Le malaise dans l'oeuvre de Ken Bugul: cas de "la folie et la mort " et "de l'autre côté du regard "( Télécharger le fichier original )par Kouessi Jacques Richard CODJO Université d'Abomey- Calavi Bénin - Maà®trise ès- lettres modernes 2004 |
C- La dénonciation des inégalités et des conflits dans le monde.La folie et la mort est également un véritable réquisitoire contre certaines anomalies qui ne cessent d'empoisonner la vie des humains sur la terre. L'injustice au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce(Omc) et la dénonciation des foyers de tension dans le monde seront retenues dans cette partie. 1- L'inégalité au sein de l'Omc.Le narrateur, ayant largement décrit l'état piteux dans lequel se trouve l'économie des pays pauvres, en a profité pour dénoncer la grande inégalité qui prévaut au sein de l'OMC : « L'OMC. Les cultures de rentes. Sam avec sa viande hachée aux hormones. Mais pour des gens qui n'avaient pas suivi la même évolution, tout d'un coup vouloir faire comme les autres avec un décalage de cinq siècles, ce n'était pas évident ».66(*) Une organisation mondiale, censée réduire les disparités économiques mais qui reste désespérément muette face à la détérioration des termes des échanges : les pays industrialisés achètent les matières premières en fixant eux-mêmes les prix des produits. Au sein de l'Omc, les pays riches subventionnent la production du coton alors que les paysans des pays pauvres n'ont pas les ressources nécessaires pour s'acheter les engrais en vue de la densification de leurs cultures. Ce sont toutes ces disparités qui continuent d'arriérer davantage les pays pauvres. 2- La stigmatisation des foyers de tension.Les conflits armés sont l'un des facteurs qui pèsent également dans la situation des pays pauvres. Le narrateur montre comment, pendant que les pays riches développent leurs industries, on passe le temps à s'entretuer dans les pays pauvres. Ce qui justifie la révolte du narrateur est que ces guerres sont financées par ces pays riches. Pire, ces pays riches se pressent au chevet de leurs voisins immédiats(européens ou asiatiques) qui se battent, alors que, sur le continent africain, ils laissent des frères se tuer par des centaines de milliers. La radio annonce : « Le leader kurde A.Ocallan est en procès. La peine de mort est requise contre lui pour trahison et atteinte à la sécurité de l'Etat.(...) La communauté internationale s'est mobilisée et une force d'interposition composée de soldats de la paix est envoyée au Timor ».67(*) A ces mots, le narrateur montre une indignation : « Mais alors, et la Sierra Leone ? L'Angola ? La RDC ? Le Congo ? L'Erythrée ? La tragédie du Rwanda n'avait servi à rien. Un million de morts pour rien. Pendant qu'en Sierra Leone une sale guerre se faisait sous les yeux globuleux des fonctionnaires des Nations mal unies qui réfléchissaient sur la question ils n'avaient pas un sujet d'intérêt qui préoccupait Sam et ses acolytes »68(*). Le nom « Sam » pourrait avoir été utilisé pour le Président des Etats Unis d'Amérique qui contrôle les Nations Unies et qui ne se préoccupe d'un conflit surtout en Afrique que lorsque ses intérêts sont menacés. Les « acolytes » de Sam seraient alors les responsables des pays européens qui suivent aveuglément le Président américain dans ses décisions relatives à la politique générale sur la planète. D'ailleurs, pendant que les conflits battent leur plein en Afrique, les pays riches n'ont de cesse de piller sans ménagement les matières premières. L'étude du malaise politique dans La folie et la mort entre dans le cadre général du malaise dans les deux oeuvres de Ken Bugul que nous avons choisi d'explorer. Le malaise politique se fait sentir d'abord sur le plan intérieur du pays dans lequel le narrateur a placé le cadre du récit. Il est engendré par le Timonier et ses décrets et l'appareil de propagande du régime totalitaire qui sévit dans ce pays. Les victimes de ce malaise sont les intellectuels qui sont obligés de fuir leur pays pour échapper au risque de se faire exterminer par les gros bras du Timonier et le petit-peuple qui n'a pas d'autre issue que de subir les fatales humeurs du Timonier. Sur le plan international, les puissances coloniales et les pays riches continuent de maintenir les pays pauvres dans une situation de dépendance à tous les points de vue. Ce qui augmente le malaise politique dans ces pays. Au-delà de ce malaise politique, Ken Bugul a beaucoup plus insisté sur le malaise psychologique et socioculturel que nous étudierons dans le chapitre suivant et dans les deux ouvrages : La folie et le mort et De l'autre côté du regard.
* 66 Idem, p.35 * 67 Idem, p.80 * 68 Ibidem. |
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