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REPUBLIQUE DU NIGER
M1M5/K5
UNIVERSITE ABDOU MOUMOUNI DE NIAMEY Faculté des
Lettres et Sciences Humaines
Département de Géographie
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Mobilités résidentielles et habitat
spontané à Niamey
Mémoire de maîtrise
Présenté et soutenu par : AYOUBA TINNI
Bachirou
Sous la direction de: Président
du jury : Pr SIDIKOU HAMIDIOU Arouna
MOUNKAILA Harouna, maître de conférences
GAME/IRSH
département de géographie /ENS/UAM
Assesseur : Dr ISSAKA Hamadou
Attaché de recherche. GAME/IRSH
1
Année académique 2011-2012
2
Table des matières
SIGLES ET ABREVIATIONS 10
DEDICACE 11
REMERCIEMENTS 12
RESUME 13
SUMMARY 14
INTRODUCTION GENERALE 15
CHAPITRE I. CADRE THEORIQUE ET METHODOLOGIQUE
17
1.1. La problématique 17
1.1.1 Les hypothèses 20
1.1.2 Les objectifs du travail 20
1.1.2.1 L'objectif général 20
1.1.2.2 Les objectifs spécifiques 21
1.1.3. La revue de la littérature 21
1.1.4. Les raisons du choix du thème
23
1.2. L'approche méthodologique 23
1.2.1. La recherche documentaire 23
1.2.2. L'enquête de terrain 24
1.2.2.1. L'Enquête par questionnaire 24
1.2.2.2. La biographie migratoire 24
1.2.3. L'échantillonnage 24
1.2.3.1. Le choix des lieux d'enquête
24
1.2.3.2. La cartographie 25
1.2.3.3. Les entretiens 25
4
1.2.4. Le traitement et l'analyse des données
25
1.2.5. Les difficultés rencontrées
25
CHAPITRE II. PRESENTATION DE NIAMEY 27
2.1. Historique de la ville 27
2.1.1. Migration et croissance urbaine 27
2.1.1.2. Sécheresses, famines et croissance
urbaine 28
2.2. Mutation socio-urbaine 30
2.2.1. La première phase de la mutation
30
2.2.2. La seconde phase de la mutation (1939-1945)
31
CONCLUSION PARTIELLE 33
CHAPITRE III. CARACTERISTIQUES SOCIODEMOGRAPHIQUES DES
CITADINS
OCCUPANT LES CASES 34
3.1. Les zones de provenance 34
3.1.1 Une présence marquée des populations
de l'Ouest 34
3.1.2. Une population majoritairement Zarma-Sonrai
35
3.2. Des chefs de ménages physiquement
épuisés 35
3.3. Une prédominance du secteur informel
37
3.4. Un environnement de pauvreté 38
3.4.1. Un habitat précaire 38
3.4.2. Un habitat largement situé à la
périphérie 39
3.4.3.1. Présence de l'adduction en eau et
fourniture en énergie électrique 42
3.4.3.2. Présence douche _W c dans les parcelles
42
CONCLUSION PARTIELLE 44
CHAPITRE IV : UNE MOBILITE RESIDENTIELLE MARQUEE
45
4.1. Une mobilité complexe 45
4.1.1. Une mobilité centrifuge 45
4.1.2. Une mobilité partant de la
périphérie suivant le front urbain 47
4.1.3. Une mobilité centripète
48
4.2. Mobilité ou stabilité
résidentielle 49
4.2.1. Mobilité inter quartier 50
4.2.2. Mobilité intra-quartier 55
4.2.2.1. L'ampleur de la mobilité intra urbaine
56
4.2.2.2. Les causes de la mobilité intra quartier
58
4.3. Les causes de l'instabilité
résidentielle 58
4.3.1. Le changement de statut matrimonial 59
4.3.2. La municipalité 59
4.3.3. La spéculation foncière
61
4.3.4. Les activités professionnelles
61
4.4. L'émergence d'une catégorie
résidentielle spécifique 61
4.4.1. Un habitat majoritairement précaire
62
4.4.2. Les raisons de changement de logement
65
CONCLUSION PARTIELLE 66
CHAPITRE V : UNE LARGE CONSECRATION RESIDENTIELLE DES
ENFANTS DES
CITADINS OCCUPANT LES CASES 67
5.1. Une consécration résidentielle
marquée 67
5.1.1. Une large autonomie résidentielle des
enfants 67
5.1.2. L'ampleur de la consécration
résidentielle 68
5.2. Les facteurs de la consécration
résidentielle 68
5.2.1. Le changement matrimonial 68
5.2.2. Commerce et activités professionnelles
68
5.2.3. L'école facteur d'ascension sociale
69
5.3. Perspectives en matière d'habitat
70
5.3.1. Les raisons d'un projet de retour au village
70
5.3.2. Les raisons évoquées pour se fixer
à Niamey 71
5.3.3. Perspectives sur l'habitat précaire
à Niamey 73
CONCLUSION PARTIELLE 74
CONCLUSION GENERALE 74
6
TABLE DES ENCADRES
Encadré 1 exemple de mobilité résidentielle
centrifuge 46
Encadré 2 exemple de mobilité résidentielle
centripète 48
Encadré 3 exemple de mobilité intra quartier 56
Encadré 4 exemple de catégorie résidentielle
spécifique 62
Encadré 5 exemple de promotion sociale par l' école
69
TABLE DES FIGURES
Figure 1 : Carte de l'extension de la ville de la ville de Niamey
32
Figure 2 : Carte de localisation des ménages
enquetés 40
Figure 3 : Type de clôture des maisons en case 40
Figure 4 : Exemple de mobilité résidentielle
centrifuge 47
Figure 5: Exemple de mobilité résidentielle allant
de la périphérie au centre 49
Figure 6: Durée de résidence des citadins à
la première étape du parcours ..50
Figure 7: Situation matrimoniale à la première
étape du parcours résidentiel 51
Figure 8: Durée de résidence à
2ème étape du parcours résidentiel 52
Figure 9 : Situation matrimonial à la deuxième
étape du parcours résidentiel 53
Figure 10 : Durée de résidence à la
3ème étape du parcours résidentiel .54
Figure 11: Durée de résidence à la
4èmeétape étape du parcours résidentiel
.55
Figure 12: Exemple de mobilité intra urbaine 57
Figure 13: Exemple de catégorie résidentielle
spécifique 64
8
TABLE DES PHOTOGRAPHIES
Photo 1 : Habitat de case au quartier Golf» 29
Photo 2 : Habitat précaire au quartier Plateau 38
Photo 3: Habitat de case sans clôture au quartier Nouveau
marché 41
Photo 4: Espace aménagé servant de douche 43
Photo 5 : Habitat de case au quartier Gaweye novembre 2011.
60
Photo 6 : Le même site en mai 2012 après le
déguerpissement 60
Photo 7 : Ménage menacé de changement de logement
du fait de la mise en valeur de la parcelle 61
TABLE DES TABLEAUX:
Tableau 1 : Age C M ... 36
Tableau 2: Personnes en charge par C M... 37
Tableau 3 : Type d'habitat aux différentes étapes
du parcours résidentiel 64
Tableau 4 : Les raisons évoquées pour se fixer
à Niamey 72
10
Sigles et abréviations
AOF : Afrique occidentale française.
CCFN : Centre culturel franco nigérien.
CIDES : Centre d'information et de documentation
économique et sociale.
CM : Chef de ménage
CPCT : Caisse de prêt aux collectivités
territoriales.
CSCN : Coordination de la société civile
nigérienne.
ENS : Ecole normale supérieure.
IRSH : Institut de recherche en sciences humaines.
FLSH : Faculté de lettres et des sciences humaines.
GAME : Géographie et aménagement de l'espace
G P S: Global positioning system
MOBOUA : Mobilité ouest africaine.
NIGELEC : Société nigérienne
d'électricité.
ONG : Organisation non gouvernementale.
PAS : Programme d'ajustement structurel.
RGP/H : Recensement général de la population et de
l'habitat.
SEEN : Société d'exploitation des eaux du Niger.
SONUCI : Société nigérienne d'urbanisme de
construction immobilière.
TER : Travail d'étude et de recherche
UAM : Université Abdou Moumouni.
Dédicace
Je dédie ce travail à :
> A mon père, Ayouba Tinni, enseignant de
carrière. A travers sa modeste personne à tous ceux qui exercent
ce noble métier.
> A ma mère, Fatouma Hamadou notre
répétitrice à l'école primaire.
> A ma soeur, Halimatou Ayouba Tinni à travers elle
tous les malades de la drépanocytose. > Enfin, à tous mes
frères et soeurs.
12
Remerciements
Au terme de ce travail d'étude et de recherche, nous
tenons à remercier monsieur Mounkaila Harouna, maître de
conférences à l'Ecole Normale Supérieure de Niamey, qui
malgré ses multiples occupations a accepté de diriger ce travail.
Nous avons été surtout impressionné par sa
disponibilité, sa rigueur et son amour pour le travail bien fait. Ses
multiples conseils et appuis de tout genre nous ont permis de bien conduire ce
travail.
Nos remerciements vont également à l'endroit du
président du jury le professeur Sidikou Hamidou Arouna pour avoir
accepter de présider cette soutenance et à l'assesseur le docteur
Hamadou Issaka pour avoir accepté d'examiner ce travail.
Nous tenons à témoigner notre gratitude au
programme Mobilité ouest africaine (MOBOUA) pour avoir financé
nos enquêtes. Nous remercions Docteur Florence Boyer, chercheuse à
l'IRD, docteur Issa Abdou Yonlihinza, docteur Abdoulaye Adamou
enseignant-chercheur à l'université de Zinder.
Il serait ingrat de notre part de ne pas mentionner le
concours de certaines personnes à la réalisation de ce
mémoire. Nous pensons à notre aîné Moussa
Yayé et ses amis Hassane Younsa, Ibrahim Abdoulaye, Siddo sambo et
Rahila tous appelés du service civique au GAME/ IRSH pour les multiples
efforts. A notre camarade Garba Seyni et Sani Magagi pour avoir mis a notre
disposition leurs ordinateurs, nos amis Abdoul Farouk Adamou Hamidou,
Iddé Issoufou Rahila et Zakou Seybou Kadidja. Nous n'oublie pas notre
parrain El hadj Garba Zady (EGZ) et toute sa famille pour
l'hospitalité.
Enfin, une motion spéciale à tous les
enseignants qui ont contribué à notre formation du
préscolaire à l'université, nos camarades de la promotion
2008, et à tous ceux qui ont de prés ou de loin participé
à la réalisation de ce travail. Qu'ils trouvent tous ici
l'expression de notre profonde gratitude.
RésuméL'habitat
précaire est le recours de bon nombre de ménages à Niamey.
C'est le résultat des difficultés d'accès à un
logement décent. Les ménages occupant les habitats
précaires se caractérisent par la précarité de
l'occupation du sol et une instabilité résidentielle
marquée. D' où l'intérêt d'analyser la trajectoire
résidentielle des ménages occupant ce type d'habitat. Cette
trajectoire est très complexe car elle est souvent centrifuge,
centripète, de la périphérie suivant le front urbain, de
la périphérie au centre. L'analyse de la courbe
résidentielle des enfants des ménages occupant les habitats
précaires se caractérisent par une large consécration
résidentielle. Ce qui implique qu'il n'y a pas de reproduction socio
spatiale de la précarité en milieu urbain.
Mots clés : mobilité résidentielle ; habitat
précaire ; trajectoire résidentielle ; parcours matrimonial.
14
Summary
The precarious habitat is using it of a good many of household
in Niamey. It is the result of difficulties of access to a decent
accommodation. Occupying household the precarious habitats are characterized by
the precariousness of the occupation of the soil and a marked residential
instability. D' where interest to analyze the residential trajectory of
occupying household these types of habitat. This trajectory gets up again be
very complex because it is often centrifugal, of the urban lost zone in the
periphery, periphery according to the urban forehead, periphery in the centre.
The analysis of the residential curve of the children of occupying household
the precarious habitats are characterized by a broad residential consecration.
What implicates that there is not socio space reproduction of precariousness in
urban middle.
Key Words: residential agility; habitat meadow,
residential trajectory; conjugal course.
Introduction générale
Le développement rapide des villes dans le monde pose
l'épineux problème d'accès au logement des citadins. En
effet, l'accès au logement dans les centres urbains devient de plus en
plus difficile tant l'offre publique et privé en logement pour les
populations pauvres, est quasi inexistante. En réponse à cette
offre déficitaire, les populations pauvres procèdent au
développement des quartiers irréguliers. Ainsi,
construisent-elles dans ces quartiers des habitations avec des matériaux
de récupération. L'ampleur et le développement de ces
types d'habitat ont abouti à la formation des taudis ou des bidonvilles
sur des vastes espaces à travers le monde. Ces milieux sont
reconnaissables par la précarité de l'habitat, le surpeuplement
de l'espace et l'insécurité permanente.
Face au développement rapide de ces types d'habitat et
les conditions misérables et humiliantes dans lesquelles vivent les
occupants ; la problématique d'accès au logement des citadins
dans les villes devient une préoccupation mondiale. Ainsi, des
institutions comme la Banque mondiale, le Fond Monétaire
International(FMI), l'intègrent dans leurs domaines d'intervention.
Mieux, en 1978, l'Organisation des Nations Unies (ONU) a crée un organe
spécialisé sur la question dénommée : ONU-habitat ;
avec comme siège, Nairobi au Kenya (l'une des capitales les plus
touchées par l'expansion fulgurante de l'habitat précaire).
L'objectif assigné à cet organe est l'urbanisation durable,
l'accès au logement décent pour tous et la réduction de la
pauvreté.
En 2007, l'ONU-habitat estime à un (1) milliard, le
nombre de personnes vivant dans les taudis. Mais, une différence existe
d'une région à une autre. Elle représente 62% de la
population urbaine de l'Afrique sub-saharienne, 27% de celle de
l'Amérique Latine, et moins de 10% de celle de l'Afrique du Nord. Il
ressort de ces chiffres que l'Afrique Sub saharienne est l'épicentre de
la crise, avec une proportion assez importante de citadins qui ont des
difficultés pour se loger. C'est ce qui explique le recours à
l'habitat précaire. C'est le cas des taudis de Soweto en Afrique du sud
ou encore les bidonvilles de Nairobi, de véritables foyers de
misère et de criminalité.
Le Niger, sans atteindre le niveau de ces pays
n'échappe pas pour autant à la crise du logement dans ses villes
et le recours à l'habitat précaire. On trouve de ce fait, dans le
pays des espaces où la précarité de l'habitat est à
un niveau alarment surtout dans sa capitale Niamey. Dans cette ville l'habitat
précaire diffère de celui qu'on observe dans
16
d'autres capitales. En effet, à Niamey les habitats
précaires sont construits avec du secco1. Or, dans d'autres
capitales ce sont les matériaux de récupération qui sont
utilisés. Les habitations en secco constituent donc le symbole
de la précarité de l'habitat à Niamey. Elles se
caractérisent par la précarité de l'occupation du sol qui
contraint ses occupants à une forte mobilité
résidentielle. Cette étude vise donc à analyser la
trajectoire résidentielle des citadins occupants les cases.
Nous avons structuré ce mémoire en 5 chapitres :
- Le premier chapitre porte sur le cadre théorique et
méthodologique
- Le deuxième présente la zone d'étude.
- Le troisième présente les caractéristiques
sociodémographiques des citadins occupant les cases.
- Le quatrième est axé sur la mobilité
résidentielle des citadins occupant les cases.
- Le cinquième est consacré à la
consécration résidentielle des enfants des citadins occupant les
cases.
1 Espèce végétale
appelée scientifiquement andropogon gayanus
Chapitre I. Cadre théorique et
Méthodologique
Introduction
Ce chapitre est divisé en deux parties : le cadre
théorique et la méthodologie. La première est
composé d'une problématique, les hypothèses de recherche,
elle expose également les objectifs assignés à la
présente étude. La seconde partie fait l'état de la
connaissance
sur la thématique ainsi que la méthodologie
adoptée pour mener le travail. 1.1
Problématique
La forte croissance urbaine est un des faits marquants du
continent africain. Le dernier quart du 20eme siècle a
coïncidé avec une forte extension spatiale des villes telles que
Kinshasa (en RDC) et Lagos (au Nigeria), qui grignotent jusqu'à
800ha/an.2
Au cours de cette période, l'Afrique a amorcé
son développement urbain, de façon spectaculaire. En effet, le
taux d'urbanisation en Afrique est passé de 5% à 6% en 1950
à 39% en 2011. La population urbaine africaine a été donc
multipliée par plus de 11 dans l'intervalle d'un demi-siècle
entre 1950 à 2011, une progression que les autres continents ont mis des
siècles à accomplir.
Malgré la tendance générale à
l'urbanisation que connaît l'Afrique, le niveau d'urbanisation n'est pas
uniforme car il varie selon les régions. Ainsi, en 2011, l'Afrique du
Nord avait un taux d'urbanisation de 65% contre 35% pour l'Afrique
subsaharienne. De ce fait, le fait urbain est bien plus marqué en
Afrique du Nord qu'au sud du continent.3 Cependant, depuis le
début des années 1970, l'Afrique sub-saharienne est celle
où l'urbanisation augmente le plus rapidement, soit 5% en moyenne par
an, par comparaison aux autres régions4. Toutefois, une
nuance doit être faite à ce niveau entre les pays côtiers et
ceux de l'intérieur du continent. Ainsi, les premiers connaissent un
développement urbain plus rapide que les seconds en raison de la
situation géographique qui leur offre un certain avantage. En effet,
l'économie de plantation et des mines permet à la côte
d'accueillir plus de migrants en provenance de l'intérieur du
continent.
Par conséquent, malgré les contrastes dans le
niveau d'urbanisation, la tendance générale à
l'échelle de l'Afrique sub-saharienne est à la formation de
villes millionnaires. De ce
2PDME, 2006_cglua cité par jeune Afrique N 2551
du 29 novembre au 5decembre 2009 pp 68 3Fiche de donnée sur
la population mondiale 2010
4 Op cité 1
18
fait, Il faut s'attendre dans les années à venir
à une concentration des populations dans les centres urbains en
particulier les villes capitales et cela dans tous les pays .5
Le Niger n'est pas resté en marge de ce
phénomène du 20ème siècle. En effet, au cours des
dernières décennies, les villes nigériennes ont connu une
expansion assez rapide. Ainsi, la population urbaine nigérienne qui
représentait 15% de la population totale en 1988 passa en 2012 à
21,7%6.
Au Niger, le fait remarquable de l'urbanisation est
l'ascension fulgurante de la ville de Niamey. Ainsi, ville coloniale, Niamey
comptait 242.873 habitants au premier recensement de 1977. Elle est
passée à 398.625habitants en 1988 pour atteindre 707 951
habitants au dernier recensement de 2001. En 2012, l'Institut National de la
Statistique estime la population de Niamey à 1.388.682
habitants.7 Cette croissance démographique a permis à
la ville d'abriter plus de 40% de la population citadine du pays contre 1/3 en
19608. Aujourd'hui, elle est la seule ville du pays ayant atteint le
million d'habitants. Au même moment, la ville connait une extension
spatiale rapide due à la prédominance des constructions
horizontales et à la concentration des populations dans la ville
(Abdoulaye 2005)...C'est ainsi que le territoire de la communauté
urbaine de Niamey est passé de 4.848 ha en 1988 à environ 11.000
ha en 2003 selon (Issaka 2003). Elle passa à 19 000 ha en 2012.
(Abdoulaye Adamou 2012)
En outre, s'agissant de la croissance naturelle, le Niger a un
taux d'accroissement naturel de 3,3%. Ce taux, qui est l'un des plus
élevé au monde implique un doublement de la population du pays
tous les 20 ans ; ce qui n'est pas sans conséquences sur la population
urbaine. Quant aux migrations, c'est surtout l'exode rural qui contribue
à grossir les villes nigériennes. En effet, ce
phénomène a pris de l'ampleur surtout avec les crises
répétitives que connaît le monde rural. Le milieu rural
nigérien souffre de plusieurs maux dont entre autres des crises
alimentaires (famines répétitives, sécheresses, manque de
terres cultivables), et sur le plan socio économique (la baisse de
revenus, la dégradation des relations sociales). Ces crises accentuent
le départ massif des populations vers les centres
5 Op cité 2
6 Institut national de la statistique (I N S)
Population du Niger 2012
7 Idem
8 Idem
20
urbains à la recherche d'un mieux être, car pour les
ruraux la ville renferme plus d'opportunités que leurs lieux de
départ.
Il faut noter que, cette croissance démographique et
spatiale pose d'énormes problèmes à la ville ; notamment
celui du logement. En effet, l'expansion spatiale de Niamey contraste avec la
capacité de la ville à offrir un logement décent aux
citadins. Il en résulte une distorsion entre la production de logement
et la demande. Cela s'explique en partie par le coût élevé
des parcelles qui sont inaccessibles à une grande partie de citadins. En
fait, la parcelle qui constitue la première étape de la
production d'un logement a vu son prix grimper de 30.000FCA en 1960 à
60.000 en 1975 et à plus de 600.000FCFA, de nos jours (Issaka 2004),
soit 20 fois plus cher qu'il y a 50 ans. A cela s'ajoute la lourdeur de la
procédure officielle de lotissement. Il faut (Motcho 1991) compter 6
à 12 mois entre la demande officielle et la vente du terrain.
Parallèlement, les structures étatiques
spécialisées dans la production immobilière n'ont pas
survécu à la crise économique des années 90.
Même avant cela, la Caisse de prêt aux collectivités
territoriales(CPCT), la Société Nigérienne d'urbanisme et
de construction immobilière (SONUCI) et le crédit du Niger se
caractérisent par une inefficience prouvée et un faible impact
sur la production de l'habitat. En effet, le peu de logements qu'elles arrivent
à produire ne sont pas accessibles à la grande majorité
des citadins du fait des normes qu'elles imposent ; d'où l'exclusion de
la majorité des citadins du circuit officiel de la production
foncière et immobilière.
Par ailleurs, face à cette marginalisation dont les
citadins sont victimes, certains se réfèrent aux
propriétaires coutumiers pour avoir une portion d'espace pour
bâtir un abri. A ce niveau la procédure est très simple. Il
suffit de s'entendre avec le propriétaire et de procéder à
l'occupation de l'espace. En outre, d'autres citadins et néo citadins
procèdent à l'occupation des rues ou autres réserves
foncières sans l'autorisation de l'Etat. Ce type d'appropriation a
commencé dans les années 70, suite à l'afflux massif des
populations rurales vers Niamey, consécutif aux différentes
famines. Ces migrants sans logements, procèdent à l'occupation
anarchique de ces espaces. Le phénomène a pris de l'ampleur au
début des années 1980 suite à la crise économique
et à l'application du programme d'ajustement structurel (PAS) qui ont
mis au chômage de nombreux citadins. Ces derniers, vont aussi occuper ces
espaces pour échapper au coût élevé du loyer.
Ainsi, les caractères extralégaux de ces
appropriations font de ces milieux, des espaces d'occupation spontanée.
Ici, l'insécurité foncière est le dénominateur
commun de tous les habitants. Conscients de ce fait, ils ne construisent que
des cases. Selon Motcho/1991.
les cases de ce type appelées aussi paillotes, ne
comportent pas de fenêtre, mais seulement une porte étroite et
basse faite de tôle ondulée aplatie, souvent les cases sont
entourées de tiges de mil (Pennisetum amricanum) qui sert à
cacher l'intimité des habitants». Un tel choix est
motivé par son coût qui est compatible avec leur revenu mais aussi
du fait qu'il convient mieux à des ménages qui souffrent d'une
grande instabilité résidentielle. En effet, ces habitants font
quotidiennement l'objet de déguerpissement de la part de la
municipalité. Ils sont donc obligés de déplacer leurs
résidences d'un endroit à un autre. On assiste de ce fait,
à une mobilité intra-urbaine de ses ménages à
l'intérieur de la ville de Niamey. Face à l'extrême
précarité de logement de ce milieu, ces questions de recherche
suivantes nous viennent à l'esprit:
> Ces processus de marginalisation sont ils volontaires ou
contraints ?
> Quelles sont les causes de la mobilité intra urbaine
des habitants de case ?
> Quels sont les parcours résidentiels des
ménages vivant dans les zones d'habitat en case ? > Cette
mobilité résidentielle aboutit-elle à la production d'une
catégorie résidentielle spécifique ?
> Y-a- t- il une reproduction socio spatiale de la
précarité en milieu urbain?
Pour répondre à ces questions nous formulons les
hypothèses suivantes :
1.1.1 Les hypothèses
> La marginalisation des citadins occupant les cases est
contrainte.
> L'instabilité résidentielle des citadins
occupant les cases aboutit à la production d'une catégorie
résidentielle spécifique mais ne s'accompagne pas d'une
reproduction socio- spatiale de la précarité en milieu urbain.
1.1.2 Les objectifs du travail
1.1.2.1 L'objectif général
> L'objectif général de cette étude vise
à comprendre les trajectoires résidentielles des
ménages occupant l'habitat de case.
1.1.2.2Les objectifs spécifiques
> Dresser le profil des citadins occupant les cases;
> Ressortir le parcours résidentiel et matrimonial des
occupants de l'habitat de case; > Identifier les logiques et les
stratégies qui sous-tendent ces installations;
> Analyser s'il y a une reproduction de la
précarité en milieu urbain.
1.1.3. Revue de la littérature
La littérature sur l'occupation illégale des
espaces par les citadins est riche et variée. Plusieurs auteurs ont
abordé le phénomène différemment mais parviennent
à la même conclusion qu'il est le résultat d'une
marginalisation d'une catégorie de citadins du circuit foncier
officiel.
C'est le cas d'Alain Durant Lasserve (1986). Ce dernier se
penchant sur l'occupation illégale des espaces dans les villes du tiers
monde conclue qu'elle est le résultat d'une exclusion dont sont victimes
les citadins de ces pays. Cette exclusion est créée et entretenue
par les pouvoirs publics dont l'intervention dans la chaîne de production
foncière et immobilière se traduit par l'imposition de normes qui
ne tiennent pas compte des revenus réels des citadins, d'où
l'exclusion de ces derniers du circuit officiel.
D'autres auteurs ont mis l'accent sur le rôle de l'Etat
dans la prolifération des espaces d'occupation spontanée. C'est
le cas d'Emmanuel G (2003) et de Hamadou Issaka (2004). Le premier estime que
s'il fallait reprocher à quelqu'un la prolifération des quartiers
spontanés, c'est bien aux pouvoirs publics qu'il faudrait s'en prendre,
car en imposant des normes élevées et en appliquant des
règlementations inadéquates sans mettre en place des
infrastructures suffisantes, les Etats poussent les ménages à
faibles revenus à occuper illégalement des terrains non
aménagés. Par contre, les pouvoirs publics sont les premiers
à se plaindre des quartiers insalubres. En fait, ils sont les
véritables coupables de cette situation, d'où sa formule
coupables plaignants victimes accusées.
Le second, analysant les espaces d'occupation spontanée
à Niamey impute la responsabilité à l'Etat par:
- La mauvaise distribution des parcelles par la CUN ;
22
- Les normes et les coûts
élevés imposés par la municipalité pour
l'acquisition d'une parcelle ;
- La dualité des lotissements : propriétaires
coutumiers et municipalité ;
- Le non respect des règles et procédures
d'urbanisation par tous les acteurs.
Ainsi, les citadins qui ne peuvent répondre aux normes
de la municipalité se tournent vers les propriétaires coutumiers
pour avoir une portion d'espace à des fins d'habitation. Ces
lotissements illégaux favorisent l'occupation spontanée des
espaces.
S'agissant de la mobilité résidentielle, il faut
déplorer à ce niveau la faiblesse de la documention traitant du
cas spécifique de Niamey. Néanmoins, le document qui a
attiré le plus notre attention est le mémoire de maîtrise
d'Abdoulaye Adamou (2004), portant sur la mobilité résidentielle
et la perception de l'espace dans le quartier Lacouroussou. Cet auteur a mis
l'accent sur les causes de la mobilité résidentielle dans ce
quartier. Au cours de ses recherches, il découvre que Lacouroussou
connaît une forte stabilité résidentielle du fait que la
plupart des habitants soient propriétaires de leurs maisons. Ainsi, les
ménages qui sont propriétaires de leurs ménages
connaissent une stabilité résidentielle contrairement aux
locataires. Toute analyse sur la mobilité résidentielle doit donc
intégrer le statut de l'occupant pour parvenir à des
résultats concluants.
Ce même auteur, dans sa thèse de doctorat portant
sur la mobilité résidentielle et le processus l'étalement
de la ville de Niamey a mis l'accent sur le rôle de la mobilité
intra urbaine des ménages dans l'étalement urbain de la ville de
Niamey.
Il est aisé de constater que la littérature
traite de la mobilité résidentielle et de l'habitat
spontané de façon générale. Les auteurs ont
dénoncé, d'une façon ou d'une autre, la mauvaise gestion
urbaine qui conduit au développement de l'habitat spontané. Nous
pensons qu'une étude spécifique sur un type d'habitat de ces
espaces d'occupation spontané s'avère nécessaire pour
montrer la précarité résidentielle du milieu. C'est
pourquoi, nous avons étudié l'habitat de case de ces espaces et
analysé la mobilité intra urbaine de ses occupants.
1.1.4. Les raisons du choix du thème
En abordant le thème mobilité résidentielle
et habitat spontané, nous n'avons pas la
prétention de détenir les solutions aux
problèmes que cela suscite. Notre intérêt dans le cadre de
cette étude est avant tout pratique. En effet, à travers cette
étude nous tentons de comprendre les parcours résidentiels et la
précarité de l'habitat dans une ville en pleine expansion. Notre
seconde motivation est d'apporter notre modeste contribution à l'analyse
de ce fait urbain afin de susciter une prise de conscience des pouvoirs publics
et des Niaméens en général sur l'ampleur du
problème auquel ils participent sans mesurer la gravité de la
situation. Les conséquences de ces faits peuvent être
énormes à tous les niveaux en commençant par la
planification urbaine, la santé, l'enjeu sécuritaire.
Enfin, il faut noter que ce thème s'inscrit dans un
programme de recherche intitulé MOBOUA (mobilités ouest
africaines). Le premier objectif du projet MOBOUA est « de montrer que les
flux orientés vers le Nord, qui retiennent des attentions de politique
croissantes dans la dernière décennie, en relation avec la
fermeture des frontières européennes et avec la mondialisation
des échanges, sont indissociables d'un système plus large de
circulations internes qu'il convient d'aborder dans leur contexte
sousrégionaux, nationaux et locaux. »
Le deuxième objectif du projet est de contextualiser
les expériences individuelles et sociales des « migrants ». Il
s'agit de montrer comment ces pratiques s'articulent entre elles dans la
composition sociale et territoriale de l'Afrique de l'Ouest.
Le troisième objectif du projet MOBOUA est
méthodologique. On recherche les modes d'investigation les mieux
appropriés pour rendre compte à la fois des expériences
des migrants et du jeu des migrations sur les territoires. Les premières
engagent l'environnement social de la mobilité, les filières qui
brident ou autorisent au contraire l'individuation des plus jeunes. Le second
justifie une analyse multi niveau.
1.2. Approche méthodologique
Pour mener notre étude nous avons adopté une
méthodologie axée sur la recherche documentaire, et
l'enquête de terrain.
1.2.1. La recherche documentaire
Notre recherche documentaire s'est déroulée dans
les bibliothèques et centres de
documentation de la ville Niamey. Il s'agit des
bibliothèques de la faculté des lettres et
24
des sciences humaines (FLSH), de l'institut de recherche en
science humaine (IRSH), du centre culturel franco nigérien (CCFN), et du
centre d'information et de documentation économique et sociale (CIDES).
Nous avons consulté les ouvrages généraux et
spécifiques traitant de la mobilité résidentielle et de
l'habitat spontané. Nous avons également mis à profit
l'internet lors de nos recherches. C'est ainsi que nous avons consulté
à plusieurs reprises le site
perse.fr.
1.2.2. L'enquête de terrain
C'est la phase la plus importante de notre étude. Elle est
divisée en deux parties à savoir l'enquête par
questionnaire et les entretiens.
1.2.2.1. L'Enquête par questionnaire
Nous avons administré un questionnaire aux ménages
de notre zone d'étude. Celui-ci, a porté sur les points suivants
:
- Identification et localisation de l'enquêter ;
- Activité et revenu de l'enquêter ;
- Parcours résidentiels de l'enquêter ;
- Appréciation du cadre de vie :
- Evolution résidentielle des enfants des habitants de
case ;
1.2.2.2. La biographie migratoire
Pour compléter les informations recueillies lors de
l'enquête par questionnaire, nous
avons jugé utile de retracer les parcours
résidentiels et migratoires des personnes enquêtées
à travers une biographie migratoire. Ce travail est d'autant plus
intéressant qu'il nous a permis de compléter certaines
informations qui échappent souvent avec l'enquête par
questionnaire.
1.2.3. L'échantillonnage
Compte tenu des difficultés à avoir des
statistiques sur la population des habitants de
case ; nous avons pris un échantillon de 100
ménages et procédé par la technique de << porte
à porte » pour administrer le questionnaire. Notre
échantillon n'est donc basé sur aucun effectif de la population
mère.
1.2.3.1. Le choix des lieux d'enquête
Les ménages enquêtés ressortent des 5
arrondissements communaux qui composent la
ville de Niamey en raison de 20 ménages par
arrondissement communal. L'objectif
visé est de montrer que la précarité de
l'habitat n'est pas l'apanage d'un seul arrondissement mais de tous les
arrondissements. Sur cette base, nous avons retenu les quartiers Banga Bana,
Gaweye, Banifandou I et II, Dan Gao, Wadata, Poudrière, Foulan Koira,
Cité Chinoise, Dar Es Salam, Plateaux, Recasement, Toulomboutou,
Cité Sonitel, Bagdad, Route Filingué, Jiddah. Mais il faut noter,
que courant novembre 2011, le site de Gaweye abritant des dizaines de
ménages vivant dans les cases a été déguerpi par
les autorités pour permettre la construction de la route reliant le
deuxième pont au rond point rive droite. De ce fait, les ménages
enquêtés ne se trouvent plus sur leur site. Ils étaient
contraints chacun d'aller se reloger ailleurs.
1.2.3.2. La cartographie
La carte est le moyen le plus simple pour un géographe de
matérialiser un phénomène
dans l'espace. Pour ce faire, nous nous sommes munis d'un G P
S au cours de notre enquête afin de géo localiser les
ménages enquêtés. Ceci, dans le but de faire une
cartographie de ce type d'habitat à l'échelle de la ville de
Niamey mais aussi de repérer ces ménages pour une
éventuelle enquête.
1.2.3.3. Les entretiens
Nous avons réalisé des entretiens avec des
personnes ressources plus ou moins
impliquées dans la gestion urbaine. Il s'agit des
différents responsables des services en charge de la gestion urbaine et
des chercheurs. Dans ce cadre nous avons jugé utile d'élaborer un
guide d'entretien pour mieux exploiter leur connaissance sur la question.
1.2.4. Le traitement et l'analyse des données
Le traitement des données recueillies lors de
l'enquête par questionnaire s'est fait à
l'aide du logiciel SPHINX PLUS. Après la phase du
dépouillement nous avons exporté les résultats sur
EXCELL.
1.2.5. Les difficultés rencontrées
Comme tout travail, la réalisation de ce TER a
été confronté à plusieurs difficultés.
D'abord, l'insuffisance de la documentation traitant
spécifiquement de la thématique au niveau de la ville de Niamey.
Ensuite, à la collecte des données ; les populations
étaient très réticentes à se faire enquêter.
En effet, l'enquête ne concernait spécifiquement que les occupants
des cases. De ce fait, elles nous assimilent à un agent de la
municipalité. Elles pensaient alors à un recensement des cases en
vue d'un déguerpissement comme
26
ce fut le cas il y a 2 ans. Il a fallu prendre le temps
nécessaire pour leur expliquer pour qu'elles acceptent enfin de
collaborer.
Les personnes qui acceptent de collaborer spontanément
nous assimilent aussi à un agent de la mairie ou d'une ONG qui
procèdent à un recensement des démunies en vue d'une
éventuelle distribution de vivres, comme ce fut le cas l'année
précédente, à la même période. A ce niveau,
il a fallu expliquer que notre étude n'a qu'un but académique.
Enfin, l'autre grande difficulté est liée
à l'indisponibilité des chefs de ménage surtout ceux de la
périphérie. Ces derniers travaillent toute la journée au
centre ville et ne regagnent leur logement que le soir pour dormir. Il a fallu
multiplier les passages pour les trouver et administrer enfin notre
questionnaire.
Chapitre II. Présentation de Niamey
Située dans l'Ouest du Niger entre 2° 01'et
2° 14' de longitude Est, et de 13° 25' et 13° 36' de latitude
Nord, la ville de Niamey est enclavée dans le département de
Kollo. Elle est limitée au Nord Est par la commune rurale de Hamdallaye,
à l'Est et au Sud par la commune rurale de Liboré et à
l'Ouest par le canton de Lamordé et la commune rurale de Karma.
La ville est bâtie sur les deux rives du fleuve. La rive
gauche abrite les arrondissements I, II, III, IV et la rive droite le
Vème arrondissement. Ces cinq arrondissements forment un ensemble de 96
quartiers répartis sur une surface de 239,263 km2. C'est donc, sur cet
espace géographique que portera notre travail. Mais avant, il convient
de présenter succinctement l'historique de la ville. Ceci, pour mettre
en exergue l'évolution socio spatiale du petit village qui est
aujourd'hui capitale du Niger. Cela nous parait très important, car il
permet de comprendre certains problèmes actuels de la ville, notamment
celui de la forte mobilité intra urbaine des citadins et le
développement de l'habitat précaire.
2.1. Historique de la ville
Petit village au début du 20ème siècle,
composé d'agriculteurs et de pêcheurs Sorko, Niamey sera
très vite remarqué par le colonisateur. Son site, très
favorable a été sans doute déterminant. En effet, le
village est traversé par un fleuve dont le pays porte le nom et un
relief tout aussi impressionnant. Ces deux éléments
géographiques vont déterminer son occupation. Celle-ci sera
traduite en acte par la création d'un poste militaire le 15 mai 1902.
Par la suite, plusieurs facteurs notamment les migrations et des mesures
administratives vont contribuer à la croissance démographique et
spatiale de la ville.
2.1.1. Migration et croissance urbaine
Il s'agit pour nous, de montrer dans cette partie comment les
migrations ont contribué au développement démographique et
spatial de la ville de Niamey. Pour y parvenir, nous analysons d'une part les
migrations liées à l'action coloniale et d'autre part celles
liées aux famines et sécheresses. .
2.1.1.1. Migration et installation coloniale
Les premiers flux de migrants à Niamey remontent
à la création du poste militaire. En
28
effet, au cours de cette période, les populations
environnantes attirées par les emplois et autres activités
consécutives à l'installation de l'administration coloniale
rejoignent volontairement le village. Ces populations, constituent donc la
première vague de migrants. Mais l'arrivée à Niamey d'un
important « stock de migrants » est à mettre en relation avec
les différentes mesures administratives prises en faveur du peuplement
du village par les administrateurs coloniaux. C'est le cas notamment, de celles
prises par le capitaine Salaman. Il s'agit de:
- la distribution gratuite de parcelle sur le site de Niamey ;
- la suppression des travaux forcés pour les populations
de Niamey ; - l' exemption d' impôt des populations de Niamey ;
- la création d'un marché à Niamey avec
des taxes plus attractives que les autres marchés environnants.
Ces mesures, comme on le voit, visent essentiellement à
faire de Niamey un centre d'attraction privilégié des
populations. Et comme il fallait s'y attendre, en cette période
coloniale, les résultats escomptés furent atteints. En effet,
Niamey a absorbé l'essentiel des populations environnantes et parfois
même lointaines. C'est le cas des Haussa venus de l'Est vivant du
commerce. Leur présence a abouti à la création du quartier
Zongo et dès 1906 le premier Sarki Zongo est investi. Cet afflux de
commerçants sera suivi par celui des fonctionnaires ressortissants de
l'Afrique Occidentale française (A O F) travaillant dans la colonie du
Niger. Ces derniers laisseront leur empreinte sur la petite ville en gestation
par la création du quartier Lacouroussou. Enfin, la dernière
vague de migrants de la période précoloniale est
consécutive à l'installation des grandes maisons de commerce et
des travaux publiques. C'est le cas, des entreprises Vidal, Personaz avec leur
personnel étranger composé de Maliens, Sénégalais,
installés un peu partout dans la ville. Certains d'entre eux ont fini
par s'installer définitivement même après le départ
de leurs employeurs.
2.1.1.2. Sécheresses, famines et croissance
urbaine
L'histoire des peuples du Sahel est celle d'un
perpétuel combat contre les famines et les longues périodes de
sècheresses. Dans leurs tentatives d'adaptation à ces
fléaux, les populations choisissent de quitter les campagnes vers les
villes. Ce réflexe va s'avérer au cours des années
(1903,1913, 1931, 1965,1973,) comme l'une des principales causes de la
croissance spatiale et démographique de la ville. Comme le souligne
Boureima
Alpha Gado (1997) « l'exode massif des populations
chassées par les sécheresses et famines constitue
également l'un des principaux facteurs à l'origine de
l'accroissement rapide de la ville ». En effet, dès 1903, à
peine une année après la création du poste de Niamey, une
terrible sécheresse dénommée « Izé
neré » va toucher la colonie du Niger. Les populations sans
aucune ressource vont déserter les campagnes pour la ville à la
recherche d'un bien-être. Ces migrants finissent en majorité par
s'installer définitivement à Niamey même après la
calamité du fait des facilités d'intégration qu'offre la
ville. Il en est de même de la famine de 1913-1915. Mais de toute
évidence, la famine de 1931-1932 semble être celle qui a le plus
marqué la ville de Niamey. En témoigne, au cours de cette
période, l'arrivée de 22 000 à 23 000 habitants
installés aux portes de Niamey, attirés par la distribution
gratuite de vivres opérées par l'administration coloniale.
L'arrivée de ses migrants a aboutit à la création des
quartiers Deyzeibon, Foulan kwara et Koira Tegui. On assiste dès lors
à Niamey à la création des tous premiers quartiers
peuplés de pauvres, vivant dans des habitats de case.
A l'indépendance du pays, les cycles de famines
(1965,1973, 1984,2005) et les vagues de migration qui en découlent ont
abouti à l'installation des populations rurales autour de la Ceinture
verte, Route Filingué, Couronne nord, Dar es Salam, Boukoki. Ce qui a eu
pour conséquence l'essor spatial et démographique de la ville.
Photo 1: Habitat de case au quartier `' Golf» (Source
Hamadou Issaka 2010)
30
2.2. Mutation socio-urbaine
2.2.1. La première phase de la mutation
Le village de Niamey situé au bord du fleuve Niger a
connu de profonds changements socio urbains à partir du 20ème
siècle. Ces changements sont liés à la présence et
à l'occupation coloniale. En effet, jusqu'à l'arrivée du
colonisateur, le village était installé le long du fleuve, sa
population était estimée à 600 habitants en 1901. Quant
à l'habitat, il était de type rural représenté par
des cases symboles de la culture Zarma- Songhay. Mais avec l'occupation
coloniale qui se traduit par la création d'un poste militaire sur le
plateau au détriment de la vallée qui accueillait jusqu'alors les
populations ; c'est toute la dynamique d'occupation du sol qui est ainsi
bouleversée. Niamey entame de ce fait, l'une des premières phases
de sa mutation socio urbaine. Elle se traduit par une extension spatiale
considérable et un changement dans l'habitat. Ainsi, contrairement aux
populations qui ont leur habitat traditionnel, le colonisateur choisit de
construire en matériaux définitifs sur le plateau contrastant
ainsi avec les cases installées le long du fleuve. Elle ouvre par
là même, une nouvelle page de l'architecture urbaine du village.
Celle-ci va s'accentuer avec la forte pression démographique née
d'un croit naturel important et des vagues de migration en direction de la
ville. Dès 1910 Niamey abrite plus de 3000 âmes. On assiste de ce
fait, à une extension spatiale considérable de la ville. D'une
part, le long du fleuve domaine de l'habitat de case et d' autre part sur le
plateau avec des maisons en matériaux définitifs. Ceci, traduit
un début d'urbanisation du village.
Mais la grande mutation n`intervient qu'à partir de
1926 .Elle fait suite à l'acte de 1924 par lequel le gouverneur
général de l'AOF Jules Brevié transfert la capitale de la
colonie du Niger de Zinder à Niamey même si son application
n'interviendra qu'à partir de 1926. Il sera accompagné
d'énormes investissements dans les infrastructures nécessaires au
fonctionnement de l'administration coloniale. On peut retenir à ce
niveau la construction de l'hôtel du gouvernement, le premier pavillon
hospitalier, le logement du quartier résidentiel, les réseaux
d'adduction d'eau et d'électricité. L'objectif ultime de ces
efforts financiers était de « bâtir entièrement une
ville nouvelle et en faire une capitale incontestée tant au plan
intérieur que régional, telle était la
préoccupation essentielle du moment » (SIDIKOU 1980). Ces objectifs
seront consolidés jusqu'en 1935, année de la grande rupture. En
effet, au cours de cette année un grand incendie ravage les six
quartiers en case installés le long du fleuve. L'administration
coloniale
somme les populations de quitter la zone du fleuve pour
s'installer sur le plateau avec obligation de construire en matériaux
définitifs. Les cases furent alors interdites de construction à
Niamey, ce qui est une grande avancée dans l'architecture urbaine de la
ville. Elle a d'ailleurs nécessité la mise en oeuvre d'un plan
d'urbanisme dès 1937. C'est sur ce plan qu'est bâtie la forme
actuelle de la ville.
2.2.2. La seconde phase de la mutation (1939-1945)
Elle commence avec le début de la seconde guerre
mondiale. Elle a duré 8 ans. Elle se caractérise par un
ralentissement des investissements en matière d'urbanisation. Mais cela
n'entrave en rien l'évolution démographique de la ville. Mais le
fait le plus important qu'il faut souligner durant cette période c'est
la réapparition dans la ville de Niamey des cases qui furent interdites
de construction en 1935. Ces cases, loin de refléter un mode de vie ou
la culture d'une communauté quelconque sont tout simplement le symbole
de la précarité résidentielle dans une ville en extension.
Aussi, à partir de cette période les cases ne seront plus
l'apanage d'une seule communauté. . Elles sont surtout le refuge des
vagues de migrants que la ville accueille et qui sont en mal
d'intégration urbaine. Ces migrants, incapables de construire en
matériaux définitifs profitent du laxisme de l'administration
coloniale pour construire en case dans une ville où jusqu'à ces
dates, les parcelles étaient distribuées gratuitement. Ces
citadins constituent donc le reflet de la misère et de la
précarité urbaine. De même, les cases traduisent les
difficultés qu'une frange importante des citadins a pour accéder
à un logement décent.
Ces difficultés s'accentueront au fur et à
mesure que les ruraux chassés par un milieu hostile abandonnent leur
terroir pour la ville. Ils contribuent par là même à la
croissance démographique de la ville et au développement des
foyers de pauvreté en milieu urbain. Dès 1955, Niamey avec ses 12
000 habitants est le premier centre urbain de la colonie. Ce qui lui a permis
d'être érigé en commune de plein exercice en 1957. Cette
consécration met fin à la tradition de distribution gratuite de
parcelles. Désormais, les parcelles seront vendues aux citadins
désirant en acquérir. Son prix est fixé à
4000f/600m2 en 1958. Ce qui est une avancée significative dans la
valorisation du foncier urbain. Les propriétaires terriens et la
municipalité vont profiter de cette nouvelle situation pour se faire de
l'argent par la vente de parcelles. Elle affectera très peu le quotidien
des citadins démunis vivant dans les cases. Ceci, est dû d'une
part, au caractère très récent de la valorisation du
foncier et d'autre part au faible intérêt que les
32
populations accordent à cette époque à
l'accumulation foncière tant l'espace est vaste et facile à
acquérir.
Cette situation évoluera très vite à
l'accession du pays à l'indépendance. Désormais, la
spéculation foncière sera au coeur des activités
économiques. Une concurrence rude se développe entre les
propriétaires coutumiers et la municipalité dans le lotissement
et la vente de terrain. Comme on le voit sur la figure n° 1 ci-dessous. Ce
qui portera un coup dur aux habitants des cases qui jusque là
bénéficiaient des largesses des propriétaires coutumiers.
Ces citadins démunis qui continuent de peupler la ville de Niamey seront
obligés de développer plusieurs stratégies pour
répondre à la nouvelle situation.
Figure 1 : Extension de la ville de Niamey
Conclusion partielle
En définitive, il ressort que la croissance spatiale et
démographique de la ville de Niamey est liée à
l'installation coloniale. En effet, le colonisateur par des actions multiformes
a fait de Niamey un site attractif pour les populations environnantes et
parfois lointaines.
En outre, il a modifié l'architecture de la ville
notamment le type d'habitat en introduisant l'habitat en dur. Or, jusqu'
à cette date l'habitat principal dans le petit village était la
case. Il finira d'ailleurs par l'interdire de construction sur le site de
Niamey durant des années avant que les populations ne profitent de son
laxisme lié en partie à la seconde guerre mondiale pour reprendre
sa construction.
34
Chapitre III. Caractéristiques
sociodémographiques des citadins occupant les cases
L'objectif de ce chapitre est de décrire et d'analyser
le profil et le cadre de vie des personnes enquêtées. Ces
caractéristiques constituent une gamme d'informations
intéressantes qui peuvent nous aider à démontrer d'une
part la marginalisation socio spatiale et professionnelle des citadins occupant
les cases, d'autre part, déterminer les difficultés qui les
contraignent à faire le choix de ce type d'habitat.
Ce qui nous aidera à mieux comprendre leur
mobilité résidentielle. Ceci, en mettant surtout en relation la
mobilité intra urbaine de ces ménages et leur
précarité financière ainsi que les difficultés
d'accès au logement dans la ville de Niamey.
3.1. Les zones de provenance
3.1.1 Une présence marquée des populations de
l'Ouest
Les personnes interrogées proviennent des
différentes parties du pays. Cependant, une grande proportion provient
de la partie ouest notamment, des départements de Filingué (25%)
et Ouallam (11%). Cela s'explique par la proximité de ces zones avec la
CUN. En outre, il y aussi les conditions naturelles dans ces
départements, qui contraint les populations à abandonner leur
terroir. A cela s'ajoute la persistance de l'insécurité
alimentaire. C'est aussi le cas des ressortissants du Boboye, Tillabéri,
Téra, Loga. La présence des ressortissants de Bouza et Zinder
s'explique pour la plupart par des raisons économiques et/ou
matrimoniales qui amènent les femmes à rejoindre leurs conjoints.
En effet, certains citadins retournent dans les villages d'origine de leurs
parents pour se marier. Par conséquent, le mariage occupe une place
prépondérante dans la mobilité géographique des
personnes.
Mais, le fait le plus surprenant concerne la provenance des
personnes interrogées ; c'est l'importance des natifs de Niamey. En
effet ; ils représentent (13%) de notre échantillon c'est
à dire le deuxième taux. Cela prouve, si besoin en est, que les
difficultés d'accès au logement n'épargnent pas aussi les
natifs de la ville qui ont l'avantage d'être plus intégrés
que les autres.
Cette diversité de la provenance géographique
révèle aussi la multiplicité ethnique des citadins
occupant les cases.
3.1.2. Une population majoritairement Zarma-SonraiIl
ressort de notre étude qu'une bonne partie des ethnies de
ce pays sont représentées dans les cases. Toutefois, les
Zarma-Sonrai occupent la première place avec (54 %). Cette situation
s'explique par les flux en provenance de Filingué et de
Ouallam, Tillabéri, Téra auxquels s'ajoutent les natifs de
Niamey. Ils sont suivis par les Haoussas (23%) venus du Kourfey et de l'Est
du pays. . Enfin, suivent les nomades Touareg (13%) et les Peuls (12%) qui
se caractérisent surtout par la diversité de leur
provenance géographique.
L'absence de Kanouri dans notre échantillon peut
s'expliquer par l'éloignement de leur région naturelle à
savoir Diffa de Niamey leur migration s'oriente beaucoup plus vers le Tchad
et/ou le Nigeria.
3.2. Des chefs de ménages physiquement
épuisés
De la lecture du tableau 1 ci-dessous, il ressort que
l'âge moyen des personnes interrogées est de 52 ans. Cela
s'explique par le fait que seul les C M ont été
enquêtés. Le tableau révèle, par ailleurs que ce
sont des personnes du troisième âge. Certaines personnes vivent
ici depuis leur jeunesse. En effet, certains affirment être venus pour
les opportunités de la ville (à savoir l'emploi, les
études coraniques, le climat des affaires, la mendicité, les
possibilités d'assurer leur survie face à un milieu rural de plus
en plus hostile.). Ce sont d'anciens riches du commerce informel, des musiciens
de renommée à l'époque de la samaria ayant fait fortune
dans la ville et qui sont tombés en faillite. Par contre, d'autres n'ont
jamais eu cette fortune à laquelle elles rêvent.
36
Age C M
|
Nb.cit
|
Moins de 30
|
3
|
De 30 à 40
|
15
|
De 40 à 50
|
32
|
De 50 à 60
|
26
|
De 60 à 70
|
11
|
De 70 à 80
|
9
|
80 à plus
|
4
|
TOTAL OBS.
|
100
|
Tableau.1: Age chef de ménage (source notre
enquête).
Aujourd'hui, quelque soit l'ancienneté de leur statut,
ces personnes ont actuellement une caractéristique commune, à
savoir la précarité du logement. Cette précarité
est accentuée par une charge familiale assez importante. En effet,
celle-ci est élevée (8 personnes en moyenne par CM) pour des
personnes de cet âge surtout en ville où la solidarité de
la communauté, symbole de la culture africaine tend à
disparaitre. En outre, du fait qu'elles manquent de formation, leur chance
d'avoir accès à l'emploi reste limitée. Leur âge
avancé est aussi un frein car elles ne peuvent pas exécuter des
activités physiques secteur qui correspond mieux à leur profil.
Ces personnes sont de ce fait exclues du circuit financier de la ville et de
tout ce qu'elle offre comme confort. Néanmoins, certaines personnes
continuent à exercer des activités qui leur procurent des revenus
non négligeables pour subvenir aux besoins de leurs familles.
Personne en charge
|
Nb. Cité
|
Moins de 2
|
1
|
De 2 à 4
|
6
|
De 4 à 6
|
24
|
De 6 à 8
|
23
|
De 8, à 10
|
19
|
De 10 à 12
|
11
|
12 et plus
|
16
|
Total
|
100
|
Tableau.2: Personnes en charge par C M (source notre
enquête).
3.3. Une prédominance du secteur informel
Le secteur informel est le domaine par excellence où
évoluent les personnes interrogées (83%). Elles sont pour l'
essentiel des gardiens, des blanchisseurs, des marabouts, des charlatans, des
manoeuvres, des revendeurs ambulants ou fixes. Elles évoluent dans un
ensemble de petites activités qui n'assurent même pas la survie.
En effet, 79% des personnes interrogées affirment avoir un revenu
mensuel inferieur à 50 000f. Ce qui est sans doute très
insignifiant dans une ville comme Niamey où la vie coûte de plus
en plus chère. Ensuite (15%) de nos enquêtées
déclarent être sans activité, donc sans revenu. Cette
catégorie est formée de personnes âgées, de
commerçants en faillite, de veuves. Enfin, nous avons la
catégorie de ceux qui ont des revenus mensuels compris entre 50 000 et
100 000 FCFA ils représentent 6% de notre échantillon. Ils sont
tous des charlatans, des marabouts qui proposent leurs services aux citadins
moyennant une rémunération. Ce groupe constitue la classe
aisée des habitants occupant les cases. En effet, ils se particularisent
par des revenus financiers assez importants mais aussi par des réseaux
relationnels très développés. A côté de ces
aisés vient la catégorie des cultivateurs dont il est difficile
de quantifier les revenus. Ils sont pour l' essentiel situés en
périphérie de la ville et en profitent pour avoir un lopin de
terre afin de s'assurer une disponibilité
céréalière.
38
Conscients des faibles revenus que procurent leurs
activités principales, ces citadins développent d'autres
stratégies en particulier l'agriculture. A cela s'ajoute une forte
proportion de gardiens notamment aux quartiers Plateau, Bagdad (couramment
appelé Recasement), Dar es Salam, Cité Sonitel.
3.4. Un environnement de pauvretéDans cette
partie, nous allons décrire le cadre de vie des citadins de case,
c'est-à-dire
l'habitat en question, sa localisation, son équipement,
son degré de confort afin de faire ressortir les conditions
extrêmement difficiles dans lesquelles vivent ces citadins.
3.4.1. Un habitat précaire
Les cases représentent l'habitat dominant des personnes
enquêtées. Elles représentent 92% de notre
échantillon, le reste est constitué de hangars. Ce type d'habitat
se caractérise par leur précarité et le fait qu'il soit
très inflammable. En effet, les cases sont construites avec des murs en
secco, c'est à dire d'une natte épaisse constitué par des
touffes d'herbes entrelacés. Leurs diamètres varient de trois(3)
à (4) mètres comme on le voit sur la photo 2 ci dessous.
Photo 2. Habitat précaire au quartier Plateau (Source
notre enquête)
Le toit, conique, est constitué par une carcasse
recouverte de chaume et souvent de plastique noire pour pallier l'infiltration
des eaux de pluie. Les occupants des ces cases font face, durant toute
l'année, à des contraintes climatiques à cause de la
nature de leur habitat. Aussi, chaque saison vient avec ses contraintes
spécifiques. D'abord, pendant la
saison des pluies, ces citadins sont à la merci des
averses violentes. En effet, le caractère précaire de leur
habitat ne les protège pas contre les fortes précipitations. Ils
sont alors contraints de se retrouver avec les femmes, enfants et bagages dans
des camps ou sites de sinistrés. Ensuite, pendant la saison froide, ils
doivent aussi lutter contre le froid. Cela a d'énormes
conséquences notamment sur la santé des enfants qui sont des
personnes très vulnérables. De ce fait, ils sont souvent
obligés d'allumer le feu dans ces cases avec tout ce que cela comporte
comme risque d'incendie. Enfin, pendant la longue saison sèche, ces
citadins doivent lutter contre les contraintes de l' harmattan. Ces cases,
étant pour l'essentiel, situées à la
périphérie, elles cohabitent souvent avec de déchets qui,
une fois transportés par le vent, provoquent des maladies. Aussi, ce
vent engendre des incendies occasionnant souvent des morts d'homme et
d'énormes dégâts matériels. A ces contraintes,
s'ajoutent les difficultés quotidiennes de la vie, c'est-à-dire,
assurer et satisfaire les besoins alimentaires du ménage.
3.4.2. Un habitat largement situé à la
périphérie
Bien que notre étude n'ait pas concerné tous les
quartiers de la ville de Niamey, nous pouvons néanmoins tenter de
localiser ce type d'habitat à l'échelle de la ville de Niamey. De
manière générale, du fait des vagues de
déguerpissement ayant touché les occupants des cases et la
nouvelle dynamique urbaine; il n'existe pas à Niamey de quartiers
spécifiques de cases. Néanmoins, on les retrouve sur des grands
secteurs de la ville notamment au centre, squattant des voies publiques,
à côté des murs des écoles et sur des parcelles non
encore mises en valeur. Ceci, dans beaucoup de quartiers, y compris
résidentiels où ces cases contrastent souvent avec les immeubles
bien bâtis de la ville.
En outre, on retrouve les cases dans les
périphéries de la ville sur des parcelles non viabilisées
ou en instance de construction. La dynamique urbaine ayant réduit les
possibilités de squatter au centre, les citadins occupant les cases se
sont repliés sur les périphéries en suivant le tissu
urbain comme sur la figure 2.
40
Figure 2
: Carte de localisation des ménages
enquêtés
Selon le site, on les retrouve avec trois types de
clôtures qui révèlent d'importantes
Il s'agit:
informations sur les occupants de la
parcelle.
40
35
30
25
20
15
10
5
0
Secco
Dur
Absence de cloture
NB.Ct
Figure 3: Type de clôture des cases
(source notre enquête)
- des parcelles clôturées en dur.
Ce type de clôture représente 29 % de notre
échantillon. Il est fréquent au centre ville sur
des parcelles en instance de mise en valeur ou des parcelles gelées.
Dans ce cas, le plus souvent, l'occupant est un parent ou une connaissance du
propriétaire de la parcelle qui lui confie l'entretien de la parcelle en
attendant une éventuelle mise en valeur. Il arrive aussi que l'occupant
n'ait aucun lien avec le propriétaire. C'est notamment le cas où
le citadin est un squatter que le nouvel acquéreur de la parcelle trouve
sur place et recrute comme gardien pendant la construction du mur ou de la
maison.
- Des parcelles clôturées en secco, elles
représentent 34% de notre échantillon. Les clôtures en
secco sont souvent l'apanage des squatters qui, conscients de la
précarité de l'occupation, utilisent des seccos ou du bois pour
cacher l'intimité de leurs familles. On les retrouve dans les grandes
artères de la ville et à la périphérie. Elle est
aussi l'apanage d'une faible proportion de ménages propriétaires
de leurs parcelles mais qui n'ont pas les moyens de les mettre en valeur.
Enfin, on retrouve ce type de clôture pour les cas de
personnes qui occupent des parcelles d'un parent ou d'une connaissance.
~ Des parcelles sans clôture, elles représentent
37% de notre échantillon. Elle est l'apanage des squatters occupant les
rues, les devantures des édifices publics. A ce niveau, la
proximité de l'espace squatté et la précarité de
l'occupation ne permettent pas d'ériger une clôture comme on le
voit sur la photo 3. Ces espaces, occupés par les cases traduisent une
marginalisation spatiale. Car même les cases situées au centre
vivent dans des situations précaires. Les occupants sont surtout
exposés à des déguerpissements selon l'humeur des
autorités communales. En outre, leur localisation à la
périphérie est le symbole même de marginalisation spatiale.
En effet, cette localisation traduit les contraintes d'accès au logement
au centre ville. Au delà de leur localisation, analysons à
présent les équipements de ces habitats.
Photo 3. Habitat de case sans clôture (Source notre
enquête)
42
3.4.3. Des ménages sous équipés
3.4.3.1. Présence de l'adduction en eau et
fourniture en énergie électrique
L'eau fait quasiment défaut pour les citadins occupant
les cases. En effet, seule une faible proportion des ménages
enquêtés dispose de robinet dans leur cour. Pourtant, pour la
plupart ils sont situés sur des sites où le branchement de la
SEEN existe. Mais, leurs conditions financières ne permettent pas de se
relier au réseau d'adduction d'eau. Les occupants de cases qui en
disposent, sont ceux qui se trouvent surtout dans des parcelles
clôturées et qui d'ailleurs sont en début de mise en
valeur. La grande majorité qui en est dépourvue s'approvisionne
chez leurs voisins. D'autres sont contraints de parcourir de longues distances
pour se procurer cette ressource au niveau des bornes fontaines à des
coûts onéreux comparativement à leurs revenus.
S'agissant de l'électricité, outil
d'éclairage par excellence qui ne doit plus être
considéré comme un luxe, mais une nécessité, du
fait de ses multiples services. Elle est également un outil de
développement. Pourtant, à Niamey cette denrée n'est pas
accessible à de nombreux ménages en particulier les occupants des
cases. En effet, tous les CM interrogés affirment qu'ils ne disposent
pas de l'énergie électrique chez eux, y compris ceux vivant dans
les quartiers résidentiels, temples par excellence de
l'électrification urbaine. Ces citadins qui par contraintes
financières ne peuvent s'abonner à la NIGELEC ou avoir une
rétrocession auprès d'un particulier s'éclairent à
base de lampe tempête. De plus, leurs enfants scolarisés doivent
aussi apprendre leurs leçons dans ces conditions ou mettre à
profit les lampadaires des voies publiques avec tout ce que cela comporte comme
danger pour leur sécurité mais aussi d' incommodité du
cadre liée aux bruits des voitures , des moteurs et des engins .Cette
absence d'eau et d'électricité dans ces ménages
révèle les difficultés quotidiennes de la vie dans ces
ménages, le faible niveau de vie de ces citadins, leur
précarité urbaine et enfin l'exclusion économique.
3.4.3.2. Présence douche _W c dans les
parcelles
Il ressort de notre étude qu'une bonne partie des
ménages interrogés dispose de douche. Elle reflète
d'ailleurs le nombre de ménages dans la parcelle car chaque
ménage en possède une. Cependant, les douches demeurent
insuffisantes en raison du nombre de
personnes appelées à les utiliser. A cela
s'ajoute leur caractère très défectueux. En effet, ces
douches sont construites avec des matériaux de
récupération ou de secco dans un angle de la cour. L'état
des douches laisse à désirer car la surface n'est pas
cimentée et par conséquent l'eau s'infiltre dans le sous sol et
pollue la nappe phréatique. En outre, la hauteur de la douche atteint
rarement un mètre comme on le voit sur la photo 4, ce qui oblige ses
utilisateurs à se courber constamment pour cacher leur
intimité.
Photo 4: Espace aménagé servant de douche
(source notre enquête).
En ce qui concerne la présence des lieux d'aisance
notamment les W.C, seule une faible proportion (11%) dispose de cette
infrastructure. On le retrouve pour la plupart dans les ménages
où les occupants sont les propriétaires de leurs parcelles. On
les retrouve également dans les parcelles clôturées en dur
en instance d'être mise en valeur. Le nombre élevé de
citadins (89%) dépourvus de W C s'explique par les contraintes
financières, et la précarité de l'occupation du sol. En
effet, ces espaces sont le plus souvent squattés ou sont en instance de
mise en valeur. Par conséquent, ces occupants ne peuvent pas se
permettre de construire des W C car, disent ils, les propriétaires
l'interdisent strictement. Ces citadins, dépourvus de cette
infrastructure indispensable, doivent parcourir de longues distances pour
s'isoler afin de se soulager à la périphérie ou sur des
espaces propices notamment les dépotoirs de déchets
installés un peu partout dans la ville. Le paradoxe dans ce cas, c'est
que les citadins sont obligés de faire leurs besoins à la
tombée de la nuit, qui est un moment propice à cela, et ceci,
malgré les risques de maladies, d'insécurité ambiante et
de pollution de l'environnement. Ceux des quartiers résidentiels font le
plus souvent leurs besoins chez les voisins avec lesquels ils entretiennent de
bonnes relations.
44
Conclusion partielle
En définitive, il ressort que ce sont les contraintes
financières et les difficultés d'accès au logement qui
contraignent certains citadins à occuper les cases. Dans ce type
d'habitat ils subissent au quotidien des contraintes liées à la
nature de leur habitat, et de la vie quotidienne pour assurer leur survie. En
outre, même pour se soulager ils sont contraints de parcourir de longue
distance. Leur « vie » à Niamey est donc parsemée de
contraintes.
L'analyse de leur cadre de vie montre un environnement
insalubre où les équipements sont quasi absents. Aussi, il faut
ajouter l'exclusion sociale qui est la leur. En effet, ces citadins qu'ils
soient au centre ou à la périphérie ne
bénéficient d'aucun avantage lié à la ville. Ils
sont d'ailleurs des rejetés de la ville qui exercent des
activités subalternes nécessaires au fonctionnement de la ville.
Quelles sont les causes de l'instabilité résidentielle de
ménage occupant les cases ? Cette instabilité
résidentielle aboutie- t-elle à l'émergence d'une
catégorie résidentielle spécifique? Quels sont les
parcours résidentiels et matrimoniaux de ces citadins ? la
réponse à ses questions fera l' objet du prochain chapitre.
Chapitre IV : Une mobilité résidentielle
marquée
La mobilité est la redistribution des populations dans
l'espace. Elle permet de retracer le parcours résidentiel des citadins.
Ainsi, dans le cadre de cette étude nous analysons les différents
changements de logements des ménages occupant les cases. L'objectif
poursuivie est de retracer la trajectoire résidentielle des personnes
interrogées et ceci, dans le but de vérifier notre
deuxième hypothèse de recherche.
Pour y parvenir nous analyserons successivement la
mobilité intra urbaine de ces ménages à deux
échelles :
_ Premièrement, à l'échelle de la ville,
l'analyse va s'intéresser aux différents changements de quartier
qui impliquent des changements de résidence. C'est donc une
mobilité inter quartier. De ce fait, << la porte d'entrée
>> est le changement de quartier qui traduit aussi celui du logement.
_ Deuxièmement, à l'échelle du quartier.
A ce niveau, l'analyse intra urbaine se fera à l'intérieur du
quartier. Elle concerne les différents changements de logement à
l'intérieur d'un même quartier.
Cette démarche nous permet de mesurer le degré de
mobilité résidentielle à ces deux niveaux.
4.1. Une mobilité complexe
Il ressort de notre étude une mobilité
résidentielle assez complexe des personnes interrogées. Celle-ci
obéit à des logiques assez diverses. Mais, malgré cette
diversité, elle répond pour l' essentiel à 3 logiques :
_ Une mobilité centrifuge : du centre à la
périphérie ;
_ De la périphérie suivant le front urbain ;
_ Une mobilité centripète : de la
périphérie au centre.
4.1.1. Une mobilité centrifuge
On appelle mobilité centrifuge, le déplacement
des citadins du centre vers la périphérie. Ce type de
mobilité est très fréquent chez les personnes
interrogées. En effet, elle est pour l'essentiel l'apanage des
néo citadins qui à leur première arrivée en ville,
sont le plus souvent hébergés par des parents ou des
connaissances du village dans les quartiers centraux tels que Kalley, Maourey,
Lacouroussou, Terminus.
46
A partir de ces quartiers centraux, les citadins
s'intègrent peu à peu dans la ville par leurs activités.
Au fur et à mesure qu'ils arrivent à avoir une autonomie
économique, ces derniers quittent ce premier logement pour un autre. De
ce fait, ils prennent le plus souvent des logements dans les quartiers
péri-urbains. C'est la deuxième étape du parcours
résidentiel.
A partir de ce quartier péri urbain une double
situation peut intervenir dans la vie de ces néo citadins. En effet,
soit par des opérations de déguerpissement ou de mise en valeur
de l'espace occupé ; le citadin se retrouve à la
périphérie pour avoir de l'espace squatté. Ceci, soit par
incapacité financière, ils sont contraints de chercher des
espaces à squatter ou loger gratuitement. Dans de tels cas, ils
s'orientent vers la périphérie. Ce qui conduit à une
troisième étape dans le parcours résidentiel.
Mais, faut il aussi noter que cette mobilité centrifuge
peut être l'apanage des natifs de Niamey. En effet, leur cas se
particularise par une longue stabilité résidentielle dans les
quartiers centraux, puis quelques années de location dans la zone
péri urbaine, le squattage ou le logement gratuit à la
périphérie suite à une détérioration des
conditions de vie.
Encadré 1 : exemple de mobilité
résidentielle centrifuge à travers la trajectoire
résidentielle de monsieur I à l'intérieur de la ville de
Niamey.
Monsieur I (50ans) est né en 1962 à
Tchamé (Dosso). Il arriva à Niamey en 1973. Il se fait
héberger par des parents au quartier maison économique dans des
logements en banco. Il y résida pendant 7 ans tout en exerçant le
travail de garçon de maison. Il changea de logement suite à
l'accession d'emploi de gardien à la SNV. Il prend alors en location un
logement en dur au quartier Nouveau marché. Il quitte ce logement
après avoir perdu son travail et s'installa à Dan Gao où
il loue une maison en banco. Dans ce quartier il accède de nouveau
à un emploi de gardien au stade Général Seyni
Kountché. Il exerça ce travail pendant 3 ans avant de le perdre
ce qui le contraint à quitter Dan Gao pour Route Filingué
où il construit sa case. C'est dans ce quartier que nous l'avons
trouvé à notre passage.
Banco
Dur
Semi dur
Case
Zone péri urbaine
Zone péri urbaine
Centre ville
Périphérie
Nouveau marché
Maison économique
47
Figure 4: Exemple de mobilité résidentielle
centrifuge à travers la trajectoire résidentielle de monsieur I
à l'intérieur de la ville de Niamey.
4.1.2. Une mobilité partant de la
périphérie suivant le front urbain
On parle de mobilité suivant le front urbain quand le
parcours résidentiel suit
l'évolution du tissu urbain. Ce type de mobilité
est pour l' essentiel l'apanage des ruraux qui se fixent à la
périphérie de la ville. En ce qui concerne les personnes
interrogées, la première étape de cette mobilité se
situe autour des quartiers comme Dar es Salam, Route Filingué, Wadata,
Foulan Koira. A partir de ces quartiers, ils sont repoussés suite
à des déguerpissements ou par la dynamique urbaine. Ils se
retrouvent une fois de plus à la périphérie de sorte que
leur mobilité résidentielle est intimement liée à
l'évolution du tissu urbain.
48
4.1.3. Une mobilité centripète
Ce type de mobilité intervint dans le cas où les
citadins quittent la périphérie pour le centre. Elle est rare,
compte tenu des difficultés d'accès au logement au centre pour
les citadins. Néanmoins, certains y parviennent mais progressivement. En
effet, elle commence par une intégration partant de la
périphérie à la zone péri urbaine au centre. Comme
on le voit sur la figure 5 ci-dessous. Mais cette mobilité est le plus
souvent déterminée par des activités professionnelles ou
un changement de statut matrimonial pour les femmes. C'est le cas où le
citadin, par des activités professionnelles ou des relations sociales
arrivent à avoir un espace où il va construire sa case. Ce
citadin bénéficie des conditions de vie assez meilleures que
celles de la périphérie car profitant de la proximité des
voisins et certains équipements de la ville. Exemple de
mobilité résidentielle centripète à travers la
trajectoire résidentielle de monsieur Sani à l'intérieur
de la ville de Niamey.
Encadré 2. Exemple de mobilité
résidentielle centripète à travers la trajectoire
résidentielle de monsieur S à l'intérieur de la ville de
Niamey.
Monsieur Sani 45 ans né en 1966 à
Filingué. Il arriva en 1978 à Niamey. Il exerça le
métier d'apprenti-chauffeur et se fait héberger par des parents
au quartier Foulan koira. L'habitat était en case. Il y resta pendant 6
ans avant de quitter suite à un déguerpissement. Il s'installa au
quartier plateau dans un logement dur. A ce niveau il est logé
gratuitement par son patron. Il passa 5 ans au plateau avant de quitter pour
Lacouroussou. Dans ce quartier, il prend en location un logement en banco
où il passa 2 ans. Il se marie et prend un logement en banco en location
au quartier Boukoki. Là aussi, son séjour dura 2 ans. Il quitta
ce logement pour problème de loyer pour venir à Banga Bana
construire sa case. Il redevient loger gratuitement pendant 14 ans avant de
quitter à cause d'un problème de cohabitation et construit sa
case toujours dans le même quartier. C'est dans ce deuxième
logement que nous l'avons trouvé à notre passage.
Foulan Koira
Case
Périphérie
Dur
Zone péri urbaine
Lacouroussou
Banco
Centre ville
Plateau
Banga Bana
- Case - Case
Périphérie
49
Figure 5: Exemple de mobilité résidentielle
centripète à travers la trajectoire résidentielle de
monsieur S à l'intérieur de la ville de Niamey.
4.2. Mobilité ou stabilité
résidentielle
Il s'agit pour nous dans cette partie d'analyser la trajectoire
résidentielle des ménages
occupant les cases. Ceci, dans le but de voir s'il s'agit de
stabilité ou d'instabilité résidentielle. Pour y parvenir,
nous avons mis en relief les différents changements de quartier qui
impliquent celui du logement. La << porte d'entrée>> de
l'analyse est la durée de résidence. Cela nous parait très
pertinent, car c'est un bon indicateur qui permet de mesurer le degré de
stabilité ou d'instabilité résidentielle.
50
4.2.1. Mobilité inter quartier
Il ressort de notre étude une mobilité
résidentielle inter quartier fortement marquée
pour les personnes interrogées. En effet, la moyenne
est de trois (3) changements de quartier, dix (10) maximum contre un (1)
minimum. Ce qui traduit une certaine distribution dans l'espace. Dans le
travail qui va suivre, nous allons analyser les caractéristiques de ces
ménages dans chacun de ces quartiers, à savoir le parcours
résidentiel en mettant en relief la durée de résidence par
quartier et le parcours matrimonial.
25
20
15
10
Nb. cit.
5
De 2,00
De 4,00
De 6,00
De 8,00
De 10,00
12,00 et
à 4,00
à 6,00
à 8,00
à 10,00
à 12,00
plus
0
moins de 2 ans
Figure 6: Durée de résidence des citadins
à la première étape du parcours Résidentiel (source
notre enquête).
De la lecture de ce graphique, on remarque une relative
stabilité dans cette première étape du parcours
résidentiel. En effet, la durée moyenne de résidence est
de 10 ans. Cela traduit une certaine stabilité dans ce premier logement.
Mieux, 39% des personnes interrogées affirment avoir fait plus de 10 ans
dans leur première résidence ce qui est largement
supérieur à la moyenne générale. Cette
stabilité résidentielle s'explique par le nombre
élevé des natifs de Niamey dans notre échantillon. Ces
derniers ont grandi sous le toit familial ce qui implique une longue
durée de résidence avant de le quitter.
Aussi, cette proportion peut être mise en relation avec une
certaine autonomie financière qui permet aux citadins locataires de
durer dans ces logements.
Néanmoins, il faut noter un début
d'instabilité résidentielle dans ce premier logement. Car 40% des
personnes interrogées affirment avoir fait moins de 6 ans dans leur
premier quartier. Cette instabilité peut être liée au fait
qu'une bonne partie des néo citadins à leur première
arrivée en ville se font héberger gratuitement. Dès que
leur situation
économique le permet, ils quittent ce premier logement
pour un autre. Ainsi, les 5 à 6 années passées dans le
premier logement traduisent tout simplement les difficultés que les
néo citadins ont de plus en plus pour s'intégrer en ville.
60
4
35
1
Célibataire divorcé marié veuf(ves)
Figure 7: Situation matrimoniale à la
première étape du parcours résidentiel (Source
notre enquête).
S'agissant de la situation matrimoniale, le graphique
ci-dessus montre une large prédominance des citadins mariés (52%)
au premier logement. Cette situation s'explique par le fait que l'essentiel des
personnes qui ont quitté les villages à cause des
difficultés pour la ville sont déjà mariées. Mais,
en majorité, elles viennent seules avant d'être rejoints par leurs
épouses et enfants.
Cette proportion est suivie par celle des célibataires
(35%). Cela, peut être en relation avec le nombre relativement
élevé de natifs de Niamey dans notre échantillon mais
aussi de ces ruraux qui viennent en ville très jeunes à la
recherche d'un bien-être. Enfin, on note une faible proportion (4%) de
veuf (ves). Ce sont en général des personnes du 3ème
âge qui viennent en ville pour assurer leur survie le plus souvent dans
la mendicité.
30
25
20
15
Nb. cit.
10
5
De 2 à 4 ans
De 4 à 6 ans
De 6 à 8 ans
De 10 à 12 ans
0
moins de 2 ans
De 8 à 10 ans
12 ans à plus
52
Figure 8: Durée de résidence à
2ème étape du parcours résidentiel. (Source
notre enquête).
A travers ce graphique, il ressort un début
d'instabilité résidentielle assez marquée chez les
personnes interrogées. La durée moyenne de résidence au
cours de cette deuxième étape du parcours résidentiel est
de 8 ans. On note donc une baisse de la durée moyenne de
résidence par rapport à la première étape du
parcours. Mieux, 40% des enquêtées affirment avoir fait 6 ans dans
leur 2ème logement. Ceci, s'explique par une dégradation des
conditions de vie mais aussi les difficultés réelles de la vie
urbaine auxquelles ces citadins ont commencé à faire face.
Puisque pour l' essentiel, ils sont des
personnes logées gratuitement au départ et qui
ont quitté ce logement pour un autre oüils se mettent
à leur propre compte pour des raisons diverses. Cependant, en l'espace
de
quelques années, ils font face à la dure
réalité de la vie urbaine. En effet, les conditions
économiques font qu'ils sont obligés de changer ce logement pour
un autre moins cher ou échapper complètement au coût du
loyer.
Mais, il faut aussi noter qu'une forte proportion (17%) de
citadins interrogés affirme avoir fait plus de 12 ans dans leur
deuxième logement. Ce qui traduit, sans doute, une certaine
stabilité résidentielle. Cela peut s'expliquer par la
prospérité des activités économiques ou
professionnelles qui permettent aux citadins de durer aussi longtemps que
possible dans ces logements.
63
4
15
1
Célibataire divorcé marié veuf(ves)
Figure 9 : Situation matrimonial à la deuxième
étape du parcours résidentiel (Source notre
enquête).
Ce graphique traduit une baisse sensible de la proportion de
célibataires à cette étape du parcours. En effet, elle est
passée de 32% à 15%. Au même moment, on constate une
augmentation de la proportion des mariés qui passe de 54% à 63 %.
Ceci a un impact sur le changement de logement car pour les filles, le mariage
est synonyme du départ du logement familial pour celui conjugal. Il en
est de même pour certains hommes, car souvent ; ils attendent le mariage
pour quitter la famille et prendre un logement. Cela dénote, si besoin
en est, la place du changement matrimonial dans la mobilité
résidentielle des personnes.
18 16 14 12 10 8 6 4 2 0
|
|
|
|
|
|
|
Nb. cit.
|
Moins de De 2,00 De 4,00 De 6,00 De 8,00 De 10,00 12,00
et 2,00 à 4,00 à 6,00 à 8,00 à 10,00 à
12,00 plus
54
Figure 10 : Durée de résidence à la
3ème étape du parcours résidentiel.
(Source notre enquête).
A la 3ème étape du parcours résidentiel,
on note une instabilité résidentielle assez marquée des
personnes interrogées. Ainsi, la durée moyenne de
résidence est de quatre (4 ans). On remarque dès lors qu'elle est
en nette régression, et cela au fur et à mesure qu'on
s'éloigne de la première étape du parcours
résidentiel. Ce qui est confirmé par nos résultats qui
révèlent que seuls 14% des personnes interrogées à
cette étape du parcours affirment avoir fait plus de 10 ans dans leur
logement. Par contre, 27% affirment y avoir résidé pendant moins
de 4 ans, ce qui est sans doute le résultat des difficultés
d'accès au logement.
A cette étape du parcours résidentiel, on note
une prépondérance de personnes mariées (65 %). Par contre,
on note une baisse de la proportion des célibataires qui est
réduite à 10%. Cette baisse s'explique par le fait que plus le
citadin avance en âge, plus il a tendance à quitter le
célibat pour se marier, d' où une chute de la proportion des
célibataires. En outre, du fait de l'âge, on constate une
augmentation du nombre de veuf (ves) qui est passé à 6%.
30 25 20 15 10 5 0
|
|
|
|
|
|
|
Nb.cité
|
Moins de De 2,00 De 4,00 De 6,00 De 8,00 De 10,00 12,00
et 2,00 à 4,00 à 6,00 à 8,00 à 10,00 à
12,00 plus
Figure 11: Durée de résidence à la
4èmeétape étape du parcours
résidentiel. (Source notre enquête)
A la dernière étape du parcours
résidentiel, on constate une accentuation de l'instabilité
résidentielle. En effet, plus de la moitié des
enquêtées affirment avoir fait moins de deux (2) ans dans leurs
logements. Cela s'explique par une dégradation des conditions
économiques qui réduisent la stabilité
résidentielle car les citadins ne peuvent faire face au coût
élevé du loyer. En outre, les possibilités d'avoir un
espace à squatter sont réduites, car la municipalité
procède à des opérations de déguerpissement. Aussi,
la spéculation foncière influe sur la possibilité d'avoir
des parcelles vides où l'on peut construire sa case.
A cette étape du parcours résidentiel, on
constate une large prédominance des mariés. Cela s'explique par
le fait qu'à ce niveau les citadins étant d'un âge
avancé se retrouvent quasiment tous mariés. Ce qui se traduit par
une baisse drastique de la proportion des célibataires qui revient
à 7%. Aussi, il faut noter une légère augmentation de 5%
des polygames.
4.2.2. Mobilité intra-quartier
On appelle mobilité intra- quartier les
différents changements de logement effectués à
l'intérieur d'un même quartier. Il s'agit pour nous d'analyser ce
type de mobilité dans la ville de Niamey, mettre en évidence son
ampleur, les facteurs qui sous tendent ce choix ainsi que les espaces
concernés.
56
4.2.2.1. L'ampleur de la mobilité intra
urbaine
Encadré 3 : Exemple de mobilité intra
quartier à travers le parcours résidentiel de Monsieur F à
l'intérieur du quartier Wadata.
Monsieur Farouk 55 ans est né en 1956 Gossi
à Gao (Mali). Après 28 ans passé dans son village
où il était marié et cultivateur. Il emprunta le
chemin de l'exode à la suite de la sécheresse de 1984. C'est
ainsi qu'il arriva à Niamey dans le quartier Wadata où
il était logé dans une case chez des parents. Avec l'aide de
ces derniers, il trouva un travail de gardien à domicile. Après 6
ans, sans retour au pays il fait venir sa famille à Niamey et quitta le
logement de ses parents. Il construit alors sa case ailleurs sur une parcelle
mais toujours dans le même quartier. Après 5 ans dans ce logement
il est contraint de le quitter pour cause de mise en valeur de la parcelle sur
laquelle est bâtie sa case. Il cherche alors un autre endroit
à Wadata et construit sa case. Il était toujours
gardien. Dans ce nouveau logement, il passa 8 ans avant d'être
déguerpi par la municipalité. Ce qui le contraint à
chercher un autre endroit pour s'installer. Cette fois c'est à
Wadata qu'il construit sa case sur une place publique. C'est là
où il vivait à notre passage. Il est dans ses 8 années
et il est toujours gardien.
Quartier Type d'habitat Statut
d'occupation
Hébergé
Wadata
Case
Wadata
Case
Loger gratuitement
Wadata
Case
Squatter
Wadata
Case
Squatter
Figure 12 : Exemple de mobilité intra urbaine à
travers le parcours résidentiel de Monsieur F à
l'intérieur du quartier Wadata.
A travers notre étude il ressort que beaucoup de
citadins changent de logement tout en restant dans le même quartier.
Ainsi, nos investigations révèlent que le maximum de changements
de logement à l'intérieur d'un quartier est de 4. Ce chiffre
prouve le degré de mobilité intra-quartier des ménages.
Mais, s'il s'agit de comparer, la mobilité inter quartier est plus
importante que celle intra-quartier. Cela est visible à travers
l'étalement urbain sans précédent que connaît la
ville qui est sans doute la conséquence d'une forte mobilité
intra-urbaine des ménages.
58
4.2.2.2. Les causes de la mobilité intra
quartier
Les causes de la mobilité intra quartier des
ménages de Niamey sont variées .Elles sont le résultat de
la combinaison d'un certain nombre de facteurs à savoir : le
déguerpissement, la mise en valeur ou la vente de parcelles,
l'incapacité de payer le loyer, le problème de cohabitation.
Ainsi, il arrive qu'un citadin en location ne soit pas satisfait de son
logement pour son confort, à cause des problèmes de cohabitation
fréquents dans les maisons en location, décide de changer de
logement tout en restant dans le quartier. La volonté de ne pas changer
de logement traduit un fort attachement à l'espace vécu notamment
à cause des connaissances tissées dans le quartier, de la
proximité avec le lieu de travail et les enfants qui sont inscrits dans
l'école du quartier. Ensuite, la mise en valeur ou la vente de parcelle
intervient aussi dans la mobilité intra quartier des ménages.
C'est le cas, lorsque des citadins, notamment les plus démunis qui
squattent ou qui vivent gratuitement sur une parcelle voient celle-ci vendue ou
mise en valeur. Ils sont alors contraints de chercher un autre espace pour y
habiter. Dans de tels cas, ils cherchent toujours à construire leurs
cases dans le quartier afin de pouvoir profiter des largesses de certains
voisins notamment pour l'apprivoisement en eau et l' utilisation des lieux d'
aisance.
4.2.2.3. La périphérie zone de
prédilection de la mobilité intra quartier
La mobilité intra quartier des ménages est un
phénomène qui ne peut être spécifique à une
partie de la ville. Elle se pratique au centre, dans la zone péri
urbaine et à la périphérie de la ville. Mais on constate
néanmoins qu'elle est plus importante dans la périphérie
que dans les autres parties de la ville. Cela s'explique par le fait que les
personnes interrogées sont en majorité des démunies plus
enclins à vivre dans cette partie de la ville où il est facile
d'avoir un espace à habiter. Une fois celui-ci mis en valeur elles
cherchent un autre dans le même quartier.
4.3. Les causes de l'instabilité
résidentielle
Dans cette partie nous allons analyser les facteurs à
l'origine de la mobilité des personnes occupant les cases. Ainsi,
à travers les résultats, il ressort que les causes de
l'instabilité sont diverses et variées. Il s'agit:
- du changement matrimonial ;
- de la municipalité ;
- de la spéculation foncière et la dynamique
urbaine ;
- des activités professionnelles.
4.3.1. Le changement de statut matrimonial
On parle du changement de statut matrimonial quand une
personne passe d'un statut de célibataire à celui de marier, de
polygame, de veuf (ves) ou de divorcé. Ces différents changements
matrimoniaux ont un impact sur la mobilité des personnes. En effet, en
cas de mariage, la fille quitte le logement familial pour celui conjugal. Il en
est de même pour certains hommes qui attendent d'être mariés
pour quitter le logement familial. Ce qui se traduit par un changement de
logement. Le mariage est donc le moteur principal du changement de logement
à la première étape du parcours résidentiel. Mais
à partir de la 2ème étape, ce sont surtout le remariage,
le divorce et le décès qui jouent sur la mobilité des
personnes. Ainsi, suite au passage d'une situation de monogamie à celui
de polygamie, les citadins ont tendance à changer de logement pour un
autre ce qui correspond à la nouvelle vie. Aussi, le divorce implique
obligatoirement un changement de logement pour l'homme ou la femme. S'agissant
des décès, il faut noter qu'il joue un rôle non
négligeable dans la mobilité des personnes. Comme l'attestent les
nombreuses veuves rencontrées dans le quartier Gaweye du 5ème
arrondissement qui affirment avoir rejoint le site suite aux
décès du conjoint pour échapper au coût de la
location.
4.3.2. La municipalité
La municipalité est une institution chargée de
la gouvernance locale. Elle permet aux citoyens d'être proches de leur
administration. Elle est chargée de la gestion administrative,
foncière et de l'aménagement de son entité politique.
A Niamey, cette institution dans l'exercice de ses fonctions
joue un rôle fondamental dans la mobilité des personnes occupant
les cases. En effet, pour des raisons diverses la municipalité
procède à des opérations de déguerpissement qui est
l'acte par lequel l'autorité somme des personnes de quitter un espace
qu'ils occupent. L'espace ainsi libéré sert souvent à
construire des édifices publics comme les marchés (marché
Bonkaney et rive droite) ou tout récemment de la route reliant le second
pont ou pour un souci d'aménagement de l'espace. Ce type
d'opération, les citadins occupant les cases le connaissent très
bien, en particulier ceux du quartier Foulan koira qui a été
60
déguerpis sept (7) fois et se trouve à son
8ème site actuellement. Les citadins qui squattent les espaces publics
ou des réserves foncières notamment la ceinture verte font
fréquemment l'objet de déguerpissement. C'est dans le but de
reprendre ces espaces que la municipalité procède à des
déguerpissements. Comme on peut le voir sur les photos 5 et 6. C'est
d'ailleurs ce qui explique en partie pourquoi à Niamey il n'y a pas de
taudis comme on le constate dans certaines capitales africaines.
Mais faut -il noter aussi que même si les objectifs
assignés aux déguerpissements sont salutaires ; dans la pratique
ces opérations se déroulent de façon brutale. En effet,
elles consistent à donner un délai à des populations
démunies et sans ressources à quitter leurs lieux d'habitation
sans pour autant leur aménager un site d'accueil. C'est le cas du
déguerpissement de 2009 à Niamey au cours duquel plusieurs chefs
de familles ont assisté à la destruction de leurs logements en
présence du gouverneur de la région de Niamey de l'époque.
La cruauté de l'opération se ressent par les scènes
rapportées dans la presse. En effet, on rapporte qu'au moment de
l'opération la case d'une femme en travail ne fut pas
épargnée. Elle était obligée de sortir de celle-ci
pour accoucher dehors dans un espace aménagé pour la
circonstance.
De telles anecdotes, qui dénotent de la cruauté de
ce déguerpissement les anciens habitants du quartier `'GOLF» en ont
le secret.
Devant le tôlée soulevé par
l'opération, la société civile s'est saisie de l'affaire.
C'est ainsi que suite à des négociations, des parcelles ont
été vendues à ces déguerpis à des prix
abordables avec des facilités de payement sur les sites de Kalley
Plateaux I et II.
Photo 5:Habitat de case au quartier Gaweye Photo 6: Le
même site après déguerpissement en mainovembre
2011. (Source notre enquête) 2012. (Source notre enquête)
4.3.3. La spéculation foncière
La spéculation foncière a aussi un impact
évident sur l'instabilité résidentielle des
citadins occupant les cases. Puisque, au fur et à
mesure que le foncier connaisse une valorisation et une spéculation, les
propriétaires terriens, les particuliers et la municipalité ont
tendance à produire et à vendre des parcelles. La
conséquence indirecte est la réduction des espaces sur lesquels
certains citadins construisent leurs cases. En outre, la mise en valeur des
parcelles (comme sur la photo 7) agit sur la mobilité des citadins du
fait que ceux qui occupent les parcelles les quittent dès que celles-ci
sont mises en valeur.
Photo 7 : Ménage menacé de changement de
logement du fait de la mise en valeur de la parcelle. (Source notre
enquête).
4.3.4. Les activités professionnelles
L'activité professionnelle influe aussi sur la
mobilité. En effet, c'est le cas des citadins
qui changent de logement pour se rapprocher de leurs lieux de
travail afin d'échapper aux coûts de transport. Il arrive aussi
qu'ils changent de logement suite à l'accession à un emploi comme
le gardiennage où il bénéficie de logement annexe pour
gardien. Dans ce cas, le déménagement est systématique
dès la fin du contrat.
4.4. L'émergence d'une catégorie
résidentielle spécifique
Il s'agit pour nous de faire ressortir dans cette partie des
éléments d'appréciation
permettant de conclure sur l'émergence d'une
catégorie résidentielle spécifique au sein de notre
population cible. Pour y parvenir, nous avons choisi deux <<portes
d'entrée>> à savoir le type d'habitat des citadins et les
raisons du déménagement. Au cours de l'analyse, nous allons
mettre donc l'accent sur le type d'habitat de ces citadins tout au
62
long de leurs parcours résidentiels, mettre ces types
d'habitat en relation avec les raisons du déménagement de ces
différents logements.
4.4.1. Un habitat majoritairement précaire
Encadré 4: exemple de catégorie
résidentielle spécifique à travers la trajectoire
résidentielle de monsieur A dans la ville de Niamey.
Monsieur A est né en 1966 à Marafa koira
(Ouallam). Après 14 ans passé au village où il
était cultivateur ; il prend le chemin de l'exode en 1980 et vient
à Niamey. Il s'installa alors chez des parents au quartier
Poudrière dans une case. Il trouva un travail d'employé de maison
qu'il exerça jusqu' au début de l'installation de la saison
hivernale où il rentra au village. Après les travaux
champêtres, il revenait à Niamey au quartier Poudrière
toujours dans les cases. Après 4 ans d'aller-retour entre son village et
Niamey pendant lesquels il passa la saison sèche de chaque année
en ville (toujours au quartier Poudrière chez les mêmes parents)
et l'hivernage au village. Il se fixa définitivement à Niamey la
4ème année après avoir décroché un travail
de gardien au quartier Poudrière. Il quitta alors ses parents du
quartier et construit sa propre case dans le même quartier. Il passa 4
ans dans ce logement exerçant le même travail avant de quitter
pour Talladjé où il construit sa case. Là aussi, il passa
4 ans avant d'être victime de déguerpissement. Il construisit
alors sa case au quartier Aéroport où il vient d'être
recruté comme gardien sur un chantier. Il passa 2 ans dans ce quartier
avant de quitter à la fin du chantier. Il quitta alors pour le
quartier Saga o? il venait de décrocher un travail de gardien. Là
aussi, il se fixa dans une case et passa 3 ans avant de quitter le quartier
pour Talladjé. Car il venait d'accéder à un travail de
gardien mieux rémunéré que le précédent. Il
se fixa de nouveau à Talladjé, construisit sa case dans le
même quartier. A la date de notre passage il était dans ses 8
années dans le même logement.
QUARTIER TYPE D'HABITAT STATUT D'OCCUAPATION
Poudrière
Case
Hébergé
Poudrière
Case
Loger gratuitement
Talladjé
Case
Squatter
Squatter
Talladjé
Case
Saga
Case
Squatter
Aéroport
Case
Squatter
64
Figure 13. Exemple de catégorie résidentielle
spécifique à travers le type d'habitat.
Ce tableau 3 est un résumé des différents
types d'habitat des personnes interrogées tout au long des 4
étapes de leurs parcours résidentiels. Ainsi, à travers ce
tableau on peut avoir une idée sur les types d'habitat dans lesquels le
citadin a logé. Cette démarche permet de conclure ou non sur
l'existence d'une catégorie résidentielle spécifique.
Type d'habitat
|
1 ère étape
|
2ème étape
|
3ème étape
|
4ème étape
|
Case
|
63%
|
61%
|
57%
|
46%
|
Dur
|
13%
|
10%
|
9%
|
8%
|
Hangar
|
3%
|
1%
|
2%
|
1%
|
Banco
|
21%
|
14%
|
13%
|
10%
|
Total
|
100%
|
88%
|
81%
|
65%
|
Tableau 3: Type d'habitat aux différentes
étapes du parcours résidentiel (notre
enquête)
Ainsi, à la lecture de ce tableau, il ressort
qu'à la première étape du parcours l'habitat dominant est
constitué de cases (63%). Cela montre que ces citadins dès leur
arrivée en ville sont des populations démunies aux conditions
économiques très précaires. De ce fait, ils se contentent
des cases qui correspondent mieux à leur situation économique.
Aussi, faut il souligner que certains citadins se sont vus imposé les
cases car à leur arrivée en ville, ils ont trouvé des
parents ou des connaissances du village ; en un mot leur potentiels tuteurs
vivre dans ce type d'habitat.
Néanmoins, on constate au cours de cette étape
du parcours que (21%) des enquêtés vivaient dans des logements en
banco. Cela s'explique d'une part par le poids de ce type d'habitat dans le
parc immobilier de Niamey à l'époque et par les conditions
économiques relativement précaires d'autre part.
Ce tableau révèle que plus de la moitié
des personnes interrogées vivaient dans des cases. Il montre par
ailleurs, une baisse sensible de la proportion des citadins vivant dans les
bancos (14%) au profit de ceux vivant dans les cases. Cela s'explique par
une
détérioration des conditions de vie mais aussi
la dynamique urbaine qui se traduit par des constructions en dur, ce qui
contraint les citadins qui ne peuvent pas louer des logements en dur à
se retrouver dans les cases.
La troisième étape du parcours
révèle la persistance de l'hégémonie de l'habitat
en case. Elle concerne (28%) des personnes interrogées. Cette
fréquence traduit tout simplement l'existence d'une catégorie de
citadins ayant des difficultés pour accéder à un logement
décent en milieu urbain. Ils se retrouvent alors dans les cases qui
correspondent à leurs situations financières. C' est pourquoi on
constate une large prédominance des cases aux différentes
étapes du parcours résidentiel. Ainsi, on peut conclure à
l'émergence d'une catégorie résidentielle
spécifique vivant dans les cases. Comme l'attestent les propos de ce
vieux<< mon fils, depuis que je suis à Niamey tous les
logements que j'ai habités sont des cases>>.
4.4.2. Les raisons de changement de logement
A travers notre étude, il ressort une diversité
de raisons pour lesquelles les citadins changent de logement. Tout de
même, on remarque la persistance de deux: la mise en valeur de parcelle
et le déguerpissement. Ces facteurs représentent respectivement
20% et 18% des raisons évoquées par les personnes
interrogées pour justifier leur changement de logement à la
première étape du parcours résidentiel. A première
vue, cela dénote de la dynamique urbaine à travers les nouvelles
constructions mais aussi un souci réel d'aménagement urbain
à travers les opérations de déguerpissement.
A la deuxième étape du parcours
résidentiel, il ressort une fois de plus que c'est la mise en valeur des
parcelles et des déguerpissements qui sont à l' origine des
changements de logement avec respectivement 18% et 15%. Cela traduit la
précarité financière et d'occupation du sol par une frange
de citadins dont le statut d'occupation varie du squatter au logement
gratuit.
A la troisième étape du parcours
résidentiel, on remarque la persistance du déguerpissement et de
la mise en valeur des parcelles comme principales raisons de changement de
logement. Cette persistance révèle, par ailleurs, l'existence
d'une catégorie de citadins qui ne changent de logement qu'à
cause des déguerpissements et la mise en valeur des parcelles. C'est en
effet, ce qui prouve que ce sont des populations démunies et dont la
précarité résidentielle à Niamey aboutit à
l'émergence d'une catégorie résidentielle
spécifique.
66
Conclusion partielle
En définitive, il ressort une forte instabilité
résidentielle des personnes interrogées. Cette instabilité
se traduit par une mobilité intra- urbaine des ménages à
deux échelles. D'une part, des changements de logement qui impliquent le
changement de quartier et d'autre part, des changements de logement à
l'intérieur d'un même quartier.
L'analyse des parcours résidentiels à travers le
type d'habitat et les raisons de changement de logement permettent de conclure
à l'émergence à Niamey d'une catégorie
résidentielle spécifique. Cette catégorie vit tout au long
de son parcours résidentiel dans des habitats précaires et dont
le changement de logements est motivé pour l'essentiel par les
déguerpissements, la mise en valeur ou la vente de parcelle.
Chapitre V : Une large consécration
résidentielle des enfants des citadins occupant les cases
L'objectif de ce chapitre est de voir s'il y a une
reproduction sociale de la précarité en milieu urbain. Pour y
parvenir, nous allons analyser l'évolution résidentielle des
enfants des citadins occupant les cases. Il s'agit donc de mettre en relief la
courbe résidentielle de ces enfants afin de voir si celle ci est
descendante, stationnaire ou ascendante. Ensuite, il s'agit de faire ressortir
les facteurs qui expliquent l'état de la courbe. Enfin, il sera question
de dégager des perspectives en matière de résidence pour
ces citadins. A ce niveau, nous privilégions l'analyse des relations
qu'entretiennent ces citadins avec les villages de leurs parents, ceci, dans le
but d'avoir des éléments d'appréciation quant à
leur probable retour au village ou une éventuelle fixation en ville. A
ce niveau aussi, nous ferons ressortir les éléments qui sous
tendent de tels choix.
5.1. Une consécration résidentielle
marquée
5.1.1. Une large autonomie résidentielle des
enfants
Il ressort de notre étude une faible dépendance
résidentielle des enfants des citadins occupant les cases. En effet,
seuls 47% des C M interrogés affirment résider avec leurs enfants
majeurs. La moyenne de charge par C M est de deux enfants. Cette proportion qui
est relativement élevée s'explique par le poids des jeunes
filles. En effet, ces dernières sont naturellement condamnées
à rester dans le logement familial aussi longtemps que cela puisse durer
en attendant un hypothétique mari. Ce qui n'est pas le cas des
garçons qui peuvent quitter le domicile des parents sans contrainte
sociale. La dépendance résidentielle vis-à-vis des parents
touche donc plus les filles que les garçons. Néanmoins, on
retrouve des jeunes garçons au chômage donc sans ressource qui
dépendent des parents en matière de logement. Aussi, il n'est pas
difficile de voir un jeune marié vivre avec sa femme dans une case
construite sur la même parcelle que celle de ses parents. II s'agit
là d'une certaine reproduction de la précarité
résidentielle en milieu urbain.
68
5.1.2. L'ampleur de la consécration
résidentielle
Selon le dictionnaire Larousse, la consécration est
l'évolution du statut social d'une
personne physique ou morale. La consécration
résidentielle traduit donc l'accession d'une personne à un
logement plus confortable que le précédent.
L'analyse de la courbe résidentielle des enfants
majeurs des citadins occupant les cases révèle leur large
consécration. En effet, 89% des personnes interrogées affirment
connaître des enfants (souvent leurs propres enfants ou des enfants des
voisins) ayant quitté les cases pour un autre logement. Une telle
proportion traduit tout simplement une large consécration
résidentielle de ces enfants, en termes clairs. Ainsi, 53% des enfants
ayant quittés les cases se retrouvent dans des logements en banco contre
43% pour les durs. Ce qui est sans doute une réelle prouesse du fait qu'
elle constitue un parfait exemple de mobilité sociale ascendante.
5.2. Les facteurs de la consécration
résidentielle
Il s'agit pour nous, de faire ressortir dans cette partie les
facteurs qui sont à l'origine de
la consécration résidentielle des enfants des
citadins des cases. Ce sont entre autres, le mariage, l'école, le
commerce informel, les activités professionnelles, et les associations
ou organisations de bienfaisance.
5.2.1. Le changement matrimonial
Le changement matrimonial, notamment le mariage est le principal
facteur à l' origine
de la consécration résidentielle. Elle concerne
surtout les filles qui, en cas de mariage, quittent le logement familial pour
celui du mari. Or, les résultats de nos investigations
révèlent qu'en majorité le logement d'accueil est en banco
ou en dur. On dénote alors une évolution ascendante de la courbe
résidentielle suite au passage de l'habitat en case pour le banco ou le
dur. Cependant, le fait le plus important qu'il faut souligner est que
même si les filles restent aussi longtemps au domicile familial avant le
mariage, leur situation résidentielle change le plus souvent dès
qu'elles se marient. Donc, les filles ont plus de facilité pour
accéder à un logement décent que les hommes.
5.2.2. Commerce et activités professionnelles
En effet, ce sont les premières portes de sortie pour les
enfants des citadins occupant les
cases. Ces activités varient du commerce informel en
passant par l'exercice d'emplois divers tels que la mécanique et le
gardiennage. Elles représentent 36% de la consécration
résidentielle. Ainsi, les enfants issus des habitats de case bien que
provenant des milieux défavorisés arrivent à
travers ces activités à accéder à un logement en
dur ou en banco. Le statut d'occupation varie de la location à la
propriété.
5.2.3. L'école facteur d'ascension sociale
Encadré 5 : exemple d'ascension sociale par
l'école à travers le parcours de monsieur B
Monsieur Boubacar est né en 1978 à Niamey au
quartier Foulan Koira (ancien site sis à l'emplacement actuel du stade
Général Seyni kountché). Il vivait alors avec ses parents
dans des paillottes dans ce quartier. A l'âge de 7 ans il est inscrit au
C I à école Foulan koira ou il passa 2 ans ; donc jusqu' au CP.
En 1986 suite au déguerpissement du quartier Foulan Koira pour la
construction du stade Général Seyni Kountché ; il se
retrouva avec sa famille à Foulan koira Tégui. Il continua son
cursus scolaire jusqu' à l'obtention de CFEPD. Il fut alors
orienté au C E G lazaret et obtint son BEPC en 1997. Il se retrouva au
Lycée Kassey de Niamey ou il obtint le baccalauréat, série
A4 en 2000. Il s'inscrivit à l'université ABDOU MOUMOUNI en 2001.
Il s'installa à partir de ce moment au campus universitaire durant
l'année académique et pendant les vacances dans les paillottes
à Koira Tégui Foulan koira. En 2005, il quitta
l'université avec une maitrise en anglais. Il est affecté la
même année au CES/RD en tant qu'enseignent contractuel. Il prit un
logement en dur en location au quartier Banga Bana au 5eme Arrondissement. Il
passa 2 ans dans ce logement avant de le quitter pour un autre en dur dans le
même quartier. Après 8 mois, il quitta ce logement pour un autre
en dur et se maria. A la date de notre passage, il continue à vivre dans
ce logement avec sa femme et sa fille bien que depuis avril 2012 ; il est
recruté à la fonction publique.
Dans une société où les chances
d'ascension sociale sont réduites l'école apparait comme la seule
alternative dans la distribution des places dans la société. Elle
est un facteur essentiel de développement d'une société.
C'est aussi un outil silencieux de promotion sociale et d'égalité
des chances. Conscients de ce fait, les citadins des cases choisissent
d'inscrire leur progéniture à l'école pour qu'ils
profitent des chances que celle ci offre. Ainsi, certains arrivent à
tirer les bienfaits de l'école car 6% des consécrations
résidentielles dans ce milieu sont imputables à elle. C'est
à dire que ce sont des enfants, qui grâce à la
scolarisation, accèdent un emploi qui leur permet d'avoir un logement
décent.
70
Aujourd'hui, en dépit de la prise de conscience de ces
parents sans ressources des bienfaits de l'école, il faut souligner la
réduction progressive de cette porte de sortie. En effet, depuis les
années 1990, au Niger, le diplôme ne rime plus avec emploi. Cette
situation est la résultante de la politique d'ajustement structurelle
(PAS) qui a eu pour conséquence la réduction de la
capacité de création d'emplois de l'Etat qui est le principal
moteur dans ce domaine face à un secteur privé quasi
inexistant.
A cela, il faut ajouter les difficultés auxquelles fait
face le secteur de l'éducation depuis les années 1990. Cette
situation se traduit par une baisse des fonds alloués par l'Etat au
secteur de l'éducation, des grèves répétitives des
enseignants et des scolaires. Ce qui a pour conséquences la
privatisation progressive des écoles publiques, leur dé
crédibilisation au profit des écoles privées. Tout ceci,
conduit à l'accentuation des difficultés que les enfants des plus
démunies ont pour accéder à une formation de
qualité et à leur exclusion du système éducatif. A
cela s'ajoute, le caractère très sélectif du
système éducatif nigérien qui conduit à l'exclusion
précoce de certains enfants.
5.3. Perspectives en matière d'habitat
Dans cette partie, nous allons dégager quelques
perspectives pour une éventuelle fixation ou un retour au village des
enfants des citadins des cases. Pour y parvenir, nous allons surtout mettre en
exergue les relations qu'entretiennent ces enfants avec les villages d'origine
de leurs parents. Ainsi, il ressort de notre étude que les 3/4 des
personnes interrogées ont l'intention de se fixer à Niamey,
contre 1/4 qui souhaite rentrer. De ce fait, dans la majorité des cas
l'errance résidentielle se termine par une fixation en ville.
5.3.1. Les raisons d'un projet de retour au village
D' après les résultats de notre étude les
raisons évoquées par ces citadins pour retourner au village sont
essentiellement dominées par les travaux champêtres. Il s'agit en
réalité d'un retour saisonnier et cyclique des enfants ou
accompagnés de leurs parents pour aider la famille restée au
village. Ce type de déplacements temporaires aboutit rarement à
une fixation définitive. Car les enfants qui le pratiquent sont le plus
souvent des scolaires qui partent pour leurs vacances en fin d'année ou
des revendeurs qui sursoient provisoirement à leurs activités. Ce
retour provisoire a une portée sociale et économique. En effet,
Il s'agit de maintenir ou de mettre en contact ces enfants (qui
sont nés en ville ou qui ont quitté le village
très jeune) avec le village en même temps les utiliser comme main
d'oeuvre agricole.
A ces installations provisoires s'ajoutent d'autres à
caractère définitif. C'est le cas des jeunes filles qui vivent
à Niamey et se marient à une personne du village. Dans ce cas,
elles sont contraintes de s'installer au village avec leurs époux. Mais,
il faut noter que ce type de mariage est de plus en plus rare. Il concerne
surtout des personnes d'une même famille. Mais on remarque de plus en
plus que les ruraux renvoient leurs filles de 15 ans à 17 ans au village
afin d'accroître leurs chances de se marier sur place.
Aussi, le cas le plus illustratif de retour définitif
semble être celui des personnes qui en l'absence de toute alternative
face à la précarité de la ville décident « de
plier bagages » avec femmes et enfants pour rentrer au village. Ceci, est
le dernier recours pour bon nombre de chefs de famille ayant
épuisé toutes les solutions locales à leurs
difficultés quotidiennes. Ainsi, il n'est pas rare d'entendre des chefs
de famille parler en ces termes « C'est le manque de frais de
transport qui me retient à Niamey ». Ces propos traduisent
tout simplement le désarroi, la précarité
financière et la volonté de rentrer au village de ces chefs de
famille. Ces personnes sont, en général, des anciens
commerçants, revendeurs, fonctionnaires, en un mot des personnes en
déchéance sociale.
5.3.2. Les raisons évoquées pour se fixer
à Niamey
De la lecture du tableau 4, il ressort une multitude de raisons
qui expliquent le choix des citadins quant à leur volonté de se
fixer définitivement à Niamey.
72
Raisons ne pas retourner
|
Nb.cit
|
Rupture de contact avec le village
|
18
|
Mariage en ville
|
9
|
Scolariser en ville
|
15
|
A cause de leur activité en ville
|
11
|
Difficulté du village
|
18
|
Dépendance parent
|
12
|
Ne connaissant même pas le village
|
17
|
TOTAL
|
100
|
Tableau 4: Les raisons évoquées pour se fixer
à Niamey (source notre enquête)
Ainsi, bon nombre (18%) optent pour ce choix car nés ou
grandis à Niamey. En plus, ils n'ont même pas de contacts avec
leurs villages souvent. D' où un fort désir de continuer à
vivre dans cette ville où ils mènent leur activité. Aussi,
il faut ajouter que c'est surtout les difficultés (en matière
d'alimentation, d'emploi, d'opportunité économique) de la vie au
village qui font que les gens (18%) sont réticents à se fixer.
Ainsi, il préfère vivre en ville malgré leur
précarité que de rentrer au village. Car selon eux, la ville
offre beaucoup d' avantages et d' opportunités comme l' illustre le
propos d' un vieux qui l' explique en ces mots « A Niamey si tu as
100f tu peux acheter du gari et manger, alors qu'au village avec ton argent tu
peux manquer de quoi manger ». Ces propos traduisent tout simplement
une réelle prise de conscience de ces citadins quant aux
bénéfices qu'on peut tirer de la vie en ville.
L'autre aspect qui influe sur la fixation des jeunes à
Niamey est naturellement l'école. Elle est la raison
évoquée par (15%) des personnes interrogées pour justifier
leur choix de se fixer en ville. En effet, les parents disent avoir plus
confiance à l'enseignement en milieu urbain malgré les
dérapages qu'à celui des villages ; alors que certains villages
n'ont pas de collège ou de lycée pour accueillir ces enfants.
5.3.3. Perspectives sur l'habitat précaire à
Niamey
On retient sur la base des analyses que les 3/4 des enfants
des personnes interrogées préfèrent se fixer
définitivement à Niamey contre 1/4 qui compte retourner au
village. A partir de ce constat, on peut dégager des perspectives sur
l'habitat précaire à Niamey. Ce qui nous amène à
dire que l'installation définitive de ces personnes aura des
conséquences multiples pour la ville. En effet, tant qu'il existe des
foyers de pauvreté à Niamey, tant que la crise du monde rural
persiste; les ruraux n'auront aucun choix que de rejoindre leurs parents en
ville à travers les réseaux relationnels. Ce qui contribue
à grossir les foyers de pauvreté, accentuer la crise de logement
et le recours à l'habitat précaire.
La solution pour réduire l'habitat précaire
passe donc par la recherche d'alternatives crédibles aux
problèmes du monde rural. Elle doit être envisagée en amont
c'est à dire au niveau des villages. L'objectif est de fixer ces ruraux
dans leurs terroirs en leur proposant d'autres alternatives crédibles
qui les dissuadent de quitter.
En ville, la solution passe par une politique courageuse et
réelle de logement. Celle-ci doit viser les plus pauvres, de sorte que
même les plus démunies n'auront pas besoin de recourir à
l'habitat précaire. Cette solution doit être
précédée par une bonne politique d'emplois et d'insertion
des jeunes pour permettre à chaque citadin d'avoir des revenus
substantiels. Enfin, il faut une bonne maitrise de l'anarchie qui
caractérise la question foncière.
Il est vrai que les déguerpissements et la
spéculation foncière réduisent du jour au jour le nombre
de cases à Niamey et la marge de manoeuvre des squatters. Mais, c'est
pour autant qu'ils mettront fin à la prolifération des cases.
Elles ont plutôt tendance à apporter des solutions provisoires au
problème. Car après une opération de
déguerpissement ; les déguerpis sont le plus souvent
recasés sur un autre site en attendant d'être rattrapées
par le front urbain. Néanmoins, il faut reconnaitre au
déguerpissement une certaine efficacité car du fait de sa
fréquence ; cette opération arrive à contenir et à
gérer les foyers de pauvreté de sorte qu'elle réduit le
risque de développement de l'habitat précaire dans une ville en
forte croissance. La solution définitive pour résoudre la
prolifération de l'habitat précaire passe par une politique de
logements touchant les plus démunis. Ce sont tous ces aspects que le
projet « Niamey gnala » doit prendre en compte pour qu'il soit
à la hauteur de ses ambitions.
74
Conclusion partielle
Au terme de cette analyse, il ressort que les enfants majeurs
des citadins de case dépendent moins de leurs parents en matière
de logement. Ce sont surtout les filles qui ont une longue durée de
séjour dans la résidence familiale. Mais la situation s'inverse
dès qu'elles se marient car on constate une large consécration
résidentielle après le changement matrimonial. Quant aux hommes
ils arrivent à accéder à un bon logement par diverses
voies.
On retient donc qu'il n'y a pas de reproduction de la
précarité en milieu urbain du fait de l'ascension fulgurante des
enfants. Les facteurs de l'ascension sont le mariage, le commerce, les
activités professionnelles et l'école.
Conclusion générale
Au terme de ce travail d'étude et de recherche, nous
sommes loin d'avoir traité tout le thème. Tout de même la
présente étude a le mérite d'avoir couvert certaines zones
d'ombre sur la thématique abordée. Concernant la ville de Niamey
; on peut retenir qu'au début du XXème siècle
que c'était un village essentiellement rural dominé par des
cases. L'installation des Français dans le village consacra son essor
démographique et spatial. Cet essor sera suivi d'énormes
investissements en matière d'urbanisation. C'est ainsi que suite
à un incendie en 1931, l'administration coloniale interdit la
construction des cases à Niamey. Cette décision fut
respectée pendant des années. Mais durant la seconde guerre
mondiale (1939-1945) les cases font de nouveau leur apparition à Niamey.
Les cases seront surtout le refuge des migrants et les populations pauvres. La
prolifération des cases va continuer jusqu' après
l'indépendance du pays en 1960. Les cases seront ainsi les indicateurs
d'une misère urbaine mais aussi les difficultés d'accès au
logement pour bon nombre de citadins.
Les citadins occupant les cases viennent de toutes les
parties. Cependant, on note une présence assez marquée des
ressortissants de l'Ouest du Niger. Ces citadins sont des personnes du
troisième âge, avec une charge familiale assez importante qui
contraste avec leurs revenus mensuels, qui sont le plus souvent
inférieurs à 50 000 FCFA. Quant
au cadre de vie il est délétère avec un
environnement insalubre où les équipements de base sont quasi
absents. Le cadre de vie reflète une certaine marginalisation à
la fois sociale et spatiale des ménages qui y vivent. Ces ménages
se caractérisent par une instabilité résidentielle
marquée. Cette instabilité résidentielle se traduit par
une mobilité résidentielle à deux échelles des
ménages dans la ville de Niamey: à l'échelle de la ville
inter-quartier ou à l'échelle du quartier intra quartier.
S'agissant du parcours matrimonial, on note les caractéristiques
suivantes :
- une diminution de la proportion des célibataires au fur
et à mesure que le citadin avance en âge ;
- une faible pratique de la polygamie ;
- une hausse de la proportion des veufs (ves) surtout à la
dernière étape du parcours.
Concernant le parcours résidentiel, il peut être
représenté par une courbe résidentielle descente qui
présente le plus souvent les mêmes caractéristiques
à savoir le type d'habitat et la raison de déménagement.
La fréquence de ces caractéristiques à chaque étape
du parcours résidentiel permet de conclure à l'émergence
d'une catégorie résidentielle spécifique. Le parcours
résidentiel de cette catégorie se singularise par le même
type d'habitat et évoque quasiment les mêmes raisons pour
justifier leur changement de logement.
Néanmoins, on note que l'émergence de cette
catégorie résidentielle spécifique ne s'accompagne pas
d'une reproduction socio spatiale de la précarité en milieu
urbain. En effet, on assiste à une large consécration
résidentielle des enfants des citadins occupant les cases. Les facteurs
de la consécration sont le changement matrimonial, les activités
professionnelles ou commerciales, l'école.
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