II -8) La lixiviation en eau
douce :
II -8-1) Définition :
La phase interstitielle contenue dans le béton a un pH
très élevé. Si le béton se trouve au contact d'une
eau douce, très peu chargée en ions, et donc de pH plus faible
que celui de la solution interstitielle, la pâte de ciment durcie se
trouve en déséquilibre avec ce milieu. On constate alors une
lixiviation progressive des hydrates se traduisant par une
décalcification de la pâte : dissolution de la portlandite et
attaque progressive des C-S-H. Ce phénomène est lent (quelque
centimètre pour plusieurs centaines d'années) et ne pose
problème que dans le cas où le béton est potentiellement
au contact permanent de l'eau douce.
La lixiviation entraîne une variation très
importante de la porosité et donc une variation forte des
propriétés de transfert, notamment la diffusivité. Les
propriétés mécaniques sont également
affectées : on constate par exemple que la résistance à la
compression chute fortement. Les autres propriétés
mécaniques comme le module d'élasticité et la
résistance en flexion sont aussi affectées.
Les cinétiques de dégradation sont
très variables et dépendent en particulier du matériau et
de l'environnement aqueux. Par exemple, F. Badouix rapporte que, pour des
durées d'exposition et un environnement agressif comparables (53 et 66
ans), les couches superficielles dégradées du barrage de Saint
Etienne du Vigan et de l'écluse de Krembs ont pour épaisseur
respectives 6 à 8 mm d'une part, et 1 à 3 mm d'autre part. Cet
écart est imputé aux ciments utilisés, un CEM I/CPA pour
le barrage et un CEM II/CPJ pour l'écluse. Y. Fujiwara a montré
que la présence d'ions dissous dans l'eau modifie aussi fortement les
cinétiques de dégradation de bétons enfouis dans un sol.
En effet, certains de ces bétons, âgés de 60 à 100
ans, ont été dégradés sur quelques
centimètres en présence d'une eau saline, soit des
épaisseurs dix fois plus importantes qu'en eau douce.
Des études précédentes ont mis en
évidence une dissolution progressive des principaux hydrates : d'abord
la portlandite, qui est l'hydrate le plus soluble, puis le monosulfoaluminate
de calcium, et enfin l'ettringite. Après que la portlandite soit
totalement dissoute, les C-S-H se décalcifient jusqu'à former,
dans l'état ultime de dégradation un gel de silice.
La variation de porosité (et donc des autres
caractéristiques) dépend notamment de la quantité de
portlandite présente. L'utilisation d'un ciment aux cendres volantes ou
l'ajout de fumée de silice, en réduisant la quantité de
portlandite, permet en général d'améliorer la
résistance à la lixiviation et de réduire la chute de
résistance. Un rapport eau/liant plus bas permet également de
diminuer la vitesse de lixiviation. [5]
|