un autre ben la pharmaciet c'est
euh::
309 c'est Médecins Sans Frontières qui va fournir
((fait un geste de lui310 vers le public de la
salle)) les médicaments on va le faire service
311 par service donc vous vous étiez habitué
à fonctionner avec une
312 pharmacie centrale avec des commandes chaque matin pour
313 chaque service là on va plutôt faire une
pharmacie par service (.)
314 avec une commande euh:: par semaine donc euh les
superviseurs
315 de chaque service sont en charge du suivi de la de la
pharmacie du
316 suivi des consommations ça c'est des choses
importantes à (coupe
317 video) tMSF on fait des tcommandes à
peu près à tous les tsix
318 mois (.) qui vient qui vient par bateau donc il faut
planifier
319 d'avance et il faut avoir des bonnes
consommationssavoir
320 combien on consomme exactement par service pour
être le plus
321 près possible de la réalité quand on va
lorsqu'on va faire une
322 commande (.) par exemple((regarde ses notes sur la
table))
323
324 (2.0)
325
326 Max Donc j'pourrais pas vous énumérer (.) tout
ce qu'on va réorganiser
327 tout ça va se faire au fur et à mesure avec
tvous hein on a pré
328 réorganisé un peu le bloc (.) on a pré
réorganisé la stérilisation (.)
329 euh:: donc ça aussi euh:: ça va amener on va
rajouter du personnel
330 oü yaura des besoins euh j'pense qu'entre autres sur la
tgarde de
331 nuit oü yavait 2 infirmiers pour tout
l'hôpital ça faisait une tache
332 t colossale euh ((se tourne vers Docteur
Joseph)) là on a déjà
333 ajouté 2 infirmiers supplémentaires?
((Docteur Joseph hoche de
334 la tête tout en restant les bras croisés,
puis il se tourne vers Eric ))
335 donc ça fait 4 infirmiers pour les gardes chaque nuit
c'est ça?
336
337 Eric En fait on a fait par service (.) là euh:: on a
ajouté 2 infirmiers sur
338 le:: service de pédiatrie et 2 infirmiers euh sur le
service de
339 chirurgie (.) pour faire des roulements et avoir 1
infirmier
340 ttoujours sur t chaque t service (.) et ((se tourne vers
Max qui
341 hoche de la tête pour manifester son accord))
c'est à dire que les
342 infirmiers tournent plus sur tout l'hôpital juste sur
leur service
343
344 Max Donc ces réorganisations là:: on les fait
avec vous j'pense que
345 vous ((jette un coup d'oeil vers Docteur Joseph qui hoche
de la
346 tête en restant sto ·que)) aussi vous
aviez constaté qu'il y avait des
347 besoins de ce côté là et euh tout
ça pour amener euh:: pour essayer
348 euh:: d'avoir des soins de meilleure qualité hein le
fait d'être plus
349 d'infirmiers sur une garde va faire en sorte que:: les
patients vont
350 bénéficier d'un travail de meilleur
tqualité donc on s'est c'est
351 plutôt en ces termes tlà qu'on souhaite voir la
réorganisation avec
352 vous tMédecins Sans Frontières a quand
même une texpertise
353 depuis une trentaine d'années dans ce dans ce type de
contexte là
354 et puis on:: tMédecins Sans Frontières
travaille dans des hôpitaux
355 euh depuis depuis longtemps aussi (.) mais donc ça
((se tourne
356 vers Docteur Joseph)) c'est toujours fait en
partenariat euh avec
357 vous avec la direction de l'hôpital avec la direction
du DCZ ((se
358 tourne vers Docteur Joseph)) donc on n'est pas
là non plus pour
359 imposer les choses euh: on est là pour essayer de
travailler avec
360 tvous mais c'est sür qu'on a des expertises et
qu'on qu'on veut
361 les partager avecvous (.) ensuite on vous remettra aussi
du
362 matériel à la disposition de l'hôpital
donc à:: votre dispositiont
363 euh:: dans les services au bloc euh on aura aussi du du
matériel
364 euh de tsupport une bibliothèque opérationnelle
à Médecins Sans
365 Frontièrest euh vous avez déjà surement
vu les guides les guides
366 cliniques euh donc ça ce sera aussi c'est des
outils qu'on vous
367 perm- qu'on met à votre disposition c'est ça
aussi c'est à vous à
368 tVous les tapproprier ces toutils là qu'on va
mettre dans les
369 services etc euh: ben aussi à tvous de de d'utiliser
ce matériel là
370 (.) donc tout ça pour dire ça fait beaucoup
td'ajustements euh:: on
371 vous demande un peu de flex::ibilité par
ça par rapport à ça euh
372 parfois ça va faire des /frictions parfois ça
va peut être faire des
373 /mécontents ((fait de s gestes avec ses mains et
montre plus ou
374 moins Docteur Joseph)) euh:: il s'agit de pas garder
son
375 mécontentementt mais de venir en tdiscuter euh
et comme ça euh
376 on peut aplanir les difficultés (.) une autre chose
donc dans cette
377 réorganis- dans cette réorganisation là
euh:: comme Eric ((se
378 tourne vers Eric)) l'a dit là au lieu de
bouger sur tous les services
379 on va plutôt se concentrer sur des services donc on va
revoir
380 donc j'pense que c'est déjà en cours avec
Docteur Joseph
381 ((Docteur Joseph hoche de la tête en signe
d'accord)) on a revu
382 des profils de poste donc ça pour moi par exemple les
profils de
383 poste c'est une chose qui doit demeurer vivante (.) et qui
vous
384 appartient aussi (.) c'est pas seulement à nous
((fait des gestes vers
385 lui)) à faire la description du profil de
poste c'est aussi à vous:: à
386 vous tl'approprier et à dire bein après trois
quatre six huit
387 semaines (.) euh:: à un poste qui est un peu
changé par rapport
388 peut être à celui que vous aviez (.) à
nous dire ben ça fait pas parti
389 de mon profil de poste parce que dans la
réalité ça je le fais pas
390 mais dans la réalité ça je le
fais et c'est pas dans mon profil de
391 poste (.) donc ça aussi à vous à nous
faire des retours sur ça euh::
392 tranquillement (.) polé polé ? ((qui se traduit
parÇ Lentement,
393 lentement È en Swahili))
394
395 (6.0)
396
397 Max Ensuite (TOUT BAS) qu'est ce que je voulais euh
donc maternité
398 + donc là on a commencé avec euh on a pri- on
vous accompagne
399 au bloc on vous accompagne à la::: pédiatrie on
va faire ça
400 graduellement on va reprendre tous les services de
l'hôpital
401 comme j'vous l'ai dit sauf la maternité sauf la:: le
dispensaire (.)
402 par contre pour la maternité c'est pas parce
qu'on est pas:: qu'on
403 y est pas directement (.) qu'on se parle pas (.) parce
que dans la
404 maternité ya beaucoup de cas qui vont passés
d'un accouchement
405 eutocique à:: euh pour passer au /bloc vers la
césarienne (.) donc
406 euh c'est clair que l'équipe de chirurgie va va y
passer de temps à
407 autre voir comment ça se passe de votre
côté euh:: la stérilisation
408 qu'on va mettre en place euh:: pourra très bien servir
aussi euh
409 pour le service de maternité donc c'est pas parce
qu'on:: qu'on y
410 est tpas euh:: complètement (.) qu'on collabore
plus et qu'on se
411 parle pas (.) ça aussi ça me semble euh::
ça me semble importantt
412 (.)
413
414 Eric Juste en rajout euh:: aussi quand tu parles de tous les
services de
415 l ' hôpital euh:: on inclut pas non plus laboratoire et
euh =
416
417 Max =La radio=
418
419 Eric =La radiographie (.) voilà ((se tourne vers
Max))
420
421 Max Donc ça euh à chaque fois qu'on utilisera
le labo et la radio euh ce
422 sera refacturé à Médecins Sans
Frontières euh pour ces services là
423 (.) euh donc ça aussi ça va permettre à
l'hôpital de continuer à
424 acheter du matériel euh via srams et ne pas se mettre
en marge
425 euh du système ((regarde ses notes sur la
table))
426
427 (4.0)
428
429 Max Une fois qu'on aura:: repris avec tvous tous les services
ton va
430 mettre en place une salle d'urgence euh de soins
intensifs et euh
431 observation (.) normalement j'pense ((se tourne vers
Eric)) qu'on
432 va utiliser la salle qui est ici ((Docteur Joseph hoche
de la tête en
433 restant sto ·que et les bras
croisés)) et euh::: tinquiétez vous pas
434 on va vous trouver une autre salle de réunion Ah Ah
donc on va:::
435 mettre ici une salle d'urgence tsoins intensifs (.) et
euh::
436 tobservation donc euh un peu le tpremier passage de
l'hôpital
437 parfois pour stabiliser le patient avant de le diriger vers
un un un
438 un des services ou un autre ou avant de monter au bloc tou si
on
439 est pas certain si le patient doit être
hospitalisé si on peut le garder
440 donc on:: fera un lieu d'observation pour quelques heures et
/pour
441 les cas qui ont besoin de soins intensifs les cas qui sont
ttrès
442 lourds qui sont ttrès graves pourront
aussi demeurer ((se tourne et
443 regarde Eric )) dans ce service là ici =
444
445 Eric = La chose c'est que:: les gens qui viendr- bein toutes
les
446 références qui se feront à
l'hôpital pourront passer par ce service
447 là ce sera beaucoup plus simple et ensuite on pourra
dispatcher
448 dans le bon service au bon endroit en sachant que ya de la
place
449 dans le les services (.) pareil pour le dispensaire
après qui pourra
450 référer les patients sur la salle d'urgence
pour après les dispatcher
451 sur les services après
452
453 Max a devrai s'mettre en place euh:: ((regarde ses notes
sur la table))
454 tranquillement et progressivement euh:: une fois qu'on aura
repris
455 avec tvous tous les services
456
457 (7.0)
458
459 ((Bruit de l'alarme d'une montre))
460
461 Max On va aussi euh:: (.) yÕavait une question? ?
(1.0) avec le PAM?
462 on a prit une entente avec le::: programme euh::
alimentaire
463 mondial euh pour fournir la nourriture aux patients et aux
464 accompagnants donc euh:: et à oui ça veut
dire tun accompagnant
465 pas ?aux accompagnants Ah Ah donc un patient un
accompagnant
466 donc euh::: on::: on a reçu de la nourriture du PAM il
faut quÕon
467 mette tout ça (.) ((fait des gestes avec ses
mains)) en /branle euh
468 par contre là dans dans dans ce cas-ci on va faire
tout dÕun coup
469 on va pas prendre service pas service pour faire la
difference euh
470 donc ça on espére? pouvoir faire
démarrer vers la fin de la
471 semaine prochaine (.) le temps quÕon sÕorganise
ça va etre des des
472 rations sèches qui vont etre remis aux (.) aux
patients et aux
473 accompagnants cÕest une ration de 2100 (.)
kilocalories par ?jour
474 euh qui est recommandé par ?par lÕOMS (.) donc
et ce sera aux
475 accompagnants à les à cuisiner ces rations
là euh pour leurs
476 patients donc on va aussi (.) fournir le materiel euh de
cuisson
477 donc euh le ?charbon euh::: les les les chaudrons les
cuillères etc
478 =
479
480 Eric = [Les braseros
481
482 Docteur Joseph = [Les braseros
483
484 Max ((se tourne vers Eric)) Les braseros
voilà je cherchais le mot (.)
485 ((met la main sur son front)) le #?brasero euh::
((regarde ses notes
486 sur la table)) donc ça donc ça aussi
ça va etre une autre chose hein
487 quand jÕvous parle de reorganisation ça va
demander un pÕtit peu
488 de temps à se mettre en place (.) euh ?moi
jÕpense par exemple
489 quÕil serait intéressant pour fonctionner avec
ça cÕest que dans::
490 chaque service y est:: ((Sonnerie de
téléphone qui s'arrete
491 rapidement aprés que Max ai touché sa
poche)) y est un tableau
492 et quÕon puisse tous les matins tous les soirs
inscrire le nombre de
493 patients quÕy a dans chaque service et là euh
on va (.) ya
494 quelquÕun euh quÕon va embaucher pour faire la
distribution euh
495 ?tous les matins et euh cette ration #?là devrait
servir pour toute la
496 journée pour le patient et lÕaccompagnant (.)
et peut etre que le
497 ?soir une fois quÕon aura efi euh deux cinq dix
admissions (.) ces
498 patients pourront recevoir aussi aprés les admissions
le soir ((Bip))
499 donc quÕon fera probablement une ?grande distribution
le matin?
500 et le soir pour les quelques patients qui auront
été admis euh:::
501 durant la journée ((regarde ses notes sur la
table))
502
503 (5.0)
504
505 Max Donc voilà à peu prés pour euh::
?nourriture:: ?
506
507 (4 . 0)
508
509 Max Est ce qu'il y a des questions jusque là ? (.)
OUT
1 ANNEXE 2 - Transcription Séquence B
(durée : 19 min 21 sec)
2 Rencontre entre Max, Carole et deux officiers de la MONUC
3
4 MONUC 1 you coming from Canada
5
6 Cooren Canada yeah Montreal
7
8 MONUC 1 ((Inaudible il semble parler en indi))
9
10 Max well:: (.) we spend 2 3 days here after tomorrow we are
going to
11 Rutshuru
12
13 MONUC 1 ok
14
15 Max we euh just to do our medical activities report for the
past 3
1 6 months ((donne le rapport à MONUC 1)) euh::
for the all:: Nord-
17 Kivu
18
19 MONUC 1 ok Nord-Kivu
20
21 Max but unfortunately it's in french (RIRE)
22
23 MONUC 1 I need english (RIRE)
24
25 Max but if somebod- if you want to keep it and somebody wants
to
26 translate it if someone wants to see the data
27
28 MONUC 1 you have other copy also?
29
30 Max it's a copy for you
31
32 MONUC 1 you can give it to me, me I can interpreted it
interpret it on reverse
33
34 Max (inaudible)
35
36 MONUC 1 Please
37
38 ((MONUC 1 fait entrer tout le monde sous une tente en
bois))
39
40 Cooren thank you
41
42 ((on entend quelqu'un tousser))
43
44 Max So last time I came we had some (.) problems with the May
May
45
46 MONUC 1 and the very next day=
47
48 Max =the very next day (.) [they missed to rugabou
49
50 MONUC 1 [I need to remember so how sticky how
51 caviar he euh how I don't what we are saying you how they
can
52 touch MSF people so I don't know if it's you jinsengtsia
when
53 you make in Laika in front of hospital remember he was a hero
to
54 come here (.) ok let me speak land of nord-kivu
55
56 Max hum hum
57
58 MONUC 1 to chef or anyone (.) in Goma I spoken to him and the
night we
59 came to know provide them transport tomorrow morning they
60 have to livedthis place then (.) [then they stop it I think
from
61 here
62
63 Max [so it was done the quite only
64 euh (.)
65
66 MONUC 1 I know you have also (.) a good chain also (.) it was
reported to
67 Goma
68
69 Max hum hum
70
71 MONUC 1 to your chain also
72
73 Max hum hum
74
75 MONUC 1 it was reported
76
77 ((Un serveur en habit militaire passe avec un plateau et
donne des
78 verres d'eau à tout le monde))
79
80 Cooren thank you
81
82 MONUC 1 then hum I don't know but we provide them the
transport
83
84 Max oh that's good news (.) ((il boit de l'eau))
that's definitely a
85 good news and euh so now the the major problem left is still
with
86 the FDLR
87
88 MONUC 1 FDLR (TOUT BAS) makes problems + ((il
arrête un homme en
89 habit militaire qui passe prés de la tente))
hello Lison what would
90 you have to have
91
92 Max it's fine with me water is perfect
93
94 ((MONUC 1 s'adresse à Cooren))
95
96 MONUC 1 so what do you like to have it is juice tea coffee
what have a have
97
98 Cooren euh juice ok
99
100 MONUC 1 juice
101
102 ((MONUC 1 pivote et regarde Carole))
103
104 Carole nothing thank you
105
106 MONUC 1 nothing we don't have (RIRE)
107
108 Carole thank you
109
110 ((MONUC 1 pivote et regarde Max))
111
112 Max water water it's just good for me
113
114 MONUC 1 ok a juice likiena ((Il parle à l'homme en
habit militaire qui est
115 en-dehors de la tente)) (.) ((Il s'adresse
à Max)) tea coffee black
116 coffee?
117
118 Max euh no thanks I already have 2 coffee this morning that's
enough
119 for me (RIRE)
120
121 MONUC 1 ((Inaudible il semble parler en indi en
s'adressant à l'homme qui
122 est en-dehors de la tente))
123
124 MONUC 2 juice likiena
125
126 MONUC 1 ((Inaudible il semble parler en indi en
s'adressant à l'homme qui
127 est en-dehors de la tente))
128
129 ((MONUC 1 boit de l'eau)) (3.0)
130
131 Max my team have seen euh:: a helicopter (.) landing in Laika
for the
132 past:: couple of days=
133
134 MONUC 1 =day before yesterday yes I don't know what is there
euh general
135 of with here and commandant nord-kivu are from India
136
137 Max hum hum hum
138
139 MONUC 1 ((inaudible)) they come (.) they are going
to ((inaudible)) Somalia
140 witch is ((inaudible)) and euh general here say that
he want to
141 meet my people in order to see Camp those witch was a
couple
142 May May people
143
144 Max ok
145
146 MONUC 1 that's why they're landing in
147
148 Max ok
149
150 MONUC 1 and euh chart notice I was order to seeing them and
now they
151 want to see them=
152
153 Max =and now the FRDC they took this camp
154
155 MONUC 1 yes yes yes they say them by palatum
156
157 Max ok and euh:: any discussion with the FDLR ? because now
we
158 have a lot of euh rumours that euh:: is gone a be that's some
kind
159 of a deadline for them then they accept to demobilize and
go
160 back or they're gone a be some kind of a:: deadline for euh
for
161 fighting or euh
162
163 (2.0)
164
165 Max because the camp here is still ready to receive them?
166
167 MONUC 1 I don't think (.) ((il commence à toucher
ses cheveux)) these are
168 all rumours frankly these are all rumours nothing is going
to
169 happen ((il arrête de se toucher les cheveux))
because everybody
170 knows that why they didn't go to Rwanda:: it is a question of
my
171 why they don't go to Rwanda to get kill hein they lindja
fighting
172 here hein isn'it ?
173
174 Max hum hum hum
175
176 MONUC 1 I don't think there is a solution (.) this is not a
simply problem this
177 is a political problem so there is nothing to do it with them
just the
178 time frankly I don't know the solution
179
180 Max yes but it's been 12yearsit's it's not clear
(RIRE)
181
182 MONUC 1 It's not very easy you know it's not very easy (.) to
tell them you
183 go and they will go
184
185 Max hein hein hein (.) but apparently there is a fewa few
men
186
187 MONUC 1 ((Il sÕadresse et parle à Cooren
qui tient la camera)) I don't know
188 but what are they talking is not official please don't
189
190 Cooren ah ok ok
191
192 (Coupure de la video)
193
194 MONUC 2 It' nice to meeting you ((il regarde la
camera))
195
196 Cooren thank you
197
198 Max It's a pleasure (.) so we just bring euh:: every 3 months
or 4
199
200 ((Un serveur en habit militaire donne des boissons
à ceux qui en
201 avaient commandé précédemment
))
202
203 Cooren thank you
204
205 Max we try to do a medical report on the activities we have
euh around
206 the place oh là là merci ((il prend un
verre de jus)) and euh so we
207 give you a copy=
208
209 MONUC 2 =ok=
210
211 ((Bruit de fond de personnes qui parlent))
212
213 Max =unfortunately I said it's produce in french so I guess
somebody
214 can translate it=
215
216 MONUC 2 =ok
217
218 ((Un verre de jus de fruit est posé sur le
table))
219
220 Cooren thank you ((il sÕadresse au
serveur))
221
222 ((Fin du bruit de fond ))
223
224 Max so actual ly we have activities in Beni area for euh=
225
226 MONUC 2 =ok
227
228 Max =for victims of sexual violence=
229
230 MONUC 2 =ok=
231
232 Max =euh we ha::ve programs here in Laika=
233
234 MONUC 2 =ok=
235
236 Max =at the hospital euh:: we treating everybody for Free
for
237 secondary medical care=
238
239 MONUC 2 =ok=
240
241 Max =so euh anything that's need hospitalization=
242
243 MONUC 2 =ok=
244
245 Max =and we have a program in malnutrition for severally
246 malnourished we take in charge euh in Laika=
247
248 MONUC 2 =ok=
249
250 Max =we have a center for this (.) and we have for the::
moderately
251 malnourished child=
252
253 MONUC 2 =ok=
254
255 Max =for euh:: that we have five centers one in Meriki=
256
257 MONUC 2 =Year=
258
259 Max =that is usually do::ne on monday=
260
261 MONUC 2 =ok=
262
263 Max =one in Lufo=
264
265 MONUC 2 =ok=
266
267 Max =that's usually done on Tuesday=
268
269 MONUC 2 =ok=
270
271 Max =one in::: Kayabayanga that is today=
272
273 MONUC 2 =ok=
274
275 Max =euh tomorrow it's in Laika=
276
277 MONUC 2 =ok=
278
279 Max =and on friday it's in Butsiry around Kamandy=
280
281 MONUC 2 =ok ok
282
283 Max so we are going those places=
284
285 MONUC 2 =ok=
286
287 Max =euh:::=
288
289 MONUC 2 =it's a lot of job because it's a big area=
290
291 Max =year=
292
293 MONUC 2 =and I would say you're doing a good job because I
see what
294 they doing in hospital (.) but they are doing a good job not
much
295 time I seen lot (inaudible) in Laika hospital and they really
it's a
296 good job in them we don't talk about but you see (inaudible)
in
297 that kind you are priority specially in surgical those team
which
298 you are giving
299
300 MONUC 1 (inaudible)
301
302 MONUC 2 ((il bouge sa tête d'un coté
à l'autre)) Ok
303
304 (3.0)
305
306 MONUC 2 so really it's a good job (.) I think good very
good
307
308 Max and we are doing (.) pretty the same kind of program in
Mumba
309 now we started to work (.) at the hospital also
310
311 MONUC 2 yes
312
313 Max so we are speaking also with your colleague in euh in
Kiwandja=
314
315 MONUC 2 =ok=
316
317 Max =and euh::: pretty much the same thing except tha::t we
don't take
318 in charge the malnutrition thing because there is some
others
319 organisation doing it=
320
321 MONUC 2 =yes and pretty much the same program also=
322
323 Max =year (.) so euh:: the surgical team is there also=
324
325 MONUC 2 =ok=
326
327 Max so euh everybody is welcometo receive treatment euh:: for
free
328 euh:: military FDLR we don't do any discrimination=
329
330 MONUC 2 =ok=
331
332 Max =as long as nobody comes with a gun (.) inside the
hospital
333 everybody is welcome (.) so whatever reason if you have
some
334 [wounded it will be welcome
335
336 MONUC 1 [Excuse me (.) euh you don't listen excuse me at
337 least it comes
338
339 MONUC 2 (inaudible)=
340
341 MONUC 2 =no no no it come and they said what team is coming
from in this
342 Laika hospital=
343
344 MONUC 2 =ok=
345
346 MONUC 1 =that the surgical team=
347
348 MONUC 2 =ok=
349
350 MONUC 1 =with the ( inaudible) they
(inaudible) of everything=
351
352 MONUC 2 =ok=
353
354 MONUC 1 =and we'll going to treat everybody=
355
356 MONUC 2 =ok=
357
358 MONUC 1 =it include euh whatever everybody=
359
360 MONUC 2 =ok=
361
362 MONUC 1 =then euh: there is a doctor (.) what we don't have
in database
363 witch you call it euh we can security never manded euh [we
don't
364 have the thing
365
366 MONUC 2 [ok
367
368 MONUC 1 so if that happen to us we don't have the duch
369
370 MONUC 2 ok
371
372 MONUC 1 euh what you can do for this
373
374 MONUC 2 ok
375
376 ((on entend le bruit d'une bache qui se dechire, Max
& MONUC 1
377 se retourne))
378
379 MONUC 1 (RIRE) then I had spoken to euh
(inaudible) witch he said ok I euh
380 I would like to speak to him he made from that Laika hospital
then
381 he said welcome (.) everybody here would like to go see
the
382 doctor
383
384 Max so it's also important to know that MSF our medical
organisation
385
386 MONUC 2 year=
387
388 Max =of course we're an independent organization we're not
link
389 with the UN=
390
391 MONUC 2 =ok=
392
393 Max =we're not link with the:: MONUC=
394
395 MONUC 2 =year=
396
397 Max =euh:: so in that sense and to keep that independence
we're not
398 doing any euh (.) we're not using any military convoy=
399
400 MONUC 2 =ok=
401
402 Max =when we go on the road=
403
404 MONUC 2 =ok=
405
406 Max =either MONUC FARDC or whatever right it's the case here
but
407 it's the case wha wha- whatever we work work=
408
409 MONUC 2 =ok=
410
411 Max =if it's f Soudan f Tchad=
412
413 MONUC 2 =ok=
414
415 Max =euh (.) it's always the same policy for euh for MSF f
=
416
417 MONUC 2 =ok=
418
419 Max =so we used to speak with everybody euh:: to try to see
we
420 normally explain what's what's our programm
421 [activities so that everybody can used that why we are doing
this
422
423 MONUC 1 [(inaudible) ((il montre le
rapport à MONUC 2 ))
424
425 MONUC 2 the report=
426
427 Max =yes=
428
429 MONUC 1 =so we can also the FR problems
430
431 Max yes=
432
433 MONUC 1 =the treatments (RIRE )
434
435 Max (RIRE) yeah yeah yes we told everybody is
welcome at the
436 hospital that's no problem
437
438 ((Un serveur en habit militaire entre dans la tente avec
un
439 plateau))
440
441 MONUC 2 [thank ((il s'adresse au serveur))
442
443 Max [as long as there is no arms
444
445 MONUC 1 yes
446
447 MONUC 2 [would you like juice
448
449 Max [our hospital is neutral place
450
451 Carole no thanks you very much
452
453 MONUC 2 you sure it's a juice
454
455 Carole no thanks
456
457 MONUC 2 do you want some beer or something
458
459 Carole no no
460
461 MONUC 1 beer you like it
462
463 MONUC 2 you like some beer or something
464
465 Max no no no (.) not during the day (RIRE)=
466
467 MONUC 2 = ((ilparle avec un debit rapide)) ok since
we came what we saw
468 of MSF I say it present very very well present been in the
XXX
469 what we give the situation not very well a lot of famine a
lot of
470 casualties (.) and what I know at least 6 to 7 casualties
that came
471 to us (.) that we transported to Laika to your hospital that
MSF
472 hospital (.) they all thinks thanks for the surgical team it
was there
473 because we don't have the facility of surgery here=
474
475 Max =hum hum=
476
477 MONUC 2 =((il parle avec un debit rapide)) ok we can
treat them medically
478 we can give them anything or something if somebody come in
to
479 us but we don't have facility for surgery=
480
481 ((MONUC 1 s'adresse à la camera))
482
483 MONUC 1 =initially (inaudible) where we use an
entire:: very very we used
484 to go to see what our area every possibility before MSF
people
485 sitting already on the area and treating it was an entire::
=
486
487 MONUC 2 =[I don't know the other but yes
488
489 MONUC 1 [20 kilometres 30 kilometres from
490
491 MONUC 2 ((il parle avec un debit rapide)) this place
you are doing a good
492 job let's talk about really every place where you granted we
see
493 MSF is (inaudible) specially for the treatments in
(inaudible) I see
494 a lot of people from Lufu or Meriki and if you ask a
normal
495 agency of (inaudible)
496
497 MONUC 1 (inaudible)
498
499 MONUC 2 ((ilparle avec un debit rapide)) they say no
situation are not good
500 people are not good that what I think if you are not doing a
good
501 job people don't travel and I like they are doing because MSF
here
502 (.) really good job I'm telling you very very well I say I
say keep it
503 that
504
505 Cooren (RIRE)
506
507 MONUC 2 really [really good
508
509 Max [we will try (RIRE) we're gonnabe (.) at the
hospital:: euh
510 minimum until euh mid june =
511
512 MONUC 2 =ok=
513
|
|
xxxiv
|
514
|
Max
|
=next year=
|
515
|
|
|
516
|
MONUC 2
|
=ok=
|
517
|
|
|
518
|
Max
|
=euh but it's probably gonna be euh:: extended for the euh I
would
|
519
|
|
say for the six months=
|
520
|
|
|
521
|
MONUC 2
|
=ok=
|
522
|
|
|
523
|
Max
|
=this would have to be to be talk but we gonna be there at
least
|
524
|
|
euh:: until mid june (.) that's for sure=
|
525
|
|
|
526
|
MONUC 2
|
=do I need pick some permission for memento or::: something
|
527
|
|
some contracted for bring if you wanted one
|
528
|
|
|
529
|
Max
|
euh:: everything is finance by MSF
|
530
|
|
|
531
|
MONUC 2
|
yes I must see but in Congolese hospital=
|
532
|
|
|
533
|
Max
|
=wait yes=
|
534
|
|
|
535
|
MONUC 2
|
=(inaudible) in hospital Laika=
|
536
|
|
|
537
|
Max
|
=but we are=
|
538
|
|
|
539
|
MONUC 2
|
=(inaudible) in administration first=
|
540
|
|
|
541
|
Max
|
=of course=
|
542
|
|
|
543
|
MONUC 2
|
=(inaudible) administration in Kinshasa
|
544
|
|
|
545
|
Max
|
euh::: both=
|
546
|
|
|
547
|
MONUC 2
|
=both=
|
548
|
|
|
549
|
Max
|
=we normally negotiate with the local authority=
|
550
|
|
|
551
|
MONUC 2
|
=ok=
|
552
|
|
|
553
|
Max
|
=then we go to the province authority in Gomaand then we also
|
554
|
|
deal with the ministry of health in Kinshasa=
|
555
|
|
|
556
|
MONUC 2
|
=ok=
|
557
|
|
|
558
|
Max
|
=so everybody is well well about what we doing (.) euh this
kind
|
559 of report are euh are giving in Kinshasa euh:: apparently
even the
560 president is reading them=
561
562 MONUC 2 =ok=
563
564 Max =euh:: so:: year MSF that's also an other policy we try
to do
565 everything in transparency so every everything is
available
566 everything that we are doing is available and we try to hum
to
567 spread it so that's the people can understand that we are
doing
568
569 MONUC 2 ((il parle avec un debit rapide)) thanks ok
so I'm sorry for my
570 ignorance if I don't know much what MSF are doing because
we
571 are doing this not in deli basis we are seeing (
inaudible) we deal
572 with them sometimes but what is a it's a government funded?
it's
573 a (inaudible) mission ? or it's a some kind trust
mentoring it ?
574
575 Max no it's an an association=
576
577 MONUC 2 =ok=
578
579 Max =we started in euh 71 euh 1971=
580
581 MONUC 2 =ok=
582
583 Max =euh:: by some French doctors=
584
585 MONUC 2 =ok=
586
587 Max =and it's a non non governmental organization=
588
589 MONUC 2 =ok=
590
591 Max =and it's private fund=
592
593 MONUC 2 =ok=
594
595 Max =so euh Me my brother my mother
596
597 MONUC 2 ok
598
599 Max your sister your brother can give (.) 1$ 2$ 10$ 100$ to
MSF=
600
601 MONUC 2 =ok=
602
603 Max =and all those funds that are used euh::: for the medical
activities
604 undergrounds=
605
606 MONUC 2 =ok=
607
608 Max =so 90% of the funding of MSF is private donor like you
and me=
609
610 MONUC 2 =[ok=
611
612 MONUC 1 =[ok=
613
614 Max =and there is a 10 to 15% with euh gove rnmental euh
fundings
615 like the FID or euh::: Canadian or European or euh::ECHO
for
616 exemple is sometimes euh:: funding euh:: MSF (.) so that's
also a
617 big part of the independence of MSF because we have our
own
618 funding
619
620 MONUC 2 year and that (inaudible)
621
622 Max actually there is 5 different=
623
624 MONUC 2 =ok=
625
626 Max =operational sections=
627
628 MONUC 2 =ok=
629
630 Max =MSF is also became also an international movement=
631
632 MONUC 2 =ok=
633
634 Max =there is 5 (.) operational sections and there is 12
partner sections
635 (.) there is total=
636
637 MONUC 2 =17=
638
639 Max =17 euh office=
640
641 MONUC 2 =ok=
642
643 Max =and we are working with the MSF France
644
645 MONUC 2 ok=
646
647 Max =section=
648
649 MONUC 2 =ok=
650
651 Max =so the head office is in France=
652
653 MONUC 2 =ok=
654
655 Max =but it's everybody that can work for MSF France I'm
not
656 French I'm Canadian
657
658 MONUC 2 ok
659
660 Max ((il montre Carole avec ses mains)) Carole is
coming from
661 Congo Brazzaville=
662
663 MONUC 2 =ok=
664
665 Max =and there is:: people from euh there is Indian working
at MSF=
666
667 MONUC 2 =ok=
668
669 Max =and there is people from euh from all over the world
actually (.)
670 for euh:: as the majority of the time euh as a volunteer=
671
672 MONUC 2 =ok (.) so I want say very good ((il est
trés souriant))
673
674 (2.0)
675
676 MONUC 2 So how long you will be here?
677
678 Max euh normally I'll be here for euh 12 1 year (.) [so I
finish euh
679
680 MONUC 2 [no you will be for
681 this visit=
682
683 Max =ah this visit ah tomorrow I'm living for- to Mumba=
684
685 MONUC 2 =Mumba
686
687 Max yes I'm gone a spend 3 days in Mumba=
688
689 MONUC 2 =ok
690
691 Max and after euh I'm going to Goma (.) going back to Beni
(.) and
692 then going back to Goma (RIRE)
693
694 MONUC 2 back to Beni and Goma ( RIRE )
695
696 Max (RIRE)
697
698 MONUC 2 that's good
699
700 MONUC 1 your base is in Beni?
701
702 MONUC 2 based in Beni
703
704 Max we are based actually in Beni but we are moving to Goma
in the
705 next week
706
707 MONUC 1 ok
708
709 Max the coordination team will be base in Goma starting first
week of
710 November
711
712 MONUC 1 how you move by road ?
713
714 Max year bein non euh when we do Goma/Beni we use a plane
715
716 MONUC 2 ok
717
718 ((MONUC 1 fait un hTMchement de tête))
719
720 Max no no not always on road because pffff ((il montre se
jambes))
721
722 ((RIRE de tout le monde))
723
724 Max there is a little a little bit hard on the body=
725
726 MONUC 2 =year this is a bit stretch for little bit
727
728 Max yes=
729
730 ((RIRE de tout le monde))
731
732 MONUC 2 =it's difficult to do Goma/Beni in one day=
733
734 Max =euh already Goma/Laika it's euh pffff Beni/Laika that's
enough
735 for one day (RIRE) Alright thanks very much
736
737 MONUC 2 our pleasure
738
739 MONUC 1 you can have lunch if you wanted
740
741 Max no we have a meeting euh at the hospital in 30 minutes so
we
742 have to go back in Mumba (.) maybe next time
(RIRE)=
xxxix
743
744 MONUC 1 =[oh sure sure
745
746 MONUC 2 =[no problem the next time we can just walking for
the day
747
748 ((MONUC 1 se léve & Max boit une gorgée
de son verre de jus de
749 fruit))
750
751 Max (RIRE) (.) we still have a lot of meeting going
on ((il se léve de sa
752 chaise)) because when we do visit short like this
like 2 3 days we
753 have a lot a lot things to see with the medical program and
so (.)
754 but thanks for the offer next time=
755
756 ((Poignée de main entre Max et MONUC 1 puis MONUC
2))
757
758 MONUC 1 =welcome welcome always welcome=
759
760 MONUC 2 =always welcome and just say what we can do for you
even you
761 has independent everything we can do but yes if you need
762 anything please do come=
763
764 Max =euh:: if you ha:::ve euh anything bounded anything like
that you
765 ha:::ve the number of Mumba
766
767 MONUC 2 (RIRE)
768
769 ((Tout le monde sort de la tente et marche vers la sortie
du
770 campement))
771
1 ANNEXE 3 - Transcription Séquence C
(durée : 36 min)
2 Réunion à Goma entre Max et des
représentants du Ministère de la Santé congolais,
3 Guy et Tony
4
5 Max C'était le: c'était l'autre d'avant j'pense
que c'était le semestriel là on
6 avait pas pu faire de trimestriel en juin là on
était trop débordé en: et là
7 c'est juillet aout septembre=
8
9 Guy =ah ok (.) ok qu'on nous dérange pas pour le
moment
10
11 ((Bruit de porte qui se ferme, Guy va s'asseoir et lit le
compte-rendu
12 MSF))
13
14 (43.0)
15
16 Guy Alors à Mumba, ça va?
17
18 Max Mumba:: ça va, polé polé ((qui
veut direÇ Lentement, lentement È en
19 Swahili))
20
21 ((Rires aux éclats de Max et Guy))
22
23 Max Tranquillement euh donc on a euh on est: euh fonctionnel
au bloc-là, on a
24 remis en marche- ah mais Voilà le docteur Tony
25
26 ((Sonnerie de téléphone cellulaire))
27
28 Tony Bonjour
29
30 Max Comment allez-vous?
31
32 Tony a va très bien.
33
34 Guy Pouli, bonjour Pouli
35
36 Tony Bonjour vous allez bien ? ((Poignée de
main)) Je m'excuse
37
38 ((La sonnerie continue))
39
40 Max Donc ouais, euh on a pris:: en charge le bloc, le service
de chirurgie=
41
42 Guy Hum hum=
43
44 Max Donc on a:: refait un peu le circuit du bloc pour rendre
propre la salle, on
45 a remis en marche la salle de réveil=
46
47 Guy =Hum hum
48
49 Max euh: salle de préparation, on embauché du
personnel supplémentaire euh
50 pour être euh:: pour être fonctionnel euh 24heures
sur 24
51
52 Guy Hum hum
53
54 Max euh garder le bloc propre
55
56 Guy Propre oui
57
58 Max On a redémarré la stérilisation
à l'autoclave
59
60 Guy Oui oui
61
62 Max Parce que pour Pinel euh:::, c'est pas
sécuritaire
63
64 Guy Hum hum
65
66 Max euh Donc ça, ça fonctionne bien. Pour la
semaine dernière, donc du lundi
67 24 au dimanche 30 on a fait 20 interventions au bloc
68
69 Guy Hum hum
70
71 Max dont 5 blessés par balles, euh: donc on travaille
euh donc j'pense que ça
72 se passe bien avec les équipes de l'hôpital,
l'équipe personnelle de
73 l'hôpital, on travaille en collaboration avec eux
évidemment. a semble
74 bien se passer. On a tout: fait la désinfection aussi
euh du service de
75 chirurgie, on a mis en place des euh des pharmacies (.) pour
le Bloc,
76 pour le service de Chirurgie, pour laPédiatrie, on a
pris en charge la
77 pédiatrie aussi, donc on a dit qu'on irait
78 graduellement [
79
80 Guy [Oui oui XXX
81
82 Max Comme on est en plein pic de malaria et que: près
de 50% des références
83 qu'on fait avec l'ambulance ce [sont des enfants
84
85 Guy [sont des enfants
86
87 Max En palu endémique [
88
89 Guy [Hum hum
90
91 Max euh donc le souci actuellement est plutôt en termes
de transfusion
92 [sanguine
93
94 Guy
95 [sanguine Oui
96
97 Max On a un tout peu de difficulté à trouver des
donneurs. Donc il y a une
98 rencontre qui devait se tenir aujourd'hui
99
100 Guy [Avec l'association des donneurs de sang oui oui
101
102 Max [Avec l'association des donneurs de sang voir comment on
peut
103 les donner un petit incentive =
104
105 Guy =hum hum=
106
107 Max =supplémentaire-là pour s'assurer d'avoir
un peu plus de donneurs, un
108 peu plus de sang en réserve parce que c'est vraiment
euh, c'est un peu
109 problématique à ce niveau-là.
110
111 Guy Et puis je sais que le niveau national a envoyé un
frigo pour euh pour euh
112 l'unité de transfusion, je ne sais pas si le frigo est
déjà arrivé sur place si
113 ya =
114
115 Max =Je sais que le docteur Joseph en a parlé heu au
dernier comité de gestion
116 hum euh: j'me rappelle pas si si il était sur place,
je pense hein
117
118 Guy oui oui
119
120 Max donc on va on va travailler aussi sur ça avec eux.
Donc en pédiatrie
121 aussi on a ajouté un tout petit peu de personnel, pour
les gardes de nuit
122 aussi on a ajouté du personnel parce que hum bon deux
deux deux
123 infirmiers pour tout l'hTMpital ça faisait pas
beaucoup.
124
125 Guy Hum hum ouais
126
127 Max Donc là on est passé à quatre donc
au moins un infirmier
128
129 Guy [par service=
130
131 Max =[par service. Euh donc on fait tout ça hein
graduellement euh: donc que
132 les pharmacies par service aussi euh: je pense que c'est
qu'c'est
133 intéressant, ça nous permet de suivre leur
consommation. Normalement
134 ils ont tout leur matériel pour toute la semaine pour
euh travailler=
135
136 Guy =par semaine
137
138 Max Donc ça aussi ça ça euh semble bien
se passer euh. Ensuite après ça bien
139 on va prendre tranquillement la médecine interne euh
obstétrique et puis
140 on mettra en place une salle dÕurgence euh soins
intensifs, observation.
141 a sera peut etre, ça sera probablement la
derniére étape.
142
143 Guy hum hum
144
145 Max En même temps ça sera une passage oblige
pour les services, euh donc
146 tout ce qui sera transfert des différents centres de
sante. Donc pour le
147 mois de septembre on a fait 91 transferts
148
149 Guy oui cÕest ça
150
151 Max avec lÕambulance. a aussi ça se passe
trés bien avec les services de
152 sante, ils nous appellent, on se déplace pour tout ce
qui est urgence. Donc
153 ça semble etre euh bien compris, ça va moi, on
sÕen réjouie, ça
154 fonctionne, en tout cas de ce cTMté-là,
ça fonctionne beaucoup mieux quÕà
155 Laika
156
157 Guy Laika
158
159 Max Ë Laika il y a encore beaucoup de reticence, ils
retiennent encore
160 beaucoup les patients euh en terme de euh, pour ce qui est
dÕurgence et
161 référence. Euh: donc ça va cÕest
ça se fait seul, je pense que ça met euh
162 les gens en confiance, jÕai lÕimpression. Les
gens vont dans les centres de
163 s[anté
164
165 Guy [Sante
166
167 Max Euh pour une première ligne tout en sachant que
sÕil y a quelque chose
168 [de grave, dÕurgence
169
170 Guy [de grave, dÕurgence ils vont
171
172 Max ils seront référés à
lÕhTMpital de Mumba (.) Donc euh:: que ça se passe
173 plutTMt bien de ce cTMté -là.
174
175 Guy Donc par rapport à ça, on avait encore une
autre euh, je ne dirai pas une
176 preoccupation on avait une requête à formuler
euh:: ((fait un geste de la
177 main vers Tony)) on en a longuement discuté
avec Docteur Tony CÕest
178 par rapport au euh au chirurgien
179
180 Max Oui=
181
182 Guy =que MSF a amené pour essayer dÕaider
lÕhTMpital. Nous, on sÕest dit si
183 euh cÕest la presence de ce chirurgien ne peut pas
profiter à dÕautres
184 médecins.
185
186 Max Hum hum
187
188 Guy Je crois que peut être Carole vous en a vous en a
déjà parlé.
189
190 Max C'est possible
191
192 Guy Donc euh nous on voudrait (.) avec votre accord
envoyer nos médec ins
193 en formation, évidemment uniquement euh pour la
chirurgie, pour qu'ils
194 puissent profiter euh de de de l'expérience du
chirurgien que MSF a mis a
195 mis à l'hôpital.
196
197 Max Bon en formation euh = ((il affiche un visage emprunt
de perplexité))
198
199 Guy Bon on dirait formation, c'est peut être trop dire
mais bon euh=
200
201 Tony = En fait, en fait euh, l'idée vient du fait que
(.) le le système de santé que
202 nous essayons d'appuyer dans la province euh comprend non
seulement
203 les structures, les institutions mais aussi du personnel. Et
donc qu'euh on
204 a constaté depuis un certain temps que dans les
milieux ruraux il y a de
205 plus en plus de jeunes médecins
206
207 Max hum hum
208
209 Tony qui ne sont plus encadrés par des médecins
beaucoup plus=
210
211 Guy =chevron[nés
212
213 Tony [Expérimentés, et donc chaque fois qu'il y
a une opportunité
214 comme celle que vous donnez à la zone de santé
de Mumba, nous
215 pensons que c'est vraiment quelque chose qu'il ne faut pas
rater pour
216 renforcer le système. C'est vrai que l'approche MSF,
c'est une approche
217 directement centrée sur le patient mais notre
approche, tout en visant le
218 patient essaie d'appuyer plus le système. Et je
crois que les 2 ensembles
219 pourraient faire un très bon résultat. Donc
nous avons pensé qu'on peut
220 vous approcher dans ce euh=
221
222 Guy =Dans ce sens-là
223
224 Tony =Dans ce sens-là, pour dire qu'euh, on pourrait
profiter de cette présence
225 de ce médecin-là pour essayer de de recycler un
peu les médecins des
226 autres zones voisines. Ainsi après c'est une
anné e d'intervention MSF, en
227 plus du fait que les gens auront accédé aux
soins, on aura en
228 permanence des médecins qui sont capables de
répondre aux urgences les
229 plus fréquentes et de manière efficace.
Voilà un peu dit en gros.
230
231 Max Ouais faut ouais faut faire attention euh:: (.) juste
comment comment
232 utiliser ça parce que effectivement formation, MSF, on
nÕest pas une
233 université
234
235 Tony Oui [ca ca on comprend
236
237 Max [On nÕest pas là comme formateur en
même temps cÕest clair quand
238 MSF passe dans un milieu hospitalier:: dans euh:: même
dans des centres
239 de sante:: peu importe oil on passe (.) cÕest clair
que ya que ya quÕil y a
240 un volet euh apprentissage qui est important
241
242 Guy Bien sur
243
244 Max hein parce quÕon a quand même des
outils euh qui je pense sont
245 intéressants à MSF. On a plusieurs
livres: je pense aux guides cliniques
246 euh aux livres à lÕutilisation des
médicaments essentiels euh avec les
247 protocoles thérapeutiques, euh: apres on apporte euh::
le savoir en
248 hygiene la gestion la gestion de des déchets de
lÕhygiène tout ça donc.
249 Oui cÕest clair euh quÕil y a=
250
251 Guy =[un apprentissage=
252
253 Max =[un euh un apprentissage qui est un peu, je dirai qui se
fait au quotidien
254 euh en mettant la main à la p%ote hein ? ((il
agite ses mains en parlant))
255
256 Guy hum hum
257
258 Max Et on nÕest pas là jÕdirais pour
faire f Ecole
259
260 Guy Hum hum
261
262 Max CÕest aussi aux gens à
sÕapproprier les outils quÕon met à disposition
euh.
263 Et cÕest surtout de cette façon-là que
je pense que quÕil y a des acquis, des
264 apprentissages (.) a, ça me semble, ça me
semble euh me semble euh
265 evident Apres comme je vous le dis cÕest pas::
cÕest pas euh tous les
266 matins au tableau pour faire lÕécole ((il
mime quelqu'un en train d'écrire
267 sur un tableau)) a cÕest pas, cÕest
pas la façon que MSF fait donc Moi,
268 moi disons de prime abord, jÕai pas de
gro::sses objec::tions (.) Mais euh
269 euh à voir comment ça peut se faire (.)
DÕabord il ya le docteur Luc qui
270 est à lÕhTMpital de Mumba, qui est aussi un
jeune médecin=
271
272 Guy =Voilà
273
274 Max Euh::: qui qui est euh invite à passer au bloc euh
à chaque fois quÕil y a
275 des interventions. Donc cÕest pas un souci euh mais en
premier lieu, cÕest
276 quand même le chirurgien MSF qui doit faire euh les
operations euh qui
277 va qui va mettre après quand c'est des euh
tranquillement, je pense que
278 Luc va faire la césarienne, etc euh sous la
supervision de du chirurgien,
279 de de l'anesthésiste
280
281 Guy Hum hum
282
283 Max a c'est clair que l'anesthésiste sera toujours
présent euh à chaque euh=
284
285 Guy =A chaque [intervention
286
287 Max [à chaque intervention parce qu'on a amené
du matériel euh
288 qui doit être utilisé par un anesthésiste
[formé à ce titre là289
290 Guy [formé
291
292 (3.0)
293
294 Max doncaprès euh:: commentvous vous voyez les choses?
Vous en êt -
295 euh vous feriez passer euh le médecin euh deux
semaines trois semaines
296 un mois au bloc ? Euh comment vous voyez la chose ? Donc si
vous
297 envoyez un médecin au bloc, ça veut dire que
Luc perd un heu sa son
298 espace=
299
300 Guy ((il parle avec un debit de parole relativement
rapide)) = Nonnon, ce
301 n'est pas de cette façon que nous avons pensé,
c'est-à-dire que Luc est là,
302 vous comprendrez même l'autre fois on vous l'a dit,
nous n'avons pas
303 voulu lui confier de responsabilité parce qu'on savait
que, il venait à304 peine de terminer, qu'il n'avait pas
assez d'expérience raison pour
305 laquelle jusqu'à ce jour c'est docteur Joseph qui
porte le qui porte les
3 0 6 deux chapeaux, nousl'idée c'est que la personne que
nous envoyons là-
307 bas n'est pas là uniquement pour la chirurgie parce
que avec le projet
308 vous vous rendez compte que, il ya un afflux massif de de de
malades et
309 que la chir- que le volume de travail:: augmente. a sera
aussi pour nous
310 une façon de désengorger un peu docteur Joseph
qui en fait doit
311 normalement s'occuper des aspects euh techniques
administratifs de la
312 zone de santé, le médecin qui sera là,
il est là pour une durée de de de
313 trois mois. Et pour ce qui est de la chirurgie euh c'est au
chirurgien de
314 voir comment les utiliser. Donc utiliser Luc et utiliser
celui qui sera là.
315 S'il n'est pas euh:: au bloc ce jour-là, il peut, peut
être, être en médecin
316 interne ou en chirurgie euh en pédiatrie. Donc c'est
c'est de cette façon-là317 que nous, donc il est là juste
pour une période de 3 mois mais il bénéficie
318 de de l'expérience de de de du chirurgien MSF. S'il y
a par exemple dix
319 interventions programmées pour la journée, Luc
prend cinq, lui prend
320 cinq hein comme ça euh ils ils se relayent. Pour nous
le prob- le
321 l'important pour nous c'est que, évidemment ce sont
des jeunes, il y a
322 d'autres interventions qu'ils peuvent faire, d'autres non.
Mais en voyant
323 le chirurgien MSF le faire, à la longue, ils peuvent
être à mesure aussi de
324 le faire, donc que, acquérir de cette
expérience -là. Je crois que c'est c'est
325 de cette facon-là que::
326
327 Tony Oui en fait on se dit sans doute avec l'intervention de
MSF, on aura
328 l'afflux de:: de patients donc on aura besoin d'un
personnel
329 supplémentaire. Et on se dit il ne serait pas bien de
prendre un médecin
330 euh euh pour neuf mois par exemple hein et alors qu'on
pourrait
331 potentialiser ce ce médecin -là. On prend par
exemple le médecin de la
332 zone de santé voisine qui vient pendant trois mois
tout en appuyant
333 l'équipe qui est là. Donc il fournit les
services de médecin il profite en
334 même temps de l'expérience des médecins
qui sont là, des médecins
335 expérimentés MSF. Et alors pendant les trois
mois, il acquiert des
336 compétences, des qu'il rentre dans sa zo[
337
338 Guy [dans son hôpital
339
340 Tony Dans son hôpital, il améliore aussi dans sa
zone dans son hôpital. Et donc
341 que, on se dit ce serait une facon de de potentialiser de de
faire en fait
342 d'une pierre=
343
344 Guy =deux coups=
345
346 Tony =Deux coups: on intervient, on améliore la
l'accessibilité, mais on
347 améliore aussi=
348
349 Guy =l'offre=
350
351 Tony =dans la périphérie. Donc c'est un peu ce
qu'on a pensé. Le seul euh, la
352 la seule préoccupation qui s'est faite c'est que euh,
en déplacant ces euh
353 ce personnel-là, il va se créer un beug = un
vide
354
355 Max hum
356
357 Tony dans l'hôpital. Donc l'inspection a dit il y a un
médecin qui pourrait faire
358 donc le le le c'est un, c'est un autre médecin qui va
aussi bénéficier en
359 fait de cette formation mais en dernier lieu. Donc les trois
derniers mois
360 ce médecin pourrait alors se retrouver euh euh aussi
pour cette
361 formation=
362
363 Guy = Mais entre temps il couvre [les absences
364
365 Tony [il couvre les absences dans les autres
366 centres=
367
368 Guy =des autres médecins dans les autres centres donc
quand il y a un
369 médecin par exemple dans la zone A qui est à
Mumba, ce médecin-là
370 couvre son absence pendant les trois mois=
371
372 Tony =les trois mois
373
374 Guy Quand le deuxieme médecin de la zone B ira
à Mumba et que celui qui
375 était à Mumba revient à son poste, il
couvre l'absence du médecin dans la
376 zone B
377
378 Tony voila
379
380 Guy et que lui sera le dernier à
bénéficier de ce passage=
381
382 Tony =ce déploiement
383
384 Guy de Mumba
385
386 Tony Donc on a pensé que ce sera un systeme de trois
mois trois mois et donc à
387 ce moment-là, le cofit cofit supplémentaire
peut etre cela que cela ca ca
388 pourrait jouer, c'est c'est de dire est ce que MSF
prévoit payer donc un
389 médecin supplémentaire? Si tel est le cas ca
serait facile alors comme ca
390 ce médecin qui remplacerait irait prendre les primes
de ceux qui euh qui
391 sont euh.
392
393 Max a pour l'instant, pour moi pour le point de vue
administratif euh ca moi
394 j'ai pas d'enveloppe de prévu pour ca.
395
396 Tony Hum
397
398 Max Mon enveloppe est déjà, mon budget est
déjà fait
399
400 Tony Hum
401
402 Max Pour toute l'année 2006 euh on a sorti, on a
principalement prévu du
403 personnel infirmier=
404
405 Guy =infirmier
406
407 Max supplémentaire parce que c'est vrai de ce
cTMté-là euh euh qu'il y a des
408 manques (.) euh donc moi j'en ai pas, j'en ai malheureusement
pas de
409 budget de ce cTMté-là euh.
410
411 Guy hum hum
412
413 Max Euh apres moi comme je vous dis j'ai pas euh de prime
abord j'ai pas de
414 d'objection qu'on puisse procéder comme ca de cette
facon-là
415
416 Guy hum hum
417
418 Max euh euh à vous de voir là à
lÕinspection provinciale, comme vous pouvez
419 faire: est ce que CEMUBAC, parce que moi je trouve que
ça sÕinscrit euh
420 directement dans dans ce que le CEMUBAC veut faire en termes
de
421 développement. Euh euh, moi jÕai pas
dÕobjection à ce quÕon le fasse en
422 collaboration sauf que du point de vue administratif, moi
jÕai pas pour
423 lÕinstant jÕai pas cette marge de
manÏuvre-là. Mon budget vient de passer
424 en commission budgétaire à Paris euh:::
jÕvais pas pouvoir euh faire des
425 ajouts de ce cTMte-là. ((il affiche un visage
désolé et compréhensif))
426
427 X Hum
428
429 Tony Parce que le scenario euh, nous le suggérions
dans le le sens oil il y aurait
430 un personnel supplementaire, nous pensions que dans ce
personnel il y
431 aurait un poste supplementaire dÕun medecin, donc
cÕetait comme ca
432 que=
433
434 Max =Euh, nous au depart on a prit lÕidee quÕil
avait deux medecins à lÕhTMpital
435 de Mumba et que euh avec deux medecins supplementaires de
MSF
436
437 Guy de MSF ouais
438
439 Max que ca que cÕetait suffisant, en plus f du
chirurgien.
440
441 Guy & Tony Hum hum
442
443 Max Euh:: que cÕest amplement suffisant en termes de
médecins
444
445 Guy de médecins
446
447 Max donc cÕest pour ça jÕvous dis euh je
nÕai pas aucune objection à ce que
448 euh à ce que euh un médecin qui puisse profiter
de cette euh=
449
450 Guy =Exp[érience
451
452 Max [Expérience -là. Mais cÕest surtout
nous on a surtout calculé en
453 termes de besoin infirmiers supplémentaires, Et
là oui, on a prévu euh
454 une enveloppe budgétaire pour =
455
456 Guy =[pour les infirmiers supplémentaires
457
458 Max [pour les infirmiers supplémentaires pour les
services. En terme de
459 médecins, moi jÕai, on nÕa pas fait de
euh on nÕa pas fait, euh on a rien
460 prévu de ce côté-là parce qu'on
pensait que c'était suffisant euh parce que
461 ça donne en gros un médecin par service.
462
463 X hum
464
465 (4.0)
466
467 Tony moi j'pense que Là ce sera difficile parce
qu'à ce moment -là, le médecin
468 qui devrait aller remplacer dans les dans les hôpitaux
euh ne saurait être
469 payé parce que celui qui serait en formation=
470
471 Max =Et puis le CEMUBAC, il a pas::?=
472
473 Tony =En fait une =
474
475 Max =peut pas débloquer une enveloppe pour ça ?
parce que au fait ça
476 profiterait aux autres zones de santé que le CEMUBAC
appuie aussi.
477
478 Tony Oui (.) Oui c'est vrai ça nous dans la zone ce
qui est prévu, nous
479 prévoyons donc la prime de deux médecins=
480
481 Guy =deux Médecins
482
483 Tony Donc que nous n'avons pas une prime
supplémentaire, si on avait une
484 prime supplémentaire pour un septième
septième médecin en tout cas ça
485 serait une bonne chose ça serait une très bonne
chose (.)
486
487 Max Je ne sais si y a moyens de de trouver euh:: une petite
enveloppe euh::
488 auprès de bailleurs je ne sais hein (.) mais là
moi de ce côté-là c'est
489 vraiment pas possible. Comme je vous l'ai dit c'est
passé ya deux jours
490 en commission budgétaire à Paris =
491
492 Guy =deux jours=
493
494 Max =ça été acc - j'attend on attend
l'accord du CA la semaine prochaine, pour
495 confirmer euh:: cette enveloppe budgétaire-là
donc là moi c'est trop tard
496 pour euh pour refaire le plan
de ce côté -là
497
498 Guy (ASP)
499
500 Max Après euh possiblement au mois de juin (.)
l'année prochaine, ça sera un
501 truc qu'on pourrait revoir
502
503 Guy Hum hum
504
505 Max Euh d'ici là je je ne pourrai pas[
506
507 X [XXX
508
509 Max Je ne pourrai pas re bougé sur le budget
510
511 (0.5)
512
513 Guy Bon ok, bon de toute façon ce qui est important
pour nous c'est peut être
514 cet accord de de principe-là, bon on va essayer un peu
de voir. Peut être si
515 bon, de deux côtés voir dans la mesure du
possible bon ce n'est pas
5 1 6 impossible vous pouvez aussi faire eu h soit une
proposition dans ce sens-
517 là, Le CEMUBAC de son côté pourra voir
518
519 Tony Ce qui est [faisable
520
521 Guy [Ce qui est faisable évidementBon nous
l'État, euh bon
522 pour le moment je ne saurais pas beaucoup comment vous me
523 prononcer euh oui mais ça ça nous ça
ça ça cela aurait été intéressant
524 pour nous vraiment de de de faire partager cette
expérience-là à nos
525 jeunes médecins parce qu'il est vrai que:: de plus en
plus on a de
526 médecins, nous les envoyons en training c'est vrai
mais le temps de
527 training est court et même au niveau des hôpitaux
oü nous les envoyons
528 l'encadrement n'est pas vraiment, je ne dirai pas vraiment
un
529 encadrement de qualité. Et euh, nous pensons que si
euh nous arrivons
530 pendant ce temps à les envoyer euh à Mumba pour
qu'ils puissent euh
531 profiter de l'expérience du chirurgien MSF. a nous
arrangerait dans
532 l'avenir.
533
534 Max Bon euh mais comme je le dis moi euh ça me semble
euh ça me semble
535 intéressant comme euh:: comme expérience euh::
j'ai j'ai pas
536 d'objection euh à::: ce qu'on puisse faire
ça
537
538 Guy Même Carole, c'est ça que Carole m'avait dit
quand je l'ai contactée elle
539 m'avait dit elle m'a dit que non c'est une idée
pourquoi pas XXX
540
541 ((Bruit d'une mobylette qui démarre son
moteur))
542
543 Max Dites-moi, Docteur Guy, vous pensez aller faire un tour
vers la zone de
544 santé de Laika:: dans les prochaines semaines ? les
prochains mois?
545
546 Guy Euh:: c::'est planifié mais je sais pas encore
Quand euh:: mais j'avais
547 prévu cette sortie pour euh:: décembre parce
que novembre si tout va
548 bien, je vais faire un effort pour arriver à Kinda
c'est une de nos zones
549 longtemps oubliées et aussi à Laika, j'ai (.)
durant toute cette année, je
550 n'ai pas été à Laika et je l'avais
planifié pour décembre.
551
552 Max Comme je vous le disais euh on est à Mumba
ça se passe bien avec euh
553 les centres de santé, c'est moins le cas dans K- dans
la zone de=
554
555 Guy =Laika
556
557 Max Laika oü c'est plus problématique, hum bon
c'est pas c'est pas catas- =
558
559 Guy = trophique (RIRE)
560
561 Max trophique (.) Loin de l à euh (.) donc il y a il y
avait quelques réticences-là
562 au départ avec XXX avec les centres de santé,
ils avaient peur qu'on leur
563 vole ((fait le signe des guillemets avec ses mains))
le Business
564
565 Guy (RIRE)
566
567 Max Bon là là Voilà les chiffres
après trois mois (.) prouvent que ce n'est pas
568 le cas hein
569
570 Guy Hum hum
571
572 Max Qu'on n'a pas, qu'on n'a pas on n'a eu de euh:::: on
redistribue bien les
573 patients mais je pense qu'il faudrait qu'on puisse (.)
rediscuter avec les
574 centres de santé. Nous on va le faire mais ya ya
encore de là on retient
575 encore toujours
576 [les patients
577
578 Guy [les malades
579
580 Max Les malades euh en cas d'urgence euh on a tel à
plusieurs reprises où les
581 patients arrivent beaucoup trop [tard
582
583 Guy [tard Hum hum
584
585 Max Et que ça devient un peu le mouroir à
l'hTMpital
586
587 Guy Hum
588
589 Max donc a c'est c'est pas très intéressant
590
591 Guy Hum hum
592
593 Max Euh ::: Donc ouais, on aimerait bien que vous puissiez
revenir:: bon parce
594 que bon que c'est écrit dans le système
595
596 Guy Ouais
597
598 Max de santé congolais
599
600 Guy oui oui
601
602 Max on est pas
603
604 Guy oui c'est vrai
605
606 Max Nous c'est dans ce sens qu'on aimerait s'inscrire aussi
à MSF hein être
607 vraiment en soin secondaire pour référer les
urgences
608
609 Guy Hum hum
610
611 Max On on veut définitivement que que les patients
aillent en premier lieu =
612
613 Guy =au centre de santé
614
615 Max Au centre de santé, on a eu une rencontre avec
tous les centres de santé
616 il y a (.) une dizaine de jours donc on a évidemment
réexpliqué, on va
617 refaire le tour des centres de santé individuellement
pour rediscuter avec
618 eux (.) Avec Docteur Jean-Pierre qui est à Kayabagnaga
aussi ça ne se
619 passe pas très bien il a fait beaucoup de retenus de
patients euh:: une fois
620 qu'il a (.) bon ils ont le ptit bloc qui est à
Kayabagnaga oü ils font la
621 césarienne et quelques trucs et::: quand les
indications ne sont sont pas
622 très bonnes, il fait la césarienne quand
même et euh il nous a amené une
623 patiente:: bien euh:: mal en point euh la vessie était
complètement
624 bousillée euh donc donc il y a donc c'est pas
très intéressant pour les
625 patients (.) pas intéressant non plus pour le
personnel de l'hôpital de
626 reprendre euh des trucs qui ont été mal faits
derrière.
627
628 Guy oui
629
630 Max Alors que:: on est on a bien dit euh on est là,
vous nous appelez [on se
631 déplace
632
633 Guy [on
634 dépêche une ambulance
635
636 Max Le véhicule, on déplace une ambulance et
puis on euh:: donc on est en
637 on discute toujours hein Mais je pense que ça serait
bien que vous
638 puissiez aussi [euh :::
639
640 Guy [je sais je sais
641
642 Max Euh faire un ptit tour à propos [de:::::
643
644 Guy [Si Si
645
646 Max De ca ok (.)
647
648 Guy Ok c'est bien noté dans ma planification en tout
cas Laika est prévu
649 pour pour décembre évidemment si nous ne sommes
pas dérangés par le
650 niveau national, je crois qu'on fera cette sortie sur Laika
donc euh
651
652 Max D'accord
653
654 Guy Ah oui
655
656 Max donc là présentement il y a il y a aussi
des opérations militaires-là qui ont
657 lieu dans le Mumba
658
659 Guy Oui
660
661 Max Euh:: qui devraient j'pense avoir lieu je crois dans
Libéru Laika, Mumba
662 Ouest
663
664 Guy hum hum
665
666 Max on a fait un p'tit peu, on a réduit un tout ptit
notre nos équipes en
667 préventif
668
669 Guy ouais
670
671 Max euh:: donc que:: l'équipe qui était
principalement à Katiguru donc là=
672
673 Guy =Eh là
674
675 Max comme les opérations se se sont sur cet axe
là on a:: retiré notre équipe
676 tTMt en préventif hein
677
678 Guy Hum hum
679
680 Max Pour l'instant ca va j'ai parlé aux équipes
ce matin pou- c'est toujours
681 calme euh à Mumba on a pu positionner pas mal du
matériel sur l'hTMpital
682 s'il y a si ja- si jamais ya un afflux massif de
blessés=
683
684 Guy =De blessés
685
686 Max La même chose à Laika euh donc moi le vehi,
le message que je véhicule
687 euh, j'ai rencontré l'état major hier, je vais
rencontrer le gouverneur cet
688 aprés midi euh:: c'est qu'on va prendre f en charge
tout le monde
689 hein
Guy Oui
690
691
692
693 Max Comme dÕhabitude à MSF [notre politique
694
695 Guy [Voilà oui cÕest sans
696
697 Max on est ap[olitique oui cÕest neutre sans
discr[iminations
698
699 Guy [oui cÕest neutre [criminations quoi
700
701
702 Max Donc sÕil y a des blesses FDLR des blesses
May[may
703
704 Guy [Maymay
705
706 Max FARDC euh voir de la MONUC
707
708 Guy Hum hum
709
710 Max On prend tout le monde en charge euh:: gratuitement
711
712 Guy Hum hum
713
714 Max Et euh::
tout le monde sera soigné (.) donc ça moi je:: je
diffuse ce ce
715 message là pour pas quÕil ait des confusions
par aprés et
716 [quÕon dise comment ça vous prenez en charge
les FDLR
717
718 Guy [Non non MSF cÕest XXX (RIRE)
719
720 Max Ou quoi que ce soit. a me semble bien clair-là.
LÕétat major, ils nous ont
721 dit que cÕétait clair euh quÕil
nÕy avait pas de souci euh aprés une fois
722 quÕil y a de toute façon bon ce sont des
combattants, une fois quÕils sont
723 blesses ce sont des non-combattants Et puis une fois
quÕils sont guéris=
724
725 Guy =bein là là=
726
727 Max =Bon sÕil faut les remettre à la MONUC ou
quoi que ce soit [il n y a pas
728 de souci
729
730 Guy [pas de
731 problémes
732
733 Max Euh nous:: on va pas se mêler de ça (.) Mais
bon est prêt à prendre en
734 charge euh sÕil y a un af afflux massif de blesses ou
quoi que ce soit euh::
735 et puis ça se passe bien jusquÕà
maintenant.
736
737 Guy Hum hum (.)
738
739 Tony Par rapport à au protocole (.) hum le
médecin-inspecteur m'avait
740 demandé de faire la relecture après, donc comme
on venait de dire euh on
741 avait suggéré accorder si on avait ces
points-là qui donc que (.)
742
743 ((Tony cherche un document dans sa pile de
papiers))
744
745 Max Tous les points qui ont été discutés
en comité de gestion sont ont été
746 modifié=
747
748 Tony = Oui=
749
750 ((Tony donne un document à Max))
751
752 Max =on a tenu compte euh::::
753
754 Tony Oui bien sür ce qu'on a ce que j'avais
constaté, je crois que on peut on
755 peut euh juste même l'ajouter à la au crayon
parce que euh c'est dit mais
756 ce n'est pas tellement dit. Par exemple le recrutement se
fera
757 conformément aux directives donc euh:: en ac- selon le
besoin en accord
758 avec euh:: la direction et tout ça
759
760 Max C'est à quelle page ?
761
762 Tony Le point deux treize::
763
764 Max Deux treize?
765
766 Tony Oui (.) Donc euh:: MSF pourra employer du personnel
additionnel selon
767 le besoin, conformément aux lois du travail. Mais
là on avait dit que euh
768 c'était conformément aux directives donc:: au
recrutement tel qu'on l'a
769 dit au point quatre trois. Donc euh:: MSF procédera::
donc euh à
770 l'embauche:: et soumettra des candidatures retenues à
la validation du
771 conseil de gestion. C'est juste pour /pour dire que hein
ça doit d'abord se
772 faire en rapport.
773
774 Max Ouais
775
776 Tony Au point [quatre trois
777
778 Max [Tout à fait
779
780 Tony Trois donc euh alors on pensait que au deux quatorze on
ajouterait donc
781 que que ça ne serai pas seulement le personnel de
l'hôpital ((se tourne
782 vers Guy)) que on profiterait de cette occasion pour
fournir aussi du
783 personnel des médecins surtout des hTMpitaux que
l'inspection pourrait
784 désigner. ((il tourne une page du document
quÕil a entre ses mains ))
785 Mais, bon je crois que ça ça pourrait etre
ajouté =
786
787 Max = Ouais mais ça:: pour moi ce n'est pas
nécessaire de l'ajouter euh:: =
788
789 Tony =Dans le pro=
790
791 Max =Dans le protocole d'accord euh:: on a on a
discuté on est T d'accord
792 euh:: si on le fait c'est pas pour moi c'est pas un souci
hein !
793
794 Tony Oui, alors au point trois cinq (.) Là vous vous
rappelez que nous avions
795 dit que ça devrait etre (.) dans le (.) on devrait
insister sur le c'est dans le
796 respect du protocole euh de norme national
797
798 Max Hum hum
799
800 Tony Parce que ce n'est pas ressorti mais il faudrait
vraiment donc ((il lit le
801 document)) la direction de l'hTMpital s'engage
à respecter et à faire
802 respecter le protocole thérapeutique T hein ? ((il
regarde Max et se remet
803 à lire le document)) défini et mis en
place conjointement avec MSF et la
804 direction dans le respect des normes nationales ((il
regarde Guy))
805
806 Max je l'reprenais
807
808 Tony Ouais
809
810 (5.0)
811
812 Max Tout ça on peut l'ajouter
813
814 Guy & Tony Oui Oui
815
816 ((Max cherche quelque chose dans sa poche))
817
818 Tony (.) Donc tout ça on s'est dit que ce sont des
petits ajouts de ce qui est
819 euh ,j, hein (BAS) la forme (NORMAL ) et
à la fin donc le cinq un euh, le
820 point cinq un à la fin vraiment (.) ((il regarde
son document)) Donc que il
821 y a::: ((il leve la tete et regarde Max)) T Ya des
clauses qui sont déjà ((il
822 regarde la camera)) prédéfinies entre
autres lorsqu'on devra sortir MSF
823 s'est engagé à donner les médicaments
hein pour euh pour euh le point
824 deux neuf deux dix -neuf deux dix-neuf (( il lit son
document)) MSF
825 s'engage à donner une prime au personnel pour un mois
supplémentaire
826 lors du désengagement
827
828 Max Hum hum
829
830 Tony Et euh point un vingt euh un vingt
831
832 Max Deux vingt ou un vingt?
833
834 Tony Deux vingt
835
836 Max Deux vingt
837
838 Tony deux vingt ((il lit son document)) MSF s'engage
à faire une donation pour
839 la pharmacie de l'hôpital en médicaments
essentiels génériques d'une
840 valeur de Donc ces points lorsqu'il y a un
désengagement euh:: inopiné,
841 nous pensons que ces deux points doivent quand même
être euh:: être
842 respectés parce que sinon:: =
843
844 Max = Ah oui absolument
845
846 Tony Oui mais quand on lit l'article cinq un ((RIRE
gêné et il regarde la
847 caméra)) ce n'est pas retenu donc on on
aurait souhaité que avant
848
849 Max ouais ouais ouais [la résiliation avant euh
850
851 Tony [Oui ajouté donc ((il lit son document))
[en dehors de
852 cette
853
854 Max [a c'est cas oü
855 euh::
856 Bon euh bon on met ça c- c- cette clause-là le
cinq un, on met ça dans
857 [tous les protocoles dans tous les pays oü MSF
858
859 Tony [Oui mais
860
861 Max Euh::: travaille euh c'est au cas oü il y a une
éva[cuation
862
863 Guy [cuation
864
865 Max très [rapide
866
867 Guy [rapide
868
869 Max pour qu'on ne puisse absolument rien [faire donc
870
871 Guy [Rien faire hum hum
872
873 Max Et:: en général [euh: ::::
874
875 Guy [Si on est préparé=
876
877 Max =On a déjà on a déjà une
enveloppe de préparer pour le personnel=
878
879 Guy oui oui
880
881 Max Qu'on laisse pour un mois. Et si on quitte les
consommations, les
882 médicaments, on quitte pas avec les
médicaments. De toute façon ca reste
883 là
884
885 Tony Oui
886
887 Max Donc ca reste un peu implicite ca
888
889 Guy (RIRE)
890
891 Tony Oui mais c'est =
892
893 Max =C'est pas euh::: =
894
895 Tony = C'est une question de for::malités euh (.)
c'est ca dire que lorsque cet
896 accord ici peut-être que (( il pointe Max
de la main)) vous vous ne serez
897 plus là et que l'on ((il regarde Guy)) soit
amené à traiter avec quelqu'un
898 d'autre=
899
900 Max f Ouais mais que ca soit moi:: ou un autre c'est toujours
comme ca de tout
901 façon
902
903 Tony (.) Mais moi je suggérai que par mesure de
prudence on ajoute même à
904 la main dans ce protocole en dehors de ce prévu dans
la [dans la
905
906 Guy [Dans les autres
907
908 Tony par les clauses deux dix-neuf et deux vingt comme
ça attire l'attention
909 de tout le monde que::: lorsque en cas même de
déguerpissement brutal
910 (.) on veille quand même à maintenir le systeme
renforc- en place (.)
911 Donc euh en dehors ((il se met à rédiger e
t parle tout bas)) de celle prévu
912 par les clauses de ((il tend le papier à
Guy)) C'est ca
913
914 Guy Il ne reste que ma signature
915
916 Tony Oui
917
918 ((Tony et Guy s'échangent des papiers))
919
920 Tony je faisais des annotations
921
922 ((Guy tourne les pages du document, 3'))
923
924 Tony Alors sinon à part ça euh j'ai reçu
la copie d'une lettre euh sur les
925 médicaments ((il regarde Max)) je crois que
vous l'avez reçu ((il
926 feuillette ses papiers et assemble ses notes et recoit un
papier de la main
927 de Guy)) Je vais XXX
928
929 Max (LENTEMENT) Copie d'une lettre:: sur les
médi- ? =
930
931 Tony = Du PCZ le médecin euh directeur le
médecin chef de zone nous a
932 transmis une lettre avec une liste de médicaments euh
en voie de
933 péremption au niveau de l'hôpital
934
935 Max Ouais ouais on a dit [que::
936
937 Tony [En fait c'est un peu pour voir le mécanisme de
de
938 recyclage, alors moi ((il regarde la camera)) j'ai
j'ai répondu en disant
939 qu'il fallait qu'il dise
940
941 Guy hum hum
942
943 Max qu'il déclare le stock en fait en début
de:: l'intervention MSF Parce
944 que:: nous nous sommes dit qu'il faut qu'il faut qu'on
maintienne en fait
945 le niveau de l'hôpital et donc il faudrait que:: il
vous informe aussi =
946
947 Max = mais on a discuté de ça au dernier
comité de gestion =
948
949 Tony =Oui=
950
951 Max =On a dit qu'on se donnait encore un mois
952
953 Tony hum hum
954
955 Max de fonctionnement
956
957 Tony Hum hum
958
959 Max Euh::: en commun pour voir comment on ferrait Pour
l'instant il y a ya
960 pas grande cho::se qui périme avant avant la fin
2005
961
966 pour voir comment on fait pour s'assurer qu'il n'y a qu'il
n'y ai pas de
967 perte de ce côté-là
968
969 Tony Hum
970
971 Max (.) Effectivement ça ça a été
discuté
972
973 ((Guy et Tony remettent en ordre leur papiers))
(29.0)
974
975 ((Tony donne un document à Guy))
976
977 Guy merci
978
979 ((ASP de Tony)) (6.0)
980
981 Max j'vais::: Euh:: ((s'adressant à Tony))
j'vais récupérer une copie ((il tend
982 la main))
983
984 Guy Ouaisouais ouais (.) peut-être que vous ne repartez
pas pour aujourd'hui
985
986 Max euh::: Demain
987
988 Guy Demain:: dans la matinée ?
989
990 Max ah non demain je devrais être encore -là
991
992 Guy ok
993
994 Max je devrais repartir jeudi=
995
996 Guy =ok jeudi
997
998 Max donc euh j'peux repasser demain
999
1000 Guy Oui demain dans la matinée ça sera fait
1001
1002 Max D'accord
1003
1004 Guy Ou même cet après-midi
1005
1006 Max parfait
1007
1008 Guy si vous avez encore le temps de repasser par ici.
Même si je ne suis pas
1009 là je crois que vous pourrais juste demander au
((montre une direction
1010 du doigt)) juste secrétariat il vous
servira
1011
1012 Max c'est parfait
1013
1014 Guy voilà
1015
1016 Max j'ai::: euh ouais on peux se voir ((s'adressant
à Tony)) 1017
1018 Tony j'ai une deux petites brochures pour vous
1019
1020 Max parfais j'ai mon rapport trimestriel à vous
remettre 1021
1022 Tony (RIRE)
1 Annexe 4 - Transcription Séquence D
(durée : 3 min 50 sec)
2 Conversation entre Max et Eric suite à la
réunion
3 avec le Docteur Joseph à l'hôpital de Mumba
4
5
6 ((Eric et Max discutent devant la voiture MSF, on entend
pendant toute leur
7 conversation un bruit de fond de transmission des
échanges qui se font sur la fréquence
8 de leur radio qui est dans la voiture))
9
10
11 Max Bon au début ça a été
difficile aussi à Layka:: ça a pas été non plus
Si::
12 simple que ça (.) mais après euh:: deux
mois de fonctionnement c'est là
13 que ça s'est mis à::: (.)=
14
15 Eric =[XXX (inaudible)=
16
17 Max =[Ë avoir de la facilité (.)=
18
19 Eric =[Parce que=
20
21 Max =La réalité finit tous par nous
rattraper Ah Ah Ah (rire cynique) =
22
23 Eric =Non mais tu vois sur des trucs j'ai pas envie qu'elle
nous rattrape quoi
24 sur des trucs euh:: (.) j'ai pas envie qu'on prenne une
décision une fois
25 qu'y a un gamin qui est éclaté=
26
27 Max =Non non non=
28
29 Eric =Tu vois=
30
31 Max =Mais mais j'dis ça dans le sens oü ya d'la
réalité euh=
32
33 Eric =Ouais=
34
35 Max =C'est à dire du concretquoi en faisant les
choses que::: que au fur et à
36 mesure que::: qu'ils finissent par se rendre compte d'eux
méme hein et
37 puis c'est normal que:: on leur fait changer beaucoup de
choses on
38 réorganise plein de choses donc euh ça
les euh et donc c'est confrontant
39 pour eux hein c'est normal:: quoi on peut pas:: Et puis on
peut pas leur
40 présenter leur truc à chaque fois en leur
disant:: tout est croche votre truc
41 faut tout refaire parce que c'est::: ils s'en prennent plein
la gueule quoi
42 [et:::
43
44 Eric [Ouais nan mais en méme temps on le fait pas comme
ça tu vois
45
46 Max Non voilà on le fait pas comme ça mais c'est
pour ça que ça prend du
47 temps c'est pour ça que ça prend plusie-
ça prend des discussions et que
48 parfois c'est chiant et que Ah Ah Ah (rire
gêne) mais bon c'est:::
49
50 (3.0)
51
52 Max Et c'est partout pareil hein
53
54 Eric Ah bein ouais ouais
55
56 Max C'est:: euh et Ici ca va encore (.) parce que au
Soudan putain les
57 discussions foua:::: ((il bouge sa tête de gauche
à droite)) j'te dit pas hein
58
59 Eric Ah ouais j'ai fait le Nigeria aussi ca va aussi
[c'était pas mal Ah Ah Ah
60
61 Max [Et là tu vois c'est des
62 heu::res et des heu::res de discussions qui aboutissent
ja:mais (.) tu
63 recommences euh:: et là encore tu vois encore pour se
déplacer c'est nos
64 propres infos qu'on prend avant de bouger au Darfour au Soudan
c'était
65 euh:: c'était cinq heures de discussions pour pouvoir
prendre la route pour
66 euh pour faire une heure de route (.) à chaque fois
à chee à tous les
67 joursAh Ah Ah ça prenait l'autorisation le p'tit
tampon le machin (.) du
68 AC à chaque fois qu'on faisait euh:: qu'on se
déplaçait pour aller à
69 l'appel des populations=
70
71 Eric =Et situ te déplaces sans ça?
72
73 Max Ah tu te déplaces pas sans ça (.) Ah Ah Ah
Tu te déplaces pas sans ça
74
75 Eric Y t'arrête y t'arrête
76
77 Max Ah ouais y t'arrête (.) si t'as pas le tampon du
gouverneur du mec du AC
78 ça prenait quatre tampons à chaque
arrivée danschaque ville fallait
79 aller se refaire tamponner parce qu'on arrivait et là
c'était trois heures de
80 tampons euh:::
81
82 (3.0)
83
84 Max C'est enrageant mais en même temps bein:: tu fais
quand même avancer
85 les choses tu finis quand mêmepar avoir
accès aux gens tu finis quand
86 mêmepar faire c'que tu veux faire (.) et
ça était le bordel avec les
87 histoires de vaccins on voulait faire campagne vacci on arrive
à Genina
88 ((avec une voix grave)) Vous n'avez pas
l'autorisation de ramener vos
89 vaccins euh:: Pardon Ah Ah (rire jaune) Pas
de vaccination euh::
90 Pardon Ah Ah Ah (rire jaune) Parce que
là ya 25 000 personnes dans le
91 camp euh:: Ah Ah Ah (rire gêne)
92
93 (4. 0)
94
95 Eric Mais à la fin t'as réussi
96
97 Max Ë la fin on a réussi
98
99 Eric Au Nigeria on a pas réussi=
100
101 Max =Ah Ah Ah (rire jaune)=
102
103 Eric Eux ils sont pas mal aussi (.) Ah Ah Ah en
discussion=
104
105 Max =Ah ouais les soudanais et les nigériens
apparemment ils sont pas mal (.)
106 au Tchad ils ont été pas mal aussi par moment
euh
107
108 (6.0)
109
110 Max Tu vas voir le plus p'tit tu vas voir le plus grand tu
vas voir le plus grand
111 des chefs le p'tit chef Ah Ah Ah (rire agace)
112
113 (5.0)
114
115 Max Nous ça va encore tu vois on disait que
l'administ- qu'à l'administration
116 du territoire ils étaient chiantfinalement ils nous
font pas trop chier
117 depuis qu'on est là quoi
118
119 Chauffeur XXX ( inaudible)
120
121 Eric Non non bein non il est pas là
122
123 Chauffeur Ouais ouais
124
125 Eric Il est en salle d'opération (.) Bon bein c'est
qui après?
126
127 ((Le chauffeur donne le micro de la radio de la voiture
à Eric))
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