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La privatisation de la sécurité: un dessaisissement des fonctions régaliennes de l'Etat

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par Michaël VISEUX
Université Jean Moulin Lyon 3 CLESID - Master 2 Recherche en science politique relations internationales sécurité et défense 2010
  

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Programme d'Enseignement à Distance Université Jean Moulin - Lyon 3

Année académique 2010/2011

La privatisation de la sécurité : un dessaisissement des fonctions régaliennes
de l'Etat

Sous la direction de Monsieur François David

Mémoire de recherche

Auteur : Michael VISEUX
michaelviseux@hotmail.fr

Master 2 en science politique
Relations internationales
Sécurité Internationale et Défense

Programme d'Enseignement à Distance Université Jean Moulin - Lyon 3

Année académique 2010/2011

La privatisation de la sécurité : un dessaisissement des fonctions régaliennes
de l'Etat

Sous la direction de Monsieur François David

Mémoire de recherche

Auteur : Michael VISEUX
michaelviseux@hotmail.fr

Master 2 en science politique
Relations internationales
Sécurité Internationale et Défense

Remerciements

Je souhaiterais faire part de ma gratitude au Professeur François David, qui m'a fait l'honneur de bien vouloir encadrer ce travail de ses remarques utiles.

Je remercie également ma hiérarchie de m'avoir permis de pouvoir soutenir ce mémoire.

Un grand merci enfin à mon épouse. Ce projet n'aurait jamais abouti sans sa bienveillance et ses encouragements permanents.

La privatisation de la sécurité : un dessaisissement des fonctions régaliennes
de l'Etat

SOMMAIRE

Introduction

Partie 1 : Taxonomie des sociétés militaires et de sécurité privées (SMSP)

Préambule : Définition de la notion de mercenaire

Chapitre 1 : Le mercenariat : des auxiliaires de guerre au mercenariat entrepreneurial

Chapitre 2 : Le néo mercenariat : Entreprises contemporaines et développement de secteurs de compétences

Chapitre 3 : Cas particulier des entreprises du secteur du renseignement : l'implication des gouvernements

Partie 2 : La transformation des fonctions régaliennes de l'Etat

Préambule : Le cycle des normes

Chapitre 1 : Le recours aux SMP : une norme internationale inéluctable

Chapitre 2 : Le recours aux SMP : les dangers pour l'Etat, le public au service du privé

Chapitre 3 : La maîtrise de l'impact des SMP : l'adaptation de l'Etat au processus de privatisation de la norme

Conclusion

Liste des Abréviations et Acronymes

Les sigles et abréviations utilisés dans ce mémoire sont classés par ordre alphabétique dans la présente liste. Le paragraphe n°1 regroupe les sigles propres à la privatisation. Le paragraphe n°2 comporte des sigles divers.

1- Sigles propres à la privatisation de la sécurité

- ASG Asia Security Group

- DBA Defense Base Act

- G4S Group for Security Corp

- IPOA International Peace Operation Association

- MPRI Military Professionnal Resources Incorporated

- PCC Private Combat Company

- PMC Private Military Company

- PFI Private finance Initiative

- SMP Société militaire privée

- SMSP Société militaire et de sécurité privée

- SSP Société de Sécurité Privée

2- Sigles divers

- CBO Congress Budget Office

- CICR Comité International de la Croix Rouge

- CSNU Conseil de Sécurité des Nations Unies

- DOD Department of Defense

- DPSD Direction de la Protection et de la Sécurité de la Défense

- FAA Forces Armées Angolaises

- FLN Front de Libération Nationale

- GAO Cour des comptes américaine

- ONG Organisation Non Gouvernemental

- ONU Organisation des Nations Unies

- OTAN Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

- OUA Organisation de l'Unité Africaine

- MPLA Mouvement de Libération du Peuple Angolais

- NTIC Nouvelle Technologie de l'Information et de la Communication

- RUF Revolutionnary United Front

- SANDF Force armée nationale sud-africaine

- SGNU Secrétariat Général des Nations Unies

- UE Union Européenne

- UNITA Union Nationale pour l'Indépendance Totale de l'Angola

« Le soldat gratuit, ça c'était du nouveau » Céline, Voyage au bout de la nuit

« Qui tient son Etat fondé sur les troupes mercenaires n'aura jamais stabilité »,

Machiavel, Le Prince

Introduction

La rupture brutale de l'équilibre de la terreur entre les deux grandes puissances de la guerre froide n'a pas rendu le monde plus sûr ni plus équilibré. Bien au contraire, la chute du Bloc soviétique a entraîné une multitude de conflits et de crises régionales qui nécessitent le recours à la force dans le cadre d'opérations de rétablissement ou de maintien de la paix. La réduction continue des budgets de défense et des effectifs militaires amorcée depuis 1990 a réduit de manière significative la capacité d'intervention des Etats. En outre, les attentats du 11 septembre ont brutalement révélé l'existence d'une autre forme de violence supra-étatique, à savoir le terrorisme mondial, islamique en particulier que les Etats doivent impérativement contrer. Ainsi, devant la multiplication des crises cette dernière décennie, les Etats et les grandes organisations internationales ont de plus en plus recours à l'emploi de sociétés militaires privées pour la gestion des crises. Inscrit dans le panel des compétences de ces entreprises, le renseignement est un domaine sensible qui ne doit pas souffrir d'une privatisation dénuée d'une réflexion préalable.

L'inflexion de type libéral constatée depuis trois décennies et l'étatisation croissante inspirée par la norme libérale, ont des conséquences directes sur les forces armées et les activités de défense en général.

La globalisation a fait évoluer les formes d'engagement militaire. En effet la disparition des logiques régionales et la nécessité d'engager des forces partout dans le monde constituent ce premier facteur, encore imprévu il y a dix ans. Comme le souligne Jean-Jacques Roche1, il existe un lien suprême entre la mondialisation et la souveraineté des Etats. Dans son ouvrage, il aborde les problèmes de sécurité sous l'angle des revendications sociales. Il cite ainsi Pierre de Senarclens2 pour qui « la dynamique de la mondialisation entraîne [...] des phénomènes d'aliénation qui font le lit de projets politiques d'inspiration totalitaire ». Selon l'auteur, ces évolutions expliquent que les conflits de l'après-guerre froide diffèrent des conflits interétatiques envisagés par les rédacteurs de la Charte de San Francisco3.

1 ROCHE, Jean-Jacques, « Théories des relations internationales », Clefs politique, 3° édition, Montchrestien, 1999, 160 pages.

2 de SENARCLENS Pierre, Mondialisation, Souveraineté et Théories des Relations Internationales, Paris, Armand Colin, 1998, 218 pages.

3 Ibid., p. 180.

Le deuxième point réside dans le fait que l'opinion, devenue globale, est largement attachée à la légitimité des causes et nécessite que le recours à la force contre une entité soit désormais international et validé par des instances supranationales, telles que l'Organisation des Nations Unies (ONU).

Troisième fait, l'ouverture des frontières et l'augmentation de la criminalité internationale contribuent si ce n'est à déstabiliser les relations internationales, du moins en changer les caractéristiques en profondeur. Ainsi, la sécurité de nos démocraties se joue actuellement dans des lieux diversifiés et lointains, dans lesquelles nos forces de sécurité ont des difficultés à garantir la tranquillité des citoyens. En témoigne la résurgence des activités criminelles telles que l'enlèvement de salariés d'entreprises. Pour les groupes criminels et mafieux et dans une moindre mesure les groupes fondamentalistes tels que Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) ou Al Qaïda dans la Péninsule Arabique (AQPA), le rapt contre rançon est devenu le moyen de nuire à l'Occident, à la France en particulier. Faute de pouvoir frapper l'ennemi lointain au coeur, les groupuscules criminels et terroristes se focalisent sur les expatriés, moins protégés et plus exposés. Ce nouveau danger impose aux Etats de se prémunir avec des moyens adaptés.

Ces nouvelles missions accaparent un volume croissant de l'activité des forces. La réduction du format des armées occidentales contraint les Etats à recourir de plus en plus à l'emploi de sociétés militaires et de sécurité privées, notamment pour la sécurisation de ses installations sensibles à l'étranger (Areva, Total).

L'Etat, en tant qu'organisation sociale, est généralement considéré comme le détenteur du monopole de la violence légitime. Le néo-libéralisme, emporté par la mondialisation a atteint la sphère de la Défense. La disparition des menaces aux frontières a entraîné un retour à la privatisation de la guerre. La menace tangible semble s'estomper et avec elle le caractère impérieux de la défense de la nation s'atténue. Ainsi, l'Etat semble se dessaisir de l'un de ses pouvoirs régaliens essentiel : l'organisation et la conduite des forces armées en vue de la défense des citoyens

.

Cette étude vise à comprendre comment la privatisation de la défense bouleverse les principes fondateurs de l'Etat, français en particulier.

Dans un premier temps, il s'agira de démontrer que les sociétés militaires et de sécurité privées contemporaines se sont débarrassées de l'étiquette douteuse du mercenariat et que toutes n'ont pas la même portée éthique ni la même implication dans la transformation de la souveraineté absolue de l'Etat. La deuxième partie s'attachera à étudier par une approche

libérale en se basant sur les théories des Relations Internationales, de quelle manière la privatisation de la violence, à l'échelle internationale et en France en particulier, peut entraîner un émiettement de la puissance étatique si son recours inéluctable n'est pas entièrement encadré. Nous nous pencherons ainsi dans cette partie sur les prérogatives de l'Etat-Nation dans les années qui viennent. La France est réticente à employer des sociétés qu'elle qualifie encore de mercenaires et donc d'illégales.

L'utilisation massive des sociétés militaires et de sécurité privées (SMSP) en Irak puis en Afghanistan nous a brutalement fait prendre conscience d'un nouveau mode de gestion de la guerre et des crises. Après l'intervention militaire et le succès de la force, les théâtres imposent aux Etats de longs processus de stabilisation et de reconstruction, que les armées régulières ne peuvent plus assurer.

L'emploi des sociétés militaires et de sécurité privées pose de nombreux problèmes juridiques aux Etats qui les emploient. En témoignent les nombreuses bavures commises par les salariés locaux ou étrangers, en Afghanistan, sur la population notamment. Les sociétés usent la patience des populations et des dirigeants afghans.

Outre le problème de légalité de leurs actions, les SMSP soulèvent le problème de la souveraineté des Etats.

En Afghanistan, les salariés de SMSP sont devenues le premier contingent de la coalition, augmentant de fait le sentiment d'impuissance de la toute jeune armée afghane. En outre les policiers afghans peinent à faire appliquer l'ordre quand les salariés du privé s'astreignent de discipline et tirent sur la population.

L'annonce en 2010 faite par le président Karzaï d'interdire les SMSP étrangères en Afghanistan et le décret du 18 août nous a amené à nous pencher sur la question de la gestion de ces sociétés et leur impact sur la souveraineté de l'Etat.

Partie 1 :

Taxonomie des sociétés militaires et de

sécurité privées (SMSP)

Préambule : définition de la notion de mercenaire

La notion de mercenaire a été largement décriée dans l'histoire. Encore aujourd'hui, elle est empreinte de controverse en France car elle renvoie à une vision négative du métier. Toutefois, il n'en a pas toujours été ainsi. Il n'y a qu'à constater la tendance sous l'Ancien Régime à employer massivement des régiments étrangers Suisses, Ecossais et Irlandais. Si la France a utilisé très largement les services de ces mercenaires, il convient de souligner que le pays s'est détourné de cette pratique, à l'inverse des sociétés anglo-saxonnes qui ont plongées massivement dans le recours aux sociétés de mercenaires, dites militaires privées.

Dans notre étude, les enjeux attachés à la définition du terme mercenaire sont primordiaux dans la mesure où ils conditionnent largement le point de vue du chercheur et l'opinion qu'il attache au phénomène de privatisation de la sécurité.

Le dictionnaire Larousse définit le mercenaire sous un prisme financier. Du latin mercenarius, tiré du mot merces (salaire), l'adjectif mercenaire qualifie littéralement une personne qui ne travaille que pour un salaire, qui est inspirée par le profit. Le mercenaire est un soldat qui sert pour de l'argent un gouvernement étranger4.

L'article 47 du protocole I du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux donne du mercenaire la définition suivante :

1. Un mercenaire n'a pas droit au statut de combattant ou de prisonnier de guerre.

2. Le terme "mercenaire" s'entend de toute personne :

a) qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l'étranger pour combattre dans un conflit armé;

b) qui en fait prend une part directe aux hostilités;

c) qui prend part aux hostilités essentiellement en vue d'obtenir un avantage personnel et à laquelle est effectivement promise, par une Partie au conflit ou en son nom, une rémunération matérielle nettement supérieure à celle qui est promise ou payée à des combattants ayant un rang et une fonction analogues dans les forces armées de cette Partie;

4 Le petit Larousse illustré, édition 2008, page 638.

d) qui n'est ni ressortissant d'une Partie au conflit, ni résident du territoire contrôlé par une Partie au conflit;

e) qui n'est pas membre des forces armées d'une Partie au conflit;

f) qui n'a pas été envoyée par un Etat autre qu'une Partie au conflit en mission officielle en tant que membre des forces armées dudit Etat.

L'article n°1 est primordial dans la mesure où il témoigne de la volonté marquée des Etats rédacteurs de dissuader de l'usage des mercenaires dans un conflit armé. Le mercenaire est considéré comme un civil qui peut être poursuivi pour ses actions violentes, là où un combattant régulier ne peut l'être. Comme le souligne le sénateur Michel Pelchat, viceprésident de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi relatif à la répression de l'activité de mercenaire, le statut de prisonnier de guerre ne trouve à s'appliquer que dans le cadre de conflits armés internationaux. Dans le cas de conflits armés internes dans lesquels la majorité des mercenaires interviennent, aucun régime protecteur semblable à celui du prisonnier de guerre n'existe. Rien n'empêche le législateur du pays en conflit de prévoir des sanctions pénales aggravées s'il s'agit d'un combattant étranger motivé par l'appât du gain.

Toutefois, il est à noter que cette définition fournie par la convention est cumulative. En effet, il est impératif de répondre à la totalité des critères pour être taxé de « mercenaire ». Le protocole de 1977 permet « indirectement de lutter contre le mercenariat, en créant un régime juridique dissuasif, il n'a pas pour objet de servir de base à des incriminations en droit international pénal. Le mercenariat ne figure d'ailleurs pas parmi les infractions ou les infractions graves énumérées par l'article 855. »

Certes le protocole additionnel comporte des lacunes mais comme le souligne la commission, il s'agit de l'instrument international le plus aboutit sur la question du mercenariat. En outre, il recueille l'assentiment le plus vaste, puisque 161 Etats, dont la France, sont parties à ce texte.

5 Rapport n°142, session 2002-2003, fait au nom de la commission des Affaires Etrangères, de la Défense et des forces armées sur le projet de loi relatif à la répression de l'activité de mercenaires, 37 pages, disponible le 11 juillet 2011 sur le site http://www.legifrance.gouv.fr.

En sus du protocole I du 8 juin 1977 additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, la convention de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) sur l'élimination du mercenariat en Afrique signée à Libreville le 3 juillet 1977 pose une définition de l'activité mercenaire. Cette convention africaine est l'aboutissement d'une concertation lancée en 1971 par les dirigeants de l'Organisation de l'Unité Africaine réunis à Addis Abeba6 qui dénonçaient « l'agression des mercenaires en Afrique » et lancèrent un appel « aux pays du monde entier pour qu'ils appliquent des lois décrétant que le recrutement et l'entraînement sur leurs territoires sont des crimes punissables et pour qu'ils dissuadent leurs citoyens de s'enrôler comme mercenaires7. »

Largement inspiré du protocole additionnel des conventions de Genève, la définition du mercenaire qu'en fixe la convention exige la participation directe aux hostilités, mais à la différence du protocole, elle procède à une incrimination du mercenariat en le qualifiant de crime. En ce sens, la convention africaine va plus loin que la charte internationale.

Toutefois, cette convention est conçue pour interdire l'emploi de mercenaires pour lutter contre les mouvements de libération nationale. Elle n'empêche pas les gouvernements africains de « recourir eux-mêmes aux mercenaires pour se défendre8 ». La convention de l'OUA ajoute une dimension politique à la définition du mercenariat. En effet, elle perçoit le mercenaire comme un acteur pesant dans les décisions politiques de l'OUA et donc comme un facteur d'instabilité du continent africain.

Ainsi, la définition du mercenariat dépend très largement de la perception de la personne qui le désigne. Que l'on soit partisan ou détracteur, le mercenaire ne bénéficie pas de la même délimitation. Le projet de cette étude n'est pas de dresser une liste exhaustive de toutes les définitions du mercenariat. Il existe autant de versions que de chercheurs sur le sujet. Toutefois, ces deux premiers exemples témoignent de la difficulté de définir clairement et de manière unanime le mercenariat.

Ne pouvant nier l'existence des sociétés militaires privées, le Livre Blanc sur la défense et la
sécurité nationale de 2008 définit les SMP comme étant « un organisme civil, privé, impliquédans le cadre d'opérations militaires dans la fourniture d'aide, de conseil et d'appui

6 Capitale de l'Ethiopie.

7 Propos rapportés dans le rapport 142 du Sénat, p.9.

8 Rapport 142 du Sénat, p.9.

militaire, et offrant des prestations traditionnellement assurées par les forces armées nationales9. »

Cette définition française place d'emblée le recours au privé en concurrence avec les forces régulières. Cette notion de concurrence sera développée dans la suite de l'étude.

Comme nous le verrons dans la typologie qui va suivre, les employés d'une firme militaire privée ne sont pas recrutés pour participer à un conflit déterminé. Ils font partie d'un vivier de salariés de l'entreprise et à ce titre, ne remplissent pas d'emblée le premier critère du protocole additionnel aux conventions de Genève. Ainsi, ces salariés ne peuvent être considérés comme des mercenaires. Cette subtilité est bien pratique pour les Etats. En effet, le flou qui entoure la définition du mercenaire permet aux gouvernements qui le souhaitent d'avoir recours à ce type de services sans être accusés. Ils se dédouanent ainsi des abus en tous genres que pourraient commettre ces sociétés de sécurité privées. Comprendre l'histoire du phénomène « mercenaire » est aussi important que tenter de définir le mercenariat. Si elles ne portent plus le nom de sociétés de mercenariat, les firmes proposant des services de sécurité privées répondent à d'autres appellations.

Chapitre 1 : Le mercenariat : des auxiliaires de guerre au mercenariat entrepreneurial

Le terme « mercenariat » est associé à l'image négative des pages de l'histoire africaine qu'ont écrites un Bob Denard10 ou un Eben Barlow11. Trop souvent, le mercenaire est perçu comme un être corruptible, assoiffé d'argent, dénué d'éthique, se vendant au plus offrant. Il n'en est rien. Le mercenariat ne découle pas de la décolonisation africaine mais constitue une pratique vieille de plusieurs siècles, parfaitement ancrée dans les moeurs de l'humanité. Dans cette partie, il s'agira de montrer que le mercenariat a revêtu plusieurs formes commerciales et idéologiques, s'adaptant sans cesse aux époques traversées. D'une simple marchandise à l'antiquité, le mercenaire est devenu une matière précieuse à l'heure de la décolonisation. Enfin, avec le besoin de sécurité mondial crée par l'effondrement du bloc soviétique, le mercenariat s'est réinventé, grâce notamment à l'argent des complexes militaro-industriels, pour devenir enfin de véritables entreprises commerciales.

9 Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale, Odile Jacob, 2008, p. 329.

10 (1927-2007), célèbre mercenaire français, ayant agi pour le compte du SDECE français, il participe à des coups d'état au Katanga puis propose ses services aux Comores.

11 Fondateur de la société sud-africaine Executive Outcomes, le lieutenant-colonel Barlow est un ancien du 32 Bataillon « Buffalo » sud-africain. Spécialiste du renseignement et ancien des forces spéciales, après la fermeture de sa société, il devient consultant et expert des questions de défense. Il enseigne à présent dans des universités.

I. Histoire du mercenariat

A. Période antique

Déjà sous le règne des Pharaons de l'Ancien Empire, on retrouve des traces de mercenariat. En effet, comme le souligne Philippe Chapleau, avec l'intensification du commerce et l'expansion de l'empire égyptien, la convoitise des proches voisins pousse les Pharaons à se doter d'une force de protection plus conséquente qu'alors12. L'ancienne Egypte se tourne alors vers des supplétifs étrangers pour augmenter massivement leurs effectifs militaires nationaux. L'ancienne Egypte se tourne alors vers des supplétifs étrangers pour augmenter massivement leurs effectifs militaires nationaux. C'est sous la Basse Epoque égyptienne (environ 1000 à 330 avant JC) que le recours à des soldats « étrangers » fut le plus important. Plus tard, vers 700 avant JC, les Cités-Etats grecques eurent également recours aux mercenaires pour défendre leurs portes. En raison de leur faible démographie, les Cités-Etats ne pouvaient constituer une armée citoyenne respectable13. L'utilisation de mercenaires fut une pratique très développée dans le bassin hellénique. Cette pratique posait déjà des problèmes de conscience et d'emploi à la classe dirigeante. Ainsi, le philosophe Xénophon écrivait vers 400 avant JC que l'armée athénienne se discréditait aux yeux du monde en recrutant des étrangers en son sein14.

Rome n'échappa pas non plus au recours à la force mercenaire. Avec l'expansion de l'empire romain, il devint difficile de lever une armée de nationaux. Aussi, les empereurs eurent-ils systématiquement recours à des supplétifs pour garder les frontières du royaume. Ces « barbares » étaient attirés par l'argent mais aussi par la promesse d'acquérir la citoyenneté romaine pour service rendu. Ainsi, selon Tite-Live15, près de six cents mercenaires crétois sont employés à la bataille de Trasimène en 217 avant JC. Toutefois, les empereurs romains se limitèrent à maintenir au plus bas niveau l'emploi d'auxiliaires de combat.

La légendaire Carthage, ville ennemie de la cité romaine, ne pu se soustraire à l'emploi de mercenaires aguerris. Ainsi, lors de la Première Guerre Punique, Carthage alignait près de 150 000 hommes. Tous ces soldats n'étaient pas carthaginois. A l'issue du conflit, 20 000 d'entre eux, oubliés par leurs chefs, ne furent pas payés par la cité ruinée. Ces mercenaires se

12 CHAPLEAU Philippe, « Les mercenaires : De l'antiquité à nos jours », Editions Ouest-France, 2006 p.9.

13 HANSON V.D., « Les guerres grecques, 1400 - 146 av. J.C. », Paris, Editions Autrement, collection Atlas des Guerres, 1999 p.20.

14 HANSON V.D, Ibid, p.136.

15 TITE-LIVE, XXIV, 30, 13

soulevèrent alors. Ce fut la « Révolte des Mercenaires16 », dont il est notamment fait mention par Flaubert dans son roman « Salammbô ».

Si la période antique a vu se fonder le principe du mercenaire, c'est bien à l'époque féodale qu'un changement majeur s'est opéré.

B. Moyen Age

La féodalité est un système pyramidal qui s'articule entre un suzerain et plusieurs vassaux, qui ont prêté serment d'allégeance au suzerain. Ce suzerain peut également être le vassal d'un seigneur plus puissant. Pour les campagnes militaires, le suzerain requiert l'assistance de ses vassaux. Ceux-ci sont chargés de la mise sur pied d'une armée. Chaque vassal doit en effet à son suzerain le service d'ost, à savoir quarante jours de service sur une année et ce, à titre gratuit (l'entretien de la troupe est à la charge du vassal). Les seigneurs faisaient alors appel à leurs « gens » pour armer les troupes occasionnelles. Ce système, mal ordonné, engendra un problème majeur. En effet, ces « soldats occasionnels », lorsqu'ils n'étaient pas envoyés au combat, étaient désoeuvrés. Ils se réunissaient alors en bandes et commettaient des forfaits pour leur propre compte. Les Cottereaux furent l'une de ces bandes d' « écorcheurs ». La guerre de cent ans (1337-1453) vint tout changer. En effet, l'« Archiprêtre » Arnaud de Cervole17 eut l'idée de rassembler autour de sa bannière des milliers de soldats aguerris mais désoeuvrés et de proposer les services de sa compagnie blanche au plus offrant. A sa manière, de Cervole a crée le principe de société militaire privée. Comme le souligne Peter Singer18, c'est l'absence de pouvoir central à cette époque qui a favorisé le développement de ce type d'organisations. C'est en Italie que l'essor de ces sociétés fut le plus fulgurant. En effet, l'Italie constitue le premier marché pour les mercenaires, en raison de la multitude de CitésEtats qui se partagent une part importante des richesses. Ces royaumes étaient en concurrence sur les trois plans politique, économique et culturel et se faisaient régulièrement la guerre. Confrontés au manque de ressources humaine et financière pour lever une armée citoyenne, ces Cités-Etats firent appel aux milices privées pour la défense de leurs intérêts. Cette solution

16 CHAPLEAU Ph., MISSER F., « Mercenaires S.A. », Paris, Editions Desclée De Brouwer, 1998, p.15.

17 Arnaud de Cervole, dit l'Archiprêtre, fut un célèbre chef mercenaire dans les compagnies du XIVème siècle. Fils cadet d'une modeste famille de petits seigneurs, il se distingue lors de la guerre de cent ans et se voit rapidement élever par le roi au rang de capitaine puis enfin de chambellan. Il s'enrichit grâce aux nombreuses campagnes militaires de l'époque. Il peut-être considéré à plus d'un titre comme un brigand et un pillard.

18 SINGER Warren Peter, Corporate Warriors, The Rise of the Privatized Military Industry,Cornell, Cornell University Press, 2003, 348 p.

s'imposa dès le 14ème siècle à travers toute l'Italie19. Ainsi, les Condottieri, liés à leurs employeurs par la condotta, devinrent très vite incontournables. Ces Condottieri furent très vite redoutables pour leurs employeurs et demandèrent des terres pour rétribution de leurs services. Leur pouvoir devint immense et mit en danger la stabilité des Cités-Etats. Ainsi, à l'instar du grec Xénophon, Nicolas Machiavel20 mit en garde les puissants contre l'usage des Condottieri : « Qui tient son Etat fondé sur les troupes mercenaires n'aura jamais stabilité, ni sécurité car elles sont sans unité, ambitieuses, indisciplinées, infidèles, vaillantes avec les amis ; avec les ennemis, lâches [...] La raison en est qu'ils n'ont d'autre amour ni d'autre raison qui les retiennent au camp qu'un peu de solde, ce qui n'est pas suffisant à faire qu'ils veuillent mourir pour toi. » Pour Machiavel, la défense du pays basé sur l'emploi de mercenaires est dangereuse dans la mesure où elle repose sur la santé économique du pays ; loyauté rime avec fortune.

Les Suisses constituèrent par la suite les plus fameux mercenaires d'Europe. Leur compétence fut très recherchée et mise notamment au service du Pontificat. Le mercenariat continua de se développer tout au long de la première moitié du XVIIème siècle, pour devenir la première industrie en Europe. Albrecht von Wallenstein21 devint l'un des hommes les plus puissants d'Europe en constituant une gigantesque armée privée.

C. Les Etats modernes

La Guerre de Trente ans (1618-1648) marqua l'apogée de l'emploi des mercenaires. Devant le nombre de mercenaires employés dans ce conflit et la masse de pertes subies, les gouvernements réagissent. Le traité de Westphalie de 1648 vint mettre un terme au conflit et favorisa l'avènement de l'Etat-Nation et de la notion du contrat social. L'idée du peuple en arme se développe, atténuant progressivement l'emploi de milices privées. Ainsi, les armées nationales se développent massivement. En France, le cheminement est plus long ; les mercenaires demeurent la norme dans les armées du Roy. Le Duc de Choiseul, ministre de la Guerre de Louis XV, tenait se discours au sujet du mercenaire : « L'acquisition d'un soldat étranger équivaut à trois hommes : celui qu'on achète, celui qu'on empêche l'ennemi

19 ROSI Jean-Didier, PRIVATISATION DE LA VIOLENCE, Des mercenaires aux Sociétés militaires et de sécurité privées, Paris, Editions L'Harmattan, 2009, 281 pages, p.28.

20 MACHIAVEL Nicolas, Le Prince, Chapitre XII : Combien de sortes d'armées il y a, et des soldats mercenaires, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1980, p.141.

21 Albrecht Wenzel Eusebius von Wallenstein ou Waldstein, né le24 septembre 1583 et mort le 25 février 1634, est un homme de guerre de la noblesse tchèque. Il a été le plus fameux condottiere au service de l'Empire pendant la guerre de Trente Ans, devenu généralissime des armées impériales, duc de Friedland et de Mecklembourg.

d'acheter et le Français que l'on conserve à l'agriculture22. » En France, il faudra attendre la révolution pour que la nation se consacre à son armée et que le peuple tout entier soutienne l'effort de guerre. Au XIXème siècle, le mercenaire perd définitivement de son prestige et de son utilité. Il faudra attendre les conflits post-coloniaux pour voir réapparaître massivement le mercenariat. La notion de souveraineté de l'Etat a ainsi supprimé le recours au mercenaire. Au XIXème siècle, le soldat idéologique remplace le mercenaire. On se bat à présent pour des idées, pour la défense de valeurs et d'un pays, non plus par cupidité. Céline (voyage au bout de la nuit).

D. Cas particulier de la Légion Etrangère.

Créée en 1831 par Louis-Philippe, la Légion Etrangère permet à la France d'augmenter substantiellement ses capacités militaires, défensives et offensives. Une seule restriction d'emploi est posée, ces forces supplétives ne peuvent être engagées qu'en dehors de la métropole. La Légion Etrangère est engagée pour la première fois en Algérie en 1831 afin de mater l'insurrection (la France venait d'annexer l'Algérie fin 1830). Cette troupe aguerrie se bâti rapidement une réputation à la hauteur de son courage et de son dévouement à la France. La Légion est engagée une unique fois sur le territoire métropolitain en 1870, alors que la France est en grande difficulté face à la Prusse. Les légionnaires furent rapatriés d'Algérie puis intégrés à l'armée française jusqu'à l'armistice général de 187123. Le cas de la Légion Etrangère pose un problème fondamental dans notre cas d'étude. A la question : la Légion estelle une force mercenaire ? Il ne peut y avoir de réponse tranchée. En effet, tout dépend de la définition donnée au mercenaire. De nos jours, les régiments « étrangers » sont une composante de l'armée de terre française. Ces régiments sont sous commandement opérationnel des brigades de l'armée de terre et sont gérés par le Commandement des Forces Terrestres de la même manière que les autres régiments français. Toutefois, il existe un commandement de la Légion Etrangère (...). En outre, les drapeaux de la Légion Etrangère arborent la devise « Honneur et Fidélité », différente de la devise « Honneur et Patrie » brodée sur tous les régiments de la « régulière ». Il est légitime de s'interroger sur le sens à donner à cette devise. A qui la Légion est-elle fidèle ? A la France ? Les légionnaires sont fidèles à leurs chefs. Ces chefs sont des officiers français fidèles à la République française. De manière

22 CHAPLEAU Ph. Ibid. p.33.

23 ROSI, J-D, Ibid. pp 41, 42.

purement logique, les légionnaires sont par conséquent fidèles à la France. Mais, au sens des principes républicains énoncés par Marat, à savoir que la République est indivisible, la Légion peut être considérée comme une force mercenaire, détachée de la République et de la Nation. Toutefois, son étroit contrôle par le politique et les efforts d'intégrations consentis ont fortement atténué le passé mercenaire de la Légion Etrangère.

Comme nous venons de le voir, le mercenariat a pris naissance dans l'Antiquité. D'une force d'appoint, cette pratique a lentement évolué en activité commerciale lucrative jusqu'à devenir une norme dans les pays européens. Profondément ancré en Europe à partir du XVIème siècle, son emploi s'estompe progressivement avec les Lumières et l'avènement de l'Etat-Nation.

En sommeil au XIXème siècle, le mercenariat connaît un essor à partir des années 1960.

L'essor des « chiens de guerre »

E. Les conflits post-coloniaux

La décolonisation engendra un désordre en Afrique sans précédent dans l'histoire. La création arbitraire de pays et les découvertes de ressources naturelles précieuses et les luttent pour leurs conservations ont été un terreau généreux au développement de certains groupes de mercenaires. Ces « dogs of war » à l'image du français Bob Denard, le britannique Mike Hoare ou encore le belge Jean Schramme. Ces soldats de fortune, emmenés par un anticommunisme exacerbé, sont intervenus en Afrique dans de nombreux conflits internes. Ainsi, Bob Denard mit momentanément ses soldats au service de l'Union Nationale pour l'Indépendance Totale de l'Angola (UNITA). L'Angola est le second pays producteur de pétrole du continent africain. Après le départ des Portugais, le pays est rapidement plongé dans un conflit opposant les forces marxistes du Mouvement de Libération du Peuple Angolais (MPLA) alors au pouvoir à l'UNITA de Jonas Savimbi.

Des unités de mercenaires s'illustrent dans de nombreux pays, comme au Katanga en 1960, au Yémen en 1963 ou encore au Kurdistan en 1974.

En 1975, le français Bob Denard est suspecté de préparer un coup d'Etat contre le régime en place aux Comores. « Le Corsaire de la République » est impliqué dans le renversement du président autoproclamé Abdallah puis dans son retour en 1978. Le mercenaire reste aux affaires aux Comores jusqu'en 1989, année de l'assassinat du président Abdallah puis rentre en France. En 1995, il participe au renversement du nouveau régime en place aux Comores puis retourne à Paris24. Qu'il ait agit sur demande du gouvernement français ou non, Bob Denard incarne l'archétype du « mercenaire indépendant », guidé par son idéologie et le goût des affaires, et a contribué à l'écriture des pages de la décolonisation africaine. Denard n'est pas le seul « affreux » à avoir sévi en Afrique, mais il nous semblait opportun de souligner son action afin de témoigner de l'importance du mercenaire dans la décolonisation africaine. Toutefois il est nécessaire de rappeler que le mercenariat a débuté son essor en raison de la multitude de tensions intra et supra étatiques entraînées par la décolonisation. Ce ne sont pas les mercenaires qui ont fait l'Histoire africaine, ils n'y ont que participés certes, mais violemment. Selon Jean-Didier Rosi, ce sont les Etats faibles, «minés par le népotisme» qui

24 Compte rendu des audiences du procès Denard, http://www.comores95.info/Blog%20du%20proces%20Denard.htm#jugement.

ont été « livrés sur un plateau d'argent, d'or et de diamant à des baroudeurs sans scrupules dont l'unique souci était de s'enrichir vite et bien »25.

Si les conflits post-coloniaux ont progressivement ramené le mercenariat sur la scène mondiale, la fin du régime de la terreur, entretenu par les deux puissances majeures, constitue l'évènement majeur de l'essor des sociétés militaires privées et de la nouvelle économie mercenariale.

F. La fin d'un monde bipolaire

« La [fin de la] Guerre Froide a laissé un vide béant et j'ai vu u'une niche venait de se créer sur le marché [de la guerre]26. » Eben Barlow, fondateur d'Executive Outcomes, 2002

La rupture brutale de l'équilibre de la terreur entre les deux grandes puissances de la guerre froide n'a pas rendu le monde plus sûr ni plus équilibré. Bien au contraire, la chute du Bloc soviétique a entraîné une multitude de conflits et de crises régionales qui nécessitent le recours à la force dans le cadre d'opérations de rétablissement ou de maintien de la paix. Ainsi le Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix recense près de soixante opérations (menées sous mandat de l'Union européenne, de l'ONU ou de l'OTAN) depuis 1990. Deux facteurs majeurs liés à l'effondrement du bloc soviétique peuvent à notre sens expliquer l'essor des sociétés militaires privées.

Le premier point réside dans le fait que les petits pays, jadis placés sous protectorat des deux Grands, n'ont plus les moyens de faire face à la multitude de conflits liés à la fin de l'équilibre est-ouest. Les subventions fournies par les deux hyper puissances n'ont plus cours, les petits gouvernements ou les dictatures n'ont plus les moyens d'entretenir une armée professionnelle et ont par conséquent recours à des armées privées. Le second point concerne la réduction continue des budgets de défense et des effectifs militaires amorcée depuis 1990. Cette baisse drastique de l'effort de défense a réduit de manière significative la capacité d'intervention des états. En effet la folle frénésie de la course aux armements engendrée par la guerre froide a rapidement pris fin en 1990. En outre, les attentats du 11 septembre ont brutalement révélé l'existence d'une autre forme de violence supra-étatique, à savoir le terrorisme mondial, islamique en particulier que les états doivent impérativement contrer. Ainsi, devant la multiplication des crises cette dernière décennie, les états et les grandes

25 ROSI J-D, Ibid. Pp 73,74.

26 SINGER Peter Warren, Corporate Warriors : The Rise of the Privatized Military Industry, Cornell University Press, 2008, p.101.

organisations internationales ont de plus en plus recours à l'emploi de sociétés militaires privées pour la gestion des crises.

G. « Chiens de guerre » : les exemples anglo-saxons

Executive Outcomes

Cette société devint rapidement célèbre et marqua l'histoire du mercenariat par le déploiement d'unités combattantes sur le champ de bataille.

En 1993, le gouvernement acculé par les forces de l'UNITA fait alors appel aux membres d'une jeune société sud-africaine créée en 1989 par Eben Barlow : Executive Outcomes (EO). Fondée par un ancien membre du 32° bataillon des Forces armées nationales sud-africaines (SANDF), la société se présente comme une firme commerciale et affirme vendre un produit. Elle se propose en effet de mener des opérations pour le compte d'un Etat. En cela, EO se pose en pionnière du mercenariat entrepreneurial. La société s'inscrit dans une logique voulue par Prétoria à la fin de l'Apartheid, à savoir reclasser les anciens des forces spéciales dans une structure bien organisée. Cette société multiethnique va alors profiter du savoir-faire irremplaçable de nombreux membres des unités d'élites sud-africaines et va mettre sa compétence au service de causes plus que douteuses et d'entreprises implantées en Afrique. Car EO fait partie d'un conglomérat de sociétés de sécurité privée et de compagnies minières. Executive Outcomes s'est distingué lors du conflit angolais. Sollicitée par le MPLA pour former les forces armées angolaises (FAA) pour un contrat total de 40 millions de dollars, la firme est rapidement évincée du pays par les Etats-Unis. L'administration du président Clinton introduit alors une société américaine, MPRI, qui reprend le contrat de formation de l'armée angolaise27. EO se réfugie alors dans l'ouest africain et sera impliqué dans l'affaire des « diamants de sang » en Sierra Leone, dont le film « Blood Diamond » de Edward Zwick fait référence. EO, à la demande du gouvernement local, harcèle sans relâche les combattants du Revolutionnary United Front (RUF) et s'attire rapidement les foudres des ONG, de l'Afrique du Sud mais surtout des Etats-Unis. Sous la pression internationale et l'adoption par le gouvernement sud-africain du Foreign Assistance Military Act le 1er janvier 1999 (législation portant sur la répression des activités mercenaires), EO s'auto dissout.

Sandline International Ltd.

27 SPICER Tim, «An Unorthodox Soldier», édition Mainstream, 1999, pp.50-51.

Société britannique homologue à EO, Sandline est dissoute, suite à un scandale impliquant le gouvernement britannique dans le contournement d'un embargo sur l'importation d'armement. Selon un rapport d'enquête du Parlement britannique, en 1997, Tim Spicer, aurait été chargé par un tiers indien proche de l'ancien président de Sierra Leone, Ahmad Tejan Kabbah (évincé par le RUF), de recruter des mercenaires et d'acheter de l'armement à destination de Sierra Leone. L'envoi d'armes, depuis la Bulgarie jusqu'en en Afrique, en totale violation de l'embargo voté par le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU), a suscité l'indignation internationale et la colère de la couronne britannique. En effet, pour se tirer d'affaire, les dirigeants de Sandline International Ltd affirmèrent que le gouvernement britannique était au courant des agissements de la société et qu'il aurait couvert la transaction. En réalité, seuls quelques hauts fonctionnaires britanniques connaissaient les intentions de la société. Cette révélation déclencha une crise sans précédent à Londres qui faillit pousser Tony Blair à la démission. La société militaire privée fut dissoute en 2004.

Executive Outcomes et Sandline International Ltd sont deux entreprises qui témoignent de la volonté de leurs dirigeants de donner une légitimité au mercenariat et une image acceptable du mercenaire. Intégrées dans des structures financières globalisées aux capitaux solides, ces firmes ont rapidement pris une dimension internationale. Ces deux entreprises possédaient les ressources financières et la capacité logistique de répondre à toutes les attentes de leurs clients potentiels. Selon Philippe Chapleau, Ibis Air, une compagnie de charter, fut rachetée par EO afin d'offrir à celle-ci une « indépendance opérationnelle » vis-à-vis de la concurrence. Malgré des ressources immenses et une organisation bien structurée, EO et Sandline ont vacillé sous le poids de l'image d' « Affreux » encore accolée au mercenariat.

La fermeture de ces deux sociétés marque la fin des sociétés combattantes dans la sphère des compagnies privées de sécurité. Toutefois, on dénote que ce type de sociétés a largement satisfait les employeurs et ravi le secteur militaro-industriel, américain notamment. EO et Sandline ont contribué de manière significative à faire évoluer le mercenariat. Dans le contexte de la professionnalisation des armées, devenue évidente au XXIème siècle, les sociétés militaires privées délaissent la sphère combattante et évoluent vers d'autres secteurs de la défense.

Ainsi cet historique permet de prendre conscience de la naissance du mercenariat et de l'évolution de cette activité tout au long de l'histoire des peuples. D'un emploi massif dans la majorité des conflits qui ont marqué l'histoire, le mercenaire est à présent employé de façon marginale.

Chapitre 2 : Le néo mercenariat : Entreprises contemporaines et développement de secteurs de compétences

I. Le besoin de typologie

A. Contexte

Afin de parfaitement appréhender les enjeux liés à l'emploi des sociétés militaires privées dans la remise en cause de la souveraineté de l'Etat, il convient de faire un travail préalable d'analyse des secteurs d'interventions de ces nouvelles sociétés militaires privées. En effet, il s'agit de réellement pouvoir distinguer ces sociétés militaires d'autres organismes nationaux ou non gouvernementaux. Dans notre étude, nous allons tenter d'établir une typologie, qui permettra de mieux comprendre les enjeux pour la souveraineté des Etats, de la privatisation.

De nombreux chercheurs ont auparavant tenté de procéder à une semblable classification. Ce travail de typologie a rapidement atteint ses limites en raison de la complexité des secteurs de compétence des firmes privées28. Christopher Kinsey, un expert britannique de sociétés militaires privées, souligne cette difficulté en expliquant dans ces travaux de recherche que certaines sociétés fournissent des services couvrant un large panel. En effet, une société peut à la fois effectuer des travaux de gardiennage, de construction de bâtiments et de déminage.

Outre ce flou engendré par les différentes sphères de compétence des SMSP, la dénomination de ces sociétés pose un problème plus grave encore. Encore parfois appelés mercenaires, les membres de ces sociétés préfèrent le qualificatif de « contractors ». Il conviendra donc dans cette étude de démêler l'écheveau et de proposer une typologie qui puisse répondre à l'exigence de discrimination qui s'impose lorsque l'on parle des SMSP.

B. Les limites de la dichotomie

Le terme SMSP regroupe deux grandes catégories de sociétés, les sociétés de sécurité privées (SSP) et les sociétés militaires privées (SMP). Cette dichotomie sert souvent de classification lors de recherche sur le thème de la privatisation de la violence. Cette typologie, que nous jugeons de simpliste, oppose d'une part les sociétés qui offrent des services passifs aux sociétés qui s'aventurent sur des panels de compétences qualifiés d'offensif. Ainsi les SSP s'occuperaient de la protection des installations militaires et des personnes. Les SMP quant à

28 KINSEY Christopher, Corporate Soldier and International Security : the Rise of Private Military Compagnies, Londres, Routledges, 2006, pp 31-33.

elles, fourniraient des activités relevant des opérations de combat, du renseignement, de l'appui opérationnel et stratégique et de la logistique.

Cette typologie minimaliste présente un défaut majeur. En effet, le caractère offensif ou défensif d'une activité repose sur la perception qu'en ont les acteurs (salariés comme clients). En outre, au sens militaire de la stratégie, afin de se prémunir d'une attaque à venir de l'ennemi, l'ami, alors en posture défensive, doit parfois frapper un grand coup sur les arrières de l'ennemi. L'ami passe ponctuellement d'une attitude défensive à offensive, sans que cela modifie à long terme ses buts de guerre. En outre, cette typologie ne prend pas en compte la dimension éthique de la société privée. En effet, depuis les nombreuses lois adoptées par les états et les déboires des sociétés comme EO, le caractère « propre » et la charte éthique de la société privée est un critère majeur de classification. Il convient donc d'être prudent dans le choix de la typologie retenue.

II. Méthodologie de la classification

Pour réaliser notre typologie, la méthode utilisée s'appuiera sur les travaux de Peter Warren Singer.

A. Les travaux de Peter Warren Singer29

Dans son ouvrage déjà cité en référence, le chercheur énonce six critères qui lui permettent de dresser un comparatif entre le marché du mercenariat (dit classique) et l'économie de marché que représentent les Private Military Companies (PMC). Les six critères de Singer sont :

- le théâtre d'action de la société (1);

- l'employeur de la société (2) ;

- les motivations de la société (3) ;

- le(s) mode(s) de recrutement de la société (4) ;

- le business-model de la société (5) ;

- le service proposé par la société (6).

Ces six critères, appliqués systématiquement à chaque entreprise étudiée, permettraient de distinguer la sphère de compétence de la société et de dresser une typologie satisfaisante.

Toutefois, eu égard à notre étude, nous avons fais le choix d'introduire un septième critère de sélection, le cadre juridique (7) dans le lequel évolue la société. En effet, devant la réticence de certains états à promouvoir le recours aux SMP, il nous a paru opportun de prêter un oeil attentif au cadre légal dans lequel évolue les SMP. Outre la manière dont les opinions publiques internationales et les gouvernements perçoivent l'attitude des SMP et la conception qu'ils se font des services proposés par les firmes de guerre, la perception des dirigeants des SMP de leur propre entreprise sera considérée.

29 Professeur de sciences politiques américain, Peter Waren Singer est expert de l'évolution militaire au XXIème siècle.

B. De la légalité de ces firmes de guerre

L'important est de savoir si la société s'engage à respecter une charte de bonne conduite, et par conséquent, de connaître le degré de respectabilité (si toutefois cet aspect peut être relevé sur une échelle) de cette entreprise. Ce critère nous permettra de réfléchir à l'opportunité par un Etat démocratique et scrupuleux, de recourir à cette société pour ses opérations. Sans toutefois rentrer dans les méandres dans un débat sur la guerre juste, il parait évident que la guerre doit aujourd'hui pouvoir se justifier. Soumise dans la plupart des cas à l'approbation des parlements et si possible soutenue par des entités supranationales (comme les Nations Unies), les opérations de maintien de la paix et les interventions militaires doivent être menées avec la plus grande transparence. En outre, le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) propulse la guerre sur des devants médiatiques jamais inégalés jusqu'à présent. Chaque évènement isolé devient très vite planétaire, relayé par les télévisions du monde entier et circulant à très grande vitesse sur la toile développée par les réseaux sociaux. Ainsi, l'action militaire doit être propre, afin de ne pas s'attirer le mécontentement de l'opinion publique internationale. Cette nouvelle norme du XXIème siècle touchait déjà les états et les gouvernements de la planète, elle atteint aujourd'hui les entités non gouvernementales, au sein desquelles évoluent les sociétés militaires et de sécurité privées.

III. Typologie

A. Le mercenariat classique : type n°1

Le mercenaire est dans la majorité des cas un « étranger » (critère n°1) du pays dans lequel il exerce son activité. L'état ou l'entité qui l'emploi ne le considère pas comme une de ses forces légitimes (2) mais comme un simple « auxiliaire » salarié (3). Le soldat intérimaire est motivé par l'argent et la soif d'action. Le recrutement (4) de ce type de soldat est mené de manière discrète, parle biais de réseau internes. De même, le client (par exemple un état) engage le groupe mercenaire selon ses besoins (le volume et la durée de la mission sont arbitraires)(5). La nature des services proposés par le mercenaire est le combat. A ce titre, il ne diffère pas du soldat conventionnel (6). In fine le mercenaire n'évolue pas dans un cadre juridique légal. Son action est discrète et souvent condamnable par les lois nationales et internationales (7). Tous ces critères définis permettent d'affecter le mercenariat classique dans un premier groupe, le type n°1. Le type n°1 correspond ainsi à des sociétés qui se distinguent par leur participation directe au combat.

Exemple :

- Bob Denard

- Les « Affreux »

B. Les Private Combat Companies (PCC) : le type n°2

La fin de la guerre froide, la multiplication des crises régionales inhérentes à la rupture brutale de l'équilibre est-ouest et la mise sur le marché de milliers de soldats désoeuvrés (suite à la réduction du format des armées modernes) sont trois critères majeurs qui poussent à la mutation du secteur du mercenariat. De groupes ad hoc, les bandes de mercenaires se muent en structures organisées, munies d'un modèle économique et d'arguments commerciaux efficaces. Désignées par Christopher Kinsey30 sous le terme de Private Combat Companies, ce type de sociétés nées au début des années 1990, constituera le deuxième type de notre classification.

30 Le professeur Christopher Kinsey est spécialiste de la question de l'impact de la sécurité privée sur les politiques internationales.

A l'instar des mercenaires, les sociétés de type n°2 agissent à l'étranger (au sens du siège social)(1). Comme les mercenaires, elles agissent au service des Etats mais aussi, et là réside la différence avec le type n°1, ces sociétés reçoivent comme clients des groupes industriels privés (2). Comme pour le type n°1, c'est l'appât du gain qui motive ces sociétés, à la différence que celui-ci est tourné à présent vers le groupe et non vers l'individu (3). D'un recrutement discret au temps du mercenaire, on passe alors à un recrutement structuré, basé sur un réseau de compétence (anciens membres de forces spéciales notamment). Des bases de données sont créées (4). Les sociétés sont structurées et possèdent un siège social. En outre, elles sont le plus souvent regroupées au sein d'un consortium plus vaste qui augmente la puissance économique de la société (5). Le service proposé au client demeure le combat ou l'appui direct aux forces gouvernementales (au sens militaire du terme). L'entraînement de forces professionnelles peut ponctuellement être délivré (6), comme l'a fait la société Executive Outcomes au profit des Forces Armées Angolaises. Bien que possédant un siège social, ces sociétés agissent le plus souvent en marge des lois internationales (7). Désignées comme des groupes de mercenaires par les observateurs des Nations Unies, elles ne résistèrent pas à la pression internationale.

Comme le souligne en 1997 l'ancien rapporteur spécial pour la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, Enrique Ballesteros31, le mercenariat nuit très gravement aux droits de l'Homme et à l'autodétermination des peuples. En effet, les articles 117 et 118 de sa conclusion sont amers envers les mercenaires. Nous avons jugés opportuns de les citer ici.

- Article 117 : L'activité mercenaire et le comportement même du mercenaire compromettant sérieusement l'exercice des droits de l'homme, l'autodétermination des peuples, la stabilité des gouvernements constitutionnels ainsi que la paix et la sécurité internationales, l'activité mercenaire et le métier de mercenaire doivent être clairement et catégoriquement interdits. Considérer qu'il est des cas où l'activité mercenaire peut être illégale et des cas où elle peut être légale est une distinction dangereuse qui peut nuire aux relations internationales de paix et de respect entre les Etats.

- Article 118 : En l'état actuel des choses, les dispositions internationales relatives aux
mercenaires sont lacunaires ou insuffisantes et ambiguës, ce qui prête à des interprétations

31 Rapport sur la question de l'utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, présenté par le Rapporteur spécial, M. Enrique Bernales Ballesteros, conformément à la résolution 1995/5 et à la décision 1996/113 de la Commission des droits de l'homme, disponible le 13 juillet 2011 à l'adresse suivante :

http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/TestFrame/f504de29db55c8f58025666b0059cfb6?Opendocumen t.

contradictoires. Cette situation, aggravée par le fait que dans la plupart des pays la législation soit silencieuse sur le mercenariat en tant que délit autonome et qu'il n'existe pas non plus d'accord d'extradition qui garantisse dans tous les cas la répression de ce délit, facilite la perpétration d'actes criminels et dans de nombreux cas l'impunité de leurs auteurs.

L'article 117 est intéressant dans la mesure où le rapport spécial de l'ONU demande l'interdiction formelle du recours au mercenariat. Selon lui, aucun gouvernement ni chercheur ne devrait opérer de distinction entre le cadre légal de certaines activités et le cadre illégale d'autres activités mercenaires. Pour le rapporteur spécial, mener une classification des activités donnerait une opportunité immense aux mercenaires qui tenteraient de dissimuler leurs activités.

Si Enrique Ballesteros se montre intransigeant avec les mercenaires, il concède que le secteur du mercenariat subit une transformation certaine, liée au développement fulgurant de la demande suite à l'ère post guerre froide. Il le mentionne notamment à l'article 124 de son rapport : « Les activités mercenaires sont diversifiées et sont en pleine mutation... ». Devant la faiblesse des lois de l'époque, il ne suggère pas mais exige que les gouvernements condamnent fermement les activités mercenaires et mettent en place des mesures concrètes de lutte contre les activités mercenaires.

En outre, il développe un thème important qui s'inscrit pleinement dans notre étude. Il dénonce les collusions existant entre SMP et mercenaires. Ainsi, l'article 128 de son rapport dispose : « Il est apparu - et c'est une tendance internationale nouvelle - des sociétés enregistrées légalement, dont le but est d'assurer des services de sécurité, de conseil et d'instruction militaires aux forces armées et policières de gouvernements légitimes. Quelquesunes de ces sociétés ont été accusées de recruter des mercenaires et de dépasser les tâches d'instruction et de conseil pour : intervenir militairement dans des combats et s'occuper d'affaires politiques, économiques et financières du pays avec lequel elles ont passé contrat. Si cette tendance se confirme, la notion de sécurité et la nature des relations internationales fondées sur la souveraineté de l'Etat qui ont caractérisé le XXème siècle, ainsi que le système international de protection et de promotion des droits de l'homme s'en trouveraient bouleversés ». Il suggère alors à la commission de mettre en place un organe de surveillance des SMP.

Enrique Ballesteros dénonce clairement dans son rapport les agissements de certaines sociétés
mercenariales. Pour ses recherches, il s'est rendu avec son équipe en Afrique du Sud afin
d'enquêter au plus près sur les agissements des sociétés sud-africaines. De ses voyages aux

Royaume-Uni, il rapporte que le gouvernement britannique se montre très inquiet au sujet du vide juridique laissé par la législation internationale.

In fine, monsieur Ballesteros se montre très acerbe au sujet des grands groupes industriels occidentaux, allant même jusqu'à dénoncer des collaborations étroites entre les firmes multinationales, les banques américaines ou britanniques et l'industrie de l'armement. En outre selon lui, des similitudes troublantes entre Etats occidentaux existeraient : « Les Etats Unis ont leur Military Professional Resources Incorporated, la Grande Bretagne Defense Systems Limited, l'Afrique du Sud Executive Outcomes, la France sa COFRAS (...). » Il classe ainsi sans retenue ces sociétés dans le groupe des compagnies privées de mercenaires. Nous apporterons une réserve quant à la classification de MPRI et de COFRAS dans cette catégorie de sociétés.

En effet, COFRAS est une filiale de la société Défense Conseil International, société entièrement légale aux agissements transparents. MPRI est une société américaine créée en 1987, qui bénéficie d'une bonne image auprès de l'opinion internationale. Soupçonnée en 1995 d'avoir participé de manière active aux opérations militaires aux côtés de l'armée croate, MPRI a essuyé de nombreuses tentatives de discrédits. Ces allégations n'ont jamais été prouvées. C'est à ces épisodes douteux que monsieur Enrique Ballesteros fait allusion dans son rapport.

Ces sociétés, de type n°2, ont aujourd'hui disparu. La société MPRI, malgré les tentatives de calomnies de certains auteurs et chercheurs, ne peut pas être classée dans cette catégorie.

Exemples de sociétés de type n°2 :
- Executive Outcomes ;

- Sandline International Ltd ; - Gurkha Security Guards.

C. Les sociétés d'appui stratégique : le type n°3

Présentes sur les théâtres majeurs actuels, ces sociétés offrent des prestations dans la sphère de l'opérationnel. Les services fournis sont de domaines très variés : déminage, renseignement, escorte de convois, sécurisation d'axes ou d'infrastructures.

Ces sociétés opèrent à l'étranger et sont sollicitées sur les principaux théâtres d'opérations (1).

Sollicitées par les gouvernements, par les ONG ou les structures supra étatiques comme l'OTAN ou l'UE, ces sociétés peuvent également répondre à l'appel de groupes industriels privés (2). Motivée par le développement économique de leur entreprise, ces sociétés tentent de gagner la majorité des contrats « juteux » initiés par les nombreux conflits (3). Disposant d'une large base de données, ces sociétés ont recours à l'expertise de nombreux anciens militaires, formés aux méthodes du déminage ou de la protection rapprochée (4). Ces sociétés possèdent un fort esprit d'équipe, véhiculé par des cadres dynamiques. Ces entreprises sont articulées autour d'un modèle économique viable et animées d'un esprit d'équipe solide, centré sur l'expertise de ses membres (5). Les services proposés par ces sociétés ont été énumérés en début de paragraphe (6). Globalement, ce qui distingue ces sociétés de celles de deux premiers types repose sur le caractère légal de leurs actions. Les sociétés d'appui stratégiques comme Ronco Consulting (société réputée de déminage) s'inscrivent pleinement dans un cadre juridique solide et jouissent d'une légitimité totale sur les théâtres d'opérations (7). Très bien ancrées dans le paysage opérationnel, ces sociétés sont devenues des acteurs incontournables de la sécurisation des zones de conflits. Elles constituent le type n°3 de notre typologie.

Exemple de sociétés de type n°3 :

- Ronco Consulting ;

- Erinys (siège social Dubai).

D. Les sociétés de logistique : le type n°4

Opérant le plus souvent à l'extérieur de leurs frontières, ces sociétés de logistique peuvent ponctuellement être engagées dans la lutte contre les catastrophes naturelles - en 2005, après la catastrophe engendrée par le passage du cyclone Katrina, des membres de la société KBR, dont le siège social se situe à Houston ont été mandatés pour la reconstruction dans des zones de la Nouvelle-Orléans. Ainsi, ces nouvelles sociétés peuvent opérer aussi bien sur le territoire national qu'à l'étranger (1). Ainsi, on retrouve la société KBR en Irak, au Koweït, en Afghanistan où la société est notamment chargée de la protection de l'aéroport-base de KAIA (Kaboul International Airport). Mandatées par les gouvernements, les ONG et les organisations internationales gouvernementales mais aussi par d'autres sociétés militaires privées dans le cadre de sous-traitances (2), ces sociétés sont motivées par le profit engendré par les immenses chantiers liés à la reconstruction post-conflit (3). Bénéficiant d'une base de

données contenant les noms de centaines de cadres compétents, ces sociétés de logistique s'appuient également sur des recrutements locaux afin d'asseoir leur autorité et leur légitimité dans les zones où elles servent. Les salariés locaux constituent également une main d'oeuvre bon marché dont il semble difficile de se passer pour dégager des bénéfices conséquents (4). A l'image de la société KBR qui se définit « comme un grand fournisseur de services de Défense32 », ces nouvelles firmes sont de véritables multinationales, dont les succursales innombrables recouvrent la quasi-totalité du globe (5). Les services proposés par ces sociétés de logistique sont la construction des axes routiers, l'aménagement des bases militaires, la restauration collective, la collecte et la distribution d'eau potable, etc (6). Ne bénéficiant pas du droit de port d'armes, les employés de ces sociétés fournissent un service qui s'inscrit pleinement dans la légalité. Les missions conduites sont menées dans le strict respect des lois internationales et tentent de se conformer aux lois nationales des pays hôtes (7).

Ces sociétés de logistique ne conduisent pas de missions à caractère militaire. Elles sont chargées de tâches annexes, dont la légitimité est établie. Ne portant pas d'armes, elles ne sont pas concernées par les nombreuses restrictions d'emploi des SMP qui voient le jour dans les zones de conflits. Par leur attitude non hostile, ces sociétés bénéficient d'une image favorable qui leur permet d'évoluer dans tous types d'environnement.

Exemples de sociétés de type n°4 :

- KBR (Kellogg, Brown and Root) ;

- Serco-Sodexho Defence;

- PAE (Pacific Architects and Engineers);

- Dyncorp.

32 http://www.kbr.com/

E. Les sociétés de consultance : le type n°5

« Nous n'appuyons pas sur la gâchette. Nous entraînons les gens à appuyer sur la gâchette ».33

Les sociétés pouvant être regroupées dans ce type constituent, à notre sens, le cas d'étude le plus intéressant. Désignées sous le terme de sociétés de consultance, ces sociétés proposent des services tels que la formation, de cadres ou de personnels, ou encore le conseil aux gouvernements. La citation choisie pour illustrer cette partie est lourde de sous-entendus et témoigne parfaitement de la difficulté pour les clients, qu'ils soient gouvernementaux ou d'intérêts privés, de recourir à ce type de sociétés.

Les services dits de « conseil » recouvrent principalement deux aspects militaires, la formation de personnels et le guidage des dirigeants dans le choix du matériel et des doctrines militaires.

Dans le domaine de la doctrine, la société peut ainsi imposer ses propres choix stratégiques et son mode de pensée au pays client. Parfois, le pays cible n'est pas le client. En effet, l'armée américaine a notamment chargé une société militaire privée, spécialisée dans le conseil, de former les neuf premiers bataillons de la toute nouvelle armée irakienne. Ainsi, Vinnell s'est vu confié par le Pentagone en juin 2003 cette lourde mission de formation. Pour les généraux américains, utiliser cette société possède le double avantage (1) d'épargner les soldats américains et de les recentrer sur des actions de combat et (2) de s'assurer que les nouveaux soldats irakiens seront formés à l' « américaine ». Les dirigeants des Etats-Unis s'assurent de fait une double tranquillité d'esprit. En effet, en cas de soulèvement, il sera plus facile de combattre une armée dont on connaît parfaitement les procédures et les modes d'actions et qui plus est, utilise les matériels qu'on lui a vendus tout récemment. Car les instructeurs de la société Vinnell sont majoritairement américains, rompus aux tactiques américaines. En outre, ils vantent sans relâche aux officiers irakiens moulés à leur image, les mérites et la supériorité du matériel issu de l'industrie américaine de l'armement. Une autre société américaine s'est vue confiée un juteux contrat par le Pentagone : MPRI. La Military Professionnal Rand Inc, rachetée en 2000 par la société L3 Communications (spécialisée dans l'électronique et le renseignement économique) est en charge de la rédaction de la doctrine de l'Armée Nationale Afghane (ANA). Les cadres de MPRI sont en outre chargés de la formation et du conseil des

33 Citation d'un cadre de la société Vinnell, rapportée par K.Willenston, L.Norman dans « Saudi Arabia ; This Gun for Hire », Newsweek, 24 février 1975

chefs de corps des Kandak afghans. MPRI a été fondée en 1988 par huit généraux américains à la retraite. Comptant parmi ces cadres l'ancien directeur de la formation du FBI, M. Wolfinger et un ancien chef d'état-major de l'armée de terre américaine, le général Carl Vuono ainsi que Harry Soyster, ancien directeur de la Defense Intelligence Agency (les renseignements militaires américains)34, la société se définit comme « la plus grande entreprise d'expertise militaire du monde35 ». La société disposerait d'une base de données de près de 14000 experts, disponibles sur ordres. MPRI a bâti sa notoriété sur son expertise et son refus formel de prendre part aux combats. Son site Internet est éloquent.

Utiliser ce type de sociétés procure des avantages certains pour qui sait les utiliser à bon escient.

Toutefois, la frontière est floue entre le conseil militaire et la mise en pratique sur le terrain. Le déploiement de membres d'une société de ce type aux côtés de soldats en formation évoluant sur le terrain est proscrit. Se déployer sur le terrain comme « mentor » ne rentre pas dans leur champ de compétences. En raison de l'absence d'organes de contrôle indépendant, il convient de s'en remettre à la candeur supposée des portes paroles de ces sociétés.

Toutefois des faits tangibles viennent prouver que la frontière est mince entre conseil et intervention. En effet, en 2004, lors de la bataille de Najaf, des soldats américains et des membres de la célèbre société Blackwater ont été encerclés par les insurgés. Réfugiés sur un toit pour échapper aux tirs des rebelles, ils ont été héliportés par un hélicoptère de la société Blackwater. Le problème lié à la société Blackwater est que les contrats signés avec le Pentagone le sont pour des services défensifs (sécurité de sites ou protection d'autorités) ou de formation. Toutefois, on retrouve ses membres régulièrement aux côtés des forces spéciales américaines. Avec les méthodes peu conventionnelles de ces employés, la société se fait de nombreux ennemis. Après la fusillade déclenchée par des employés de Blackwater au centre de Bagdad le 16 septembre 2007 qui coûta la vie à 17 civils irakiens36 (ils ne portaient pas d'armes), le gouvernement irakien décida de ne pas renouveler l'autorisation de cette société à exercer dans le pays. En effet, dès le lendemain de la fusillade, le porte-parole du ministère irakien de l'Intérieur, Abdul-Karim Khalaf, déclarait que « le fait d'être chargé de la sécurité ne les [autorisait] pas à tirer sur les gens n'importe comment »37 Cette décision irakienne est un véritable coût de massue pour les dirigeants de Blackwater. Ancrée dans le

34 ROSI J-D, Ibid. p99.

35 Slogan disponible sur le site internet de la société.

36 LESNES Corinne, « La société Blackwater impliquée dans une fusillade à Bagdad », Le Monde, le 18 septembre 2007.

37 Même article qu'à la note 22.

paysage irakien depuis mars 200338, assumant de nombreux contrats avec le Pentagone et les grands groupes pétroliers, la société doit se résoudre à rebaptiser Xe en février 2009. Elle bascule ses activités en Afghanistan, autre théâtre majeur où elle était déjà bien implantée mais ces pertes financières s'élèvent à plusieurs millions de dollars.

Ces sociétés de type n°5 agissent le plus souvent sur les théâtres majeurs. Leurs sièges sociaux étant le plus souvent domiciliés aux Etats-Unis, nous pouvons largement considérer que le territoire d'action est l'étranger. Toutefois, à l'instar des sociétés de type n°4, certaines sociétés peuvent ponctuellement intervenir sur le territoire national, comme lors du cyclone Katrina (1). Les employeurs sont les gouvernements ou de grands groupes industriels (2). La motivation de ce type de société est sans conteste le développement économique, par le biais de la multiplication des contrats, sur tous les terrains (3). Le mode de recrutement est identique à celui des sociétés de type n°3. Dans le cas de la société Blackwater, le recrutement de cadres est effectué exclusivement parmi un vivier composé d'américains (4). Comme pour les sociétés de type n°3, l'esprit d'entreprise est particulièrement marqué et les cadres tentent de promouvoir l'entreprise (5). Le service proposé par ces sociétés de type n°5 est la formation et le conseil militaire. Aucun organe de contrôle ne supervise le respect des règles par ces entreprises sur le terrain. Il est donc très aisé pour les membres de ces sociétés de passer à des postures offensives. En ce sens, les sociétés contrevenantes rejoignent l'attitude des sociétés de type n°2 (6) et contribuent à ternir l'image de marque des sociétés militaires privées. En ce qui concerne la légalité de ces sociétés, il est évident que ces nouvelles firmes agissent dans le respect des lois. Leurs principaux clients étant des structures étatiques ou de plus en plus des acteurs non gouvernementaux soucieux de leur image, les sociétés de type n°4 recherchent l'appui des décideurs. De fait, ces sociétés ne trichent pas avec la réglementation internationale mais des dérapages demeurent possibles (7).

Exemples de sociétés de type n°5 : - Xe (sociétés américaines) ; - Vinnell ;

- DynCorp International ;

- MPRI (Military Professionnal Rand Inc).

38 Dans ses recherches, Georges-Henri Bricet des Vallons estime entre 1200 et 1400 le nombre d'employés de Blackwater en Irak à la fin de l'année 2008. Chiffres qu'il a obtenus par le biais de sources ouvertes.

Toutes ces sociétés ont leur siège social basé aux Etats-Unis. Ces quatre sociétés se partagent la majorité des grands contrats en Irak et en Afghanistan. Elles peuvent être largement considérées comme le « fer de lance » de la politique étrangère des Etats-Unis. Ce sujet sera développé dans la seconde partie de cette étude car il nous semble central au problème lié à l'emploi des SMP par les puissances européennes. En effet, les sociétés américaines et anglosaxonnes dominent le marché mondial de la sécurité privée. Cette hégémonie américaine met en danger l'indépendance des pays européens et de la France en particulier.

F. Cas de la société Secopex

La société française Secopex présente de nombreux points d'intérêts.

En premier lieu, la société est définie par ses dirigeants comme une société militaire privée de type anglo-saxon. L'ancien président directeur général et fondateur de la société, Pierre Marziali39, expliquait au cours d'une interview menée en 2007 par Alexandre Suzler, que ses employés « assur[aient] des missions de formation et de conseil militaire, ainsi que des opérations en milieu hostile à l'étranger. »

Dès sa création, la société a revendiqué avec vigueur son statut de société d'appui stratégique et opérationnel. Cette mention apparaît d'ailleurs sur la page d'accueil du site Internet de la société. Forte de près de 2000 employés, la société déclare proposer des services variés : analystes, universitaires, spécialistes du renseignement, pilotes, infirmiers, gardes du corps, linguistes, logisticiens, démineurs...

De part cette multitude de services proposés, la société peut être classée dans la catégorie des sociétés de type 3, de type 4 et 5.

Elle dispense aussi bien des services de conseils, de formation, que de sécurité. Considérant que la majorité des services proposés revêt un caractère d'appui stratégique, nous avons choisi de la classer dans le type n°3. En effet, la société française déclare elle-même être « attentive aux besoins de ses clients, SECOPEX revendique une expertise et une expérience opérationnelles sur l'ensemble des cinq continents et s'appuie sur un vaste réseau de correspondants et de sociétés partenaires à l'international40. »

39 Ancien sous-officier parachutiste français, mort en mai 2011 à Benghazi.

40 Mention disponible sur le site Internet de la société, www.secopex.com

Frappée en mai 2011 par la mort de son PDG en Lybie41, la société ne cesse depuis sa création de retenir l'attention des détracteurs des SMP. En outre, la société est très mal perçue dans le monde militaire. Les employés, pour la plupart d'anciens militaires ou policiers français, véhiculent une mauvaise image, qui rejaillit souvent sur le travail des militaires aux côtés desquels la société est engagée à l'international. Régulièrement dénoncée par les médias pour fournir des services d'appuis stratégiques aux multiples parties d'un conflit, la société se défend de mener des actions proches du mercenariat.

La société Secopex, par la mauvaise image qu'elle véhicule dans la presse spécialisée, contribue à augmenter les réticences de la France à se tourner résolument vers l'emploi des SMP.

L'historique développé dans le premier paragraphe nous a permis de dégager deux grands types de mercenariat : le mercenariat classique et le néo mercenariat entrepreneurial.

Le mercenariat a connu un développement accéléré au début des années 1990, favorisé par la résurgence d'une multitude de crises régionales.

L'histoire du phénomène de privatisation nous permet de distinguer cinq formes de mercenariat.

Nous l'aurons aisément compris, les types n°1 et n°2 ont officiellement disparu. Plus aucune mention de ce type de mercenariat ne figure dans aucun conflit. Le type n°4, concernant les sociétés logistiques apportent un intérêt moindre à notre étude. En effet, aucune ambiguïté ne peut être soulevée quant à leur emploi. Se bornant à des tâches « non militaires » de soutien logistique, ces sociétés n'entravent pas la bonne conduite des opérations militaires.

Toutefois, il nous semblait important de les faire figurer dans notre typologie car elles sont le vecteur de la banalisation du phénomène de la privatisation de la guerre. Employée à l'origine par les Etats pour permettre aux forces armées de se recentrer sur leur « coeur de métier », elles ont tracé la voie à deux autres types de sociétés, caractérisée par des services plus belligènes.

La typologie proposée sera un outil pratique tout au long de notre étude car elle nous permettra de distinguer de manière aisée les implications liées à l'emploi des SMP par les acteurs étatiques. Le choix actuel de la France de ne pas recourir à ce type de sociétés pourra notamment être débattu rapidement.

41 La version officielle stipule que Pierre Marziali a été tué lors d'un contrôle policier en Lybie. Il s'était rendu dans le pays en crise afin d'implanter une antenne de sa société.

 

Type n°1

Type n°2

Type n°3

Type n°4

Type n°5

Mercenariat

Private
Combat
Companies

Sociétés
d'appui
stratégique

Sociétés de
logistique

Sociétés de
consultance

1- Théâtre
d'action

Etranger

Etranger

Etranger

Etranger /
Territoire
national

Etranger /
Territoire
national

2- Employeur

Contrat avec un
Etat ou un groupe
de dirigeants

Contrat avec
un Etat / des

groupes
industriels

Etats / ONG / OIG

Etats, ONG,
OIG / Autres
SMP (sous-

traitance)

Etats, groupes
industriels

3-
Motivation
de la société

Appât du gain /
Aventure

Profits tournés
vers le société

Profits de la
société /
Développement
international

Profits liés à la
reconstruction
des pays

Profits /
Rayonnement
planétaire

4- Mode de recrutement

Bouche à oreilles
/ Réseaux secrets

Anciens militaires / Base de données (BDD)

BDD / Anciens
militaires
spécialisés /
Offres d'emploi
standards avec CV

BDD pour les
cadres mais
large
recrutement
local

BDD / Anciens
militaires
spécialisés /
Offres
d'emploi
standards avec
CV

5- Business- model

Groupement
temporaire
d'individus

Sociétés organisées / Filiales de consortium

Sociétés
structurées / Fort
esprit d'équipe /
Corporation

Esprit
d'équipe chez
les cadres
permanents

Sociétés structurées / Fort esprit d'équipe / Corporation

6- Service
proposé par
la société

Combat

Combat / Appui aux forces / Formation

Renseignement /
Déminage /
Protection

Gardiennage,
nettoyage, fret,
restauration

Formation /
Conseil
militaire

7- Légalité
du service
proposé

Caractère illégal

au vu de la
réglementation
internationale

Activités
dénoncées par
les restrictions
nationales

Activités
conformes aux
législations
nationales

Activités
conformes aux
législations
nationales

Activités
légales /
Dérapages
possibles mais
limités

 

Exemples

Affreux

Executive
Outcomes

Ronco

KBR,
Securitas

Xe, MPRI

Chapitre 3 : Cas particulier des entreprises du secteur du renseignement : l'implication des gouvernements

Bien que les sociétés de type n°5 se dégagent clairement des autres sociétés par le caractère ambigu de leurs actions, les sociétés de type n°3, proposant leurs savoir-faire dans le domaine du renseignement, posent un sérieux problème de légitimité et d'indépendance à leurs employeurs.

Parmi les plus hautes fonctions régaliennes de l'Etat, le renseignement figure en première place. Déléguer la fonction du renseignement étatique serait un exercice périlleux. Rapidement soumises à une logique de résultat, les entreprises dédiées au renseignement pourraient produire de faux documents qui justifieraient leurs salaires mais ne reflèteraient pas la réalité. Pire, les sociétés travaillant au profit d'un état A pourraient revendre les informations obtenues à un état B, dévoilant ainsi la stratégie de l'état A. En effet, la société Risk Advisory Group, société européenne d'investigation et de renseignement, spécialisée dans l'analyse stratégique et le support opérationnel, possède son siège social à Londres et à Moscou. Les nationalités de ses employés sont multiples : Britanniques, Allemand, Français, Russes, etc.42 La société recrute à la sortie des universités mais également parmi d'anciens membres des services de renseignement européens. Sans toutefois tomber dans une logique de conspiration, comment ne pas penser qu'un employé, bien que soumis à une clause de confidentialité, puisse devenir une source pour ses anciens collègues ?

De fait, la nécessité se fait sentir pour les états occidentaux de promouvoir leurs propres firmes de renseignements, au risque de voir ses objectifs de renseignement à la merci du plus offrant. Car la privatisation de la violence poursuit sa marche inéluctable, générée par la fin de la Guerre Froide et accélérée par les attentats du 11 septembre et les deux guerres en Irak et en Afghanistan.

Aux Etats-Unis, le recours aux firmes privées de renseignement s'est mu en une véritable addiction. Ce phénomène fait d'ailleurs l'objet d'un paragraphe du livre de Georges-Henri Bricet des Vallons43. Selon l'auteur, 50% des agents clandestins de la CIA sont des « contractors ». En outre les activités du National Reconnaissance Office sont privatisées à 100 % et la direction de la Direction of National Intelligence, organe de coordination des

42 Voir le site internet de la société, accessible le 1er juillet à l'adresse : http://www.riskadvisory.net

43 Bricet des Vallons, Ibid. pp 207-212.

services américains de renseignement, a été confiée au président du lobby américain du renseignement privé, Mike McConnell.

Ainsi, le renseignement américain est devenu une véritable « industrie dominée par les intérêts du privé »44.

La privatisation du renseignement et plus largement celle de la violence sont devenues une norme. Cette norme structure et élabore la politique étrangère des Etats-Unis notamment. Cette « contagion » gagne l'Europe. La folie de la privatisation est en déjà à un stade très avancé aux Royaume-Uni et commence à imprimer sa marque dans la plupart des pays européens. Seule la France se montre encore réticente à l'emploi de ces sociétés.

Profondément attaché aux valeurs de l'identité nationale française, le gouvernement français pense encore que l'Etat détient un pouvoir significatif. Il s'accroche avec fermeté à la sauvegarde de ses devoirs régaliens.

La France n'externalise encore que très peu. Lorsque l'Etat français a recours à l'externalisation, c'est pour déléguer des tâches périphériques, comme l'alimentation ou la santé. Cette privatisation forcée s'effectue, semble-t-il, avec réticences.

Quelles sont les raisons de cette norme internationale qu'est la privatisation des métiers de la sécurité ? Quels en sont les risques pour les Etats, la France en particulier ? Comment la France peut-elle se positionner sur le marché de la privatisation en favorisant l'essor de sociétés militaires privées françaises ? Sans réaction française à court terme, le pays risque de devoir sacrifier une partie de son indépendance, en recourant aux services de sociétés militaires privées américaines. Ces sociétés, devenues en quelques décennies le bras armés de la politique étrangère des Etats-Unis, sont gérées par des capitaux privés et répondent à une logique d'actionnariat intense.

Face au phénomène de la privatisation, comment ne pas redouter une mise en péril de la souveraineté des Etats qui louent les services des SMP ?

Ces questionnements seront l'objet de notre seconde partie.

44 SHORROCK T : « Spies for Hire », édition Simon & Schuster, New York, 2009.

Partie 2 :

La transformation des fonctions

régaliennes de l'Etat

Préambule : Le cycle des normes

Cette partie a pour ambition d'aborder le phénomène de la privatisation sous le prisme de la théorie des Relations Internationales. La notion de norme internationale, longuement développée par les chercheurs Martha Finnemore et Kathryn Sikkink45 sera au centre de cette partie. Pour ce faire, nous avons choisi d'utiliser les supports de cours relatifs au module des Acteurs non gouvernementaux, placé sous la direction de Frédéric Ramel, et le texte intitulé : Le mystère de l'énonciation : normes et normalités en relations internationales, de Yves Schemeil et Wolf-Dieter Eberwein46.

Bien que la notion de norme soit difficile à appréhender et à définir avec précision, comme le soulignent les nombreux chercheurs en sciences politiques qui s'y sont risqués, notre étude s'attachera à démontrer que le phénomène de privatisation répond à un processus similaire à celui décrit par Martha Finnemore et Kathryn Sikkink. Les deux chercheurs estiment que la norme est démontrée lorsque « la ratification par un nombre significatif d'Etats, formant une « masse critique » constituent la preuve de son effectivité47. »

Selon Martha Finnemore et Kathryn Sikkink, le cycle vital des normes est ponctué par trois phases :

- l'émergence,

- l'acceptation (ou cascade de la norme),

- l'internalisation.

Chacune de ces phases se caractériserait par la présence d'acteurs, de motifs d'agir et de mécanismes d'adoption distincts.

La première phase dite d'émergence, renvoie à la persuasion des Etats par des entrepreneurs de normes qui utilisent leurs réseaux d'expertise et d'information. Le lien peut rapidement être trouvé entre les réseaux d'expertise et les consortiums privés de la sécurité.

La seconde se traduit par une dynamique d'imitation ou plutôt de socialisation par laquelle les Etats reconnaissent la légitimité de la norme.

La dernière phase contribue à rendre la norme en question indéniable en raison de son
incorporation dans l'arsenal juridique des Etats. Dans le cas de la privatisation de la sécurité,

45 Martha Finnemore, Kathryn Sikkink, « International Norm Dynamics and Political Change », International Organization, 52, 1998, p. 896.

46 Professeurs à l'Institut d'Etudes Politiques de Grenoble.

47 Martha Finnemore, Kathryn Sikkink, Ibid. pp. 887-916.

les esquisses d'arsenaux juridiques mis en place afin de juguler l'action des SMP tendent à confirmer l'existence de cette troisième phase.

Reprises dans un tableau, les trois phases qui constituent le cycle vital des normes sont reportées à la figure n°1. Ce cycle des normes sera utilisé dans la seconde partie de ce développement, l'étude de la contrainte normative.

Les travaux de Wolf-Dieter Eberwein et Yves Schemeil sont intéressants dans la mesure où ils complètent les énoncés du cycle des normes.

Leurs travaux s'articulent autour de l'idée centrale de l'existence de trois caractéristiques propres à l'émergence des normes internationales.

- La première serait que la création de la norme est le fruit de la volonté d'acteurs privés, qui avec l'aide des dirigeants étatiques, persuaderaient des tiers à se conformer à la norme.

- La seconde caractéristique réside dans la localisation de l'épicentre de la norme, à savoir le continent nord-américain.

- Enfin, l'antagonisme existant entre les partisans de la mondialisation des normes marchandes et les fervents défenseurs de la socialisation des normes, constitue le dernier facteur de l'émergence des normes internationales.

Le modèle développé par les deux chercheurs grenoblois s'applique particulièrement au phénomène de privatisation de la sécurité.

En effet, dans le cadre du débat sur les SMP, les partisans de la norme antérieure du concept de monopôle étatique de la violence sont opposés à l'idée du moment libéral, constaté par Susan Strange48 et appliqué par les Etats occidentaux.

De plus, le phénomène de privatisation de la sécurité a été amorcé aux Etats-Unis. C'est un critère de référence pour les deux chercheurs.

Enfin, les collusions dénoncées entre les dirigeants américains et les lobbies de l'industrie de la sécurité privée montrent explicitement que le modèle développé s'applique aux sociétés militaires privées.

A la lumière de ces deux théories complémentaires, trois points seront successivement abordés dans le développement. Le premier concerne les diverses clefs de compréhension de l'émergence de la norme. Nous verrons que la norme répond parfaitement aux dynamiques caractérisées par les approches théoriques. Le deuxième point s'attachera à expliquer

48 (1923-1998), Susan Strange est une des fondatrices de l'économie politique internationale. Auteur de la thèse du déclin hégémonique et du retrait de l'Etat.

comment le recours au privé pour les missions de sécurité constitue un péril majeur pour la souveraineté des Etats. Enfin, le dernier développement détaillera la notion de contrainte normative. Nous étudierons alors les outils dont disposent les Etats pour s'adapter à cette norme inéluctable et tenter de juguler l'action du privé sur le public.

Chapitre 1 : Le recours aux SMP : une norme internationale inéluctable

Le contexte de la norme : diverses approches du phénomène mondial

« La réduction générale des forces armées consécutive à la fin de la guerre froide [...] met sur le marché surabondance d'hommes et de matériel. »

Richard Banégas, docteur en Sciences Politiques, 199849.

La fin de la Guerre Froide puis l'abolition de l'Apartheid laissent du jour au lendemain plusieurs centaines de milliers de soldats sans profession. En outre, en Europe, la fin des années 90 marque la suspension de la conscription pour la plupart des pays européens, exception faite de l'Italie et de l'Allemagne.

En effet, selon Jean-Jacques Roche, la fin de la guerre froide s'est traduite pour beaucoup de pays par un mouvement général de professionnalisation.

Plusieurs points sont à l'origine de ce phénomène :

- la disparition de la menace directe aux frontières ;

- la prise en compte des besoins pacifiques de la société ;

- la sophistication croissante des matériels ;

- la multiplication des opérations extérieures et des crises régionales.

En outre, la convergence des modèles économiques sous l'influence du modèle anglo-saxon a largement contribué à l'accélération de la privatisation. L'hégémonie du système américain (au sein duquel s'est développé le mercenariat entrepreneurial) et le triomphe de l'économie libérale ont poussé les autres Etats à imiter le système américain.

Les Etats-Unis ont dès le début des années 1990 privilégié le développement des SMP sous
la direction d'anciens généraux à la retraite (cas de MPRI par exemple). Cette méthode a eu

49 BANEGAS Richard, «Le nouveau business mercenaires», Critique Internationale, n°1, automne 1998.

pour effet de propager les principes de fonctionnement de l'économie dominante, à savoir le modèle américain. Dès lors, ce modèle a été imité par tous.

Les deux raisons développées en préambule ne suffisent pas à expliquer l'essor des SMP à l'échelle planétaire. Trois autres axes d'approche vont être envisagés à présent.

I. Approche économique

Lorsqu'il s'agit de justifier publiquement le recours à l'externationalisation des missions de sécurité, l'argument phare avancé par les décideurs politiques réside dans l'aspect économique des services proposés. Ces arguments sont d'ailleurs très largement repris par les sociétés militaires privées, qui sont de véritables entreprises commerciales.

Depuis la fin de la guerre froide et la disparition pour les puissances occidentales de la menace à l'Est, force est de constater que la réduction des budgets de la défense va de paire avec le dégraissage massif du format des armées. Entre 1987 et 1997, les effectifs cumulés de la France, de la Grande-Bretagne, des Etats-Unis et de la Russie sont passés de 5,23 à 1,24 millions d'hommes50.

Comme les chiffres le montrent, les puissances occidentales sont engagées dans une réduction progressive des budgets de défense. Bien qu'ils atteignent encore des sommes astronomiques, des coupes sévères vont encore avoir lieu. En cette période de troubles planétaires marquée par la crise qui affecte les marchés financiers, les pistes d'économie sont activement recherchées. Ainsi les économies potentielles liées à l'outsourcing militaire (terme américain pour la privatisation) permettraient de dégager des millions d'euros chaque année. Cet argent pourrait être réinjecté dans la conduite des politiques sociales ou dans le secteur de l'enseignement, voire de la recherche.

A titre d'exemple, des études ont été menées, dès 2000, sur le coût réel de l'emploi de SMP par rapport à des troupes régulières.

En effet, les firmes privées ne sont rémunérées que lorsqu'elles sont employées. Les soldats professionnels sont soldés tout au long de leur carrière ou de leur contrat dans les forces. Qu'ils soient en opération, à l'entraînement, en permissions ou en congé maladie, les soldats constituent une charge terrible pour les Etats qui les emploient, au sens de la masse salariale que ces soldats représentent. Les employés des SMP, quant à eux, ne sont à considérer que comme des intérimaires ; leurs services sont loués. Cette idée de location de la sécurité à

50 IISS, The military Balance, 1987-1997.

moindre coût rencontre de nombreux soutiens, que ce soit dans la sphère publique comme dans le privé.

Déjà en 2006, Jean-Marie Vignolles écrivait : « le contrat passé entre la Sierra Leone et Executive Outcomes, en 1995, a certes coûté 35 millions de dollars au gouvernement de Freetown pour huit mois d'intervention [...] mais cette somme semble bien dérisoire quand on la compare aux 247 millions que le déploiement précédent et finalement inefficace d'observateurs de l'ONU avait coûté, pour une mission d'une durée totale de vingt et un mois51. »

Ainsi, le Department of Defense américain a estimé pouvoir récupérer près de 60 milliards de dollars pour la période 2006-2012. Cette somme colossale serait épargnée en remplaçant les unités régulières américaines par des troupes composées d'employés de 60 sociétés privées, toutes américaines. L'effectif global de ces soldats de location serait porté à 30 000 hommes et femmes. L'économie espérée est considérable. Afin de comprendre le mécanisme de cette économie, nous allons nous appuyer sur les travaux du chercheur français Georges-Henri Bricet des Vallons. Dans son ouvrage, Irak, terre mercenaire, il met en balance le coût d'une unité d'infanterie de l'Army américaine et de celui de l'équivalent privé52. Pour ce faire, il utilise les publications du Congress Budget Office (CBO) et s'appuie sur un contrat, juteux, passé entre la société Blackwater et le Pentagone. Ce contrat concerne la fourniture de 189 hommes. En considérant le format standard de l'US Army, à savoir une unité sur le terrain pour deux unités en base arrière, le coût total de la force régulière s'élève à 110,1 millions de dollars. L'unité fournie par Blackwater coûtera 98,5 millions de dollars. Ce coût estimé comprend les dépenses en personnels, en équipement, en véhicules mais également en assurance. Car le coût de l'assurance pèse fortement dans la balance et sera développé plus loin dans l'étude. L'économie réalisée pour le contribuable américain est de 11,6 millions de dollars53.

Le recours aux SMP comme moyen de se soustraire aux lourdeurs des dépenses de défense semble attractif. Toutefois, très peu d'études ont à ce jour été publiées. Les sociétés ne communiquent que rarement sur le montant des contrats passés avec les gouvernements et ces derniers ne s'expriment pas sur le sujet.

Si l'emploi de SMP en temps de paix permet de dégager des économies, cette vérité est loin
d'être réaliste dès lors que le recours est effectué en temps de guerre. En effet, le brouillard de

51 VIGNOLLES J-M, « De Carthage à Bagdad, le nouvel âge d'or des mercenaires », Editions des Riaux, Paris, 2006, p.88.

52 BRICET des Vallons, Ibid. p.166-168.

53 Congress Budget Office, Contractor's Support of US Operations in Iraq, août 2008.

la guerre clausewitzien et l'incertitude qu'il engendre sur la durée du conflit et sur son intensité, ne permettent pas de livrer une étude comptable précise. Les contrats qui courent sur plusieurs années engendrent des coûts difficilement quantifiables. En outre, le montant des services proposés par les SMP est fonction du cours des matières premières, notamment du pétrole et de l'acier. De même, les prix sont également liés à la dangerosité du théâtre ou encore aux catastrophes naturelles.

Cas de l'Afghanistan

Ce phénomène de surcoût a été constaté en Afghanistan. En effet, les troupes de l'OTAN ont de plus en plus recours à des entreprises privées pour l'acheminement et la sécurisation des flux logistiques. Le flux logistique repose à 60 % sur un transit par le Pakistan, depuis le port de Karachi et via le passage de Khyber, jusqu'à Kaboul puis Bagram. Les entreprises doivent régulièrement payer une taxe routière et doivent négocier de longues heures avec les douaniers pakistanais avant de pénétrer sur le sol afghan. En outre, les convois sont épisodiquement attaqués par des milices privées, par des groupes de combattants insurgés, ou par des soldats pakistanais (ces derniers cherchant à compléter un faible salaire payé irrégulièrement). Le trafic routier a été fortement entravé l'été dernier lors des inondations survenues au Pakistan à l'été 2010. Les routes principales au centre et à l'ouest du pays ont été fermées. Les axes secondaires ont rapidement été submergés par le flot de véhicules en attente le long de la route vers Kaboul. En outre, des milliers de réfugiés ont fui les zones dévastées, augmentant par leur nombre les difficultés de circulation. L'OTAN a par conséquent perdu quantité de produits et a dû faire circuler ses convois sur des couloirs logistiques de variantement. Le Northern Distribution Network a donc rapidement pris de l'ampleur au cours de l'été 2010 afin de palier au manque de fluidité des couloirs logistiques du sud. Ce virage logistique a induit un surcoût énorme pour l'OTAN et les pays contributeurs54.

Dans le cas de longs conflits exigeants, la rentabilité constatée en temps de paix, n'a plus lieu. Outre cette différence de régime entre temps de paix et temps de guerre, le coût de l'assurance est un autre paramètre du coût de la guerre.

Pour étudier ce facteur, nous utiliserons le cas des Etats-Unis.

54 Articles disponibles sur le site de l'ISAF, http://www.isaf.nato.int

En effet, Georges-Henri Bricet des Vallons rapporte que les « frais liés aux pensions d'invalidité des anciens combattants pourraient se chiffrer entre 400 et 700 milliards de dollars à l'horizon 201755. »

Les contrats qui lient les Etats-Unis aux firmes de sécurité privées qu'ils emploient, stipulent que les salariés doivent obligatoirement avoir souscrit une assurance. Le Defense Base Act (DBA), une police d'assurance américaine, impose aux dirigeants des sociétés privées de souscrire une assurance pour leurs employés. Semblables aux polices d'assurances françaises, elles couvrent les frais médicaux en tous genres. Toutefois, si la blessure ou le décès résulte de acte de guerre ou de terrorisme, c'est le gouvernement américain qui rembourse les frais directement à l'assureur.

Les compagnies d'assurances, peu scrupuleuses, invoquent régulièrement le DBA afin de dégager des marges substantielles.

De fait, c'est bien le contribuable américain qui paie les factures d'assurances des salariés du privé.

Les trois facteurs développés dans ce point mènent à la conclusion que le recours aux SMP présente des avantages économiques certains, qui nécessitent toutefois de véritables études de marché. De fait, l'argument économique est à considérer avec réserve.

Toutefois, d'un point de vue de l'analyse économique, la notion de « patriotisme économique » peut être abordée. Avec la mondialisation et la libéralisation des marchés, les nations sont à présent en compétition sur le terrain économique. Gagner des parts de marché est devenu primordial pour survivre dans la jungle capitaliste. Dans ce contexte, les entreprises sont forcées de se prémunir de la concurrence malveillante d'autres sociétés avides. La notion d'intelligence économique, l'engouement national pour cette discipline et le développement de sociétés de conseil en intelligence économique témoignent de la volonté des pouvoirs publics de déléguer au privé la charge de protéger les entreprises qualifiées d'intérêt stratégique pour la nation. En France, cette délégation est encore au stade du balbutiement puisque la Direction de la Protection et de la Sécurité de la Défense (DPSD), a entres autres la mission de veiller à la sécurité du personnel, des informations, des matériels et des installations sensibles relevant de la défense nationale. Toutefois, nous pouvons rappeler la lutte des services de veille économique de la société Dassault, lors de la tentative de vente du Rafale au Brésil.

55 BRICET des Vallons, Ibid. p. 169.

II. Approche politique et sociétale

Outre l'avantage économique que le recours au privé peut engendrer à court terme, la privatisation présente un coût politique certain. Le sujet de la privatisation est pourtant très peu discuté en France, alors qu'outre Atlantique ou au Royaume-Uni, le sujet fait débat. Le gouvernement britannique a d'ailleurs placé la question de la privatisation au centre de son green paper, équivalent du livre blanc français. Le rapport parlementaire britannique met l'accent sur les enjeux du recours au privé, sur les avantages et les inconvénients de l'apparition de civils au milieu du champ de bataille mais aussi sur les moyens possibles de réguler l'action des SMP et de limiter leur pouvoir de nuisance.

En acceptant ouvertement le débat, le gouvernement britannique se déclare partisan d'une privatisation préalablement réfléchie.

A. Flexibilité et discrétion

Les enjeux politiques de l'emploi des SMP sont bien réels et les avantages certains.

Comme le souligne Deborah Avant : « si vous envoyez des soldats, quelqu'un le saura ; s'il s'agit d'une entreprise privée, quasiment personne. » La grande flexibilité et la discrétion dont peuvent faire preuve des « conseillers en civils » constituent un atout majeur pour les Etats désireux d'agir en toute discrétion.

Nous pouvons citer comme exemple révélateur de ce phénomène l'action de la société MPRI dans les Balkans. Envoyée à la demande du Pentagone, la société américaine s'est mue en relais de la politique étrangère des Etats-Unis dans cette zone fragile de l'Europe. Les EtatsUnis, grâce aux conseillers civils américains de la société, ont pu ainsi imposer leur volonté de manière douce et non visible, sans pour autant déchaîner la colère de Moscou. Plutôt que l'intervention directe de troupes régulières, les Etats-Unis ont opté pour une approche plus douce, qui pourrait véritablement être qualifiée de sournoise par les détracteurs des SMP.

Bien que régulièrement citée par les chercheurs intéressés par le sujet de la privatisation, la citation d'Olivier Hubac est caractéristique du phénomène. Selon lui, les sociétés militaires privées « constituent une force d'appoint en politique étrangère qui permet d'intervenir en sous-main. En cas de dérapage, il sera d'ailleurs plus facile pour l'Etat de nier les faits56. »

56 Olivier HUBAC, « L'essor du mercenariat entrepreneurial », « Mercenaires et polices privées : la privatisation de la violence armée », Manchecourt, édition Universalis, Le tour du sujet, 2005, p.40.

Pour un Etat, employer des SMP permet de mener des actions en marge de la politique officielle du pays. De fait, ces sociétés privées permettent de conserver un des grands principes de la guerre, exprimé par Foch, à savoir conserver une large liberté d'action.

B. Impact émotionnel

La discrétion et la flexibilité de l'emploi des SMP ne sont pas les seuls atouts politiques. Il existe un deuxième facteur d'importance, à savoir le « poids des morts » dans l'opinion publique nationale. Le général français Bernard de Bressy déclarait en 1999 : « Il s'agit de mener un type de guerre pour un coût minimal, voire nul, en vies humaines57. » En effet, depuis la guerre du Vietnam et le traumatisme engendré par les nombreuses pertes de l'armée américaine, les gouvernements américains, qu'ils soient républicains ou démocrates, ont fait du concept de « zéro mort » un moyen de ménager l'opinion publique. Car les opinions publiques sont intéressées par le devenir des soldats de la nation. La mort de civils sous contrat ne comporte pas la même charge émotionnelle que la mort d'un soldat professionnel. Selon le site icasualties58, entre avril 2003 et septembre 2010, il y aurait eu 468 contractors tués en Irak.

En outre, dans le cas des Etats-Unis, le recours aux SMP permet de contourner, légalement, les limitations d'effectifs imposées par le Congré américain. Ainsi, le Congré a plafonné à 500 le nombre de militaires américains autorisés à stationner sur le territoire de Colombie (dans le cadre du plan Colombie de lutte contre le narcotrafic). En revanche, le Congré ne s'est pas exprimé sur le nombre d'employés de la firme DynCorp autorisés à oeuvrer dans le pays sud-américain.

III. Approche militaire

L'externationalisation repose sur le fondement suivant : libérer les armées régulières des tâches annexes de logistiques et d'intendances afin de pouvoir se recentrer sur le « coeur de métier ». Même si le débat qui entoure l'approche opérationnelle des SMP est largement contesté, aux Etats-Unis et en France en particulier, il convient d'admettre que les employés des SMP représentent en 2011 le deuxième contingent mondial de nature sécuritaire après les forces armées des Etats-Unis. En outre, la Révolution dans les Affaires Militaires ont radicalement changé les méthodes de combat, tant au niveau stratégique, que tactique. Ainsi,

57 De BRESSY Bernard, « La guerre zéro mort : un rêve américain ? », Revue de la Défense Nationale, n°4, Paris, avril 2009.

58 Chiffres disponibles le 16 juin à l'adresse http://icasualties.org/Iraq/Contractors.aspx

dans le cas de la France, les actuelle « opérations de guerre » se caractérisent par la place des technologies et des quatre D énoncés par l'ancien chef d'état-major des armées, le général d'armée Georgelin : « Durcissement, Durée, Dispersion et Diversification ». Ces caractéristiques exigeantes entraînent des besoins en effectifs et en qualification de plus en plus importants. Les armées occidentales réduisent continuellement leur format des armées. Pour la France, cette baisse représente un volume de 54 000 personnels d'ici 2015.

Outre la réduction des effectifs militaires, les technologies utilisées sont de plus en plus pointues. De fait, l'entretien, la réparation et l'utilisation de certains armements requiert des compétences techniques extrêmement poussées. Dans le cas des systèmes d'information, les versions utilisées proposées par la société Thales évoluent rapidement. Les développeurs mettent régulièrement à jour les logiciels. Les exploitants doivent par conséquent périodiquement suivre un stage de remise à niveau. Ces stages sont coûteux en terme d'indemnités et de temps. Souvent, ces compétences rares, dont disposent les salariés des SMP spécialisées dans l'armement de pointe, ne sont pas utilisées en temps de paix et hors période d'engagement opérationnel. Le recours au secteur privé permet de disposer de ces compétences à moindres frais pour l'institution. Aux Etats-Unis, selon Olivier Hubac, près de 28 % des systèmes d'armes sont du ressort du privé. Ainsi, sur le plan humain, les Etats-Unis réalisent une économie non négligeable grâce au privé.

De fait, lorsque les effectifs militaires sont maintenus au plus bas niveau, soit du fait des parlementaires soit en raison du format des armées, il peut être bénéfique de recourir au privé. Cette procédure permet de soulager les forces et de les recentrer sur le « coeur de métier ». Toutefois, il convient de délimiter avec soin les tâches qui peuvent être externalisables.

Parmi les « tâches non combattantes », nous pouvons citer le ravitaillement, le transport, l'alimentation, la traduction/interprétariat et la formation, bien que ce point puisse être débattu. Globalement, ces tâches correspondent aux métiers des armes du Matériel et du Train.

Les britanniques se sont dotés du Private Finance Initiative (PFI). Ce partenariat public privé
prévoit l'acquisition et le maintien opérationnel de divers matériels et équipements qui ne sont
pas utilisés en permanence par les forces. Ainsi, Jean-Didier Rosi nous apprend que le

gouvernement britannique loue à la société Air Tanker des Airbus A 330 militarisés. Hors engagements opérationnels, ces avions sont mis à dispositions d'autres organismes civils59.

La France a choisi également ce mode de fonctionnement pour la gestion d'une partie de son parc immobilier. Un document publié en 2006 par le secrétariat général pour l'administration (SGA), concatène et développe les points de modernisation de l'armée française. En outre, ce texte aborde de manière précise la politique d'externationalisation du pays60.

In fine, les sociétés de type n°4, comme KBR, proposent des services pointus, à l'excellence reconnue et qui s'adaptent au plus près des forces. Globalement, ce type de compétences ne pose pas problème. En revanche, les sociétés d'appui stratégique pose un problème de commandement au chef militaire. Employées directement par le niveau politique, elles ne sont pas subordonnées au militaire, et par conséquent peuvent nuire à l'action de la force. C'est pourquoi la France procède à l'externationalisation de manière très prudente.

Ce problème sera débattu plus longuement dans le paragraphe B de cette partie.

IV. La mutation du phénomène belliqueux

En guise de conclusion de cette partie dédiée à l'étude des causes possibles du phénomène de privatisation, nous voudrions développer une dernière approche. Il s'agit de l'asymétrie des nouveaux conflits.

A. L'asymétrie des conflits actuels

Le monde depuis l'effondrement du bloc soviétique a profondément changé. En outre, le visage de la guerre s'est métamorphosé. La norme ancienne d'affrontements symétriques entre deux grandes puissances industrielles, aux armées développées, à laisser place à des luttes asymétriques. Cette asymétrie constatée dès le début des années 1990 s'est fortement accentuée après les attentats du 11 septembre 2001. Ceux-ci ont révélé à l'opinion publique internationale une nouvelle forme de menace, transfrontalière cette fois : le terrorisme mondial.

Souvent qualifié de combat théorique, le jihad global encouragé par les fondamentalistes
comme Sayyid Qutb, n'a jamais réellement trouvé l'écho mondial que ses fondateurs auraient
souhaité. Toutefois, des jihad nationaux ont vu le jour dans diverses régions du globe. Placés

59 ROSI, J-D, Ibid. p.169.

60 Comité pour la réforme et l'innovation administrative, « La stratégie ministérielle de réforme. Bilan et perspectives », nov. 2006, disponible le XX août à l'adresse http://www.defense.gouv.fr/sga/layout/set/popup/content/download/46275/459986/file/smr 2006 smr 2006.pdf

pour la plupart sous l'égide de la nébuleuse Al Qaïda, ces groupes terroristes monopolisent sans relâche, et de manière toujours plus accrues, les services de renseignements et les forces armées.

Ainsi, cette nouvelle forme de conflictualité phagocyte largement les effectifs et les moyens militaires actuels.

A ce paramètre, il convient d'ajouter la débellicisation croissante des nations occidentales, pour qui la guerre, faute de la connaître sur son sol, de la voir dans ses villes et ses rues, est devenue lointaine.

B. Evolution des critères de sécurité

En outre, les critères de sécurité voulus par les décideurs politiques et exigés par les opinions publiques tendent à s'élargir. Comme le souligne Jean-Jacques Roche, « quand le maintien de la paix se transforme en maintien de l'ordre, il devient évident que la distinction entre sécurité et défense s'estompe et que les pratiques couramment admises en matière de sécurité intérieure (vigiles, détectives, transport de fonds, ...) diffusent dans les activités extérieures61. »

La privatisation permet alors d'apporter des solutions, grâce à des moyens adaptés, à des problèmes nouveaux de sécurité intérieure, non rencontrés jusqu'alors.

Enfin, le nouveau concept de « sécurité globale » exige que les gouvernements apportent une réponse adaptée et mesurée. Car la sécurité ne concerne plus que le militaire, elle englobe d'autres aspects tels que l'économie, l'environnement et les droits de l'homme. Ainsi, comme le souligne Roche, la fourniture de solutions alternatives devient une priorité. En ce sens, les SMP sont encouragées à développer leurs services.

Cette partie aborde le phénomène de privatisation en explicitant les différentes approches de l'émergence de cette norme. Ces approches sont économiques, politiques et opérationnelles. Toutefois, la délégation des Etats participe au processus classique de diffusion d'une norme. La norme est créée dans un pays, puis reprise par d'autres Etats qui les font adopter par leurs opinions publiques nationales.

La logique de privatisation de la force s'inscrit pleinement, à notre sens, dans le cycle des normes tel qu'énoncé par Martha Finnemore et Kathryn Sikkink. En outre, la question de la privatisation de la sécurité trouve sa légitimité à travers les travaux de Yves Schemeil et Wolf-Dieter Eberwein.

61 ROCHE Jean-Jacques, « Privatisation de la sécurité ou les nouveaux mercenaires », Les rendez-vous du CHEar, février 2008, pp. 6-7.

Chapitre 2 : Le recours aux SMP : les dangers pour l'Etat, le public au service du

privé.

Deborah Avant, professeur de sciences politiques à l'université Irvine de Californie, a publié en 2005 un ouvrage sur la privatisation de la sécurité et l'impact généré par ce phénomène sur la capacité des Etats à résoudre un conflit ou une crise. Dans ses recherches, elle met en garde sur les dangers du recours aux SMP pour l'indépendance stratégique du pays client. Ces sociétés étant mues par une dynamique de profits et de résultats, leurs intérêts divergent presque systématiquement avec les intérêts des Etats. De manière générale, elle écrit que « le fait que les Etats-Unis, la Grande Bretagne, l'Australie, les Nations-Unies louent des services privés de sécurité, peut réduire le contrôle de l'Etat sur son propre territoire national et par la suite compliquer la résolution du conflit62. »

Dans sa conclusion, elle met en garde les Etats sur les dangers de la mondialisation et de la privatisation à outrance. Elle se montre favorable à la conservation d'une séparation marquée entre public et privé et prône la sauvegarde de la souveraineté de l'Etat, dans la sphère de la sécurité.

Dans cette partie, seront abordés les nombreux problèmes de l'utilisation des SMP par le public.

I. Antagonisme entre logiques économiques et objectifs politiques

La grande majorité des sociétés militaires privées qui passent actuellement des contrats d'envergure avec les grandes puissances occidentales sont des filiales de grands groupes industriels. Liées étroitement avec les complexes militaro-industriels, leur situation financière est confortable. Toutefois, ces sociétés sont soumises à une logique d'actionnariat divers, comme les fonds de pension et les holdings financières internationales. Financées par des capitaux privés, ces sociétés sont soumises à résultats.

Le premier danger que nous pouvons citer réside dans une éventuelle faillite de ces sociétés.

62 AVANT Deborah, D, The market for force : the consequences of privatizing security, Cambridge University Press, 2005, 302 pages.

Avec la crise des marchés financiers qui sévit depuis 2007, il est possible, bien que peu probable, que les investisseurs privés cherchent à retirer leurs capitaux de ces sociétés. Il résulterait de ce phénomène une faillite des SMP. Le danger est réel sur le terrain.

En effet, une société engagée aux côtés de troupes régulières qui se verrait en faillite mettrait en péril la mission militaire. Le danger de la faillite est réel puisqu'il conditionne le succès des armes.

Le deuxième paramètre à prendre en compte repose sur la question de la fiabilité à long terme des SMP. Les sociétés militaires privées s'inscrivent dans un marché concurrentiel. Des fusions acquisitions régulières rythment la vie de ces sociétés.

Ainsi la société américaine MPRI s'est vue rachetée par le géant de l'électronique L3, qui a également fusionné avec la société Titan Corp. Le risque est faible lorsque les sociétés rachetées sont de la même nationalité que la société dominante. En revanche, lorsque les nationalités diffèrent, les Etats clients peuvent être confrontés à un changement de politique. A titre d'exemple, nous pouvons citer la société britannique, Armor Group, rachetée par la firme danoise G4S.

Le troisième point d'importance concerne l'objectif principal des SMP. En effet, ces sociétés, bien que parfois mues par des idéaux démocratiques, recherchent avant tout le profit. Les sociétés militaires privées sont des entités commerciales en quête de bénéfices. Les sociétés privées se nourrissent de l'instabilité mondiale. Les SMP ont en effet connu un essor financier sans précédent grâce aux deux conflits en Irak et en Afghanistan. La question de la légitimité de leurs intentions peut se poser au chercheur.

En outre, l'annonce en 2010 du président Karzaï de voir les SMP quitter l'Afghanistan a provoqué un séisme de grande ampleur dans les milieux de la sécurité, mais également dans les pays de la coalition. En effet, pour les gouvernements étrangers représentés à Kaboul, les SMP sont les garants de la sécurité de leurs emprises diplomatiques et des bâtiments officiels. Officiellement pour le gouvernement afghan, les SMP sont une insulte permanente à la souveraineté du pays. En effet, les conventions internationales stipulent que la sécurité extérieure des ambassades et des représentations diplomatiques doit être du ressort du pays hôte. Actuellement, les bâtiments dans la capitale afghane sont gardés par des gardes privés. Il n'y a qu'à traverser la zone verte dans la capitale afghane pour s'en convaincre. Officieusement, Hamed Wali Karzaï, le demi-frère du Président afghan, était l'actionnaire

majoritaire de la société afghane Asia Security Group (ASG)63. Le départ des SMP occidentales d'Afghanistan signifierait la récupération d'un nombre non négligeable de contrats.

L'appel afghan a été lancé, mais le départ de ces sociétés n'a pas été encore programmé par les pays de la coalition qui redoutent de voir les forces de sécurité afghanes dépassées par la recrudescence de la violence.

Ainsi, les motivations économiques des SMP peuvent représenter une première difficulté dans la mesure où elles suivent un objectif de maximisation du profit. Cette logique semble s'opposer à la poursuite des objectifs politiques des Etats clients.

II. La sur-dépendance des armées au privé

« Nous devons nous prémunir contre l'influence illégitime que le complexe militaro-industriel tente d'acquérir, ouvertement ou de manière cachée64. »

Dwight Eisenhower, Président des Etats-Unis d'Amériques

La politique d'externalisation amorcée aux Etats-Unis dès la guerre de Corée et accélérée par les conflits en Irak et en Afghanistan, a atteint un point de non-retour.

Le marché de la sécurité privée a pris une telle ampleur aux Etats-Unis qu'il devient difficilement convenable d'opérer un retour en arrière.

Les entreprises de sécurité privées ont s'inscrivent à présent dans tous les secteurs de la défense américaine.

Le DoD américain a progressivement fait de l'outsourcing son bras armé. Ce phénomène inquiétant a été qualifié par Bricet des Vallons comme une « surdépendance des armées au secteur militaire privé65 ». Le spécialiste de la privatisation fournit de nombreux exemples de surdépendance au privé, dont les plus pertinents sont exposés dans le développement qui suit.

63 Société de sécurité privée afghane spécialisée dans les escortes de convoi. Elle emploie près de 10 000 salariés. La société exerce la majorité dans le sud du pays (provinces de l'Helmand et de Kandahar), zone fief du demi-frère du président afghan.

64 EISENHOWER, D, Discours de fin de mandat, 17 janvier 1961.

65 BRICET des VALLONS, G-H, Ibid. p.204.

A. Dépouillement matériel et immatériel

Les SMP sont devenues un acteur incontournable du champ de bataille. Présentes à de nombreux niveaux, elles participent aujourd'hui activement à la reconstruction des pays dévastés par la guerre. Le contingent de civils représente une force importante.

Précisément, le nombre de contractors en activité en Irak et en Afghanistan est impossible à obtenir. Les sociétés privées ne communiquent pas sur le nombre exact de salariés employés. En outre, les SMP sont nombreuses à recourir à la main d'oeuvre locale, bon marché et corvéable à souhait.

En 2005, le nombre de SMP présentes en Irak était porté à 60, pour un effectif global de 20 000 hommes. En 2006, le nombre d'entreprises a triplé. Selon la cour des comptes américaine (GAO), il est possible d'estimer le nombre de salariés de sociétés privées à 120 000. Cet effectif porterait ainsi le ratio civil/militaire à 1 contre 1. Selon Bricet des Vallons, cette proportion a été atteinte aux Etats-Unis uniquement lors de la guerre des Balkans, où les effectifs civils, estimés à 20 000 civils sous contrat, rivalisaient avec le chiffre des 20 000 militaires déployés66. Un tableau récapitulatif, présenté à la figure n°2 reprend l'évolution de la démographie des forces civiles au sein de l'armée américaine depuis la guerre d'Indépendance.

A Kaboul, le ministère de l'Intérieur Afghan recense 52 SMP répertoriées. 25 000 contractors seraient officiellement enregistrés auprès du ministère. Toutefois, le Congré américain rapporte que beaucoup de sociétés travaillent sans licence. De fait, les experts de la question tablent sur un effectif de 100 000 contractors, locaux ou étrangers, travaillant en Afghanistan.

Avec des volumes de force aussi élevés, les civils sous contrats représentent un contingent non négligeable. Les armées régulières doivent par conséquent les intégrer pleinement dans les opérations, civiles et militaires.

Devant le perfectionnement des systèmes d'armes utilisés, les armées occidentales et les Etats-Unis en particulier confient de plus en plus la préparation et la gestion de ces matériels à des sociétés spécialisées. De fait, les moyens capacitaires des armées sont alors grandement affectés, en particulier dans le domaine de la haute technologie : « certaines missions ont été si massivement externalisées que le gouvernement ne possède plus le savoir-faire et la capacité de les remplir sans les contractors67. »

66 BRICET des VALLONS, G-H, Ibid. p. 26.

67 SCHATMANN Noël, « Blackwater and Friends : America's Achilles's Heel ? », Danger Room, 2007.

Ce qui est vrai pour les matériels et les savoir-faire, l'est tout particulièrement pour les personnels. Bricet des Vallons développe la notion de « Soldier Drain » et dresse le bilan de l'externalisation sur les armées régulières. Nous préférons parler de la notion de problème de fidélisation.

L'attrition est un phénomène qui tend à prendre de l'ampleur dans les armées occidentales. Ce début du XXIème siècle est caractérisé par l'exode massif des militaires vers le privé. Ce phénomène est particulièrement préoccupant outre-atlantique.

En effet, l'attractivité des salaires et du matériel moderne mis à disposition des employés des SMP représente un atout majeur de recrutement d'anciens soldats par les firmes de sécurité. Ce phénomène de migration est souligné par Deborah Avant. Dans son ouvrage, elle met en avant le caractère attractif des salaires proposés par les firmes de sécurité aux anciens militaires : « PERSONNEL MILITAIRE recherché. A la recherche de candidats possédant une expérience militaire et/ou judiciaire. Toute expérience dans les forces spéciales particulièrement bienvenue. Les personnes doivent être capables de travailler dans un environnement hostile durant de longues périodes. Salaire : compétitif68 ».

En outre, elle soulève le problème que pose le départ anticipé de certains personnels militaires spécialisés en terme de coût pour l'Etat. En effet, les pilotes d'hélicoptères ou les membres des forces spéciales ont une empreinte financière particulièrement lourde en terme de formation.

Les militaires résistent de moins en moins à l'appel des sirènes du privé et les institutions militaires peinent à concurrencer les recruteurs.

B. Le projet Matrix, le privé au contrôle du privé

A la suite de nombreuses bavures commises en Irak par des employés de SMP, le commandement de la Coalition prend la lourde décision de créer un organe de surveillance des SMP opérant sur le théâtre irakien. Contre toute attente, la direction de cet organe est confiée à une autre société de sécurité privée, la firme britannique Aegis. De part le nombre de contrats que la société honore sur le sol irakien, Aegis se positionne comme la société leader en Irak. Ce nouveau statut lui confère alors une autorité suprême. A sa supériorité sur le marché s'ajoute à présent sa supériorité morale.

68 AVANT Deborah D, The Market for Force, The consequences of Privatizing Security, Cambridge, Cambridge University Press, 2001. «320 Help Wanted MILITARY PERSONNEL. Seeking candidates with military and/or law enforcement experience. Experience in any branch of Special Forces is particulary welcome. Individuals must be able to work and live in a hostile field environment for extended periods of time. Salary : competitive»

Le projet Matrix est ainsi mis sur pied en mai 2004. Une base de données recensant la totalité des incidents est créée. Toutefois, l'inscription au Reconstruction Operation Center repose sur le volontariat des sociétés. Il ne s'agit que d'une base de données statistique, sans grand intérêt pour le commandement américain. Sa seule utilité réside dans le fait de calmer les autorités irakiennes.

Nous pouvons toutefois nous étonner que cet organe de contrôle n'ait pas été confié à une autorité morale relevant de la sphère public. Il aurait été aisé de confier ce rôle à une commission sénatoriale ou un groupe d'observateurs de l'ONU.

Cette volonté de l'Etat de déléguer cette compétence au privé démontre clairement la situation d'asservissement à la filière entrepreuneuriale.

III. La frustration des forces armées régulières

Cette promiscuité imposée peut provoquer un conflit d'intérêt entre civils et militaire. Le champ d'action de certaines sociétés, comme celles du type n°3, peut parfois rivaliser avec l'action des soldats gouvernementaux.

En outre se pose régulièrement du commandement des salariés des SMP. Les firmes honorent un contrat spécifique qui n'est pas toujours lié à l'action des unités militaires. Ainsi, il est courant pour des militaires d'observer des civils armés au milieu de leur zone d'opération sans connaître ni leur mission ni leur objectif à court et moyen terme. C'est régulièrement le cas en Afghanistan le long des Highway (autoroutes circulaires qui longent la frontière afghane). De nombreuses sociétés privées engagent des locaux. Ces sociétés s'appuient sur leur connaissance du milieu de ces véritables milices privées. Cependant il est souvent difficile de les distinguer de groupes d'insurgés qui jalonnent les axes. De fait, des dommages collatéraux surviennent régulièrement.

L'externalisation des tâches périphériques de la Défense est un phénomène qui peu à peu s'installe dans les esprits des militaires. Sur les théâtres, civils et militaires se côtoient. Les salariés du privé en armes se fondent peu à peu dans le paysage militaire. Toutefois, cet amalgame civil/militaire n'est pas sans poser quelques problèmes, liés notamment au ressenti des soldats réguliers. Ainsi confrontés à la sous-traitance, les militaires de toutes nationalités, américains en tête, ressentent un profond malaise69.

69 MAKKI Sami, Processus et bilan de l'externalisation dans l'armée britannique - Quels enseignements pour

En effet, les militaires présentent parfois un sentiment de frustration face à la débauche de moyens mis en oeuvre par les SMP (armement, tenues adaptées, salaires, liberté d'action, responsabilités et autonomie).

En outre, l'action des SMP peut également changer la perception des opinions publiques sur le rôle voire l'utilité de l'institution militaire.

Face au phénomène de privatisation, Peter Warren Singer n'hésite pas à parler d'échec des armées nationales. Selon lui, le remplacement des militaires par des contractors dans leurs tâches habituelles (déminage, génie, renseignement), peut s'interpréter comme un véritable échec. Il parle notamment de « menace de la position des militaires dans la société70 ». SINGER choisit des termes forts afin de marquer les esprits et de sensibiliser les gouvernements au danger de la privatisation arbitraire.

IV. Les SMP dans une logique de contre-insurrection : la compromission de la mission des forces armées

L'impact des acteurs privés sur le champ de bataille peut avoir des répercussions non négligeables jusqu'au niveau stratégique, en particulier lors de bavures ou de tirs fratricides. Sans être exhaustif, il nous a paru opportun de rappeler l'épisode de la bataille de Falloujah. En 2004, quatre employés de la société Blackwater sont lynchés par la foule après l'attaque par des insurgés d'un véhicule américain dont ils avaient la charge. Cet épisode malheureux donne lieu à une offensive militaire américaine. Au cours de ce carnage, 36 soldats américains près de 200 insurgés et environ 600 civils sont tués. De nombreux autres sont blessés.

Cette fois ci, les militaires sont venus au secours de salariés d'une société privée. La force militaire a été détournée de sa mission principale et son image en a souffert tant dans l'opinion publique américaine qu'au sein du gouvernement irakien.

Les conflits asymétriques actuels nécessitent des réponses adaptées. Aussi l'OTAN a-t-il développé une stratégie de contre insurrection en Afghanistan, la COIN.

la France ?, Les documents du SD, n°66, Octobre 2004, p. 83.

70 SINGER Peter Warren, Corporate Warriors, The Rise of the Privatized Military Industry, Cornell, Cornell University Press, 2003, p. 197-198.

Il nous a semblé important de rappeler les lois spécifiques de la contre insurrection au sens de Galula71.

Galula a défini quatre lois spécifiques de la contre insurrection :

- le soutien de la population est aussi vital pour les loyalistes que pour l'insurgé ;

- ce soutien s'obtient par l'action d'une minorité active et impose aux loyalistes d'inventer une contre-cause ;

- le soutien de la population ne s'obtient que si le loyaliste est en position de force, c'est à dire s'il peut s'appuyer sur une organisation politique solidement ancrée dans la population ;

- l'intensité des efforts et la quantité de moyens sont essentiels. Les efforts ne doivent donc pas être dilués dans tout le pays : ils doivent être appliqués successivement à chaque région.

La population est au coeur des doctrines de contre insurrection. C'est pourquoi « gagner le coeur et les esprits » de la population est primordial et probablement plus important que de s'assurer la suprématie tactique sur les insurgés. Pour vaincre l'insurrection, il est nécessaire de couper la population des insurgés et s'attirer le soutien de celle-ci.

Les incidents impliquant des membres de sociétés militaires privés sont nombreux. Toutefois, d'après la Cour des comptes américaines, en 2009, plus de 300 militaires américains avaient déjà fait l'objet de poursuite alors qu'aucun contractor n'a été sanctionné judiciairement. Après que le collectif Human Rights Watch ait dénoncé les abus des entreprises de néo mercenariat, un mémorandum de la Cour des comptes américaine a relevé le nombre et les motifs de licenciement de salariés de la société Blackwater entre 2003 et 2007. Sur un total de près de 120 licenciements, près de 25 % sont liés à des infractions liées aux règles d'emploi des armes (à savoir le non respect des règles d'engagement, tirs fratricides, dommages collatéraux) et encore un quart concerne la prise d'alcool et de stupéfiants. Ce tableau sera repris dans son intégralité en figure n°3.

Jacques Follorou, dans un article publié en 2009 dans le quotidien Le Monde, dénonce les
nombreux incidents survenus avec des employés de SMP en Afghanistan. Ainsi, il rappelle
l'épisode d'octobre 2009 au cours duquel des soldats de l'Armée Nationale Afghane se sont

71 Saint-Cyrien, le lieutenant-colonel David Galula a été acteur puis observateur des deux guerres majeures de décolonisation françaises avant de devenir chercheur à l'université de Harvard. Il est l'auteur de deux ouvrages militaires sur la lutte contre insurrectionnelle. Il est considéré à ce jour par la communauté militaire américaine comme le principal stratège français du XXème siècle.

soulevés contre leurs instructeurs britanniques qui consommaient de l'alcool devant eux, lors du jeune du Ramadan72.

Les abus trop souvent rapportés dans les médias ont fini par lasser les opinions publiques internationales. Dans une logique de contre insurrection, l'attitude d'employés de SMP peu scrupuleux nuisent à l'action de la force. Il convient de rappeler que des soldats appartenant aux forces régulières, adoptent parfois une attitude peu respectueuse des us et coutumes locaux. Militaires et civils doivent donc se résoudre à adopter un profil discret qui contribuera aux succès de la stratégie mise en place par les coalitions. Les SMP, ont besoin d'être encadrées pour gagner en respectabilité et devenir de véritables acteurs non étatiques de la Défense.

Les SMP sont devenus des acteurs incontournables de l'action politique et militaire. Comme il a été rappelé dans cette partie, le recours aux services de sociétés militaires privées induit des dangers pour la souveraineté des Etats. Ces derniers doivent recourir aux SMP avec précaution. En effet, le privé peut menacer les relations civilo-militaire mais également nuire à la politique étrangère des Etats. La question de l'attitude à adopter par les Etats, la France en particulier, face à l'émergence de cette norme du recours aux SMP, va être au centre du point suivant.

72 FOLLOROU, Jacques, « L'Afghanistan, nouveau marché des sociétés militaires privées », Le Monde, 20 novembre 2009.

Chapitre 3 : La maîtrise de l'impact des SMP : l'adaptation de l'Etat au processus de privatisation.

La privatisation de la sphère de la défense et de la sécurité s'inscrit en dehors de la norme ancienne du monopole de la violence légitime. Comme tout phénomène nouveau, la privatisation de la guerre et l'apparition des SMP sont des évènements inhabituels. De fait, ils suscitent des appréhensions.

Dans cette partie, nous étudierons brièvement le concept ancien énoncé par le sociologue allemand Max Weber. Nous le confronterons ensuite aux théories du cycle des normes et de Wolf-Dieter Eberwein et Yves Schemeil que nous aurons pris soin d'analyser. Enfin, nous verrons que la privatisation de la sécurité est une norme qui peut être régulée à deux niveaux, interne et international.

I. Le monopole de la violence légitime

Le besoin de sécurité, comme l'a montré le psychologue Maslow, est un des premiers besoins fondamentaux nécessaires à la survie et au développement de la personne humaine73. Dans la pyramide de Maslow74, ce besoin se situe immédiatement au dessus des besoins physiologiques (soif, faim, protection contre les intempéries, santé, etc.) et avant les besoins psychologiques (appartenance, estime de soi, auto réalisation) et de spiritualité.

Les Etats sont dépositaires des missions de défense collective. Ils ont acquis le monopole de l'emploi de la force, parfois au détriment des individus qui perdent le contrôle de leur propre défense. Ce risque est évident si le monopole appartient à un Etat totalitaire, mais il n'est pas absent dans le cas d'un Etat démocratique. Confiée entre de mauvaises mains, cette puissance peut avoir des conséquences néfastes pour les individus.

Ainsi, l'Etat est le dépositaire de la violence légitime.

Qualifié par Jean-Jacques Roche75 de modèle idéal-type sublimé, l'approche wébérienne ne correspond en rien à la réalité.

73 Abraham Maslow, Motivation et Personnalité, Harper & Row, New York, 1954.

74 Reportée en figure n°4.

75 ROCHE, JJ, « La privatisation de la sécurité porte-t-elle atteinte aux pouvoirs régaliens ? »

Max Weber s'est probablement attaché à calquer la construction des Etats sur un modèle défini par lui. Cependant, l'Histoire regorge de cas particuliers. Dans la pensée wébérienne, l'Etat moderne a toujours été le garant de la violence. Nous apportons une réserve à cette théorie. En dressant l'historique du mercenariat, nous avons pu constater que l'Etat moderne a progressivement privé les seigneurs de leurs prérogatives militaires, en bannissant notamment les duels et en constituant une armée nationale. Peu à peu, l'autorité suprême a pris le contrôle de la violence. De bandes armées, l'armée est devenue nationale. Les guerres de conquêtes ont rapidement modernisé le visage de la guerre.

De fait, il est préférable d'appréhender le concept du monopole de la violence légitime comme un cheminement intellectuel plutôt que comme une description de la réalité.

L'Etat ne dispose pas d'emblée du monopole de la violence.

Cas des guerres de décolonisation.

Si nous considérons la guerre de décolonisation en Algérie, nous détenons un contre-exemple solide du principe wébérien. En effet, le Front de Libération National (FLN) a usé de violences afin d'une part d'éliminer la concurrence d'autres mouvements de contestation. D'autre part, cette violence a servi à alerter l'opinion publique française et à faire plier le gouvernement français. Devant le niveau de violence atteint par le FLN, le gouvernement a entamé les négociations et a rapidement consenti à l'indépendance de l'Algérie.

Ce cheminement de la création d'un Etat indépendant est l'exact opposé du schéma proposé par Max Weber.

Si le concept de monopole de la violence légitime détenu par l'Etat ne résiste pas à certains faits historiques, Jean-Jacques Roche souligne que cet idéal-type demeure la référence des détracteurs de la privatisation de la guerre76.

Le monopole de la violence légitime apparaît de fait comme une norme internationale qui fut admise en raison de son utilité pour les Etats en quête de légitimité. Cette norme hégémonique est aujourd'hui confrontée à une autre norme, plus libérale.

Comme le rappellent Wolf-Dieter Eberwein et Yves Schemeil, les normes se fertilisent mutuellement et évoluent sous la pression de la mondialisation notamment. Il n'est donc pas surprenant de constater que le concept wébérien est à présent dépassé77.

76 ROCHE JJ, Ibid.

II. Acceptation de la norme

« De véritables entreprises de guerre, souvent d'origine anglo-saxonne, ont, sur ce terreau, pu apparaître et fructifier. [...] Il est à noter, d'ailleurs, qu'il ne s'agit plus du mercenariat traditionnel, individuel, mais de véritables entreprises commerciales, d'autan plus redoutables qu'elles disposent de moyens importants ».

Michèle Alliot-Marie, Ministre de la Défense Nationale, 2003

Finnemore et Sikkink le soulignent, « il ne suffit pas de diffuser une norme pour signifier son acceptation ». Au contraire, l'acceptation ou « cascade de la norme » est réalisée lorsque le nombre d'acteurs étatiques qui adoptent la norme atteint un point de bascule suffisant. Ce seuil n'est jamais défini à priori.

Wolf-Dieter Eberwein et Yves Schemeil vont plus loin dans l'analyse des normes et posent deux critères qui conditionnent l'acceptation de la norme :

- ne pas appliquer la norme devient vite paralysant pour les Etats ;

- ne pas y adhérer par calcul d'intérêt78.

La première condition énoncée est semblable à celle du cycle des normes. Elle concerne en effet le processus de légitimation de la norme par l'édification de standards de législation et/ou de ratification. Afin de légaliser la norme ou de la sanctionner, les Etats mettent en place des processus formels.

Dans le cas de la privatisation de la défense, ce point se vérifie lorsque nous observons l'apparition de législations internes aux Etats. Que ce soit aux Etats-Unis afin de mobiliser les SMP au service de l'Etat ou en Afrique du Sud afin de limiter leur pouvoir de nuisance. Comme le détail Jean-Jacques Roche, une législation trop restrictive traduirait la volonté d'un Etat de se prémunir contre les effets pervers de la norme.

Cas particulier de la France.

Le 14 avril 2003, la France promulgue une loi particulièrement restrictive afin de se
prémunir d'un possible appel du mercenariat. Largement inspirée du protocole additionnel

77 SCHEMEIL Y, EBERWEIN WD, « Le mystère de l'énonciation : normes et normalités en relations internationales ».

78 SCHEMEIL Y, EBERWEIN WD, Ibid. pp. 20-35.

de 1977, cette loi définit le mercenariat par six critères cumulatifs. La France tente ainsi officiellement de se protéger des mercenaires sans toutefois interdire la création de SMP française. Elle n'interdit pas non plus de souscrire un contrat de défense avec une SMP d'origine étrangère, américaine par exemple.

En ce qui concerne la seconde condition d'acceptation de la norme de la privatisation de la sécurité, les travaux de Eberwein et Schemeil apportent un éclairage précis sur la notion de dessaisissement des fonctions régaliennes de l'Etat. En effet, une évolution de la politique des Etats vers l'acceptation de la norme peut être motivée par des considérations tactiques (récupération d'un bénéfice immédiat) ou d'ordres stratégiques (nécessité de se conformer aux pratiques du modèle dominant -les Etats-Unis). Les deux chercheurs avancent également l'adhésion de la norme comme moyen d'éviter des sanctions internationales. Nous avons choisi de caractériser ce dernier point comme la contrainte extérieure. Ne pas céder à la pression internationale (ou celle du marché), aboutirait à s'exclure radicalement du système. Ce serait le moyen de se priver de sa liberté d'action et de perdre sa capacité à proposer de nouvelles initiatives ainsi qu'à orienter l'évolution de la norme. Car les normes ne sont pas figées, elles demeurent en constante évolution.

La France, à défaut de se positionner sur le marché de la guerre privée, se place en situation de contestation. La loi anti-mercenaire de 2003 atteste de la volonté de la France de demeurer en marge du système. L'outsourcing en France représente encore un secteur embryonnaire mais l'idée de la privatisation progresse lentement dans les milieux décisionnels. Le ministère de la Défense aborde le thème de la privatisation de la manière suivante : il s'agit « d'un mode de gestion ancien qui consiste, pour l'administration, à confier à un ou des partenaires externes spécialisés, une fonction, une activité ou un service assurés jusqu'alors en régie79 ».

Le thème du recours aux SMP par la France commence à être envisagé dans les cercles de décisions parisiens. Toutefois, « la France ne semble pas encore décidée à entrer dans le marché80. »

79 Directive ministérielle n°007496 du 26 mai 2003 sur la politique d'externalisation au sein du ministère de la Défense.

80 Cahier de la recherche doctrinale, « L'emploi des SMP en Afghanistan et en Irak », CDEF, juillet 2010, p. 79.

III. La légitimation de la norme

A la lumière de l'approche théorique des Relations Internationales et de la notion de norme, il apparaît que la privatisation de la sécurité et de la sphère de la Défense constitue une évolution inéluctable des Relations Internationales. Ce processus de privatisation ne s'imposera qu'aux Etats qui n'ont pas su ou pas voulu reconnaître son aspect irrémédiable. Initiée dès les années 1960 aux Etats-Unis, la norme du recours aux SMP s'est métamorphosée en norme mondiale. Bien que norme internationale, deux outils de régulations sont envisageables. Ces outils se situent à deux niveaux.

A. Niveau interne

Le premier niveau de régulation se situe au niveau de la politique interne des Etats. Nous l'avons précédemment, les SMP sont un moyen efficace pour les Etats de mener des actions en marge de la politique officielle. Ces actions sont possibles seulement si des liens de confiances existent entre les sociétés et l'Etat.

La privatisation de l'Etat, à notre sens, ne constitue pas le signe du déclin de l'Etat souverain, mais représente le redéploiement de l'Etat dans la sphère privée. Nous assistons simplement à la privatisation de l'Etat. La distinction entre la chose publique et le privé n'est plus aisée. En atteste la présence toujours plus accrue de hauts fonctionnaires à la retraite dans les sphères dirigeantes des entreprises de sécurité privées. Ce phénomène est particulièrement marqué aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

Pour que le partenariat public privé soit efficace, il est primordial que les SMP ne soient pas totalement autonomes. C'est pourquoi l'existence du projet Matrix est particulièrement dangereuse pour la souveraineté des Etats.

Sur le plan des législations internes, le sénateur Michel Pelchat dresse la liste exhaustive des réglementations nationales relatives à l'activité mercenaire81. Ainsi, les Etats-Unis ont élaboré le U.S. Neutrality Act de 1937, l'Afrique du Sud, le Regulation of Foreign Military Assistance Act en 1998, les Britanniques le Foreign Entlistment Act de 1870. A ces nations s'ajoutent le Portugal, la Suisse, la Belgique, l'Australie, la Russie, l'Ukraine, l'Allemagne et la France.

81 Rapport n°142, session 2002-2003, fait au nom de la commission des Affaires Etrangères, de la Défense et des forces armées sur le projet de loi relatif à la répression de l'activité de mercenaires, p. 11-13.

B. Niveau international

Le second type de régulation intervient au niveau international.

Selon Jean-Jacques Roche, les Nations-Unies envisagent le recours aux SMP pour des déploiements rapides82. Cette option pose évidemment la question délicate du cadre juridique à imposer aux SMP. Ainsi, le Secrétariat Général des Nations-Unies (SGNU) pourrait prochainement être à l'origine d'un code de régulation des SMP.

Cette initiative du SGNU est à mettre en relation avec la Convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires, adoptée le 4 décembre 198983. Outre le contenu de ce texte symbolique, le nombre de pays signataires est significatif de l'intérêt porté au caractère légal du mercenariat entrepreuneurial. A ce jour, près de cinquante Etats ont signé cette convention.

Ces deux initiatives participent à la régulation du marché de la guerre et répondent également au souhait des néo entrepreneurs de se détacher de l'étiquette douteuse qui caractérisait les anciens mercenaires.

Ainsi nous pouvons citer l'existence de plusieurs « syndicats » de SMP. Les firmes de sécurité, soucieuses d'améliorer leur image auprès de l'opinion publique internationale et des gouvernements, se sont regroupées en associations professionnelles dont la principale mission est « de faire du lobbying auprès des responsables politiques et des dirigeants des organisations internationales84. Parmi ces syndicats, l'International Peace Operations Association (IPOA) est le plus significatif. Regroupant une quarantaine de SMP américaines, l'IPOA s'est doté d'un Code de Conduite, qui vise à rassurer les gouvernements. Les membres s'engagent à respecter l'éthique et les valeurs fondamentales des Droits de l'Homme. Toutefois, les contrevenants à ces règles n'encourent aucune sanction.

Le code de conduite de l'IPOA est reporté intégralement en annexe 2.

82 ROCHE JJ, « Insécurité Publiques, Sécurité Privée - Essais sur les nouveaux mercenaires »

83 Texte visible dans son intégralité le 20 juillet 2011 à l'adresse : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi 0066-3085 1990 num 36 1 2978

84 ROSI, J-D, Ibid. p.211-212.

C. Cas particulier du Document de Montreux

Le document de Montreux85.

Rédigé en 2008 à l'initiative de la Suisse et du Comité International de la Croix-Rouge (CICR), le document de Montreux est aujourd'hui soutenu par 34 Etats. Cherchant à combler le vide juridique entourant les SMP, le document fixe un ensemble de pratiques qualifiées de respectables.

Le document distingue :

- l'Etat contractant (le client) ;

- l'Etat où la SMP est implantée ;

- l'Etat où la SMP opère.

Le document s'adresse en priorité aux Etats et cherchent à sensibiliser sur l'aspect juridique du recours aux SMP. Ainsi, le document préconise d'identifier les tâches à privatiser et de clarifier au mieux le statut des employés des firmes.

Le document de Montreux possède un caractère symbolique et ne se soustrait en aucune manière à la volonté politique propre des Etats de contrôler les SMP. Toutefois, il convient de saluer l'existence d'un tel document, prélude à une réglementation internationale solide.

85 Annexe à la lettre datée du 2 octobre 2008 adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent de la Suisse auprès de l'Organisation des Nations Unies : « Document de Montreux sur les obligations juridiques pertinentes et les bonnes pratiques pour les États en ce qui concerne les opérations des entreprises militaires et de sécurité privées opérant pendant les conflits armés ».

Conclusion

Nous pouvons à présent conclure notre travail de recherche relatif à l'impact de la privatisation sur la souveraineté de l'Etat.

La première partie de notre raisonnement contribue à apporter une définition des champs de compétences des sociétés militaires privées. La typologie réalisée permet d'évaluer le risque encouru par l'Etat à sous-traiter tel ou tel champ d'expertise. Les sociétés de sécurité privées se sont transformées en de véritables viviers de compétences qui peuvent, dans une certaine mesure, se substituer aux forces régulières. Cette première partie fait également état de l'offre générale proposée par les SMP. Elle permet de saisir le rôle majeur des sociétés de type n°5. Les sociétés de consultance telles que Xe sont au coeur de la polémique soulevée par le débat sur la privatisation de la sécurité. En outre, cette partie a démontré qu'il n'existe aucune SMP française aujourd'hui capable de rivaliser avec les géants anglo-saxons. Cette lacune française contribue à alimenter le scepticisme des dirigeants français à l'égard de la privatisation.

La deuxième partie nous a permis d'aborder le point important du règlement des questions d'éthiques, d'emploi et de remise en cause de la souveraineté de l'Etat et de l'utilité des armées nationales. Ces questions essentielles ne pourront être réglées par le droit uniquement. Le cadre juridique des entreprises militaires privées doit s'accompagner d'une réflexion politique aboutie, tant sur le plan interne, qu'au niveau des instances internationales. Cette réflexion politique doit permettre de redéfinir le rôle de l'Etat et des acteurs privés dans l'utilisation de la force armée. Les outils théoriques des Relations Internationales ont permis de définir le caractère inéluctable de la norme de privatisation de la sécurité. Sur les théâtres actuels, le travail conjoint des militaires et des salariés en arme du civil tend à prouver qu'une part importante de la Sécurité incombe désormais aux acteurs non étatiques, tels que les firmes privées de sécurité.

Au terme de cette étude, il paraît peu probable que les Etats se dirigent vers une renationalisation de la violence. La première puissance mondiale est trop largement impliquée dans le phénomène de privatisation pour qu'il semble possible de faire marche arrière. Pourtant, des régulations sont encore envisageables. Il convient de les mettre en place au plus

vite. A défaut, les intérêts privés prendront inéluctablement le pas sur la chose publique et le retrait de l'Etat sera consommé.

La France ne semble pas encore disposée à se saisir activement de la question de la privatisation. Si le pays participe résolument à la plupart des grands engagements militaires de cette décennie, il convient de souligner qu'il n'est pas encore décidé à pénétrer le marché privé de la guerre. La France reste attachée à l'idée que la force armée doit demeurer du seul ressort de l'Etat. Toutefois, le pays ne ferme pas complètement la porte aux SMP puisque l'état français commence à externaliser des tâches périphériques, comme le soutien logistique.

In fine, les firmes militaires sont devenues des acteurs avec lesquels les armées professionnelles doivent compter. Concurrence ou coopération : quels que soient les rapports qui s'établissent, ils doivent être clarifiés au travers d'une réglementation nationale, européenne et internationale. L'enjeu final de l'entente entre les deux entités civile et privée n'est pas sans conséquence puisqu'il s'agit de l'efficacité opérationnelle de l'action militaire et de la crédibilité politique des Etats engagés dans les conflits et la gestion des crises régionales et internationales.

Liste des figures

Figure n°1 : Cycle vital des normes

Figure n°2 : Evolution de la démographie des forces civiles dans l'armée américaine du XVIIIème au XXIème siècle.

Figure n°3 : Nombres et motifs de licenciement de personnels de la société Blackwater entre 2003 et 2007.

Figure n°4 : Pyramide de Maslow sur les besoins fondamentaux des individus.

Figure n°1

 

Phase 1
Emergence de
la norme

Phase 2
Cascade de la
norme

Phase 3
Internalisation

Acteurs

Entrepreneurs
de normes
dotés de
plateforme
institutionnelles

Etats,
Organisations
Internationales,
réseaux

Juristes,
professionnels,
bureaucratie

Motivations

Altruisme,
empathie,
engagement

Légitimité,
réputation, estime

Conformité

Mécanismes
dominants

Persuasion

Socialisation,
institutionnalisation,
démonstration

Habitudes,
institutionnalisation

Cycle vital des normes

Martha Finnemore, Kathryn Sikkink, « International Norm Dynamics and Political Change »,
International Organization, 52, Automne 1998, p. 898.

Figure n°2

Conflit

Civils sous
contrat

Militaires

Ratio
civil/militaire

Guerre d'Indépendance

2000

9000

1/6

Guerre américano-mexicaine

6000

33 000

1/6

Guerre de Sécession

200 000

1 000 000

1/5

Grande Guerre

85 000

2 000 000

1/24

Seconde Guerre Mondiale

734 000

5 400 000

1/7

Guerre de Corée

156 000

393 000

1/2.5

Guerre du Vietnam

70 000

359 000

1/5

Guerre du Golfe

9 000

500 000

1/55

Guerre de Balkans

20 000

20 000

1/1

Guerre d'Irak

200 000

130 000

1.5/1

Origines : sources ouvertes

Figure n°3

Tableau : Nombre et motifs de licenciement chez Blackwater entre 2003 et 200786

Infractions liées aux règles d'emploi des armes

28

Prise d'alcool et de stupéfiants

25

Conduite incorrecte ou obscène

16

Insubordination

11

Incompétence

10

Comportement violent

10

Violation des règles d'engagement

8

Défaillance ou mensonge dans le rapport d'un incident

6

Conduite ayan nuit à l'image de Blackwater

4

Problèmes liés à la délivrance d'habilitations

3

Problèmes liés à un stress post-traumatique

1

Total

122

86 Mémorandum du GAO du 1er octobre 2007, non renouvelé depuis.

Figure n°4

Pyramide de Maslow

Liste des annexes

Annexe n°1 : Sites Internet de SMP

Annexe n°2 : Code de conduite de l'IPOA

Annexe n°3 : LOI n° 2003-340 du 14 avril 2003 relative à la répression de l'activité de Mercenaire

Annexe 1

Sites Internet de SMP

Aegis http://www.aegisworld.com/

Caci International http://www.caci.com/

DynCopr International http://www.dyn-intl.com/

EOD Solutions, Ltd. http://www.eod-solutions.com

Erinys International http://www.erinysinternational.

European Landmine Solutions http://www.landmine-

Group 4 Securicor http://www.g4s.com

Halliburton http://www.halliburton.com/

Katana http://www.katanasecurity.com/

Kroll http://www.krollworldwide.com/

MPRI http://www.mpri.com/inex.html

Titan http://www.titan.com/

Xe http://www.xecompany.com/

Annexe 2

International Peace Operation Association
Code de conduite

Préambule

Le présent Code de Conduite vise à faire respecter les normes éthiques par les sociétés
membres de l'IPOA qui travaillent dans les situations de conflit et de post-conflit afin qu'ils
puissent offrir leurs services au profit de la paix internationale et de la sécurité humaine.

De plus, les signataires acceptent de suivre tout règlement relevant du Droit international humanitaire et des droits de l'Homme ainsi que tout accord et toute convention internationale, y compris, entre autres:

· La Déclaration universelle des droits de l'Homme (1948)

· La Convention de Genève (1949)

· Les Protocoles additionnels de la Convention de Genève (1977)

· La Convention sur l'interdiction des armes chimiques (1993)

· Les Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l'Homme (2000)

Les membres de l'IPOA ont pris l'engagement de respecter les principes suivants dans toutes leurs opérations:

1. Des droits de l'homme

1.1 Dans toutes leurs opérations, les signataires respecteront la dignité de tout être humain et s'adhéreront strictement à toutes les lois et tous les accords relevant des droits de l'homme.

1.2 Ils prendront toutes les dispositions utiles pour minimiser la perte de vies humaines et la destruction des biens.

2. De la transparence 2.1 Les signataires travailleront avec intégrité, honnêteté, et équité.

2.2 Les signataires commis dans les opérations de la paix ou de la stabilité s'engagent, dans la mesure du possible et conformément aux limitations contractuelles, à être ouverts et communicatifs avec le Comité International de la Croix Rouge et d'autres autorités concernées en ce qui concerne la nature de leurs opérations et tout conflit d'intérêt qui pourrait de n'importe quelle façon être perçu comme facteur ayant de l'influence sur les initiatives actuelles ou potentielles.

3. De la responsabilité

3.1 Les signataires comprennent la nature unique de la situation de conflit ou post-conflit dans laquelle ils travaillent, et ils reconnaissent entièrement l'importance des lignes de responsabilité nettes et opératives pour assurer les opérations de paix efficaces et la viabilité de l'industrie à long terme.

3.2 Les signataires acceptent de répondre légalement de leurs actions et celles des employés de la société devant les autorités compétentes. Alors que les sociétés elles-mêmes devraient sanctionner les petites infractions, les signataires s'engagent, dans la mesure du possible et conformément aux limitations contractuelles et légales, à coopérer pleinement avec les investigations officielles en ce qui concerne des allégations des violations contractuelles et celles du Droit humanitaire international et du Droit des droits de l'homme.

3.3 En outre, les signataires s'engagent à prendre des actions fermes et définitives si les employés de leur organisation s'adonnent aux activités illégales.

4. Des clients

4.1 Les signataires s'engagent à ne travailler que pour les gouvernements légitimes et reconnus, les organisations internationales, les organisations non-gouvernementales et les sociétés privées légitimes.

4.2 Les signataires n'acceptent pas des clients illégaux ou ceux qui contrecarrent activement les efforts internationaux pour la paix.

4.3 Les signataires s'engagent à maintenir la confidentialité des informations obtenues par les
services fournis, sauf si procéder ainsi compromet les principes énoncés ci-dessus.

5. De la sûreté

5.1 En reconnaissant les niveaux de risqué inhérents aux activités dans les situations de conflit et de post-conflit, les signataires s'efforceront toujours à travailler de façon sûre, responsable, et prudente, et feront de leur mieux pour assurer que tout le personnel de la société se tienne à ces principes.

6. Des employés

6.1 Les signataires s'assurent que tous leurs employés sont entièrement informés vis-à-vis du niveau de risque associé à leur travail, ainsi que des dispositions, des conditions et du contenu de leurs contrats.

6.2 Les signataires promettent d'assurer que leurs employés sont en bonne santé, et que tous leurs employés sont bien passés au crible en ce qui concerne les besoins physiques et mentaux de leurs obligations conformément aux termes de leur contrat.

6.3 Les signataires s'engagent à utiliser le personnel suffisamment formé et préparé dans
toutes leurs opérations conformément aux normes bien précises de la société.

6.4 Tout personnel sera examiné soigneusement, bien formé, encadré et pourvu d'instruction supplémentaire sur le cadre légal applicable et les sensibilités régionales dans la zone des opérations.

6.5 Les signataires s'engagent à ce que tous leurs employés aient un statu légal dans leurs pays respectifs de citoyenneté ainsi qu'au niveau international.

6.6 Les signataires acceptant d'agir de façon responsable et éthique vis-à-vis de leurs
employés, y compris s'assurer que les employés sont traités avec respect et dignité, et de

répondre de manière appropriée au cas où les allégations de mauvaise conduite de la part de l'employé seraient soulevées.

6.7 Le cas échéant, les signataires devraient chercher les employés représentant largement la population locale.

6.8 Le paiement de différents salaires à différentes nationalités doit être basé sur le mérite et le différentiel économique national, et ne peut pas être basé sur des critères raciaux, de genre ou des raisons ethniques.

6.9 Lors de l'embauche d'employés ayant signé un contrat à durée (in)déterminée, les signataires acceptent de respecter le niveau d'âge minimum de 15 ans tel que défini par la Convention sur l'âge minimum (1973).

6.10 Aucun employé ne se verra refuser le droit de mettre fin à son contrat . En outre, aucun signataire ne peut retenir les documents personnels de voyage de ses employés contre leur volonté.

6.11 Les signataires s'engagent à fournir à tous les employés la formation, l'équipement, et les matériaux appropriés et nécessaires pour leurs obligations, ainsi que l'aide médicale si nécessaire et si possible.

6.12 On exige que les employés se comportent humainement, avec honnêteté, intégrité, objectivité et diligence.

7. Des assurances

7.1 Les employés locaux et étrangers auront à leur disposition des polices d'assurances de santé et de vie proportionnelles à leur salaire et au niveau de risque de leur service conformément au droit.

8. Du contrôle

8.1 Les signataires approuvent fortement l'utilisation des contrats détaillés qui précisent le mandat, les restrictions, les objectifs, les points de références, les critères pour le retrait et la responsabilité pour l'opération.

8.2 Les contrats ne seront pas fondés sur une mission agressive à moins qu'exigés par une autorité légitime en accord avec le droit international.

8.3 Dans tous les cas - et compte tenu du retrait sécurisé du personnel et des autres sous la protection des signataires - les signataires sont commis à se conformer de façon professionnelle et dans les meilleurs délais aux requêtes légitimes du client, y compris le retrait d'une opération à la demande éventuelle du client ou des autorités gouvernementales compétentes.

9. De l'éthique

9.1 Les signataires promettent d'aller au-delà des exigences légales minimales et de soutenir les besoins éthiques impératifs supplémentaires qui sont nécessaires aux opérations efficaces relatives à la sécurité et la paix.

9.2 Des règles d'engagement

9.2.1 Les signataires qui pourraient éventuellement s'engager dans des hostilités armées établiront des « Règles d'engagement » appropriés avec leurs clients avant le déploiement, et travailleront avec leur client pour toute modification nécessaire en cas de changement important au niveau de menace et de la situation politique.

9.2.2 Tous les règlements devraient se conformer au Droit international humanitaire et au Droit des droits de l'homme et mettre l'accent sur la bonne retenue et la prudence afin de réduire le nombre de victimes et les dommages, tout en sauvegardant le droit inhérent d'autodéfense. Les signataires s'engagent, si nécessaire, à employer la force proportionnelle à la menace.

9.3 Du soutien des organisations internationales et des ONGs/la société civile et la reconstruction

9.3.1 Les signataires reconnaissent que les services fournis par les organisations humanitaires

sont nécessaires pour mettre fin aux conflits et pour soulager la souffrance humaine y associée.

9.3.2 Dans la mesure du possible et conformément aux limitations contractuelles et légales, les signataires s'engagent à soutenir les efforts des organisations internationales, humanitaires et les organisations non gouvernementales et d'autres entités qui oeuvrent à épargner la souffrance humaine et à soutenir les objectifs de reconstruction et de réconciliation des opérations de la paix.

9.4 Du Contrôle d'armes

9.4.1 Les signataires qui utilisent les armes promettent d'accorder une importance capitale en ce qui concerne la responsabilité et le contrôle de toutes armes et munitions utilisées pendant une opération.

9.4.2 Ils promettent de soumettre un compte-rendu authentifié et approprié de ces armes, et de les déclasser au terme d'un contrat. Les signataires s'abstiennent d'utiliser les armes illégales, toxiques, ou chimiques ou celles qui pourraient nuire à la santé à long terme et compliquer l'assainissement post-conflit et elles se limiteront aux armes appropriées aux opérations militaires ou celles de sécurité ou de maintien de l'ordre.

10. Des sociétés partenaires et sous-contractants

10.1 Dû à la nature complexe des situations de conflit ou post-conflit, les sociétés recourent souvent aux services des sociétés partenaires et des sous-contractants pour l'exécution des obligations de leur contrat.

10.2 Les signataires acceptent de choisir des sociétés partenaires et des sous-contractants avec le plus grand soin et la due diligence et d'assurer qu'ils sont en conformité aux normes éthiques appropriées - en l'occurrence le présent Code de Conduite.

10.3 Le futur de l'industrie des opérations de paix dépend de l'excellence technique et éthique.

Il n'est pas seulement important que les sociétés membres d'IPOA adhèrent aux principes exprimés dans ce code, mais chaque membre devrait aussi encourager et soutenir la conformité et l'identification du Code à travers l'industrie.

11. De l'application

11.1 Le présent Code de Conduite est le code officiel de l'IPOA et de ses sociétés membres.
Les signataires s'engagent à respecter les normes énumérées dans le présent Code.

11.2 Tout signataire qui faillit à faire respecter une disposition quelconque du présent Code peut être sujet de la révocation de l'IPOA à la discrétion du Conseil d'Administration de l'IPOA.

11.3 Les membres essayeront de donner les principes de base du Code de Conduite d'IPOA à leurs employés.

Première version adopté: 1 avril 2001 Onzième version: 1 décembre 2006

Annexe 3

LOI n° 2003-340 du 14 avril 2003 relative à la répression de l'activité de
Mercenaire

L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Article unique

Après le chapitre V du titre III du livre IV du code pénal, il est inséré un chapitre VI ainsi rédigé :

Chapitre VI

De la participation à une activité de mercenaire

Art. 436-1. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 EUR d'amende le fait :

1° Par toute personne, spécialement recrutée pour combattre dans un conflit armé et qui n'est ni ressortissante d'un Etat partie audit conflit armé, ni membre des forces armées de cet Etat, ni n'a été envoyée en mission par un Etat autre que l'un de ceux parties au conflit en tant que membre des forces armées dudit Etat, de prendre ou tenter de prendre une part directe aux hostilités en vue d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération nettement supérieure à celle qui est payée ou promise à des combattants ayant un rang et des fonctions analogues dans les forces armées de la partie pour laquelle elle doit combattre ;

2° Par toute personne, spécialement recrutée pour prendre part à un acte concerté de violence visant à renverser les institutions ou porter atteinte à l'intégrité territoriale d'un Etat et qui n'est ni ressortissante de l'Etat contre lequel cet acte est dirigé, ni membre des forces armées dudit Etat, ni n'a été envoyée en mission par un Etat, de prendre ou tenter de prendre part à un tel acte en vue d'obtenir un avantage personnel ou une rémunération importante.

Art. 436-2. - Le fait de diriger ou d'organiser un groupement ayant pour objet le recrutement, l'emploi, la rémunération, l'équipement ou l'instruction militaire d'une personne définie à l'article 436-1 est puni de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 EUR d'amende

Art. 436-3. - Lorsque les faits mentionnés au présent chapitre sont commis à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables.

Art. 436-4. - Les personnes physiques coupables des infractions prévues par le présent chapitre encourent également les peines complémentaires suivantes : « 1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 ;

2° La diffusion intégrale ou partielle de la décision ou d'un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci dans les conditions prévues par l'article 131-35

3° L'interdiction de séjour, suivant les modalités prévues par l'article 131-31.

Art. 436-5. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, de l'infraction définie à l'article 436-2.

Les peines encourues par les personnes morales sont :

1° L'amende, selon les modalités prévues par l'article 131-38 ;

2° Les peines mentionnées à l'article 131-39. « L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat. Fait à Paris, le 14 avril 2003.

Bibliographie

1. Ouvrages

AVANT Deborah D, The Market for Force, The consequences of Privatizing Security, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, 301 p.

BRICET des VALLONS Georges-Henri, « Irak, terre mercenaire, les armées privées remplacent les troupes américaines », Favre, 2009, 268 p.

CHALIAND, Gérard, Dictionnaire de stratégie militaire des origines à nos jours, Paris, Librairie académique Perrin, 1998, 792 p.

CHAPLEAU Philippe et MISSIER François, Mercenaires S.A., Paris, éd. Desclée de Brouwer, 1998, 220 p.

HANSON V.D., « Les guerres grecques, 1400 - 146 av. J.C. », Paris, Editions Autrement, collection Atlas des Guerres, 1999 173 p.

HOWARD Michael, La Guerre dans l'histoire de l'Occident, Paris, coll. « Pluriel », éd. Fayard, 1998, 160 p.

Olivier HUBAC, « L'essor du mercenariat entrepreneurial », « Mercenaires et polices privées : la privatisation de la violence armée », Manchecourt, édition Universalis, Le tour du sujet, 2005, 180 p.

JANOWITZ Morris, The Professionnal Soldier: a Social and Political Portrait, Glencoe, Free Press of Glencoe, 1960, 464 p.

KINSEY Christopher, Corporate Soldiers and international security, The rise of Private Military Companies, Londres, éd. Routledge, 2006, 196 p.

MACHIAVEL Nicolas, Le Prince, Chapitre XII : Combien de sortes d'armées il y a, et des soldats mercenaires, Editions Garnier-Flammarion, Paris, 1980, 192 p.

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ROCHE, Jean-Jacques, « Théories des relations internationales », Clefs politique, 3° édition, Montchrestien, 1999, 160 p.

ROSI Jean-Didier, PRIVATISATION DE LA VIOLENCE, Des mercenaires aux Sociétés militaires et de sécurité privées, Paris, Editions L'Harmattan, 2009, 281 p.

SCHEMEIL Y, EBERWEIN WD, « Le mystère de l'énonciation : normes et normalités en relations internationales ».XX p.

de SENARCLENS Pierre, « Mondialisation, Souveraineté et Théories des Relations Internationales », Paris, Armand Colin, 1998, 218 p.

SHORROCK T : « Spies for Hire », édition Simon & Schuster, New York, 2009, 448 p.

SINGER Peter Warren, Corporate Warriors, The Rise of the Privatized Military Industry, Cornell, Cornell University Press, 2003, 348 p.

SPICER Tim, «An Unorthodox Soldier», édition Mainstream, 1999, 256 p.

VIGNOLLES J-M, « De Carthage à Bagdad, le nouvel âge d'or des mercenaires », Editions des Riaux, Paris, 2006, 186 p.

2. Articles

BANEGAS Richard, «Le nouveau business mercenaires», Critique Internationale, n°1, automne 1998.

De BRESSY Bernard, « La guerre zéro mort : un rêve américain ? », Revue de la Défense Nationale, n°4, Paris, avril 2009.

CHAPLEAU Philippe, « Les mercenaires : De l'antiquité à nos jours », Editions OuestFrance, 2006.

FOLLOROU, Jacques, « L'Afghanistan, nouveau marché des sociétés militaires privées », Le Monde, 20 novembre 2009.

LESNES Corinne, « La société Blackwater impliquée dans une fusillade à Bagdad », Le Monde, le 18 septembre 2007.

MAKKI Sami, Processus et bilan de l'externalisation dans l'armée britannique - Quels enseignements pour la France ?, Les documents du SD, n°66, Octobre 2004.

K.Willenston, L.Norman dans « Saudi Arabia ; This Gun for Hire », Newsweek, 24 février 1975

ROCHE Jean-Jacques, « Privatisation de la sécurité ou les nouveaux mercenaires », Les rendez-vous du CHEar, février 2008.

3. Ressources Internet

- Rapport n°142, session 2002-2003, fait au nom de la commission des Affaires Etrangères, de la Défense et des forces armées sur le projet de loi relatif à la répression de l'activité de mercenaires, 37 pages, disponible le 11 juillet 2011 sur le site http://www.legifrance.gouv.fr

- Rapport sur la question de l'utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, présenté par le Rapporteur spécial, M. Enrique Bernales Ballesteros, conformément à la résolution 1995/5 et à la décision 1996/113 de la Commission des droits de l'homme, disponible le 13 juillet 2011 à l'adresse suivante :

http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/TestFrame/f504de29db55c8f58025666b0059c fb6?Opendocument.

- Convention internationale contre le recrutement, l'utilisation, le financement et l'instruction de mercenaires, adoptée le 4 décembre 1989Texte visible dans son intégralité le 20 juillet 2011 à l'adresse : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi 0066- 3085 1990 num 36 1 2978

4. Divers

- Cahier de la recherche doctrinale, « L'emploi des SMP en Afghanistan et en Irak », CDEF, juillet 2010, p. 79.

- Directive ministérielle n°007496 du 26 mai 2003 sur la politique d'externalisation au sein du ministère de la Défense.

- Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale, Odile Jacob, 2008, 350 p.

Table des matières

La privatisation de la sécurité : un dessaisissement des fonctions régaliennes

de l'Etat.

Page de garde 3

Remerciements 4

Sommaire 5

Sigles et acronymes 6

Introduction 9

Partie 1 : Taxonomie des sociétés militaires et de sécurité privées (SMSP) 11

Préambule : Définition de la notion de mercenaire 12
Chapitre 1 : Le mercenariat : des auxiliaires de guerre au mercenariat

entrepreneurial 15

I. Histoire du mercenariat 16

A. Période antique 16

B. Moyen Age 17

C. Les Etats modernes 19

D. Cas particulier de la Légion Etrangère 19

II. L'essor des « chiens de guerre » 21

A. Les conflits post-coloniaux 21

B. La fin d'un monde bipolaire 22

C. « Chiens de guerre » : les exemples anglo-saxons 23
Chapitre 2 : Le néo mercenariat : Entreprises contemporaines et développement de secteurs de compétences 25

I. Le besoin de typologie 25

A. Contexte 25

B. Les limites de la dichotomie 25

II. Méthodologie de la classification 27

A. Les travaux de Peter Waren Singer 27

B. De la légalité des firmes de guerre 27

III. Typologie 29

A. Le mercenariat classique : type n°1 29

B. Les Private Combat Companies (PCC) : le type n°2 29

C. Les sociétés d'appui stratégique : le type n°3 32

D. Les sociétés de logistique : le type n°4 33

E. Les sociétés de consultance : le type n°5 35

F. Cas de la société Secopex 38

Chapitre 3 : Cas particulier des entreprises du secteur du renseignement : l'implication des 41

Partie 2 : La transformation des fonctions régaliennes de l'Etat 43

Préambule : Le cycle des normes 44

Chapitre 1 : Le recours aux SMP : une norme internationale inéluctable ? 46

I. Approche économique 47

II. Approche politique et sociétale 51

A. Flexibilité et discrétion 51

B. Impact émotionnel 52

III. Approche militaire 52

IV. La mutation du phénomène belliqueux 54

A. L'asymétrie des conflits actuels 54

B. Evolution des critères de sécurité 55

Chapitre 2 : Le recours aux SMP : les dangers pour l'Etat, le public au service du privé 56

I. Antagonisme entre logiques économiques et objectifs

politiques 56

II. La sur-dépendance des armées au privé 58

A. Dépouillement matériel et immatériel 59

B. Le projet Matrix, le privé au contrôle du privé 60

III. La frustration des forces armées régulières 61

IV. Les SMP dans une logique de contre-insurrection : la compromission de
la mission des forces armées 62

Chapitre 3 : La maîtrise de l'impact des SMP : l'adaptation de l'Etat au processus de

privatisation 65

I. Le monopole de la violence légitime 65

II. Acceptation de la norme 67

III. La légitimation de la norme 69

A. Niveau interne 69

B. Niveau international 70

C. Cas particulier du Document de Montreux 71

Conclusion 72

Bibliographie 90

Table des matières 93






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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite