Plusieurs organisations internationales interviennent dans le
règlement des conflits en Afrique. En dehors des organisations
sousrégionales2 qui n'ont de compétence que sur leurs
Etats membres - donc
sur une partie du territoire africain -, il existe l'Union
Africaine (UA) -organisation régionale --- et l'Organisation
des Nations Unies (ONU) -organisation à caractère
universelle - qui ont compétence pour intervenir
dans la gestion de toutes les crises sur le continent
africain.
Chacune de ces organisations internationales a un
mécanisme de règlement des conflits. Mais ce double emploi
nécessite une collaboration entre les deux institutions pour
éviter une situation de concurrence qui conduirait à des actions
non coordonnées sur les terrains de conflits.
Ce problème est réglé par le chapitre
VIII de la charte des Nations Unies, intitulé : ACCORDS
REGIONAUX et réunissant les articles 52, 53 et 54. Dans ce
chapitre, les Nations Unies ne s'opposent pas « aux accords et organismes
régionaux destinés à régler les affaires qui,
touchant au maintien de la paix et de la sécurité
internationales, se prêtent à une action de caractère
régional, pourvu que ces accords ou ces organismes et leurs
activités soient compatibles avec les buts et les principes des Nations
Unies » (Art.52 al.1). L'ONU « encourage le développement du
règlement pacifique des différends par le moyen de ces accords ou
de ces organismes régionaux, soit sur l'initiative des Etats
intéressés, soit sur renvoi du Conseil de sécurité
» (art.52 al.3). La charte précise même au premier point
2 CEDEAO, CEMAC, SADC par exemple
de l'article 53 que le Conseil de sécurité peut
faire appliquer par ces organismes, des mesures coercitives prises sous son
autorité. Toutefois, « aucune action coercitive ne sera entreprise
en vertu d'accords régionaux ou par des organismes régionaux sans
l'autorisation du Conseil de sécurité ». Cette disposition
consacre la suprématie du Conseil de sécurité dans toute
action de règlement de conflit.
Il est important de souligner que l'Union Africaine a reconnu
cette suprématie du Conseil de sécurité en soulignant sans
ambiguïté dans le Protocole créant le Conseil de Paix et de
Sécurité que ce dernier « coopère et travaille en
étroite collaboration avec le Conseil de sécurité des
Nations Unies, qui assume la responsabilité principale du
maintien de la paix et de la sécurité ».
L'analyse de ces dispositions nous permet de dégager deux
règles :
- L'Union Africaine ne peut pas engager une action coercitive
sur un terrain de conflit sans l'autorisation du Conseil de
sécurité ;
- Le Conseil de sécurité devrait laisser l'UA
égrener ses moyens de règlement pacifique des conflits avant
d'intervenir, sur recours de cette dernière.
Toutefois, nonobstant l'existence de ces dispositions, nous
avons constaté une divergence d'actions des deux organisations dans la
crise libyenne.
Pour ce qui concerne la gestion de la crise qui a
découlé des soulèvements populaires en Libye, la
proposition de l'Union africaine se déclinait en cinq points importants
: la cessation immédiate des hostilités, la mise en place d'un
gouvernement d'union nationale destiné à préparer une
constitution et les instruments nécessaires en vue de rendre la
parole
aux Libyens pour la stabilisation de la situation, la promotion
de la démocratie, l'Etat de droit et la justice.
A travers cette proposition, l'organisation régionale
a privilégié le dialogue et la négociation dans le
règlement de ce conflit. Pour preuve, l'organisation régionale a
mis sur pied, un panel de Chefs d'Etats pour mener les négociations. Le
président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a ainsi été
désigné pour diriger le groupe composé des
présidents Jacob Zuma de l'Afrique du Sud, Denis Sassou Nguesso du Congo
Brazaville, Yoweri Museveni de l'Ouganda et Amadou Toumani Touré du
Mali.
Le Conseil National de Transition a toujours refusé
d'adhérer aux initiatives de l'UA tout en faisant du départ de
Mouammar Kadhafi du pouvoir, un préalable à toute
négociation. Pendant ce temps, des pays africains comme la Gambie et le
Sénégal se désolidarisent tôt de la position de
l'Union Africaine et reconnaissent le Conseil National de Transition. Ils
seront suivis plus tard par d'autres pays dont le Nigeria.
Parallèlement à l'initiative africaine, le
Conseil de Sécurité, sous la houlette de la France et de ses
alliés de l'occident - qui ont intérêt à la chute du
clan Khadafi - adopte le 17 mars 2011, la Résolution 1973, créant
une zone d'exclusion aérienne et autorisant les pays membres à
prendre "toutes mesures nécessaires" afin d'appliquer les sanctions et
de protéger les civils libyens. L'Organisation du Traité de
l'Atlantique Nord (OTAN) peut ainsi intervenir légalement et lance les
premières attaques aériennes contre les forces libyennes. L'ONU
fait ainsi l'option militaire contrairement à l'Union Africaine. Les
deux institutions garderont ainsi leurs positions jusqu'à la fin du
conflit où l'Union Africaine, face à la réalité, a
été contrainte de reconnaître le Conseil National de
Transition.
Quant à la crise postélectorale en Côte
d'Ivoire, l'ONU a très vite reconnu la victoire d'Alassane Dramane
OUATTARA. Pendant ce temps, l'Union Africaine s'est montrée silencieuse
au départ avant de confier une médiation à l'ancien
Président Sud Africain Thabo MBEKI. Mais soupçonné
d'être trop proche de Laurent GBAGBO, Président sortant, il se
verra retirer la mission qui sera confiée au Premier Ministre
Kényan Raila Odinga, à qui il sera joint plus tard un panel de
Chefs d'Etat dirigé par le Président mauritanien Mohamed Ould
Abdel Aziz. Les émissaires de l'Union Africaine avaient pour mission de
demander à Laurent GBAGBO de quitter le pouvoir. Suite au refus de ce
dernier, l'UA demandera le concours de l'ONU pour le faire partir.
Au vu de ce qui précède, nous retenons que la
collaboration entre l'UA et l'ONU présente des forces et atouts
importants ; mais également des faiblesses et problèmes.
Au rang des atouts, nous pouvons noter :
- l'existence d'un cadre légal clair qui régit les
relations devant exister entre les deux organisations ;
- l'acceptation par l'UA, de la suprématie du Conseil de
sécurité dans les questions de maintien de la paix et de la
sécurité ;
- le souci des deux organisations d'instaurer et de
préserver la paix et la sécurité internationale ;
Sur le plan des problèmes, on peut citer :
- les initiatives parallèles de l'ONU et de l'UA en Libye
;
- la tendance des grandes puissances occidentales à
gérer les crises selon leurs intérêts ;
- Le non respect scrupuleux des règles régissant
la collaboration entre les deux organisations ;
- l'inaction du Conseil de Paix et de Sécurité de
l'UA ;
- la marge de manoeuvre limitée du Président de la
Commission de l'UA dans les questions de règlement des conflits ;
- la marginalisation de l'UA dans la gestion des crises en
Afrique ;
- Diversité de positions au sein de l'UA.