I-cadre theorique et methodologique
1-cadre theorique
L'épistémologie nous apprend qu'il faut se
méfier des apparences, car elles sont trompeuses ; Mais ces
apparences ne sont jamais inessentielles ; elles donnent toujours d'avoir une
réalité plus substantielle.
« L'histoire de toute société
jusqu'à nos jours , c'est l'histoire de la lutte des
classes. » disait Marx
Sans aucun doute , l'expression «lutte des classes »
refoulée par l'idéologie libérale contemporaine , renvoie
directement hier comme aujourd'hui , aux situations précaires .
Nous avons voulu approcher les multiples facettes de la
précarité en levant , en forgeant même l'obstacle
épistémologique du découpage institutionnel des
compétences, car la précarité est bien multidimensionnelle
.
C'est à la fois un phénomène
socio-historique et un phénomène éminemment subjectif ,
qui touche à l'identité de précaires , aux
représentations qu'ils se font d'eux même ou que leur renvoie leur
environnement .
Sa manifestation la plus visible est économique. La
précarité renvoie d'abord , dans un contexte marqué par le
chômage de masse et par les multiples formes de sous - emploi et des
discontinuités de l'emploi et des revenus .
Mais la précarité traverse toutes les
sphères de la vie sociale et renvoie aussi à l'instabilité
et à la fragilité des conditions de vie , de santé ,
logement , éducation ,vie familiale .
Pour penser la précarité propre aux
sociétés contemporaines « 3 axes de réflexion
réellement interdisciplinaire sont souvent proposés aux
chercheurs.
Le premier axe prenant acte de la dimension historique de la
précarité , se propose d'approfondir la connaissance des forces
et de la dynamique de la précarité. Dans quelles mesures les
emplois précaires d'aujourd'hui sont-t-ils la résurgence de
forces anciennes de précarité ou de domination ? Quelles sont les
réelles forces ? Comment s'articulent - elles aux transformations de la
relation salariale? Quelles sont les solutions ?
Le second axe est fondé sur une hypothèse
centrale: les transformations actuelles ne sont pas spontanées et ne
résultent pas d'une mystérieuse main invisible
Le dernier axe de réflexion est centré sur les
modes de vie et la protection sociale des précaires.
Si la précarité a bien une existence
spécifique dans le champ économique (la disqualification , la
discontinuité de l'activité , la faiblesse des revenus , le ring
du chômage...), elle se réalise aussi dans les interactions
conjugales et familiales particulières.
Bien entendu de telles généralisations sont
d'autant plus sûres qu'on peut les confronter à d'autres approches
. Mais cette confrontation sera d'autant plus féconde que l'approche
anthropologique , loin d'être l'apanage des seuls anthropologues ,
devient le fait d'équipes pluridisciplinaires, soucieuses de rendre
compte du caractère multidimensionnel d'une réalité
sociale multi-déterminée, d'articuler constamment les points de
vue micro et macro-sociologiques.
Ainsi en démographie , on attribue souvent la
pauvreté et le sous developpementt à une trop forte croissance de
la population.
Mortalité élevée et pauvreté sont
aussi associés d'une façon simpliste .
Pour expliquer la première , on invoque les conditions
climatiques , le manque de ressources naturelles ou encore certains attitudes
culturels .
Quant à la migration , elle est le plus souvent
perçue et analysée comme résultat d'un choix purement
individuel . Certes , des facteurs sont avancés pour expliquer ces
«choix », tels l'absence de ressources dans les zones rurales
d'émigration ou encore la pression démographique , mais peu
d'importance est accordée dans l'analyse aux contraintes
économiques qui sous tendent ces déplacements souvent massifs ,
et aux déséquilibres qui en résultent . On passe aussi
sous silence les retombées économiques dont
bénéficient les utilisateurs de la force de travail migrante dans
les zones d'immigration .
On mentionne rarement qu'elles agissent l'une sur l'autre pour
constituer un ensemble intégré de stratégies collectives
de survie dont la dynamique est complexe.
La réalité démographique paraît
plus complexe que ce simple alignement de taux , et tellement plus difficile
à cerner.
Intrinsèquement liée aux rapports sociaux dans
lesquels elle s'inscrit, elle évolue avec eux et devient l'objet de
lutte pour la survie de différents groupes ou classes .
Pour la majorité des populations pauvres, le premier
enjeu est la survie physique jusqu'au lendemain , échapper aux crises de
mortalité , avoir eu suffisamment d'enfants et de gens en âge de
travailler de façon à assurer la survie du ménage , une
survie qui dépend largement de l'émigration et de l'aide
matérielle .
O.Lewis a montré que la pauvreté est un genre de
vie particulier qui tend à se perpétuer chez ceux qui y
participent ainsi chez leurs descendants . Selon lui, il existe dans une
culture ou plus exactement une sous -culture de pauvreté qui
présente les quatre points suivants :
Les familles vivant dans cette sous-culture sont peu
intégrées aux principaux instituts de la société
(système éducatif , syndicats , partis politiques...).
Les individus relevant de la culture de pauvreté sont
le plus souvent des provinciaux issus de communautés rurales . Pour
autant , cela ne conduit pas à l'existence de réseaux sociaux
structurés . O. Lewis insiste sur la faiblesse de l'organisation sociale
dans les quartiers spontanés misérables.
La mère occupe une position hégémonique
mais la violence est fréquente entre époux , entre enfants et
des parents envers les enfants .
Au niveau individuel , la culture de pauvreté engendre
un sentiment d'impuissance, de résignation face à une condition
social qui apparaît comme immuable .
Les sociétés industrielles sont
caractérisées par une forme de lien social fondé sur la
division du travail . Le travail salarié stable est
générateur d'une conscience collective intégrative. Dans
cette approche , toute carence d'intégration par le travail risque
d'entraîner une diminution de la conscience collective accompagnée
d'un accroissement des consciences individuelles trop important .On parvient
alors à un état d'anomie de la société
caractérisé par un affaiblissement du lien social .
L'exclusion professionnelle implique par conséquent une
exclusion sociale entraînant une résurgence de certaines pratiques
déviantes ( délinquance , toxicomanie , SDF...)
Le processus d'exclusion social ne doit pas être
considéré de manière univoque . Les populations
concernées tentent d'apporter des réponses à cette carence
d'intégration en constituant de nouvelles formes de lien social . Par
exemple selon A Jazouli , « dans les quartiers populaires plus qu'ailleurs
, les jeunes ont besoins de se retrouver entre eux par affinités
musicales , sportives ou vestimentaires , ils constituent des groupes qui se
font et se défont au gré des embrouilles . Ces bandes ainsi
concentrées peuvent dévier , elles peuvent même donner lieu
à des conduites délictuelles et criminelles , mais elles ne sont
pas exclusivement portées vers cette orientation . Elles sont le plus
souvent des lieux de retrouvailles , de fête , d'amitiés , de
chaleur humaine , dans un univers froid , bétonné , exclu
à la marge .»
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