L'UCAD n'entend donner aucune approbation ou improbation aux
opinions émises dans les mémoires et thèses. Ces
opinions doivent être considérées comme propres à
leurs auteurs
Dédicaces
Je dédie ce travail à :
Mes parents ;
Mes frères et soeurs ;
Ma regrettée grande soeur Suzanne EBAH épouse ATEBA
;
Toute ma famille qui n'a cessé de m'accompagner sur la
voie des études dès mon plus jeune âge ;
Tous ceux qui ont eu une pensée positive à mon
égard pour la poursuite de mes études.
Remerciements :
Nous adressons nos sincères remerciements:
+ Au Pr Samba THIAM, responsable du master contentieux des
affaires ;
+ Au Pr Mohamed Bachir NIANG, pour les nombreux conseils
prodigués en vue de la réalisation de ce travail ;
+ A tous les enseignants intervenant dans le Master Contentieux
des affaires ; + A Maître Moustapha NDIAYE, qui a bien voulu nous
accueillir en son cabinet d'avocats pour notre stage académique ;
+ A Maître Corneille BADJI, pour les nombreux conseils en
vue de la réalisation de ce travail ;
+ A Maître Albert ELOUNDOU ELOUNDOU, Avocat au Barreau du
Cameroun qui nous a offert la possibilité de faire un stage de juriste
interne en son cabinet d'avocats ;
+ A tous les juristes internes de ce cabinet d'avocats qui nous
ont guidés sur cette voie, André TCHATCHOUA, Myspa BISSECK,
Simplice SIPING, Jean Didier NTEP ;
+ A Raïssa Da NYAMA, pour le soutien inestimable quant
à la réalisation de ce travail ;
+ A Sarah Gnantchié KONE, pour son soutien ;
+ A mes amis, Jean Claude MEBENGA, Olivier BENI, Linda SAMOUO
FANDIO, Delor MEBEGUE ;
+ A tous mes amis et camarades de promotion, Antoine NIAGO,
Guillaume NEGUELEM, Bocar SEYDI ;
+ A tous ceux qui de près ou de loin ont contribué
à la réalisation de ce document ;
GLOSSAIRE DES ABREVIATIONS ET SIGLES
al. : Alinéa
Art : Article
ADPIC : Accord de l'OMC pour les droits de
propriété intellectuelle
BSDA : Bureau sénégalais du droit d'auteur
BNLPC : Bureau national de lutte contre la piraterie et la
contrefaçon
CD : Compact disc
DVD : Digital versatile disc
NTIC : Nouvelles technologies de d'information et de la
communication OMC : Organisation mondiale pour le commerce
OMPI : Organisation mondiale de la propriété
intellectuelle
OAPI : Organisation africaine de la propriété
intellectuelle
PI : Propriété intellectuelle
PLA : Propriété littéraire et artistique
TRHC : Tribunal Régional Hors Classe de Dakar
VCD : Vidéo compact disc
WPPT : Traité de l'OMPI sur les interprétations et
exécutions et les phonogrammes
Sommaire
Introduction
Chapitre 1 : l'effectivité de la
protection des droits de propriété littéraire et
Artistique sur le plan normatif
Section 2 : le dispositif textuel en vigueur en
matière de protection des droits de propriété
littéraire et artistique
Section 2 : la problématique des
insuffisances de l'existant normatif en matière de
propriété littéraire et artistique
Chapitre 2 : l'effectivité de la mise en
oeuvre des droits de propriété littéraire et artistique
Section 1 : l'effectivité de la mise en
oeuvre des droits de propriété littéraire sur le plan
organique
Section 2 : l'effectivité de la mise en
oeuvre des droits sur le plan judiciaire
Conclusion
INTRODUCTION
L
e droit de propriété intellectuelle a une longue
histoire. Depuis le « Statute of Anne », loi britannique,
première tentative d'écrire un « droit d'auteur » en
1710 la propriété littéraire a été
conçue comme un droit d'équilibre entre les
intérêts
de la société (« encourager les hommes
éclairés à composer et écrire des livres utiles
» disait le Statut d'Anne) et ceux des auteurs. Ces derniers disposent du
monopole d'exploitation de leurs oeuvres, qui ne peuvent être
éditées ou représentées sans leur consentement.
Mais de nombreuses « exceptions et exemptions » sont présentes
dans toutes les lois traitant de la création. Celles-ci visent à
défendre la capacité de la société à
utiliser la connaissance qui est incorporée dans des oeuvres, et
à faciliter l'accès aux oeuvres et leur circulation : exceptions
pour l'éducation et les bibliothèques, droit de copie
privée, droit de citation, droit de caricature, droit de transcription
pour favoriser l'accès par les personnes handicapées, etc.
Ajoutons que, traditionnellement, la propriété littéraire
et artistique concerne la forme de la création, et non les idées
qui sont contenues dans celle-ci. Elle englobe non seulement l'oeuvre d'art
originale et l'écriture créatrice, mais également les
bases de données informatisées et les programmes
informatiques1.
Avec l'évolution du monde actuel sur les plans
juridique, économique, politique, scientifique et technologique, le
constat fait par M. KAMIL Idris, ancien Directeur Général de
l'OMPI, est clair : « malgré l'importance que revêt la
Propriété Intellectuelle en termes de création de
richesses et de développement économique,
un écart persiste entre les pays
développés et les pays en développement en ce
quiconcerne la propriété et l'utilisation des actifs
de la Propriété Intellectuelle. Cela n'est
pas du à un manque inhérent de
créativité ou d'esprit novateur mais tient principalement
à l'absence d'informations sur la Propriété Intellectuelle
et les possibilités qu'elle offre comme moyen de croissance
économique. »2
La propriété intellectuelle assure la protection
des droits reconnus sur la base des conventions et traités. Elle permet
d'accroître l'activité économique non seulement d'une
entreprise, mais aussi elle augmente les caisses de l'Etat.
Il convient de noter par ailleurs que le droit de la
propriété intellectuelle est le droit des oeuvres de l'esprit que
sont : les inventions, les oeuvres littéraires et artistiques, mais
aussi les symboles, les noms, les images et les dessins et modèles dont
qui protège il est fait usage dans le commerce. Ainsi, le droit de la
Propriété Intellectuelle se présente sous deux aspects :
la propriété industrielle et la propriété
littéraire et artistique.
1 Claude COLOMBET, Propriété
littéraire et artistique et droits voisins, Précis Dalloz,
8e édition, p.14
2
http://www.wipo.int/about-wipo/fr/dgo/speeches/
En ce qui concerne la propriété industrielle,
c'est la Convention de Paris de 1883 instituant la protection de la
propriété industrielle qui en l'article 1. (3) mentionne que :
« la propriété industrielle s'entend sous l'acception la
plus large et s'applique non seulement à l'industrie et au commerce
proprement dits, mais également au domaine des industries agricoles et
extractives et à tous produits fabriqués ou naturels...
». Dès lors, la propriété industrielle se
compose « des brevets protégeant les inventions et des dessins
et modèles industriels, qui sont des créations esthétiques
définissant l'apparence de produits industriels. La
propriété industrielle couvre aussi les marques de produits, les
marques de services, les schémas de configurations de circuits
intégrés, les noms commerciaux et les désignations
commerciales ainsi que les indications géographiques, et la protection
contre de la concurrence déloyale. »
L'autre branche de la Propriété Intellectuelle
représente la propriété littéraire et artistique
qui tire sa force de la Convention de Berne de 1886 et qui accorde une
protection internationale aux auteurs. La propriété
littéraire et artistique se compose du droit d'auteur et des droits
voisins. Le droit d'auteur se rapporte aux oeuvres littéraires et
artistiques telles que romans, poèmes et pièces de
théâtre, oeuvres cinématographiques et musicales ou encore
oeuvres relevant des arts plastiques comme les dessins, les peintures, les
photographies et les sculptures ainsi que les dessins et modèles
architecturaux. Ajoutons que le droit d'auteur doit essentiellement sa
naissance aux phénomènes de la contrefaçon et de la
censure. L'imprimerie a permis la reproduction des oeuvres littéraires
en de multiples exemplaires.3 Tandis que les droits attachés
au droit d'auteur comprennent ceux des artistes interprètes ou
exécutants sur leurs interprétations et exécutions, des
producteurs de phonogrammes sur leurs enregistrements et des radiodiffuseurs
sur leurs programmes radiophoniques ou télévisuels.
C'est en effet dans le sillage de cette dernière
branche du droit de la propriété intellectuelle que se situera le
noeud du travail que nous aurons à mener dans le cadre de l'étude
qui nous est demandée.
Une analyse sur l'effectivité de la protection des
droits de propriété littéraire et artistique au
Sénégal et par extension, au sein des pays africains francophones
dans lesquels le système juridique inspiré du modèle
français est pratiquement le même, nous est demandée.
Il convient à titre liminaire d'apporter des
précisions sur les termes clés de notre travail de recherche tels
« effectivité », « protection », « droits
», « propriété », et enfin le vocable «
littéraire et artistique », avant d'opérer entre eux un
rapprochement.
3 André PUTTEMANS, Droits intellectuels et
concurrence déloyale : (pour une protection des droits intellectuels par
l'action en concurrence déloyale), collection de la faculté de
droit de l'Université libre de Bruxelles, éd. Bruylant, Bruxelles
2000, p. 26
Le terme effectivité, au sens juridique, renvoie au
caractère réel, à l'existence réelle dans les actes
et faits d'un concept juridique donné. Autrement dit, il s'agit de
l'application réelle des textes prévus en la matière.
La protection fait référence à la
sauvegarde, au contrôle, à la prévention contre une
quelconque violation ou une atteinte d'une prérogative.
Le terme « droits » renvoie quant à lui aux
prérogatives accordées aux individus, personnes physiques ou
morales, reconnues et protégées par un certain nombre de
règles.
La propriété, juridiquement parlant fait
référence au droit de propriété qui est
défini comme un droit réel conférant toutes les
prérogatives qu'un sujet de droit peut avoir sur un bien, corporel ou
incorporel.
Enfin, quant au vocable « littéraire et artistique
», il renvoie à tout ce qui a trait, comme nous l'avons
mentionné plus haut, aux oeuvres littéraires, artistiques,
plastiques, graphiques et à un certain nombre de droits voisins au droit
d'auteur.
L'imbrication des différentes définitions
ci-dessus présentées laisse transparaitre l'orientation que doit
prendre ce travail de recherche que nous menons. En effet, traiter de
l'effectivité de la protection des droits de propriété
littéraire et artistique revient à s'interroger sur la
réalité de la sauvegarde et de la prévention contre les
violations des droits des auteurs et des titulaires de droits voisins.
Autrement dit, il s'agit de voir à travers quels aspects et sous quels
angles il est possible d'apprécier le caractère concret de la
protection des droits de propriété littéraire et
artistique.
Les textes prévus en matière de protection des
droits de propriété littéraire et artistique sont - ils
réellement appliqués ? Dans l'hypothèse de la
négation, quelles seraient les raisons en mesure d'expliquer ces
manquements ? Les organismes de gestion des droits et les tribunaux
assurent-ils effectivement cette protection au niveau de sa mise en oeuvre ?
Une étude sur les mécanismes de protection et la
mise en oeuvre des règles de procédures contentieuse s'attachant
à la sauvegarde des droits de propriété littéraire
et artistique semble intéressante à plusieurs égards.
En effet, n'oublions pas de signaler les intérêts
pratiques de ce sujet dans la mesure où l'étude menée
quant à cette problématique pourrait servir d'esquisse de
solution aux difficultés que rencontrent les acteurs de la
propriété littéraire et artistique, qui ne se limitent pas
qu'aux auteurs et aux titulaires de droits connexes. Cette préoccupation
nous apparue fondamentale au cours de notre stage effectué dans un
Cabinet d'Avocats.
Force est de constater que c'est à travers la
portée protectrice des textes prévus en la matière,
ainsi que leur matérialisation dans les faits qu'une appréciation
objective peut être opérée quant à
l'effectivité de l'application d'un concept juridique. Eu
égard
à cette considération, notre travail sera
axé autour de l'effectivité de la protection des droits de
propriété littéraire et artistique à travers son
bloc normatif (Chapitre I) et son effectivité quant à sa mise en
oeuvre (Chapitre II).
CHAPITRE I : EFFECTIVITE DE LA PROTECTION DES DROITS
DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE SUR LE PLAN NORMATIF
La protection des droits de propriété
littéraire et artistique pour être effective doit d'abord exister
et pour cela, un certain nombre de normes doivent être
édictées d'où elle tirera sa source. Le droit positif
sénégalais en la matière n'est pas en reste et c'est ainsi
qu'il a prévu un dispositif textuel (Section 1), mais qui reste
cependant confronté à des insuffisances (Section 2) qui
ralentissent quelque peu son expansion.
SECTION 1 : LE DISPOSITIF TEXTUEL EN VIGUEUR
EN MATIERE DE PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE LITTERAIRE ET
ARTISTIQUE
Le dispositif textuel en ce qui concerne la
propriété littéraire et artistique en
général et la protection de ces droits en particulier trouve sa
source dans la Loi 2008-09 qui est le texte de référence
(Paragraphe I) en la matière et dans d'autres textes (Paragraphe II) qui
n'en sont pas moins édifiants quant à l'effectivité ou non
de la protection des dits droits.
PARAGRAPHE I : LE TEXTE DE REFERENCE EN MATIERE DE
PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
Ce texte n'est autre que la Loi 2008-09 sur le droit d'auteur
et les droits voisins. Il convient donc de la situer dans son contexte (A)
avant de la présenter formellement (B).
A- LE CONTEXTE DE LA LOI 2008-09 SUR LE DROIT D'AUTEUR
ET LES DROITS VOISINS
Au Sénégal, la propriété
littéraire et artistique est régie par une loi. Il s'agit de la
Loi 2008-09 du 25 Janvier 2008 sur les droits d'auteur et les droits voisins
remplaçant celle du 4 Décembre 1973. Cette loi transpose en droit
sénégalais, l'Accord de Bangui
révisé4.
En effet, c'est en 1999 que les Etats signataires de l'accord
initial de 1977 ont décidé de le réviser. Ils
étaient ainsi animés du désir de promouvoir la
contribution effective de la propriété au développement de
leurs Etats d'une part, et soucieux de protéger sur leurs territoires
d'une manière aussi efficace et uniforme que possible, les droits de la
propriété intellectuelle d'autre part. Une décennie plus
tard, le Sénégal a opté de faire cavalier seul en
édictant en 2008, la loi ci-dessus évoquée, mais cela
uniquement en matière de propriété littéraire et
artistique. C'est dire que l'Etat du Sénégal a fait une option de
souveraineté en matière de propriété
littéraire et artistique.
Il convient de relever que l'Etat du Sénégal n'a
pas été le seul parmi les Etats-parties à l'accord de
Bangui révisé et dans l'espace OAPI à choisir la voie de
la souveraineté quant à la matière de la
propriété littéraire et artistique. Il nous a ainsi
été donné de constater que l'Etat du Cameroun s'est
également adonné à la tache de mettre en vigueur une loi
en vue de régir la propriété littéraire et
artistique sur toute l'étendue du territoire camerounais.5
C'est ainsi que la Loi 2000-011 du 19 Décembre 2000 relative aux droits
d'auteur et aux droits voisins a été mise en vigueur. Cette loi
portait ainsi refonte de la loi n° 90-01 du 10 Août 1990 relative
aux droits d'auteurs et aux droits voisins, et le souci majeur qui la sous
tendait était de permettre aux créateurs et artistes camerounais
de vivre véritablement de leur art. C'est ainsi que les droits
patrimoniaux des auteurs sont mieux protégés, de même que
leurs créances bénéficient du régime
privilégié des salaires.
Ladite loi tendait également à encourager les
opérateurs économiques à investir dans le secteur culturel
et à créer des emplois dans le domaine des oeuvres de l'esprit et
apportait des solutions juridiques à des demandes sociales
légitimes et pressantes, par exemple en renforçant les sanctions
pénales en cas de contrefaçon, en vue d'une meilleure
protection.
4 Ibrahima CAMARA, Le statut juridique de la
contrefaçon des phonogrammes et des oeuvres littéraires et
artistiques au Sénégal, Editions juridiques africaines, Dakar
mars 1993, p 11
5 Christophe SEUNA, Droit d'auteur et droits voisins
au Cameroun : la loi du 19 décembre 2000 et son décret
d'application, SOGESIC, Yaoundé 2008 p. 13
Les raisons évoquées ci-dessus qui ont conduit
à l'adoption de la loi camerounaise sont quasi identiques à
celles qui ont commandées la mise en vigueur de la loi semblable au
Sénégal. Ainsi, à la lecture de l'exposé des motifs
de la Loi 2008-09, il ressort que les acteurs culturels ont pris conscience de
ce que les potentialités des industries culturelles ne peuvent trouver
à s'exprimer que dans le cadre d'un environnement juridique
sécurisé propre à permettre l'épanouissement de la
créativité et à promouvoir les investissements
indispensables.6
Le projet de loi à l'époque mettait donc en avant
quelques idées fondamentales :
La première est que la Loi n° 73-52 du 4
Décembre 1973, qui réglementait le droit d'auteur, conservait
encore sur beaucoup de points sa pertinence. C'est la raison pour laquelle
nombre de ses dispositions se retrouvent dans le nouveau texte.
La deuxième idée fondamentale était que
le Sénégal devait, pour respecter ses obligations
internationales, mettre sa législation en conformité avec
certaines conventions. Deux séries de dispositions sont issues de cette
préoccupation. D'abord, le texte innove en introduisant en droit
sénégalais la protection des droits voisins du droit d'auteur,
accordés aux auxiliaires de la création littéraire et
artistique que sont, notamment, les artistes interprètes, les
producteurs de phonogrammes et les organismes de radiodiffusion. Ensuite, il
comporte de très importantes dispositions, issues pour l'essentiel de
l'Accord ADPIC, concernant la procédure et les sanctions, qui ont pour
objet de doter le Sénégal d'un dispositif permettant de lutter
efficacement contre le fléau de la contrefaçon, ce qui passe en
particulier par l'édiction de sanctions plus sévères.
La troisième idée-force du projet était
l'ancrage personnaliste de la protection des auteurs et des artistes
interprètes. Il s'agit, au rebours de la philosophie qui imprègne
le copyright anglo-américain, de mettre les intéressés au
coeur du dispositif législatif en affirmant clairement qu'ils sont
à l'origine des richesses immatérielles que les divers
exploitants vont ensuite valoriser. Ainsi s'explique le choix de consacrer les
droits des auteurs salariés et fonctionnaires, de répudier la
catégorie de l'oeuvre collective, qui, en permettant de faire
naître les droits sur la fête d'une personne morale, rompt avec le
postulat personnaliste, de conforter l'existence d'un droit moral, fort et
perpétuel, de définir de façon large et synthétique
les prérogatives patrimoniales reconnues aux différents
titulaires de droits (en dissipant toute équivoque sur le fait qu'une
telle définition inclut les exploitations numériques), et
d'élaborer un droit contractuel propre à compenser
l'infériorité économique dans laquelle se trouvent les
auteurs et les artistes interprètes vis-à-vis des exploitants.
Cette position de principe, toutefois, n'empêche pas de prendre en compte
les revendications légitimes de ceux qui, par leurs investissements,
rendent possible la conception de ces richesses culturelles. C'est ainsi que
l'employeur bénéficie, dans la mesure des besoins de
l'entreprise, d'une présomption de cession des droits sur
6 Cf. exposé des motifs de la loi 2008-09 sur
le droit d'auteur et les droits voisins :
http://www.jo.gouv.sn/spip.php?article6664
l'oeuvre créée par son salarié, et que le
producteur de l'oeuvre audiovisuelle est luimême réputé
cessionnaire. On peut rattacher à cette préoccupation la
rénovation de la gestion collective, qui, à travers des
structures de droit privé, doit relever tout à la fois le
défi de l'efficacité et de la transparence.
Enfin, il a été jugé nécessaire,
dans un souci de cohérence, de consacrer une partie autonome, la
quatrième, à la protection du folklore et du domaine public
payant, questions qui se situent, d'un point de vue juridique, à la
marge du droit d'auteur mais dont le lien avec la matière a,
jusqu'à présent, été considéré comme
suffisant pour qu'elles soient traitées dans ce cadre.
B -PRESENTATION DE LA LOI 2008-09 SUR LE DROIT
D'AUTEUR ET LES DROITS VOISINS
Cette loi comporte cinq parties dont la première met en
oeuvre le droit d'auteur en ce qui concerne les principes du droit d'auteur,
l'objet du droit d'auteur, les titulaires des droits d'auteur, le contenu du
droit d'auteur, la durée du droit d'auteur, l'exploitation des droits
d'auteur.
Quant aux droits voisins, la deuxième partie met en
avant les dispositions communes à tous les droits voisins, les
dispositions propres aux artistes interprètes, les dispositions propres
aux producteurs de phonogramme et de vidéogrammes, les dispositions
propres aux organismes de radiodiffusion, les dispositions propres aux
éditeurs.
Troisièmement, les dispositions communes au droit
d'auteur et aux droits voisins comportent la rémunération pour
copie privée, la gestion collective, et la mise en oeuvre de ces droits,
les sanctions, le droit international privé, la condition des
étrangers et la loi applicable.
La quatrième partie concerne le folklore et le domaine
public payant et enfin la cinquième partie est relative aux dispositions
finales.
C'est en effet dans la troisième partie de la loi que
l'on retrouve les dispositions concernant la protection à proprement
parler des droits de propriété littéraire et artistique
que sont le droit d'auteur et les droits voisins. L'article 125 est
édifiant quant à cette question puisqu'il dispose que : «
Mesures techniques de protection. - 1.
Les titulaires de droit d'auteur et de droits voisins peuvent mettre en oeuvre,
dans l'exercice de leurs droits, des mesures techniques en vue d'empêcher
ou de limiter l'accomplissement, à l'égard de leurs oeuvres,
interprétations, phonogrammes, vidéogrammes ou programmes,
d'actes qu'ils n'ont pas autorisés et qui ne sont pas permis par la
loi.
2. La neutralisation des mesures techniques visées
à l'alinéa précédent est passible des sanctions
pénales prévues par l'article 145 ».
Il est donc reconnu aux titulaires des droits d'auteurs et
droits voisins des mesures de protection contre les différentes
atteintes auxquelles ils peuvent être confrontés.
Il convient de relever que même si la loi du 25 Janvier
est assez parlante en matière de protection des droits d'auteurs et des
droits voisins comme son intitulé l'indique fort éloquemment, il
n'en demeure pas moins qu'à coté d'elle, il existe
également d'autres sources textuelles sur lesquelles peuvent s'appuyer
les bénéficiaires de ces droits afin d'en assurer une protection
effective.
PARAGRAPHE II : LES AUTRES NORMES RELATIVES A
LA PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
A ce niveau, il est important de mettre en avant les normes et
les dispositions qui ont en quelque sorte inspiré tour à tour le
législateur français de l'ancien régime issu de la
colonisation, le législateur OAPI et enfin la législateur
sénégalais quant à la problématique de la
protection des droits de propriété littéraire et
artistique. Il peut s'agir entre autres de l'accord de l'organisation mondiale
du commerce sur les aspects de propriété intellectuelle qui
touchent au commerce communément appelés accords ADPIC (A). Nous
pouvons relever également le pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels et enfin de la déclaration
universelle des droits de l'homme (B).
A- LES ACCORDS ADPIC
L'accord ADPIC est un texte de source conventionnelle, en
effet issu du sillage de l'apparition de l'organisation mondiale du commerce en
remplacement du GATT. C'est un texte annexé à l'accord instituant
l'OMC. Il a pour but d'intégrer les droits de propriété
intellectuelle (droits d'auteur, marque de fabrique ou de commerce, brevets,
indications géographiques etc.) dans le système OMC. A cet effet,
André LUCAS et Henri-Jacques LUCAS estiment que les accords ADPIC ont
une logique purement économique, logique de libre concurrence, une
ambition
moderniste, l'objectif étant de combler diverses
lacunes reprochées aux conventions classiques pour leur manque de
réalisme et leur inadaptation aux NTIC.7
Cet accord applique les principes du système commercial
aux droits de propriété intellectuelle. Il est entré en
vigueur le 1er janvier 1995 et porte sur des questions fondamentales
qui tournaient autour de la manière dont les principes fondamentaux du
système commercial et des autres accords commerciaux sur la
propriété intellectuelle devraient être appliqués,
sur la manière d'assurer la protection adéquate des droits de
propriété intellectuelle, sur la manière avec laquelle les
pays devraient faire respecter ces droits de manière appropriée
sur leurs territoires respectifs, ou encore sur le règlement des
différends concernant la propriété intellectuelle entre
les membres de l'OMC.
Il ne serait pas exagéré de dire à la
lecture de l'accord ADPIC que celui-ci offre une place très importante
à la protection par les Etats des droits d'auteur et des droits
connexes. Aussi, dans sa deuxième partie consacrée aux «
normes concernant l'existence, la portée et l'exercice des droits de
propriété intellectuelle », il est d'abord fait état
des droits de la propriété littéraire et artistique.
L'alinéa 2 de l'article 9 dispose à cet effet
que : « la protection du droit d'auteur s'étendra aux
expressions et non aux idées, procédures, méthodes de
fonctionnement ou concepts mathématiques en tant que tels. ».
L'accord ADPIC touche indéniablement aux aspects commerciaux des droits
de propriété littéraire et artistique en faisant
référence aux droits de location et de reproduction des
programmes d'ordinateurs et des compilations de données. Elle fait
obligation aux Membres d'accorder aux auteurs et à leurs ayants droits
le droit d'autoriser ou d'interdire la location commerciale au public
d'originaux ou de copies de leurs oeuvres protégées par le droit
d'auteur.
Les droits connexes ne sont pas en reste quant à leur
protection par l'accord. En effet, l'article 14 qui y est consacré
prévoit expressément la protection des artistes
interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes
(enregistrements sonores) et des organismes de radiodiffusion. Ainsi, les
artistes interprètes ou exécutants auront la possibilité
d'empêcher la fixation de leur exécution non fixée et la
reproduction de celle-ci lorsqu'elles sont entreprises sans leur autorisation.
Ils auront également la possibilité d'empêcher la
radiodiffusion par le moyen des ondes radioélectriques et la
communication au public de leur exécution directe.
Par ailleurs, les producteurs de phonogramme également
sont concernés. L'alinéa 2 du même article 14 dispose que :
« les producteurs de phonogrammes jouiront du droit d'autoriser ou
d'interdire la reproduction directe ou indirecte de leurs phonogrammes
».
Enfin, il est prévu que les organismes de
radiodiffusion auront le droit d'interdire la fixation, la reproduction de
fixation et la réémission par le moyen des ondes
radioélectriques d'émissions ainsi que la communication au public
de leurs émissions de télévision.
L'Etat du Sénégal ayant ratifié l'accord
ADPIC en 1994, il est donc normal que toutes les dispositions y figurant soient
applicables en droit positif sénégalais, ce qui est le cas
même si les principaux bénéficiaires de cette protection ne
sont pas assez imprégnés de l'existence à leur profit de
cet accord. Une meilleure diffusion de ce texte contribuerait grandement
à la protection effective et efficace des titulaires de droits d'auteurs
et de droits voisins. Ils gagneraient également à s'approprier
des textes qui leur sont favorables à l'instar du pacte international
sur les droits économiques, sociaux et culturels et de la
déclaration universelle des droits de l'homme.
B - LE PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX
DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS ET LA DECLARATION UNIVERSELLE
DES DROITS DE L'HOMME
Le Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels a été adopté à New York le 16
novembre 1966 par l'Assemblée générale des Nations unies.
Il est entré en vigueur après sa ratification par trente-cinq
États le 3 Janvier 1976. Dans les États monistes, il est
applicable directement par les juridictions nationales, ce qui n'est pas le cas
au Sénégal qui est un Etat de doctrine
dualiste. il n'en demeure pas moins que
le seul fait de cette signature donne la possibilité aux titulaires de
droits de propriété littéraire et artistique de s'en
prévaloir afin de la protection qu'elle prévoit.
Le souci de la promotion de la création et de sa
sauvegarde sont bien présents dans ce pacte puisqu'en son article 6, il
est prévu que les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le
droit au travail, qui comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la
possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou
accepté, et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce
droit. Il semble tout à fait vrai qu'un défaut de protection
optimale réduit les possibilités de voir de nouvelles
créations apparaitre.
La protection des créateurs d'oeuvres de l'esprit dans
le Pacte prend une dimension encore plus grande à la lecture de
l'article 15 de ce texte. Il dispose en effet que : «
1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent
à chacun le droit: a) De participer à la vie culturelle;
b) De bénéficier du progrès
scientifique et de ses applications;
c) De bénéficier de la protection des
intérêts moraux et matériels découlant de toute
production scientifique, littéraire ou artistique dont il est
l'auteur.
2. Les mesures que les Etats parties au présent
Pacte prendront en vue d'assurer le plein exercice de ce droit devront
comprendre celles qui sont nécessaires pour assurer le maintien, le
développement et la diffusion de la science et de la culture.
3. Les Etats parties au présent Pacte s'engagent
à respecter la liberté indispensable à la recherche
scientifique et aux activités créatrices.
4. Les Etats parties au présent Pacte
reconnaissent les bienfaits qui doivent résulter de l'encouragement et
du développement de la coopération et des contacts internationaux
dans le domaine de la science et de la culture ».
Il ressort ici un véritable apanage de la science et de
la culture en général et des activités créatrices
en particulier. Les Etats doivent non seulement favoriser l'éclosion de
la création, l'accompagner afin qu'elle puisse se faire à bon
escient, mais aussi prendre des mesures adéquates en vue d'assurer
à toute personne le maintien, le bénéfice de la protection
des intérêts moraux et matériels découlant d'une
production scientifique, littéraire ou artistique. Ceci est
également vrai en ce qui concerne la déclaration universelle des
droits de l'homme.
La Déclaration universelle des droits de l'Homme est
une déclaration adoptée par l'Assemblée
générale des Nations unies le 10 Décembre 1948. Elle
précise les droits de l'homme fondamentaux. Sans véritable
portée juridique en tant que telle, ce texte n'a qu'une valeur de
proclamation de droits.
A ce niveau, il nous a été donné de
constater que le raisonnement pourrait être le même que celui qui a
été fait quant au pacte exposé plus haut. Il s'agit d'un
texte qui ne fait que proclamer la reconnaissance et la protection de toute
création. Les acteurs du droit de la propriété
littéraire et artistique au Sénégal peuvent donc bel et
bien s'en prévaloir pour permettre une garantie plus efficiente de la
sauvegarde de leurs droits. Ils peuvent l'utiliser et s'en prévaloir
comme une simple norme inspiratrice, tant il est vrai qu'aucun moyen ne doit
être mis de côté lorsqu'il s'agit de protéger
l'auteur et le titulaire des droits voisins.
Deux dispositions attirent une attention particulière
dans cette déclaration en ce qui a trait à la protection des
droits de propriété intellectuelle et partant, des droits de
propriété littéraire et artistique. Dans un premier temps,
l'article 19 reconnait ainsi à tout individu le droit de chercher, de
recevoir et de répandre les informations et les idées par quelque
moyen que ce soit. Il revient donc à dire ici que toute diffusion d'une
création dont la source serait intellectuelle est garantie et peut
être menée sans obstacle.
Dans un second temps, la lecture de l'article 27 de la
déclaration est assez éloquente par rapport à la
protection des droits de propriété littéraire et
artistique. Il dispose in fine que : «
1. Toute personne a le droit de prendre part librement
à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de
participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en
résultent.
2. Chacun a droit à la protection des
intérêts moraux et matériels découlant de toute
production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur
».
Les différents alinéas de ces articles sont
parlants et il est indiscutable qu'une protection effective des droits de
propriété littéraire et artistique puisse y trouver un
élément inspirateur supplémentaire.
En somme, les auteurs et les titulaires de droits voisins au
Sénégal seraient bien inspirés de s'en
référer au Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels et également à la
Déclaration universelle des droits de l'homme afin de renforcer
l'arsenal de leur protection contre une quelconque atteinte à leurs
droits. Ceci d'autant plus que cet arsenal textuel de protection connait
quelques insuffisances à même de retarder son expansion
optimale.
SECTION II : LA PROBLEMATIQUE DES INSUFFISANCES
DE L'EXISTANT NORMATIF EN MATIERE DE PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE
LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
S'il est vrai que le dispositif normatif applicable au
Sénégal est assez étoffé, il n'en demeure pas moins
qu'il rencontre quelques obstacles qui sont de nature à biaiser la
protection des droits de propriété littéraire et
artistique. En effet, celles-ci sont liées à des
difficultés d'application des textes y relatifs (Paragraphe I) et
à la transposition pas encore effective des conventions internationales
en droit positif interne (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LES DIFFICULTES D'APPLICATION
DU DISPOSITIF EN VIGUEUR EN MATIERE DE PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE
LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
à chercher bien loin. En effet, une approche des
acteurs du droit de la propriété littéraire et artistique
permet d'en cerner les contours et d'en comprendre les origines. Il existe
ainsi un défaut de décrets d'application de la loi en vigueur
(A), ce qui entraine un flou juridique considérable (B).
A-LE DEFAUT DES DECRETS D'APPLICATION DE LA LOI
2008-09
En effet, depuis sa promulgation le 25 Janvier 2008, aucun
décret d'application n'a été pris en application de la Loi
N°2008-09, son applicabilité est donc sujette à caution,
elle est rangée dans les tiroirs du Ministère de la Culture et
tarde à être appliquée. Ce qui n'est pas du goût des
acteurs culturels dont la plupart estime que cette situation n'est pas pour
redorer l'image du Sénégal littéraire et artistique.
Ainsi, pour la Directrice du BSDA, Mme Abibatou YOUM SIBY, les
lois sont là, mais c'est leur effectivité qui pose
problème. En effet, au plan des textes, les artistes sont reconnus,
l'environnement a été assaini et les oeuvres
protégées mais c'est l'application des textes qui
reste.8
Cette situation inédite conduit inéluctablement
à se poser la question suivante : qu'est-ce qui bloque l'application de
la Loi N°2008-09 du 25 Janvier 2008 portant sur le Droit d'Auteur et les
Droits voisins ? La réponse à cette question intéresserait
tous les acteurs culturels dont les oeuvres sont aujourd'hui pour la plupart
menacées par l'apparition du phénomène de la piraterie,
l'avènement des nouvelles technologies de l'information et de la
communication qui favorisent les téléchargements illégaux,
et bouleversant la propriété littéraire et artistique.
Aussi, la réponse à cette question peut se retrouver dans les
assertions suivantes : une mauvaise volonté politique culturelle et une
mauvaise compréhension de l'importance de l'application de ladite loi.
L'attente devient trop longue et il n'est pas vraiment intéressant de
voter une loi sans l'appliquer, d'autant plus que ladite loi contient les
dispositions nécessaires à la protection et s'avère
être un texte très indiqué quant aux préoccupations
des titulaires des droits d'auteurs et des droits connexes.
Contrairement à la loi de 2008, la Loi n°73-52 ne
prend pas en compte tous les aspects de la propriété
littéraire et artistique. Aussi, elle ne se préoccupe pas des
droits voisins dont les titulaires ne bénéficient pas de la
protection qu'elle offre. Fort heureusement, comme nous l'avons vu dans une
partie précédente de ce travail de recherche, la nouvelle loi met
en oeuvre l'ensemble des doléances présentées pas les
acteurs sénégalais de la propriété
littéraire et artistique, mais son inapplication totale reste
problématique. C'est cela qui a sûrement poussé le
secrétaire de
8 Youssou SOUMARE, chef du contentieux au BSDA, DROIT
D'AUTEUR AU SENEGAL : Chronique d'une mort annoncée ou promesses de
lendemains meilleurs pour le respect d'un principe sacro-saint et
universellement reconnu ?
l'association des métiers de la musique, Monsieur
Guissé PENE à s'exprimer en ces termes : « Si nous
devons juger la musique sénégalaise du côté de
l'accompagnement et de la législation, elle est au point mort...
»9
Par ailleurs, pour ce qui est de la gestion des revenus et des
droits des acteurs de la propriété artistique, principalement du
domaine musical, Monsieur PENE déclare: « aucun investissement ne
peut être fait à cause de la contrefaçon... cette loi a
été promulguée en Janvier 2008, voilà 3 ans et demi
qu'elle n'est pas appliquée ; c'est comme si c'est la plus belle femme
du monde, mais elle est nue ». Il semble assez aisé de comprendre
l'amertume qui habite le secrétaire de l'association des métiers
de la musique et à travers lui, tous les protagonistes de la
propriété littéraire et artistique évoluant au sein
de l'espace culturel sénégalais.
Ainsi, les dispositions de la loi 2008-09 susceptibles de
décrets d'application sont les suivantes : l'article 50 concernant les
modalités d'exercice du droit de suite par les auteurs et les titulaires
de droits connexes. L'article 117 portant sur l'agrément des
sociétés de gestion collective de droits d'auteur en ce qui a
trait à leur constitution. Il y a également la disposition
portant sur le contrôle des associés des sociétés de
gestion collective et les modalités d'exercice de ce droit prévu
à l'article 123. Un contrôle administratif sous la forme d'une
commission permanente de contrôle de cinq membres pour une durée
de cinq ans est également prévu à l'article 124. Son
organisation et son fonctionnement doivent être précisés
par décret. Enfin, l'article 129 concernant la preuve de la
matérialité de toute violation d'un droit reconnu par la loi
2008-09 sur le droit d'auteur et les droits voisins doit être
précisé également par décret.
Telles sont les dispositions susceptibles de faire l'objet de
décret d'application par le gouvernement sénégalais, cela
n'est pas encore le cas mais devrait fortement l'être à l'heure
qu'il est. Cette situation cocasse s'accompagne également d'un flou
juridique, ce qui n'est pas pour rendre service aux acteurs de la
propriété littéraire et artistique.
B - LE FLOU JURIDIQUE CONSECUTIF AU DEFAUT DE
DECRETS D'APPLICATION
A côté de l'inexistence d'un décret
d'application quant à la loi de 2008, il convient de noter
également un flou juridique en rapport avec la survivance de la
précédente loi régissant la matière. En effet,
d'une part, la loi n°73-52 du 4 Décembre 1973 conserve toute sa
pertinence en ce sens qu'en dépit du fait qu'elle ne prend pas en compte
les droits voisins, certaines de ses dispositions restent applicables à
des
9
http://rufisquenews.com/arts-et-culture/323-loi-sur-le-droit-dauteur-et-les-droits-voisins-en-veilleuse-laresponsabilite-de-letat-engagee.html
situations actuelles. D'autre part, il y a également le
fait que la nouvelle loi de 2008 annule de facto la précédente,
toute chose qui ne s'est pas encore traduite juridiquement afin que les
titulaires des droits d'auteurs et des droits voisins puissent
bénéficier de la manière la plus adéquate possible,
de la protection qu'elle leur apporte. Ladite protection qui, comme nous
l'avons observé plus haut, semble tout à fait répondre aux
attentes des acteurs de la propriété littéraire et
artistique au Sénégal.
La responsabilité de l'Etat est dès lors
engagée dans la mesure où la protection des personnes et de leurs
biens lui revient. Il s'agit donc tout simplement de conformer le dispositif
normatif existant aux exigences réglementaires. Cela se traduit par la
prise d'un décret d'application afin que la loi de 2008, qui a
été si bien accueillie puisse produire pleinement ses effets, qui
seront entre autres une protection effective des droits de
propriété littéraire et artistique, et la prise en
considération des normes internationales en la matière auxquelles
l'Etat du Sénégal a été partie. Il est
nécessaire aujourd'hui de mettre sur pied la nouvelle
société de gestion collective dotée de tous les pouvoirs
pour protéger les droits des artistes.
PARAGRAPHE II : LA TRANSPOSITION DES
NORMES INTERNATIONALES RELATIVES A LA PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE
LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
Il existe certaines normes d'origine conventionnelle relatives
au droit de la propriété littéraire et artistique.
Celles-ci vont dans le sens d'une sauvegarde et d'une protection plus accrues
des intérêts des titulaires des droits de la
propriété littéraire et artistique. Soucieux de voir les
créateurs sénégalais ou ceux résidant au
Sénégal bénéficier de cette protection, l'Etat du
Sénégal a toujours été signataire de ces textes et
y a accordé une attention toute particulière, que ce soit en
matière de droits d'auteurs (A) d'une part, ou de droits connexes au
droit d'auteur (B) d'autre part.
A-LA TRANSPOSITION DES NORMES INTERNATIONALES
EN MATIERE DE DROIT D'AUTEUR
En matière de droits d'auteurs, deux principales normes
retiendront notre attention en ce qui concerne la protection des droits
à l'échelle internationale. Il s'agit d'une part de la Convention
De Berne pour la protection des droits des oeuvres littéraires et
artistiques et d'autre part, du Traité de l'organisation mondiale pour
la propriété intellectuelle sur le droit d'auteur.
La Convention de Berne pour la protection des oeuvres
littéraires et artistiques est un traité diplomatique qui
établit les fondements de la protection internationale des oeuvres. Elle
permet notamment à un auteur étranger de se prévaloir des
droits en vigueur dans le pays où ont lieu les représentations de
son oeuvre.
Signée le 9 septembre 1886 à Berne, elle a
été complétée à Paris (1896),
révisée à Berlin (1908), complétée à
Berne (1914), révisée à Rome (1928), à Bruxelles
(1948), à Stockholm (1967) et à Paris (1971) et modifiée
en 1979. La convention est entrée en vigueur au Sénégal le
25 Août 1962. Elle s'attache à garantir la protection des
personnes titulaires de droits, des oeuvres et prévoit la durée
de cette protection.10
Ainsi à l'article 2.1 il est prévu que «
la protection s'applique à toutes les productions du domaine
littéraire, scientifique et artistique quel qu'en soit le mode ou la
forme d'expression. Les oeuvres mentionnées dans ce cadre jouissent de
la protection dans tous les pays de l'union et celle-ci s'exerce au profit de
l'auteur et de ses ayants droits. Les oeuvres ayant pour pays d'origine l'un
des États contractants, c'est-à-dire dont l'auteur est un
ressortissant d'un des États de l'union, doivent
bénéficier dans chacun des autres États contractants de la
même protection que celle que cet Etat accorde aux oeuvres de ses propres
nationaux ». Il s'agit là du principe du traitement national
prévu et réglementé aux articles 3 et 4. L'auteur
étranger sera donc assimilé à un national,
bénéficiant ainsi de la même protection que celui-ci, sauf
si la législation en vigueur est inférieur au minimum
conventionnel.11
Aussi, le principe de la protection automatique prévu
à l'article 5.2 renvoie au fait que la protection ne doit être
subordonnée à l'accomplissement d'aucune formalité. Cette
disposition n'implique aucune modification du droit interne pour les
États subordonnant la protection à un dépôt de
l'oeuvre. La Convention a, en effet, pour seul but de réguler les
relations internationales.
Par ailleurs, la Convention de Berne met en avant un certain
nombre de droits patrimoniaux sur lesquels s'exerce la protection prévue
et règlementée. Ce sont des droits exclusifs nécessitant
l'autorisation de l'auteur ou de ses ayants-droit : nous pouvons relever ainsi
:
· le droit de traduire ;
· le droit de faire des adaptations et des arrangements de
l'oeuvre ;
· le droit de représenter ou d'exécuter en
public des oeuvres dramatiques, dramatico-musicales et musicales ;
· le droit de réciter en public des oeuvres
littéraires ;
10
http://www.wipo.int/treaties/fr/ip/berne/trtdocswo001.html
11
· le droit de communiquer au public la
représentation ou l'exécution de ces oeuvres ;
· le droit de radiodiffuser (avec la possibilité
pour un État contractant de prévoir un simple droit à une
rémunération équitable au lieu d'un droit d'autorisation)
;
· le droit de faire des reproductions de quelque
manière et sous quelque forme que ce soit (avec la possibilité
pour un État contractant de permettre dans certains cas spéciaux
la reproduction sans autorisation si elle ne porte pas atteinte à
l'exploitation normale de l'oeuvre ni ne cause un préjudice
injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur et de
prévoir, pour les enregistrements sonores d'oeuvres musicales, un droit
à une rémunération équitable) ;
· le droit d'utiliser une oeuvre comme point de
départ d'une oeuvre audiovisuelle, et le droit de reproduire,
distribuer, exécuter en public ou communiquer au public cette oeuvre
audiovisuelle.
La convention prévoit aussi des droits moraux
c'est-à-dire le droit de revendiquer la paternité de l'oeuvre et
le droit de s'opposer à toute mutilation, déformation ou autre
modification de l'oeuvre ou à toute autre atteinte qui serait
préjudiciable à l'honneur ou à la réputation de
l'auteur et cela à l'article 6 bis al 1. Elle n'a repris ici que les
éléments essentiels du droit moral, soit ceux faisant l'objet
d'un consensus chez les États contractants. L'article 6 bis 2
précise que « sa durée ne peut être
inférieure à celle des droits patrimoniaux ».
En ce qui concerne la durée de protection, la
règle générale est que la protection doit être
accordée jusqu'à l'expiration de la 50e année après
la mort de l'auteur. Mais cette règle générale
connaît des exceptions. Pour les oeuvres anonymes ou pseudonymes, la
durée de protection expire 50 ans après que l'oeuvre a
été licitement rendue accessible au public, sauf si le pseudonyme
ne laisse aucun doute sur l'identité de l'auteur ou si celui-ci
révèle son identité pendant la période en question,
auquel cas c'est la règle générale qui s'applique. Pour
les oeuvres audiovisuelles (cinématographiques), la durée
minimale de protection est de 50 ans après que l'oeuvre a
été rendue accessible au public ou, à défaut d'un
tel événement, à compter de la création de
l'oeuvre. Pour les oeuvres des arts appliqués et les oeuvres
photographiques, la durée minimale est de 25 ans à compter de la
création de l'oeuvre.
Ce dispositif protecteur des droits d'auteurs est retrouvé
également au sein du traité de l'OMPI sur le droit d'auteur.
Convention de Berne aux évolutions culturelles et
techniques, inclus dans la liste des oeuvres protégées les
logiciels et les bases de données.12
En effet, il s'agissait d'apporter des réponses
appropriées aux questions soulevées par l'évolution
constatée dans les domaines économique, social, culturel et
technique, ainsi qu'à l'évolution et la convergence des
techniques de l'information et de la communication que le droit en
général et le droit de la propriété
littéraire et artistique ne peut plus ignorer. C'est ainsi que l'article
2 du traité dispose que : « la protection au titre du droit
d'auteur s'étend aux expressions et non aux idées,
procédures, méthodes de fonctionnement ou concepts
mathématiques en tant que tels ».
Le traité de l'OMPI en tant que texte mettant en avant
l'évolution technologique apporte une avancée significative dans
le champ de protection des oeuvres et des auteurs qui s'en trouve un peu plus
élargi. Ainsi, aux articles 5 et 6, il est fait état de notions
qui n'étaient pas prises en compte jusque là, telles que les
programmes d'ordinateurs et des compilations de données.
L'article 5, pour apporter une protection aux programmes
d'ordinateur fait référence à l'article 2 de la Convention
de Berne que nous avons déjà rencontré plus haut. Ceuxci
jouissent ainsi de la protection quel qu'en soit le mode ou la forme
d'expression.
Quant aux compilations de données, l'article 6 dispose
à cet effet que : « les compilations de données ou
d'autres éléments, sous quelque forme que ce soit, qui, par le
choix ou la disposition des matières, constituent des créations
intellectuelles sont protégées comme telles. Cette protection ne
s'étend pas aux données ou éléments eux-mêmes
et elle est sans préjudice de tout droit d'auteur existant sur les
données ou éléments contenus dans la compilation
».
Par ailleurs, le traité fait obligation aux Etats
contractants de prévoir une protection juridique appropriée et
des sanctions juridiques efficaces contre la neutralisation des mesures
techniques efficaces qui sont mises en oeuvre par les auteurs dans le cadre de
l'exercice de leurs droits en vertu du présent traité ou de la
Convention de Berne et qui restreignent l'accomplissement, à
l'égard de leurs oeuvres, d'actes qui ne sont pas autorisés par
les auteurs concernés ou permis par la loi. Il est fait état ici
des mesures de lutte contre la contrefaçon par le moyen d'internet
encore appelée piraterie assistée par internet.
Les normes internationales ci-dessus exposées
s'attachent à protéger le droit d'auteur uniquement. Qu'en est
-il à présent des droits voisins ? Étant entendu que
ceux-ci font parties intégrantes du droit de la propriété
littéraire et artistique, ils doivent être protégés
tout autant.
12
http://www.wipo.int/treaties/fr/ip/wct/trtdocswo033.html
B - LA TRANSPOSITION DES NORMES INTERNATIONALES
EN MATIERE DE DROITS CONNEXES AU DROIT D'AUTEUR
La protection internationale des droits voisins trouve son
origine principalement au sein de deux textes qui sont la Convention de Rome et
le Traité dit « Internet » de l'OMPI sur les
interprétations et exécutions et phonogrammes.13
La convention internationale sur la protection des artistes
interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des
organismes de radiodiffusion faite à Rome le 26 octobre 1961 traduit le
désir des états contractants de protéger les droits des
différentes catégories de droits connexes que sont les artistes
interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des
organismes de radiodiffusion. Même s'il est vrai que l'Etat du
Sénégal ne l'a pas ratifié, il n'en demeure pas moins que
les acteurs du droit de la propriété littéraire et
artistique sénégalais s'en inspirent largement dans le sens de
renforcer leur protection et de sauvegarder leurs droits.
Dans cette optique, les initiateurs de la loi 2008-09 ne s'y
sont pas trompés lorsqu'ils déclarent dans l'exposé des
motifs de ladite loi que : « ...la deuxième est que le
Sénégal doit, pour respecter ses obligations internationales,
mettre sa législation en conformité avec certaines conventions.
Il s'agit, dans l'ordre chronologique, de la Convention de Rome du 26 octobre
1961 sur la protection des artistes interprètes et des producteurs de
phonogrammes »14.
L'article 2 présente le type de protection que propose
la convention. Il s'agit du principe du traitement national que nous avons
déjà eu l'occasion de rencontrer dans le cadre de cette
étude. Ainsi, c'est le traitement que l'Etat contractant sur le
territoire duquel la protection est demandée accorde, en vertu de sa
législation nationale aux titulaires des droits voisins au droit
d'auteur, sous réserve des critères de rattachement
prévus. Ceux-ci diffèrent selon qu'il s'agit des artistes
interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes ou des
organismes de radiodiffusion.
En ce qui concerne la première catégorie,
l'article 4 prévoit l'application du traitement national toutes les fois
que l'exécution a lieu dans un autre État contractant; que
l'exécution est enregistrée sur un phonogramme
protégé en vertu de l'article 5 ; que l'exécution non
fixée sur phonogramme est diffusée par une émission
protégée en vertu de l'article 6.
Il est prévu également à l'article 5 que
chaque Etat contractant accordera le traitement national aux producteurs de
phonogrammes touts les fois que le producteur de phonogrammes est le
ressortissant d'un autre État contractant ; que la
13
http://www.bsda.sn/OMPIWPPT.pdf
14
wikipedia.org
première fixation du son a été
réalisée dans un autre État contractant ; que le
phonogramme a été publié pour la première fois dans
un autre État contractant.
Quant aux organismes de radiodiffusion, la protection en vertu
du traitement national leur sera accordée toutes les fois que le
siège social de l'organisme de radiodiffusion est situé dans un
autre État contractant; que l'émission a été
diffusée par un émetteur situé sur le territoire d'un
autre État contractant.
Par ailleurs, il convient de souligner que la convention
n'offre pas une protection indéfinie, celle-ci est bel et bien
enfermée dans des délais bien précis. A cet effet,
l'article 14 dispose que : « la durée de la protection à
accorder en vertu de la présente Convention ne pourra pas être
inférieure à une période de vingt années à
compter de :
a) la fin de l'année de la fixation, pour les
phonogrammes et les exécutions fixées sur ceux-ci;
b) la fin de l'année où l'exécution a
eu lieu, pour les exécutions qui ne sont pas fixées sur
phonogrammes;
c) la fin de l'année où l'émission a eu
lieu, pour les émissions de radiodiffusion ».
Après avoir présenté la protection
prévue par la convention de Rome, voyons dès à
présent une autre norme relative à la protection des droits
voisins : le Traité de l'OMPI sur les interprétations et
exécutions et les phonogrammes (WPPT).
Adopté à Genève le 20 Décembre
1996, le traité « internet » de l'OMPI sur les
interprétations et exécutions et les phonogrammes est un texte
d'origine conventionnelle mettant en oeuvre la sauvegarde et la protection des
droits voisins à une échelle internationale. A sa lecture, la
tentation est forte de dire qu'elle n'est que l'alter ego en matière de
droits connexes du traité de l'OMPI sur le droit d'auteur. Mais il nous
a été donné de constater qu'il serait réducteur de
ne s'en tenir qu'à une telle position.
En effet, il s'agissait pour les parties contractantes non
seulement de reconnaitre que l'évolution et la convergence des
techniques de l'information et de la communication ont une incidence
considérable sur la production et l'utilisation des
interprétations ou exécutions et des phonogrammes, mais aussi que
la nécessité de maintenir un équilibre entre les droits
des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de
phonogrammes et l'intérêt public général, notamment
en matière d'enseignement, de recherche et d'accès à
l'information sont des données dont il n'est plus possible de passer
outre.
Dans cette perspective, le Sénégal n'est pas en
reste. C'est ainsi qu'il a ratifié le traité le 18
Février 2002, après l'avoir signé le 17 Décembre
199715. Son entrée en
15
http://www.bsda.sn/CONVENTIONROME.pdf
vigueur le 20 Mai 2002 a constitué une bonne nouvelle
pour les titulaires de droits voisins se trouvant sur le territoire
sénégalais. En effet, les bénéficiaires de la
protection prévue par le traité sont précisés
à l'article 4 alinéa 1 : « les Parties contractantes
accordent la protection prévue par le présent traité aux
artistes interprètes ou exécutants et aux producteurs de
phonogrammes qui sont ressortissants d'autres Parties contractantes
».
Par ailleurs, la durée de la protection prévue
par le traité ne doit pas être inférieure à 50 ans,
que ce soit celle à accorder aux artistes interprètes ou
exécutants ou celle à accorder aux producteurs de phonogrammes
à compter de la fin de l'année de la fixation.
Enfin, le traité prévoit une obligation faite
aux Etats contractants d'instaurer des mesures techniques appropriées
contre les violations des droits voisins à travers les outils de
technologie de l'information et de la communication. Aussi, est-il
précisé à l'article 18 que : « les
Parties contractantes doivent prévoir une protection juridique
appropriée et des sanctions juridiques efficaces contre la
neutralisation des mesures techniques efficaces qui sont mises en oeuvre par
les artistes interprètes ou exécutants ou les producteurs de
phonogrammes dans le cadre de l'exercice de leurs droits en vertu du
présent traité et qui restreignent l'accomplissement, à
l'égard de leurs interprétations ou exécutions ou de leurs
phonogrammes, d'actes qui ne sont pas autorisés par les artistes
interprètes ou exécutants ou les producteurs de phonogrammes
concernés ou permis par la loi ».
Après avoir exposé le dispositif normatif
applicable, il nous est apparu évident qu'une protection effective des
droits de propriété littéraire et artistique ne peut
être complète si elle n'est prévue qu'au niveau normatif et
pas assez dans sa mise en oeuvre pratique.
CHAPITRE II : L'EFFECTIVITE DE LA MISE EN OEUVRE DE
LA PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
Une protection effective des droits de propriété
littéraire et artistique doit non seulement être prévue au
plan textuel, mais aussi se traduire par des actes et des faits destinés
à assurer la mise en oeuvre de ladite protection. Celle-ci, pour
être effective doit s'opérer sur le plan organique (Section I)
d'une part, et sur le plan judicaire (Section II) d'autre part.
SECTION I : L'EFFECTIVITE DE LA MISE EN OEUVRE DE
LA PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE SUR LE
PLAN ORGANIQUE
La protection des droits de propriété
littéraire et artistique au plan organique fait référence
aux organismes non judiciaires chargés de la gestion, la protection, la
sauvegarde et la répression contre les atteintes aux droits des auteurs
et des titulaires des droits voisins. Ceux-ci jouissent d'un statut et sont
investis de certaines missions (Paragraphe I), mais il nous a été
donné de constater que leurs actions sont assez limitées
(Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LE STATUT ET LES MISSIONS DES ORGANISMES
INTERVENANT EN PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
Dans le dispositif sénégalais, ces organismes
sont d'une part le bureau sénégalais du droit d'auteur (BSDA)
(A), et d'autre part, la brigade nationale de lutte contre la piraterie et la
contrefaçon (BNLPC) (B).
A- LE STATUT ET LES MISSIONS DU BSDA EN MATIERE
DE PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
Le Bureau Sénégalais du Droit d'Auteur
(B.S.D.A), a été crée en 1972 par la Loi 72- 40 du 08 Mai
1972 pour être substitué au Bureau Africain des Gens de Lettres et
Auteurs de Conférences institué par l'ordonnance du 14 Avril
1943.16
Etablissement public à caractère professionnel,
le BSDA est placé sous la tutelle du Ministre chargé de la
Culture. À ce titre, il :
- connaît l'intervention des Corps de Contrôle et
Vérification des Comptes de l'Etat ; - dispose d'une autonomie de
gestion ;
16 Loi 72-40 du 08 Mai 1972 portant création du
Bureau sénégalais du droit d'auteur
- compte un Conseil d'Administration ;
- comptabilise une absence totale de subvention de l'Etat.
Les organes statutaires du BSDA gravitent autour du Conseil
d'administration et de la Direction Générale.
Le conseil d'administration est composé :
1. d'un Président nommé par Décret
présidentiel
2. de deux Auteurs-compositeurs
3. de deux Auteurs Dramatiques
4. de deux Auteurs Littéraires
5. d'un Représentant du Ministre de la Culture qui
assiste avec voix consultative aux réunions du Conseil
d'Administration.
Précisons à la suite que ne peuvent être
membres du Conseil d'Administration, que les auteurs sénégalais
qui jouissent de leurs droits civils et n'ayant jamais fait l'objet d'une
sanction pour l'un des motifs suivants : contrefaçon, plagiat, faux
programmes. Et en dehors du Président qui est nommé par
Décret présidentiel, les autres membres du Conseil
d'Administration sont nommés par Arrêté du Ministre en
charge des Affaires culturelles.
Au même titre que le Président du Conseil
d'Administration, le Directeur Général est nommé par
Décret présidentiel mais, ne peut être Auteur ou
Compositeur.
Le Directeur Général est responsable de la
gestion et de l'administration du BSDA. De ce fait, il représente
celui-ci vis-à-vis des tiers ou dans les procès ou actions
judiciaires.
Ayant en charge la réalisation des orientations
politiques et ambitions du BSDA, la Direction Générale coordonne
le travail des différents Départements techniques qui constituent
la cheville ouvrière de la structure.
Ces différents Départements sont subdivisés
en Services ou en Divisions soit : Pour le Département de la
Documentation Générale et des Répartitions :
o la Division Documentation Générale et de
l'Automatisation du Fichier
o la Division des Répartitions
o la Division des Programmes et de la Coopération
Internationale
Pour le Département de la Perception, de la Promotion du
Répertoire et des Nouvelle Technologies
- Service de la Perception des Droits de Reproduction en charge
des Séances
Occasionnelles
- Service de la Perception des Droits Numériques
(Téléchargement, sonneries
de téléphone, droits du multimédia, etc.)
- Service Chargé de la gestion des
Vidéothèques
Pour la Direction Administrative et Financière -
Comptabilité Générale
- Comptabilité Matière
- Trésorerie
- Fonds Social
Notons tout de même qu'en vertu de la loi 2008-09,
à long terme, le BSDA devrait disparaitre et laisser jour à des
sociétés de gestion collective des droits de
propriété littéraire et artistique. Selon l'article 110,
des sociétés de gestion collective peuvent être
crées par les titulaires de droits d'auteur et de droits voisins,
celles-ci pouvant être constituées sous forme de
sociétés civiles. Elles doivent également être
agrées par décret sur proposition du Ministre de la culture
conformément aux dispositions de l'article 117.
Il pourra être créé également une
société de gestion collective pour chaque répertoire
d'oeuvres protégées par le droit d'auteur, pour les
artistes-interprètes, pour les producteurs de phonogrammes, pour les
producteurs de vidéogrammes et pour les éditeurs. Ces
sociétés pourront constituer entre elles, pour les
nécessités de la gestion, des sociétés communes.
Remarquons enfin qu'il n'existe pas d'obligation d'adhérer
à ces sociétés de gestion collective. L'article 114
dispose à cet effet que : «
- Caractère facultatif de la gestion
collective.
Sauf s'il en est disposé autrement par la loi, les
titulaires du droit d'auteur et de droit voisins ne sont pas tenus
d'adhérer à une société de gestion collective. Sous
réserve d'un préavis suffisant, ils peuvent se retirer de la
société après y avoir adhéré. »
En ce qui concerne ses missions, le BSDA est chargé
« d'assurer la défense des intérêts moraux et
matériels des auteurs dans le domaine de la musique, de la
littérature, de la dramatique, de l'audiovisuel, des arts graphiques et
plastiques ».
Le bureau est également habilité à :
- se substituer sur le territoire du Sénégal aux
sociétés étrangères ;
- exécuter des contrats avec les usagers ou groupements
d'usagers ;
- conclure des accords avec les sociétés
d'auteurs étrangères en vue de la représentation et de la
gestion de leurs répertoires sur le territoire du Sénégal
;
- accomplir tous actes et prendre toutes dispositions
destinées à contribuer à la bonne réalisation de
son objet et de ses attributions, et, notamment, la constitution de commissions
chargées de l'étude des questions touchant à la
profession.
Au cours de nos recherches, il est apparu comme une
lapalissade le fait qu'il n'est pas possible d'évoquer les
réalisations et les actions du BSDA sans faire référence
aux deux affaires BSDA contre WALFADJRI17. Ces affaires ont
matérialisé la volonté et l'abnégation du BSDA dans
sa mission de protection et de gestion des droits et revenus des acteurs de la
propriété littéraire et artistique. En effet, le groupe
WALFADJRI n'ayant pas voulu s'acquitter des droits de redevance de diffusion
des oeuvres protégées d'une part, et ayant commis des actes de
contrefaçon vis-à-vis d'oeuvres protégées d'autre
part, le BSDA a saisi le tribunal pour faire respecter les droits des
bénéficiaires de la protection.
Rappelons également que la déclaration faite au
BSDA par un créateur offre à celuici des garanties
conséquentes, étant entendu que tout créateur
bénéficie de la protection du seul fait de la création de
son oeuvre. Ainsi, le titulaire d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin qui se
fait enregistrer apporte à sa création une date certaine,
nécessaire en tant que moyen de preuve en cas d'éventuelle
contestation. Afin de se prémunir face aux contrefacteurs ou pirates et
pouvoir faire valoir l'antériorité de leur création
littéraire ou artistique.
B - LE STATUT ET LES MISSIONS DE LA BNLPC EN MATIERE
DE PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
Créée en 2006 par le Décret
N°2006.1398 portant création de la Brigade Nationale de Lutte
contre la Piraterie et la Contrefaçon (BNCLP), cette dernière est
structurée aux termes de l'Arrêté Ministériel
N°004074 du 04/06/ 200718 portant son organisation, son
fonctionnement et ses attributions :
- d'un Commissaire de Police chef de la Brigade Nationale de
Lutte contre la Piraterie et de la Contrefaçon,
17 Archives du BSDA
18 Cf. exposé des motifs de
l'Arrêté ministériel n°4074 :
http://www.jo.gouv.sn/spip.php?article6295
- d'un Secrétariat chargé de la préparation,
la réception et l'expédition du courrier ainsi que la
conservation des archives,
- d'un Bureau de Recherche et d'Enquête chargé de la
recherche et de la constatation des infractions sur la législation sur
la propriété littéraire et artistique et de la conduite
des enquêtes y afférentes,
- d'un Bureau d'Analyse chargé de la centralisation et du
traitement des données statistiques relatives à la lutte contre
la piraterie et la contrefaçon.
La Brigade Nationale de Lutte contre la Piraterie et la
Contrefaçon (BNLCP) est une Unité Spécialisée de la
Police Nationale Sénégalaise qui relève de la Direction de
la Sécurité Publique de la Direction Générale de la
Sûreté Nationale dont la création répond
principalement à une double préoccupation qui consiste en premier
lieu , à saisir tout produit contrefait et tout appareil ayant servi ou
destiné à reproduire ou à exploiter illicitement les
oeuvres protégées ainsi que les revenus qui en sont tirés
puis, à porter assistance au Bureau Sénégalais du Droit
d'Auteur (BSDA) dans ses missions de recouvrement et de contrôle des
conditions d'utilisation du répertoire protégé.
La piraterie et la contrefaçon constituent de nos jours
un fléau aux conséquences néfastes, non seulement sur la
création et l'emploi, mais également sur l'économie.
Il est nécessaire alors de réagir efficacement
par une action concertée et globale des départements
ministériels concernés. En sus de l'adaptation de l'environnement
juridique à la situation, la création d'une Brigade Nationale de
Lutte contre la Piraterie et la Contrefaçon constitue un
impératif pour le succès de la lutte contre ce fléau des
temps modernes.
Les missions de la brigade nationale de lutte contre la
piraterie et la contrefaçon sont de constater et de poursuivre toutes
les infractions liées à l'atteinte aux droits de
propriété littéraire et artistique.
En plus de cela, il est nécessaire de rappeler qu'en
vertu de l'Arrêté ministériel portant son organisation et
son fonctionnement, la BNLCP est parfaitement habilitée aussi à
effectuer des descentes dans les établissements où les droits de
propriété intellectuelle sont exploitées pour
procéder à des inspections allant dans le sens de s'assurer que
l'usager où l'exploitant est en conformité avec le BSDA d'abord
du point de vue de la licence légale d'exploitation (le Contrat de
Représentation générale) mais aussi du point de vue du
paiement des redevances au titre des droits d'auteur. Cela dit, il appartient
à l'usager d'apporter des preuves qu'il exploite en toute
légalité par ce que non seulement il a obtenu la licence mais il
est en règle vis-à-vis des titulaires de droits.
Outre cela, il y a lieu de préciser également que
l'adoption de la Loi 2008-09 du 25 Janvier 2008 sur le droit d'auteur et les
droits voisins au Sénégal qui prend en charge les nouveaux
modèles économiques, donne compétence à la
Brigade
d'intervenir dans le champ de l'exploitation des oeuvres de
l'esprit via les technologies de l'information et de la Communication et le
multimédia.
Par rapport à ses actions et à ses
réalisations, la Brigade s'est évertuée à produire
des résultats probants. En effet, depuis sa prise de fonction effective
qui date du 17 Juillet 2007, la Brigade a eu à interpeller et
déférer au parquet 378 personnes et saisir un impressionnant lot
de supports contrefaits et de matériels de diverses natures ayant servi
à commettre des infractions. En effet, la brigade dans l'exercice de ses
missions peut être saisie par toute personne informée de la
commission d'actes de piraterie ou de contrefaçon. Précisons que
la brigade peut également s'autosaisir. Les informations que nous avons
recueillies auprès de celle-ci nous ont permis de schématiser les
saisies effectuées à travers le tableau suivant :
Tableau Statistique des saisies effectuées par la BNLCP
de 2007 à nos jours19
NATURE DU SUPPORT
|
QUANTITES SAISIES
|
Supports audiovisuels et sonores
|
66495
|
Ordinateurs
|
18
|
Lecteurs DVD VCD DVX
|
52
|
Haut-parleur
|
08
|
Onduleurs
|
03
|
Imprimantes
|
09
|
Scanners
|
04
|
Décodeurs
|
241
|
TV
|
15
|
Amplificateur d'image
|
14
|
Clé USB
|
02
|
Duplicateurs
|
06
|
Amplificateurs de son
|
05
|
TOTAL
|
66 872
|
19 Archives de la BLNPC
PARAGRAPHE II : LES LIMITES AUX ACTIONS DES
ORGANISMES DU DROIT DE LA PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
Il est avéré que les organismes ci-dessus
présentés dans leur statut et leurs missions contribuent de
façon importante à une protection effective des droits de
propriété littéraire et artistique. Mais des
investigations approfondies et une approche des personnels de ces organismes
nous a permis de constater que dans l'exercice de leurs missions, ceux-ci
rencontrent beaucoup de difficultés, ce qui ne contribue pas assez
à une expansion de la protection des droits. Il nous a paru essentiel de
ressortir les difficultés que rencontrent d'un côté le BSDA
(A), et d'un autre côté la BNLPC (B).
A- LES DIFFICULTES DU BSDA DANS SA MISSION
DE PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
Les problèmes que rencontre le BSDA sont
articulés autour de l'information et la sensibilisation des populations
en général et des auteurs et des titulaires des droits voisins en
particulier.
Le BSDA, étant un bureau tourné vers la
population, rencontre des difficultés dans le cadre de l'information et
la sensibilisation de la population. D'abord dans le reflet de cette structure,
mais aussi, celui-ci doit traduire tous ses prospectus ainsi que la loi de 2008
dans les différentes langues du Sénégal afin que cette
population soit assez ancrée sur les questions du droit d'auteur.
Cette traduction est importante, mais très
coûteuse pour le BSDA. Et l'on peut aller plus loin pour affirmer que les
droits d'auteur au Sénégal ne s'arrêtent pas seulement
à Dakar mais cherchent à aller plus loin, dans le but d'atteindre
les extrémités du Sénégal. Ainsi, le personnel doit
être renforcé afin d'être plus performant.
Ensuite, on peut citer la piraterie qui prend une importante
ampleur. Le BSDA, malgré ses sensibilisations et ses modes d'information
de la population, perçoit toujours une forte indifférence de la
population et cela se constate par le fait que la majorité des oeuvres
littéraires et artistiques au Sénégal sont
piratées. Et le dernier constat est que même les artistes
eux-mêmes participent à la piraterie. C'est ce qui a poussé
un agent du BSDA à dire que « les véritables pirates
sont les artistes ». Car, avec le fait des hologrammes
préfinancés par le BSDA, qui sont assez coûteux selon les
usagers du BSDA, certains artistes paient les hologrammes et donnent une
autre
partie à des pirates pour contrefaire leurs oeuvres.
Toutefois, dans l'optique de ralentir la piraterie tout en sensibilisant la
population, le BSDA fait des descentes aussi bien à Dakar que dans les
environs du Sénégal afin de dissuader la population face à
la contrefaçon.
Ainsi, le BSDA travaille avec la Brigade Nationale de Lutte
contre la Piraterie et la Contrefaçon et le matériel saisit est
soit confisqué, soit détruit.
Dans le même ordre d'idées, il y'a
également le phénomène dit de « la
perméabilité des frontières ». Beaucoup de produits
pirates nous viennent de pays voisins, comme le Nigéria « qui n'a
pas de législation sur le droit d'auteur et qui abrite des industries
fortement équipées qui fabriquent n'importe quel support
[cassettes, DVD, etc.] injectés sur le territoire
sénégalais ».
Au plan local, il y a naturellement la piraterie
numérique avec son lot de spécialistes impénitents de la
gravure de CD qui font l'objet d'une lutte sans merci du BSDA. Et si on ajoute
à cela le manque de formation, parfois, de ceux qui doivent lutter
contre la piraterie sur les réseaux, on comprend que les services du
BSDA se sentent « dépassés, débordés,
submergés et impuissants ».
Il y'a par ailleurs le fait que les artistes eux-mêmes
ne font pas les diligences nécessaires auprès du BSDA, afin de se
faire enregistrer et faire valoir leurs droits en cas de contestations
éventuelles et ne pas se faire débouter en justice comme l'a
été l'artiste musicien Didier AWADI dans le litige qui l'opposait
à la SONATEL Mobiles SA, à la SONATEL SA et à la SARL
CARACTERE et qui a été jugé le 28 juillet 2006 par le
Tribunal Régional de Dakar20.
En effet, le sieur Didier AWADI a exposé avoir
crée et produit lors de la CAN 2004, une chanson titrée «
Rosa » et a ensuite procédé à son enregistrement au
BSDA. Mais il indique avoir constaté que cette chanson a
été utilisée à plusieurs reprises par la SONATEL
Mobiles pour faire passer des annonces publicitaires. Mais la SONATEL
s'appuyant sur l'Annexe VII de l'accord de Bangui sur la
propriété littéraire et artistique estime que doit
être sanctionnée la personne ayant reproduit une oeuvre sans
autorisation. Elle estime donc qu'ayant confié cette tache à la
SARL CARACTERE, il appartenait à cette dernière de faire les
diligences nécessaires y afférentes et elle estime donc n'avoir
pas engagé sa responsabilité engagée.
Le juge a argué en se fondant sur l'article 4 de
l'annexe VII de l'accord de Bangui que l'auteur d'une oeuvre originale de
l'esprit, littéraire et artistique jouit sur celle-ci, du seul fait de
sa création, d'un droit de propriété incorporel, exclusif
et opposable à tous. Mais il ajoute qu'une telle oeuvre n'est
légalement protégée que si elle est enregistrée. En
l'espèce, le sieur Didier AWADI n'a produit aucun élément
prouvant que la chanson « Rosa » a été
enregistrée au BSDA à son nom. Qu'en l'absence de cet
élément, le Tribunal ne pouvait valablement vérifier
l'auteur de la chanson et ainsi
20 N° 1614 TRHC Dakar, 28 juillet 2006, Didier
AWADI c/la SONATEL Mobiles ; inédit
apprécier la violation de ses droits et de ce fait, a
conclu au débouté de Didier AWADI.
Relevons à ce niveau que cette décision des
juges du Tribunal Régional de Dakar ne cadre pas du tout avec la
réalité juridique en droit de la propriété
littéraire et artistique. En effet, dans cette matière, il n'est
point besoin pour un auteur de faire enregistrer son oeuvre pour
bénéficier d'une quelconque protection, tel que cela se fait en
droit de la propriété industrielle. La protection existe du seul
fait de la création de l'oeuvre de l'esprit. L'enregistrement n'a de
sens qu'en cas de souci concernant la preuve de l'effectivité de la
création, car il lui apporterait une date certaine en cas de
contestation éventuelle. Il ne serait donc pas exagéré de
dire que les juges se sont trompés par rapport à ce jugement.
B -LES DIFFICULTES DE LA BNPLC DANS SA MISSION
DE PROTECTION DES DROITS DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
La toute première s'appuie sur les missions de la
Brigade Nationale de Lutte Contre la Piraterie et la Contrefaçon. A la
lecture de ses missions, il se dégage que cette brigade travaille de
pair avec le BSDA dans ses missions de recouvrement et de contrôle
des conditions d'utilisation du répertoire protégé.
Par conséquent, ce décret pose une insuffisance, peut-être
à cause d'un manque de connaissances sur la Propriété
Intellectuelle.
Aussi, les agents de la Brigade sont confrontés
à une étroitesse de leurs locaux. Les biens contrefaits saisis
par la Brigade Nationale de Lutte contre la Piraterie et la Contrefaçon
sont stockés dans les bureaux des agents.
Ainsi, si un usager de la PI s'intéresse à eux,
l'impression qui en ressort, c'est qu'ils sont trop chargés. Or, une
institution de cette dimension doit donner à ses agents la
possibilité de travailler dans de bonnes conditions
De plus, cette brigade rencontre un obstacle lié
à son effectif. Les agents de cette brigade ne sont pas assez nombreux.
Ils sont au nombre de 18 (dix-huit) et ont pour leur déplacement une
voiture et deux motos ou tricycles. Ce qui montre encore combien de fois une
structure assez importante comme cette brigade n'est pas équipée
pour tenter de réduire la piraterie et la contrefaçon au
Sénégal. Quand cette brigade est opérationnelle et fait sa
ronde à Dakar et ses environs les malfaiteurs saisis sont
déférés au Parquet, les pirates déjouent la loi en
envoyant régulièrement sur le terrain des mineurs, qui sont
relaxés par la suite, ce qui n'aide pas la brigade et le BSDA dans leur
lutte contre la piraterie.
La Brigade se débat dans des difficultés. Elle
souffre de déficit de moyens logistiques et de ressources humaines. Ce
qui influe sur les résultats de la brigade d'autant plus que ses
attributions couvrent l'ensemble du territoire. A ce titre, elle dispose
d'antennes dans les commissariats centraux, urbains et spéciaux selon le
décret portant la création de la brigade. L'unique
véhicule de terrain de la brigade est tombé en panne. Pour
remédier à cette situation, la brigade est obligée
d'emprunter le véhicule du BSDA le lundi, mercredi et jeudi afin de
pouvoir s'acquitter de ses obligations.
D'un autre côté, l'expertise des agents de la
brigade pour identifier les produits contrefaits semblent faire défaut.
Pour pallier à cette situation, la brigade recourt à des experts
tel que prévu par le décret portant création de la brigade
qui prévoit que la structure de répression peut faire appel
à des tiers dont l'expertise en la matière est
avérée. Il stipule que « la Brigade nationale de lutte
contre la piraterie et la contrefaçon peut, chaque fois que de besoin,
s'adjoindre les services de personnes dont l'expertise est avérée
dans le domaine de la lutte contre la piraterie ou la contrefaçon,
notamment les agents assermentés du Bureau sénégalais des
droits d'auteur ».
La mise en oeuvre des droits de propriété
littéraire et artistique sur le plan organique met en évidence
une protection effective de ces droits. Même si les organismes sont
confrontés à des difficultés, ils s'attachent autant que
possible à remplir les missions dont ils sont investis et à
répondre aux attentes des auteurs et des titulaires des droits voisins.
Voyons dès à présent ce qu'il en est sur le plan
judiciaire.
SECTION II : L'EFFECTIVITE DE LA MISE EN OEUVRE DES
DROITS DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE SUR LE PLAN JUDICIAIRE
L'effectivité de la protection des droits de
propriété littéraire et artistique va de pair avec le
dispositif judiciaire qui doit la traduire à travers des actes de
rétorsion. Il s'agit en effet de la mesure ultime dans le cadre de la
protection des auteurs et des titulaires des droits voisins. C'est lorsque le
préjudice subi ou à subir est considérable que la
protection en justice des droits de propriété littéraire
et artistique (Paragraphe I) est mise en oeuvre dans l'optique de sanctionner
les violations de ces droits (Paragraphe II).
PARAGRAPHE I : LA PROTECTION EN JUSTICE DES DROITS
DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
Nous verrons dans ce cadre la violation des droits patrimoniaux
(A) d'une part et la violation du droit moral (B) d'autre part.
A- LA PROTECTION EN CAS DE VIOLATION DES
DROITS PATRIMONIAUX
Pour ce qui est de la violation des droits patrimoniaux, nous
nous intéresserons au droit de représentation et au droit de
reproduction.
Les droits patrimoniaux découlant du droit d'auteur
permettent à l'auteur d'une oeuvre de l'esprit ou à
l'interprète d'exploiter l'oeuvre sous quelque manière que ce
soit et d'en tirer un profit pécuniaire.
Le droit de représentation ou droit de communication au
public est l'exécution vivante de l'oeuvre, de sa diffusion par
radiodiffusion, mise en ligne par ordinateur ou par tout autre moyen
susceptible d'en assurer la diffusion au grand public. Les violations du droit
de représentation sont le fait des bénéficiaires de la
licence légale d'exploitation. La violation intervient en cas de non
respect du contrat général de représentation ou
d'utilisation sans contrat général de représentation.
Dans ce type de situation, le BSDA dispose d'un certain nombre
de recours. Ainsi, dispose t-il d'une procédure en injonction de payer
réglementée par l'acte uniforme sur les procédures
simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution. S'agissant
d'un fait juridique, la preuve de la matérialité de la violation
est apportée par tout moyen par le BSDA, d'où la
nécessité de faire une déclaration et faire enregistrer
son oeuvre auprès du BSDA.
Quant au droit de reproduction, il consiste en une fixation
matérielle de l'oeuvre au public par tous les procédés qui
permettent de la communiquer au public de manière indirecte que ce soit
un CD, DVD, VCD, MP3. Le code de la propriété intellectuelle
français cite notamment : « l'imprimerie, la photographie et
tout procédé des arts graphiques et plastiques ainsi que
l'enregistrement mécanique cinématographique ou magnétique
».
La violation du droit de reproduction est tantôt le fait
du cocontractant de l'auteur (producteur, éditeur, employeur ...). Ce
dernier ne verse pas les droits pécuniaires que l'auteur est en droit
d'attendre principalement. La mise en oeuvre des droits de cet auteur est
difficile du fait des difficultés à établir la
matérialité des faits. Dans ce sens, le Tribunal Régional
Hors Classe de Dakar a rendu une décision éloquente sur
cette question le 17 Novembre 2009. Il s'agit de l'affaire
Marcel CISSE contre la société Origines SA21.
Le musicien Marcel CISSE, domicilié à Mbour,
avait convenu la 03 décembre avec la société Origines SA,
un accord quant à la distribution de ses deux albums intitulés
respectivement « Africa vigilance » et « Thiaroye 44 ». Il
était convenu également que la société Origines SA
se chargerait de la duplication de 300 CD et 1500 cassettes. Mais à la
date convenue pour la livraison, Origines SA n'a remis que 300 CD impropres
à l'usage et 500 cassettes en lieu et place des 1500 initialement
prévues. En outre, Marcel CISSE fait savoir qu'aux termes du contrat de
dépôt vente, Origines SA s'est engagé à distribuer
exclusivement ses produits et à faire la situation des ventes
mensuellement ou de façon exceptionnelle à sa demande. Mais
contrairement, à cet accord, depuis le lancement officiel de l'album sur
le marché sénégalais, aucune situation de la distribution
et de la vente de son produit ne lui a été faite.
Cette situation va obliger le musicien à saisir le
Tribunal Régional Hors Classe de Dakar qui va lui donner raison en
retenant la responsabilité de la société Origines SA en se
fondant sur l'article 118 du Code des obligations civiles et commerciales. Il
n'a pas hésité à lui octroyer des dommages et
intérêts à hauteur de 3 millions de francs ainsi que
l'exécution provisoire à hauteur de 500 000 francs.
Tantôt, la violation du droit de reproduction est le
fait des tiers. C'est le problème récurent de la
contrefaçon couramment appelé piraterie. Il en est ainsi des
hypothèses d'importation, de fabrication, d'exploitation d'oeuvres, de
vente d'oeuvres reproduites en violation des droits d'auteur. Il n'est pas rare
de rencontrer dans des endroits comme des discothèques, des librairies
ambulantes ou dites « au sol », et même en pleine rue des
vendeurs d'oeuvres de propriété littéraire et artistique
à la criée, et qui ne semblent nullement inquiétés.
Le BSDA essaie autant que possible d'endiguer un tel fléau.
B - LA PROTECTION EN CAS DE VIOLATION DU DROIT
MORAL
Le droit moral est attaché à la qualité
d'auteur. Il confère à son titulaire le droit au respect de son
nom, de sa qualité et de son oeuvre. Le droit moral a un
caractère perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il
subsiste à l'expiration des droits pécuniaires et ne peut faire
l'objet d'une renonciation ou d'un transfert par voie contractuelle.
Le droit moral comporte quatre types de prérogatives :
21 N° 2681 TRHC du 17 Novembre 2009, Marcel Cisse
c/ Société Origines SA, inédit
- le droit de divulgation permet à l'auteur de
décider du moment et des conditions selon lesquelles il communiquera son
oeuvre au public;
- le droit à la paternité permet à
l'auteur d'exiger et de revendiquer à tout moment la mention de son nom
et de ses qualités sur tout mode de publication de son oeuvre. En outre,
tout utilisateur de l'oeuvre a l'obligation d'indiquer le nom de l'auteur. Ce
droit ne fait nullement obstacle à l'anonymat ou l'usage d'un pseudonyme
;
- le droit au respect permet à l'auteur de s'opposer
à toute modification susceptible de dénaturer son oeuvre. Ce
devoir de respect de l'oeuvre s'impose tant au cessionnaire des droits
d'exploitation qu'au propriétaire du support matériel de l'oeuvre
;
- le droit de repentir ou de retrait permet à l'auteur,
nonobstant la cession de ses droits d'exploitation, de faire cesser
l'exploitation de son oeuvre ou des droits cédés, à
condition d'indemniser son cocontractant du préjudice causé.
La violation du droit moral a ceci de particulier qu'elle
touche au respect de la personnalité du créateur d'une oeuvre
protégée. En effet, il s'agit de tout déplacement, toute
modification allant à l'encontre du respect de l'intégrité
de l'oeuvre et de son esprit, telle que l'a voulue son créateur.
Un dispositif de protection de droits quel qu'il soit ne
saurait être effectif si des sanctions exemplaires ne sont pas
prévues à l'égard de tous ceux qui auraient l'intention de
violer ces droits.
PARAGRAPHE II : LES SANCTIONS CONTRE LES VIOLATIONS
DES DROITS PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTISTIQUE
Le rôle de la sanction n'est pas uniquement de punir,
mais aussi d'intimider, décourager les futurs délinquants. Elle a
également un rôle éducatif en ce sens où le celui
qui s'est rendu coupable de faits de contrefaçon à l'encontre des
titulaires d'oeuvres de l'esprit devra être informé quant aux
méfaits de ses actes. Dans ce sens, il est prévu dans le droit
positif sénégalais des mesures civiles (A) dans un premier temps
et des mesures pénales (B) dans un second temps.
A- LES MESURES CIVILES CONTRE LES VIOLATIONS DES
DROITS DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
procédure de saisie-contrefaçon dont le
fondement se trouve à l'article 131 de la loi 2008-09 sur le droit
d'auteur et les droits voisins. Le président du Tribunal a
compétence pour ordonner la suspension de toute fabrication, la saisie
des exemplaires contrefaits ou encore la suspension de toute communication au
public non autorisé par le propriétaire de l'oeuvre objet de la
contrefaçon. Le tribunal peut également ordonner la fermeture de
l'établissement dans lequel est opérée la
contrefaçon lorsque celle-ci est vraiment organisée
conformément à l'article 132.
La saisie description ou saisie conservatoire peut se faire en
cas de soupçon également. En effet, en droit de la
propriété intellectuelle en général et en droit de
la propriété littéraire et artistique, tout plaignant peut
demander au commissaire de police, à défaut au juge d'instance,
la saisie sans appréhension matérielle des exemplaires
constituant une reproduction illicite de son oeuvre. A ce niveau, l'huissier ne
fait que répertorier et décrire les exemplaires qu'il a
découverts au cours de sa descente sur le terrain ordonnée par le
juge.
Quant à la saisie réelle, elle suppose une
appréhension matérielle et une dépossession du saisi de
tout ou partie des éléments contrefaisants et du matériel
ayant servi à la réalisation de la contrefaçon. En effet,
nous avons pu nous rendre compte à cette étape de la
procédure que le rôle de l'huissier est accru, tel que nous l'a
exposé Maître Mintou BOYE DIOP, Huissier de justice près
les Cours et Tribunaux de Dakar.
Après avoir reçu la décision de justice y
afférente, l'huissier se rend sur le terrain, dresse un procès
verbal de saisie description, mais il arrive des cas où il
appréhende le bien, c'est lorsque le juge en décide ainsi. Il
s'agit là d'une saisie avec immobilisation. L'huissier a l'obligation de
dénoncer le procès verbal de saisie réelle et le remettre
au requérant. Il va ensuite consigner le bien saisi au greffe du
tribunal contre remise d'un procès verbal remis par le greffier.
Par ailleurs, relevons que le tiers saisi peut demander
suivant certaines conditions la mainlevée de la saisie
opérée. En effet, l'article 133 alinéa 1 dispose in fine
que : «
- Mainlevée de la saisie.
1. - Dans les trente jours de la date de l'ordonnance, le
saisi ou le tiers saisi peuvent demander au président du tribunal de
prononcer la mainlevée de la saisie ou d'en cantonner les effets, ou
encore d'autoriser la reprise de la fabrication ou celle de la communication au
public, sous l'autorité d'un administrateur constitué
séquestre, pour le compte de qui il appartiendra, des produits de cette
fabrication ou de cette communication au public.
2. Le président du tribunal statuant en
référé peut, s'il fait droit à la demande du saisi
ou du tiers saisi, ordonner à la charge du demandeur la consignation
d'une somme affectée à la garantie des dommages et
intérêts auxquels le titulaire du droit pourrait prétendre.
»
L'auteur ou le titulaire d'un droit voisin qui a subi le
préjudice de piraterie ou de contrefaçon peut demander au juge la
validation des procès verbaux ainsi que la destruction des produits
contrefaits comme cela a été le cas dans le jugement n°1605
du 06 juillet 2005 rendu par le Tribunal régional hors classe de Dakar
entre Abdou Guité SECK et Disco Star22.
L'artiste musicien Abdou Guité SECK a fait valoir qu'il
a signé le 05 juin 2002 avec la société Origines SA, un
contrat de coproduction portant sur la production de 10608 cassettes audio
pré enregistrées de 40 minutes. Mais il a constaté la
commercialisation distribution de l'oeuvre musicale « Evolution » en
CD chez disco star et fait remarquer qu'il n'en a jamais autorisé la
duplication et la réalisation sous forme de CD et a donc solliciter la
validation des procès verbaux de saisie description et de saisie
réelle ainsi que la destruction des produits saisis.
En guise de réponse, Disco Star a soutenu que non
seulement l'artiste musicien ne lui impute pas dans l'assignation les faits
qu'il qualifie de piraterie mais les dispositions de l'article 49 de l'annexe
VII de l'accord de Bangui ne sauraient s'appliquer à son cas
étant donné qu'il n'est ni producteur, ni distributeur de
l'oeuvre en question, les cd saisis chez lui résultant d'un
approvisionnement auprès d'un grand distributeur du marché
Sandaga, et ceux-ci circulent avec des hologrammes instaurés par le
BSDA.
Mais le juge y a rétorqué qu'il est constant que
seuls Origines SA et Abdou Guité SECK avaient le droit exclusif de faire
ou d'autoriser la distribution de copies au public du phonogramme «
Evolution » par la vente ; que contrairement aux prétentions du
défendeur, les cd saisis sur lui ne portent pas les hologrammes du BSDA.
Le juge a donc qualifié ces agissements comme des actes de piraterie qui
violent les droits du musicien sur son oeuvre musicale « Evolution »,
il a ainsi conclu à la condamnation de Disco Star à payer
à ce premier la somme de 2 millions de francs. Il a également
ordonné la validation des procès verbaux de saisie description et
saisie réelle pratiquées, et a prononcé en vertu de
l'article 63-2 de l'annexe VII de l'accord de Bangui, la destruction des
produits et disques ayant fait l'objet de saisie.
Une autre mesure civile contre les violations des droits de
propriété littéraire et artistique sont les mesures aux
frontières. En effet, les autorités douanières disposent
d'un droit d'inspection sur toute cargaison qui traverse le territoire afin
d'établir le bien fondé de leurs allégations en cas de
contestations devant le juge. Ces opérations d'inspection menées
à bien répondraient également au souci d'harmonisation des
politiques dans la lutte contre la contrefaçon entre les Etats
africains, tel que nous l'avons exposé dans une autre partie de ce
travail de recherche.
22 N° 1605 TRHC du 06 Juillet 2005, Abdou
Guité SECK c/ Disco Star, inédit
B- LES MESURES PENALES CONTRE LES VIOLATIONS
DES DROITS DE PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE
Le niveau ultime de sanctions contre les violations des droits
de propriété littéraire et artistique fait
référence aux mesures pénales. Il s'agit de mesures
coercitives prononcées par une juridiction pénale de jugement.
L'action en contrefaçon est l'instrument à utiliser afin de mener
la répression à cet effet, comme l'écrit
Jérôme PASSA : « aussi disparates soient-ils, les droits
de propriété intellectuelle (brevets, marques, dessins et
modèles, droits d'auteurs) institués par des textes bien
précis trouvent leur commune sanction dans l'action en
contrefaçon »23.
La contrefaçon est un délit pénal. En
propriété littéraire, la reproduction, la location, la
distribution illicites sont punis d'un emprisonnement d'un an à 2 ans et
d'une amende d'un à 5 millions de francs. La violation des droits
patrimoniaux de l'auteur et du titulaire d'un droit voisin constitue une
atteinte grave au droit de propriété ainsi qu'au droit de jouir
du fruit de ses idées. La base légale de ces mesures
pénales se trouve aux articles 142 et 151 de la loi 2008-09. La
violation du droit moral est punie par le droit pénal de la même
façon.
Ainsi, dans le cadre d'un litige devant le juge, le BSDA qui
représente les intérêts des titulaires des droits de
propriété littéraire et artistique au
Sénégal s'attache à récupérer des dommages
et intérêts tandis que le procureur maitre des poursuites
sollicite des mesures coercitives à l'encontre du contrefacteur. Cela a
été le cas dans une affaire jugée par le Tribunal
Régional de Matam le 23 décembre 2010, en matière de
reproduction illégale d'oeuvres protégées appartenant
à autrui24.
Les faits remontent à la dernière semaine du
mois de Novembre 2010 lorsque la Brigade de gendarmerie de Ourossogui a eu
à appréhender le sieur Aliou Badara CAMARA à son domicile
avec par devers lui des produits contrefaits ainsi que le matériel qui a
servi à commettre de tels actes.
D'après le Procès Verbal n° 1432 du 1er
Décembre qui a été communiqué au Bureau
Sénégalais du Droit d'Auteur (BSDA), seul organe habilité
à défendre et à protéger les oeuvres
littéraires et artistiques au Sénégal, le matériel
saisi est composé de:
- 1 imprimante
- 1 Scanner
- 4 bidons d'encre HP
- 4 Hauts parleurs
- 9 paquets de CD vierges
- 884 produits audiovisuels contrefaits
23 Jérôme PASSA, Contrefaçon et
concurrence déloyale, Litec 1997, p.21
24
http://www.bsda.sn/matam.html
C'est à la suite de cela que le BSDA a
rédigé une plainte et s'est constitué partie civile pour
défendre les intérêts des auteurs qui lui ont confié
la gestion collective de leurs oeuvres.
A la barre, l'accusé a reconnu les faits qui lui sont
imputés mais a soutenu qu' "il ignorait la gravité des peines
prévues par la loi"; ce qui ne constituera pas pour autant un motif de
circonstance atténuante pour les juges qui lui
rétorquèrent que "NUL N'EST CENSE IGNORER LA LOI".
La partie Civile qui était représentée
par son Directeur du Département Juridique M. Youssou SOUMARE a
axé l'essentiel de sa plaidoirie sur la situation de misère ainsi
que l'état de pauvreté latente de la plupart des créateurs
Sénégalais compte tenu des effets du fléau de la
piraterie.
M. Youssou SOUMARE, demandera au tribunal d'appliquer pour une
fois le maximum des peines prévues par le législateur pour que
nul n'en ignore c'est à dire des dommages et intérêts
à hauteur de 5 millions de FCFA compte tenu du préjudice
causé aux auteurs.
Le procureur qui représente le Ministère Public
abondera dans le même sens en invoquant les articles 142 et 151 de la loi
2008-09 pour demander que l'accusé soit condamné à payer 1
million de FCFA assorti d'une peine d'emprisonnement ferme de 2 ans.
A l'arrivée, le Président du Tribunal
après reconnu la gravité des faits ainsi que le préjudice
moral et économique causé aux auteurs prononcera la peine
à travers le dispositif suivant:
- Le tribunal déclare la constitution de partie
Civile du BSDA recevable - Condamne l'accusé à payer une amende
de 200 000 mille FCFA assorti d'une peine d'emprisonnement de 3 mois
ferme.
- L'accusé devra payer en outre à la partie
civile des dommages et intérêts de deux millions (2 000 000) de
FCFA.- Le matériel sous scellé sera confisqué et les
produits contrefaits seront détruits.
En effet, cette décision des Juges de Matam est une
première en matière de contrefaçon d'oeuvres
littéraires et artistiques et constitue un signal fort qui doit inspirer
tous les juges Sénégalais pour qu'enfin la lutte contre la
contrefaçon soit une réalité au Sénégal. Les
sanctions sont dissuasives et sont à la hauteur des actes commis mais
cette décision de justice ne doit pas constituer un cas isolé.
CONCLUSION
La protection des droits de propriété
littéraire et artistique est fondamentale, afin non seulement de
rétribuer les efforts déployés par les créateurs
des oeuvres de l'esprit, mais aussi de continuer à susciter leur
volonté créatrice, pour que le paysage littéraire et
artistique ne soit jamais tari de nouvelles créations.
La protection des droits de propriété
littéraire et artistique au Sénégal prend une ampleur
élevée, comme dans tous les pays sous développés,
et dans lequel une bonne frange d'artistes qu'ils soient artistes musiciens,
plasticiens, peintres, sculpteurs etc....en ont fait un métier et
souhaitent ainsi vivre de leur art, celui-ci constituant une source de revenus,
pour eux et leurs familles. Cette réalité est également
vraie pour les titulaires des droits connexes au droit d'auteur,
principalement, les artistes interprètes, les producteurs de
phonogrammes et les éditeurs.
Les acteurs de la propriété de la
littéraire et artistique ont besoin de ressentir la
réalité de la protection de leurs droits. L'exercice auquel nous
avons été astreint tout au long de notre travail de recherche
avait pour point d'achoppement, la question de savoir si les droits des auteurs
et des titulaires des droits voisins est effective, si elle est réelle.
En effet, il est de notoriété que la protection d'une oeuvre
s'acquiert du seul fait de sa création. Cette protection de principe
doit pouvoir être effective, afin que ses bénéficiaires
puissent s'en prévaloir.
Le canevas que nous avons utilisé afin de mener
à bien cette étude nous a permis de ressortir tour à tour,
le dispositif textuel, le contenu légal consacrant la protection des
droits de propriété littéraire et artistique. Celui-ci qui
trouve sa source aussi bien dans les normes internes que les normes
internationales, connait néanmoins des insuffisances qui tendent
à limiter quelque peu l'expansion de cette protection. Il nous a
également été donné de voir l'effectivité
des droits de propriété littéraire et artistique dans le
cadre de sa mise en oeuvre par les organismes chargés de la gestion
collective des dits droits. Dans l'exercice de leurs missions, ces organismes
sont confrontés à d'énormes difficultés, d'ordre
technique, matériel ou encore financier. Notons tout de même que
les tribunaux se chargent autant que faire se peut, de remédier à
ces manquements.
La protection des droits existe bel et bien. En effet,
celle-ci s'acquiert du seul fait de la création de l'oeuvre et l'arsenal
juridique y afférent est assez étoffé. Il est
également mis en oeuvre par des institutions, ce qui traduit la
volonté de l'Etat du Sénégal d'assurer une réelle
protection. Ainsi donc, en dépit de quelques insuffisances, l'espoir
d'une protection effective des droits de propriété
littéraire et artistique au Sénégal est donc permis.
BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES:
Ibrahima CAMARA, Le Statut Juridique de la
Contrefaçon les Phonogrammes et des OEuvres Littéraires et
Artistiques au Sénégal, Editions Juridiques Africaines,
Dakar Mars 1993 ;
Claude COLOMBET, Propriété littéraire et
artistique et droits voisins, Précis Dalloz, 9e éd., 1999
;
André LUCAS et Henri Jacques LUCAS, Traité de
la propriété littéraire et artistique, Litec,
3e éd., 2006 ;
Jérôme PASSA, Contrefaçon et concurrence
déloyale, pour une protection des droits intellectuels par l'action en
concurrence déloyale, Bruylant 2000 ;
André PUTTEMANS, Droits intellectuels et
concurrence déloyale : (pour une protection des droits intellectuels par
l'action en concurrence déloyale), Collection de la faculté
de droit de l'université libre de Bruxelles, éd. Bruylant,
Bruxelles 2000
Christophe SEUNA, Droit d'auteur et droits voisins au
Cameroun, SOGESIC Yaoundé 2008
ARTICLE
Youssou SOUMARE, droit d'auteur au Sénégal :
chronique d'une mort annoncée ou promesses de lendemains meilleurs pour
le respect d'un principe sacro-saint et universellement reconnu ?
TEXTES LEGISLATIFS ET CONVENTIONNELS :
· Loi n° 2008-09 du 25 janvier 2008 sur le droit
d'auteur et les droits voisins (Journal Officiel de la République du
Sénégal n° 6407 du 10 mai 2008) ;
· Décret n° 2006-1398 portant création
de la Brigade Nationale de Lutte contre la Piraterie et la Contrefaçon
;
· Arrêté ministériel n° 4074 du
04 juin 2007 portant attributions, organisations et fonctionnement de la
Brigade Nationale de Lutte contre la Piraterie et la Contrefaçon
(Journal Officiel de la République du Sénégal n° 6374
du 10 novembre 2007) ;
· Accord de Bangui révisé du 24
février 1999 ;
· Accord ADIPC du 1er Janvier 1995 ;
· Convention de Berne du 9 septembre 1886 ;
· Convention de Rome du 26 octobre 1961 ;
· Traité « Internet » de l'OMPI sur le
droit d'auteur du 20 décembre 1996 ;
· Traité « Internet » de l'OMPI sur les
droits voisins du 20 décembre 1996 ;
REFERENCES JURISPRUDENTIELLES
Bulletin des arrêts de la cour d'appel de Dakar en
matière civile et commerciale, 1re édition ;
1. N° 2681 Tribunal Régional Hors Classe de Dakar,
17 novembre 2009, Marcel CISSE c/ Société Origines SA,
inédit :
2. N° 1614 Tribunal Régional Hors Classe de Dakar,
28 juillet 2006, Didier AWADI c/La SONATEL Mobiles, La SONATEL SA, la SARL
CARACTERE, inédit :
3. N° 1605 Tribunal Régional Hors Classe de Dakar,
06 juillet 2005, Abdou Guité SECK c/ DISCO Star, inédit :
4. N° 2350 Tribunal Régional Hors Classe de Dakar,
14 octobre 2009, Salam Diallo c/ SARL Dakar Papayer Night Club, inédit
:
WEBOGRAPHIE :
www.bsda.sn/ www.wipo.org/ www.lequotidien.sn/
www.jo.gouv.sn/ www.wikipedia.org/ http://rufisquenews.com/
Table des matières
Introduction
Chapitre 1 : l'effectivité de la
protection des droits de propriété littéraire et
Artistique sur le plan normatif
Section 2 : le dispositif textuel en vigueur en
matière de protection des droits de propriété
littéraire et artistique
Paragraphe 1 : le texte de
référence en matière de protection des droits de
propriété littéraire et artistique
A : le contexte de la loi 2008-09 sur le droit
d'auteur et les droits voisins
B : présentation de la loi 2008-09 sur le
droit d'auteur et les droits voisins
Paragraphe 2 : les autres normes relatives
à la protection des droits de propriété littéraire
et artistique
A : les accords ADPIC
B : le pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels et la déclaration universelle
des droits de l'homme
Section 2 : la problématique des
insuffisances de l'existant normatif en matière de
propriété littéraire et artistique
Paragraphe 1 : les difficultés
d'application du dispositif textuel en vigueur en matière de protection
des droits de propriété littéraire et artistique
A : le défaut de des décrets
d'application de la loi 2008-09 sur le droit d'auteur et les droits voisins
B : le flou juridique consécutif au
défaut de décrets d'application
Paragraphe 2 : la transposition des normes
internationales relatives à la protection des droits de
propriété littéraire et artistique
A : la transposition des normes internationales
en matière de droit d'auteur
B : la transposition des normes internationales
en matière de droits connexes au droit d'auteur
Chapitre 2 : l'effectivité de la mise en
oeuvre des droits de propriété littéraire et artistique
Section 1 : l'effectivité de la mise en
oeuvre des droits de propriété littéraire sur le plan
organique
Paragraphe 1 : le statut et les missions des
organismes intervenant en propriété littéraire et
artistique
A : le statut et les missions du BSDA en
matière de protection des droits de propriété
littéraire et artistique
B : le statut et les missions de la BNLPC en
matière de protection des droits de propriété
littéraire et artistique
Paragraphe 2 : les limites aux actions des
organismes de propriété littéraire et artistique
A : les difficultés du BSDA dans sa
mission de protection des droits de propriété littéraire
et artistique
B : les difficultés de la BNLPC dans sa
mission de protection des droits de propriété littéraire
et artistique
Section 2 : l'effectivité de la mise en
oeuvre des droits sur le plan judiciaire Paragraphe 1 : la
protection en justice des droits de propriété littéraire
et artistique
A : la protection en cas de violation des droits
patrimoniaux
B : la protection en cas de violation du droit
moral
Paragraphe 2 : les sanctions contre les
violations des droits de propriété littéraire et
artistique
A : les mesures civiles contre les violations
des droits de propriété littéraire et artistique
B : les mesures pénales contre les
violations des droits de propriété littéraire et
artistique
Annexes
PRECISIONS SUR LES ANNEXES
1. N° 2681 Tribunal Régional Hors Classe de Dakar,
17 novembre 2009, Marcel CISSE c/ Société Origines SA,
inédit :
Lorsque le cocontractant (producteur, éditeur,
employeur...) de l'auteur ne verse pas les droits pécuniaires que ce
dernier est en droit d'attendre principalement, il s'agit là d'une
violation du droit de reproduction.
2. N° 1614 Tribunal Régional Hors Classe de Dakar,
28 juillet 2006, Didier AWADI c/La SONATEL Mobiles, La SONATEL SA, la SARL
CARACTERE, inédit :
Conformément à l'article 4 de l'annexe VII de
l'accord de Bangui, l'auteur d'une oeuvre originale de l'esprit,
littéraire et artistique jouit sur celle-ci, du seul fait de sa
création, d'un droit de propriété incorporel, exclusif et
opposable à tous. Mais une telle oeuvre n'est légalement
protégée si elle est enregistrée.
3. N° 1605 Tribunal Régional Hors Classe de Dakar,
06 juillet 2005, Abdou Guité SECK c/ DISCO Star, inédit :
L'auteur ou le titulaire d'un droit voisin qui a subi le
préjudice de piraterie ou de contrefaçon peut demander au juge la
validation des procès verbaux de saisie ainsi que la destruction des
produits contrefaits et solliciter le paiement de dommages et
intérêts en guise de réparation.
4. N° 2350 Tribunal Régional Hors Classe de Dakar,
14 octobre 2009, Salam Diallo c/ SARL Dakar Papayer Night Club, inédit
:
Toute rupture unilatérale et abusive d'un contrat de
représentation par l'une quelconque des parties est de nature à
engager sa responsabilité et il appartient à celle qui entend se
prévaloir de cette rupture d'en rapporter la preuve en cas de
contestation.
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