RESUME
De larges mouvements de changement génèrent sur
toute la planète des effets d'une ampleur sans précédent.
Le changement est la différence entre deux états, l'un
représentant la situation actuelle et l'autre la situation
résultante. C'est aussi le passage (souhaité ou non) d'une
situation donnée à une autre. Sa conduite est devenue une des
préoccupations majeures des organisations, dans un environnement
économique de plus en plus complexe. L'individu étant le capital
le plus précieux dans le processus de changement dans une organisation,
il convient d'analyser pourquoi le changement influence son comportement au
sein de l'organisation.
Au regard de la littérature existante, trois approches
complémentaires ont été étudiées pour mettre
en évidence les déterminants de ce comportement à savoir,
l'approche psycho-dynamique, l'approche transactionnelle et l'approche
instrumentale.
De ce fait, le but de notre travail est dans un premier temps
d'identifier les pratiques des politiques du changement faites dans les
entreprises camerounaises et particulièrement dans les entreprises
privatisées et dans un second temps, de montrer la contribution de ces
politiques sur le comportement de l'employé.
Ainsi, nous avons élaboré les propositions
suivantes :
Proposition principale : Une
politique de rémunération incitative, l'amélioration des
conditions de travail et un environnement convivial induisent le surcroît
de motivation et la mobilisation des individus au sein d'une organisation.
Proposition rivale : Une
politique de rémunération incitative, l'amélioration des
conditions de travail et un environnement convivial sont la condition
nécessaire mais, non suffisante pour le surcroît de motivation et
la mobilisation des individus au sein d'une organisation.
Afin d'atteindre nos objectifs, nous avons mené notre
étude auprès de trois entreprises privatisées et il est
apparu que, une politique de rémunération incitative,
l'amélioration des conditions de travail et un cadre de travail
convivial entraîneraient la valeur, la mobilisation et le rendement des
employés en situation de changement même si ces facteurs ne sont
pas suffisants.
INTRODUCTION GENERALE
Le changement organisationnel, qu'il soit naturel ou
planifié, a acquis un rôle essentiel dans la démarche en
sciences de gestion. En effet, depuis que l'homme organise les rapports de
travail pour produire, distribuer, innover, il a toujours confronté ses
techniques, ses méthodes, ses modèles, aux critères
d'efficacité de son temps. Il est devenu un sujet grandissant pour les
praticiens et les chercheurs dans ce domaine. Les raisons avancées sont
multiples : l'intensification de la concurrence sur le marché
planétaire, la complexité accrue du nouvel environnement
d'affaires, la prise de conscience de l'importance du rôle de l'individu
dans une organisation.
Face à ces nouveaux défis, le
changement devient une condition majeure de survie
à laquelle les entreprises ne peuvent plus se soustraire. En effet, leur
efficacité se trouve de plus en plus dépendante de leur
capacité de changer (Vandangeon, 1998). En dépit de ce regain
d'intérêt pour l'individu, son poids dans les décisions des
dirigeants tend à s'amoindrir.
Jusque dans les années 80, pour plusieurs entreprises
camerounaises, africaines et même planétaires, les changements
étaient faits sur la base de la maximisation du profit et la
réduction des charges. Face à un environnement en pleine
évolution et à une concurrence de plus en plus forte, les
organisations sont contraintes de se remettre perpétuellement en cause.
D'une part, ces organisations subissent de nombreux
bouleversements et elles doivent apprendre à composer avec les nouvelles
réalités. Suite à la crise alimentaire qui a sévit
en janvier 2008, les entreprises de tous les secteurs et notamment celles du
secteur agro alimentaire ont été amenées à prendre
des décisions favorables au nouvel environnement.
De même, la crise financière actuelle et ses
implications qui ont conduit non seulement à la fermeture de certaines
banques, mais également à la suppression d'emplois de plusieurs
autres avec le cas de Citigroup aux Etats-Unis qui devait se séparer de
cinquante mille (50 000) employés. Les effets de cette crise
commencent également à se ressentir dans les pays africains et
notamment au Cameroun dans les secteurs du bois et du tourisme. En ce qui
concerne le secteur du bois, le Ministère des Forêts et de la
Faune a annoncé que près de 30% des commandes passées par
les sociétés américaines ont été
annulées. Dans le tourisme, l'opération cinq cents (500)
touristes par an au Cameroun n'a pas pu être réalisée en
2008 (Ngaba A, 2009).
Les changements planifiés, subis ou imposés
affectent parfois la vie au sein de l'entreprise et les personnes
chargées de gérer ces changements sont souvent démunies
face aux nouveaux défis pour lesquels elles ne sont pas le plus souvent
préparées. Pour cela, les gestionnaires doivent faire preuve de
lucidité et de méthode dans la conception et l'application des
solutions proposées pour satisfaire les nouvelles exigences car, la
bonne volonté, la créativité et le travail acharné
de restructuration ne suffisent plus.
Selon Meston F. et Grouard B (1998), l'individu est le capital
le plus précieux dans le processus de changement dans une organisation
car, avec la fin de l'organisation taylorienne, et la nécessité
de l'initiative individuelle, une entreprise a besoin de leur force de travail,
de leurs compétences, de leur savoir-faire, mais aussi de leurs
motivations et de leurs participations actives. La complexité accrue du
nouvel environnement d'affaires maintient les organisations à la
quête de la perfection. Conséquence, nous assistons à des
phénomènes tels que la privatisation, la liquidation, la
fermeture ou faillite des entreprises parfois occasionnées par des
résistants au changement.
Au Cameroun, les échecs de gestion des entreprises
publiques et parapubliques ont abouti à des privatisations. C'est ainsi
qu'à HEVECAM (Hévéa du Cameroun), nous avons
constaté lors d'une émission présentée dans une
chaîne de télévision, que les employés de la
société avaient organisé un mouvement de grève
revendiquant le départ du Directeur Général suite au
décès d'un des leurs écrasé par une machine.
Interrogés, les employés ont mentionné plusieurs
manquements de la société depuis la privatisation entre autres,
la gestion essentiellement capitaliste, la non prise en compte de la valeur
humaine, une politique de responsabilité sociale absente, la peur des
individus qui travaillent désormais dans un environnement de stress,
etc. Au regard de ce phénomène, nous nous sommes posés la
question de savoir dans quelle mesure les stratégies mises en oeuvre par
une organisation pouvaient motiver les employés au travail dans un
contexte de changement. C'est à la suite de ce constat que nous avons
décidé de mener notre recherche sur l'organisation des
entreprises d'où le thème « Le comportement de
l'employé face au changement dans l'organisation ».
Il convient donc de connaître les sources et les
motivations des comportements adoptés par les individus dans le but de
mieux conduire et accompagner le changement pour le bien être de
l'organisation et des employés.
La méthode est basée sur ce constat et s'efforce
de créer sur le plan interne les conditions favorables à
l'épanouissement des individus tout en suscitant en eux la motivation
et la créativité afin de réaliser les objectifs poursuivis
par le changement. Sur le plan externe, elle permet de fournir à la
clientèle les meilleurs produits, de présenter une image fiable
et convaincante et d'occuper une place importante à l'échelle
internationale et voire même mondiale.
Le nouvel envi102ronnement d'affaires des organisations est
caractérisé par un niveau élevé d'incertitude, de
turbulence et de risque émanant de nouveaux enjeux stratégiques
quant à la performance des entreprises africaines en
général et des entreprises camerounaises en particulier. La
mondialisation avec la déréglementation entraînent la
complexité des besoins accrus de la clientèle ceci grâce au
« push des technologies »
Le changement organisationnel est toute modification dans un
sous système de l'organisation pourvu que celle-ci soit observable par
tout individu en relation avec ce système (Rondeau, 2002). Il englobe
des procédés de production (tels que la gestion de la
qualité, la production à des économies d'échelle,
la reconfiguration de l'entreprise) ; les méthodes de gestion (le
travail en équipe, la formation, le travail et la
rémunération flexible) et les relations extérieures (les
relations avec la clientèle, la constitution de réseaux),
(Collerette, Delisle et Perron ; 1997). Certains individus, peuvent ne pas
observer ce phénomène et constituer ainsi une menace pour le
changement adopté.
Le comportement de l'employé est la réponse de
l'organisme par la suite de la stimulation provenant de l'environnement. C'est
aussi toute conduite humaine ou toute attitude dans un milieu donné
(Morin, 1996).
Si l'étude du comportement de l'employé face au
changement dans l'organisation suscite un intérêt certain pour les
gestionnaires du changement dans les pays occidentaux, il n'en est pas de
même pour les pays du sud du Sahara et en particulier pour le Cameroun.
Ceci peut s'expliquer par le taux de chômage de plus en plus croissant
avec très peu d'emplois disponibles. Les chefs d'entreprise, conscients
de leur position de force attachent désormais plus d'importance au
capital investi et non au capital humain parce que, toujours disponible. De
leur côté, les employés n'ont pas une marge d'expression
très grande car, dotés d'un sentiment de crainte de perte
d'emploi et du retour au chômage.
Dosi et Metcalfe (1991) ont axé leurs analyses sur le
changement et le processus de décision. Ils soulignent que des actions
engagées aujourd'hui impliquent des conséquences qui vont modeler
ou contraindre l'avenir des processus de décision, la structure de
l'organisation ou sa trajectoire de changement. Ces auteurs ne tiennent pas
compte du comportement de l'individu ou de ses motivations qui peuvent
être un frein au changement.
Rondeau (1999) a mené une étude sur le
changement organisationnel et le processus d'apprentissage. Il relève
que, donner aux individus la permission de faire quelque chose
différemment ne leur rend pas service s'ils ne savent comment s'y
prendre. Cela revient à leur donner la permission d'échouer.
Créer un contexte de changement implique donc que l'on prépare
les acteurs, que l'on s'intéresse à ce qu'ils savent ou ne savent
pas, que l'on travaille avec eux, que l'on surveille leur performance, qu'on la
commente et que l'on retienne un dialogue suivi avec eux. Cet auteur met en
valeur la gestion des ressources humaines de façon globale et montre
qu'il suffit de former le personnel aux nouvelles techniques et
stratégies de changement pour mieux le conduire. Or, l'employé
peut, même maîtrisant ces nouvelles techniques et technologies de
changement, résister à celui-ci, ses motivations étant
autres. Il tient compte de l'individu sans tenir compte des facteurs qui
déterminent son comportement.
Dupuy (2001) a orienté ses recherches sur le changement
organisationnel et la valeur humaine. Ces travaux ont permis de montrer
l'importance de la valeur de l'individu dans le processus de changement. Il
présente la résistance comme le résultat de l'omission de
ce facteur dans le processus de changement qu'il faut chercher à
comprendre pour en faciliter la gestion. Ce débat, plus proche du notre
traite de l'importance de l'individu et sa capacité de détourner
l'entreprise des objectifs visés par le changement.
Notre thème qui est le comportement de l'employé
face au changement dans l'organisation, analyse les attitudes des
employés en situation de changement dans l'organisation car, quel que
soit la forme que prend le changement, les personnes concernées voient
leur quotidien bouleversé et leurs routines de travail remises en cause.
Pour elles, cela constitue souvent une expérience douloureuse. On
évoque alors l'inévitable résistance de la part de ces
employés dans le cas où ceux-ci ne sont pas bien
préparés au changement et où leurs attentes ne sont pas
comblées par ce changement. De ce fait, il y a opposition entre les
besoins de plus en plus complexes des employés et les attentes de
l'organisation à la quête d'une concurrence féroce et
d'éventuels avantages concurrentiels.
A ce titre, Hafsi et Demers (1999), relèvent une
mission importante aux gestionnaires : « mobiliser, motiver les
employés, accroître leur attachement à l'organisation et
leur désir de mettre en oeuvre toutes leurs capacités y compris
leur génie personnel, tout cela est une nécessité vitale
pour l'entreprise qui veut vraiment s'adapter et ultimement rester
compétitive. S'appuyant sur ces travaux, quelle est la stratégie
efficace en matière de changement en vue de satisfaire
simultanément les besoins de l'organisation et ceux des
employés.
Pour Chandlat, (1973) cité par Morin (1996), de
façon récurrente, on utilise la motivation au travail (ou le
manque de motivation) pour expliquer le comportement de l'individu dans une
organisation. Trois approches déterminent la motivation d'un
employé et par conséquent son comportement face au
changement : l'approche situationnelle, l'approche transactionnelle et
l'approche personnelle. L'approche situationnelle explique le comportement de
l'employé par l'existence des conditions situationnelles
propres (enrichissement des tâches, les caractéristiques
propres aux nouvelles fonctions...) ; l'approche transactionnelle explique
le comportement selon l'image que l'employé se fait de lui
même ; et l'approche personnelle ou psycho-dynamique qui tient
compte des forces internes qui animent l'employé et le poussent à
agir dans un sens donné (besoins, valeurs...).
S'inscrivant dans ces approches, notre question principale est
la suivante : Le fait pour une organisation de passer d'une
situation donnée à une autre influence-t-il les attitudes de ses
salariés ?
En d'autres termes, il est question ici de montrer
dans quelle mesure la mise en oeuvre du changement peut- elle
influencer les attitudes des individus au sein d'une
organisation ?
De cette question principale, découlent les questions
secondaires suivantes :
- Quelles sont les pratiques de changement
appliquées dans les organisations ?
- Quelle est la contribution des actions des
politiques de changement menées sur le comportement de l'employé
au sein de l'organisation ?
Au Cameroun, dans les années 1996 et bien qu'ayant un
monopole sur la téléphonie fixe, Camtel (Cameroon
telecommunication) a rencontré d'énormes difficultés avec
la libéralisation du secteur de l'audiovisuel. La venue des
opérateurs privés a introduit de nouveaux produits et donc de
nouveaux moyens de communication, récupérant ainsi toute la
clientèle de Camtel. Au jour d'aujourd'hui, Camtel, sans toutefois
être leader occupe une place tout au moins importante sur le
marché de la téléphonie mobile grâce aux changements
effectués afin de s'adapter au nouvel environnement. Les changements
opérés ont été ressentis par les consommateurs de
Camtel qui sont partis de la téléphonie fixe à mobile,
avec la tarification à faible coût et largement au dessous de ses
concurrents avec l'accès à la messagerie et à l'internet.
Aussi, pendant la période de crise, Camtel avait procédé
à des licenciements de certains employés et à la mise en
retraite anticipée des autres. De nos jours, elle offre plusieurs
emplois au public camerounais.
L'étude portant sur le comportement de l'employé
a un intérêt double à savoir : d'abord, pour enrichir
et compléter le vide théorique sur les implications du changement
sur le comportement de l'employé dans l'organisation et, permettre aux
chefs d'entreprises de mieux appréhender l'opportunité de la mise
en place d'un changement dans l'entreprise sans compromettre les
intérêts des parties prenantes.
A travers cette étude, nous voulons dans un premier
temps, caractériser les politiques du changement faites dans les
entreprises camerounaises et particulièrement dans les entreprises
privatisées et dans un second temps, montrer la contribution de ces
politiques sur le comportement de l'employé.
Sur la base de la littérature que nous avons parcourue,
nous avons ressorti des concepts constitutifs du comportement de
l'employé et du changement dans les organisations.
Maslow (1954) et Aldelfer (1972), cités par Vas (2004)
ont mis en évidence les caractéristiques de la motivation du
personnel par la satisfaction des besoins individuels. Ainsi, une
rémunération incitative entraîne le rendement des
employés face au changement.
Pour Herzberg, « la véritable motivation au
travail n'est possible que dans la mesure où le travail lui-même
représente un défi pour celui qui l'exécute »
Par conséquent, l'amélioration des conditions de travail induit
la valeur des employés face au changement.
Locke (1968) et Wroom (1964), cités par Bareil (1999)
montrent que l'individu qui effectue une tâche a des
préoccupations autres que le rendement en soi. Il s'agit des
récompenses extrinsèques, qui dépendent de l'environnement
et qui sont fournies par un tiers ou par le système, et des
récompenses intrinsèques qui dépendent de l'individu
lui-même. Ainsi, un environnement convivial et un cadre propice
conduisent à la mobilisation des employés suite au changement.
Sur la base de ces travaux, aussi, conformément
à la présente étude qui est de montrer comment la
transformation systémique influence les attitudes des individus au sein
d'une organisation, nous avons formulé la proposition principale de
notre recherche ainsi qu'il suit :
Proposition principale : Une
politique de rémunération incitative, l'amélioration des
conditions de travail et un environnement convivial induisent le surcroît
de motivation et la mobilisation des individus au sein d'une organisation.
Mais, cette proposition bien qu'aidant à orienter la
démonstration de l'apport du comportement de l'employé dans la
réussite d'une politique de changement n'a pas la prétention de
résoudre totalement le problème. En effet, si les
déterminants majeurs du comportement de l'employé tels que nous
les avons ressortis peuvent induire un comportement favorable, il n'en demeure
pas moins vrai que d'autres facteurs y contribuent aussi. D'où cette
proposition qui vient nuancer la première :
Proposition rivale : Une
politique de rémunération incitative, l'amélioration des
conditions de travail et un environnement convivial sont la condition
nécessaire mais, non suffisante pour le surcroît de motivation et
la mobilisation des individus au sein d'une organisation.
La démarche méthodologique adoptée
permet de démontrer ces propositions de recherche et notamment de
montrer dans quelle mesure le changement influence le comportement de
l'individu.
Pour le respect des normes méthodologiques, nous avons
traité notre travail de recherche en deux parties. Dans la
première partie, nous avons exploité la revue de la
littérature et nos connaissances personnelles liées au sujet. La
deuxième partie quant à elle est basée sur les
résultats d'une enquête par des entretiens semi-directifs obtenus
auprès des responsables des sociétés privatisées du
Cameroun. Le choix de notre étude étant orienté vers une
étude qualitative, cette étude a été menée
avec la méthode des cas comme stratégie de recherche avec
l'Analyse thématique de Continue (ATC) comme technique d'analyse.
Notre plan de travail se subdivise donc en deux
parties :
- Dans la première partie, nous nous
intéresserons aux caractéristiques des pratiques du changement
dans une organisation en présentant d'abord la mise en oeuvre du
changement (Chapitre I), ensuite les motivations de l'employé sur le
choix du comportement (Chapitre II).
- Dans la deuxième partie, nous présenterons la
contribution du changement au comportement de l'employé des entreprises
privatisées. Nous analyserons le processus d'identification de
l'incidence du changement sur le comportement de l'employé des
entreprises privatisées au Cameroun (Chapitre III) et nous
étudierons par la suite les pratiques du changement et leur contribution
sur le comportement de l'employé (Chapitre IV).
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