INTRODUCTION
ETAT DE LA QUESTION
Dans les anciennes sociétés africaines, la
transmission des connaissances et des règles de vie aux plus jeunes
était l'apanage de la collectivité (société) tout
entière. Le plus important était que, par la socialisation, les
savoirs soient transmis d'une génération à l'autre et que
la société entière tire profit du savoir de chacun.
L'apprentissage se faisait donc sur le mode de l'imitation et par des rites
d'Initiation organisés, pas par n'importe qui, mais
plutôt par des hommes qui s'étaient distingués de leurs
compagnons pendant leur période d'initiation. Ce sont donc des
maîtres, des anciens du village reconnus par tous comme des élites
incontestables.
Ne connaissant pas l'écriture, l'apprentissage reposait
essentiellement sur l'oralité. Un minimum de temps nécessaire
était consacré à l'étude de la langue
ésotérique qui permettait aux initiés de comprendre les
leçons et d'être dotés des capacités suffisantes de
percevoir les problèmes et de surmonter les difficultés de la vie
au sein du clan.
Au regard de l'évolution accélérée
du monde et en tenant compte du contexte actuel de mondialisation, le
phénomène de métissage culturel devenait de plus en plus
irréversible. Grâce aux flux plus nombreux et plus intenses de
personnes, de biens et de valeurs, en l'occurrence, la colonisation, les
Africains, de manière générale et les Congolais plus
particulièrement, ont accédé à plusieurs autres
espaces culturels occidentaux. Empruntant des éléments au sein
desdites cultures et les adoptant au sein des leurs, ils ont participé
à la « créolisation » de cette
dernière.
Rompant progressivement avec sa culture, le Congolais s'est
laissé façonner par la culture occidentale qui a affecté
sa personnalité, voire sa vision du monde. Il y eut la création
de « l'école » où, pour la meilleure
compréhension des leçons, l'on était contraint d'apprendre
la langue du colonisateur, le français. L'instruction des Congolais fut
accompagnée de l'inculturation du type occidental au détriment de
leurs connaissances, croyances et mode de vie. Conséquemment, l'art, la
morale, la loi, la tradition et toutes les autres dispositions et habitudes
congolaises, furent et demeurent victimes de l'osmose.
Il n'est donc pas à démontrer que depuis
plusieurs décennies, le Congolais fréquente des écoles de
plusieurs natures dont la conception des programmes d'enseignement n'est pas
corrélative à ses besoins réels.
Tenant compte de l'état dans lequel se trouve la
question que nous analysons aujourd'hui, nous avons résolu d'intituler
cette recherche: « L'intégration des valeurs
traditionnelles congolaises dans l'amélioration du système
éducatif moderne en République Démocratique du Congo. Cas
de l'initiation Lega, de 1905 à 2008 ».
Un sujet de recherche, affirme MONOMI, n'est pas toujours
nouveau; il convient de connaître ce qui a déjà
été écrit ou dit sur ce sujet1(*).
Nombreuses sont des recherches qui ont été
réalisées avec talent sur l'éducation (enseignement) et
sur les valeurs culturelles en RDC. Nous ne saurons les inventorier toutes de
manière exhaustive. Nous relevons néanmoins les
résumés des quelques unes qui sont directement ou indirectement
liées à l'objet de notre recherche.
Dans son étude portant sur la colonisation et
l'enseignement au Zaïre, KITA KYANKENGE2(*) dissèque la mentalité du colonisateur
en matière de politique scolaire. Il démontre que
l'impérialisme du système scolaire Belge a concouru largement aux
aliénations multiformes des Congolais. L'alliance de l'Etat
Indépendant du Congo, des Grandes sociétés capitalistes et
des Eglises (Catholique et protestante) a été conclue pour
exploiter et dominer les Congolais ; et l'enseignement a servi de moyen
majeur pour y parvenir. L'éducation donnée avait un
caractère doublement utilitaire : rendre l'élève
physiquement capable de travailler pour les colons et faire accepter, voire
désirer, la colonisation.
Le colonisateur a réduit volontairement au minimum la
création d'élite solidement éduquée, qui
deviendrait prétentieuse et finirait par menacer le pouvoir
colonial ; ainsi, on répandit de façon assez large une
instruction systématiquement restreinte. Le type d'exploitation
économique n'y est pas pour rien : il faut un peu plus de
qualification pour les mines que pour les plantations, mais aussi, les
travailleurs des mines sont plus concentrés et les risques de
révoltes plus grandes. C'est ce que l'auteur nomme « la
dialectique de la crainte et de la nécessité dans laquelle se
meut l'enseignement coloniale ».
NGONGO3(*)poursuit, dans science de l'enseignement, le
but de former des professionnels de l'enseignement au plus haut niveau,
capables de maîtriser les connaissances actuelles relatives à la
science de l'enseignement afin de se construire des stratégies
pédagogiques personnelles qui se rapportent à leurs disciplines
scientifiques pour une grande efficacité dans l'action.
L'auteur surenchérit en montrant que les bons
enseignants doivent être capables de :
Comprendre et analyser de manière critique, les
concepts, les paradigmes, les théories et modèles
d'enseignement;
les utiliser ou les prescrire dans des circonstances
didactiques appropriées en tenant compte des apprenants, des objectifs
éducatifs, des compétences de base et d'autres variables de
l'enseignement-apprentissage ;
former des formateurs de haut niveau et renforcer les
capacités de ceux en cours d'emploi.
Au chapitre traitant de généralités sur
les sciences de l'enseignement, le Professeur NGONGO DISASI prouve de
manière irréfutable que la science de l'enseignement porte un
regard attentif sur les programmes ou plans d'études, les buts
assignés à chaque enseignement, les possibilités
psychologiques des apprenants...En tant que science, l'enseignement doit donc
avoir la possibilité de relier les faits entre eux. Autrement dit, on
n'enseigne pas pour rien, c'est plutôt pour résoudre un
« fait-problème ».
A propos de la communication pédagogique, il fait
ressortir trois facteurs essentiels intimement liés qu'il
considère comme des systèmes, à savoir le système
émetteur (enseignant), le système message (contenu ou objet de la
communication) et le système récepteur (apprenant).
En tant que destinataire de tout enseignement, l'apprenant
occupe une place de choix dans le processus de communication
pédagogique.
L'ouvrage se termine par le rapport fait par l'auteur entre
la communication et les nouvelles technologies de l'information et de
communication (NTIC). Les NTIC apportent à l'enseignement, les
avantages tels que l'accroissement des ressources didactiques par le biais de
l'Internet ; l'échange des expériences par la technologie
des universités virtuelles ; l'encouragement de l'acculturation
(car l'usage des nouvelles technologies est une nouvelle culture mondiale que
les apprenants doivent acquérir), l'efficacité de l'enseignement,
etc.
Afin de donner un nouvel essor à la recherche sur le
système éducatif actuel, LUMEKA-Lua-YANSENGA a produit une
abondante littérature qui vaut un ouvrage riche et profond portant sur
« les pratiques de la recherche éducationnelle en terre
d'Afrique4(*) ».
Dans le livre I qui s'intéresse aux fonctions de la
recherche éducationnelle, l'auteur dénonce l'insuffisance de
recherches menées sur l'éducation et sur la connaissance des
réactions et du comportement de l'apprenant face à nos programmes
d'enseignement et de formation.
Pourtant, ajoute-t-il, une recherche de qualité pour
élucider nos grands problèmes d'éducation africaine serait
bien nécessaire. Que l'on pense à l'analphabétisme,
à l'illettrisme, au rendement insuffisant de nos programmes
scolaires ou de nos moyens d'enseignement. Repenser l'école
elle-même comme institution sociale de culture et de développement
sans oublier les problèmes spécifiques posés à la
recherche comme la formation des adultes et des enseignants, la technologie
éducative dans le contexte des pays du Sud, serait une tâche
urgente.
Dans son article sur « Des objectifs de
l'enseignement à la formation des enseignants en République
Démocratique du Congo5(*) » MOPONDI B.,
fait un constant alarmant avec les responsables du Ministère de
l'Éducation nationale et les politiques Congolais : tous soulignent
l'inefficacité de la formation reçue par les enseignants en tant
que réponse aux problèmes de la société.
Les problèmes de la formation des enseignants en RDC se
sont posés dès l'indépendance. Le manque d'enseignants des
niveaux secondaire et supérieur a nécessité des solutions
d'urgence pour combler le vide créé par l'absence de structures
et les besoins nouveaux. C'est ainsi que l'État a fait appel à
des nationaux, des missionnaires et des coopérants qui n'avaient pas
nécessairement la qualification exigée pour exercer le
métier d'enseignant.
Il importe d'observer le fait que, à l'exception des
séminaires où la formation était de niveau universitaire,
la formation dans les autres domaines était professionnelle.
Une relation est établie entre la « maîtrise
de la langue d'enseignement » (français) et les
«compétences de l'apprenant. » Ce préjugé rend
pratiquement impossible le travail de la négociation didactique et fait
du savoir-faire le seul critère d'évaluation des
compétences.
L' auteur partage avec ses lecteurs la réflexion de
l'Abbé EKWA selon laquelle « l'Etat doit chercher à
réaliser le but de la véritable éducation qui consiste
à former la personne humaine dans la perspective de sa fin, et du bien
des groupes dont l'homme est membre et au service desquels s'exercera son
activité d'adulte. A cet effet il faut que les jeunes gens soient
formés à la vie sociale de telle sorte que, convenablement
initiés aux techniques appropriés et indispensables, ils
deviennent capables de s'insérer activement dans les groupes qui
constituent la communauté humaine, de s'ouvrir au dialogue avec autrui
et d'apporter de bon coeur leur contribution à la réalisation du
bien commun. Or, dans notre pays, il se pose de graves problèmes
d'inadéquation entre l'éducation donnée dans les
écoles et la vie dans le milieu social concret ».
MOPONDI conclut son article en réitérant
l'hypothèse de la rupture sociale et culturelle entre le monde
étudiant et la société des adultes comme obstacle aux
connaissances ou savoirs maîtrisés et gérés, et
à l'intégration dans la société locale
réelle.
Albert KAMBA6(*) retrace brièvement l'histoire de l'enseignement
supérieur et universitaire en République Démocratique du
Congo en se référant aux différentes réformes
intervenues depuis 1971.
La situation de l'enseignement supérieur et
universitaire en République Démocratique du Congo avant la
réforme de 2003 peut être examinée par rapport à
trois moments de réformes ci-après : la réforme de
1971 ; la réforme de 1981 et les États
Généraux de l'Éducation (1996).
KAMBA se préoccupe de la réussite de la
réforme initiée en 2003, d'où ses recherches partent d'une
interrogation délicate : « quelles sont les chances
de réussite d'une réforme initiée au sortir d'une des
crises les plus graves de l'histoire du pays, (crise de
légitimité, crise de souveraineté, crise identitaire,
crise de gouvernance) dont les effets dévastateurs se passent de tout
commentaire ? ».
L'auteur termine en recommandant l'implication effective de
l'Etat, la promotion des principes de démocratie, d'efficacité
et de participation de tous dans la direction des institutions universitaires,
la prise en considération de tous les aspects de la
réalité éducative : pédagogiques, financiers,
psychologiques et économiques.
A propos des valeurs culturelles, l'ouvrage du Commandant
DELHAISE intitulé « les Warega7(*) » nous a été très utile
pour cette étude.
L'auteur donne d'abord un renseignement géographique et
ethnographique détaillé du peuple Lega. Il précise alors
que celui-ci habite au coeur même de la grande forêt
équatoriale, à l'Est de Lualaba (fleuve Congo) sur les bords des
rivières Ulindi et Elila.
Il explique, ensuite, avec finesse l'organisation familiale,
la vie religieuse, sociale et intellectuelle des Warega. DELHAISE
précise que les Warega n'ont aucune sorte d'écriture. Pour se
rappeler soit des points à traiter, soit des nombres, ils se servent de
bâtonnets ou de ficelles à noeuds.
Pour correspondre au loin, ils se servent du lokombe (tamtam).
La danse est en grand honneur. La plupart des chants sont tristes et
mélancoliques. Ce sont le plus souvent des plaintes exhalées sur
un ton de mélopée trainante. Les Warega fabriquent
eux-mêmes des instruments musicaux tels que le mpanda (formé d'une
corne de buffle), le Kaengere (comparable à l'ocarina), le ngoma
(tambour), etc.
Au terme de son ouvrage, l'auteur qui était chef de
secteur au Congo Belge, présente enfin, les caractères
anthropologiques (somatiques et physiologiques) de Warega et soulève,
une observation très importante qui dénote le combat
mené par le colonisateur contre nos valeurs
culturelles: « le premier soin des Européens en
occupant le pays (de Warega) a été naturellement de s'attaquer
aux coutumes barbares enracinées chez les indigènes. En peu de
temps toutes ont disparu. L'anthropophagie a cessé, l'épreuve du
poison n'existe plus qu'à l'état de souvenir, au grand
mécontentement des indigènes... ».
« La corde de la sagesse Lega8(*) » est l'ouvrage de
Georges DEFOUR qui explique cette corde à laquelle le peuple Lega
suspend les objets symboliques, souvent sous une forme réduite (une
écaille de pangolin, une plume d'aigle, une ébauche de
pirogue...). Cette corde appelée Mutanga est un recueil de
conseils, une source et un soutien de la vie du peuple Lega.
Résumant l'ensemble d'attitudes et de conduites
jugées favorables, la corde est constituée de plusieurs objets
regroupés en quatre éléments :
des objets sont sélectionnés, chacun d'eux
symbolisant un ou plusieurs comportements-types, selon leur constitution
particulière, leur manière d'être et de réagir, mise
en relation avec la vie des hommes et des communautés ;
à chaque objet sont reliés un ou plusieurs
proverbes, reprenant souvent le nom même de l'objet qui précise le
sens, l'orientation, l'impact normatif prévu et choisi par les
anciens ;
proverbes et objets symboliques constituent une imposante
panoplie de directives concrètes, dont l'ensemble précise touche
le visage de l'homme et de la société Lega ;
ces directives de comportement sont habituellement
illustrées par des exemples et des contes étroitement liés
aux proverbes et aux objets symboliques, qui les font mieux comprendre et les
insèrent dans le concret de la vie quotidienne.
Pour favoriser le dialogue entre le peuple Lega et tout ceux
ou celles qui sont en contact avec eux dans les domaines
d'évangélisation, de développement ou de
coopération, l'Abbé BILEMBO avait rédigé les
résultats de sa monographie intitulée « Le Mulega,
l'homme de la tradition9(*) ».
L'abbé poursuit le but de raconter ses souvenirs (vus
et vécus) et, à travers ces souvenirs, toute la vie des anciens
Balega. Ainsi il dit « En cela, nous répondons aussi à
la préoccupation de notre Evêque, Mgr. PIRIGISHA MUKOMBE,
Evêque de Kasongo. Insistant sur la formation des communautés
chrétiennes vivantes, il recommandait fortement à son
clergé, d'étudier et d'approfondir les coutumes de milieu
d'apostolat.
Monseigneur PIRIGISHA donna en quelque mots les principes
directeurs de perspectives actuelles qui trouvent certaines ressemblances dans
la vie clanique et ancienne vie de village Congolaises en général
et Lega, en particulier, désorientées pour le moment par la
civilisation occidentale mettant fortement l'accent sur l'individu
plutôt que sur la famille telle que les Balega la conçoivent
ainsi que d'autres Africains . Pour un occidental, la famille c'est le
père, la mère et les enfants ; tandisque pour nous autres
Africains, la famille s'étend beaucoup plus largement. La
compréhension de la constitution familiale est d'ailleurs une source de
difficultés continuelles pour beaucoup de prêtres, religieux et
religieuses d'Afrique.
L'étude menée par l'auteur s'articule autour de
six chapitres consacrés tour à tour à :
Ø l'esquisse des notions géographiques et
historiques du Bulega.
A propos, l'auteur a fait voir que le pays de Balega est bien
peuplé avec environ 10 habitants par Km2. Le peuple Lega fait
parti des migrations venant du Nord-Est de l'Afrique, au delà du mont
Rwenzori.
Ø l'évolution du Mulega, de sa naissance
jusqu'à sa mort. Par l'initiation, le garçon passait de l'enfance
à l'âge adulte et était intégré dans le
Kikanga (famille élargie).
Ø l'analyse du type Lega dans son milieu de vie :
au point de vue intellectuel, le Lega est d'une intelligence moyenne, d'un
esprit égalitaire, mais respectueux envers la coutume et la
tradition.
Ø l'institution de Bwami chez les Balega : c'est
la société charnière Lega. Avec la suppression de Bwami en
1948, l'ancienne société spécifique Lega a disparu.
Ø la morale Lega qui était fondée sur le
pragmatisme. Autrement dit, le Mulega pratique telle ou telle vertu pour
éviter tel ou tel tabou pour avoir un intérêt
proportionné.
Ø la notion de Dieu et de la religion : si les
Balega s'inclinaient devant les esprits, ils n'adoraient, cependant, qu'un seul
Dieu et son nom était prononcé avec vénération.
Dans « The arts of Zaire », DANIEL
BIEBUYCK10(*) expose
d'abord la richesse culturelle Lega à travers les oeuvres d'arts
(masques, figurines, ustensiles...).
Par le biais d'une abondante photographie, il présente,
ensuite, les rites de l'initiation de Bwami, socle de la force de toute la
communauté.
Le reste de cette étude est consacrée à
une discussion systématique des arts et cultures Bembe, Nyanga, Mbole,
Mitoko, Lengola, etc.
Dans « De la philosophie occidentale à la
philosophie négro-africaine », MUTUZA KABE11(*) se donne pour tâche de
faire le point sur la philosophie, de la saisir dans sa mouvance, dans ses
contrariétés et dans ses diversités.
Les différents courants étudiés par
l'auteur s'écartent les uns des autres soit sur le point de
départ, soit sur la méthode, mais visent le même
objectif : la valorisation du Négro-africain.
D'un ton sec, il dénonce le caractère extraverti
de l'Afrique tournée vers l'occident, bloquée, incapable de
s'organiser, de produire et de suffire à elle-même.
Pour comprendre ces névroses collectives de l'Afrique
et l'en guérir, il préconise de lui faire subir une cure
psychanalytique que MUKENDJI12(*) appelle catharsis.
L'extraversion africaine provient du complexe
d'infériorité ; l'occident reste le modèle
idéal. C'est un manque de confiance en soi-même, en son peuple et
son cosmos. C'est le résultat de trois siècles de
colonisation.
Un autre complexe qui bloque l'Afrique dans son
développement est ce que l'auteur de l'ouvrage appelle « le
complexe de l'esclavage » : après plusieurs années
de travaux forcés dans les champs et mines, le noir en
général et le Congolais plus particulièrement, a de
l'aversion vers tout ce qui est travail manuel. Le sens du travail, comme
activité qui permet à l'individu de s'épanouir en
développant la nature, a disparu.
Il conclut, à ce sujet, que la cure psychanalytique
(cathartique) permettra à la société africaine de prendre
conscience de ses complexes et de dénoncer des goulots
d'étranglement qui l'empêche de progresser.
A lire toutes ces études précitées, l'on
comprend que plusieurs auteurs ont déjà mené des
recherches sur la culture et sur l'enseignement. Cependant, nous nous sommes
rendu compte qu'aucun n'a focalisé particulièrement son attention
sur la propension des valeurs traditionnelles à encourager
l'efficacité de l'enseignement. Autrement dit, nous relevons les causes
(généralement sociales) de l'inefficacité de
l'enseignement actuel tourné vers le modèle occidental et faisant
fi des valeurs positives congolaises.
Nous proposons également des mécanismes solides
pour promouvoir de nouveaux programmes d'enseignement qui, sans exclure les
valeurs extra congolaises, intègrent et font valoir les qualités
de nos traditions.
L'initiation Lega est le modèle-type des valeurs
traditionnelles que nous avons choisies pour guider cette recherche.
Nous estimons donc que, c'est cette corrélation que
nous établissons entre les valeurs traditionnelles et
l'efficacité de l'éducation qui rend notre analyse originale,
c'est-à-dire, différente des études qui ont paru
jusqu'ici.
Revêtant une double dimension (culturelle et
éducative), la présente recherche a été
menée dans l'espace Lega et aux Ministères chargés de
l'éducation, durant la période allant de 1905 jusqu'en 2008.
Plusieurs raisons ont motivé le choix et la
délimitation spatio-temporelle de ce sujet :
D'abord, la propension à recueillir sur terrain, avec
facilité, les données relatives au peuple Lega ; la
possession des prérequis et d'une documentation
« suffisante » sur l'enseignement en RDC.
Ensuite, dans le but de saisir l'incidence de la colonisation,
tant sur l'enseignement que sur le peuple Lega, il nous a paru
impérieux de partir de 1905, année marquant les premiers impacts
des colonisateurs sur les cultures congolaises, et une année plus tard,
la signature de convention entre le Saint-Siège et l'Etat
Indépendant du Congo (concordat de 1906) créant des écoles
dirigées par les missionnaires catholiques pour l'instruction des
indigènes.
PROBLEMATIQUE
La colonisation ayant eu pour mission officielle
« la civilisation » du Congolais, l'école et
l'église étaient des voies royales du colonisateur pour atteindre
ce but. A l'école, l'éducation et l'instruction étaient
assurées par les Belges (ou leurs assimilés) qui se contentaient
de voir les Congolais raisonner, s'habiller, manger, prier, rire...comme eux.
Toute attitude contraire à cette « philosophie »
était sévèrement punie.
A l'église, où l'on rencontrait les
missionnaires qui étaient également au service de la
colonisation, la prédication insistait sur l'abandon des valeurs
culturelles congolaises qualifiées de
« sataniques ». Ainsi, le système éducatif
congolais connut une forte influence européenne qui donna beaucoup
d'importance à la connaissance de la langue française au
détriment des langues nationales ; de l'histoire et de la
géographie européenne en défaveur de celles du
Congo ; de la sociologie occidentale au détriment des valeurs
culturelles congolaises, etc.
Pour confirmer davantage nos allégations, voici ce que
le roi Léopold II recommandait aux prêtres et pasteurs Belges
à leur arrivée au Congo : « Prêtres et
pasteurs, vous venez certes pour évangéliser mais cette
évangélisation s'inspire de notre grand principe, avant tout,
les intérêts de la métropole. Le but de
notre mission n'est point d'apprendre aux Noirs à connaître Dieu,
ils le connaissent déjà depuis leurs ancêtres. Ils parlent
et se soumettent à Nzambi, à Mpungu, à Mvidi, à
Mukulu, à Mungu et que sais-je encore. Ils savent que tuer, voler,
coucher la femme d'autrui, calomnier, insulter sont de mauvais actes... votre
rôle est l'enseignement de faciliter les tâches aux administratifs
et industriels. C'est donc dire que vous interprétez l'évangile
de la façon qui sert mieux nos intérêts dans cette partie
du monde. Pour ce faire, veuillez désintéresser nos sauvages
noirs des richesses dont regorge sol et sous-sol pour éviter qu'ils s'y
intéressent...Votre connaissance d'évangile vous permettra de
trouver des textes recommandant et font aimer la pauvreté, tels que,
heureux les pauvres en esprit car le royaume des pauvre est à eux ;
il est difficile à riche d'entrer au ciel qu'à un chameau
d'entrer dans le trou d'une aiguille...Vous les détacherez et les
découragerez de ce qui pourrait leur donner le courage de nous
affronter. Je songe spécialement à leur nombreux fétiches
de guerre qu'ils prétendre n'est point abandonner. Votre action
doit essentiellement porter sur les jeunes afin qu'ils n'héritent point
les idées de leurs parents...13(*) ».
Il est établi que le métissage culturel
contribue à l'enrichissement mutuel des cultures en rencontre. Ce qui
n'a pas été le cas entre la culture du colonisateur et celle du
colonisé. La culture du colonisé a été sensiblement
affaiblie. « Là où il fallait la
compénétration, il n'y a eu que la
superposition. »14(*)
Ainsi constatons-nous des réformes des programmes
conçus au modèle occidental qui suppriment l'enseignement des
leçons telles que : langue et tradition africaine ; contes et
maximes ...
Presque dans toutes les écoles dites sérieuses,
l'on punit sévèrement les élèves qui s'expriment en
langues nationales. Un élève connaît par coeur les
capitales des pays européens et ignore les chefs-lieux des provinces de
son pays ; un étudiant maîtrise le conflit ayant
été à la base de la guerre mondiale tandis qu'il
connaît à peu près la problématique des conflits
interethniques de son pays...
Eu égard à toutes ces considérations, le
problème majeur qui se pose est l'inadéquation entre les
théories apprises par ces programmes et la vie active. Les aspects
sociologiques n'y sont souvent pas pris en compte. En outre, on dirait que la
conception des programmes d'enseignement procède par ce que nous
qualifions de « raisonnement par procuration ».
Plusieurs observateurs attentifs sont unanimes que
« l'école n'assume plus sa fonction. Elle n'est plus le lieu
de formation et d'éducation. L'université en souffre et s'y
résigne. Le pays en pâtit et court un danger 15(*)».
L'intérêt de cette étude est double :
scientifique et social.
Sur le plan scientifique, le lecteur de cette investigation
découvrira de nouvelles démarches intellectuelles à
entreprendre pour concevoir et appliquer un programme d'étude proprement
congolais.
Quant au niveau social, nous apportons une solution à
la problématique de la recrudescence des valeurs culturelles congolaises
dans le système d'enseignement. En outre, ceux qui appliqueront nos
suggestions rendront les élèves et étudiants capables de
promouvoir leurs valeurs culturelles.
Le gouffre dans lequel se trouve la RDC depuis plusieurs
décennies impose un système d'enseignement permettant aux
apprenants, de résoudre les problèmes réels de leur vie.
Il sied donc de s'interroger :
Quels sont les éléments fondamentaux qui
concourent à la perte du système éducatif qui prend en
compte les réalités sociologiques congolaises ?
Quels sont les mécanismes à monter pour
restaurer un système éducatif qui donne de l'importance aux
problèmes sociaux et qui envisage des solutions réels pour la
République Démocratique du Congo ?
Quelles valeurs traditionnelles peut-on intégrer dans
l'amélioration du système éducatif moderne ?
Quel système éducatif proposer pour le prochain
cinquantenaire et l'avenir ?
HYPOTHESES
L'emprunt « aveugle » du système
éducatif de type occidental ; l'inadéquation dudit
système aux réalités nationales de l'heure ;
l'inapplication rigoureuse par le corps enseignant de certains
systèmes éducatifs proprement congolais; l'abandon des valeurs
traditionnelles congolaises considérées comme
« sataniques », dépassées, inadaptées
au regard de l'évolution actuelle du monde ; l'allocation du temps
insuffisant à certains cours (leçons) à portée
nationale (exemple : histoire de l'Afrique et du Congo ; le relief et
l'hydrographie du Congo...) etc, seraient des éléments
fondamentaux concourant à la perte du système éducatif
Congolais.
L'identification et l'analyse rigoureuse des problèmes
réels liés à l'éducation ; la maîtrise
desdits problèmes ; la prise en compte des
réalités sociales dans la conception des programmes
éducatifs congolais... nous semblent être des mécanismes
à monter pour restaurer le système éducatif traditionnel
en RDC pour le cinquantenaire en cours.
OBJECTIFS
Dans cette analyse, nous visons à démontrer aux
lecteurs que depuis plusieurs décennies, le Congolais vit en rupture
avec sa culture dans son système éducatif. Conséquemment,
la conception des programmes d'enseignement se référant au type
occidental n'intègre pas souvent les problèmes réels du
Congolais et de ce fait, il devient incapable d'envisager des solutions y
afférentes. Nous recherchons donc passionnément des
éléments fondamentaux qui concourent à la perte du
système éducatif traditionnel congolais.
En outre, étant donné que l'individu est souvent
entièrement façonné par la culture du groupe dont il est
issu, par le biais de l'éducation, jusque dans sa personnalité,
nous émettons le voeu de rechercher des antidotes en vue de restaurer un
système éducatif qui ne s'écarte pas des
réalités d'ailleurs mais qui tient plus compte des
réalités sociales du Congolais. Autrement dit, nous recensons
quelques moyens pédagogiques susceptibles de promouvoir un
système d'éducation s'inspirant le plus largement possible de nos
valeurs culturelles.
Dans la même perspective, nous voulons promouvoir la
conception des programmes d'enseignement qui permet d'abord la
résolution des problèmes dans le vécu quotidien du
Congolais sans exclure, ensuite, la possibilité de solutionner des
problèmes d'autres contrées, compte tenue de la globalisation.
Eu égard au paradigme humaniste visant à renouer
avec certaines valeurs du passé et plaçant l'homme au-dessus de
toutes ces valeurs, nous soutenons que l'homme a une position centrale dans le
monde. Par conséquent, il sied d'affirmer que le Congolais n'est pas
d'une humanité de seconde valeur ou d'une humanité participative
à l'humanité occidentale. A cet effet, son type d'enseignement ne
doit être ni calqué ni subordonné aux
réalités et autres valeurs culturelles que les siennes.
METHODES
C'est dans le souci d'améliorer la qualité de la
conception des programmes et de l'application du système d'enseignement
que le choix du paradigme humaniste s'est avéré incontournable
pour nous.
En vue de mieux mener notre recherche et appréhender le
phénomène sous examen, nous ferons recours, d'abord, à
la méthode historique, consistant en l'établissement des
faits historiques en vue d'enrichir l'interprétation d'une
période et de la comprendre. Ensuite, nous nous servirons de la
méthode dialectique qui, pour MPALA 16(*) , s'articule autour de trois
lois fondamentales, dont la loi du changement brusque de la quantité en
qualité et vice versa ; la loi de la compénétration
des opposés : c'est à ce niveau que le concept de
contradiction apparaît avec évidence et la loi de la
négation de la négation : ici on peut parler de la
thèse, antithèse et synthèse.
Enfin, étant donné que tout projet de la
reforme, en général et celle de l'enseignement en particulier,
doit respecter la culture et les valeurs de la société dans
laquelle il sera mis en application, car ce projet atteint l'environnement
interne et externe de ladite société, l'utilisation de la
méthode systémique s'est avérée
indispensable. Cette méthode consiste en ce qu'elle ne renonce pas, ne
découpe pas, ne trie pas les faits étudiés pour les
représenter. Elle autorise au contraire à entrer dans la
globalité desdits faits pour la voir et la décoder dans toute
l'ampleur qu'elle offre. Il s'agit également d'ouvrir le champ de
l'exploration qui contienne et le phénomène et le contexte dans
lesquels les faits se produisent. La réforme éducative en
République Démocratique du Congo constitue un
problème incluant un grand nombre de
variables qu'il faut
analyser dans leur interrelation.
Ces trois méthodes seront matérialisées,
par l'usage des trois techniques suivantes de récolte des
données : documentaire, d'interview et d'enquête.
Par la technique documentaire, nous consulterons
différents documents édités ou non en rapport avec cette
recherche. Il s'agira notamment des thèses de doctorat, des
mémoires, des livres, des articles, des récits, des rapports,
etc.
A l'aide d'un canevas préétabli, nous
organiserons des interviews, autrement dit, des entretiens directifs, tant
individuels que de groupes avec les sujets prélevés pour notre
recherche.
Pour identifier les individus et les endroits auprès
desquels nous allons recueillir les données, la technique
d'enquête nous permettra d'administrer notre questionnaire aux membres
faisant parti de notre échantillon raisonné. Il s'agit de
l'échantillon pour lequel il y a souci de représentativité
en ce sens que l'analyste cherche à inclure les individus les plus
susceptibles d'apporter une information. Cet échantillon se fait sur la
base d'une ou de plusieurs caractéristiques fixées à
l'avance17(*). L'objet en
est de recueillir des renseignements sur les membres de la population ayant ces
caractéristiques. Nous avons pensé que cette technique est plus
utile pour décrire l'objet de notre recherche.
Aux trois techniques de récolte des données ci
haut énumérées, s'ajoutent les techniques statistiques
qui nous permettront de traiter les données quantitatives. En
revanche, les données qualitatives recueillies seront traitées
par la technique d'analyse de contenu.
Pour clore, l'analyse et l'explication sont des approches qui
nous permettront d'aborder cette étude.
DIFFICULTES RENCONTREES
Dans la réalisation d'un travail scientifique, à
l'instar de celui que nous présentons, le chercheur est toujours
confronté à plusieurs difficultés d'ordre scientifique,
académique, financier, social, etc. En effet, les difficultés
majeures auxquelles nous nous sommes confronté sont liées
premièrement à l'accessibilité difficile à
certaines données recherchées, surtout aux Ministères
chargés de l'éducation.
Il a été parfois impossible d'entrer en contact
avec certains inspecteurs, administratifs et autres acteurs de
l'éducation déterminés d'avance dans notre
échantillon. Cependant, par notre savoir-faire et savoir-être,
nous avons contourné cette difficulté en utilisant des
enquêteurs qui entretiennent des relations informelles avec lesdits
acteurs que nous n'avons pas pu atteindre nous-même.
Deuxièmement, nous avons connu une perte d'environ 15%
de nos questionnaires remis aux enquêtés qui étaient soit
perdus soit non répondus. Ainsi, pour éviter cette perte, un
inspecteur nous a aidé à convaincre ses collègues qui ont
fini par répondre, malgré le retard.
Troisièmement, l'analyse de contenu des données,
surtout qualitatives, recueillies pendant les interviews, nous a pris beaucoup
de temps car il fallait percevoir dans l'ensemble volumineux de
réponses, les données les plus importantes à notre
recherche.
Quatrièmement, l'insuffisance de fonds
nécessaires pour la saisie et l'impression répétitive des
résultats de nos recherches, l'achat et la location de matériels
(enregistreurs, cameras, carnets de bord...) le moyen de transport,...pour la
récolte des données. En effet, nous avons été
obligé de nous endetter ou de quémander auprès des
connaissances, amis, membres de famille, etc.
Cinquièmement, l'exigence de la réalisation de
ce chef d'oeuvre nous a rendu parfois asocial ; le budget familial a
été largement réduit au préjudice de nos enfants
en charge et épouse.
SUBDIVISION DU TRAVAIL
Le présent travail s'articule sur trois
chapitres :
Le premier porte sur les considérations
générales;
Le deuxième est consacré à la
présentation des données d'enquête;
Le troisième porte un regard sur le système
éducatif envisagé.
Une conclusion va boucler tout le travail.
Chapitre Ier. CONSIDERATIONS
GENERALES
I.1. CADRE CONCEPTUEL
Dans cette partie du travail, nous nous employons d'abord
à décanter avec précision quelques notions-clés
afin d'éviter le flou et cadrons, ensuite, le champ de notre
étude.
I.1.1. Valeurs traditionnelles
Lega
Un des éléments fondamentaux d'une
société est l'élaboration d'un
système
de
valeurs
qui servent de référence à l'action humaine. Ainsi,
consacrons-nous cette partie du travail à l'identification de certaines
valeurs traditionnelles congolaises ainsi qu'à une réflexion
profonde sur leur validité au sein d'une société
contemporaine.
De prime abord, il sied de préciser que, dans son
acception objective, est considérée comme valeur, tout ce qui est
posé comme Bien ou Mal, selon les critères d'un code moral, Beau
ou Laid, selon les critères d'un code esthétique, Juste ou
Arbitraire, selon les critères d'un code social18(*). En
revanche, dans son aspect subjectif, une valeur est tout ce qui est posé
comme vrai, beau, bien, selon des critères personnels et
subjectifs,
propres à chaque individu.
Par delà la définition commune qui
caractérise les valeurs comme un ensemble de qualités
susceptibles d'être désirées ou estimées chez un
individu, nous proposons dans ce travail la définition suivante :
peuvent être considérées comme valeurs, les
éléments sur lesquels une société s'est
fondée pour se maintenir et se développer. Ces
éléments assurent essentiellement dans une société,
une fonction d'équilibration et de régulation. En fait, les
valeurs constituent un ensemble de représentations propres sur
lesquelles une société s'édifie en assurant son
équilibre, son maintien et sa perpétuation19(*).
Etant donné qu'il est inconcevable d'envisager une
société où existerait un code social laissé au
libre arbitre de chacun, tout individu vivant dans une société
est voué à l'observance d'un code social lui servant de
référence. Ladite référence est
généralement un héritage du passé (coutumes et
habitudes), c'est la tradition. La tradition est ainsi comprise, dans
une certaine mesure, comme un legs du passé, un patrimoine culturel, une
transmission essentiellement immatérielle. C'est une sorte de convention
collective acceptée par la majorité des membres, un cadre de
référence qui permet à un peuple de se définir ou
de se distinguer d'un autre. Elle porte en elle, malgré certaines
résistances au changement, les germes subtiles de la modification, de la
transformation qui font que les peuples doivent à tout moment ajuster au
temps leurs idées, leur manière d'être et de faire. Les
traditions à sauver et faisant l'objet de notre curiosité dans
cette analyse, sont donc celles qui favorisent les progrès ou qui ont le
pouvoir de corriger les excès des sociétés modernes
à des moments d'égarement, de dérive.
Dans la société congolaise en
général, et Lega en particulier, nous avons pu identifier les
éléments, non exhaustifs, suivants considérés comme
valeurs traditionnelles positives utiles à la construction de son
identité :
A. La solidarité et l'altruisme:
Dans la société traditionnelle Lega, l'on
observe une solidarité mécanique se traduisant par des actes de
générosité et d'entraide sociale. La
générosité est l'une des qualités requises à
un homme pour accéder à des responsabilités
élevées (Chef de localité, Mwami c'est-à-dire chef
coutumier, initiateur des néophytes...). La vraie
générosité est celle qui aide autrui à se
générer au meilleur de lui-même, à devenir
autonome. Les activités champêtres, la pêche, la chasse
la construction des maisons... se font en équipe.
B. La justice et l'égalité sociale:
La justice traditionnelle Lega se traduit par une lutte
passionnée de l'équilibre social. Au village, un juge partial est
banni de la société. Tout enrichissement non justifié est
comparable à la sorcellerie et est combattu violemment. Il faut avoir
une profession sûre justifiant l'accumulation des richesses telle
que : chasseur professionnel, pêcheur talentueux, agriculteur
avéré, etc. Au village, la différence entre les
« riches » et les « démunis »
n'est pas assez forte contrairement aux milieux urbains. Le chef du village
n'est pas le plus riche non plus. Le principe d'équité selon
lequel chaque membre de la communauté Lega a droit à la
même chose appartenant à la communauté, pourvue qu'il
remplisse les conditions20(*) exigées, est d'observance. Le cas de Bwami est
une illustration éloquente, car tout homme Lega remplissant les
conditions peut y accéder. Même le fils d'un Mwami wa Kindi
(degré le plus élevé de Bwami) doit commencer au premier
grade (Kongabulumbu) et faire son ascension comme tout le monde.
C. La responsabilité et la lutte contre
l'oisiveté:
Par responsabilité, la société
Lega entend le fait qu'une personne remplit correctement ses devoirs en tant
qu'individu et membre de la communauté et respecte les droits des
autres. A titre illustratif, dès le jeune âge (à quatorze
ans), on apprend aux enfants à construire leurs habitations. A cet
âge donc, l'enfant (garçon) ne peut plus partager la même
case que ses parents. Il doit avoir son petit champ à côté
de celui de ses parents ; il doit tendre des pièges pour attraper
de petits gibiers sous l'orientation de son père; il doit faire la
pêche pour nourrir sa famille et les vieillards du village. Il s'agit
donc de la lutte progressive contre l'inoccupation, la fainéantise et le
manque de travail.
D. La parité et la démocratie:
Les femmes Lega jouissent d'une considération
presque égale à celle des hommes. Elles sont admises à
certaines réunions et assemblées ; elles ont voix
délibérative et obtiennent des grades, analogues à celles
des hommes, dans la hiérarchie du Bwami. « En aucune
région d'Afrique, écrit le commandant DELHAISE, je n'ai vu la
femme jouir d'une considération aussi grande que chez les Warega. Elle
est presque aussi respectée que l'homme et peut obtenir les grades de la
hiérarchie sociale ».21(*)
Pour concrétiser le constat de Delhaise, voici en
résumé la correspondance entre les grades du Bwami (à
gauche) et les grades des femmes (à droite) qui interviennent dans la
cérémonie :
Mwami wa Kongabulumbu
.......................................... Kigogo
Mwami wa Kansilembo
.......................................... Bombwa
Mwami wa Ngandu ....
..........................................Kalonda
Mwami wa Yananio
......................................... Nyamalembo
Mwami wa Kindi
............................................Kanyamwa
La tradition Lega encourage un traitement égalitaire
envers tous. Il existe donc une égalité proportionnelle entre
homme et femme. Ainsi, tout homme remplissant les conditions requises peut
atteindre, de droit, le plus haut degré de Bwami. De même, toute
femme remplissant les conditions requises peut atteindre, de droit, le
degré analogue de Bwami. Nous constatons que le genre et la
parité existaient déjà chez le Lega.
Le pouvoir n'est pas le monopole d'une personne ou d'une
famille. La solution des problèmes est obtenue à l'issue d'une
délibération faite sans passion, par les concernés.
E. L'hospitalité:
Chaque case du village possède une chambre
exclusivement réservée aux hôtes. Par son système du
barza communautaire (Lusu), personne, même les passagers ne peut mourir
de faim. Les repas y sont partagés en commun et tout homme (autochtone
comme étranger) est invité à prendre part. Tout le monde
est le bienvenu chez les Lega pourvu qu'il respecte son mode de vie et ses
institutions.
F. Les proverbes, les devinettes et les contes:
Chaque proverbe, devinette et conte revêt une grande
leçon morale orientée vers une action réelle, car le
peuple Lega est caractérisé par une intelligence faite de bon
sens pratique, plus positif que spéculatif.
G. L'innovation et la créativité:
Les sociétés traditionnelles ont un sens
innovateur et créatif prouvé. Les oeuvres d'art sont faites d'une
ingéniosité trop marquante : la confection de tissu, la
fabrication des chaussures, l'ornementation, l'usage des plantes
médicinales... en sont des preuves éloquentes.
H. Le stoïcisme:
Le peuple Lega a une force d'âme
caractérisée par l'impassibilité dans l'épreuve. La
maîtrise de soi, l'endurance et le courage dans des situations
pénibles est une preuve de maturité.
I. Respect de la vie, de la nature et de biens
communs:
La vie est sacrée chez le Lega, nul n'a le
droit d'ôter, volontéraiment, la vie à quelqu'un. Le
suicide est prohibé et déconseillé, car il est symbole de
lâcheté. La nature est un héritage que les
générations actuelles doivent gérer rationnellement au
profit des générations futures ; tel est l'un des
enseignements que les parents donnent à répétition
à leurs enfants.
La protection des espèces animales et
végétales rares est d'observance. Toute contravention est
sérieusement punie. Les biens communs tels que les bétails, la
nourriture, les engins, les bâtiments, les instruments musicaux...sont
traités avec beaucoup d'égard et de considérations.
L'on se réalise que les Lega ont respecté le
développement durable notamment par le respect de
l'écosystème et de l'environnement.
I.1.2. Système
éducatif moderne:
Par système éducatif moderne, nous faisons
allusion à un enseignement qui focalise son attention sur l'ensemble des
valeurs positives, non propres à une société
particulière, mais plutôt partagées par la
société universelle. Etant donné que les valeurs
sociétales universelles sont dynamiques, l'éducation moderne
déploie d'amples efforts pour l'être également. En ce jour,
ce système éducatif établit des liens avec un enseignement
de culture générale, de l'outil informatique (ordinateur) et des
technologies nouvelles, surtout celles de l'information et de la communication.
Il s'agit donc d'un système qui représente les tendances
contemporaines en étant à la pointe du progrès.
Ce système met une corrélation étroite
avec l'apprentissage de ce qu'on pourrait appeler "l'ordinateur auxiliaire du
travail intellectuel"22(*)où figurerait en bonne place, l'utilisation
raisonnée de l'ordinateur et des technologies associées (CD-ROM,
Flash disc, rétroprojecteur...). Il nourrit les ambitions de faciliter
l'auto-apprentissage, de rendre l'apprenant actif et créateur.
Pour les enseignants, ces technologies constituent à
présent des instruments indispensables à l'exercice de leur
profession et offrent des possibilités de recherche et d'investigation
dans le domaine de la transmission des connaissances qu'aucune des technologies
antérieures, prise isolément, ne permet.
A côté des aspects positifs reconnus à ce
système, les innovations auxquelles il recourt posent des défis
nouveaux à nombre d'activités éducatives. En effet, ces
nouvelles technologies ne permettent pas seulement la réunion, sur un
support unique, d'informations habituellement véhiculées sur des
supports différents tels que les manuels ; elles impliquent aussi
des démarches intellectuelles qualitativement nouvelles. En outre, elles
ont tendance à émousser l'autonomie de l'apprenant
(élève ou étudiant) qui doit apprendre à apprendre.
Ajoutons qu'une insuffisante maîtrise des technologies modernes dans un
monde de plus en plus complexe risque de créer de nouveaux exclus. Aux
handicaps liés à la lecture, s'ajouteraient ceux liés
à la technique mal maîtrisée.
En regard des considérations
précédentes, il nous paraît logique que le système
éducatif moderne, vu dans cette acception, se donne le devoir de
préparer les jeunes à leur avenir marqué, sans aucun
doute, par le développement considérable des technologies. Sans
renier ses missions traditionnelles, il doit aussi transmettre de nouveaux
savoirs et savoir-faire, proposer de nouvelles attitudes, de nouvelles
habiletés dans les approches de la connaissance permises par ces
technologies. Ainsi, de l'école élémentaire jusqu'à
l'université, les "savoirs fondamentaux" doivent améliorer la
perception que l'élève, futur citoyen, aura de la machine, de
l'aider à mieux en percevoir les limites, de la lui rendre plus
familière.
Etant donné que notre investigation met les valeurs
traditionnelles en vedette au service de l'éducation, le rôle du
service public d'éducation est donc de porter un regard critique et
constructif sur le système éducatif moderne. Certains parents se
plaignent déjà de la dérive d'Internet qui est un
système d'enseignement ou d'éducation ouvert permettant de larges
initiatives aux utilisateurs (élèves, étudiants,
chercheurs...), car les opérateurs, constatons-nous, sont plus soucieux
de chiffre d'affaire que de la qualité de contenus à faire
consommer aux utilisateurs.
Les dérapages suivants de l'Internet peuvent être
évoqués : l'initiation, surtout des jeunes, à
l'occultisme (magie), à la pornographie, à la violence, à
l'homosexualité, bref, à plusieurs maladresses dans le
comportement.
En apportant des progrès considérables à
l'éducation, le système éducatif moderne s'accompagne de
nombreux bouleversements. A cet effet, la reforme des programmes d'enseignement
est indispensable et urgente avant qu'il ne soit tard.
1.1.3. L'initiation
traditionnelle Lega:
L'initiation traditionnelle est un ensemble de rites de
passage qui ont pour but d'insérer l'individu dans la
société et de lui enseigner les règles de la vie en
commun. Ledit passage fait accéder l'initié à un nouveau
statut et aux dignités.
Les étapes principales de l'initiation peuvent
être réparties en six:
a. La préparation de l'initiation:
Généralement, dans chaque clan Lega, il y a un
chef coutumier (Mwami) appelé « Mukuli » qui est
responsable de l'initiation des jeunes hommes du clan. Il réunit ses
collègues des clans voisins et certains hommes déjà
initiés (Bikonde) pour fixer la date et le lieu de la prochaine
levée. Ainsi, à l'approche de la date convenue, ils
érigent d'abord dans la brousse, à près de deux
kilomètres du village, une cabane initiatique (lutende). Ensuite, ils
sélectionnent des jeunes garçons non encore initiés
remplissant certains critères tels que : appartenir à la
tribu Lega, être âgé d'au moins quatorze ans, jouir d'une
bonne santé mentale et physique, etc.
Psychologiquement, l'âge initial pour aller à
l'initiation est bien choisi car, pendant la puberté, constate-t-on,
l'enfant éprouve le besoin de se faire orienter ; il commence
à sentir la virilité.
b. Séparation des néophytes de la
communauté:
Le jour de l'initiation, tous les néophytes,
habillés de raphia et les têtes complètement rasées
se faisaient accompagner de leurs parents au domicile du responsable de
l'initiation. La matinée était consacrée aux chants et
danses très éducatifs. Les néophytes chantaient, comme le
soulignent YATT et BEHLERT : « Entrer en Ndout
c'est-à-dire à l'initiation c'est apprendre à
dénouer pour renouer du sens à travers les faits et les
évènements de la vie23(*) ».
Quand le soleil était à son apogée, tous
les hommes non initiés et les femmes quittaient le lieu car la
cérémonie allait commencer.
Il sied de souligner l'aspect fondamental de toute initiation
: la séparation totale avec le monde. Cette séparation rigoureuse
a une très grande valeur éducative.
Les candidats à l'initiation doivent quitter leur
famille, le monde, pour aller dans la forêt...là, ils sont sous la
conduite, non pas d'un homme quelconque, mais d'un vrai initié, un homme
qui, pendant sa période d'initiation, s'est distingué parmi ses
compagnons. C'est le Maître. Sous la conduite de ce dernier, les
candidats à l'initiation subissent toute la transformation
intérieure et extérieure.
L'on parvient à cette transformation des initiés
grâce à une bonne alimentation, aux lotions locales que l'on
enduit au corps, aux enseignements, conseils et exercices très nombreux,
très durs et très variés d'endurance et de volonté.
Les manifestations du changement de la forme extérieure sont entre
autres : l'élargissement du buste, l'éclaircissement du
teint de la peau,etc.
En revanche, la transformation intérieure se manifeste
par la capacité dont, font preuve les initiés, de souffrir sans
pleurer, sans se plaindre ; de supporter des choses plus dures avec une
grande patience, d'assurer pleinement des responsabilités en tant que
des hommes nouveaux.
SY LALLA DIALLO observe chez les Bambara du Mali que
« la circoncision réalise une mutation profonde et voulue au
niveau de la personnalité (de l'initié) »24(*). MULUMA et ZIAKWAU
renchérissent que "l'initiation établit la différence
entre l'état d'enfant et celui d'adulte...elle se veut absolument une
double décantation de la personne humaine : elle achève
physiquement un état (l'enfance), tout en mettant en oeuvre un autre
(état adulte). En mettant fin à l'homme qu'en tant
qu'individualité, elle affirme l'existence de l'homo socialis dont
l'initiation va parfaire les connaissances »25(*).
c. La circoncision:
Il s'agit de l'ablation du prépuce
du néophyte, car aux yeux des Lega, un incirconcis est impur.
d. L'enseignement:
A cinq heures du matin, tous les
néophytes se lèvent et nettoient tout le camp d'initiation. Puis,
ils font des exercices physiques et d'endurance : gymnastique, courses de
vitesse, combat corps à corps, etc.
En vue de soulager d'éventuelles douleurs dues aux
exercices physiques et nettoyer le corps, un bain obligatoire se prend dans un
cours d'eau se trouvant près du camp.
La baignade était suivie du petit déjeuner pris
en commun vers neuf heures.
De neuf heures à seize heures, les néophytes
suivent leur formation selon le programme établi par les formateurs.
Pour être clair, nous regroupons en deux
catégories principales les connaissances transmises aux
néophytes, il s'agit d'une part, des enseignements théoriques et
d'autre part, des enseignements pratiques.
1. Enseignement
théorique: Ici, l'attention des formateurs est
focalisée sur les connaissances géographiques approfondies de
l'espace Lega, l'historique de Lega (ses origines, sa dispersion, ses
fractions...), la vie de Lega de sa naissance jusqu'à sa mort
(accouchement, mariage, maladies, enterrement, ...), la société
Lega (unité fondamentale « Kikanga »), la
parentèle, l'organisation politique, les activités
économiques...), l'institution de bwami, la morale et la religion
Lega.
A cette liste des leçons s'ajoute un enseignement
particulier sur la corde de la sagesse Lega, le
« Mutanga ». Il s'agit d'une corde, longue d'environ dix
mètres, à laquelle sont suspendus les objets symboliques, souvent
sous une forme réduite. La plupart de ces symboles sont faits des objets
naturels (corde, plume d'aigle, ébauche de pirogue, graine
d'arachide...). Cependant, certains sont constitués des objets
manufacturés (un papier griffonné, un bracelet, une
cuillère...). Cette corde est « la fameuse corde de la
sagesse, écrit DEFOUR, source et soutien de la vie collective Lega,
recueil de conseils qui permettent de retrouver sa route à travers la
trame des jours... guide concret du comportement quotidien26(*) ».
A ce sujet, la corde servant à tisser le filet de
chasse est le premier symbole suspendu à la corde de la sagesse Lega. Il
traduit le courage que doit prendre tout initié en particulier et tout
Lega en général, pour commencer toute activité qui exige
beaucoup de temps et d'efforts. Ainsi, on dit en Kilega : Kumutungu u
kulingila ikila nu kwendaga wa tuma càd, c'est à la grande corde
que commence le filet de chasse, tu avances en tressant. Toute chose a
donc un commencement, n'aie pas peur de commencer un projet.
2. Enseignement pratique: à
cette étape, les formateurs dotent les néophytes d'une
intelligence pratique leur rendant habile à s'adapter à
différentes situations de la vie. En faisant le «
learning by doing », formule qui illustre les recherches de
John Dewey, les formateurs apprennent aux initiés à construire la
maison ; à faire la chasse, la pèche, la sculpture, etc.
La plupart des enseignements pratiques se déroulent en
pleine forêt, loin du camp.
Vers seize heures, les candidats rentrent au camp après
la baignade vespérale et observent un petit repos d'environ trente
minutes à l'issue duquel ils prennent en commun le dîner.
De dix-neuf heures à vingt et une heures, c'est le
temps réservé aux proverbes, contes et devinettes. Ainsi, par des
récits d'aventures imaginaires, des questions souvent amusantes et
plaisantes auxquelles il faut trouver la réponse, les candidats
apprennent par coeur la sagesse Lega. C'est l'un des moments le plus
agréable de l'initiation.
Au plus tard à vingt et une heures trente, les
candidats se couchent sous la surveillance des formateurs et des anciens.
De temps en temps, suivant la décision des formateurs,
les candidats, accompagnés de leurs prédécesseurs
(Bikundi) se rendent la nuit au village mais en chantant27(*).
Il convient de noter que les vertus fondamentales suivantes
sont de stricte observance durant la formation : la solidarité,
l'égalité sociale, la docilité ; l'endurance et le
courage dans la souffrance ; la discrétion, la modération
et la lutte contre l'oisiveté.
L'esprit de fraternité, de dépendance
réciproque et d'entraide constitue un enseignement sacro-saint durant
toute l'initiation, car il est le fondement de la cohésion du peuple
Lega. Par conséquent, toutes les sanctions, tant positives que
négatives accordées aux néophytes étaient
généralement collectives.
Au camp, les candidats sont égaux, sans aucune
distinction de rang social. Le fils du responsable de l'initiation
(Mukuli) n'a aucun droit spécial. Pour montrer qu'il n'a
aucune considération particulière, on lui fait faire les
corvées les plus répugnantes et les plus dures. Si une faute est
commise dans le camp et qu'on ne trouve pas le coupable, c'est lui qui est puni
à la place des autres.
Les candidats à l'initiation se savent et se veulent
disciples d'un Maître. Ce maître est reconnu par tous comme un
élément d'élite incontestable. Les candidats se
présentent à lui avec toutes les dispositions fondamentales d'un
vrai disciple : la docilité, la confiance totale est
inconditionnelle28(*).
Etant donné que les initiés sont de temps en
temps soumis aux exercices très nombreux, très durs et
très variés d'endurance et de volonté, ils
acquièrent un courage extraordinaire. Lesdits exercices ont pour but de
changer les caractères des initiés et d'en faire des hommes
résistants qui sont capables de souffrir sans pleurer, sans se
plaindre ; de supporter des choses plus dures avec une grande patience.
Avant toute formation, les néophytes étudient le
langage ésotérique. Ce langage consiste en un système non
verbal jouant la fonction d'expression et de communication entre les
initiés et leurs formateurs. A l'issue de l'initiation, toutes les
prescriptions reçues sont scrupuleusement observées. Tout ceci
donne à leur comportement, un cachet de modération, de
réserve, de retenue qui étonne et qui commande le respect.
Toute la journée des candidats est valablement
occupée par diverses activités. Par ceci, la lutte contre le
désoeuvrement ou l'inactivité est imprimée dans la
conscience de tous les candidats.
e. Fin de l'initiation:
Après le temps fixé par le
responsable de l'initiation en accord avec les anciens, les initiés font
une première rentrée-éclaire au village. Vêtus de
raphia, ils se rendent en silence au village, chacun portant dans la main, une
boule faite des racines du phrynium qu'il jette pour signifier qu'il est fort
physiquement et retourne au camp.
A l'issue de cette cérémonie, les initiés
restent encore quelques jours au camp (au maximum une semaine) entrain de
recevoir les derniers conseils des anciens.
Pendant ce temps, ils peuvent aller au village en groupe,
pendant la journée, et y passer quelques temps au barza communautaire
(Lusu).
Avant la réintégration définitive dans la
communauté, les initiés sont soumis à une dernière
épreuve de courage et d'endurance : chacun doit retirer du feu,
à la main libre, un caillou chauffé à rouge, parfois sous
les coups de fouet infligés par les anciens.
La fin effective de l'initiation est marquée par le
rasage des cheveux. Au nom de la communauté, le responsable de
l'initiation reçoit officiellement les initiés et leur
présente des félicitations. Il leur rappelle la portée du
rite de passage qu'ils venaient de faire et leur intégration dans la
communauté des hommes. Toute transgression de l'une des règles de
l'initiation est sévèrement punie.
f. La réintégration dans la
communauté :
Après la fête, les initiés rentrent,
chacun, chez soi. Cependant, les anciens continuent à surveiller
discrètement leur conduite. A l'occasion des chasses ou des rencontres
entre hommes, on attire leur attention sur tel ou tel comportement à
éviter ou sur tel langage qui ne convient pas à un initié.
Pour tout dire, après ce tour d'horizon, l'on
s'aperçoit que c'est seulement après l'initiation qu'un Lega est
intégré dans la communauté des hommes, qu'il peut parler
en public et être écouté, avoir un chez soi, se marier et
prétendre devenir Mwami.
Pour le peuple Lega, l'initiation est le fondement de la
réussite de toute la vie et l'accès même aux
dignités. Par l'initiation, l'initié a donc une conscience et un
attachement très prononcés à sa tribu. « Cette
pratique initiatique créait une cohésion sociale dans la
population lega..., bien que leurs dialectes fussent différents. Il
était facile, pour tous les Legas dispersés dans les autres
provinces de la RD Congo ou dans les pays voisins, de se reconnaître
grâce à ce rite. Ce n'est pas la langue ou la coutume qui faisait
leur union, mais la reconnaissance et la participation à ce
rite »29(*).
g. L'initiation des femmes (Bombwa):
Les filles et femmes Lega ne subissent pas la même
initiation que celle consacrée aux hommes, car jadis, le rôle que
jouaient les femmes au sein de la société était
différent de celui des hommes.
En résumé, nous distinguons deux sortes
d'initiation des femmes : la première concerne, d'une part, la
soeur d'un initié qui veut accéder au statut de Mwami (chef
coutumier). D'autre part, l'épouse d'un Mwami qui veut accéder
à un grade supérieur de Bwami. La seconde concerne les jeunes
filles, en général, avant leur mariage.
g. 1. Initiation de « Kigogo »
et des épouses des Bami
Tout homme Lega, initié, peut accéder aux grades
de Bwami s'il remplit les conditions exigées. Ainsi, l'accès au
premier grade appelé « Kongabulumbu » exige que
l'initié soit accompagné d'une jeune fille de sa
parentèle, âgée d'au moins douze ans et qu'elle soit encore
vierge, symbole de « pureté du corps et de l'esprit
». Elle s'appelle « Kigogo ». Outre
celle-ci, on trouve encore quatre catégories ou grades de l'initiation
des femmes, il s'agit de : Bombwa (épouse de Mwami wa
Kansilembo) ; Kalonda (épouse de Mwami wa Ngandu) ; Nyamalembo
(épouse de Mwami wa Yananio) et Kanyamwa (épouse de Mwami wa
Kindi).
L'initiation de toutes ces catégories des femmes se
déroule aussi bien dans la case d'initiation que sur l'aire de danse au
village. Par contre, la cérémonie de purification
(Kumoko) se déroule hors du village, au bord de la
rivière où les villageois puisent habituellement de l'eau.
Toutes ces étapes se déroulent en présence seulement des
femmes initiées. Pour cette raison, nous n'avons pas, ici, assez de
détails à présenter.
L'initiation est sanctionnée par la
cérémonie d'intronisation des initiées en présence
de leurs maris assis, chacun, sur un escabeau devant son épouse.
f. 2. L'initiation des jeunes filles
Il sied de préciser que les jeunes filles Lega n'ont
pas une cérémonie particulière d'initiation. Cependant,
dès leur jeune âge, elles sont préparées à
une vie conjugale et responsable. La mère et les tantes des jeunes
filles insistent sur la propreté de leur corps. Elles apprennent
à leurs filles comment faire le bain intime. Avec fermeté et
constance, elles montrent la portée de la virginité que leurs
filles doivent conserver jusqu'au jour de leur mariage, car cet état
valorise la jeune fille, la met à l'abri de souillure du corps et de
l'esprit, lui évite des grossesses indésirables, des infections
et maladies sexuellement transmissibles, etc.
I.2. PRESENTATION DU PEUPLE
LEGA
I.2.1. Présentation
géographique
Le peuple Lega se situe à l'Est de la
République Démocratique du Congo dans le territoire de Walikale
en Province de Nord Kivu ; dans le territoire de Pangi en Province de
Maniema et dans les territoires de Mwenga et Shabunda en Province du Sud Kivu.
L'aire Lega est limitée à l'Est par les
territoires de Rutshuru et Masisi au Nord Kivu et par les territoires de
Kalehe, Kabare, Walungu et Uvira au Sud Kivu. A l'Ouest, elle fait
frontière avec les territoires de Kibombo et de Lubutu dans la Province
de Maniema. Au Nord, elle est limitée par le territoire de Lubero de la
Province du Nord Kivu et la partie australe du territoire de Bafwasende de la
Province Orientale. Au Sud, l'espace Lega fait frontière avec le
territoire de Fizi dans le Sud Kivu et ceux de Kabambare et Kasongo dans la
Province de Maniema.
L'espace Lega regorge d'une hydrographie suffisante en cours
d'eau très poissonneux et navigables en tronçons, car ils sont
parfois coupés par des chutes. Les plus grands sont des affluents du
magestueux fleuve Congo dont les rivières Ulindi et Elila ayant leurs
sources dans la plaine de Ruzizi. Précisons que l'embouchure de la
première se trouve à Kakola tandis que celle de la seconde se
situe à Kiloba.
L'aire Lega présente un relief à la forme d'une
cuvette. Elle est montagneuse au Sud (vers la ville de Kalima) et au Nord (vers
le centre minier de Kamituga). Cependant, le centre ( Shabunda) est plat.
Du Nord au Sud, le « Bulega » impressionne
par l'immensité de sa forêt tropicale dans laquelle on trouve une
faune intéressante et abondante. Le Bulega est baigné par un
climat généralement humide offrant une température variant
entre 20° et 30°. Les pluies sont fréquentes et souvent
accompagnées d'orages.
La superficie de l'espace Lega est de 50 000
Km²30(*), plus grande
que le Burundi, le Rwanda et l'Ouganda réunis31(*).
Sur le plan démographique, le peuple Lega, est
estimé à plus d'un million d'habitants32(*).
I.2.2. Aperçu
historique
L'histoire du peuple Lega remonte de la désertification
du Sahara au Soudan, au Nord de la République Démocratique du
Congo.
Fuyant la chaleur du désert et se mettant à la
recherche des endroits propices pour la cueillette, la pêche et la chasse
(seuls moyens de vivre jadis), le père de Lega appelé Kese (monde
ou nature), son épouse Kasa (signifie la pénalité
infligée pour une faute que l'on a commise) et leurs enfants Lega (fils
aîné), Tuku (le deuxième) Bembe (le troisième) et
Munyere (le quatrième et le dernier) prirent la direction du Sud du
Soudan et arrivèrent en Ouganda. A cause de plusieurs dissensions entre
les autochtones et la famille de Kese, celui-ci prit la résolution de
continuer son parcours. Avec sa famille ainsi que ses frères Bowa, Zande
et Kumu se dirigèrent au Sud-Ouest de l'Ouganda où ils
restèrent pendant de longues années.
Après avoir quitté l'Ouganda au XVII
ème siècle, les Lega se sont installés sur la rive Ouest
de la Lualaba...33(*) et parvinrent dans l'actuelle Province
Orientale. Là ils érigèrent le village Kakozi près
de Kisangani à la rive droite du fleuve Congo.
Conformément à la tradition de ce temps,
l'aîné de famille était considéré, en quelque
sorte, comme un roi ; il régnait mais ne dirigeait pas. Le pouvoir
étant concentré par Tuku, il finit par en abuser lors des
attaques armées perpétrées par leurs ennemis.
Après la mort de Kese et la suite des dissentiments non
élucidés, surtout à cause du manque d'entraide entre les
frères et cousins, Lega et ses frères Tuku et Bembe
quittèrent Bamunyere et leurs cousins et s'établirent dans le
village Mabilabondo entre Kisangani et Lubutu. C'est ici que naquit le premier
enfant de Lega. Son père lui donna le nom de Kyendangendo, signifiant le
voyageur infatigable. « Selon une certaine variation, il serait
l'ancêtre lointain de Ntata (Lega habitant la partie boréale de la
rivière Ulindi, affluent du fleuve Congo) »34(*).
Un jour, la belle-mère de Lega vint lui rendre visite
au village de Mabilabondo. A l'absence de Lega, Tuku pris de passion, viola la
belle-mère de son frère aîné Lega. L'ayant appris,
Lega entra dans une grande colère et chassa Tuku de son village. Tuku se
réfugia chez ses cousins Zande, Bowa et Kumu. Ils leur renconta, avec
exagération, comment son frère Lega l'a chassé injustement
de leur village commun. Les trois cousins ayant écouté avec
compassion les plaintes de Tuku, décidèrent de punir Lega pour
cette action déshonorante.
Ainsi, se couvrant les visages des plumes de poule, ils
allèrent attaquer tout le village Mabilabondo. Lega, n'ayant pas reconnu
ses frères et cousins dans cet accoutrement bizarre, eut peur et prit
fuite avec son frère Bembe. Ils traversèrent le Lualaba en
pirogue. C'est la guerre dénommée « guerre de
Kimbimbi ». Tuku et ses cousins Zande, Kumu et Bowa arrivèrent
au fleuve et n'ayant trouvé aucun moyen de le traverser,
rentrèrent chez eux.
Voyant que leurs assaillants ne les poursuivaient plus, Lega
et sa suite s'arrêtèrent et se reposèrent à un
endroit où ils fondèrent le village de Kakola (à
l'embouchure de la rivière Ulindi).
Après quelques années, pour assurer leur
substance, ils se trouvèrent dans l'obligation de se déplacer.
Ils poursuivirent la route le long du fleuve Congo et arrivèrent au
village de Kowe. Ici, ils rencontrèrent les Topoke qui leur firent vite
la guerre à cause de leur tendance de domination. Pris par peur de voir
comment les Topoke, après avoir capturé les prisonniers de guerre
leur arrachaient les organes viscéraux et les mangeaient, ils
poursuivirent le voyage et s'installèrent à la confluence de
Ulindi, Elila et Logolo. C'est ici que Kyendangendo engendra Kisi et Kyima.
Après la mort de Lega, sa postérité
séjourna longtemps à cet endroit. Cependant, lorsque les
denrées devinrent difficiles à trouver, les enfants de Lega
prirent deux directions différentes : les uns, sous la direction de
Kyendangendo ou Busi (fils aîné de Lega) se rendirent au Nord de
la rivière Ulindi, c'est le NTATA tandis que les autres, conduits par
Lulimba( troisième fils de Lega), longèrent la rivière
Elila, c'est le MALINGA.
Il sied de préciser qu'en dépit de la division
administrative héritée de la colonisation divisant le peuple Lega
en quatre territoires différents, ledit peuple, pour s'identifier,
préfère se référer plutôt à la
répartition NTATA et MALINGA.
Voici à la page suivante, l'arbre
généalogique établissant la filiation du peuple Lega tel
qu'il a été présenté dans le rapport annuel des
activités du Centre Culturel Lega, exercice 2008.
I.2.3. Généalogie du peuple Lega
KINDI =
KESE = Kasa Bowa
Zande Kumu
? LEGA Tuku (Kembembe) Lengola
Bembe Munyere
Kyendangendo ( Busi) Kano
Lulimba Kisigasiga
Kisi (ou Kese)
Kyima ou Kabango I.
Muzimu Kalenga
Igala Ngoma Gabo Muguba Liga Kiunga Kiberaminwe Nkulu
Ikama Kasanza Tali Sitabyale Sile Burhinyi Itombwe
Luhuindja Namunga
(Ancêtre des
Bashi)
Bulinzi Rhala
Sikamagulu Bujiri
Kisale Kiligisha
Beia Bene
Ikama Kabango II
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10
A B C D E F G
I II III IV V
VI VII
Kano (fils) Nianga a
b c d e
Nyankongo Kapelabombwe Kondjo Kano (Petit-fils)
A1 A2 A3 A4 A5 A6 A7 A8
A9 A10 A11 A12 A13 LEGENDE
I.2.4. La culture Lega face
à l'influence étrangère
Ce point qui clôture ce chapitre
présente la position du peuple Lega par rapport à l'influence que
subit sa culture sur l'éducation, tant des enfants que des adultes.
Ne vivant pas en marge de la société congolaise
qui s'ouvre au monde, le peuple Lega, attaché à sa culture,
s'adapte à la dynamique qu'impose la cohabitation avec d'autres peuples.
Ainsi, l'influence de la culture occidentale dans l'enseignement a rendu et
continue à rendre obligatoire « l'abandon » de
certains traits distinctifs qui caractérisaient le peuple Lega et le
singularisaient. Cependant, on croit que ce brassage culturel tendant à
homogénéiser, au fil du temps, les repères sociaux et
culturels assurerait une éducation efficace aux apprenants.
Eu égard à ce qui précède, notre
lutte, dans cette étude, est de faire en sorte que, la tendance à
homogénéiser les valeurs culturelles
« mondiales » ne puisse pas juguler ou fondre les valeurs
culturelles congolaises. En revanche, celles-ci doivent être
gardées et protégées rigoureusement. C'est ainsi que
l'apport des Congolais aurait été efficace à la
mondialisation, voulue de tous, qui est un « rendez-vous du donner et
du recevoir ».
En ce millénaire où la circulation de
l'information est instantanée, « les relations entre les
cultures occidentales et non occidentales sont profondément
remodelées. »35(*) La reconnaissance et le respect de la
diversité culturelle sont donc reconnus, par le peuple Lega, comme des
atouts indispensables pour l'enseignement.
Peu après l'indépendance de la RDC, l'on a
toujours appris aux enfants Lega que la rencontre de l'autre est source
d'enrichissement : se reconnaître et s'accepter dans nos
différences est indispensable pour mieux vivre ensemble, en
particulier dans nos sociétés de plus en plus
métissées.
Etant donné que les valeurs culturelles sont vivantes,
perpétuellement en mouvement, promouvoir la diversité culturelle
ne doit pas fermer la porte à une réflexion sur la
modernité. En revanche, la lutte que nous menons pour préserver
les valeurs culturelles traditionnelles congolaises dans le système
éducatif moderne, est fondée sur les menaces qui planent sur
lesdites valeurs. Nous reconnaissons que ce sont des valeurs
« universelles », fondatrices de la modernité, qui
garantissent les droits et la dignité de tous, au-delà des
clivages culturels.
Chapitre IIème.
PRESENTATION DES DONNEES D'ENQUETE
Ce deuxième chapitre est consacré à la
présentation détaillée des éléments
fondamentaux sur lesquels s'est construite notre étude et de la
manière dont nous avons abordé celle-ci. D'une part, ce chapitre
traite des approches méthodologiques en exposant leur application,
autrement dit, l'opérationnalisation de différentes
méthodes utilisées dans cette étude.
D'autre part, ce chapitre présente la population
d'étude, les techniques d'échantillonnage (ou choix des
informateurs), de récolte et de traitement des données.
II. 1. APPROCHE
METHODOLOGIQUE
Avant d'aborder l'approche méthodologique proprement
dite, il sied de préciser que, pour sa réalisation objective,
toute recherche scientifique exige le recours à un ensemble de
procédés : c'est la (les) méthode(s). Il s'agit d'un
« ensemble d'opérations intellectuelles par lesquelles une
discipline cherche à atteindre les vérités qu'elle
poursuit, les démontre et les vérifie »36(*).
Aux méthodes de recherche, s'associent des techniques.
Celles-ci sont des manières de procéder dans la pratique
d'échantillonnage, de récolte et de traitement des
données.
Comme nous l'avons dit à l'introduction, ce travail
est le fruit de la combinaison des trois méthodes, à savoir, la
méthode: historique, systémique et dialectique
II. 1.1. La méthode
historique:
La méthode historique est tout d'abord une
enquête car, il ne suffit pas de lire les écrits laissés
par les anciens pour savoir ce qui s'est passé. D'une part, parce que
ces récits ne témoignent pas de toute la
réalité ; d'autre part, parce qu'ils peuvent être
constitués partiellement ou entièrement d'informations fausses ou
déformées37(*). Cette méthode ne se
limite pas non plus aux seuls
documents écrits
(car il existe aussi des sources muettes telles que les statues, des
récits...). Elle procède par la recherche de différentes
sources d'information. Celles-ci ne se limitent pas aux sources narratives
c'est-à-dire à celles qui rendent compte directement de ce qui
s'est passé (un article de journal par exemple). Le chercheur recourant
à cette méthode, doit avoir un réservoir plus
important d'informations telles que les sources documentaires. Celles-ci,
quant à elles, regroupent l'ensemble des documents dont le but premier
n'était pas de renseigner sur l'histoire.
La méthode historique est donc un procédé
indispensable à l'analyse et à la compréhension d'une
information, en l'occurrence, un document. Pour y parvenir, elle met en oeuvre
l'observation ; la critique externe ; la critique interne, la
critique de provenance, la critique de portée et
l'interprétation.
Ainsi par l'observation, le chercheur
découvre le texte relatif à son étude, le relit
attentivement et note systématiquement tout ce qu'il se pose comme
problème ou ce qui attire son attention pendant la lecture.
Par la critique externe, le chercheur établit
l'authenticité des documents lus en se posant les questions telles
que : Qui l'a écrit ? Quand ? Pourquoi ? S'agit-il d'un
témoin direct ou indirect ? Cette critique porte donc sur les
caractères matériels du document tels que son papier, son encre,
son écriture, les
sceaux qui l'accompagnent,
etc.
Quant à la critique interne, elle consiste en
un examen minutieux du contenu des documents lus. A cette étape, le
chercheur se pose des questions suivantes : Quelle est la structure du
texte ? Quels sont les buts poursuivis par l'auteur ? Quel est son
argumentation ? Travaille-t-il sur un texte original ou une copie ? Manuscrit
ou imprimé ? Quel est le support matériel ? Est-ce une traduction
? Etudie-t-il un extrait ou le texte entier ? Cette critique repose donc sur
la cohérence du texte.
A côté de la critique externe, l'utilisateur de
la méthode historique doit s'intéresser aux destinataires du
texte sous examen. Il cherchera à savoir si le destinataire n'a pas
d'influence sur la véracité ou la fausseté du texte. Il
s'agit donc de la critique de portée.
Concernant les informations recueillies par des
témoignages, le chercheur procède par la critique de
provenance. Cette critique touche l'origine de la source en tirant des
conclusions sur la sincérité et l'exactitude du
témoignage.
Il sied de faire remarquer que, la critique que la
méthode historique met en oeuvre pour étudier le passé, se
fonde également sur la comparaison des témoignages. Quand ceux-ci
concordent, c'est signe de la véracité des faits. Par contre,
quand un témoin est contredit par plusieurs autres, cela ne signifie pas
automatiquement qu'il ment. Ces autres témoins s'appuient
peut-être sur la même source erronée.
Pour clore, la méthode historique s'achève
par l'interprétation des informations obtenues de
différentes sources :
documents écrits,
récits, témoignages, etc. A cette étape,
le chercheur trouve le sens du document, situe les informations
de différentes sources dans leur contexte historique et tire ses
conclusions.
Pour Antoine PROST, la méthode historique
procède de la manière suivante38(*) :
Détermination des sources qui répondent à
la question historique en étude.
Avant de se lancer dans la lecture des sources, le chercheur
réfléchit sur les documents qui pourraient répondre
à la question historique qu'il se pose.
La question déterminera les sources.
Exploitation des sources recueillies.
Il s'agit de l'observation c'est-à-dire, le chercheur
découvre les sources tant écrites que non écrites sur le
fait historique sous examen. Ainsi, il exploite différents textes
(lorsqu'il s'agit des documents écrits), les relit attentivement et note
tout ce qui lui pose problème ou ce qui le frappe. Il s'entretien avec
des témoins « privilégiés ».
Critique des sources recueillies.
Le chercheur conserve une attitude critique à
l'égard des sources qu'il a sous les yeux en parcourant
différentes étapes de la critique : Critique
externe ; Critique interne, critique de provenance, critique de
portée et d'interprétation. Il compare également
différents témoignages recueillis.
Interprétation.
Par son jugement, son imagination ou son expérience, le
chercheur tire les conclusions à partir de
l'interprétation des différentes sources.
Au regard de ce qui précède, l'application de
cette méthode s'explique par le fait que, l'étude que nous menons
parcourt d'une part, l'histoire et le mode de vie du peuple Lega et d'autre
part, elle examine les différentes réformes du système
éducatif congolais depuis l'époque coloniale jusqu'en 2008. Pour
y parvenir, en premier lieu, nous avons déterminé
différentes sources pouvant offrir des informations fiables sur le sujet
examiné, il s'agit notamment des récits, livres, rapports,
témoignages, articles scientifiques, sites Internet, corde de la sagesse
Lega (Mutanga), etc.
En deuxième lieu, nous avons procédé
à l'exploitation desdites sources. Ici, nous avons d'abord lu plusieurs
documents écrits en nous concentrant sur la particularité des
valeurs traditionnelles Lega pouvant, à titre illustratif, être
intégrées dans le système éducatif moderne.
Ensuite, nous avons organisé des entretiens avec des chefs coutumiers,
des hommes et femmes faisant partie de la notabilité Lega que nous avons
considéré, d'avance, comme des personnes qui possèdent des
connaissances suffisantes sur le peuple Lega.
Concernant l'évolution du système
éducatif en RDC, outre différents documents lus avec une
attention et soin portés aux moindres détails, nos entretiens et
questionnaires, adressés à certains Enseignants, Préfets
d'instituts, Directeurs d'écoles et personnel des ministères
ayant en charge l'éducation, ont été fructueux car nous
les avons considérés comme des témoins
privilégiés.
En troisième lieu, nous avons procédé
à une analyse critique de différentes informations recueillies.
Pour les documents écrits concernant le peuple Lega, nous nous sommes
aperçu que, généralement, leurs auteurs étaient des
chercheurs étrangers, des missionnaires et colons blancs.
Conséquemment, leurs écrits revêtaient, parfois, des
erreurs de traduction ou de fond. En voici une illustration : dans son
livre, la Corde de la sagesse Lega, Georges DEFOUR affirme ceci :
« (...) la description que j'en ai tenté, a été
soumise à des multiples vérifications mais il y reste
certainement pas mal d'erreurs de traduction ou
d'interprétation... »39(*)
Pour Daniel BIEBUYCK, Lega n'avait qu'un enfant qui
s'appelait Kendakenda40(*). Et pourtant, nous avons démontré dans
l'arbre de la généalogie du peuple Lega que Lega avait
plutôt quatre enfants : Kyendangendo ou Busi qui signifie voyageur
infatigable, et non Kendakenda comme le dénomme BIEBUYCK, Kano, Lulimba
et Kisigasiga.
Quant aux documents relatifs au système éducatif
congolais, plusieurs constats ont été faits. Notons par exemple,
le fait que certaines « réformes » n'avaient pas grand
apport pédagogique sur le changement apporté au système
éducatif. Avant l'indépendance, ces réformes ne tenaient
pas souvent compte des aspirations et revendications du peuple concerné.
Aucun programme élaboré ne prévoyait l'étude et la
promotion des moeurs, coutumes ou cultures indigènes. Le colonisateur
réduisait la culture congolaise au fétichisme, au cannibalisme,
à la barbarie... Le but de plusieurs réformes pédagogiques
était la mise sur pied d'un enseignement à caractère
utilitaire pour l'exploitation judicieuse de la colonie.
La réforme de 1948 initiée par le Ministre des
colonies, BUISSERET ayant eu pour but la généralisation de
l'enseignement métropolitain, est une illustration éloquente,
bien qu'elle ait été « inscrite sous le mot d'ordre de
la formation d'une élite. » 41(*)
Nous avons noté également qu'après
l'indépendance, les réformes initiées sous le règne
de MOBUTU avaient, au fond, des fins politiques que pédagogiques.
La réforme de 1971 avait le but d'unifier
l'enseignement supérieur dans une seule université
(Université Nationale du Zaïre) supervisée par un seul
Recteur. Il s'était accompagné de la forte politisation du
secteur éducatif qui, à l'instar des autres secteurs de la vie
nationale, devrait être un instrument de consolidation de
l'idéologie mobutiste. Cette politique a le mérite d'avoir
favorisé l'augmentation sensible des effectifs des élèves
et étudiants. Cependant, elle n'a pas permis de former des agents de
développement épris d'un sens aiguisé de nationalisme, de
conscience professionnelle, de respect des biens communs... dont le pays avait
besoin.
Malgré les tentatives d'autres réformes qui ont
suivi en 1981 et les États Généraux de l'Éducation
en 1996, nous avons curieusement constaté que les programmes
d'études arrêtés par le pouvoir, ne s'étaient pas
appuyés sur les domaines dans lesquels la formation des cadres
était la plus urgente. En outre, les États
Généraux de l'Éducation ont-ils opté pour un
système de gestion participatif au sein du système
éducatif national. Cependant, ce projet est resté lettre morte
à cause des soubresauts politiques qui ont plongé la RDC dans le
chaos de 1997 à l'an 2002.
A ce qui précède, il sied d'ajouter que la
réforme de 2003 était motivée par les revendications
exprimées par les acteurs principaux de l'éducation, à
savoir, les enseignants, les apprenants et les administratifs. Ainsi, nous
disons avec KAMBA que « pour les enseignants, les avancées
dans le domaine des sciences et technologie ouvraient de nouveaux champs et
offraient de nouveaux moyens technologiques pour la formation et la recherche.
Cela appelait donc une réforme de l'université dont les
programmes étaient devenus désuets et les structures
asphyxiantes.
Quant aux administratifs, la restructuration de la gigantesque
machine administrative s'imposait pour qu'une gestion autonome s'instaure pour
le bien des bénéficiaires des services de l'université.
Enfin, les étudiants ont, depuis fort longtemps, fustigé le
cloisonnement de chaque spécialiste dans son propre domaine, l'absence
de composantes telles que l'informatique, l'anglais dans leur formation,
l'absence du caractère utilitaire de certaines disciplines de formation,
le caractère désuet des programmes de formation42(*) ».
En effet, à côté des mérites de cette
réforme, nous regrettons le fait qu'elle n'ait pas été
précédée par des enquêtes pour cerner les attentes
de la société, qu'elle n'ait pas cherché à obtenir
une forte implication des formateurs et qu'elle ait été la propre
affaire du Ministère de l'enseignement supérieur et universitaire
sans tenir compte des réalités de l'enseignement primaire,
secondaire et professionnel. Toutes ces irrégularités ont
amenuisé, sans doute, les chances de réussite de ladite
réforme.
Nous rappelons que l'interprétation est la
quatrième étape de la méthode historique. Ainsi, le
quatrième point qui découle de ce que nous avons dit
précédemment, aboutit par la déduction tirée des
informations recueillies.
En effet, dans la recherche d'un lien étroit entre les
valeurs culturelles et l'éducation, nous disons que, pour sa
réussite et son utilité, toute réforme qui concerne
l'éducation doit tenir compte des besoins réels des Congolais en
s'inspirant de leurs valeurs culturelles, socle de développement.
Tout programme d'étude, si parfait soit-il, est
vaniteux si, en amont, il n'est pas conçu en collaboration avec tous les
acteurs du secteur éducatif, et en aval, il ne s'accommode pas aux
réalités de l'heure.
II.1.2. La méthode
dialectique:
Etant donné que l'éducation est un fait qui
doit être analysé dans sa totalité ; tenant compte du
fait que notre recherche revêt un caractère interdisciplinaire et
cherche activement les causes profondes qui concourent à la perte du
système éducatif traditionnel congolais, le recours à la
méthode dialectique nous a paru incontournable.
En effet, nous avons utilisé le schéma de la
dialectique matérialiste proposé par POLITZER43(*) et VERHAEGEN44(*). Ce schéma se
présente comme suit:
A. Considérer la réalité historique comme
une et totale ou privilégier l'examen de la totalité qui n'est ni
mécaniquement déterminée, ni complètement
donnée au hasard ou à la liberté.
B. Savoir que quand on est matérialiste, on met le
critère de la pratique à la base de la connaissance en
reconnaissant à tout moment que le lien entre la pratique et la
théorie est un des points essentiels de la perception
matérialiste des choses.
C. Savoir que le mouvement prend toujours deux formes :
la forme évolutive et la forme révolutionnaire. Il est
évolutif quand les éléments progressistes poursuivent
spontanément leur travail quotidien et apportent dans le vieil ordre des
choses, de menus changements quantitatifs. Il est révolutionnaire, quand
ces mêmes éléments s'unissent, se pénètrent
d'une idée commune, s'élancent contre le champ ennemi pour
anéantir jusqu'à la racine, le vieil ordre des choses, apporter
dans la vie des changements qualitatifs, instituer un nouvel ordre des
choses.
D. Manipuler les lois ci-après de la dialectique
matérialiste:
1. La loi du changement dialectique : « rien ne
reste là où il est, rien ne demeure ce qu'il est ».
2. La loi de l'action réciproque :
« tout influe sur tout ». Cette loi pose que tout se
tient, rien n'existe seul, que chaque parcelle de matière agit sur les
autres, qui à leur tour sur elle ; tout dans le monde agit sur
tout.
3. La loi de la contradiction ou loi de la lutte de contraire
(l'unité de contraire) : « partout, les choses se
transforment en leur contraire ». Ici, l'on pose que rien, jamais ne
recommence exactement que toute chose (quel qu'il soit) enferme toujours des
éléments contradictoires entre eux. Ces éléments
contradictoires inséparables l'un de l'autre, sont en lutte
perpétuelle et c'est une lutte précisément qui fait
progresser le processus ; c'est une lutte qui donne le mouvement.
4. La loi de la transformation de la quantité en
qualité ou loi du progrès par bonds :
« l'évolution des choses ne peut être
indéfiniment quantitative ; les choses se transformant subissent,
à la fin, un changement qualitatif. La quantité se transforme en
qualité. »
Cette loi stipule que, quand la chose ne change pas de nature,
nous avons un changement quantitatif ; quand elle change de nature, quand
la chose devient autre chose, le changement est qualitatif. Ainsi se
vérifie l'exactitude de la loi selon laquelle à certains
degrés de changement quantitatif se produit soudainement une conversion
qualitative.
Cette loi nous apporte la solution du problème :
réforme ou révolution.
E. Considérer que le matérialisme
dialectique est une méthode pour chaque objet de la connaissance, pour
chaque discipline, pour chaque problème ou cas. Il y a une psychologie
matérialiste dialectique, une histoire, une économie, une
philosophie, une pédagogie, une anthropologie, une sociologie...c'est
une méthode transdisciplinaire qui rend au monde, aux objets de la
connaissance, leur unité et leur totalité. Il n'y a pas moyen ni
d'isoler les aspects d'un objet, ni les objets les uns des autres, ni les
disciplines.
F. Raisonner dialectiquement c'est tenir compte que les choses
changent et sont en relations dans l'espace et dans le temps. Cela s'oppose au
raisonnement métaphysique qui suppose que les choses ne changent pas.
G. Savoir qu'on ne peut expliquer la nature que par la nature
telle qu'elle se présente, sans adjonctions étrangères
H. Savoir que l'histoire est le produit de l'activité
pratique des hommes et que la vie sociale n'est qu'essentiellement pratique
I. Savoir que la production des idées des
représentations et de la conscience est d'abord directement liée
à l'activité matérielle et au commerce matériel des
hommes et que ce sont donc les hommes qui sont les producteurs des
représentations de leurs idées ... mais les hommes réels,
agissent tels qu'ils sont conditionnés par un développement
déterminé de leur forces productives et des relations qui y
correspondent.
J. Savoir en fin que la dialectique matérialiste est
une méthode critique concrète, parce qu'elle permet de
démystifier chaque domaine de connaissance. Et aussi chaque enseignement
démystifié signifie, découvrir l'idéologie de la
connaissance, les intérêts et les forces en jeu et les
manipulations intellectuelles pour dissimuler les rapports réels, pour
justifier les systèmes d'exploitation etc.
L'opérationnalisation de cette méthode pendant
notre recherche s'est matérialisée en considérant, d'une
part, dans leur ensemble complet, quelques valeurs traditionnelles Lega
susceptibles de constituer des références pour l'éducation
moderne. A cet effet, nous avons pris en compte lesdites valeurs dans un
contexte multidimensionnel, à savoir : dans le contexte social (la
solidarité), juridique (la justice), politique (la démocratie),
scientifiques (l'innovation), philosophique (le stoïcisme), etc.
D'autre part, l'analyse de l'histoire qui retrace les
différentes réformes de l'éducation en République
Démocratique du Congo depuis l'époque coloniale, nous a
révélé les qualités et faiblesses du système
éducatif moderne. Ainsi, sans exclure aucun acteur de l'éducation
(apprenants, enseignants, pouvoir public...), nous avons focalisé notre
regard sur l'examen de différents facteurs : politiques,
économiques, sociaux, spirituels, géographiques ou
environnementaux... qui ont concouru à l'état actuel du
système éducatif décrié par plusieurs personnes.
Par notre perception matérialiste de l'enseignement,
nous avons recherché à établir un lien étroit entre
la finalité de l'éducation et le caractère utilitaire de
celle-ci. Raison pour laquelle, nous estimons que, la mise en pratique des
valeurs culturelles traditionnelles dans l'enseignement moderne, dote les
apprenants d'un sens des réalités de leurs problèmes
vitaux et les rend, conséquemment, habiles à s'adapter aux
différentes situations de leur vie.
En examinant les valeurs traditionnelles Lega, nous avons
considéré qu'elles ont connu d'énormes évolutions
au fils du temps. Le brassage culturel y a apporté de menues
modifications. Cependant, la colonisation a apporté de sérieux
changements, jusqu'à imposer un nouvel ordre des choses dans l'espace
Lega. Le cas de la suppression de l'institution de Bwami en 1948 et de
l'interdiction formelle de l'initiation des jeunes en 1956 par
l'autorité coloniale est une illustration. A propos, note Abbé
BILEMBO, « les Bami, voyant leur pouvoir réduit de jour en
jour jusqu'à être supprimé en 1948, comprirent qu'il
était désormais inutile d'opposer une résistance à
un pouvoir aussi fort que celui de l'Eglise soutenue par la puissance
coloniale45(*) ».
Le vent de la mondialisation, quant à lui, suscite
encore la recrudescence de l'impérialisme occidental sur
l'éducation des Congolais. Depuis le concordat de 1906 entre le
Saint-Siège et l'Etat Indépendant du Congo jusqu'à la
réforme de l'éducation de 2003 en passant par les états
généraux de l'éducation faits en 1996, le
français demeure la langue de l'enseignement au mépris des
langues nationales ; la plupart des programmes élaborés ne
visent pas l'étude des moeurs ou cultures congolaises ; l'on ne
développe pas une bonne politique pouvant encourager la formation,
surtout des jeunes, dans les domaines dont les besoins du pays se font sentir
avec acuité.
Nous avons également considéré que
l'école, en tant qu'une innovation occidentale, a suscité une
révolution dans la mentalité du colonisé. Celui-ci a
toujours exprimé le besoin de s'épanouir, de s'accommoder
à l'évolution de l'heure mais en gardant son identité.
C'est pourquoi, pour stigmatiser et porter des corrections à certains
programmes de formation imposés par le colonisateur, les
réformes de l'éducation conçues après la
colonisation, nourrissaient les voeux de faire rentrer le Congolais dans ses
origines. L'élite congolaise cherchait donc à adapter
l'éducation au désir réel du peuple.
Le fameux « recours à
l'authenticité » prôné pendant longtemps par
MOBUTU, nous en dit plus. « L'éducation est un investissement
économique rentable. Mais l'éducation ne suffisant pas, une
adaptation de l'enseignement aux besoins et aux aspirations de la
société s'impose dans le cadre d'une nécessaire
planification. »46(*)
Nous avouons que cette prise de conscience apporterait un
changement qualitatif considérable dans l'éducation, si toutes
les mesures prises étaient mises en pratique.
En nous référant à la première
loi ci-haut énoncée de la dialectique matérialiste, nous
avons de temps en temps considéré que les valeurs culturelles
traditionnelles ont une capacité suffisante à engendrer des
effets tant positifs que négatifs sur l'éducation des enfants
comme celle des adultes (apprenants). Inversement, par leurs actions, les
apprenants et les enseignants ont aussi une certaine influence sur la
conservation ou l'amenuisement desdites valeurs.
Dans le même ordre d'idées, nous ne pouvons pas
considérer le système éducatif de manière
isolée, car il existe un rapport à double sens entre
l'éducation et l'environnement, celui-ci et la culture, cette
dernière et l'éducation. Cette réciprocité de
l'action d'un facteur sur l'autre, procure une liaison permettant de
réaliser efficacement l'action éducative.
Pendant nos investigations, nous avons considéré
que les différents programmes d'enseignement ont connu, dans la
théorie, plusieurs modifications, si bonnes ou mauvaises soient-elles.
Ce changement récurrent, global, et parfois radical du système
éducatif est motivé par le caractère dépassé
de certains programmes ainsi que la volonté d'évoluer vers un
stade plus avancé conforme aux réalités planétaires
de l'heure.
Pour cette raison, dans les pages suivantes, nous faisons une
analyse approfondie de différentes réformes de l'enseignement en
RDC.
En rapport avec la loi du changement qualitatif, nous avons
posé que d'une part, les valeurs traditionnelles et d'autre part,
l'enseignement en RDC, ont connu certaines avancées brusques. C'est le
cas de changement des statuts de certains instituts supérieurs devenus
universités47(*) ; l'introduction, dans toutes les
facultés de l'enseignement supérieur et universitaire, des cours
de l'informatique et de l'éducation à la
citoyenneté ; l'intérêt soutenu à
l'apprentissage de la langue anglaise, etc.
Observant la quatrième loi du matérialisme
dialectique qui n'est autre que la loi de la contradiction ou loi de la lutte
des contraires, nous avons posé que les valeurs culturelles
traditionnelles congolaises ont tendance à être opposées
à la culture occidentale. Ainsi, il apparaît une lutte
perpétuelle entre l'enseignement conçu et dispensé
généralement à l'image de l'occident et le mode de vie des
Congolais.
En titre d'exemples, nous avons appris à l'école
primaire que la famille se compose du Père, de la Mère et des
Enfants. Ce qui traduit un mode de vie purement occidental. Curieusement, cette
réalité s'oppose aux familles congolaises dans lesquelles on
trouve le père, la mère, les enfants, les oncles et tantes, les
cousines et cousins, voire les amis des enfants qui habitent ensemble et
constituent aussi une famille. Voilà une impasse très grave.
Au moment où le pays a besoin d'ingénieurs pour
construire des routes, des agronomes pour produire beaucoup de denrées
alimentaires, de médecins pour soigner les malades...les
universités en produisent en quantité et qualité
inférieures aux besoins exprimés.
En effet, cette contradiction permanente entre la politique
éducative en action et le désir de satisfaire les besoins
réels des Congolais, impose de nouvelles solutions. Celles-ci concourent
au changement qui débouche au développement.
Considérant que le matérialisme dialectique est
une méthode pour chaque objet de la recherche, nous y avons recouru
à cause aussi du caractère transdisciplinaire de cette
étude. Nous l'avons déjà montré.
Nous avons également considéré que le
parcours de l'enseignement au Congo pendant la période sous examen, est
d'une part, le produit des Belges. Cependant, d'autre part, il est la
résultante des efforts fournis par les Congolais en vue de faire de
l'enseignement un instrument qui s'applique aux faits sociaux concrets de la
vie. Autrement dit, l'éducation doit présenter un
caractère utilitaire.
En rendant opérationnelle cette méthode de
recherche, nous avons considéré qu'en s'inspirant de notre
culture qui est production de nos idées, les programmes de formation
constitueront d'énormes forces capables de produire des biens
matériels utiles à la communauté.
Tout compte fait, par cette méthode, nous
élucidons d'abord l'importance du recours à nos valeurs
culturelles longtemps mystifiées et
« satanisées » par les colonisateurs, voire certains
Congolais peu ou mal informés. Ensuite, nous critiquons
sévèrement toutes nos sources d'informations en dévoilant
l'idéologie qu'elles revêtent.
II.1.3. La méthode
systémique:
En vue de redynamiser le système éducatif
moderne, nous voulons promouvoir la conception d'un projet des programmes
d'enseignement qui permet la résolution des problèmes
réels du Congolais. Ce projet doit donc respecter la culture et les
valeurs de la société congolaise ainsi que celles de la
société globale, car il baigne dans un environnement
interne et externe de celles-ci. Il en découle donc que tout projet peut
être analysé comme un système.
En outre, l'analyse systémique se développe
davantage parce qu'il existe un hiatus croissant entre les problèmes
réels à traiter et l'ensemble des matières
enseignés. Ces problèmes sont de plus en plus complexes
(économiques, sociaux, environnementaux...) nécessitant une
interdisciplinarité favorisée par un croisement de disciplines
convergentes (théories de l'information, théorie de
l'organisation, analyse de système...)48(*).
L'approche systémique nous permet, au travers des
interactions, liens et complexités qu'elle repère, d'apprendre
à articuler les points de vue disjoints du savoir en cycle actif. Elle
assemble, articule et produit une pensée qui donne à comprendre
le fond des choses dans ses largesses et usages. Cette méthode ne
renonce pas, ne découpe pas, ne trie pas pour représenter. Elle
autorise au contraire à entrer dans la globalité pour la voir et
la décoder dans toute l'ampleur qu'elle offre49(*).
Étudié dans son contexte actuel, le
problème de la culture et de l'éducation que nous analysons dans
cette recherche, est abordé dans sa globalité et ses liens au
sein d'une relation circulaire. « L'horizon ultime est alors de
comprendre la culture comme un système de valeurs dans lequel
l'évolution humaine est enchâssée »50(*).
Au regard de toutes ces motivations, le recours à la
méthode systémique nous a été indispensable.
Sans entrer dans les détails, nous disons
brièvement que la systémique est un concept
dérivé du mot grec
« systema » signifiant un « ensemble
organisé ». Elle est une
méthode
scientifique qui applique la
théorie
systémique comme moyen de comprendre un
système51(*). Nous retenons la
définition proposée par l'école de Palo Alto selon
laquelle « un système est un ensemble d'éléments
en interaction tels qu'une modification quelconque de l'un d'eux entraîne
une modification de tous les autres »52(*)
En utilisant une approche toujours globale, grâce
à une vision
holistique, la
méthode systémique permet d'aborder des sujets complexes à
l'instar de celui que nous examinons.
En effet, pendant notre recherche, nous nous sommes servi du
schéma ci-dessous de David EASTON53(*) de l'analyse systémique.
Considérer le système comme un ensemble
d'éléments interdépendants, c'est-à-dire
liés entre eux par des relations telles que, si l'une est
modifiée, les autres le sont aussi et que, par conséquent, tout
l'ensemble est transformé.
Considérer le système politique comme un
ensemble ouvert c'est-à-dire un système existant dans un
environnement qui influe à son tour sur son fonctionnement, sinon il est
clos. Les échanges avec l'environnement peuvent fonctionner de telle
manière que le système conserve son équilibre interne ou
le rétablisse automatiquement en cas de perturbation (système
cybernétique ou autorégulé).
Ignorer délibérément le système
politique en considérant comme une boite noire avant de le
découvrir. L'analyse systématique de cette boite noire
liée à son environnement par des systèmes
d'échanges impose le schéma ci-après :
Loi des inputs: Ce sont les entrées qui se
réalisent quand la boite noire reçoit des impulsions de
l'environnement.
Loi des Outputs: Ce sont des sorties qui s'opèrent
quand la boite noire restitue des réponses aux impulsions de
l'environnement.
Les entrées se distinguent en deux catégories:
certaines sont des exigences (demandes) adressées au système, de
ce fait elles contribuent à déséquilibrer le
système; d'autres constituent au contraire des souliers (supports)
apportés à celui-ci. De ce fait, elles renforcent le
système.
Les sorties sont des décisions prises par le
système en fonction des revendications et des soutiens qu'il
reçoit. Ces sorties vont à leur tour produire de nouvelles
entrées, par un mécanisme de rétroaction (feed back)
Considérer que l'environnement se distingue en deux
aspects : l'environnement Intra-sociétal est
constitué par l'ensemble des autres systèmes qui composent la
société globale à l'échelle nationale.
(système économique, démographique, psychologique, etc.)
et l'environnement extra-sociétal au contraire regroupe les
divers systèmes internationaux, politique, économique etc.
Equilibre, Stabilité, régulation et adaptation
sont les éléments caractérisant les relations entre le
système et l'environnement dans lequel il évolue.
L'environnement est un circuit clos, constamment en mouvement
et autorégulé (cybernétique)
La mise en oeuvre de ce schéma a été
matérialisée en considérant d'abord le système
éducatif moderne comme une unité qui regorge en son sein un bon
nombre de valeurs acceptées et partagées par la
société universelle. Ces valeurs sont entre autres : le
patriotisme, le respect des biens publics, le sens de l'innovation, le
caractère utilitaire de l'enseignement, etc.
Généralement, ces valeurs dépendent,
à leur tour, de la culture et du besoin de chaque communauté. Il
est donc évident qu'une relation de réciprocité existe
entre les valeurs culturelles et le système éducatif de sorte que
tout changement qui affecte la culture d'une communauté engendre la
modification du système éducatif. Conséquemment, toute la
communauté universelle est vouée à une transformation y
afférente.
Ensuite, nous avons considéré qu'en RDC, le mode
de gestion de l'enseignement par le pouvoir public s'ouvre aux acteurs
principaux de l'éducation (apprenants, enseignants et administratifs).
Ceux-ci ont une influence prépondérante sur le fonctionnement de
l'enseignement.
Etant donné que la fonction première d'un
système est sa propre conservation, les acteurs de l'éducation
font un effort pour garder le système éducatif dans un
état constant c'est-à-dire d'équilibre, en dépit
des perturbations externes dues aux différentes réformes et mode
de gestion orientés vers un optimum c'est-à-dire un état
meilleur possible.
Nous avons aussi considéré le pouvoir public
chargé de l'éducation (Ministère de l'éducation)
comme une boîte noire. Celle-ci reçoit les demandes de
l'environnement en termes de besoins exprimés par la
société. C'est le cas aujourd'hui de la nécessité
qu'a le pays de bons enseignants, agriculteurs, éleveurs,
maintenanciers, constructeurs des routes, etc. Ces demandes constituent donc
des inputs.
Face aux besoins exprimés par la société,
l'Etat, représenté ici par le Ministère ayant en charge
l'éducation, à travers les institutions d'enseignement,
décide de former les enseignants, les ingénieurs civiles et
agronomes, des éleveurs de bétails, des informaticiens, des
philosophes, etc.
Théoriquement, toutes ces personnes formées sont
censées apporter des solutions durables et projeter de nouvelles
perspectives pour le développement du pays. En effet, les solutions
envisagées aux besoins constituent des outputs.
Ces solutions, à leur tour, produisent de nouvelles
entrées, par un mécanisme de rétroaction (feed-back).
Nous avons également pris en compte tous les
éléments ou facteurs essentiels qui entrent en jeu pour
l'efficacité de l'éducation au niveau national. Il s'agit
notamment des facteurs culturels, économiques, politiques,
psychologiques, historiques, etc.
A coté de ces facteurs nationaux, nous avons mis en
exergue l'impact de la politique coloniale, des organisations internationales
telles que l'UNICEF et l'UNESCO54(*) , des pays partenaires de la RDC sur
l'éducation. Ces institutions ont, de temps en temps, joué un
rôle important sur l'introduction des nouvelles pratiques au sein des
établissements d'enseignement. C'est ce que nous appelons avec CROS,
innovation pédagogique, définie comme « une
action qui a pour origine l'intention d'une personne à pouvoir
introduire un changement dans un système éducatif 55(*)».
Enfin, nous avons posé que, malgré
l'écart que nous décrions entre les programmes de formation et
les besoins de la population, les tenants de l'éducation en RDC
déploient des efforts pour réguler et adapter l'enseignement aux
besoins de l'environnement.
C'est pour cela que, nous avons considéré que le
système éducatif Congolais est ouvert
(ou vivant) car il est en relation permanente avec
son extérieur (son environnement). Il est affecté et
sensible tant aux évolutions internes qu'externes. Il échange
(émet, reçoit) en effet des informations, des données. Il
ne jouit donc pas d'une plus grande autonomie (auto-organisation).
N.B. En examinant les protocoles descriptifs et l'application
de ces trois méthodes de recherche ci-haut élucidées, il
peut apparaître des redites aux yeux d'un lecteur inattentif. Au
contraire, le recours à plus d'une méthode nous a assuré
de l'efficacité et de la cohérence d'un bout à l'autre de
cette étude.
Le point suivant traite de l'ensemble des personnes, par
catégorie, qui ont été concernées par cette
recherche.
II.2. TECHNIQUES
D'ECHANTILLONNAGE
Trois notions fondamentales sont exploitées pour la
meilleure compréhension de l'échantillonnage, il s'agit de :
la population, l'unité d'analyse et l'échantillon.
II.2.1. La population
Pour mener cette recherche, nous sommes parti d'une
préoccupation suscitée par un état des choses
préoccupant ou non satisfaisant. Cette insatisfaction affecte un
certain nombre de personnes qui attendent une éventuelle solution. En
effet, l'ensemble de toutes ces personnes concernées par un
problème déterminé faisant l'objet d'une étude,
constitue la population d'étude.
Pour ESSISO, le terme population ou
« population-parent » indique « l'ensemble
d'unités qu'on espère décrire par la
généralisation ou l'extrapolation des caractéristiques
constatés sur l'échantillon »56(*).
Ainsi, notre travail sur l'intégration des valeurs
culturelles traditionnelles dans le système éducatif moderne
concerne, de manière générale, tous les Congolais et plus
particulièrement les acteurs principaux de l'éducation qui sont
entre autre les apprenants (élèves et étudiants), les
institutions d'enseignement (enseignants et administratifs), les parents et
l'Etat (les autorités politico-administratives ayant en charge
l'éducation nationale).
En rapport avec les valeurs culturelles traditionnelles, cette
analyse a un rapport étroit avec tout le peuple Lega en
général et les chefs coutumiers (Bami), les initiés, les
non initiés et les femmes en particulier.
II.2.2. L'unité d'analyse
L'unité d'analyse signifie, le type
d'entité sur laquelle on désire mener une recherche suivie et
approfondie d'informations ou d'objet de connaissance, parfois difficile
à obtenir. Pour ce qui nous concerne, il s'agit d'une part, des
conservateurs de la culture Lega et d'autre part, des acteurs de
l'éducation.
II.2.3. L'échantillonnage
Au regard du nombre élevé de la population
d'enquête et de l'impossibilité d'interroger chacun de ces
acteurs, le chercheur se pose une question, celle de savoir qui interroger
exactement pour recevoir les informations fiables. Il lui importe de
prélever de cette population, un nombre réduit d'unités
ayant les mêmes caractéristiques que ladite population
(c'est-à-dire représentatif). Cette opération s'appelle
donc échantillonnage.
Le nombre réduit prélevé constitue
l'échantillon.
Autrement dit, On appelle « échantillonnage,
le prélèvement d'échantillons. Un échantillon de
taille n est une liste de n
individus (X1,..., Xn) extraits de la
population-mère57(*) ».
t = n/N
Ajoutons à ce qui précède que, le rapport
t de l'effectif n de
l'échantillon à l'effectif N de la
population, dans laquelle il a été prélevé, est
appelé taux d'échantillonnage ou fraction de sondage. Il en
découle, en effet, la formule suivante :
Selon DE LANDSHEERE échantillonner c'est
« choisir un nombre limité d'individus, d'objets ou
d'événements dont l'observation permet de tirer des conclusions
applicables à la population entière à l'intérieur
de laquelle le choix a été fait». En d'autres termes,
ajoutent L. FESTINGER et D. KATZ «le choix nous permet de tirer des
conclusions qui semblent valables pour l'ensemble d'une population
d'après les informations recueillies sur un seul échantillon de
cette population58(*) ».
L'échantillonnage est une technique
d'amélioration de la qualité d'une recherche au même titre
que les outils de la qualité (tels que le diagramme causes-effets, les
graphiques, les histogrammes, les feuilles de relevées de
données....), les méthodes statistiques (tels que essais et
estimation, analyse de la corrélation...) et bien d'autres.
Tenant compte du paradigme humaniste et de l'approche
holistique (ou transdisciplinaire) qui orientent notre recherche, nous avons
choisi expressément, en nous remettant à notre propre jugement,
les individus qui ont constitué notre échantillon. Il s'agit
d'un échantillon non aléatoire qui est utilisé pour
étudier comment les principaux acteurs sont touchés par une
intervention et comment nous souhaitons mettre en oeuvre une perspective
particulière sur les programmes de formation.
Précisons que pour la commodité de la
récolte des données, nous avons utilisé deux principales
techniques d'échantillonnage non aléatoires, il s'agit d'abord de
l'échantillonnage raisonné. C'est un échantillon
choisi à dessein, par commodité, ou de manière
discrétionnaire. La représentativité de
l'échantillon est assurée par une démarche
raisonnée. Par échantillonnage raisonné, on entend le
choix d'un échantillon sur la base d'une ou de plusieurs
caractéristiques fixées à l'avance. L'objet en est de
recueillir des renseignements sur les membres de la population ayant ces
caractéristiques. Cette technique est plus utile pour décrire un
phénomène.
Ensuite, l'échantillonnage selon la méthode des
quotas. C'est un pourcentage respectif de différentes
catégories démographiques ou socioprofessionnelles qui
constituent une population totale, qui permet d'établir un
échantillon représentatif dans une enquête59(*).
Au sens habituel, un quota est une quote-part, une fraction
d'un ensemble (population).
L'avantage de cette méthode de quota est qu'elle
consiste précisément à choisir un échantillon qui
soit la plus fidèle représentation possible de la population
compte tenu du fait que, la répartition de la population selon telle ou
telle caractéristique est déterminée d'avance de
manière suffisamment précise.
A la lumière de l'explication précédente,
un échantillon a été tiré parmi les acteurs
supposés d'avance, détenir des informations suffisantes et
fiables sur les valeurs culturelles Lega. A cet effet, à Kinshasa, nous
avons consulté d'abord les chefs coutumiers Lega (Bami) en leur
qualité d'organisateurs de la tribu et de défenseurs
acharnés des valeurs culturelles. Ensuite, nous avons consulté
les membres du comité du Centre Culturel Lega (C.C.L.) dans la mesure
où, ce centre avait été créé dans le but de
restaurer et de valoriser la culture Lega, surtout dans les milieux urbains.
Enfin, nous sommes entré en contact avec les notabilités de
quatre territoires Lega (rappelons-les : Pangi, Mwenga, Shabunda et
Walikale) parce que leur position sociale a de l'influence dans les affaires de
la communauté.
Ajoutons également que nous avons consulté des
chercheurs (historiens, sociologues, philosophes...) ayant mené des
recherches poussées sur le peuple Lega.
Pour maximiser les informations recherchées sur la
culture Lega, nous sommes descendu également sur terrain à Pangi
et à Shabunda où nous avons contacté, en
général, des Bami et particulièrement les Bami wa
Yananio et wa Kindi60(*) ainsi que leurs épouses
(respectivement appelées Kalonda et Kanyamwa), que nous n'avons
pas rencontré à Kinshasa, car ils n'y habitent pas à
cause des restrictions coutumières. Leurs rôles est vital à
l'existence de la communauté Lega.
Nous avons contacté aussi, à cette occasion,
certains anciens fonctionnaires et missionnaires ayant travaillé dans
l'Urega depuis l'époque coloniale, pour nous rendre compte de
l'incidence de la colonisation sur le peuple Lega.
La consultation des jeunes (filles et garçons) non
initiés a été indispensable afin de comparer leur mode de
vie à celui des jeunes déjà initiés.
Pour recueillir les données relatives au système
éducatif moderne, nous avons tiré notre échantillon
d'abord sur les apprenants (élèves et étudiants) en leur
qualité des premiers bénéficiaires de l'enseignement. Ils
ont été retenus en vue de nous informer sur leur
appréciation du système éducatif moderne comparativement
à l'initiation traditionnelle, leur part dans la prise des
décisions les concernant et leur éventuelle perspective de
l'enseignement. Dans chaque établissement primaire, secondaire,
supérieur ou universitaire ciblé par cette étude, nous
avons opté, pour les représentants des élèves ou
des étudiants, selon le cas, ainsi que leurs doyens d'âge.
Nous avons, ensuite, retenu un nombre d'enseignants, dans les
établissements ciblés, au regard de leur statut
d'éducateurs. En plus de leur fonction d'enseignant, les
représentants des enseignants assurent la liaison entre la direction de
l'établissement et le corps enseignant.
Dans la même perspective, nous avons visé
certains administratifs des institutions d'enseignement (Directeurs
d'école primaire, Préfets d'écoles secondaires, Directeurs
généraux d'instituts supérieurs, Recteur
d'université) étant donné qu'ils coordonnent toutes les
activités éducatives se déroulant au sein de leurs
établissements respectifs. En outre, ils sont directement
concernés par la mise en oeuvre des programmes de formation.
Aux Ministères ayant en charge l'éducation
(Ministère de l'enseignement supérieur et universitaire et
Ministère de l'enseignement primaire secondaire et professionnel), nous
nous sommes appesanti sur des sujets les plus censés disposer des
informations en rapport avec les différentes réformes de
l'enseignement. Il s'agit notamment de chargés de projet de
réforme, des Directeurs, Chefs de division et inspecteurs de l'EPSP.
Chacun, à son niveau, a des attributions bien définies et
représente, d'une manière ou d'une autre, le service de l'Etat.
Etant donné que le fonctionnement des institutions
d'enseignement est assuré à grande échelle par les
parents, les représentants des comités des parents ont
été ciblés en vue de recueillir des informations relatives
au degré de leur participation dans la prise de décisions.
II.3. TECHNIQUES DE RECOLTE
DES DONNEES
Etant donné que toute recherche poursuit le but de
produire de nouvelles connaissances pour l'avancée de la science, le
recueil d'éléments essentiels pour y parvenir, constitue une
étape délicate. C'est pourquoi, les stratégies que nous
avons montées, ont été conçues suivant les
objectifs que nous poursuivons.
D'après les sources principales des informations
recueillies, nous classons en deux catégories, nos recherches
menées, à savoir : l'observation directe et l'observation
indirecte.
II.3.1. L'Observation
directe:
Par l'observation directe, nous entendons l'opération
par laquelle nous avons examiné attentivement les différentes
variables retenues pour cette recherche en entrant directement
(c'est-à-dire sans intermédiaire) en contact avec les
informations.
Concrètement, nous avons utilisé l'observation
participante.
La mise en oeuvre de cette technique a été faite
d'abord en étant passé nous-même, par l'initiation Lega.
Ensuite, en étant membre fondateur du Centre Culturel Lega et
très engagé dans la lutte pour la conservation des valeurs
culturelles traditionnelles en les adaptant au temps et à l'espace.
Enfin, en notre qualité d'ancien élève,
étudiant et enseignant, nous avons été acteur du
système éducatif moderne que nous étudions et
émettons les voeux de faire subir des modifications en vue de
l'améliorer.
Il sied de faire remarquer qu'en recourant à cette
technique, nous avions pu accéder à des informations qui
seraient inaccessibles autrement. En plus, notre statut nous a permis de
récolter des données provenant de notre expérience
objective.
Cependant, pour contourner les inconvénients de cette
technique, nous nous gardions de poser des actes qui inciteraient les membres
des groupes observés à poser des comportements inhabituels.
Malgré notre statut, nous déployions d'amples efforts pour nous
distancer de nos sentiments grégaires. De temps à autre, nous
cherchions à concilier notre rôle de chercheur-observateur et
celui de participant.
II.3.2. L'Observation
indirecte:
Contrairement à l'observation directe, l'observation
indirecte est celle que nous avons réalisée par le biais, soit
d'une documentation, d'un entretien ou d'un questionnaire.
En effet, nous avons utilisé la technique
documentaire, la technique d'enquête par interview (ou entretien) et la
technique par questionnaire.
A. La technique documentaire:
Par cette technique, nous avons cherché des
informations relatives aux valeurs culturelles traditionnelles Congolaises, en
général et Lega, en particulier ainsi que des informations
liées au système éducatif moderne, en examinant
attentivement différents documents écrits. Il s'agit notamment
des ouvrages, articles scientifiques publiés tant à l'Internet
qu'aux différentes revues, récits, notes des cours et
séminaires, mémoires et monographies.
B. La technique d'interview:
Il sied de nuancer les concepts interview et
entretien bien qu'on ait l'habitude d'employer souvent l'un à
la place de l'autre.
En soi, l'entretien est une conversation entre deux ou
plusieurs personnes qui « permet de valoriser la pensée d'un
des deux interlocuteurs dont on cherche à connaître l'opinion.
L'autre interlocuteur sert de faire-valoir ; il organise et relance la
réflexion, stimulant l'improvisation et nourrissant l'analyse61(*) ». En revanche, le
concept interview est un emprunt de la langue anglaise qui signifie en
français entrevue. C'est une sorte d'entretien,
généralement à vocation journalistique, doté d'un
statut scientifique.
Le recours à l'interview pendant notre recherche s'est
fondé sur le désir de restituer le vécu, l'histoire de
l'éducation telle qu'elle a été vécue et construite
par ses acteurs, célèbres ou anonymes. Par l'interview, nous
avons cherché à découvrir des informations insolites,
atypiques ou encore tout ce qu'il y a de plus irréductible dans la
pensée et l'expression individuelles de nos enquêtés,
sachant que l'interview est un outil efficace d'expression du
témoignage.
Au regard de ce qui précède, on voit que, plus
encore que l'entretien, l'interview met en valeur la personnalité
choisie. Les dialogues et les entretiens peuvent porter sur les sujets
d'intérêt général, l'interview quant à elle
révèle la subjectivité de la personne interrogée,
son histoire, son opinion. Elle est en outre, une garantie
d'authenticité des informations recueillies ; raison pour laquelle,
elle est devenue la clé de voûte de toute recherche sociale.
Au-delà de l'analyse théorique d'un phénomène sous
examen, l'interview permet aux acteurs dudit phénomène de
s'exprimer librement.
Ainsi, à l'aide d'un canevas préétabli,
nous avons organisé des interviews, autrement dit, des entretiens
directifs, tant individuels que de groupes avec les sujets
prélevés pour notre recherche.
D'une façon générale nous avons
organisé des interviews directives et interviews non directives. Par
interviews directives, nous avons interviewé les
enquêtés à partir d'un guide d'interview précis,
contenant des questions fermées et ouvertes, sollicitant leurs opinions
et jugements sur l'objet de notre recherche que nous présentions de
façon explicite et claire. En effet, nous les laissions parler librement
en les aidant seulement à approfondir et à mieux formuler leurs
pensées.
Par interviews non directives, ou interviews
en profondeur, nous sollicitions l'imagination ou l'affect de la personne
interrogée plus que son jugement ou sa mémoire.
Il ressort clairement que, l'interview
directive donne un cadre aux réponses de la personne
interrogée. L'interview non-directive tente de laisser la plus grande
liberté d'expression à la personne interrogée.
C. La technique d'enquête par questionnaire:
Contrairement à la technique d'enquête par
interview où le guide d'interview (constitué des questions) a
été administré oralement aux sujets enquêtés,
le questionnaire, quant à lui, est une série de questions
écrites en rapport avec notre recherche. C'est un outil de communication
indispensable entre nous et les sujets enquêtés qui nous a permis
de rassembler, par écrit, divers types d'information, à
savoir : des faits se rapportant à la personne
interrogée (âge, sexe, profession, etc.), et à son univers
(habitat, relations, etc.) ; des opinions, c'est-à-dire
des jugements que portent les individus interrogés sur la culture Lega
et l'éducation en RDC.
II.4. TECHNIQUE DE
TRAITEMENT DES DONNEES
Les techniques de traitement des données sont des
outils indispensables pour examiner les informations quantitatives
c'est-à-dire chiffrées et les informations qualitatives
c'est-à-dire exprimées par des mots.
En effet, l'efficacité de l'examen des données
repose sur la combinaison de techniques de traitement de données
qualitatives et quantitatives.
II.4.1. Technique de
traitement des données qualitatives
Pour analyser les données qualitatives, nous avons
utilisé la technique de l'analyse de contenu. Pour nous, l'analyse de
contenu est une opération par laquelle, le chercheur examine de
manière minutieuse et détaillée, l'ensemble complexe des
données recueillies en cherchant la signification profonde de celles-ci.
Autrement dit, « l'analyse de contenu est une technique de recherche
pour la description objective, systématique, et quantitative du contenu
manifeste de communication ayant pour but de les interpréter62(*) ».
Le support de l'analyse de contenu est le discours produit
dans le processus de communication (entretien) entre nous chercheur et les
répondants. Ce fait indique un double objectif que nous avons poursuivi
par cette technique : d'un côté, elle tente de dégager
la signification de l'énoncé pour l'émetteur,
c'est-à-dire sa subjectivité, de l'autre
côté, elle cherche à établir la pertinence pour le
récepteur, à savoir son objectivité.
L'objectivité de l'énoncé
(réponse) est liée à sa nature sociale, car celui-ci
transporte des significations pertinentes pour un groupe donné.
Etant donné que cette technique est très
délicate, elle nous a exigé beaucoup de temps, des
qualités d'imagination et de rigueur pour découper, comptabiliser
et vérifier des unités de contenu de toutes les réponses
obtenues. Sa mise en oeuvre a été possible en recourant aux
techniques de l'analyse thématique, l'analyse de la fréquence et
l'analyse de la cooccurrence.
A. L'analyse
thématique :
L'analyse thématique, comme technique de l'analyse de
contenu, s'applique de plus en plus aux données dites qualitatives. Elle
consiste à repérer les unités sémantiques qui
constituent l'univers discursif de l'énoncé. Grâce à
cette technique, nous avons pu d'abord analyser les unités de base que
nous trouvions dans les réponses des répondants ; ensuite,
nous avons classifié ces unités en :
causes de la non prise en compte des valeurs
traditionnelles dans le système éducatif moderne ;
attitude à adopter pour l'intégration
desdites valeurs ;
perspective c'est-à-dire, la promotion de la
conception des programmes d'enseignement qui concourent à la
résolution des problèmes réels des Congolais.
B. L'analyse des
fréquences :
Nous considérons la fréquence comme la
répétition, plus ou moins régulière des
unités sémantiques. En effet, cette technique consiste à
analyser le nombre de fois que les thèmes choisis apparaissent dans les
réponses des répondants. Ainsi, les conclusions de l'analyse
sont fonction de la fréquence des éléments de
réponses émis par les répondants.
Notons que nous avons utilisé plusieurs
possibilités pour calculer la fréquence des
éléments, il s'agit de :
la fréquence des entretiens (répondants)
où l'énoncé d'une catégorie thématique a
été prononcé ;
La fréquence des énoncés de la même
catégorie thématique ;
La fréquence des mots des énoncés de la
même catégorie thématique,
La fréquence des signes que contiennent les
énoncés de la même catégorie
thématique.
Le calcul de la moyenne des fréquences chez les
répondants qui partagent le même thème (catégorie
thématique) indique son importance relative pour ces répondants.
Il faut cependant rappeler une limite importante de l'étude des
fréquences : « la valeur des fréquences est
fortement liée à la structure de l'échantillon63(*) ». Raison pour
laquelle, il a été important, pour nous, de prendre en
considération dans l'analyse, les caractéristiques de
l'échantillon que nous avons élucidées dans les
paragraphes précédents.
L'analyse des fréquences nous a montré que, les
enseignants par exemple, lorsqu'ils répondent sur les causes de la perte
des valeurs culturelles traditionnelles dans l'éducation, s'expriment le
plus souvent sur des thèmes comme : influence
étrangère, ignorance, l'inadéquation de
l'enseignement, réforme, etc.
En recherchant les valeurs de la culture Lega pouvant
être intégrées dans le système éducatif
moderne, les chefs coutumiers ont répondu à
répétition aux thèmes comme : l'initiation, la
solidarité, l'innovation, le patriotisme...
Cet outil permet l'étude des relations entre les
éléments dans un discours, contrairement à d'autres
techniques qui se limitent à mentionner l'absence ou la présence
de certains éléments. L'analyse de cooccurrences repose sur
l'idée que la présence simultanée de plusieurs
éléments dans une même unité de contexte constitue
un indice d'une relation entre ces éléments. Ainsi, pour
dépister les éventuelles relations, il faut repérer les
éléments allant ensemble dans un même fragment de
discours.
L'analyse des cooccurrences nous a donc permis
d'établir des relations étroites entre les éléments
des réponses les plus fréquemment fournies par les
répondants. Il s'agit notamment des éléments
simultanément rencontrés dans des réponses telles
que : « La justice et l'égalité
sociale, La parité et la démocratie, La responsabilité et
la lutte contre l'oisiveté ».
II.4.2. Technique de
traitement des données quantitatives
L'examen des données quantitatives a été
mis en oeuvre en recourant aux techniques statistiques. Celles-ci ont
consisté à rechercher la fréquence des thèmes ou
des blocs de données.
II.4.3. Données
recueillies
A. Critères de sélection :
Au regard des éléments constitutifs de
l'échantillonnage établi (voir en annexes), nous avons tenu
compte des éléments identitaires suivants, des sujets
interrogés : âge, sexe, profession, ancienneté, niveau
d'études et territoire d'origine. Chacun de ces éléments
nous a permis d'analyser, d'interpréter et de comprendre les
réponses fournies.
Par exemple, l'élément sexe des sujets
interrogés : En s'adressant aux femmes, nous avons eu accès
aux informations relatives à l'initiation des femmes (Bombwa) que nous
n'aurions pas eu en interrogeant seulement les hommes. Et inversement, en
interrogeant les chefs coutumiers, tout comme les initiés Lega, nous
avons pu recueillir des informations que nous n'aurions pas recueillies si nous
nous adressions seulement aux femmes, si initiées soient-elles.
Ainsi, notre échantillon a été
constitué de 60 femmes, soit 40% et de 90 hommes, soit 60%.
Dans le même ordre d'idées, le critère
âge nous a montré que, les sujets interrogés
âgés de 46 à 95 ans, ont fait preuve de la connaissance
suffisante des valeurs culturelles Lega ; tandis que les enfants et jeunes
âgés de 6 à 45 ans ont prouvé leur connaissance
avancée sur le système éducatif moderne. La combinaison de
ces « deux générations » a donc
été de grande portée pour cette recherche.
Le tableau 1 présente de manière
détaillée, la répartition des sujets auprès
desquels nous avons recueilli les informations ayant conduit à la
rédaction de ce mémoire.
Tableau 1. Identité des sujets
sélectionnés pour l'enquête
n°
|
Critères
|
Répartitions
|
Fréquence
|
%
|
1
|
Age
|
6-15ans
|
15
|
10
|
16-25 ans
|
15
|
10
|
26-35ans
|
25
|
16,7
|
36-45 ans
|
14
|
9,3
|
46-55 ans
|
13
|
8,7
|
56-65 ans
|
32
|
21,3
|
66-75 ans
|
15
|
10
|
76-85 ans
|
12
|
8
|
86-95 ans
|
9
|
6
|
|
TOTAL
|
|
150
|
100
|
2
|
Sexe
|
Masculin
|
90
|
60
|
Féminin
|
60
|
40
|
|
TOTAL
|
|
150
|
100
|
|
Initiation traditionnelle
|
Hommes initiés
|
87
|
58
|
Femmes initiées
|
43
|
28,7
|
Hommes non initiés
|
12
|
8
|
Femmes non initiées
|
8
|
5,3
|
|
TOTAL
|
|
150
|
100
|
3
|
Profession
|
Secteur public
|
77
|
51
|
Secteur privé
|
46
|
31
|
sans profession
|
27
|
18
|
|
TOTAL
|
|
150
|
100
|
4
|
Fonction occupée
|
Commandement
|
58
|
38,7
|
Exécution
|
92
|
61,3
|
|
TOTAL
|
|
150
|
100
|
5
|
Ancienneté professionnelle
|
0-5 ans
|
31
|
20,7
|
6-15 ans
|
59
|
39,3
|
16-25 ans
|
33
|
22
|
26-35 ans
|
15
|
10
|
36-45 ans
|
12
|
8
|
|
TOTAL
|
|
150
|
100
|
6
|
Niveau d'études
|
Primaire
|
49
|
32,7
|
Secondaire
|
64
|
42,7
|
Supér/universit.
|
37
|
24,7
|
|
TOTAL
|
|
150
|
100
|
7
|
Territoire d'origine
|
Mwenga
|
17
|
11,3
|
Pangi
|
64
|
42,7
|
Shabunda
|
48
|
32
|
Walikale
|
21
|
14
|
|
TOTAL
|
|
150
|
100
|
En vue de réunir les valeurs culturelles Lega et celles
susceptibles d'être intégrées dans le système
éducatif moderne, nous avons posé aux sujets
enquêtés la question suivante : Connaissant le peuple
Lega, quelles sont les valeurs traditionnelles que vous avez identifiées
chez ce peuple ?
A cette question, les réponses suivantes ont
été fournies :
Tableau 2. Valeurs culturelles traditionnelles Lega
N°
|
Valeurs
|
Fréquence
|
%
|
1
|
L'amour de sa tribu, de son clan et de sa nation
|
42
|
28
|
2
|
La solidarité et l'altruisme
|
18
|
12
|
3
|
L'innovation et la créativité
|
17
|
11,3
|
4
|
La justice et l'égalité sociale
|
15
|
10
|
5
|
Le respect de la vie, de la nature et de biens communs
|
11
|
7,3
|
6
|
La parité et la démocratie
|
10
|
6,7
|
7
|
L'honnêteté
|
9
|
6
|
8
|
L'obéissance et le sens d'honneur
|
8
|
5,3
|
9
|
L'hospitalité
|
7
|
4,7
|
10
|
Le courage et le stoïcisme
|
6
|
4
|
11
|
La responsabilité et la lutte contre l'oisiveté
|
4
|
2,7
|
12
|
Les proverbes, les devinettes et les contes
|
3
|
2
|
TOTAL
|
150
|
100
|
Ce tableau renseigne que, l'amour de sa tribu, de son clan
et de sa nation demeure la valeur primordiale de la culture Lega. La
solidarité et, l'altruisme, l'innovation et la créativité,
la justice et l'égalité sociale, le respect de la vie, de la
nature et de biens communs...sont d'autres valeurs cardinales enseignées
aux garçons et aux filles, dès le bas âge. Ainsi, tenant
compte de l'efficacité de toutes ces valeurs au sein de la
société Lega, elles méritent d'être
intégrées et actualisées dans l'enseignement moderne.
Précisons que, même si certaines valeurs telles
que la responsabilité et la lutte contre l'oisiveté ainsi que
les proverbes, les devinettes et les contes, ont recueilli un pourcentage
relativement faible auprès de nos enquêtés, elles sont
censées être intégrées dans l'enseignement moderne
compte tenu de la déperdition desdites valeurs dans la
société moderne, surtout dans les milieux urbains.
Dans le but de réunir des informations sur le
déroulement de l'initiation des filles et garçons (hommes et
femmes), et en dégager les étapes essentielles, nous avons
posé la question suivante : comment se réalise
l'initiation traditionnelle (des hommes, d'une part et celle des femmes,
d'autre part) et quelles en sont les étapes essentielles ?
Les réponses détaillées que nous avons
compilées se trouvent au point 1.1.3 du premier chapitre de cette
étude. Cependant, pour rappel, nous avons identifié six
étapes importantes, dont : la préparation de l'initiation,
la séparation des néophytes de la communauté, la
circoncision (étape réservée exclusivement aux jeunes
garçons), les enseignements (étape cruciale de l'initiation), la
fin de l'initiation et la réintégration dans la
communauté.
Soucieux de dégager de différences entre les
caractéristiques sociales principales d'un initié et celles d'un
non initié, nous avons posé la question suivante :
quelles différences de mode de vie faites-vous entre un initié et
un non initié ? dégagez les caractéristiques sociales
principales de chacun.
Tableau 3. Caractéristiques sociales principales
d'un initié et d'un non initié
Caractéristiques sociales
principales
|
N°
|
Initié
|
Non initié
|
Fréquence
|
%
|
1
|
Solidaire
|
Solidaire
|
44
|
29,3
|
2
|
Courageux
|
Paresseux
|
22
|
14,7
|
3
|
Stoïque
|
Plaintif
|
19
|
12,7
|
4
|
Obéissant
|
Obéissant
|
16
|
10,7
|
5
|
Discret
|
Indiscret
|
14
|
9,3
|
6
|
Créatif et Innovateur
|
Imitateur
|
13
|
8,7
|
7
|
Respectueux de la vie, de la nature et de biens communs
|
Respectueux de la vie, de la nature et de biens communs
|
12
|
8
|
8
|
Responsable
|
Irresponsable
|
10
|
6,7
|
TOTAL
|
150
|
100
|
La lecture de ce tableau fournit les indications
suivantes : l'initié et le non initié sont tous solidaires,
obéissants et respectueux de la vie, de la nature et de biens communs.
Ces vertus sont inculquées à tout Lega, sans aucune distinction,
qui est censé en faire preuve dans sa vie, avant même
d'être initié.
En revanche, par l'initiation, les initiés
acquièrent le courage, le stoïcisme, la discrétion, la
créativité, l'innovation et le sens de responsabilité,
tandis que, le non initié demeure paresseux, plaintif, indiscret,
imitateur et irresponsable. Raison pour laquelle, les sujets interrogés
nous ont révélé que, certaines méconduites d'un non
initié ne sont pas parfois châtiées, car on le
considère comme un non avisé. Par exemple, le fait de tuer et/ou
de manger un animal protégé. Mais si le même acte est
commis par un initié, celui-ci subit un châtiment exemplaire.
Concernant l'efficacité du système
éducatif traditionnel, 134 sujets interrogés, soit 89,3% ont
reconnu que ledit système produit de bons résultats
pédagogiques, contre 16 répondants, soit 19,7% qui n'ont pas
reconnu son efficacité. Il sied donc d'avouer la qualité dudit
système répondant le mieux au besoin actuel de la formation.
Les réponses relatives au fondement de
l'efficacité du système éducatif traditionnel ont
été obtenues à partir de la question suivante :
Veuillez répondre par Oui ou Non. Pensez-vous que
l'efficacité du système éducatif traditionnel Lega repose
sur les éléments ci-dessous ?
Tableau 4. Fondement de l'efficacité du
système éducatif traditionnel
N°
|
Fondement de l'efficacité
|
Fréquence
|
OUI
|
%
|
NON
|
%
|
1
|
Sélection objective des formateurs (initiateurs)
|
82
|
54,7
|
68
|
45,3
|
2
|
Education à la solidarité
|
94
|
62,7
|
56
|
37,3
|
3
|
Education à l'individualité
|
31
|
20,7
|
119
|
79,3
|
4
|
Education pragmatique
|
92
|
61,3
|
58
|
38,7
|
5
|
Education aux vertus
|
99
|
66,0
|
51
|
34,0
|
6
|
Education gratuite populaire et collective
|
125
|
83,3
|
25
|
16,7
|
7
|
Education totale et sans déperdition
|
116
|
77,3
|
34
|
22,7
|
8
|
Education à l'inégalité sociale
|
37
|
24,7
|
113
|
75,3
|
9
|
Education qui coexiste avec
l'éducation moderne
|
89
|
59,3
|
61
|
40,7
|
10
|
Education sans rapport avec
l'éducation moderne
|
47
|
31,3
|
103
|
68,7
|
Il sied d'attirer l'attention du lecteur sur
l'interprétation des résultats mentionnés dans ce tableau
afin d'éviter toute compréhension et explication biaisées.
En effet, expliquons brièvement à titre illustratif :
ce tableau renseigne que 82 sujets enquêtés, soit
54,7% sont unanimes que la sélection objective des formateurs
(initiateurs) constitue l'un des fondements de l'efficacité de
l'éducation traditionnelle, contre 68 enquêtés, soit 45,3%
qui ont répondu par NON, c à d, pour ceux-ci, la sélection
objective des formateurs (initiateurs) ne constitue pas ledit fondement.
Inversement, seulement 31 enquêtés, soit 20,7%
ont avoué que l'éducation à l'individualité
constitue le fondement de l'éducation traditionnelle, tandis que 119,
soit 79,3% ont nié cet état de chose, donc pour eux,
l'individualité n'est pas un élément constituant la base
de l'éducation traditionnelle Lega. Etc.
Ainsi en interrogeant davantage certains enquêtés
qui ont affirmé que l'éducation à l'individualité
et à l'inégalité sociale ne constituent pas des fondements
de l'éducation traditionnelle, nous nous sommes rendu compte,
après vérification, qu'ils se sont basés du vécu de
certains cas isolés des Lega mais surtout des non Lega mais
identifiés comme des Lega à cause des affinités qu'ils ont
avec ce peuple.
De ce qui précède, ajoutons qu'à la
question : entre la formation reçue par l'initiation
traditionnelle et celle reçue à l'école/
université, la quelle, des deux formations prépare mieux les
jeunes à résoudre les problèmes de la vie ?
le résultat suivant a été obtenu :
108 sujets enquêtés, soit 72% ont avoué que la formation
reçue par l'initiation traditionnelle prépare mieux les jeunes
à résoudre leurs problèmes de la vie, contre 42 sujets,
soit 28% qui ont accepté que, c'est plutôt la formation
reçue à l'école et/ou à
l'université qui prépare mieux les jeunes à
résoudre lesdits problèmes.
Nonobstant, en analysant les commentaires qui suivaient les
réponses des enquêtés à ce sujet, nous nous sommes
aperçus de la nécessité d'adapter certaines valeurs
traditionnelles au contexte de la modernité.
En comparant le système éducatif traditionnel
et le système éducatif moderne, nous avons voulu déceler
les faiblesses du premier système en vue de n'est plus reprendre
lesdites faiblesses lors de la proposition des valeurs traditionnelles à
intégrer dans l'amélioration du second système. A cet
effet, nous avons demandé aux enquêtés :
Comparativement au système éducatif actuel, quels sont les
aspects négatifs (points faibles) que revêt le système
éducatif traditionnel Lega?
Les réponses fournies sont mentionnées dans le
tableau 5.
Tableau 5. Faiblesses du système
éducatif traditionnel
N°
|
Faiblesses
|
Fréquence
|
%
|
1
|
L'oralité
|
73
|
48,7
|
2
|
Insuffisance d'expérimentation
|
34
|
22,7
|
3
|
L'éducation par la peur
|
25
|
16,7
|
4
|
L'usage de l'écriture
|
8
|
5,3
|
5
|
Le recours aux expériences
|
6
|
4
|
6
|
L'éducation libérale
|
4
|
2,7
|
TOTAL
|
150
|
100
|
A lire ce tableau, il sied de déduire que,
l'oralité, l'insuffisance d'expérimentation et l'éducation
par la peur, constituent des aspects négatifs majeurs ou faiblesses du
système éducatif traditionnel. Conséquemment, ces
faiblesses sont incompatibles avec le système éducatif moderne,
dont nous nourrissons l'ambition d'améliorer par cette étude.
En revanche, l'usage de l'écriture, le recours aux
expériences et l'éducation libérale (pas d'autoritarisme)
sont des points positifs que l'on ne retrouve pas dans le système
éducatif traditionnel et qu'il faut capitaliser.
Evitant d'amalgamer les valeurs traditionnelles
appropriées exclusivement au peuple Lega et celles qu'il faut
intégrer dans l'enseignement actuel, la question suivante a
été posée aux sujets enquêtés :
Veuillez choisir en cochant, les aspects caractéristiques majeurs
suivants, du système éducatif traditionnel qui conviennent
d'intégrer dans le système éducatif moderne.
Les réponses avancées sont
présentées comme suit :
Tableau 6. Caractéristiques majeures du
système éducatif traditionnel à intégrer dans le
système éducatif moderne
N°
|
Caractéristiques
|
Fréquence
|
%
|
1
|
l'efficacité
|
41
|
27,3
|
2
|
l'intégration
|
29
|
19,3
|
3
|
le pragmatisme
|
24
|
16
|
4
|
la gratuité
|
21
|
14
|
5
|
la continuité
|
20
|
13,3
|
6
|
l'oralité
|
8
|
5,3
|
7
|
le privilège de la théorie qu'à la
pratique
|
4
|
2,7
|
8
|
le paiement de frais de formation
|
3
|
2
|
TOTAL
|
150
|
100
|
A travers ce tableau, nous constatons que, cinq
caractéristiques majeures du système éducatif traditionnel
méritent être capitalisées pour l'efficacité du
système éducatif actuel. Il s'agit respectivement de
l'efficacité, l'intégration, le pragmatisme, la gratuité
et la continuité.
En revanche, au regard du pourcentage faible des
réponses fournies par les sujets enquêtés et surtout des
exigences de l'éducation moderne qui établit une
corrélation entre l'idée que l'on se fait d'une chose et ses
applications pratiques, l'oralité, le privilège de la
théorie à la pratique et le paiement de frais de formation sont
des facteurs qui ne concourent pas à l'amélioration de
l'éducation moderne. Par conséquent, ces facteurs ne doivent pas
être intégrés dans le système éducatif
moderne.
Eclairons le lecteur en rappelant qu'il est reproché au
système éducatif traditionnel, l'insuffisance
d'expérimentation. Autrement dit, en éduquant, les formateurs se
fient beaucoup aux connaissances empiriques,
c à d, celles qui sont fondées sur
l'observation et l'expérience personnelle des choses et des faits, et
non sur des manipulations réalisées à des fins
scientifiques dans des conditions rigoureusement contrôlées. Ici
il est rare que l'on soumette une situation vécue à un test,
à une vérification.
Nonobstant, nous ne nous contredisons pas en avouant que le
système éducatif traditionnel privilégie le
pragmatisme : à toute situation de la vie, l'on apprend à
adopter une attitude qui privilégie l'action pratique, l'adaptation au
réel et la recherche de l'efficacité, plutôt que des
considérations théoriques ou idéales.
Le recueil des informations sur les stratégies
à mettre en oeuvre pour intégrer les valeurs traditionnelles dans
le système éducatif moderne nous a induit à poser aux
sujets enquêtés la question suivante : Quelles
stratégies faut-il monter pour intégrer les valeurs
traditionnelles retenues, dans l'enseignement moderne ?
Les réponses obtenues nous ont permis de dresser le
tableau 7
Tableau 7. Stratégies d'intégration des
valeurs traditionnelles dans l'enseignement conventionnel
N°
|
Stratégies
d'intégration
|
Fréquence
|
%
|
1
|
La réforme des programmes, des pratiques et des horaires
d'enseignement
|
27
|
18
|
2
|
L'intégration et la généralisation des
langues nationales
|
23
|
15,3
|
3
|
La prise en charge effective de l'enseignement par l'Etat
|
16
|
10,7
|
4
|
La désaliénation culturelle
|
15
|
10
|
5
|
L'éducation physique efficace
|
13
|
8,7
|
6
|
La résolution pacifique des conflits
|
11
|
7,3
|
7
|
La définition claire des objectifs de l'enseignement
|
11
|
7,3
|
8
|
La formation permanente des enseignants
|
10
|
6,7
|
9
|
Le recours à la littérature orale congolaise
(proverbes, devinettes, contes...)
|
9
|
6
|
10
|
Le jardinage et les travaux manuels
|
8
|
5,3
|
11
|
La privatisation des établissements d'enseignement
|
2
|
1,3
|
12
|
La hausse des frais d'études
|
2
|
1,3
|
13
|
La subvention des écoles privées
agréées
|
1
|
0,7
|
14
|
La prise en charge effective de l'enseignement par les
parents
|
1
|
0,7
|
15
|
La construction des internats et homes
|
1
|
0,7
|
TOTAL
|
150
|
100
|
Après le dépouillement des informations
relatives aux valeurs traditionnelles, avons procédé, par la
suite, à l'examen et analyse des informations liées au
système éducatif moderne.
Ainsi, de prime abord, nous avons demandé aux
enquêtés de nous dire leur entendement sur ce que l'on qualifie de
l'éducation moderne en élucidant les caractéristique
majeures.
Les éléments suivants de réponses ont
été avancés : l'éducation moderne est
caractérisée par un enseignement de culture
générale, de l'outil informatique (ordinateur) et des
technologies nouvelles, surtout celles de l'information et de la communication.
Il s'agit donc d'un système qui représente les tendances
contemporaines en étant à la pointe du progrès.
Concernant la récolte des informations sur les
avantages que procure le système éducatif moderne, nous avons
posé la question suivante aux sujets enquêtés : Quels
sont les avantages (aspects positifs) du système éducatif
moderne ?
Tableau 8. Avantages du système éducatif
moderne
N°
|
Avantages du système éducatif
moderne
|
Fréquence
|
%
|
1
|
Faciliter l'enseignement
|
53
|
35,3
|
2
|
Faciliter la recherche scientifique
|
37
|
24,7
|
3
|
Faciliter l'auto apprentissage
|
28
|
18,7
|
4
|
Faciliter l'acquisition des matières apprises
|
20
|
13,3
|
5
|
Concourir à la créativité des apprenants
|
12
|
8
|
TOTAL
|
150
|
100
|
Les résultats de ce tableau renseignent que, pour les
enseignants, l'usage de l'ordinateur constitue à présent un
instrument indispensable pour faire apprendre (autrement dit, pour enseigner)
de manière efficace et pour réaliser rapidement des
recherches, surtout par internet.
Pour les apprenants, le système éducatif moderne
leur offre la possibilité d'une acquisition aisée des
matières apprises, ainsi que l'auto apprentissage et la
créativité.
En vue de déceler les limites du système
éducatif moderne, nous avons demandé aux sujets
enquêtés de répondre par Oui ou par Non, en choisissant
dans la grille de réponses proposées, les aspects négatifs
de l'enseignement actuel. Voici le condensé de leurs réponses
dans le tableau 8.
Tableau 9. Aspects
négatifs du système éducatif moderne
N°
|
Aspects négatifs du système
éducatif moderne
|
Fréquence
|
OUI
|
%
|
NON
|
%
|
1
|
Maîtrise difficile de l'informatique
|
117
|
78
|
33
|
22
|
2
|
Exclusion des apprenants qui ne connaissent pas l'informatique
|
99
|
66
|
51
|
34
|
3
|
Le contenu des enseignements ne cadre pas souvent avec les
valeurs culturelles congolaises
|
95
|
63,3
|
55
|
36,7
|
4
|
Ne pas favoriser l'apprendre à apprendre
|
94
|
62,7
|
56
|
37,3
|
5
|
Favoriser l'apprendre à apprendre
|
41
|
27,3
|
109
|
72,7
|
6
|
Augmenter l'autonomie de l'apprenant
|
11
|
7,3
|
139
|
92,7
|
7
|
Réduire l'autonomie de l'apprenant
|
109
|
72,7
|
41
|
27,3
|
En
attribuant un sens aux réponses reportées dans ce tableau, nous
voyons que le système éducatif moderne présente aussi des
difficultés (aspects négatifs), dont : la maîtrise de
l'informatique qui s'impose (78% de réponses confirme cette
thèse), sans laquelle, l'apprenant est exclu (66% de réponses);
Le contenu des enseignements offerts par l'internet ne cadre pas souvent avec
les valeurs culturelles congolaises (63,3% de réponses) ; ce type
d'enseignement ne favorise pas l'approche pédagogique moderne qui
consiste à « apprendre à apprendre » (62,7%
de réponses) . Par contre, ce système accroit l'autonomie de
l'apprenant (92,7% de réponses).
Observant que les différents programmes d'enseignement
moderne ne mettent plus en vedette les valeurs culturelles traditionnelles,
nous nous sommes préoccupé de recueillir la causalité de
cet état des choses en posant cette question aux
répondants : pourquoi le système éducatif moderne
ne prend pas en compte les valeurs culturelles traditionnelles
congolaises ? (Veuillez présenter les causes majeures)
En résumé, les réponses avancées
sont inscrites dans le tableau 9 :
Tableau 10. Causes principales de la non prise en
compte des valeurs culturelles traditionnelles congolaises dans le
système éducatif moderne
N°
|
Causes
|
Fréquence
|
%
|
1
|
longue période de la colonisation
|
27
|
18
|
2
|
brassage culturelle
|
21
|
14
|
3
|
manque des autorités éprises des valeurs
culturelles
|
19
|
12,7
|
4
|
insuffisance de la promotion de nos cultures
|
17
|
11,3
|
5
|
programme calqué au modèle occidental
|
17
|
11,3
|
6
|
non application de l'enseignement basé sur le centre
d'intérêt local
|
12
|
8
|
7
|
modicité du fonds alloué à
l'éducation
|
9
|
6
|
8
|
recours aux manuels conçus pour l'enseignement
occidental
|
7
|
4,7
|
9
|
absence de politique de conception de manuel scolaire
|
7
|
4,7
|
10
|
libéralisation du système éducatif
(établissements privés, publics et conventionnés)
|
7
|
4,7
|
11
|
absence de réforme axée sur les valeurs
culturelles
|
7
|
4,7
|
TOTAL
|
150
|
100
|
Les plaintes des parents, enseignants, responsables
d'entreprises...sur l'inefficacité de l'enseignement actuel et sur la
recrudescence accrue des antivaleurs, nous ont induit à en chercher les
causes principales. En effet, nous avons posé aux sujets
enquêtés, la question suivante :
L'on décrie aujourd'hui l'inefficacité des
écoles, instituts supérieurs et universités. Quelles en
sont les causes principales ?
Tableau 11. Causes principales de l'inefficacité
de l'enseignement actuel
N°
|
Causes
|
Fréquence
|
%
|
1
|
Inadéquation entre le programme d'enseignement et la vie
active
|
51
|
34
|
2
|
Sous qualification des enseignants
|
22
|
14,7
|
3
|
Programmes de cours surannés
|
19
|
12,7
|
4
|
Leçons (cours) non actualisées au contexte de
l'heure
|
15
|
10
|
5
|
Abandon des valeurs culturelles traditionnelles
|
13
|
8,7
|
6
|
Insuffisance de temps alloué aux leçons (cours)
à caractère national
|
12
|
8
|
7
|
Mauvais enseignement (communication pédagogique)
|
10
|
6,7
|
8
|
Pauvreté
|
5
|
3,3
|
9
|
Non équipement des établissements d'enseignement
|
3
|
2
|
TOTAL
|
150
|
100
|
En lisant ce tableau l'on s'aperçoit vite que
l'inadéquation entre le programme d'enseignement et la vie active est la
cause principale avancée par 34% des sujets enquêtés,
justifiant l'inefficacité de l'enseignement actuel. A cela s'ajoutent
nombreuses autres causes, notamment, la sous qualification des enseignants
(14,7%), les programmes de cours surannés (12,7%), etc.
Qui assure la gestion de l'enseignement en RDC ? Veuillez
expliquer comment se fait la gestion des établissements d'enseignement
en RDC, sont deux questions principales et complémentaires qui nous ont
permis de recueillir des informations sur l'organisation et le contrôle
administratif du système éducatif actuel. A ces questions, les
réponses suivantes ont été fournies par les sujets
enquêtés :
La gestion de l'enseignement est assurée par l'Etat
congolais, à travers le ou les Ministère(s) ayant en charge
l'éducation nationale et la recherche scientifique. Ainsi, selon les
types des gouvernements, il y a de fois que le Ministère de
l'enseignement primaire secondaire et professionnel est séparé de
celui de l'enseignement supérieur, universitaire et recherche
scientifique.
Les établissements d'enseignement sont
gérés, selon les cas, par les chefs
d'établissements : l'université est pilotée par un
comité de gestion chapoté par un recteur, tandis que l'institut
supérieur est géré par un comité de gestion et
chapoté par un directeur général.
Cependant, l'école primaire est gérée par
un directeur d'école assisté, généralement, par un
directeur adjoint.
Selon le financement, l'on distingue les établissements
publics, financés par l'Etat et les établissements privés,
financés par des personnes privées.
Pour d'amples détails, nous renvoyons le lecteur
à la première section du troisième chapitre.
En portant un regard attentif sur la qualité de
l'enseignement dispensé depuis la colonisation, nous avons voulu
critiquer différents programmes mis sur pied par le pouvoir, en vue de
dégager les aspects positifs à pérenniser dans
l'enseignement actuel et élaguer tout contenu qui ne s'adapte plus aux
besoins de l'heure. Par conséquent, nous avons posé cette
question aux enquêtés :
De 1905 à maintenant, il y a eu plusieurs
réformes de l'enseignement. Quelles critiques (points positifs et points
négatifs) faites-vous desdites réformes?
Les réponses fournies sont condensées dans le
tableau 11.
Tableau 12. Analyse critique des réformes de
l'enseignement
N°
|
REFORMES
|
CRITIQUES
|
Aspects positifs
|
Aspects négatifs
|
01
|
Le concordat de 1906
|
Accorder aux missionnaires des terrains pour la construction des
chapelles ayant servi d'embryons scolaires
|
Divergence de but entre les missionnaires et l'E.I.C. :
pour les 1 ers, le but était de favoriser la diffusion du
catholicisme au Congo tandis que pour le second, c'était, plutôt
la mission civilisatrice des congolais. Cette
« divergence » de vue fit que la convention signée
intéressât moins l'enseignement lui-même que la politique
religieuse de l'E.I.C. La partie essentielle du programme comprit
l'enseignement des langues nationales belges. L'Etat refusa de donner aux
missions une quelconque ressource financière
|
02
|
La systématisation de l'enseignement en 1908
|
Mise en application des programmes d'étude adaptés
aux besoins et impératifs du moment
|
La restriction systématique de l'enseignement, non dans le
but de former le Congolais pour son épanouissement, plutôt, en vue
d'exploiter méthodiquement la colonie
|
03
|
Le plan d'extension des écoles en 1909
|
Création, dans chaque district, au moins d'une
école agréée et subsidiée par
l'Etat ; enseignement des connaissances du pays à travers des
leçons telles que la géographie, l'histoire, le lingala...
|
Programme scolaire non uniformisé ; chaque
école eut la latitude de mettre en oeuvre un programme d'enseignement de
son choix ; programme sans leçons de culture
générale
|
04
|
L'élargissement de programme d'enseignement en 1912
|
Enseignement approfondi des disciplines telles que le
français, le calcul, la géographie, l'histoire...et
l'intégration de leçon d'hygiène
|
Les différentes écoles ne constituèrent pas
véritablement un système d'enseignement, elles ne furent
que des unités séparées
|
05
|
La mise en oeuvre des résultats de l'enquête
menée de 1916 à 1918 sur l'enseignement
|
Organisation de l'enseignement en fonction du besoin aussi du
patronat et de l'administration
|
L'enquête menée ne s'est pas adressée aux
noirs qui sont les 1ers concernés ; les écoles
demeurèrent des unités séparées et conservent un
caractère étroitement utilitaire
|
06
|
Les travaux de la commission Louis FRANK en 1922
|
Réalisation de programme de la scolarisation
massive ; multiplication des écoles primaires
|
Programmes élaboré exclusivement pour des raison
politiques. Ex. l'enseignement de français fut dispensé qu'aux
indigènes appelés à travailler en étroit contact
avec les Européens.
Organisation de l'enseignement en langues indigènes
seulement, pour éviter que les colonisés ne maîtrisent les
langues étrangères
|
07
|
Nouveau programme de l'organisation de l'enseignement libre au
Congo, élaboré en 1938
|
Ce programme accorde beaucoup d'importance à un
enseignement plus poussé de français, mathématique,
géographie et histoire ; , l'étude des langues
indigènes et du français s'enrichit dès la
3è année primaire des cours de rédaction,
élocution, orthographe, vocabulaire, grammaire, etc
|
Contradictions au niveau du recrutement des
élèves : Pour l'Etat, ce sont les dispositions
intellectuelles des candidats normaliens (les doués) qui
constituaient le critère de sélection pour la formation des
instituteurs ; tandis que pour les missionnaires chargés de
l'exécution de ces directives, ce sont, plutôt les
qualités morales qui comptaient pour la formation des
catéchistes.
|
08
|
La réforme de 1948
|
Ce programme assure aux indigènes une formation de
qualité et un niveau d'instruction plus élevé en vue de
répondre au plan décennal, et de former une élite
correspondante à l'expansion industrielle ; pour le colonisateur,
rien ne servait à encourager un grand nombre de jeunes à
conquérir un diplôme dont ils ne pourront se servir ;
accorde une importance à ce que les élèves
conservent un contact étroit avec gens et choses de leur milieu.
|
Un fossé immense sépare les programmes des deux
filières de formation (entre le 2è degré ordinaire et le
2è degré sélectionné) ; les missionnaires
chargés de sélectionner et orienter les élèves
n'avaient pas de connaissances psychopédagogiques suffisantes ;
l'orientation scolaire des élèves était plus
motivée par l'origine sociale et géographique des
élèves que par leurs qualités intellectuelles
|
09
|
L'Addendum à la réforme de 1948
|
La prévision d'un enseignement de niveau universitaire
pour la formation de l'élite ; la création des groupes
scolaires
|
La politique coloniale n'a pas encouragé la promotion
sociale en faveur de l'enseignement des filles ; refus des écoles
mixtes ; carences d'enseignants, surtout de religieuses appelées
à former les filles ; les programmes élaborés ne
prévoyaient pas l'étude des moeurs, coutumes ou cultures
indigènes.
|
|
10
|
La réforme de 1961
|
Création du cycle d'orientation qui dure deux ans et
permet aux experts de l'éducation de guider les élèves par
des conseils dans les différents domaines de leur formation ;
Création des sections de formations
spécialisées ;
Ouverture du contenu de l'enseignement aux
réalités culturelles africaines ;
Prolongation de la scolarité au niveau
secondaire ;
Alignement de l'enseignement des filles sur celui des
garçons ;
Ouverture des Instituts Supérieurs Pédagogiques
(ISP) destinés à former des enseignants qualifiés pour les
classes du cycle d'orientation.
|
L'imposition du français comme seule langue d'enseignement
au degré primaire ;
Insuffisance d'enseignants et inspecteurs qualifiés.
|
11
|
La réforme de 1971
|
Elaboration des nouveaux programmes d'études et
organisation des études en trois cycles d'enseignement universitaire
(graduat, licence et doctorat)
|
Forte politisation de l'université au service du
mobutisme ; la réforme ne s'était pas appuyée sur
l'élaboration d'un plan prévisionnel des domaines dans lesquels
la formation des cadres était la plus urgente et n'a pas ainsi permis de
former des agents de développement dont le pays avait besoin
|
12
|
La réforme de 1981
|
la gestion autonome de chaque établissement d'enseignement
supérieur et universitaire.
|
Attention plus orientée sur les aspects administratifs
que pédagogiques ; l'enseignement demeure marqué par
l'inadéquation entre la formation et le monde d'emplois ;
l'incapacité de former des agents de développement national
épris d'un sens aigu de nationalisme, de conscience professionnelle, de
respect des biens publics ; la difficulté d'entreprendre des
recherches axées sur des solutions concrètes des problèmes
de la société...
|
13
|
Les états généraux de l'éducation en
1996
|
Opter pour un système de gestion participatif au sein du
système éducatif national, des établissements
d'enseignement
|
Le projet de programme était resté
inappliqué
|
14
|
La réforme de 2003
|
Elaboration de nouveaux programmes qui prennent en compte les
avancées dans le domaine des sciences et technologie, ainsi que la
nécessité de produire des cadres épris de
l'éthique. Par exemple, l'introduction dans le programme, des cours de
l'informatique et de l'éducation à la citoyenneté
|
Non respect de certains préalables pédagogiques
tels que l'accroissement du nombre des enseignants capables d'assurer
efficacement les enseignements et la formation pédagogique continue
de ceux-ci.
Absence d'enquêtes préalables pour cerner les
attentes de la société Congolaise ; Non implication active
des formateurs ; privatisation de la réforme par le
Ministère de l'enseignement supérieur et universitaire.
|
15
|
Le pacte de modernisation de l'enseignement en 2003
|
L'unification du calendrier académique, le lancement de
nouveaux programmes et leur mise en oeuvre, l'amélioration des
conditions salariales des enseignants, l'assainissement du secteur privé
de l'ESU par la fermeture d'établissements non viables et la relance de
la coopération bilatérale et multilatérale.
|
Tentative de la politique d'essaimage ; insuffisance du
personnel enseignant qualifié ; fonctionnement illégal des
établissements d'enseignement déjà fermés ;
insuffisance des moyens financiers pour la mise en oeuvre des objectifs du
PADEM.
|
16
|
La réforme de 2007
|
La correction informatisée des examens d'Etat permettant
de publier les résultats dans un temps record.
|
Plusieurs erreurs commises par les élèves lors de
remplissage des fiches et des copies d'examens induisant à
l'échec, même des certains élèves bien
appliqués.
|
17
|
La réforme de 2008
|
La gestion numérisée des informations en installant
un réseau de communication.
La création d'un site web permettant d'accéder
facilement aux informations du Ministère de l'EPESP.
La création des comités des élèves au
sein des établissements scolaires
|
Les antennes VSAT ne sont installées qu'aux chefs lieux
des provinces. Ceci limite l'échange rapide des informations avec les
établissements scolaires se trouvant dans l'arrière pays.
La plupart des concernés (enseignants, administratifs,
élèves) n'ont pas de connaissance suffisantes sur l'utilisation
des outils informatiques.
|
La réalisation d'une réforme efficace est un
processus qui requière le respect du passage à certaines
étapes essentielles impliquant la collaboration de tous les partenaires
de l'éducation. Ainsi, pour identifier lesdites étapes, nous
avons posé la question suivante aux enquêtés :
Veuillez proposer les étapes essentielles à suivre pour
réaliser une réforme efficace de l'enseignement
L'ensemble des réponses recueillies nous a permis de
proposer sept étapes suivantes :
· l'initiative et la formulation d'un avant-projet de
reforme ;
· la formulation d'un projet,
· l'examen du projet,
· la navette du projet,
· l'adoption du projet,
· la promulgation du projet,
· la mise oeuvre du projet.
Au seuil de ce chapitre, rappelons qu'il a porté sur la
présentation des données d'enquête. Pour y parvenir, nous
avons exposé, tour à tour, les méthodes et techniques qui
nous ont permis d'abord de sélectionner les sujets à
enquêter, de récolter, ensuite les donnés, et d'analyser et
de traiter, enfin les données recueillies.
Le chapitre suivant est consacré à l'analyse et
l'exposition de la possibilité de concevoir un système
éducatif qui améliore l'enseignement moderne en y
intégrant des valeurs culturelles traditionnelles congolaises.
Chapitre III ème.
SYSTEME EDUCATIF ENVISAGE
Ce chapitre finissant ce travail
s'articule autour de six points capitaux: nous expliquons premièrement
l'organisation et la gestion administrative du système éducatif
congolais ; nous retraçons, en deuxième lieu, les
différentes réformes pédagogiques qui ont eu lieu pendant
la période sous examen ; nous faisons, troisièmement, une
analyse critique desdites réformes ; quatrièmement, nous
nous appesantissons sur la possibilité d'insérer les valeurs
culturelles traditionnelles congolaises dans l'enseignement actuel ; nous
proposons, en cinquième position, l'ensemble de formalités
à remplir pour effectuer une réforme éducative
efficace et en sixième lieu, nous exposons quelques mécanismes
pour la réussite de la réforme.
III. 1. LA GESTION DU
SYSTEME EDUCATIF EN RDC
L'appréhension de la gestion du système
éducatif congolais nous oblige de remonter à l'époque
coloniale où l'enseignement au
Congo belge était
semblable à l'enseignement officiel de la
Belgique.
III.1.1. BREF APERçU GENERAL
Depuis l'époque coloniale, les six premières
années sont appelées "primaires". Elles sont sanctionnées
par un certificat d'école primaire qui donne accès à
l'enseignement secondaire. Les six années suivantes constituent le
cycle "secondaire" qui offrait, à l'époque, trois orientations,
à savoir : humanités classiques (grec, latin,
mathématique), humanités dites "modernes" (techniques,
scientifiques, commerciales) et humanités "professionnelles" ou
"familiales".
Un diplôme sanctionnait la fin de chaque cycle de trois
ans. Le terme des six années secondaires offrait le choix aux
études dites "supérieures" (enseignement non universitaire, entre
2 et 4 ans) ou "universitaires" (2 années de candidature, trois et plus
d'années de licence, suivies d'un doctorat).
En ce jour, un examen organisé par l'Etat
(Ministère de l'Enseignement Primaire, Secondaire et Professionnel)
à la fin du cycle secondaire, donne accès à un
diplôme d'Etat afin de poursuivre l'enseignement supérieur et
universitaire.
Trois types d'enseignement supérieur sont
organisés en République Démocratique du Congo :
l'enseignement supérieur universitaire, l'enseignement supérieur
pédagogique et l'enseignement supérieur technique. Un
diplôme est décerné aux étudiants ayant
réussi aux examens de fin de cycle, respectivement le Diplôme de
graduat pour ceux du premier cycle, de licence pour ceux de deuxième
cycle. Pour les études de médecine, le deuxième cycle, qui
durait trois ans, et qui s'étale, après la réforme de
2003 sur quatre ans, est sanctionné par un diplôme de doctorat en
médecine.
Après l'obtention de la licence, l'Etat organise le
troisième cycle qui concerne le DEA (Diplôme d'Etudes
Approfondies) ou le DES (Diplôme d'Etudes Spéciales). Ce
diplôme donne accès au récipiendaire d'approfondir ses
recherches afin de soutenir sa thèse de doctorat.
L'Etat fixe les programmes et contenus des enseignements ;
organise des examens d'Etat et reconnaît les documents sanctionnant la
fin des cycles (certificat, brevet, diplômes).
III.1.2. GESTION DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE, SECONDAIRE ET
PROFESSIONNEL
Pour une gestion efficace des structures de l'enseignement
primaire, secondaire et professionnel, bien que nationalisées, l'Etat
congolais a maintenu les réseaux existants, notamment de la maternelle
aux humanités. Il gère deux catégories
d'établissements : les établissements publics et les
établissements privés. Il prend financièrement en charge,
les établissements publics appelés autrement officiels
ou non conventionnés, surtout en ce qui concerne la paie des salaires
des enseignants. Cependant, compte tenu des difficultés que
connaît le pays depuis des années, les parents interviennent
financièrement et de façon significative, dans le fonctionnement
desdites écoles.
Ainsi, pour l'efficacité de leurs actions sur la
qualité de l'enseignement, lesdits parents sont organisés en
différentes associations, notamment :
· l'Association Nationale des Parents d'Elèves et
Etudiants du Congo (ANAPECO) ;
· l'Association des Parents d'Elèves et Etudiants
Catholiques (APEC) ;
· l'Association des Parents d'Elèves et Etudiants
Protestants (APEP) ;
· l'Association des Parents d'Elèves et Etudiants
Kimbanguistes (APEK) ;
· l'Association des Parents d'Elèves et Etudiants
Salutistes (APES) ;
· l'Association des Parents d'Elèves et Etudiants
Islamiques (APEI).
§ La gestion des écoles
publiques :
Les écoles publiques sont gérées par un
Chef d'établissement (Directeur au niveau des écoles primaires,
Préfet au niveau secondaire), assisté par un Conseil de gestion.
Le chef d'établissement assure la gestion pédagogique,
administrative et financière de l'école, y compris la gestion du
personnel ainsi que le versement des salaires de ces derniers. Sur proposition
du Chef de Division Provincial ou du Coordinateur Provincial, le Gouverneur
nomme ou relève de leurs fonctions, les chefs d'établissement
respectivement des écoles non conventionnées et
conventionnées. Le Conseil de gestion est l'organe
délibérant de l'établissement scolaire. Ses membres sont
le Chef d'établissement, le Conseiller pédagogique, le Directeur
de discipline, le représentant des enseignants et le représentant
des parents. Pour gérer le personnel enseignant de l'enseignement
primaire, secondaire et professionnel, le Gouvernement a créé
depuis 1985, le Service de Contrôle et de la Paie des Enseignants
(SECOPE), placé sous le contrôle du Secrétaire
général qui a ce secteur dans ses attributions
§ La gestion des écoles
conventionnées :
Outre les écoles publiques non conventionnées,
on retrouve les écoles conventionnées dont la gestion
est assurée par les confessions religieuses signataires de la convention
de gestion scolaire avec le Gouvernement. Ainsi, dans ce dernier groupe, on a
les écoles conventionnées catholiques ; les écoles
conventionnées protestantes ; les écoles conventionnées
kimbanguistes ; les écoles conventionnées islamiques ; et les
écoles conventionnées de l'Armée du Salut. Au niveau
national, provincial et local, chacune de ces églises dispose des
services de gestion scolaire appelés bureaux de
coordination.
§ La gestion des écoles
privées :
Les écoles privées agréées
sont celles créées par des particuliers (personnes
physiques ou morales), et qui sont soumises à la réglementation
officielle en matière d'agrément, de programmes d'études,
de contrôle et d'évaluation pédagogiques. Elles ne
bénéficient d'aucun subside de la part de l'Etat. Toutes leurs
charges financières reviennent aux parents. Un grand nombre
d'écoles privées sont représentées par
l'Association Nationale des Ecoles privées Agréées
(ASSONEPA). D'autres sont plutôt affiliées au Collectif des Ecoles
Privées Agréées du Congo (CEPACO).
L'organisation interne et le fonctionnement des
établissements privés dépendent de leurs promoteurs qui
tiennent compte des dispositions de la Loi Cadre. Les écoles
privées sont organisées en une association dénommée
: Association Nationale des Ecoles Privées Agréées
(ASSONEPA) qui constitue l'organe de représentation, de défense
des intérêts et de promotion.
Conformément à la Loi cadre, les écoles
privées sont tenues d'appliquer le
même programme que les écoles publiques.
Cependant, elles sont autorisées à
introduire d'autres activités ou matières afin
de marquer leurs spécificités.
§ La gestion des écoles
associées à l'UNESCO :
Depuis 1990, le système éducatif congolais a
adhéré au réseau des écoles
associées à l'UNESCO, écoles
engagées et spécialisées dans la promotion de la
culture de la paix par l'éducation à la paix,
à la démocratie, aux droits de l'homme et aux questions
d'environnement.
Le système des Ecoles Associées à
l'Unesco en République Démocratique du
Congo est dirigé par un Coordonnateur National,
assisté d'une Coordonnatrice adjointe, d'un Secrétaire National,
des chargés culturels et des experts dans différents domaines de
compétence de l'UNESCO.
Pour tout dire, il convient de faire remarquer que la
scolarisation primaire a diminué à cause de l'isolement des
régions, de l'incapacité croissante des parents à payer
les frais scolaires, du manque d'entretien des infrastructures, du manque de
manuels scolaires et de la baisse de la qualité de l'instruction. Les
enseignants perçoivent un salaire modique. Le taux de scolarisation est
de 52 % et le taux général d'analphabétisme (en
2004), très élevé - 33,2 % -, atteint 43,3 %
chez les femmes64(*).
A ce sujet, EKWA note que, le déclin de l'école
se manifeste notamment par le recul du taux de scolarisation, par la faiblesse
du budget alloué à l'éducation, par la baisse des salaires
des enseignants, par le délabrement des infrastructures. Le
déclin se manifeste plus particulièrement par les antivaleurs,
caractéristiques de la société globale, qui y provoquent
des dégâts ravageurs. La corruption, en particulier, a atteint le
milieu des éducateurs65(*).
III.1.3. GESTION DE L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET
UNIVERSITAIRE
L'Etat administre également l'enseignement
supérieur et universitaire. Cependant, la décision d'Etat
n°75/CC/89 du 29 avril 1989 libéralisant l'Enseignement
Supérieur et Universitaire a permis aux personnes physiques et morales
de créer et de gérer les établissements. Cette vague a
été vite rattrapée par la politique d'essaimage de 1993 et
1994 qui fut aussitôt interrompue.
Ainsi, il arrive que des congrégations (catholiques et
protestantes, par exemple) créent leurs universités qu'elles
gèrent. Nous citons par exemple, l'Université Catholique et
l'Université Protestante à Kinshasa.
L'Etat reconnaît les diplômes
délivrés dans ces universités.
D'autres Instituts Supérieurs et Universités
privés existent sur le territoire national. L'Etat ne reconnaît
les diplômes que de ceux et celles qui ont été
agréés.
Notons que, depuis 1981, l'Enseignement Supérieur et
Universitaire est régie par les textes suivants66(*) :
· la Décision d'Etat N°09/CC/81 du 8 juin
1981 du Comité Central sur l'Enseignement Supérieur;
· la Décision d'Etat N° 23/CC/82 du 23 mars
1982 relative à l'Enseignement
Supérieur et Universitaire en matière de
recrutement des étudiants;
· la Décision N° 25/CC/82 du 22 mars 1982
relative à l'Enseignement Supérieur et Universitaire en
matière d'encadrement des étudiants;
· la Décision N° 44/CC/86 du 11 avril 1986 en
matière de l'Enseignement National;
· l'Ordonnance-Loi N° 81/025 du 3 octobre 1981
portant organisation générale de l'Enseignement Supérieur
et Universitaire;
· les Ordonnances-Lois N° 81/026; 027 et 028, telles
que modifiées à ce jour, relatives à la collation de
grades académiques respectivement au sein des Universités, des
Instituts Supérieurs Pédagogiques et des Instituts
Supérieurs Techniques;
· les Ordonnances créant lesdits
établissements et services spécialisés;
· l'Ordonnance N° 81/160 du 7 octobre 1981 portant
statut du personnel de
l'Enseignement Supérieur et Universitaire;
· les Arrêtés ministériels fixant
les programmes, la durée des études et les conditions
d'admission.
Il faut souligner qu'en général, la durée
du cycle universitaire total retenu par le ministère de
l'éducation nationale est encore de cinq ans sans compter que certaines
filières ont une année préparatoire préalable.
Malgré de multiples réformes, l'enseignement
supérieur reste encore sur - dans certaines choses - le schéma
hérité de la
Belgique. A titre
illustratif, bien qu'il y ait des changements, les titres dans le corps
professoral universitaire et supérieur sont restés
identiques : Professeur associé, professeur, professeur ordinaire,
professeur émérite, chef de travaux, assistant de premier mandat
et de deuxième mandat, Recteur (de l'université), doyen (de la
faculté) et Directeur général (de l'Institut
supérieur).
Faisons remarquer que, le système
éducatif est géré par le
Ministère ayant en charge l'éducation nationale et la recherche
scientifique.
En général, la recherche scientifique et
technologique est menée sous la direction dudit ministère.
Toutefois, il est de fois, selon les gouvernements, que l'on trouve le
Ministère de l'Enseignement Primaire Secondaire et Professionnel
séparé du Ministère de l'enseignement Supérieur
Universitaire et Recherche scientifique.
Les établissements publics de l'Enseignement
Supérieur et Universitaire se répartissent en trois groupes
distincts, chapeauté chacun par un Conseil
d'Administration unique. Il s'agit de :
· Conseil d'Administration des Universités
(C.A.U.)
· Conseil d'Administration des Instituts
Supérieurs Techniques (C.A.I.S.T.)
· Conseil d'Administration des Instituts
Supérieurs Pédagogiques (C.A.I.S.P.)
Chaque établissement est dirigé par un
Comité de gestion composé d'un :
· Recteur, pour les Universités.
· Directeur Général, pour les Instituts
Supérieurs.
· Secrétaire Général
Académique.
· Secrétaire Général
Administratif.
· Administrateur du Budget.
La tutelle agit en tant qu'organe d'approbation des
décisions prises par les
Conseils d'Administration. Quel que soit le Conseil
d'Administration auquel ils
appartiennent, tous les établissements sont
régis par les mêmes règles de gestion.
III.1.4. LA GESTION DU SYSTEME EDUCATIF NON FORMEL
La coordination des activités des partenaires
privés de l'éducation non formelle des jeunes est assurée
par le Conseil national de la jeunesse, créé par
l'arrêté ministériel N°006/CAB/MJCA/94 du 16 septembre
1994.
C'est en fait un organe consultatif du gouvernement et un
cadre de concertation de tous les partenaires du Ministère de la
jeunesse, des sports et loisirs oeuvrant en faveur de l'éducation non
formelle des jeunes.
Le Secrétariat Général à la
Jeunesse intervient respectivement dans
l'organisation de la formation technique et professionnelle,
dans les centres de formation professionnelle et de production, et dans
l'encadrement de la jeunesse à travers :
· les mouvements et associations des jeunes qui sont des
structures à
caractère scientifique, culturel, philanthropique,
artisanal et éducatif des
jeunes;
· les commissions municipales des jeunes (qui
gèrent les activités des
cercles culturels et éducatifs, des carrefours, des
orphelinats, des
maisons d'accueil et d'hébergement des jeunes de la rue
et défavorisés);
· la jeunesse confessionnelle;
· les maisons et centres d'apprentissage
professionnel.
Les Organisations non Gouvernementales interviennent dans
l'éducation non
formelle des jeunes non scolarisés,
défavorisés et "sans toit" par la création des
structures d'encadrement, des micro-projets et de divers
programmes de formation qu'elles financent où organisent. Elles
contribuent à :
· assurer la prise en charge scolaire des jeunes;
· aider les jeunes à acquérir des
connaissances techniques et
professionnelles;
· assurer la formation des jeunes sur le tas;
· assurer l'insertion socio-professionnelle des
jeunes.
L'arrêté ministériel
N°MJSL/CAB/2100/021/2000 du 25 août 2000 fixe les critères de
reconnaissance et de collaboration entre ces institutions et le
Secrétariat Général
Après de tour d'horizon, voyons comment le tableau 13
présente la structure du système éducatif en
République Démocratique du Congo.
Tableau 13. Structure du système éducatif
en République Démocratique du Congo
NIVEAU D'ETUDE
|
TYPE D'ETABLISSEMENT
|
AGE THEORIQUE
( par Année)
|
NIVEAU MINIMUM D'ENTREE RECQUIS
|
DUREE par (Années)
|
CERTIFICAT/
Diplôme délivré
|
Primaire
|
|
6 ans
|
Aucun*
|
6
|
Certificat d'études primaires
|
Secondaire
|
Général
|
Général
|
17 ans
|
Certificat d'études primaires
|
6
|
Diplôme d'Etat
|
Formation des maîtres
|
Institut pédagogique
|
Technique
|
Technique
|
Professionnel
|
Professionnel
|
16 ans
|
5
|
Certificat/Brevet
|
Etudes supérieures
|
Université
|
Université
|
18-20/22
|
Diplôme d'Etat
|
1er cycle-
3 ans
2e cycle -
2ans/3 3e cycle-
2 ans
|
Graduat
|
Licence
|
Doctorat/médecine*
D.E.S.*
|
Post-université
|
Non défini
|
Diplôme de 2ème cycle
|
4-7 ans
|
Doctorat
Agrégation
|
Hors université
|
I.S.P.
|
18-20/22
|
|
1er cycle-
3 ans
2e cycle -
2 ans
|
Gradué en P.A*
Licencié en P.A.*
|
I.S.T.
|
|
Diplôme d'Etat
|
2e cycle-
3 ans
2e cycle -
2 ans
|
Graduat
Licence
|
*Aucun = pas
un seul niveau d'étude antérieur n'est requis pour entrer
à l'école primaire
* Doctorat/médecine = épreuve au cours de
laquelle on défend son mémoire devant un jury pour obtenir le
grade ou le diplôme de docteur en médecine
* D.E.S.= Diplôme d'Etude Supérieures
* P.A.= Pédagogie
appliquée
Source : Plan d'action nationale
de l'éducation pour tous, tiré du Rapport d'Etat du
Système Educatif de la République Démocratique du
Congo,
Banque mondiale, 2004
III.2. LES REFORMES
PEDAGOGIQUES EN RDC
Lorsqu'on mène des recherches visant à
améliorer la qualité de l'enseignement, il est d'usage de
différencier deux types de changement : les réformes et les
innovations. Les premières renvoient à un changement
planifié, décidé à partir d'une autorité
centrale et adressé à tous les professionnels dépendant de
cette autorité. On parle à ce titre, d'une réforme des
programmes, d'une réforme des structures scolaires (l'enseignement par
cycles, par exemple) ou encore d'une réforme pédagogique. Les
innovations, par contre, renvoient à des initiatives plus locales.
BONAMI et GARANT définissent l'innovation comme le
fait d'introduire de façon volontaire, dans un établissement par
exemple, une pratique en vue d'une meilleure efficacité dans la
réponse à un problème perçu ou en vue d'une
utilisation plus efficiente des ressources disponibles67(*).
Ce deuxième point retrace les différents
changements radicaux apportés par les autorités ayant en charge
l'éducation en vue d'une amélioration notable de l'enseignement.
Tenant compte de la période qui nous intéresse dans cette
recherche, il convient de dire qu'après l'échec des mesures
prises en 1892 par le gouvernement belge sur l'éducation des
colonisés, une seconde tentative est menée le 26 Mai 1906 et
aboutit à la signature d'une convention passée entre l'Etat
Indépendant du Congo et le Saint-Siège. Ainsi, pour des raisons
de clarté, nous divisons en deux grades périodes, les
réformes pédagogiques intervenues en RDC : la période
coloniale et la période postcoloniale.
III.2.1. Les réformes de
l'enseignement avant l'indépendance
Pendant la colonisation, l'enseignement a connu plusieurs
modifications ; du concordat de 1906 à la réforme de 1948,
nous en avons dénombré onze que nous élucidons dans les
paragraphes qui suivent.
1. Le concordat de 1906:
En vue de créer des écoles dirigées par
les missionnaires catholiques pour l'instruction des indigènes,
le gouvernement de l'Etat Indépendant du Congo signa une convention avec
le Saint-Siège en 1906. L'attention fut focalisée sur
l'enseignement des catéchistes chargés d'enseigner aux noirs, la
lecture et l'écriture, car pour le Saint-Siège
Apostolique, le but de cette convention était de favoriser la
diffusion méthodique du catholicisme au Congo. Tandis que pour le
gouvernement de l'E.I.C., c'était la mission civilisatrice des
Congolais. Raison pour laquelle, le programme d'étude fut
caractérisé par l'enseignement agricole et d'agronomie
forestière, l'enseignement professionnel et la pratique des
métiers manuels.
Faisons remarquer que cette convention a accordé aux
missions plus de terrains et, en conséquence, plus de facilités
de multiplier des chapelles, servent subsidiairement d'embryons scolaires.
2. La systématisation de l'enseignement en
1908 :
En 1908, le roi Léopold II cède son domaine
privé à la Belgique. L'E.I.C. devient Congo-Belge. Les programmes
de l'enseignement sont conçus en fonction des impératifs du pays
et de l'heure. Le but de l'église Catholique étant toujours
d'évangéliser les Congolais, le gouvernement du Congo-Belge
résout de former un personnel subalterne à l'administration. Il
eut création de deux types d'écoles : d'une part, les
écoles de l'Etat s'occupant de fournir les fonctionnaires
subalternes et les artisans dont l'administration a besoin et d'autre part,
les écoles des missions s'occupant particulièrement de
l'évangélisation, la formation de catéchistes, quelques
notions agricoles et professionnelles.
3. Le plan d'extension des écoles en
1909 :
Rappelons que la convention entre le Saint-Siège et
l'E.I.C. en 1906 stipulait à son article 2 : « chaque
établissement de mission s'engage, dans la mesure de ses ressources
à créer une école... »68(*). Autrement dit, l'Etat ne
donnait aux missions aucune ressource financière pour la création
ou la gestion des écoles. L'extension des écoles dans les
districts se heurta à d'énormes difficultés
financières. Pour les résoudre, dans le plan d'extension, le
gouvernement du Congo-Belge décida de subsidier toutes les écoles
créées et agréées dans chaque district.
Le nouveau programme a un caractère d'un enseignement
utilitaire et pratique dont la tendance est essentiellement professionnelle. Le
programme d'enseignement n'est pas uniformisé dans toute la
colonie : dans les grands centres administratifs et commerciaux, l'on
développe un enseignement de type littéraire un peu plus
poussé. Ici, l'enseignement professionnel forme des futurs clercs.
Tandis que dans des centres moins importants, l'on accorde la primauté
aux activités manuelles. Lesdites activités prédisposent
les élèves aux métiers d'artisans et d'agriculteurs.
4. L'élargissement de programme d'enseignement
en 1912 :
Cette réforme consista à remplacer le personnel
subalterne blanc par des indigènes instruits et dotés d'une
culture générale. Pour y parvenir, l'Etat décida de
concevoir un programme d'enseignement qui approfondit certaines disciplines
telles que le français, le calcul, la géographie, l'histoire,
etc. Il eut aussi l'apparition de l'enseignement des sciences et
hygiène dans le nouveau programme.
5. La mise en oeuvre des résultats de
l'enquête menée de 1916 à 1918 sur
l'enseignement :
En vue de l'élaboration d'un véritable
système d'enseignement, le gouvernement du Congo-Belge organisa de 1916
à 1918 une grande enquête qui consista à recueillir les
points de vue (attentes et desiderata des employeurs et des
enseignants) des chefs des entreprises publiques, des commissaires des
districts, des instituteurs, du comité consultatif et des missionnaires,
sur l'enseignement des indigènes.
Le questionnaire proposé aux instituteurs, aux membres
du comité consultatif et aux missionnaires comprit : renseignement
sur le programme suivi à l'école primaire, appréciation,
proposition d'un programme pour un enseignement primaire préparant
uniquement aux écoles professionnelles ; programme à suivre
à l'école professionnelle, notamment la proposition des
connaissances théoriques et de l'apprentissage pratique ;
proposition de programme des écoles des commis ; l'influence morale
et matériel de l'éducation.
Les résultats de cette recherche apportèrent de
lumière sur les langues de l'enseignement ; sur l'organisation de
l'enseignement en fonction du besoin réel de l'administration et du
patronat et sur l'apprentissage de métiers manuels et l'utilisation des
élèves sur le marché de l'emploi.
6. Les travaux de la commission Louis FRANK en
1922 :
Le 10 Juillet 1922, la commission L. FRANCK, Ministre de
colonie, publie ses recommandations destinées à constituer le
noyau de la politique scolaire coloniale belge :
La primauté est accordée à
l'éducation sur l'instruction ;
Les programmes et les méthodes doivent être
adaptés au milieu indigène ;
L'enseignement doit se faire en langues indigènes. Le
but de l'école étant purement utilitaire, une langue
européenne, en l'occurrence le français, n'est jugée
nécessaire que si l'indigène est appelé à
travailler en étroit contact avec les Européens ;
Organiser un enseignement de masse c.à.d. qui cherche
à toucher un grand nombre d'enfants possible ; la formation d'un
important corps d'enseignants ; la création de nombreuses
écoles normales, la multiplication des écoles primaires pour
garçons et pour filles ;
Collaborer avec les missions religieuses car « elles
répandent, avec les lumières de l'évangile, l'amour du non
Belge... »69(*)
Les résultats de la commission Louis FRANK permirent
d'élaborer les principes de base à l'organisation de
l'enseignement et de réaliser le programme de la scolarisation
massive.
Le projet d'orientation de l'Enseignement libre au Congo Belge
en 1924 :
Pour L. FRANK, il était vain de transporter en Afrique
l'organisation scolaire de Belgique. Les réalités du Congo
nécessitèrent une organisation scolaire spéciale,
judicieusement adaptée au milieu. C'est pourquoi, le but du
présent projet fut d'organiser un enseignement adapté au milieu
indigène.
L'organisation scolaire arrêtée à cette
réforme, prévit trois types d'écoles :
Ecole primaire du premier
degré, rurale ou urbaine où l'enseignement
littéraire est réduit à un minimum, et dont la
durée des cours est d'au moins deux ans. On y enseigne : religion
catholique, hygiène, jeux et exercices de groupe, exercices
d'écriture et de lecture de textes faciles dans les langues
régionales, arithmétique, géographie portant sur les
phénomènes naturels de région, sa configuration, sa faune
et sa flore, travaux manuels et ruraux.
Ecole primaire du deuxième
degré dans les centres européanisés.
L'enseignement littéraire y est plus développé, et
comporte normalement trois à quatre ans de cours. Les matières
suivantes furent prévues : Religion et morale, notions
d'hygiène, gymnastique et jeux organisés, exercices de lecture,
d'écriture et de rédaction en une des langues indigènes
(de la région : Lingala, Swahili, Kikongo, Tshiluba).
L'étude du français est obligatoire pour les écoles
situées dans les centres urbains, mais reste facultatif pour les autres
écoles. A ces écoles, on apprend aux jeunes garçons
l'arithmétique, la géographie, le dessin, les travaux manuels
professionnels (fabrication des briques, tuiles et poterie, travaux de
maçonnerie, charpenterie et menuiserie) et les pratiques des travaux de
culture. Pour les jeunes filles, s'ajoutent la couture, le lavage, le
repassage, la préparation des aliments, l'entretien d'une habitation.
Ecoles spéciales qui forment
des commis, des instituteurs et des artisans. La durée des cours est en
moyenne trois ans.
7. Nouveau programme de l'organisation de
l'enseignement libre au Congo, élaboré en 1938 :
Avec le concours des Sociétés de Missions
nationales, L. FRANK mit sur pied un nouveau programme de l'organisation de
l'enseignement au Congo ayant pour but de renforcer le programme des
disciplines de formation générale (langues indigènes et
française); mathématiques (arithmétique et système
métrique) ; l'agriculture et les métiers artisanaux.
La grande innovation apportée par cette réforme
fut la création, dans l'enseignement libre subsidié, d'une
6è année primaire destinée à
préparer les élèves à recevoir la formation
spécialisée des cours d'enseignement secondaire qu'ils sont
appelés à fréquenter ; l'approfondissement du
programme de l'école primaire et l'enseignement de tous les cours en
français, exceptées les leçons de la langue
indigène, la religion et les causeries générales.
Aux Ecoles spéciales où la formation se
donnait pendant trois ans, les matières suivantes étaient
dispensées :
Français : exercices de
grammaire, de lecture, de rédaction, et de conversation ;
arithmétique : règle de trois,
calcul de l'intérêt, établissement de compte et d'Etats,
tenue du livre... ;
Histoire : histoire de la mission de
colonisation ;
Géographie :
Tracé du plan.
Le programme des sections professionnelles comprenait :
Les travaux pratiques ; les cours dits d'éducation
générale (religion et morale, lecture, entretien et
rédaction sur l'hygiène, les travaux et les produits, les
phénomènes naturels, les questions d'ordre morale...).
8. La réforme de 1948 :
Dix ans après la réforme de 1938, L'aspiration
des masses congolaises à un niveau d'instruction plus
élevé se rapprochant davantage de l'enseignement pour blancs, se
fit sentir avec pression. En plus, la réalisation du plan
décennal obligea le gouvernement du Congo-Belge à concevoir un
programme d'enseignement qui devrait s'adapter au projet de modernisation,
à la mécanisation des installations minières, au
démarrage de l'industrialisation et à la politique du paysannat
après la 2è guerre mondiale. D'où, la
présente réforme poursuivit trois buts : primo, assurer aux
indigènes une formation de qualité et un niveau d'instruction
plus élevé ; secundo, répondre aux exigences du plan
décennal ; tertio, former une élite correspondante à
l'expansion industrielle.
Cette réforme a comme innovations à
l'école primaire: l'uniformisation du
programme et de l'organisation de l'enseignement au premier degré qui
dure deux ans ; le dédoublement du 2è
degré en enseignement soit ordinaire soit sélectionné
(c.à.d. il y a 2 catégories d'enseignement de
2è degré : le 2è degré
ordinaire (3ans) et le 2è degré
sélectionné (4 ans); la sélection des
élèves à la fin du premier degré permettant leur
orientation ; le deuxième degré ordinaire d'une
durée de trois ans est réservé aux élèves
qui auront été écartés par la sélection.
Ici, le français est obligatoirement enseigné comme une seconde
langue, l'agriculture et les métiers constituent les disciplines
principales du programme, elles occupent les 2/5 du temps d'enseignement.
Au 2è degré ordinaire, les
matières suivantes y furent dispensées : les leçons
de moralisation (la religion et les causeries éducatives),
l'éducation physique et le chant ; français :
conversations élémentaires ; vocabulaires usuels (noms,
adjectifs, verbes) concernant l'entourage des élèves ;
phraséologie simple ; Lecture, écriture, prononciation,
étude de mémoire de quelques textes dialogués.
L'on prévit au 2è degré
sélectionné, certaines leçons communes au 2è
degré ordinaire, telles que l'éducation physique et les
leçons de moralisation. Cependant, l'enseignement du français fut
plus développé ici et prévit quatre chapitres
importants : vocabulaire, élocution, lecture, orthographe,
grammaire et rédaction.
Par cette réforme, la structure de l'enseignement
post-primaire est double : l'école pour
la masse et l'école pour l'élite.
L'école pour la masse était
destinée à accueillir les élèves ayant
terminé avec succès tout ou une partie du degré ordinaire,
ces établissements sont destinés « à
valoriser les connaissances de certains éléments qui, bien
restant dans leur milieu, sont appelés à rendre des services
à la masse paysanne dans les domaines artisanal, administratif et
pédagogique »70(*).
Restant dans les limites de notre recherche, nous nous
limitons à présenter les finalités de chaque type des
écoles de la masse.
1. L'école d'auxiliaires : d'une
durée de deux ans, prépare des jeunes garçons à
exercer des emplois administratifs dans les circonscriptions indigènes
ou d'occuper des postes de petits commis de l'industrie et du commerce.
2. L'école ou cours d'apprentissage
pédagogique (E.A.P.) d'une durée de deux ans: est
organisée aussi bien pour les garçons que pour les filles. Elle
prépare des moniteurs et monitrices destinés à desservir
le premier degré des écoles rurales. La condition exigée
est que le candidat soit assez âgé pour pouvoir être mis en
charge d'une classe à l'issue de sa formation. Le programme comprend
deux volets : d'une part, la formation générale et manuelle
comprenant les branches suivantes : langues indigènes et
française, arithmétique et système métrique,
dessin, gymnastique, géographie, causeries éducatives,
leçons d'observation.
Un accent particulier est mis sur l'agriculture et les
métiers chez les garçons, sur les pratiques
ménagères chez les filles.
D'autre part, la formation pédagogique, strictement
pratique.
3. L'école d'aides-accoucheuses et l'école
ménagère : sont, par définition,
réservées aux jeunes filles. La première dure deux
ans ; sa méthode de formation est plutôt une sorte
d'apprentissage pratique dans des maternités et hôpitaux.
Cependant, la seconde dure 3 ans. Elle est l'aboutissement normal de
l'enseignement primaire féminin.
4. L'enseignement professionnel : comprend trois
genres d'écoles : les écoles artisanales (durent 2 ans et
forment des ouvriers non qualifiés dans les métiers du bois, du
fer et du bâtiment) ; les fermes-écoles (durent 2 ans et
sont dans le domaine agricole l'équivalent des écoles
d'apprentissage et artisanales) et les écoles professionnelles agricoles
(durent 2 à 3 ans. Elles ont pour but de former des moniteurs
agricoles, des capitas de cultures pour sociétés et Colons, des
fermiers).
L'école pour l'Elite : La
réforme de 1948 distingue pour l'élite, l'enseignement
post-primaire de cycle court (3 à 4 ans) de l'enseignement secondaire
proprement dit du cycle long (6 ans). Les programmes de celui-ci se rapprochent
de ceux de l'enseignement de secondaire belge ; on y a simplement
ajouté des cours de langues indigènes et des travaux manuels pour
une adaptation au milieu.
Eu égard aux instructions officielles, l'enseignement
secondaire congolais se fixa les objectifs suivants : « a.
Assurer aux élèves une bonne formation
générale ; b. donner à la majorité des
élèves une bonne formation telle qu'elle permette d'occuper des
emplois intellectuels intéressants à l'issue de leurs six
années d'études moyennes ; c. préparer un choix
d'élèves aptes à s'assimiler avec fruit, après
leurs études moyennes un enseignement supérieur de
développement modeste tel que la situation actuelle permet
déjà de le concevoir ; d. Préparer un choix
d'élèves à l'enseignement universitaire qui devra se
créer au Congo dès que les circonstances le
permettront »71(*).
Avec cette réforme, il eut une importante
évolution dans la politique des subsides scolaires.
« Après la seconde guerre mondiale, les Missionnaires
protestants ont réussi à faire subsidier leurs écoles. En
outre, le ministère des Colonies a été occupé,
durant la période 1946-1947 par le socialiste Golding qui a
trouvé une occasion favorable de briser le monopole catholique dans le
domaine des subsides scolaires au Congo »72(*).
Trois buts généraux de l'enseignement à
l'école primaire furent donc définis : dispenser
l'instruction et l'éducation à la généralité
de la jeunesse indigène ; dispenser un enseignement qui
prépare tous les indigènes à vivre selon leur génie
propre, soit dans le milieu ancestral, soit en dehors de ce milieu ;
dispenser un enseignement qui prépare l'Elite.
En effet, la réalisation de ces trois buts
n'était possible qu'en tenant compte de la nécessité
d'adapter l'action scolaire aux conditions du milieu et aux exigences de la
colonisation, comme aussi aux possibilités et aux aspirations
légitime de l'indigène.
9. L'Addendum à la réforme de
1948 :
La réforme de 1948 a été la plus
importante et la plus déterminante que l'enseignement colonial ait
connue. Elle cherchait à perfectionner au mieux le principe de
l'adaptation de l'enseignement colonial et en privilégiant le
caractère utilitaire de celui-ci. Elle était également
dans l'obligation de tenir compte des facteurs nouveaux : d'une part, les
revendications des « évolués » et d'autre, le
courant international en faveur de l'émancipation culturelle et
politique des peuples opprimés. A ces facteurs s'ajoutent les
nécessités propres de la colonisation belge et, les besoins
créés par le plan Décennal élaboré à
la même époque.
Ces facteurs ont amené les responsables coloniaux
à dispenser une formation générale de plus en plus
étendue et à envisager un système d'enseignement qui
serait couronné dans un avenir proche par un niveau universitaire qui
était inconcevable quelques années auparavant.
La sélection des élèves est
réorganisée dès 1952 et accorde plus de souplesse dans le
passage du degré ordinaire au degré sélectionné.
L'enseignement dit de la masse sera de plus en plus
abandonné au profit de l'enseignement dit de l'élite. Celui-ci se
rapproche toujours davantage du système belge. C'est donc la tendance de
la généralisation de l'enseignement métropolitain.
10. Création des groupes scolaires laïcs
en 1954 :
En avril 1954, une coalition des libéraux et
socialistes forme un gouvernement à Bruxelles sous la présidence
de M. Achille VAN ACKER. Le libéral Auguste BUISSERET nommé
Ministre des colonies, remplit son cabinet d'éléments
anticléricaux. L'action Auguste BUISSERET portera essentiellement sur
l'enseignement. Aussitôt installé au Ministère des
Colonies, A. BUISSERET dépêche au Congo une « Mission
Pédagogique » de trois membres (Coulon, Deheyn et Renson)
chargés d'enquêter sur la situation scolaire de la colonie. Le
but de cette mission est de jeter les bases de la réforme qui devraient
mettre fin au monopole missionnaire en matière d'enseignement, en
accélérant le développement de l'enseignement officiel
laïque au Congo.
La mission Pédagogique a formulé maintes
critiques notamment sur les programmes et les structures de l'enseignement, la
formation des enseignants, la qualité du matériel et de manuels
utilisés, les conditions de travail des élèves, la
répartition géographique des écoles, la non qualification
des missionnaires pour les fonctions d'enseignants qu'ils occupent, etc.
La mission présente le Congo Belge comme le dernier
« Etat Théocratique » tant le monde missionnaire y
détient une domination à la fois spirituelle et politique que
jamais connue depuis le Moyen âge.
C'est sur base de ce rapport que le Ministre des Colonies
mène son action scolaire au Congo.
Ainsi, dès 1954, le Ministre BUISSERET crée des
« groupes scolaires laïcs » pour Noirs dans les quatre
grandes villes du pays : Léopoldville, Luluabourg, Stanleyville et
Elisabethville. En 1955, d'autres groupes scolaires sont créés
à Lodja, Bukavu, Coquilhatville et Jadoville.
Par « école officielle
congréganiste », il faut entendre toute école
subventionnée par l'Etat et gérée par une
congrégation des missionnaires. Ceci montre qu'une parfaite
collaboration a été réalisée entre l'Etat et
l'Eglise dans le domaine scolaire pendant la colonisation. Cependant, une
école « officielle laïque » est celle où
aucune moindre considération confessionnelle et religieuse n'intervient.
Les Congolais eux-mêmes ont encouragé les
écoles officielles laïques. Celles-ci connaissent, en effet, un
succès retentissant auprès des Noirs malgré les menaces
dont ils sont objet. Ce qui motive les Noirs, c'est la joie d'avoir de
nouvelles possibilités d'étudier ; il faut ajouter aussi
l'attrait du nouveau, le prestige de l'Etat, la présence d'instituteurs
laïques blancs, les frustrations et les déceptions causées
par des pratiques courantes dans l'enseignement missionnaire, et surtout la
généralisation de l'enseignement en français.
Disons en passant qu'en 1962, l'on ajouta la septième
année primaire. Cette année supplémentaire fut
supprimée en 1963.
Après ce tour d'horizon où nous venons de
présenter dix réformes de l'enseignement pendant la colonisation,
il sied de conclure que, le développement de l'enseignement au Congo
était l'une de grandes préoccupations de l'autorité
coloniale.
Toute modification de programme d'enseignement était
surtout fonction de l'évolution des réalités
socio-économiques de la colonie.
En effet, voyons comment l'organisation de l'enseignement a
évolué après la colonisation avant de procéder
à l'analyse critique de différentes réformes.
II.2.2. Les réformes de
l'enseignement après l'indépendance:
Après le 30 Juin 1960, date marquant
l'indépendance de la RDC, le secteur de l'enseignement était
encore sous la gestion de la plupart des expatriés, tant religieux que
laïcs. Au fil du temps, les nationaux ont pris progressivement la
relève. Voyons dans les lignes qui suivent, les réformes de
l'enseignement qui ont attiré notre attention lors de nos
investigations.
1. La réforme de 1961 :
Dans le but de former des cadres moyens et supérieurs,
une commission de l'enseignement secondaire fut mise en place en février
1961. Les travaux de ladite commission débouchèrent sur la
division de l'enseignement secondaire en deux volets : un cycle
d'orientation comprenant deux ans et quatre années de formation à
sections spécialisées.
Il fut décidé d'imposer le français
comme unique langue d'enseignement au degré primaire, de prolonger la
scolarité au niveau secondaire, d'aligner l'enseignement des filles sur
celui des garçons et d'ouvrir le contenu de l'enseignement aux
réalités culturelles africaines.
La nécessité de former des enseignants
qualifiés pour les classes du cycle d'orientation, obligea l'ouverture
des Instituts Supérieurs Pédagogiques (ISP). Ainsi, le bureau de
l'enseignement catholique se lança dans la création des ISP
à Kinshasa en 1961, à Boma en 1963(l'institut fut
transféré à Mbanza-Ngungu), à Bukavu en 1965,
à Kikwit et Lubumbashi en 1966, à Bunia et Mbuji-Mayi en
196873(*).
2. La réforme de 1971 :
De l'indépendance de la RDC jusqu'en 1971,
l'enseignement supérieur fonctionnait selon un schéma
tracé par le colonisateur et pour son intérêt. On ne
cessait de déplorer l'inadaptation des méthodes d'enseignement,
des programmes, des structures d'enseignement et des contenus des cours par
rapport aux étudiants et l'inadéquation de la formation
donnée par rapport aux besoins de la société.
Ainsi, la réforme de 1971 a consisté
essentiellement en l'unification de l'enseignement supérieur dans une
seule université (Université Nationale du Zaïre)
supervisée par un seul recteur. Cette unification s'est
accompagnée de l'élaboration de nouveaux programmes
d'études et de l'organisation des études en trois cycles
d'enseignement (le graduat en trois ans, la licence en deux ans et le
doctorat). Pour faire face aux besoins des sociétés locales,
l'Etat créa d'autres instituts supérieurs, notamment l'Institut
Supérieur des Techniques Appliquées (ISTA), l'Institut
Supérieur de la Statistique (ISS), l'Institut Supérieur d'Etudes
Agronomiques (ISEA), l'Institut Supérieur de Commerce (ISC), etc.
Cette réforme augmenta sensiblement des effectifs des
étudiants.
3. La réforme de 1981:
L'unification de l'enseignement supérieur dans une
seule université (UNAZA) n'eut pas d'impact significatif positif sur la
qualité de l'enseignement tant recherchée par les Congolais
depuis la fin de la colonisation. L'enseignement universitaire était
encore marqué par les maux décriés avant la réforme
de 1971, notamment : la difficulté d'entreprendre des recherches
axées sur des solutions des problèmes de la société
et l'inadéquation entre la formation universitaire et le monde
d'emplois.
En effet, cette réforme apporta des changements
administratifs qui consistèrent essentiellement à instaurer
l'autonomie de gestion au sein de chaque établissement d'enseignement
supérieur et universitaire.
4. Les états généraux de
l'éducation en 1996 :
Consécutifs à la Conférence Nationale
Souveraine (1992), les États Généraux de
l'Éducation procédèrent à l'élaboration d'un
nouveau système éducatif visant à pallier les
insuffisances des réformes précédentes. En effet, la
singularité de cette réforme fut l'adoption d'un système
de gestion participatif au sein du système éducatif national.
5. La réforme de 2003:
La nécessité de se mettre au pas avec les pairs
africains, à la mondialisation et à la nouvelle donne politique,
d'une part, et les revendications des acteurs principaux de l'éducation
(étudiants, enseignants, administratifs) sur l'amélioration des
programmes d'enseignement, d'autre part, obligèrent les autorités
congolaises à améliorer le système éducatif.
Ainsi, la présente réforme est intervenue au
cours de l'année académique 2003-2004 et a concerné le
statut de certaines institutions, les programmes de formation et l'organisation
des études.
Notons que par cette réforme, certaines institutions
ont ainsi vu leur statut modifié, tels sont les cas de l'Institut
Pédagogique National (IPN) de Kinshasa devenu Université
Pédagogique Nationale (UPN), l'Institut Supérieur
Pédagogique (ISP) de Bukavu, devenu Université Pédagogique
de Bukavu (UPB).
Modifiant le programme d'enseignement, faisons remarquer que
cette réforme a introduit des disciplines telles que l'informatique et
l'éducation à la citoyenneté dans toutes les
facultés et instituts supérieurs. La réforme a, par
ailleurs, institué certaines filières de formation dans la
plupart des institutions.
6. Le pacte de modernisation de
l'enseignement :
Le pacte de modernisation de l'enseignement supérieur
et universitaire (PADEM74(*)) est une initiative qui s'est inscrite dans la
nouvelle vision holistique d'une société en situation post
conflit confrontée aux vicissitudes et effets pervers des guerres. Le
PADEM prend en compte les programmes d'enseignement, les structures de gestion
des établissements, la politique éducative, la carte
universitaire ainsi que l'environnement social de travail et d'étude
à l'université.
Sur cette base, on peut définir les objectifs du PADEM
de la manière suivante : réformer et moderniser le
système de l'ESU ; revaloriser la profession et la carrière
enseignante ; faire de l'université un véritable centre de
l'excellence.
Cet accord conclu entre l'élite intellectuelle
congolaise est qualifié de pacte parce qu'il s'agit d'un recours
à un partenariat basé sur le consensus social et dénote
une volonté politique engagée.
Ainsi, pour s'assurer de la refondation de l'ESU, il a
été organisé une concertation des spécialistes par
la table ronde réunissant les universités congolaises à
Lubumbashi, du 1er au 13 septembre. Les résolutions de
celle-ci furent validées par une table ronde plus large convoquée
à Kinshasa du 29 au 30 octobre 2003.
Les principes qui régissent le PADEM portent sur la
prise en compte du progrès de la science et des mutations sociales, la
promotion de la créativité et de l'esprit critique, la
définition des objectifs pédagogiques, et du contenu minimal de
chaque matière, la détermination de la liste minimale des
matières, le regroupement des cours séparés ne constituant
qu'une seule matière, la prise en compte de la cohérence et de
l'équilibre entre les matières retenues, etc.
Dans l'actif du PADEM on peut aligner les
réalisations suivantes : l'unification du calendrier
académique, le lancement de nouveaux programmes et leur mise en oeuvre,
l'amélioration des conditions salariales des enseignants,
l'assainissement du secteur privé de l'ESU par la fermeture
d'établissements non viables et la relance de la coopération
bilatérale et multilatérale.
Le PADEM attend des résultats au niveau du
renforcement des capacités institutionnelles des établissements
de l'ESSU, du renouvellement du corps enseignant, notamment par la
transformation des certains établissements en universités
à part entière, de l'adoption de la technique de l'enseignement
à distance, de la réhabilitation des infrastructures, de la
construction de nouveaux locaux et de l'équipement.
A côté de toutes les bonnes intentions
exprimées par le PADEM, sa mise en oeuvre pourra être efficace
lorsqu'on porte une attention particulière sur :
la consultation plus importante du monde du travail et la
prise en compte des réalités de ce monde ;
le dérapage, spécialement en ce qui concerne la
carte universitaire : les politiciens risquent de se lancer dans une
nouvelle forme de la politique « d'essaimage » des
établissements de triste mémoires ;
le déploiement de la carte universitaire qui doit tenir
compte des ressources humaines, surtout des enseignants qualifiés. C'est
pourquoi, cette mise en oeuvre doit être progressive et planifiée.
Il faudra éviter toute précipitation
inconsidérée ;
les établissements de l'ESU qui ont été
fermés et qui n'ont pas été suivis. Certains ont
continué à fonctionner dans l'illégalité. Il faut
donc renforcer les moyens de contrôle et de suivi ;
les mécanismes de réunir des moyens importants,
il faut d'une part imaginer des stratégies de financement pour la
modernisation des équipements et d'autre part, obtenir du gouvernement
des facilités douanières (exonération) sur les dons ou
importations des équipements et autres biens destinés à
l'ESU ;
la promotion de la recherche scientifique et des
activités de production en vue de l'autofinancement.
Tout compte fait, le PADEM ne doit pas évoluer en marge
de l'EPSP. Il faut que les deux secteurs s'harmonisent. La modernisation de
l'ESU sans une modernisation concomitante de l'EPSP ne peut pas porter des
fruits durables.
Bien que les missions classiques de l'ESU soient connues
(enseignement, recherche et service à la collectivité), il y a
lieu, compte tenu de la situation de notre pays, d'étudier les
possibilités d'utilisation des diplômés universitaires.
Il faut revoir avec attention, les critères de
nomination et mandats des autorités académiques, l'efficience du
système universitaire, notamment les contenus des cours, les
méthodes d'enseignement et d'apprentissage, les procédures
d'évaluation des étudiants, la valorisation de la recherche
scientifique, la capitalisation des expériences positives de la
privatisation de l'ESU, leur accompagnement et leur soutien, la dynamisation de
la pédagogie universitaire, etc.
7. La réforme de 2007 :
Depuis l'instauration des examens d'Etat, la correction
desdits examens se faisait manuellement pendant plusieurs mois. Les potentiels
récipiendaires devaient attendre longtemps la publication des
résultats, jusqu'au point où, ceux qui réussissaient
avaient peu de probabilités de poursuivre immédiatement les
études supérieures ou universitaires. Ceux qui échouaient
éprouvaient également de la peine à reprendre la
sixième année sans marquer assez de mois d'arrêt.
En effet, pour palier à cette énorme
difficulté, l'expérience innovante la plus remarquable de la
réforme introduite en 2007, est la correction informatisée des
examens d'Etat. Cette nouvelle pratique permet de publier les résultats
dans un temps relativement réduit (plus ou moins quinze jours seulement
à dater de la fin des épreuves d'Eat).
8. La réforme de 2008 :
Par l'arrêté Ministériel
N°MINEPSP/CABMIN/03480/2008 du 19/05/2008, il a été
décidé de renforcer la gouvernance et la gestion du
système éducatif, par la gestion numérisée des
informations du sous secteur de l'enseignement. Ainsi, le Ministère de
l'EPSP, s'est doté d'un site web et des antennes VSAT (Very Small
Aperture Terminal) autrement dit, Terminal à Ouverture Très
Petite, dans chaque chef lieu des Provinces.
Ces VSAT sont des stations légères dotées
d'antennes paraboliques d'environ un mètre de diamètre et qui
forment un réseau efficace pour l'échange des informations.
Il faut noter également, qu'au courant de la même
année, il a été décidé, par
l'arrêté ministériel N°MINEPSP/CABMIN/0310/2008 du
24/09/2008, l'installation des comités des élèves au sein
des établissements scolaires.
Par cette décision, l'autorité a voulu remettre
l'élève au centre de son éducation à le faisant
participer à la prise de certaines décisions qui engagent sa
formation.
III.3. ANALYSE CRITIQUE DES
REFORMES PEDAGOGIQUES
Pour nous, toute réforme de l'enseignement ne doit
pas s'arrêter à s'interroger seulement sur des aspects
pédagogiques ; il faut également, et surtout, approfondir
les enjeux organisationnels et sociopolitiques pour son efficacité. A
cet effet, avant d'envisager les voies de sortie pour la conception d'une
réforme efficiente et adaptée aux besoins de l'heure, cette
partie porte un oeil critique sur les différentes réformes
pédagogiques ci haut présentées. Nous y dégageons
d'abord les points forts avant de relever des faiblesses, par la suite.
III.3.1. Aspects positifs:
Le concordat de 1906 a le mérite d'avoir accordé
aux missions plus de terrains et, en conséquence, plus de
facilité de multiplier des chapelles ayant servi subsidiairement
d'embryons scolaires.
La systématisation de l'enseignement en 1908
dévoile le caractère utilitaire que le colonisateur ne cessait de
donner à l'enseignement. Les programmes d'étude étaient
conçus et adaptés aux besoins et impératifs du moment.
La qualité louable du plan d'extension de
l'enseignement en 1909 est d'avoir créé dans chaque district, au
moins une école agréée et subsidiée par
l'Etat. Ajoutons à cela l'intérêt particulier donné
par exemple à la leçon de Géographie dans
laquelle on apprend aux noirs l'étude du Congo profond tels que le
village, la région, les richesses du milieu, ... ; à la
leçon d'Histoire on insiste sur les événements
qui s'étaient déroulés dans la région, les
étapes de la colonisation... ; à la leçon de la
langue lingala où l'on apprend la notion de grammaire, de
conjugaison élémentaire, etc.
L'élargissement de programme d'enseignement en 1912
poursuivit le but de remplacer le personnel subalterne blanc par des
indigènes instruits et dotés d'une culture
générale. C'est pourquoi l'enseignement connut une
évolution en gardant une orientation professionnelle. Avouons que
certaines disciplines furent approfondies telles que le français, le
calcul, la géographie, l'histoire. On nota également
l'apparition des sciences et d'hygiène dans le programme.
Les résultats de la grande enquête sur
l'enseignement menée de 1916 à 1918 conduisirent à
l'élaboration d'un nouveau programme d'enseignement à la
satisfaction du patronat et de l'administration. Ajoutons le fait que cette
enquête soit adressée aussi aux entreprises privées et
l'Administration montre que le Gouvernement entend bien organiser
l'enseignement en fonction de leurs besoins.
Les résultats des travaux de la commission L. FRANK, en
1922, ont le mérite d'avoir mis sur pied des principes de base à
l'organisation de l'enseignement et d'avoir réalisé le programme
de la scolarisation massive.
En organisant un enseignement de masse, le colonisateur a
touché un grand nombre d'enfants possible ; il a formé un
important corps d'enseignants ; il a créé de nombreuses
écoles normales, et multiplié des écoles primaires pour
garçons et pour filles.
Un autre point fort de cette réforme consiste aux
subsides donnés par le Gouvernement aux seules écoles des
missions nationales Belges, car l'enseignement et
l'évangélisation tendent au même but et marchent de pair.
La subvention du réseau scolaire missionnaire permit un
considérable développement quantitatif de celui-ci.
Faisons remarquer qu'au-delà d'un simple
problème pédagogique, la question de langues, soit comme
matière, soit comme véhicule de l'enseignement, n'a cessé
de préoccuper le colonisateur. L'enseignement se donna,
généralement, en langues indigènes en vue de favoriser la
compréhension.
Le projet d'orientation de l'Enseignement libre au Congo Belge
en 1924 rechercha à organiser un enseignement adapté davantage
au milieu indigène.
Avec le concours des Sociétés de Missions
nationales, le Ministre de colonie, L. Frank constata qu'il était vain
de transporter en Afrique l'organisation scolaire de Belgique. Le
Congo appela une organisation scolaire spéciale, judicieusement
adaptée au milieu qui prévit trois types d'écoles :
école primaire du premier degré, école primaire du
deuxième degré (prépare les élèves à
la fois à un enseignement plus avancé, à la vie paysanne
et à entrer à l'école spéciale) et écoles
spéciales.
Ainsi, cette politique a hissé le Congo-Belge aux
premiers rangs des pays colonisés à propos du taux de
scolarisation ou d'alphabétisation.
Le nouveau programme de l'Organisation de l'enseignement libre
au Congo mis sur pied en 1938, apporte une grande innovation en créant,
dans l'enseignement libre subsidié, une 6è
année primaire destinée à préparer les
élèves à recevoir la formation spécialisée
des cours d'enseignement secondaire qu'ils sont appelés à
fréquenter. Ce programme accorde beaucoup d'importance à un
enseignement plus poussé de français, mathématique,
géographie et histoire. Cette reforme renforce aussi le programme de
deuxième degré de l'enseignement primaire. Par exemple,
l'étude des langues indigènes et du français s'enrichit
dès la 3è année primaire des cours de
rédaction, élocution, orthographe, vocabulaire, grammaire, etc.
En 5è primaire, certains cours tels que l'arithmétique
et la géographie peuvent se donner en français.
La réforme de 1948 est la plus déterminante de
l'époque coloniale, car elle a concouru à assurer aux
indigènes une formation de qualité et un niveau d'instruction
plus élevé en vue de répondre au plan décennal, et
de former une élite correspondante à l'expansion industrielle.
Ses structures et programmes sont restés en application même
après l'indépendance, malgré des retouches partielles qui
sont intervenues.
Les aspects positifs de cette réforme sont entre autres
le fait que le programme de l'école primaire soit uniformisé et
l'enseignement au premier degré soit donné désormais
pendant deux ans. On note également le dédoublement du 2è
degré en enseignement soit ordinaire soit sélectionné; la
sélection des élèves à la fin du premier
degré permettant leur orientation ; le deuxième
degré ordinaire d'une durée de trois ans est
réservé aux élèves qui auront été
écartés par la sélection. Ici, le français est
obligatoirement enseigné comme une seconde langue.
En fait, pour le colonisateur, rien ne servait à
encourager un grand nombre de jeunes à conquérir un
diplôme dont ils ne pourront se servir. D'où le nombre
d'élèves à admettre au deuxième degré
sélectionné, était déterminé en fonction
des possibilités de placements des élites formés.
En outre, cette réforme a le mérite d'avoir
jeté les bases d'un enseignement secondaire, dit des humanités,
qui ne s'inscrit plus dans l'utilitarisme étroit de l'école
coloniale. L'école primaire sélectionnée préparait
les élèves à cet enseignement.
En analysant cette réforme, nous nous sommes
aperçu qu'elle dessine une nouvelle orientation de l'adaptation de
l'enseignement. Elle accorde une importance à ce que les
élèves conservent un contact étroit avec gens et choses de
leur milieu.
Les programmes accentuent l'apprentissage des langues
indigènes à tous les niveaux d'enseignement. Une attention
particulière est portée à la formation de
« l'élite de la société
indigène » : « un enseignement uniquement
orienté dans le sens européen créerait une caste bien
instruite mais ignorante des réalités et des possibilités
culturelles et sociales de sa propre race. L'élite que nous formons doit
se qualifier du point de vue indigène comme sous l'angle de la
civilisation européenne. Cette observation de principe justifie
l'inscription, dans le programme de l'école secondaire, d'un cours
spéculatif des langues indigènes, complété dans les
classes supérieures, d'un cours systématique traitant de la
culture indigène, littérature, musique, art plastique, histoire,
manifestation folklorique, conception sociales diverses.75(*) »
En 1952, sous l'impulsion du Ministre de colonie, BUISSERET,
l'on rédigea un addendum à la réforme de 1948. Les aspects
louables de cet addendum sont l'organisation d'une formation
générale de plus en plus étendue ; la
prévision d'un système d'enseignement qui serait couronné
dans un avenir proche par un niveau universitaire qui était inconcevable
quelques années auparavant. A cela s'ajoute la souplesse
accordée à la sélection des élèves dans le
passage du degré ordinaire au degré
sélectionné ; l'abandon progressif de l'enseignement dit de
la masse au profit de l'enseignement dit de l'élite ; la
création des « groupes scolaires laïques »
pour Noirs dans les quatre grandes villes du pays : Léopoldville,
Luluabourg, Stanleyville et Elisabethville ainsi qu'en1955, la création
d'autres groupes scolaires à Lodja, Bukavu, Coquilhatville et Jadoville.
La réforme de 1961 a pour ponts forts : la
création du cycle d'orientation qui dure deux ans et permet aux experts
de l'éducation de guider les élèves par des conseils dans
les différents domaines de leur formation ; la création des
sections de formations spécialisées ; l'ouverture du
contenu de l'enseignement aux réalités culturelles
africaines ; la prolongation de la scolarité au niveau
secondaire ; l'alignement de l'enseignement des filles sur celui des
garçons et l'ouverture des Instituts Supérieurs
Pédagogiques (ISP) destinés à former des enseignants
qualifiés pour les classes du cycle d'orientation.
Depuis l'indépendance de la RDC jusqu'en 1971,
l'enseignement en général et l'enseignement supérieur en
particulier fonctionnait moyennant des réformes conçues par les
colonisateurs. En effet, la réforme de 1971 consista essentiellement en
l'unification de l'enseignement supérieur dans une seule
université (Université Nationale du Zaïre) supervisée
par un seul recteur. Cette unification s'est accompagnée de
l'élaboration des nouveaux programmes d'études et de
l'organisation des études en trois cycles d'enseignement (le graduat en
trois ans, la licence en deux ans et le doctorat). Cette réforme
entraîna l'augmentation sensible des effectifs des étudiants.
Les revers de l'unification de l'enseignement supérieur
dans une seule université incitèrent les autorités
congolaises à procéder aux nouveaux changements dans la gestion
des établissements d'enseignement supérieur. Ainsi, la
particularité et le point fort de la réforme de 1981 fut la
gestion autonome de chaque établissement d'enseignement supérieur
et universitaire.
En 1996, l'Etat congolais organisa les états
généraux de l'éducation, consécutifs aux
résolutions prises à la conférence nationale souveraine
afin de pallier à l'inefficacité des réformes
précédentes. C'est pourquoi, les états
généraux de l'éducation optèrent pour un
système de gestion participatif au sein du système
éducatif national.
En examinant la réforme de 2003, nous avons
relevé les aspects positifs ci après : la prise en compte
par l'Etat des revendications de tous les acteurs de l'enseignement
supérieur et universitaire, notamment les étudiants, les
enseignants, les administratifs et les parents. En élaborant les
nouveaux programmes, l'on avait pris en compte les avancées dans le
domaine des sciences et technologie, la nécessité de produire des
cadres épris de l'éthique. En effet, l'introduction dans le
programme des cours de l'informatique et de l'éducation à la
citoyenneté constitue une illustration éloquente.
L'étude approfondie du PADEM nous a permis de
dégager les points forts suivants : l'unification du calendrier
académique, le lancement de nouveaux programmes et leur mise en oeuvre,
l'amélioration des conditions salariales des enseignants,
l'assainissement du secteur privé de l'ESU par la fermeture
d'établissements non viables et la relance de la coopération
bilatérale et multilatérale.
Le point positif que nous avons retenu à la
réforme de 2007 est la correction informatisée des examens
d'Etat, permettant de publier les résultats dans un temps record.
Pour la réforme de 2008, nous avons retenu les
éléments louables suivants : la gestion
numérisée des informations en installant un réseau de
communication ; la création d'un site web permettant
d'accéder facilement aux informations du Ministère de
l'EPSP ; la création des comités des élèves au
sein des établissements scolaires favorisant l'implication active des
élèves à la prise des certaines décisions qui
concernent leur formation.
III.3.2. Aspects
négatifs :
Dans les lignes précédentes, nous venons de
présenter les points forts, majeurs de différentes
réformes pédagogiques analysées dans le cadre de notre
recherche. Ce point relève, pour sa part, des faiblesses les plus
considérables qui ont caractérisé ces réformes en
commençant par les plus lointaines jusqu'aux plus récentes.
Il sied de rappeler que le but du concordat de 1906
était de créer des écoles dirigées par les
missionnaires catholiques pour l'instruction des indigènes.
Deux tendances se développèrent au regard du but poursuivi
par les deux institutions, actrices principales de la colonisation: pour le
Saint-Siège Apostolique, le but était de favoriser la
diffusion méthodique du catholicisme au Congo tandis que pour le
gouvernement de l'E.I.C., c'était, plutôt la mission civilisatrice
des congolais. Cette « divergence » de vue fit que la
convention signée intéressât moins l'enseignement
lui-même que la politique religieuse de l'E.I.C. La partie essentielle du
programme comprit l'enseignement des langues nationales belges.
L'Etat refusa de donner aux missions une quelconque ressource
financière. A ce sujet, l'article 2 du concordat stipula
expressément que « chaque établissement de mission
s'engage, dans la mesure de ses ressources à créer une
école... »
L'évangélisation, et la formation d'un
personnel subalterne à l'administration, furent les buts poursuivis par
La systématisation de l'enseignement en 1908. L'enseignement fut donc
restreint et ramené dans des limites plus étroites de ce but. En
vue de développer l'administration et exploiter la colonie, les
écoles de l'Etat s'occupèrent de fournir les fonctionnaires
subalternes et les artisans dont l'administration eut besoin.
Les écoles des missions s'occupèrent
particulièrement de l'évangélisation, la formation de
catéchistes. On y enseignait seulement quelques notions agricoles et
professionnelles. Cette restriction systématique de l'enseignement est
un aspect négatif majeur qui a caractérisé ce changement
pédagogique planifié, non dans le but de former le Congolais pour
son épanouissement, plutôt, en vue d'exploiter
méthodiquement la colonie.
Le Plan d'extension de l'enseignement élaboré en
1909 créa dans chaque district, au moins une école
agréée et subsidiée par l'Etat. Le programme
d'enseignement eut un caractère d'un enseignement utilitaire dont la
tendance fut essentiellement professionnelle.
Le programme d'enseignement n'étant pas
uniformisé dans toute la colonie, l'on développa un enseignement
de type littéraire un peu plus poussé (ici l'enseignement
professionnel forme des futurs clercs) dans les grands centres administratifs
et commerciaux.
Néanmoins, l'on accorda la primauté aux
activités manuelles (qui prédisposaient les élèves
aux métiers d'artisans et d'agriculteurs) dans des centres moins
importants. La nette différence d'enseignement des villes et celui des
campagnes eut pour corolaire, chaque école eut la latitude de mettre en
oeuvre un programme d'enseignement de son choix. Ajoutons qu'au regard du but
éducatif poursuivi, ces nouveaux programmes
considérèrent que, dans le cadre du cours de Géographie
par exemple, l'étude des autres parties du monde fut inutile. En
histoire, il ne servait à rien d'apprendre aux élèves
autres connaissances historiques que « insister seulement sur les
événements qui s'étaient déroulés dans la
région, brosser les étapes de la colonisation... ».
Constatons-nous avec regret que ces programmes
bafouèrent la nécessité de doter les élèves
d'une culture générale.
La nécessité de remplacer le personnel
subalterne blanc par des indigènes instruits et dotés d'un bagage
intellectuel suffisant, incita les autorités du gouvernement du Congo
Belge à élargir le programme d'enseignement en 1912. Cependant,
le choix du contenu d'un enseignement fut un choix éminemment politique.
Jusqu'ici, l'éducation en tant que formation humaine et
développement de la personnalité n'avait jamais
été envisagée.
Les différentes écoles ne constituèrent
pas véritablement un système d'enseignement, elles ne
furent que des unités séparées, s'inspirant d'un
même esprit, mais leurs liens restèrent encore informels.
L'enquête organisée par le Gouvernement du Congo
Belge de 1916 à 1918 sur l'enseignement s'était adressée
aussi aux entreprises privées et l'Administration. Cela montre
que le Gouvernement entendait bien organiser l'enseignement en fonction de
leurs besoins. En revanche, nous constatons curieusement qu'aucune question n'a
été réservée aux premiers des
intéressés, c'est-à-dire les noirs eux-mêmes.
L'essentiel des questions posées lors de cette
enquête porta sur l'apprentissage de métiers manuels et
l'utilisation des élèves sur le marché de l'emploi. Les
qualifications à assurer et le contenu des programmes furent
déterminés en tenant uniquement compte des desiderata de
l'administration et du patronat. Malgré cette recherche, jusqu'ici, un
véritable système d'enseignement n'est fut pas encore
constitué ; les écoles demeurèrent des unités
séparées.
En 1922 la commission FRANCK élabora les principes de
base à l'organisation de l'enseignement et réalisa le programme
de la scolarisation massive.
Pour le colonisateur, le but de l'école étant
purement utilitaire, une langue européenne, en l'occurrence, le
français, n'est fut jugée nécessaire que si
l'indigène était appelé à travailler en
étroit contact avec les Européens. Cette commission décida
d'organiser l'enseignement en langues indigènes.
Ainsi, au-delà d'un simple problème
pédagogique, ce qui nous a paru curieux, la question de langues, soit
comme matière, soit comme véhicule de l'enseignement, rejoignit
aussi des préoccupations politiques. Voici ce qu'écrivit le
Ministre de Colonie : « ...un noir qui connais le
français devient facilement un déraciné : il se croit
rapidement l'égal du Blanc et même supérieur au
Blanc. Ces européanisés deviennent presque fatalement des
obstacles aux progrès de la civilisation ».76(*)
La faiblesse majeure du Projet d'orientation de l'Enseignement
libre mis sur pied en 1924 par Louis Franck avec le concours des
Sociétés de Missions nationales, réside au niveau
où les petites écoles implantées dans le pays n'aboutirent
à grand-chose sur le plan pédagogique. Elles manquaient,
généralement, des outils de nécessité tels que
crayons, craies, papiers, etc. Leur corps enseignant n'avait reçu aucune
autre formation que celle de catéchiste...ce qui explique que même
la discipline sur laquelle l'importance de premier ordre était
accordée, en l'occurrence la religion catholique, revient souvent
à un exercice de mémoire non compris ni assimilé.
Il y a lieu de dire que l'autorité coloniale eut
la crainte de voir surgir une élite susceptible de susciter ou de
conduire la prise de conscience des masses.
L'application du nouveau programme de l'Organisation de
l'enseignement libre au Congo conçu en 1938 recommanda que le
recrutement des élèves au troisième cycle, qui organise un
enseignement plus avancé, renvoie le surplus des élèves
demandeurs, si intelligents soient ils. Cependant, « l'on doit s'en
tenir au quorum exigé par les nécessités de
l'administration et des entreprises privées », exigeait le
Père MAUSS. Nous remarquons malheureusement, que c'est pour des
considérations d'ordre politique que l'on fit des capacités
intellectuelles des enfants et surtout de la demande sociale des masses en
matière d'enseignement. Illustrons la faiblesse de ce programme par un
cas concret : Aux sections normales (se
situaient dans des petits centres et postes) on y formait des instituteurs
qui « ...étaient des agents qui devaient nourrir et
véhiculer l'idéologie coloniale et se constituer, sans le savoir,
les remparts de l'ordre colonial établi. L'instituteur noir devrait
être l'incarnation du Noir colonisé parfait. »
Sous prétexte d'amener le jeune normalien
à bien connaître toutes les matières qu'il devra enseigner
plus tard, le programme condamna celui-ci à ne connaître que ces
matières et fit ainsi de l'école normale une simple école
primaire « approfondie ».
Dans une instruction officielle du Ministre de colonie, L.
Franck, dit « ...le futur instituteur ne doit pas posséder une
grande somme de connaissances mais il est absolument indispensable qu'il
connaisse à fond le peu qu'on lui aura appris »77(*)
Un autre point critiquable de ce nouveau programme est le fait
que l'enseignement ait été géré par deux
institutions différentes (l'Etat et les missions) n'ayant pas la
même vision sur les critères de sélection des normaliens.
Des contradictions apparaissaient au niveau du recrutement.
Pour l'Etat, ce sont les dispositions intellectuelles des candidats
normaliens (les doués) qui constituaient le critère de
sélection pour la formation des instituteurs ; tandis que pour les
missionnaires chargés de l'exécution de ces directives, ce sont,
plutôt les qualités morales qui comptaient pour la
formation des catéchistes. Curieusement, c'est cette dernière
opinion qui a prévalu.
L'enseignement du français n'avait que deux heures par
jour pour éviter que les normaliens maîtrisassent la langue,
« source de vanité ».
Terminons les aspects négatifs de cette réforme
en relevant que la politique scolaire élaborée devait aboutir
à une pyramide caractérisée par une base très large
et un sommet effilé. Le tableau 14 le montre.
Tableau N°14 Statistiques scolaires
I. RESEAU OFFICIEL
|
1929
|
1939
|
1944
|
Nombre d'écoles
|
|
primaires
|
9
|
7
|
6
|
moyennes
|
4
|
4
|
3
|
Nombre d'élèves
|
|
écoles primaires
|
2 968
|
3 624
|
2 934
|
écoles moyennes
|
72
|
282
|
257
|
écoles professionnelles
|
576
|
102
|
96
|
Diplômés post-primaires
|
143
|
102
|
96
|
II. RESEAU SUBSIDIE
|
|
Nombre d'écoles
|
|
1er degré
|
2 532
|
4 446
|
5 020
|
2ème degré
|
163
|
640
|
839
|
6éme préparatoire
|
-
|
-
|
44
|
normales
|
16
|
34
|
37
|
moyennes
|
2
|
6
|
11
|
professionnelles
|
5
|
3
|
8
|
ménagères
|
4
|
17
|
26
|
Nombre d'élèves
|
|
1er degré
|
119 563
|
195 401
|
243 918
|
2ème degré
|
8 162
|
47 980
|
65 840
|
6éme préparatoire
|
-
|
-
|
1 630
|
normales
|
891
|
2 038
|
2 154
|
moyennes
|
49
|
331
|
624
|
professionnelles
|
133
|
181
|
366
|
ménagères
|
183
|
473
|
728
|
Diplômés post-primaires
|
175
|
503
|
549
|
Source: KITA KIANKENGE,
Op.Cit., p.192
A lisant attentivement ce tableau, on peut remarquer que dans
le réseau officiel, le nombre d'écoles, d'élèves et
de diplômes post-primaires diminuent de 1929 à 1944 alors que les
mêmes statistiques ont plus que doublé, dans le réseau
subsidié. Ceci montrerait que, d'une part, la politique de subside des
écoles dirigées par les missionnaires a attiré la plupart
des élèves auxdites écoles au préjudice des
écoles officielles. D'autre part, cet état des choses
s'expliquerait par le fait que, l'Etat commençait à limiter son
intervention financière aux écoles publiques (officielles).
La réforme de 1948 visant à assurer aux
indigènes une formation de qualité et un niveau d'instruction
plus élevé, manifesta les faiblesses suivantes :
Primo, la formation générale offerte aux
indigènes par le colonisateur n'avait pas été faite avec
générosité mais plutôt elle avait
été concédée par nécessité
impérieuse. S'il fallait que les paysans et artisans Congolais fussent
lettrés, il fallait que cela fit juste assez pour ce qu'on attendait
d'eux. A ce sujet, nous disons avec KITA que « le colonisateur a
donc développé une dialectique de la crainte et de la
nécessité »78(*)
Secundo, une comparaison des programmes de deux degrés
dégage un fossé immense qui sépare les deux
filières de formation (entre le 2è degré ordinaire et le
2è degré sélectionné). Les cours qui leur
étaient communs, étaient les leçons de moralisation (la
religion et les causeries éducatives), l'éducation physique et le
chant. Le second degré sélectionné
bénéficiait d'un net avantage en ce qui concernait toutes les
autres disciplines.
Nous prenons pour exemple l'enseignement du français.
Dans le second degré ordinaire, l'étude du français se
limitait aux notions élémentaires suivantes : Premiers
éléments du français parlé ; conversations
élémentaires ; vocabulaires usuels (noms, adjectifs, verbes)
concernant l'entourage des élèves ; phraséologie
simple ; Lecture, écriture, prononciation, étude de
mémoire de quelques textes dialogués.
Le second degré sélectionné,
développait, par contre, son enseignement du français en quatre
chapitres importants :
Vocabulaire, élocution et lecture; Orthographe;
Grammaire et Rédaction.
C'est seulement en agriculture et artisanat que le 2è
degré ordinaire l'emportait sur le sélectionné. Ce
dernier, en effet, ne consacrait qu'une heure par semaine au travail manuel qui
consistait généralement en l'entretien de l'école :
balayage, sarclage, etc.
Tertio, nous avons relevé une faiblesse importante
quant aux critères arrêtés pour effectuer la
sélection des élèves. Venons en d'abord auxdits
critères :
Les missionnaires chargés de la surveillance des
écoles élémentaires apprécient les qualités
morales et intellectuelles des élèves lors du
recrutement ;
Les élèves désignés passent un
examen d'entrée très sévère pour l'admission en
2è degré sélectionné ;
Les décisions prises sont soumises au
missionnaire-inspecteur, puis à l'inspecteur provincial en vue du
contrôle de l'importance des contingents ;
Les chiffres de ceux-ci devront être admis par le
Gouverneur de Province qui en référera au Gouverneur
Général en cas de divergence des vues avec l'autorité
missionnaire.
Eu égard à ce qui précède, il sied
de remettre en cause la validité pédagogique et la
faisabilité d'une pareille sélection opérée au bout
des deux premières années de l'enseignement primaire,
c'est-à-dire quand les élèves n'ont que 9 ou 10 ans au
maximum.
Pour nous, cet âge n'est ni pédagogiquement, ni
psychologiquement indiqué pour procéder à une orientation
aussi décisive. En outre, à cet âge, il est tôt et
difficile de déceler déjà chez les sujets aussi jeunes
toutes leurs aptitudes et potentialités intellectuelles. Ajoutons
également que les missionnaires qui n'avaient souvent aucune formation
psychopédagogique, n'avaient pas d'aptitude suffisante à
apprécier « les qualités intellectuelles »
des élèves.
A propos, le professeur P. COPPENS a raison de se demander si
l'on peut être capable « de discerner si un enfant de cet
âge doit être sélectionné ou non pour des
études poussées, qu'il ne pourra entreprendre que quatre ans plus
tard, d'après le projet. Il est à craindre que l'arbitraire et la
fantaisie la plus complète ne président à une
sélection de ce genre »79(*).
Quarto, une autre faiblesse accusée par ce mode de
sélection fut l'impossibilité matérielle de sa
réalisation. Nous avons fait voir ci haut que c'est le missionnaire qui
devait apprécier les qualités intellectuelles des
élèves du premier degré. Celui-ci était dans
l'impossibilité de le faire dans ses innombrables petites écoles
rurales qu'il ne visitait, au mieux, qu'une fois l'an.
Comme corolaire, il avait souvent tendance à
préférer les élèves de l'école centrale
qu'il connaissait aussi moins mal.
Il ressort clairement que l'orientation scolaire ainsi
pratiquée eut pour premier critère discriminatoire essentiel,
l'origine sociale et géographique des élèves.
Ainsi, les écueils dont nous venons de parler rendaient
pratiquement impossible l'application des instructions officielles concernant
cette orientation. KUMBATI R. rapporte les précisions suivantes
à ce sujet : « En 1949, huit vicariats seulement sur 29
avaient organisé la sélection pour 26 écoles avec
2 501 élèves. C'est surtout dans le Kisantu et le Kwango
où les Jésuites avaient déjà amorcé la
sélection.
En dehors de ces vicariats, les missionnaires ne se
conformaient qu'avec répugnance aux prescriptions de la nouvelle
réglementation à cause des difficultés qu'ils
rencontraient dans le mode d'application. En 1950, sur 919 écoles et
2610 classes existantes du 2è degré, on comptait 46 écoles
sélectionnées avec 129 classes.80(*)
Concernant l'organisation de l'enseignement post-primaire nous
retrouvons la même cloison étanche entre les deux filières
de l'enseignement : l'école pour la masse et l'école pour
l'élite. En effet, les élèves issus du degré
primaire ordinaire ne peuvent être admis que dans certaines écoles
post-primaires. Les autres étant réservées aux
diplômés du cycle primaire sélectionné. Tout compte
fait, la structure de l'enseignement post-primaire est à l'image de
celle de l'école primaire avec la plupart de ces faiblesses
déjà énumérées.
Remettons en mémoire que les faiblesses accusées
par le système de sélection des élèves dans le
passage d'un degré d'étude à un autre ainsi que la
nécessité de généraliser l'enseignement
métropolitain obligèrent BUISSERET, Ministre de colonie,
à faire rédiger un addendum à la réforme de 1948. A
côtés des qualités innombrables que nous avons
épinglées dans les pages précédentes cet addendum
accusa, à son tour les faiblesses suivantes :
La politique coloniale n'a pas encouragé la promotion
sociale en faveur de l'enseignement des filles. « Les jeunes filles
qui avaient terminé un cycle donné d'études
n'étaient pas utilisées de telle sorte qu'elles servent de
modèle ou d'exemples. Exception faites des rares enseignantes.
Donc, la réforme de 1948, n'a pas
développé l'enseignement pour filles à l'instar de celui
des garçons.
Nous faisons nôtre cette explication que N. XYDIAS donne
à l'écart entre la scolarisation des garçons et celle des
filles au Congo Belge : « On peut supposer que les
Blancs se sont occupés surtout de l'enseignement masculin, parce que les
garçons présentaient une main d'oeuvre en puissance
nécessaire au développement des entreprises commerciales de la
colonie (...) »81(*)
Cet état des choses s'explique également par la
carence du personnel enseignant. En effet l'esprit du Catholicisme Belge
s'opposait farouchement à toute sorte d'écoles mixtes, exception
faite des classes du premier degré. Pour les missionnaires Belges,
créer des écoles mixtes, c'est aller à coup sûr vers
des catastrophes sexuelles.
Seules les révérendes soeurs pouvaient s'occuper
des filles. L'on comprend que le nombre restreint des religieuses, ne pouvait
permettre une extension quantitative de l'enseignement féminin.
En plus, notre explication supplémentaire se rapporte,
non plus à la quantité de l'enseignement des filles mais à
la qualité.
Expliquer le sort fait à l'enseignement des filles par
les déficiences intellectuelles de celles-ci ou les contraintes de leur
milieu d'origine nous semble soit prouver qu'on n'a pas une vision globale et
objective des choses, soit être une démarche d'intoxication
idéologique visant à masquer les raisons
véritables :
Compte tenu du programme d'enseignement en vigueur, nous nous
sommes aperçu que l'enseignement européen bafouait et
combattait les valeurs culturelles traditionnelles du Congo Belge. Les
responsables coloniaux se méfiaient de l'influence coutumière. La
preuve en est que la plupart des programmes élaborés ne
prévoyaient l'étude des moeurs, coutumes ou cultures
indigènes : les enseignants autorisaient à en parler que
pour les dénigrer systématiquement.
Nous pouvons rappeler aussi que la première brochure
d'instructions officielles scolaires considérait que « le
milieu familial...exerce en Afrique une influence déprimante ... ;
(ses) préoccupations ...ne vont pas beaucoup au-delà des besoins
de la vie animale ; il ne constitue pas précisément un
milieu éducatif... »82(*)
C'est l'une des raisons principales de la primauté
accordée à « l'éducation » au
détriment de « l'instruction ». Un effort
était donc réalisé par les colonisateurs pour soustraire
l'enfant noir à l'influence néfaste du milieu indigène.
C'est dans ce cadre qu'il faut comprendre, entre autres, l'importance de
l'internant dans les écoles missionnaires.
En résumé, plusieurs aspects négatifs
soulèvent des critiques notamment sur les programmes et les structures
de l'enseignement, la formation des enseignants, la qualité du
matériel et des manuels utilisés, les conditions de travail des
élèves, la répartition géographique des
écoles, la non qualification des missionnaires pour les fonctions
d'enseignants qu'ils occupent, etc.
La réforme de 1961 a accusé certaines
faiblesses, notamment : l'imposition du français comme seule langue
d'enseignement au degré primaire ainsi que l'Insuffisance
d'enseignants et inspecteurs qualifiés.
La grande faiblesse de la réforme universitaire de 1971
est qu'elle ne s'était pas appuyée sur l'élaboration d'un
plan prévisionnel des domaines dans lesquels la formation des cadres
était la plus urgente et n'a pas ainsi permis de former des agents de
développement dont le pays avait besoin. La singularité de cette
réforme a plutôt été la forte politisation de
l'appareil universitaire qui, à l'instar des autres secteurs de la vie
nationale, a été un instrument de consolidation de
l'idéologie mobutiste.
La réforme de 1981 avait focalisé l'attention
plus sur les aspects administratifs que pédagogiques. C'est pour cela
qu'il n'avait pas apporté de changement qualitatif notable à
l'enseignement. L'enseignement supérieur et universitaire a
été marqués par les mêmes maux que ceux
décriés avant la réforme de 1971 notamment :
l'inadéquation entre la formation universitaire et le monde
d'emplois ; l'incapacité de former des agents de
développement national épris d'un sens aigu de nationalisme, de
conscience professionnelle, de respect des biens communs ; la
difficulté d'entreprendre des recherches axées sur des solutions
concrètes des problèmes de la société...
A ce sujet, VERHAEGEN constata, en 1986, que
« l'enseignement supérieur et universitaire au Zaïre
n'est pas en crise, il est plutôt en voie de disparition. La formation
dispensée dans ses instituts et facultés est tombée en
dessous du seuil qui permet de prétendre à une qualification
professionnelle ou scientifique du niveau supérieur. Il y a
déjà quelques années que l'enseignement supérieur
et universitaire ne produit plus de nouveaux savants, de nouveaux professeurs
ou de nouveaux chercheurs ; bientôt, il ne produira plus de nouveaux
universitaires »83(*).
Les Etats Généraux de l'Education avaient
opté, en 1996, pour un système de gestion participatif au sein du
système éducatif national. A côté du contenu
qualitatif du programme proposé, nous avons constaté que, la
faiblesse de ce projet est qu'il est resté inappliqué à
cause, nous semble-t-il, des soubresauts politiques qui ont plongé la
RDC dans la guerre de 1997 à l'an 2002.
Certes, la réforme de 2003 a apporté de
changements considérables, tant sur le plan statutaire de certaines
institutions d'enseignement supérieur et universitaire, que sur les
programmes d'études. Cependant, il convient de faire remarquer que des
préalables pédagogiques n'ont pas été
respectés, tels que l'accroissement du nombre des enseignants capables
d'assurer efficacement les enseignements et la formation pédagogique
continue de ceux-ci.
Une autre défaillance de cette réforme est
d'abord, qu'elle n'a pas été précédée par
des enquêtes pour cerner les attentes de la société
Congolaise ; ensuite, elle n'a pas cherché à obtenir une
forte implication des formateurs ; enfin, elle a été la
propre affaire du Ministère de l'enseignement supérieur et
universitaire.
En outre, du point de vue des infrastructures, avons-nous
relevé, une grande inadéquation entre les objectifs de la
réforme et les ressources matérielles et financières mises
en jeu, à telle point que les auditoires, les laboratoires, les
bibliothèques, etc n'ont pas été équipés en
conséquence.
A propos, nous disons avec
MOKONZI « Aujourd'hui donc, plus de deux décennies
après le propos de VERHAEGEN, la situation de l'enseignement
supérieur et universitaire en R.D.C. demeure sinon catastrophique, du
moins préoccupante : les institutions de l'E.S.U. se
caractérisent notamment par le manque d'enseignants, par l'inexistence
de bibliothèques et de laboratoires appropriés ainsi que par
l'élasticité des années académiques et par la
saturation des auditoires... »84(*)
Nous pensons ainsi que, pour nous, c'est de la peine perdue
de réformer l'enseignement supérieur et universitaire sans, en
amont, réformer l'enseignement primaire et secondaire sans, en aval,
créer des structures d'emplois susceptibles de résorber le
produit de l'université. Les concepteurs de cette réforme ne
devraient pas, non plus, oublier que l'enseignement supérieur et
universitaire n'est qu'un sous-système du grand système
éducatif du pays et doit, par conséquent, tenir compte des
réalités de la société globale.
Toute réforme pédagogique devra nourrir
l'ambition de promouvoir des potentialités spécifiques de chaque
région du pays. Comme dans la province du Katanga il y a assez de
minerais, l'enseignement devra concourir à la formation de
géologues. Tandis que l'enseignement au Maniema devra porter une
attention particulière sur la formation des agronomes devant
améliorer l'agriculture, des menuisiers devant fabriquer des meubles...
car la région est couverte de forêt et des terres arables.
De manière générale, le PADEM a
accusé les faiblesses suivantes : tentative de la politique
d'essaimage ; insuffisance du personnel enseignant qualifié ;
fonctionnement illégal des établissements d'enseignement
déjà fermés et insuffisance des moyens financiers
pour la mise en oeuvre des objectifs du PADEM.
Bien que l'informatisation procure plusieurs avantages dans
l'administration, sa mise en oeuvre efficace exige un temps suffisant
d'apprentissage. Nous constatons que plusieurs erreurs sont commises par les
élèves lors de remplissage des fiches et des copies d'examens.
Ces erreurs induisent certains élèves à l'échec,
même ceux qui s'appliquent mieux aux cours.
L'utilisation des nouvelles technologies introduite par la
réforme de 2008 a pour limites majeures : la difficulté
d'installer plusieurs antennes VSAT dans l'arrière pays, car elles
coûtent chères et leur maintenance exige la présence
permanente des techniciens de support.
En effet, le nombre d'antenne réduit aux seuls chefs
lieux des provinces, réduit considérablement l'échange
rapide des informations avec les établissements scolaires se trouvant
dans l'arrière pays.
En outre, la plupart des concernés (enseignants,
administratifs, élèves) n'ont pas des connaissances suffisantes
sur l'utilisation des outils informatiques.
Au terme de cette analyse critique, nous faisons voir qu'il y
a d'énormes difficultés pour réformer l'enseignement.
Conséquemment, nous voudrions attirer l'attention du lecteur de ce
mémoire sur le statut des variables pédagogiques que la plupart
des réformes analysées ambitionnaient de transformer.
Nombre de travaux portant sur l'analyse des réformes
pédagogiques ont tendance à interroger la pertinence des
propositions pédagogiques à partir d'un point de vue presque
strictement pédagogique. Dans une large mesure, les projets de
réforme pédagogique sont interrogés au regard d'une
théorie sur l'apprentissage ou d'indicateurs d'efficacité, sans
suffisamment prendre en compte la signification et les enjeux socioculturels
qui coexistent autour des pratiques pédagogiques.
Autrement dit, la réforme pédagogique devait
être interrogée non seulement à partir d'un point de vue
pédagogique (et dans cette perspective, sa faible efficacité est
largement démontrée), mais aussi au regard d'enjeux
organisationnels, politiques et socioculturels.
III.4. INTEGRATION DES
VALEURS TRADITIONNELLES CONGOLAISES
Pour une appréhension aisée
des valeurs traditionnelles à intégrer dans le système
éducatif moderne, nous nous sommes résolu de dresser d'abord un
inventaire des valeurs traditionnelles, tant individuelles que collectives.
Ensuite, étant donné que tout ce qui est traditionnel n'est pas
forcément bon à intégrer dans l'enseignement actuel, il
s'est avéré indispensable de faire une évaluation
rigoureuse des valeurs traditionnelles afin de dégager celles qui
s'accommodent aux réalités de l'heure et favorisent le
développement. Nous présentons, enfin, quelques stratégies
pour intégrer lesdites valeurs dans l'enseignement moderne.
III.4.1.INVENTAIRE DES VALEURS
TRADITIONNELLES:
Il n'est pas aisé de dresser un inventaire exhaustif
des valeurs traditionnelles d'un peuple comme le Lega, en dépit de son
unité légendaire.
L'intérêt d'un tel inventaire est que la
diffusion de ces valeurs dans les différentes tribus avoisinantes et
même éloignées, a engendré des configurations
spécifiques de la vie en société. Avec les mêmes
valeurs, l'histoire des Hommes de l'espace Lega et leurs conditions d'existence
ont pu composer pour chacun d'eux, une vision du monde qui a
déterminé un dynamisme distinct permettant de mettre en oeuvre
des moyens de domestication de l'espace et du temps, d' organisation des clans,
de la production, de la distribution de celle-ci, les moyens de réaliser
efficacement la cohésion des hommes en société, et de
transmettre de génération en génération cette
efficacité bénéfique des principes de l'action commune,
autrement dit, de solidarité.
De cette dynamique de l'histoire des hommes en l'espace Lega,
il est né des valeurs diverses, appelées traditionnelles
aujourd'hui, qu'elles soient sociales, morales, intellectuelles, spirituelle ou
esthétiques. Leur connaissance précise est fort précieuse
pour l'efficacité de l'éducation aujourd'hui.
Le peuple Lega, dans son histoire, a vécu selon des
valeurs diverses. En plus de celles que nous avons présentées au
premier chapitre de ce mémoire, il s'est avéré
indispensable de résumer pour l'essentiel, deux catégories de
valeurs : les valeurs individuelles où nous relevons
quatre vertus cardinales : le courage, l'honnêteté,
l'obéissance et l'honneur, et la valeur collective qu'est la
solidarité.
1. Les valeurs individuelles :
A. Le courage :
Dès le bas âge, on inculque à l'enfant,
surtout au jeune homme, à s'armer toujours de l'énergie morale
face au danger, à la souffrance ou aux difficultés de la vie. Le
courage, comme surpassement de la peur face au danger ou à une
quelconque action à mener, a toujours été
considéré, par le peuple Lega, comme la principale vertu
masculine.
L'initiation au courage est aussi faite, pour graver dans
l'esprit de jeune l'endurance, notamment à l'égard de la douleur
tant physique que morale. L'on incite le jeune à découvrir, le
long de sa vie, ce qu'il doit craindre et ce qu'il ne doit pas craindre. L'on
apprend au jeune guerrier Lega que le vrai courage est de vivre quand il faut
vivre et de mourir, seulement quand il le faut.
Faisons remarquer que le courage s'accompagne de l'effort qui
est une dépense de l'énergie et de volonté pour surmonter
une difficulté ou vaincre une résistance. Ici, il est
enseigné à tous de se contraindre en se consentant à faire
du sacrifice pour obtenir ce dont on a besoin pour soi-même et pour les
autres.
Ainsi, tous les jeunes, garçons et filles,
généralement du même âge, sont classés dans
des catégories séparées et hiérarchisées,
qu'on ne franchit qu'après avoir satisfait à des rites
d'initiation au cours desquels on fait l'apprentissage de son métier
d'homme ou de mère, en même temps qu'on reçoit
l'héritage moral et spirituel du groupe social.
Cette initiation s'accompagne de manifestations,
d'épreuves de valorisation et de mutilations physiques telles que la
circoncision. En règle générale l'accession de l'enfant
au monde des adultes se traduit par une cérémonie
particulière après avoir satisfait aux épreuves de
courage, d'effort et d'endurance.
B. L'honnêteté :
La conformité aux règles morales et sociales est
de stricte observance, surtout pour ce qui touche à la vie conjugale,
à l'argent et aux biens publics. Il est recommandé à tous
d'avoir des habitudes de la vertu, de la probité. Toute personne
malhonnête est sévèrement sanctionnée, parfois
interdite d'assumer certaines responsabilités au sein de la
communauté.
C. L'obéissance :
Dans la culture Lega, en particulier et la mentalité
africaine, en général, l'obéissance est moins une
démarche personnelle qu'une obligation sociale qu'on ne discute pas.
Cependant, en tant que démarche personnelle, l'obéissance est
motivée par la docilité aux aînés. La soumission
à toute personne plus âgée que soi (vieillards) est une
contrainte morale à laquelle tout le monde est voué à se
conformer. La structure clanique et l'initiation traditionnelle font que le
jeune homme ou la jeune fille soit contraint d'obéir parce qu'il le
faut, parce qu'il faut honorer la famille par sa bonne conduite même
quand on ignore ce pourquoi on doit vraiment obéir.
En effet, l'obéissance ne consiste pas ici à
faire ce qu'on aime mais à répondre à ce qui est
demandé par les ancêtres à travers les membres de la
communauté. Même quand on est seul, l'on doit éprouver le
besoin de se conformer à la volonté des aînés afin
de plaire à tous les membres de la communauté. Pour cultiver ce
genre d'obéissance, le peuple Lega apprend surtout aux jeunes, lors de
l'initiation, à se conduire dignement, en toute conscience, sans
forcément être obligé par qui que ce soit.
D. L'honneur :
Le peuple Lega considère l''honneur comme un lien entre
une personne et un groupe social qui lui donne son identité. L'honneur
se gagne par des actes admirés par la collectivité.
Pris dans ce sens, on réserve une marque de
vénération ou de considération à toute personne
qui se distingue positivement dans la communauté.
Consécutivement, dans les temps immémoriaux, l'honneur
était une forme d'
estime dont on faisait jouir
les combattants après le combat, comme une
récompense.
Dans la société traditionnelle Lega, l'atteinte
à la vertu d'une femme, par exemple, provoque des
crimes d'honneur
à l'encontre de celle-ci et (ou) de l'homme ayant porté atteinte
à son honneur, ayant enfreint le
code d'honneur de
la communauté.
Ainsi, le peuple Lega incite tous les membres de sa
communauté à avoir la fierté lorsqu'on adopte des
attitudes morales exemplaires envers soi-même et envers autrui.
2. Les valeurs collectives :
Outre le comportement individuel exigé au sein de la
société Lega, il est des attitudes collectives que l'on souhaite
poser pour la force de la communauté. Il s'agit, en
résumé, de la solidarité.
« Niligano nta tinilwe, tuligano u
atinilwe » (l'on a souvent peur d'affronter un groupe
d'individus qu'un individu isolé .Autrement dit, l'union fait la force)
est un adage force inculqué au peuple Lega pour défendre la
nécessité de la solidarité. La dépendance
réciproque des uns envers les autres fonde la cohésion de la
communauté.
La solidarité que nous défendons
d'intégrer dans l'enseignement moderne s'observe d'abord dans
l'appréhension de la famille, cellule de base de l'organisation sociale
africaine. Contrairement à l'Europe d'où est importé
l'enseignement moderne et où la famille se réduit au père
à la mère et aux enfants, la famille, chez le Lega en particulier
et le Congolais en général, est une communauté comprenant
non seulement toutes les personnes apparentées vivant sous le même
toit, mais également tous les parents éloignés et les
alliés.
Dans certains cas fréquents au Congo, la famille
comprend jusqu'aux étrangers qu'une longue existence commune a
assimilés au groupe de base. C'est pourquoi la parenté chez le
Lega, est beaucoup plus sociale que biologique.
Si certaines organisations sociales traditionnelles
congolaises perdent parfois leur essence et se confondent avec des
organisations modernes, « nos sociétés africaines
modernes gardent encore l'essentiel de ces structures anciennes
c'est-à-dire le sens communautaire dont le fondement aura
été le sens élevé du devoir de
solidarité collective, de chaleur et de fraternité
humaine, caractéristiques du Négro-africain cultivé au fil
de l'histoire dans une forme d'éducation où dès le jeune
âge, l'enfant est habitué à vivre dans une
société structurée en classes d'âge ou
fraternités d'Age85(*).
Pendant l'initiation, on enseigne aux jeunes le sens de la
sociabilité avec ce que cela comporte de sacrifices, de courage,
d'humilité, de solidarité et de fraternité humaines dans
une société essentiellement communautaire. L'on n'admet
aisément que les collègues de l'initiation démeurent unis,
pour la vie, par des liens de solidarité indissoluble. Comme
l'écrit Birago Diop, « une solidarité plus forte que
l'amour fraternel, plus tyrannique que l'amour paternel »86(*).
C'est pourquoi, marqué par cette éducation, le
Lega, comme l'Africain est généralement considéré
comme un socialiste par nature. Les sociologues et les ethnologues qui se sont
penchés sur la société africaine ont mis l'accent sur ce
trait dominant des sociétés africaines. L'individu ne se
définit pas en dehors du groupe. Le groupe et l'individu ne sont pas
deux réalités distinctes, mais une seule et même
réalité. L'individu se définit dans et par le groupe
auquel il appartient.
En comparant le socialisme occidental avec le socialisme
africain, il ressort clairement que le premier est un système
collectiviste sur le plan social ; une conquête de la
société sur l'individu, possède une structure
dichotomique élaborée à partir de constructions
doctrinales et use d'une technique reposant sur des lois, une
réglementation et des institutions écrites. En revanche, le
socialisme africain est fait d'un accord social et d'une manière
harmonieuse, complémentaire, on dirait un phénomène
naturel mettant l'accent sur l'intérêt collectif et la justice
sociale. C'est en outre, une insertion qui est participation de l'individu au
groupe social. Ainsi s'expliquent la nécessité et l'urgence
d'incorporer dans l'enseignement actuel cette richesse, cette
variété et cette permanence de la vie associative que l'on trouve
dans les sociétés africaines, singulièrement chez les
jeunes, ce qui est une forme élaborée de l'exercice de la
démocratie recherchée et aspiré par la plupart des
sociétés modernes.
Avant de clore cette partie de notre analyse,
intéressons-nous aussi à la manière dont ces vertus, ces
valeurs morales, sociales, se transmettaient de génération en
génération.
Outre le camp d'initiation, les cadres de l'éducation
traditionnelle pour les enfants et le partage d'expériences pour les
adultes sont, selon notre classement, au nombre de cinq et correspondent
à des périodes de la vie de l'être humain, il s'agit
de : la case parentale ; la cour intérieure de la
maison ; le barza à palabre (Lusu) ; la place
publique et la case (maison) de l'homme.
La case intéresse à la fois l'enfant
et l'adulte. On y acquiert la morale par la parole du vieillard comme par celle
du père. Dire bonjour à son père le matin en restant dans
la case, autour du feu, ce n'est pas seulement profiter de la chaleur du feu de
bois délicieuse en période de fraicheur par exemple, c'est
surtout écouter et apprendre. Le vieillard prodigue surtout des
connaissances ésotériques. C'est pourquoi à tout âge
l'homme vigoureux a intérêt à offrir au vieillard une
bûche pour se chauffer, il en résulte des paroles de sagesse, des
paroles ésotériques.
La cour intérieure de la maison est un abri de
la parole qui distrait, de la parole qui véhicule des valeurs morales,
intellectuelles, spirituelles et esthétiques, voire littéraires.
L'enfant entend des contes pour l'agrément des soirées mais aussi
pour son édification : il apprend les avantages des valeurs morales
et les malheurs vécus par les mauvaises personnes qui ont voulu ignorer
l'honneur et l'honnêteté, le courage et le sens de
l'effort.
La formation sous le barza (Lusu) à palabre,
embrasse tous les aspects de la vie. On y apprend la sagesse communautaire
à travers la corde de la sagesse (Mutanga). La chasse, la pêche,
l'entretien de son foyer, la guérilla, etc y sont enseignés et
procurent une expérience particulièrement éprouvante pour
le jeune. Celui-ci apprend également au barza l'endurance, le courage
de subir et de se taire, le sens de l'effort permanent et d'initiative
personnelle.
L'extension du programme d'éducation de jeune se fait
à partir des troisième et quatrième cadres : la
place publique est le lieu de la formation morale aussi, chaque membre
de la communauté étant impliqué dans le procès de
l'éducation.
Chacun est éducateur attentif du moins que lui et une
mère ni un père ne sauraient se plaindre de la rigueur des
corrections physiques. Et cela d'autant qu'à la formation morale
s'ajoute toujours dans ce cadre la formation technique, la réfection des
toits de chaume, des clôtures des maisons, des instruments divers
nécessaires à la maîtrise des bêtes et à la
vie du troupeau.
La case de l'homme, enfin consolide le savoir
technique déjà acquis et parfait l'assimilation consciente des
quatre vertus cardinales, fait de l'initié un homme accompli capable
d'être un membre de la société aussi producteur que les
autres, vivant intensément les valeurs intellectuelles, morales,
sociales, religieuses, esthétiques... qui sont solidaires de la vision
du monde dans sa société.
III. 4.2. EVALUATION DES
VALEURS TRADITIONNELLES
Nous serions incomplet et subjectif si nous
considérions toutes les pratiques de l'éducation traditionnelle
pour une panacée et si nous pensions qu'elles ne souffraient d'aucune
limitation. Raison pour laquelle, avant de proposer les stratégies
nécessaires pour leur intégration aisée, il nous est
indispensable d'en dégager les points forts (qualités) et les
points faibles.
Ainsi, l'évaluation dont il est question ici
procède d'abord à l'inventaire critique des valeurs
traditionnelles congolaises, en général, et Lega, plus
particulièrement, qui ont déterminé les comportements des
individus dans leurs pensées et dans leurs actions au fil de l'histoire.
Ces valeurs nous ont permis de dégager des orientations susceptibles
d'engendrer une dynamique éducative qui intègre nos valeurs
positives de civilisation.
Ensuite, nous relevons certaines imperfections dans nos
systèmes de valeurs, qui offrent la possibilité d'être
développées, réorientées, réajustées
et parfaites.
III.4.2.1 Points forts
a. Sélection objective des
formateurs
Au début de cette dissertation, nous avons fait voir
que par le système éducatif traditionnel, l'apprentissage se
fait sur le mode de l'imitation et par des rites d'initiation
organisés, pas par n'importe qui, mais plutôt par
des hommes qui s'étaient distingués de leurs compagnons pendant
leur période d'initiation. Ce sont donc des maîtres, des anciens
du village reconnus par tous comme des élites incontestables.
Remarquons qu'ici, le formateur (enseignant) n'était
donc pas un médiocre ou n'importe qui, contrairement aux spectacles
désolants auxquels nous assistons chaque année lors des
cérémonies de collation des grades académiques, par
exemple, où ceux qui obtiennent la mention
« distinction » ne sont pas souvent réellement ceux
qui se distinguent de leurs collègues par la connaissance scientifique.
Et pourtant, ceux-ci ont la prétention de devenir
« assistants » et assurer même des enseignements
à l'université sans en avoir la qualité.
Combien d'écoles primaires regorgent-elles aujourd'hui
des pédagogues qualifiés pour assurer un enseignement de
qualité aux élèves ? Qui ne voit pas des
diplômés d'Etat enseigner aux humanités, de la
première année jusqu'en sixième année ?
L'enseignement supérieur et universitaire n'est-il pas
presqu'abandonné aux assistants de premier ou deuxième mandat
à cause de la pénurie des professeurs ou de leur horaire hyper
surchargé...
Il sied donc de reconnaître que l'une des raisons
majeures de l'efficacité du système éducatif traditionnel
est la sélection rigoureuse des formateurs.
b. Une éducation à la
solidarité :
Rappelons que la solidarité est le pilier de
l'éducation traditionnelle Lega. Toute formation tourne autour de la
cohésion de la communauté. L'important ici est donc le
rôle social que chaque individu doit jouer pour le bien être de
tous. L'éducation tend à apprendre à chacun à se
situer par rapport au groupe, à en respecter les règles et les
valeurs, autrement dit, à se conformer au rôle qui lui est
assigné. La sécurité et la perpétuation du groupe
sont de plus en plus encouragées. L'enfant développe
l'identité du groupe, l'esprit communautaire, le sens de
responsabilité envers les autres. La compétition n'est pas
découragée, mais doit s'exercer dans l'intérêt
collectif.
c. Une éducation
pragmatique :
Telles que décrites, les différentes valeurs
traditionnelles montrent que l'organisation de l'éducation
traditionnelle en milieu Lega est intimement liée à
l'activité productive. Les enseignements reçus sont en rapport
avec l'environnement physique, avec les réalités
socio-économiques et directement liés aux tâches de
production. On donne ainsi à l'enfant un ensemble de connaissances
utilitaires qui lui permettent d'affronter sans beaucoup de frustration, les
difficultés de la vie qui seront siennes. Dans ce contexte, le principe
de fonctionnalité est pris en compte.
En outre, l'on met à contribution toutes les
expériences dans la communauté, et l'on inculque de
manière progressive, diversifiée et efficace, les valeurs
morales, religieuses, sociales, esthétiques... qui font l'homme selon
l'humanisme Lega. Avouons que les principes de pragmatisme, de
l'expérience et de l'exemple sont d'observance.
Ici, former l'homme revient à lui inculquer, en
même temps, un savoir pour une efficacité moderne, les vertus
cardinales, toutes les valeurs positives de la tradition, éveiller sa
sensibilité et former son goût, l'amener à un réel
pouvoir d'épanouissement individuel.
L'apprentissage est basé sur la participation active de
l'enfant aux différentes activités du groupe. Il s'agit là
d'une pédagogie du vécu où les adultes servent d'exemple
et de cadre de référence à l'action des jeunes. L'accent
est mis sur l'expérience et la théorie fait corps avec la
pratique.
d. Une éducation aux
vertus :
Au-delà de l'appréhension de l'honneur pris
d'abord comme une valeur individuelle, il sied de comprendre que, pour
bénéficier de l'honneur, pour être qualifié
d'honorable, il fallait donc avoir combattu et gagné le combat au
profit de la société tout entière. Soit, il fallait se
distinguer par une conduite exemplaire.
En ce sens, ne rien faire pour l'édification de sa
communauté n'était pas un
comportement pouvant
être qualifié d'honorable, alors qu'en ce jour, les personnes
qualifiées d' « honorables » ne sont pas
forcément des hommes et des femmes qui se distinguent par la vertu.
Nous pouvons surenchérir en disant qu' en plus
d'être considéré comme une valeur individuelle, l'honneur
est ensuite, sous une autre perspective, considéré comme une
valeur collective. Il s'attache à la lignée, à la tribu,
à la nation.
Ainsi, l'honneur perdu d'une femme, c'est-à-dire le
fait pour elle, d'avoir des relations sexuelles avec un autre homme que son
mari, déshonore toute la lignée. Car, pour le Lega, la
lignée se poursuit convenablement, lorsque la filiation n'est pas mise
en doute. La protection de la fille de toutes relations hors cadre ou de
toutes tentations pouvant affecter sa virginité, est donc une affaire
familiale.
Aujourd'hui encore, bien que sous une forme souvent
atténuée, se perpétue cette idée que la famille est
éclaboussée par la conduite d'une femme, comme elle l'est
d'ailleurs par celle des hommes qui manquent à la probité,
à la parole donnée, et par ses membres affligés d'une
difformité physique, et qu'elle doit donc se plier à certains
codes comportementaux et vestimentaires dans ses relations avec les hommes,
à peine de mettre en cause l'honneur de son clan.
En relevant l'importance de la culture d'honneur comme une des
valeurs cardinales pour l'édification d'un Etat, nous voulons
dénoncer la recrudescence du manque de ladite culture dans le chef,
tant des dirigeants, des formateurs que des apprenants. Peut-on affirmer que le
cursus scolaire est un champ d'épreuves où s'exercent le courage
et le sens de l'effort dans toutes les disciplines à tous les niveaux.
Hélas, nous remarquons aujourd'hui une réelle
détérioration de ce beau processus. Les raisons tiennent non au
système mais surtout aux réalités sociales modernes qui
découragent l'effort. Le système d'enseignement moderne, pour les
raisons que nous élucidons, peut permettre, dans les conditions normales
de son fonctionnement, l'intégration des valeurs traditionnelles.
C'est-à-dire une formation de l'homme telle que l'efficacité en
soit différente de ce qu'elle est aujourd'hui.
e. Une éducation gratuite, populaire et
collective :
L'éducation traditionnelle est gratuite (pas de frais
à payer) et populaire.
Toute la société est éducative parce que
l'enfant est l'enfant du groupe tout entier et non seulement de ses
géniteurs. Tout le monde est concerné par l'éducation
même si une place particulière revient aux parents et aux
aînés ou à des personnes qualifiées par des
tâches spéciales comme durant les moments de rites d'initiations
diverses ou d'apprentissage de métiers.
Nous insistons que l'éducation revêt ici un
caractère collectif et social qui fait qu'elle relève non
seulement de la responsabilité de la famille, mais aussi de celle du
clan, du village, de l'ethnie.
L'individu se définit en fonction de la
collectivité et c'est dans le groupe social que l'enfant fait son
apprentissage : il est ainsi soumis à la discipline collective. L'enfant
étant considéré comme un bien commun, il est soumis
à l'action éducative de tous ; il peut être envoyé,
conseillé, corrigé ou puni par n'importe quel adulte du village.
Il reçoit ainsi une multitude d'influences diverses, mais les
résultats sont convergents du fait de la cohésion du groupe. Cet
état de choses répond convenablement au principe de
cohérence dans l'action éducative.
f. Une éducation totale et sans
déperdition
L'éducation traditionnelle se fait partout et en toutes
occasions, voire dans le contexte habituel du travail et des loisirs. Elle n'a
pas de limitations strictes, elle se donne partout et en tout temps, car elle
se moule à la vie. Elle est constante et permanente ; elle forme
l'homme et la femme à tous les points de vue : physique et moral,
intellectuel et esthétique. Elle est totale, car elle est à la
fois éducation et instruction. Bref, l'éducation traditionnelle
s'adresse à l'intégralité de la personne.
Le système éducatif traditionnel se fonde sur
l'observation et l'imitation qui sont ouvertes à tous.
Comme ici l'éducation se réalise en langue
locale, elle n'a pas de déperditions, parce qu'elle recourt
à la langue que les apprenants parlent tous les jours et en toute
circonstance. Et pourtant, pour être efficace dans le système
éducatif moderne, l'apprenant est dans l'obligation d'apprendre aussi la
langue de classe qui est une langue étrangère, le
français et/ou l'anglais.
g. Une éducation qui coexiste avec
l'éducation moderne :
Poser la nécessité de l'intégration des
valeurs traditionnelles dans le système d'éducation actuel,
serait, pour certains observateurs « inattentifs », une
affirmation du caractère désuet (dépassé) de
l'enseignement moderne, car pour eux, ce qui est traditionnel appartient au
passé. En effet, on serait tenté d'affirmer qu'il faut
aujourd'hui une éducation d'aujourd'hui.
Pour élaguer cette confusion, nous précisons une
fois de plus que l'éducation traditionnelle que nous soutenons est celle
qui est fondée sur les traditions proprement congolaises et qui est
transmise de génération en génération dans nos
sociétés depuis l'époque précoloniale
jusqu'aujourd'hui.
Autrement dit, il y a un besoin aujourd'hui de
coexistence entre l'éducation traditionnelle avec
l'éducation dite « moderne » introduite avec la colonisation.
L'éducation traditionnelle n'implique donc aucune dimension temporelle
et ne renferme pas un sens péjoratif qu'on a l'habitude de lui accorder
; elle ne signifie pas une éducation au rabais, archaïque ou
dépassée et ne s'oppose pas à l'éducation
moderne.
Raison pour laquelle, en évaluant les valeurs
culturelles traditionnelles, il convient de voir dans quelle mesure le
système d'enseignement moderne, à ses divers niveaux, peut
répondre à ce besoin de coexistence.
Ainsi pour cela, il est besoin de conditions normales de
fonctionnement et un fonctionnement normal du système. Si ce
préalable est réalisé, toutes les valeurs traditionnelles
retenues par cette analyse, peuvent être inculquées par
l'école.
Le fait de l'éducation collective, l'esprit des
pratiques pédagogiques mettant en oeuvre l'émulation, la
compétition, le sens de l'honneur, l'honnêteté, le courage,
le sens de l'effort..., permettent de former des Hommes modernes
profondément enracinés dans les valeurs de leur monde. Sans doute
ce travail pédagogique nécessite-t-il de l'éducateur le
respect de la forme particulière prise par chaque valeur mais
l'essentiel est de faire assimiler l'esprit des valeurs traditionnelles
positives. L'enseignement par le contenu des textes, par la pédagogie,
par les conditions normales de travail et d'étude permet une formation
efficiente de l'homme c'est-à-dire une intégration des valeurs
traditionnelles dans le système éducatif actuelle.
III.4.2.2. Points faibles:
Si nous relevons dans le système éducatif actuel
certaines tares qu'il convient de remodeler pour une adaptation efficiente, il
est aussi indéniable que tout n'était pas forcément bon
dans le système éducatif traditionnel. Certains aspects
constituaient des obstacles réels à l'épanouissement des
apprenants et parfois au développement de la communauté. Ainsi,
ne pas porter une critique constructive à ces aspects, c'est scier la
branche qui rattachait les feuilles nouvelles aux racines de l'arbre. Cette
critique que nous avons faite nous a permis d'établir les influences
et l'impact de nos valeurs, tant positives que négatives sur nos
manières de penser, d'être et d'agir, dans la perspective d'une
approche pédagogique qui puisse favoriser une intégration et une
redynamisation de certains de ces concepts dans le cadre du système
d'éducation
a. L'oralité
Par ailleurs, nous avons ajouté que, ne connaissant pas
l'écriture, l'apprentissage traditionnel reposait essentiellement sur
l'oralité. Un minimum de temps
nécessaire était consacré à l'étude de la
langue ésotérique qui permettait aux initiés de comprendre
les leçons... En effet, à nos jours, il est vrai que, pour
être efficace, l'enseignement moderne n'est pas et ne doit pas demeurer
oral à l'instar de l'enseignement traditionnel.
L'absence de l'écriture dans le
système d'éducation traditionnelle a rendu difficile, et
même impossible, la systématisation et la conservation des
connaissances. D'où la disparition d'une bonne partie du patrimoine
culturel lega, en particulier et congolais en général.
« L'oralité intègre, l'écrit
différencie l'éducation des autres activités sociales.
Dans le premier cas, toute action éducative est en même temps une
action économique, religieuse, politique, etc., puisque c'est par
l'observation, l'imitation, la parole, que le jeune s'instruit auprès
des anciens. Dans le second cas, l'écrit consignant l'information dans
des textes, la rend autonome et par là rend autonome l'apprentissage qui
n'est plus lié à une action et à la présence d'un
instructeur.
Ce détachement ou cette distanciation peut être
un inconvénient si l'individu ne se fonde plus sur la pratique, mais
aussi un avantage puisqu'il permet de s'abstraire et de conceptualiser. Or
l'abstraction stimule l'esprit critique. Il est plus difficile de
déceler les failles d'un verbe éloquent que celles d'un texte
écrit sur lequel on peut réfléchir87(*) »
L'écrit favorise l'esprit critique en mettant à
la disposition du lecteur, les opinions d'un grand nombre d'auteurs sur le
même sujet.
L'écriture est donc une valeur positive dont la
pratique devra s'étendre et se généraliser car, par elle,
l'apprenant pérennise ses acquis.
Faisons remarquer aussi que toute société
communiquant oralement est une société pliée à
elle-même, parce que l'oralité réduit la communication
seulement entre les personnes qui parlent la même langue.
Ainsi, prise sous cette acception, l'oralité
n'améliore pas la pédagogie moderne, dans la mesure où
elle requiert essentiellement le contact physique entre le formateur et
l'apprenant dans une situation concrète, et par conséquent elle
exclut toute auto-éducation de l'apprenant par des médias de
longue portée (livres, ordinateur, internet, etc.) et ne s'ouvre pas aux
courants internationaux voulus par le système éducatif
moderne.
De plus, l'oralité ne permet pas d'accumuler le
savoir au-delà d'une certaine limite. Etant donné que dans le
système éducatif traditionnel le savoir se transmet oralement, il
est à la merci de la mémoire humaine et de la mort ; les
sages gardiens des traditions n'y peuvent pas grand-chose.
D'où aussi notre grande tristesse devant le drame de
« nos bibliothèques qui brûlent avec la mort de nos anciens
(vieillards) ». L'écriture représente une capacité
immense d'emmagasiner les connaissances, de les conserver et de les
répandre. Ce n'est pas un hasard si la science s'est
développée avec l'écriture et seulement avec elle.
Ainsi, avouons-nous que l'oralité de l'enseignement
traditionnel est surannée et inadaptée au contexte actuel de
l'enseignement moderne.
b. Insuffisance
d'expérimentation
Pendant l'initiation, moment par excellence de la formation
des jeunes, les formateurs recourent fréquemment à des
explications de type magique, interdits ou tabous pour expliquer aux
néophytes un fait social quelconque. Les mêmes formateurs
insistent beaucoup sur la signification à attribuer aux
phénomènes et aux choses sans fixer l'attention des apprenants
sur une explication fondée sur l'expérimentation et la
vérification. Ils préfèrent l'interprétation
symbolique à la place d'une mesure concrète.
Cette démarche permet, certes, de maintenir une
harmonie dans la communauté et correspond peut-être à un
niveau d'explication possible ou permise, cependant, elle freine beaucoup les
possibilités d'acquisition de connaissances sur la base d'une seine
curiosité et d'un esprit de recherche.
Constatons-nous que l'éducation traditionnelle ne
favorise pas l'épanouissement personnel et le développement du
« moi » de l'enfant à l'instar du système
éducatif moderne.
c. Education par la peur
L'éducation traditionnelle fait peu de cas de
responsabilité de la personnalité individuelle, au sens
critique ; la croyance en des interventions des sorciers dans la vie
était permanente et omniprésente. Elle semble avoir refait
surface, de nos jours dans nos villes. Le phénomène des enfants
sorciers n'est pas étranger à nos mentalités
sorcières88(*).
Lorsque, par exemple, on est contraint d'obéir parce
qu'il le faut sans savoir les motivations profondes de son action, on tombe
rapidement dans le formalisme qui est la conséquence immédiate
d'une telle situation.
L'un des dangers qui guettent les néophytes à
l'issue de l'initiation est « l'essoufflement psycho
social ». On se dit "ouf!" s'en est fini ! On peut enfin
respirer...
Il s'ensuit le laisser-aller. Et pourtant,
« l'initié est censé développer davantage la
confiance aux aînés dans le but de discerner la volonté de
ceux-ci sur son projet de vie. Le jeune doit obéir effectivement en
évitant le formalisme et l'hypocrisie, ou mieux les tendances
tribaliste, régionaliste ou raciste »89(*).
Eu égard à cette considération, l'on
pourra s'interroger pourquoi certaines personnes deviennent-elles
désobéissantes comme si la vertu d'obéissance ne leur a
jamais été enseignée ? Les réponses sont
à chercher tant du côté des formateurs que du
côté du sujet concerné. Du côté des formateurs
nous disons qu'il recourt à la dictature, à une sorte
d'éducation par la peur.
Et du côté de l'apprenant, il faut noter que la
peur ne conduit pas à une véritable formation de la
volonté, du caractère et de la personnalité
c'est-à-dire une véritable structuration de
l'intériorité, mais pousse l'individu à accepter
passivement le rythme de son milieu et à s'y harmoniser.
Ceci débouche sur l'impuissance que l'apprenant a
souvent vis-à-vis de la nature. Conséquemment, l'attitude
d'interroger la nature en l'affrontant, en la défiant même et de
lui tirer ainsi ses secrets est une valeur qui doit se porter en rectification
à la vision contemplative que l'apprenant du système
éducatif traditionnel. Cette attitude n'est pas constructive pour le
progrès scientifique.
Ladite attitude est, en revanche, positive sur les plans
éthique et philosophique, et peut être d'une très grande
utilité pour rétablir l'équilibre écologique et
humain que l'industrialisation et les réalités actuelles du
développement économique ont rompu.
III.4.2. 3. Plaidoyer pour l'intégration
des valeurs traditionnelles
Evoluant à la Chaire de l'UNESCO, il nous est
indispensable, avant d'entrer dans le vif du plaidoyer de la
nécessité de l'utilisation du patrimoine culturel congolais dans
l'éducation moderne, de jeter un regard, pour soutenir notre
prise de position, sur la préoccupation de cette institution à
l'insertion des ressources culturelles dans l'éducation actuelle.
a. Point de vue de l'UNESCO sur l'intégration
des valeurs culturelles
Au cours de nombreuses consultations régionales et
sous-régionales organisées par l'UNESCO, la problématique
de l'insertion des valeurs traditionnelles dans les systèmes
éducatifs a été souvent débattue. Nous ne saurons
pas en énumérer toutes de manière exhaustive. Cependant,
parmi ces rencontres nous pouvons retenir :
- La Réunion Régionale sur « la
Jeunesse et les Valeurs culturelles africaines », tenue à
Abomey (Bénin) du 2 au 7 décembre 1974. Il s'agissait d'une
réunion de réflexion sur le sens que de jeunes africains
qualifiés (historiens, sociologues, animateurs culturels, responsables
de programmes culturels, gouvernementaux et non gouvernementaux) donnent
à la culture dans la société africaine contemporaine.
Entre autres recommandations, il convient de noter que, cette
réunion, dont le rapport a été largement diffusé
par l'UNESCO, a souligné l'étude et la réévaluation
des valeurs culturelles en vue de leur insertion dans l'éducation de la
jeunesse.
- La conférence intergouvernementale sur
les politiques culturelles en Afrique, tenue à Accra du 27 Octobre au 6
novembre 1975, succédant aux conférences intergouvernementales
sur les politiques culturelles en Europe (1972) et en Asie (1973).
Cette conférence de Accra, communément
dénommée AFRICACULT a largement débattu les
problèmes de l'identité culturelle et de l'action culturelle en
Afrique. Un accent particulier a été mis sur la
nécessité d'étudier de manière approfondie, le
milieu (environnement physique) et l'homme.
- La conférence des Ministres de
l'Education des Etats - membres d'Afrique, tenue à Lagos du 27 janvier
au 4 février 1976. Quatrième d'une série de
réunions régionales visant entre autres à définir
les problèmes prioritaires ainsi que les orientations propres à
guider en matière de développement et de rénovation de
l'éducation.
La conférence de Lagos a nettement
réaffirmé la nécessité de rendre l'éducation
plus pertinente par rapport au milieu culturel de l'enfant, en tirant parti des
ressources des traditions africaines et de l'utilisation
régulière ou permanente des langues africaines comme langues
d'enseignement.
- Le séminaire sous-régional sur
« l'utilisation de l'héritage culturel dans
l'éducation », tenue du 29 septembre au 3 octobre 1980
à Freetown. Organisé sur la base de la Résolution 1/5.4/1
de la 20e session de la Conférence Générale autorisant le
Directeur à poursuivre les activités relatives au renforcement
des capacités nationales en matière d'élaboration des
contenus de l'éducation. Ce séminaire a examiné, avec une
attention très appliquée, les problèmes relatifs à
la recherche, les critères de sélection et les méthodes de
l'insertion des ressources culturelles et artistiques, dans les curricula et
les activités extrascolaires.
A la lueur de ce qui précède, on constate ainsi
l'intérêt que soulèvent, pour l'UNESCO, les recherches et
les réflexions sur les valeurs culturelles africaines en
général et le besoin d'une pédagogie permettant leur
insertion dans les systèmes d'éducation. La portée d'une
telle préoccupation est à vrai dire considérable ;
car c'est reconnaître du même coup, comme l'avait affirmé le
Directeur Général de l'UNESCO, M. Amadou Makhtar Mbow
à AFRICACULT, que « si la croissance économique est
un facteur fondamental du développement, ce sont bien des choix d'ordre
essentiellement culturel qui en déterminent l'orientation et
l'utilisation au service des individus et des sociétés en vue de
la satisfaction de leurs besoins et de leurs aspirations les plus
légitimes »90(*).
Après ce point de vue de l'UNESCO, voyons les facteurs
qui nous incitent à défendre la nécessité
d'intégrer les valeurs traditionnelles dans le système
éducatif actuel.
b. Les fondamentaux du système éducatif
traditionnel
Notre étude sur les valeurs traditionnelles et leur
insertion dans les systèmes d'éducation est menée, de
prime abord, par l'affirmation de l'identité culturelle qui sert de
fondement à la véritable indépendance nationale et au
véritable développement socio-économique.
En effet, après cette analyse permettant de
dégager l'ensemble de qualités suscitant la prise en compte des
valeurs traditionnelles dans l'enseignement actuel, nous dégageons, en
résumé, quatre aspects caractéristiques majeures du
système éducatif traditionnel qu'il faille capitaliser ; il
s'agit de : l'efficacité, l'intégration, la gratuité et la
continuité.
A. Efficacité :
Ce système est très efficace car l'enfant
apprend, en étant dans son milieu de vie, tout ce dont il a besoin de
savoir pour remplir, par la suite, ses fonctions d'adulte. A l'issue de
l'initiation par exemple, tout le monde s'aperçoit vite de la
transformation physique, psychologique, sociale...des néophytes, car
leurs activités de la formation font partie plus
généralement des activités ou des processus de
transformation des individus. Elles sont, de ce point de vue, à ranger
avec d'autres pratiques, telles que par exemple le travail social
« dont le but est la modification des comportements d'une
population sur le plan de la vie quotidienne »91(*).
A l'école d'initiation, renchérit EKWA92(*), l'adolescent apprenait les
secrets de techniques ; mieux encore, il s'élevait en sagesse et
comprenait la loi intime du travail, la loi de l'homme qui, par sa peine,
construit son propre destin, collabore à la
création...L'éducation traditionnelle était le bien commun
de toute la société et nul enfant n'en était privé.
Son emprise était totale, ses contraintes efficaces.
C'est le contraire de l'éducation moderne qui pose de
sérieuses difficultés en retirant les enfants de leur
société habituelle et en leur inculquant des valeurs et des
connaissances qui rendent leur réintégration difficile. Par
exemple à l'époque coloniale, l'existence des salles de classe
communiquait clairement aux élèves le message qu'il est plus
respectable d'être assis dans un bureau que de gagner sa vie par un
travail manuel.
B. intégration :
Le système éducatif traditionnel remplit, comme
il se doit, l'obligation d'assurer l'éducation à tous les membres
de la communauté, sans distinction de sexe ; tandis que l'Etat
moderne qui prône « l'éducation pour tous »
est incapable de garantir l'éducation à tous les enfants
congolais.
Même si l'enseignement traditionnel comprend des
tâches difficiles et des épreuves très dures, tous les
enfants formés font partie, à part entière, de la
société, c'est dire qu'ils sont valablement
intégrés dans la communauté.
C. Gratuité :
Rappelons que dans le système éducatif moderne,
les frais de scolarité et autres coûts de la scolarité
privée sont considérés comme un obstacle pour de nombreux
enfants, incapables d'accéder au primaire et d'aller au terme de ce
cycle.
C'est pourquoi, l'abolition progressive des frais de
scolarité à l'école primaire fait parti des mesures
phares pour améliorer le taux de scolarisation et de participation. La
constitution le prévoit en son article 43 :
« ...l'enseignement primaire est obligatoire et gratuit dans les
établissements publics. »93(*)
Par ailleurs, malgré cette mesure, les autres
coûts de l'éducation que sont notamment les manuels, les
uniformes, le transport, etc. demeurent particulièrement lourds en R D
Congo où la pauvreté impose de douloureux arbitrages aux familles
et aux ménages, qui doivent décider combien d'enfants scolariser,
lesquels et pour combien de temps.
Ainsi, parallèlement à ce qui est dit ci-haut,
L'éducation traditionnelle est gratuite, pas de frais à payer
pour en bénéficier à tous les niveaux. Ceci garantit une
éducation de qualité, accessible à tous tout en permettant
son amélioration. En effet, pour nous, l'éradication de
l'analphabétisme qui est un devoir national, ne pourra être
effective qu'en s'inspirant du caractère gratuit qu'offre le
modèle traditionnel.
D. Continuité :
La continuité de l'éducation dans le
système traditionnel s'observe par la prolongation, sans interruption,
de la formation des apprenants pendant toute leur vie en participant activement
à divers travaux pour la communauté.
Au village, l'éducation des néophytes ne
s'arrête pas à la sortie de l'initiation. Ici, ledit
système se marie valablement avec le nouveau courant de la formation
permanente ou continue qui consiste à assurer la formation des
adultes tout au long de leur vie, tant au milieu professionnel qu'en dehors
de celui-ci.
Cette formation permet aux apprenants de s'adapter aux
nouvelles possibilités de transmission et d'acquisition du savoir
qu'offre l'accès aux technologies de l'information et de la
communication (TIC) afin d'accélérer l'adaptation des
systèmes d'éducation et de formation dans une
société caractérisée par
« l'internationalisation » de la connaissance.
III.4.3. STRATEGIES
D'INTEGRATION
Il est reconnu que la valeur humaine est universelle dans son
essence ; mais elle prend des formes particulières dans ses
manifestations. A cet effet, nous examinons dans cette partie de travail,
l'importante et difficile question du choix d'un ensemble de décisions
et d'actions pédagogiques relatives aux moyens et ressources à
mettre en oeuvre en vue d'intégrer effectivement dans l'enseignement,
les valeurs qui constituent des représentations propres sur lesquelles
la société congolaise s'édifie en assurant son
équilibre, son maintien et sa perpétuation.
En nous gardant de perdre de vue certaines résolutions
positives des réformes pédagogiques détaillées au
deuxième chapitre, nous présentons nos propositions de
stratégies en deux catégories importantes :
Primo, il s'agit des stratégies à
développer au sein du système éducatif conventionnel,
c'est-à-dire, dans l'enseignement assuré à l'école
maternelle, en primaire, au secondaire, au supérieur et universitaire.
Secundo, nous développons des mécanismes pour
assurer l'éducation non conventionnelle, autrement dit, celle qui se
réalise par différentes organisations (foyers sociaux, centres
d'encadrement et de formation, Organisation Non Gouvernementale de
Développement...) par les médias, par les jeunes eux-mêmes
dans les quartiers, etc.
III.4.3.1. Stratégies d'intégration
à l'enseignement conventionnel
a. La prise en charge effective de l'enseignement par
l'Etat
L'une des faiblesses fondamentales de l'enseignement actuel
est le quasi abandon de l'éducation par l'Etat. Plusieurs écoles
fonctionnent dans des irrégularités notoires : programme
d'enseignement suranné ; enseignants non ou peu qualifiés et
mal payés ; infrastructures délabrées ; etc.
Eu égard à cela, nous pensons que la prise en
charge effective, par l'Etat, des établissements d'enseignement s'impose
de manière urgente. Retenons que, « Les efforts
considérables consentis en direction de l'éducation pour tous
resteront inefficaces si la mobilisation de l'Etat n'est pas totale. Et si
l'Etat ne se mobilise pas totalement, toute perspective de développement
durable ne cessera de s'éloigner »94(*).
b. L'intégration et la généralisation
des langues nationales
Une relation est établie entre la « maîtrise
de la langue d'enseignement » (français) et les «
compétences de l'apprenant. » Ce préjugé rend
pratiquement impossible le travail de la négociation didactique et fait
du savoir-faire le seul critère d'évaluation des
compétences95(*).
A ce sujet, il sied de rappeler que la traduction de la Bible
dans les langues locales, en particulier les quatre langues nationales
(lingala, kikongo, tshiluba et swahili) a créé des conditions de
formation favorables à l'évangélisation.
A cet effet nous proposons l'intégration et la
généralisation des langues nationales à l'école
maternelle et à l'école primaire en vue d'accroitre
l'efficacité de la compréhension des connaissances apprises.
c. Le recours à la littérature orale
congolaise (proverbes, devinettes, contes...)
En énumérant les valeurs traditionnelles
à intégrer dans l'enseignement moderne (voir le premier
chapitre), nous avons noté que les proverbes, devinettes,
contes...revêtent de grandes leçons morales orientées vers
une action réelle. Ainsi, compte tenu de la dimension éducative
et de socialisation que regorgent ces éléments de la
littérature orale traditionnelle, il ressort la nécessité
de se servir de ces outils pour assurer, à tous les niveaux, un
enseignement de qualité, surtout aux enfants.
Rappelons que ladite littérature remplit plusieurs
fonctions notamment, la fonction ludique (divertissement et détente),
la fonction pédagogique (initiation aux valeurs cardinales de la
société), la fonction politique et idéologique (lutter
contre l'injustice sociale, promouvoir la paix), la fonction initiatique
(L'initié a accès à certains codes secrets pour entrer
dans le monde des adultes), et la fonction fantasmatique (la mise en
scène des tensions et des affrontements de la vie familiale).
Pour stimuler davantage la prise en compte de la
littérature orale, il s'avère indispensable de brosser, à
l'attention du lecteur, les fonctions spécifiques et cruciales de
contes, mythes, légendes, proverbes, romans, pièces de
théâtre...qui sont des éléments symboles de l'art
traditionnel congolais, en particulier et africains, en
général.
· La fonction pédagogique :
Lorsque l'enseignant raconte, il intègre, à la
fin du récit, un message moral qui édifie les apprenants et qui
prend le soin de baliser leurs bonnes conduites afin de contribuer à
leur plein épanouissement. Ainsi, la fonction pédagogique des
contes, légendes, proverbes... sert essentiellement à initier les
jeunes générations aux valeurs cardinales de la
société (civisme, solidarité, sens d'innovation,
honnêteté...).
Pour ce faire, il est demandé, sinon
prôné, l'obéissance aux coutumes et aux ancêtres.
C'est ainsi que les contes mettent en scène une organisation sociale et
économique forte, basée sur la hiérarchie et les strates
sociales dans l'univers des fables.
C'est le procédé de l'anthropomorphisme qui
permet par métaphore, de critiquer et de stigmatiser les individus dans
la société. Il y a donc à travers la fonction
pédagogique, une puissante référence aux ancêtres
dont le socle est essentiellement assuré par la gérontocratie.
Comme le note si bien CHEVRIER, la fonction pédagogique
de la littérature orale "permet de concilier les forces du bien et
d'exorciser les forces du mal. On comprend donc l'importance qui est
attachée à la parole bien dite ; car à certains moments la
parole a véritablement valeur d'acte"96(*) . Comme on peut le remarquer, la plupart des
récits sont souvent conçu pour expliquer un conflit, ou un
méfait assorti d'un dénouement. Les auteurs de ces récits
s'inspirent de la morale sociale en vigueur au sein de la société
; il y a comme une sanction infligée à toute infraction à
la norme admise.
C'est un procédé qui répond aussi au
souci politique et idéologique du maintien de l'ordre. A ce niveau, les
gouvernés et les gouvernants ne sont pas épargnés. Les
chefs et les subalternes d'une part ; les responsables politiques comme le
peuple d'autre part ne sont pas au dessus de la loi et se doivent de respecter
la coutume (loi).
Tout compte fait, notons que la vertu principale des contes,
en tant que support pédagogique, tient de leur caractère
cérémonial ou le merveilleux et l'imaginaire se retrouvent en
établissant dans des rapports de complémentarité97(*).
· La fonction ludique :
Après une longue période de travail intense et
de réflexion, il est conseillé à l'enseignant de faire
reposer la mémoire des apprenants par des leçons
(activités) qui ne font pas dépenser beaucoup d'attentions.
C'est ainsi que les devinettes, les contes, les chants, les
épopées, les récits mythologiques, etc, ont pour fonction
de satisfaire les besoins de s apprenants, qui désirent se
"délecter". Cependant, le plaisir éprouvé par les
apprenants en auditionnant un conte, par exemple, est consubstantiel à
la fonction pédagogique que nous venons d'étayer ci-haut.
· La fonction politique et idéologique :
Tout programme d'enseignement est censé regorger un
ensemble de conceptions partagées par une société et
propres à une époque donnée. C'est que nous qualifions de
l'idéologie de l'enseignement. En effet, la mise en scène des
problèmes vitaux a pour souci d'une part, de juguler les tensions
découlant des inégalités, des injustices sociales, d'autre
part de créer la cohésion sociale du groupe.
C'est ainsi que nous avons des types de discours qui existent
entre les groupes sociaux, basés sur la parenté à
plaisanterie, jouant le rôle cathartique de régulateur de tensions
sociales. Tel est le cas des Lega et des Bangubangu.
La fonction politique et idéologique de la
littérature orale, est axée surtout sur les grandes orientations
assignées par les intellectuels des sociétés. Nous voyons
que ces rôles politique et idéologique s'adressent beaucoup plus
aux adultes qu'aux jeunes.
· La fonction initiatique :
Dans les pages précédentes, nous avons fait voir
que, par l'initiation, l'initié accède aux connaissances
secrètes relatives à la classe ou catégorie sociale
à laquelle il entre. Raison pour laquelle, la fonction initiatique de la
littérature orale se manifeste essentiellement à travers un
langage métaphorique permettant de franchir l'étape de la mort
symbolique (la réclusion dans le camp d'initiation) pour renaître
dans un monde nouveau : l'intégration dans la vie adulte au sein du
monde social.
On apprend aux circoncis pendant tout ce temps, certains
secrets propres au groupe : les interdits, la genèse du clan, le secret
des plantes etc.
De la même façon, à travers les contes,
devinettes, légendes...l'enseignant doit faire parvenir les apprenants
à comprendre que, par l'enseignement reçu à
l'école, ils découvrent des secrets de la société
qu'ils n'auraient pas découverts s'ils restaient sans aller à
l'école et retenir tous les enseignements reçus. A titre
illustratif, voyons comment on présente la structure du récit
initiatique dans les "Contes en miroir" de Denise Paulme98(*) :
Nous avons deux héros au départ ; le premier
entreprend une quête en surmontant une série d'épreuves
tout en évitant les pièges. Puis il revient gratifié de sa
quête ; le second héros, jaloux du succès du premier, se
lance aussi à la quête, mais il surmonte mal les épreuves
et commet une série de bévues ; il est ensuite puni et mit
à mort sous plusieurs chefs d'inculpation.
· La fonction fantasmatique :
Précisons que le fantasme est une représentation
imaginaire liée à des pulsions et à des désirs
inconscients. En effet, la fonction fantasmatique de la littérature
orale résulte de la mise en scène des tensions et des
affrontements de la vie familiale.
Il y a dans ce cadre opposition de la parenté de sang
à la parenté d'alliance; les hommes aux femmes, la vie à
la mort.
En effet, l'enseignant a le devoir de montrer aux apprenants
que, par exemple, deux collègues d'écoles peuvent entretenir de
bonnes relations plus que deux frères consanguins.
Cela peut se traduire par le récit de la courge qui
avale tout sur son passage pour en définitive être fendue en deux
par un coup de corne d'un bélier. L'évocation du symbole
phallique est évidente à travers les cornes tandis que le
réceptacle féminin est connoté par la courge. Tout ceci
concoure à la réflexion.
Certains contes mettent davantage en scène des
personnages qui consomment des quantités énormes de nourriture.
Ce procédé que nous retrouvons dans certains contes Lega est
proche des prouesses alimentaires du personnage Gargantua de Rabelais qui, est
en fait, semble un reflet du procédé fantasmatique du
crève-la-faim qui permet par exemple en temps de famine ou de disette,
d'exorciser le spectre de la faim.
Au regard de ce qui précède, le cours ou
leçon d'histoire apparaît comme une matière à la
fois importante et d'une grande sensibilité. Étant donné
que cette discipline accorde une place prépondérante aux
conflits, elle est à même de jouer un rôle
considérable dans la promotion d'une culture de paix et dans
l'établissement de rapports harmonieux entre les peuples. En effet, nous
disons, chaque fois que cela est possible, les enseignants devront commencer
les leçons d'histoire par l'audition de traditionnalistes ou de griots,
apport sur lequel pourra s'appuyer la leçon du jour.
d. La désaliénation culturelle
Par la colonisation, le colonisateur s'était
doté le devoir de civiliser « les races
inférieures » dont les congolais, c'est-à-dire, d'
amener
ceux-ci
à
un
état
de
développement
plus
complexe
d'
un
point
de
vue
culturel
et
matériel
. A propos, voici ce qu'écrit JEAN SURET-CANALE :
« Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai! Il faut dire
ouvertement qu'en effet les races supérieures ont un droit vis à
vis des races inférieures [...] parce qu'il y a un devoir pour
elles. Elles ont un devoir de civiliser les races
inférieures.[...]99(*)
Ainsi, le blanc avait réussi à
rendre
certains comportements du congolais plus raffiné
dans
ses
manières
de vivre conformément à la culture occidentale et au
détriment des valeurs culturelles congolaises. Conséquemment, le
colonisé a été aliéné, car, jusqu'en ce
jour, il vit plusieurs formes d'asservissement le mettant en situation de
dépendance du fait de contraintes extérieurs (économiques,
politiques, sociale, culturelles...) conduisant à la perte de sa
« liberté ».
En effet, chaque enseignement doit faire preuve d'une
affirmation de l'identité culturelle nationale qui passe par la
« désaliénation culturelle »
résolument voulue des modes de penser et d'agir étrangers
à la réalité congolaise, en particulier et africaine en
général. Toutes les activités éducatives doivent
être au dessus de toute forme d'extraversion culturelle qui
caractérise encore trop souvent certains comportements, tant des
apprenants que ceux des enseignants.
Pour y parvenir, le recours aux théâtrales,
chants, danses... d'inspiration traditionnelle dans les institutions
d'enseignement est un outil prompt et efficace.
e. L'éducation physique efficace
Dans plusieurs pays ayant connu de longues périodes de
guerre et d'atrocités, la formation militaire de tout jeune adulte
jouissant d'une bonne santé, est obligatoire. Ces formés
constituent une catégorie importante de réservistes capables
d'appuyer l'armée régulière pour défendre la nation
en cas d'attaque. Le cas de l'Est du pays, particulièrement les
Provinces de Nord Kivu, Sud Kivu, Maniema et Province Orientale), victimes
d'attaques perpétrées régulièrement par des forces
négatives, est une illustration éloquente.
Parallèlement, pendant les heures prévues pour
la gymnastique, l'éducation physique ou le sport, les écoles
doivent intégrer la pratique des arts martiaux et de toutes autres
techniques de combat à mains nues pratiquées traditionnellement
comme la lutte car, une bonne pratique de l'éducation physique
confère aux jeunes des qualités morales telles que : la
maîtrise de soi, la sociabilité, la discipline, l'endurance, la
loyauté, etc.
Nous osons penser aussi que, pareille éducation
physique reculerait la délinquance juvénile et le banditisme qui
semblent se « socialiser » dans les milieux urbains
congolais sous le label du phénomène
« kuluna ».
f. La résolution pacifique des conflits
Nous sommes conscient que la RDC est confrontée
à la problématique de la paix et de la préservation de
l'intégrité territoriale nationale. Depuis plus d'une
décennie nous assistons à une sorte d'implosion, marquée
par l'instabilité politique, des élections contestées, des
guerres civiles, des conflits interethniques et frontaliers... qui fragilisent
la paix. Des tueries comme celles de Makobola, Ituri, Shabunda, et
récemment aux territoires de Masisi, interpellent la conscience
nationale.
En interrogeant l'histoire, l'on se rend compte que, la
violence n'est cependant ni cultivée délibérément
par le peuple congolais, ni inéluctable. Ladite violence est souvent
imposée par des forces étrangères en conquête des
richesses que regorge le pays et en collaboration avec certaines
perversités des autorités congolaises.
Il importe donc de se départir de la mauvaise pratique
selon laquelle, seule la présence des facilitateurs étrangers
pourrait ramener la paix, en s'inspirant de différents
mécanismes de préservation et de restauration de la paix selon
les procédures traditionnelles que nous présentons
brièvement :
§ Chez le peuple Lega, comme dans la plupart des tribus
congolaises, lorsqu'un désaccord persiste entre deux villages ou deux
clans antagonistes, les formes de déclaration de guerre constituent un
aspect des préoccupations dissuasives, laissant toujours la place au
compromis et à la solution non violente des contradictions.
La déclaration de guerre est souvent remise à
des dates ultérieures, le temps et une prise de conscience pouvant
favoriser une déflation des tensions. On emploie également des
symboles qui laissent toujours à l'ennemi la possibilité d'opter
pour la paix en désamorçant pacifiquement le conflit. La lance,
le javelot et le bouclier symbolisent la guerre, tandis que les rameaux du
palmier ou les feuilles de bananier symbolisent la paix, la joie et
l'harmonie.
§ D'habitude, avant l'éclatement du conflit, le
groupe libérait un captif de guerre du groupe adverse. Rentré
chez lui, ce captif libéré pouvait jouer le rôle de
temporisateur, ayant une claire idée du rapport de force. Il jouait
également, à l'occasion, le rôle de médiateur.
Ainsi, le conflit se soldait par le dialogue.
§ Les activités ludiques jouent également
un rôle de prévention des conflits armés. On établit
par exemple que le conflit sera tranché par de jeunes athlètes
des deux groupes antagonistes. Par exemple, le groupe qui gagne le jeu de
lutte, apporte le triomphe à l'ensemble de son clan pour éviter
toute contestation et un embrasement possible du conflit ; un serment
prononcé sur le sang d'un bouc immolé consacre la
victoire.
§ Le mariage entre les jeunes des clans en conflit :
Il est d'usage que les parents d'un clan marient leurs filles aux hommes du
clan adverse afin de mettre fin au conflit, par cette union de mariage.
§ L'alliance sacrificielle ou pactes de sang : pour
prévenir des conflits intercommunautaires et maintenir la paix, les
représentants des membres des différents groupes font
solennellement des ententes en buvant mutuellement du sang et en immolant des
boucs et coqs, symboles de l'engagement à ne jamais se combattre et
à conserver toujours la paix. Les contrevenants sont exposés
à une mort tragique. Cette pratique était aussi d'usage dans la
plupart des sociétés africaines traditionnelles.
Retenons que, pour assurer leur survie et éviter la
rupture de la paix, des équilibres internes et externes, le peuple Lega
en particulier et congolais, en général, élabore de
multiples autres stratégies dissuasives qui sont l'expression de son
originalité culturelle, de sa psychologie, et qui répondent
parfaitement aux contingences de violence auxquelles il est souvent
confronté.
En outre, ces mécanismes de prévention et de
résolution pacifique de conflit s'inscrivent dans une perspective
universelle de prévention des conflits, établie dès la
Grèce antique, où les activités ludiques, par exemple,
entre cités, ont servi de moyen efficace pour éviter la
violence, en instaurant la compétition au détriment de la
confrontation.
En effet, si l'enseignement actuel prend en compte les
différents mécanismes de préservation et de restauration
de la paix ci-haut présentés, il convient à tous les
partenaires de l'éducation d'établir une articulation entre le
passé et le présent. En d'autres termes, ils doivent
réfléchir profondément, dans quelle mesure ces
mécanismes traditionnels de conservation de la paix, peuvent être
opératoires dans le contexte actuel, marqué par l'incursion
d'éléments de modernité.
Des observateurs attentifs de l'Afrique ont établi que,
« la recherche de la paix (en Afrique) doit être basée
avant tout sur des processus endogènes »100(*), car traditionnellement, les
sociétés africaines cultivent l'esprit de paix, de concorde et
d'hospitalité qui plongent leurs racines dans leur culture ancestrale.
Dans le contexte éducatif actuel, il est évident
que la RDC ne peut se replier sur elle-même. Elle est
irréversiblement engagée dans la globalisation.
Néanmoins, comme le souligne KWAME NKRUMAH, pour sa
sécurité et pour son développement dans la paix, on doit
reconnaître la contradiction dialectique entre
«l'intérieur» et «l'extérieur»101(*).
Pour une bonne raison, le meilleur et le plus sûr
investissement pour la paix en RDC, aujourd'hui et demain, se situe dans le
domaine de l'éducation. Il importe pour cela d'instaurer, dans le
système actuel d'éducation des jeunes en particulier,
l'idéal de paix. Les enseignants ont le devoir de leur faire prendre
conscience de la portée des valeurs de tolérance, de civisme, de
pluralisme,... et de leur enseigner les vertus des valeurs éthiques
fondées sur l'héritage traditionnel, tout en leur assurant une
ouverture sur le monde, pour leur permettre d'intégrer les valeurs
universelles.
g. Le jardinage et les travaux manuels
La famine est l'un de fléaux majeurs de l'heure qui
sévit la population congolaise en dépit de l'immensité de
sol arable. Le système éducatif n'encourage pas l'agriculture et
l'élevage, surtout dans les milieux urbains où l'on oriente
souvent les jeunes aux études, à l'issue desquelles l'on a
souvent la prétention de travailler dans un bureau. A cet effet, il
faut remettre à l'honneur les activités post et
préscolaires tels que le jardinage et les travaux manuels dont les
valeurs éducatives prouve leur efficacité pendant l'initiation
traditionnelle.
h. Assurer la formation permanente des enseignants
La qualité d'un système éducatif ne peut
pas dépasser la qualité de ses enseignants. Ainsi, la bonne
manière pour améliorer les résultats est
d'améliorer la formation permanente et
continue des enseignants. Ceci permet de s'interroger sur la
nature des savoirs scolaires et sur les déterminants et les enjeux
sociaux de la sélection, de la structuration et de la distribution des
contenus intellectuels et culturels de l'enseignement.
Sans ignorer la portée de l'adaptation au courant
actuel de la mondialisation, notre combat demeure la restauration effective de
l'identité nationale par une éducation aux valeurs culturelles
traditionnelles.
En effet, les enseignants qui sont aujourd'hui appelés
à enseigner dans des auditoires de plus en plus multiculturelles,
doivent prendre en compte les besoins particuliers et spécifiques de
chaque apprenant. Ils ne doivent pas perdre de vue que l'enseignement actuel
est irréversiblement engagé dans la globalisation.
Pour ce faire, le système éducatif doit
continuer à s'ouvrir sur le monde et savoir qu'il n'est plus le seul
dispensateur de connaissances, car les nouvelles technologies de
l'information et de communication en éducation (NTICE) sont devant nous,
les enseignants doivent y être sensibilisés et formés
dès maintenant et de manière permanente.
Pour l'
OCDE102(*), obtenir une École
efficiente et moderne n'implique pas seulement de revoir le recrutement et la
formation initiale des enseignants. Cela exige de la part des enseignants une
adaptation aux évolutions de la société et à ses
nouvelles exigences : « la réforme du
système éducatif ne peut pas attendre les nouvelles
générations d'enseignants ».
Ils ont besoin de savoir utiliser de manière plus
efficiente les NTICE, de les intégrer dans leurs pratiques
pédagogiques, de former les élèves à ces nouveaux
outils et surtout aux nouveaux usages qui apparaissent (comme ceux liés
aux réseaux sociaux).
Les enseignants sont également invités à
faire en sortes d'impliquer davantage les parents dans le processus
éducatif.
En définitif, le métier d'enseignant ne peut se
concevoir sans une formation tout au long de la vie. Elle permet, certes
d'actualiser ses connaissances et compétences, d'analyser ses pratiques
pédagogiques en appliquant les modifications apportées aux
programmes et aux objectifs d'enseignement, de mieux connaître les
apprenants (élèves ou étudiants) et réaliser une
communication pédagogique efficace, de réaliser des recherches
(surtout dans le domaine socioculturel) et de faire des innovations, d'
échanger des informations et des pratiques entre collègues en vue
d'aider les enseignants les moins expérimentés à devenir
plus efficaces, de se familiariser aux outils informatiques ou autres, mais
aussi de rester dans un processus d'évolution de carrière et
donc, d'occuper valablement les différentes fonctions que l'on trouve
dans l'Enseignement.
i. Reformer les programmes, les pratiques et les
horaires d'enseignement
§ Réformer les programmes d'enseignement :
Tout au long de cette dissertation, nous ne cessons de montrer
combien le système d'enseignement, à tous les niveaux, est
confronté, pendant plus d'une décennie, à des crises et
l'inadéquation de la formation avec les besoins réel du
marché. Il en découle plusieurs revers, notamment, baisse du
niveau de formation, taux impressionnant de chômage et manque de
compétitivité des diplômés au marché
d'emploi. A cet effet, la nécessité d'une reconfiguration des
programmes d'enseignement à tous les niveaux est urgente et
nécessaire.
La réussite de cette réforme est assise sur une
vision et des stratégies. Notre vision est celle de la création
d'un enseignement dont le centre d'intérêt repose sur les valeurs
culturelles traditionnelles.
Pour y parvenir, les stratégies éloquentes
viennent d'être étayées ci-haut avec clarté pour
faire face aux crises et aux effets de l'inculturation et de la mondialisation
qui ont diminué l'efficacité de l'enseignement.
Il faut souligner la nécessité d'organiser
l'enseignement supérieur et universitaire suivant le modèle de
Licence, Master et Doctorat (LMD). Car, les objectifs fondamentaux de ce
système rencontrent, exactement nos idéaux pédagogiques,
notamment : la qualification supérieure des apprenants,
l'amélioration de l'efficacité interne des niveaux de formation,
le développement de la formation tout au long de la vie (formation
permanente et continue), l'amplification et l'accroissement de
l'attractivité de professionnalisation des formations
supérieures, l'attractivité de l'offre de formation et son
intégration dans l'international, la crédibilisation de la
qualité des prestations et l'instauration de l'autonomie et de la
responsabilité des institutions d'Enseignement
Supérieur103(*).
En outre, le pilotage de ce changement radical du programme
d'enseignement revient primordialement à l'Etat, ensuite aux
enseignants, aux parents et aux apprenants (élèves et
étudiants).
Il sied donc de réfléchir profondément
en vue de concevoir une maquette pédagogique devant être
harmonisée par tous les partenaires de l'éducation et proposer
des pistes pour une implantation réussie de ladite maquette.
§ Réformer les pratiques d'enseignement :
Par le caractère pragmatique de l'éducation
traditionnelle, nous avons montré que, former l'homme revient à
lui inculquer, en même temps, un savoir pour une efficacité
moderne, les vertus cardinales, toutes les valeurs positives de la tradition,
éveiller sa sensibilité et former son goût, l'amener
à un réel pouvoir d'épanouissement individuel.
Nous avons renchéri en montrant que lors de
l'initiation, l'apprentissage est basé sur la participation active de
l'enfant, d'abord à sa formation, ensuite aux différentes
activités du groupe. Il s'agit là d'une pédagogie du
vécu où les adultes servent d'exemple et de cadre de
référence à l'action des jeunes.
L'accent est mis sur l'expérience ; la
théorie fait corps avec la pratique. C'est ce qui doit se faire dans
l'enseignement actuel si nous voulons produire des cadres utiles à la
société.
Observant la pratique pédagogique actuelle, nous
constatons qu'à l'école primaire et secondaire, les enseignants
ne mettent plus un accent sur la découverte de la
créativité de l'élève. Celui-ci apprend par coeur
pour reproduire.
A l'exception de certaines écoles,
généralement conventionnées catholiques, l'enseignant ne
porte plus un accent particulier sur ce qu'a été jadis son but
général : « la socialisation technique
et morale des enfants ». L'enseignant est réduit à
un simple « instructeur ». Sont rares les enseignants qui
parviennent à préparer convenablement les jeunes à la
vie adulte, en les formant aux savoirs et aux habiletés
nécessaires à la vie professionnelle, en les éduquant
moralement en fonction des orientations à la base du statut d'adulte.
En effet, en s'inspirant de l'enseignant traditionnel,
l'enseignant moderne doit reformer sa pratique pédagogique en orientant
ses techniques d'enseignement vers un double mandat : éduquer et
instruire, socialiser et former.
Il sied de relever aussi la problématique de
l'organisation pédagogique des classes, surtout à l'école
primaire, fondée sur le schéma un et un seul enseignant dans
une et une seule classe. A cet effet, tenant compte de la
nécessité de faire intervenir dans la classe des enseignants
extérieures mieux outillées que l'enseignant propriétaire
de la classe, pour prendre en charge des activités sportives,
artistiques, culturelles... l'enseignant ne doit plus être le seul
aujourd'hui à intervenir auprès des élèves. En
effet, pour l'efficacité de la formation des élèves, il
est impérieux d'ajouter la participation d'autres enseignants pour des
disciplines comme les nouvelles technologies de l'information et de
communication en éducation, la tradition africaine, etc.
En observant la pratique pédagogique au niveau de
l'enseignement supérieur et universitaire en R.D.C., note
MOKONZI104(*), on ne
peut manquer de constater qu'une méthode de communication s'est
imposée au fil des années : la méthode
«dictée». Par cette méthode, s'il est toutefois
permis de l'appeler ainsi, dit-t-il, la communication pédagogique
revient pratiquement à dicter le contenu du cours aux apprenants et,
éventuellement, à expliquer le texte dicté. Certains
enseignants, soucieux de la compréhension de la matière par les
étudiants, ajoutent une troisième phase à la
méthode, les réponses aux questions des étudiants. De
manipulation facile, ce qui justifie son extension, la méthode
«dictée», préconisée par aucun didacticien,
requiert un moindre effort dans la préparation de la communication
pédagogique. Il suffit de savoir lire pour savoir dicter. De même,
la préparation de la prestation pédagogique ne va pas
au-delà de la préparation et de la compréhension du texte
à dicter.
Pour les amateurs de cette méthode, point n'est donc
besoin de suivre un séminaire de pédagogie universitaire pour
savoir exploiter cette procédure d'enseignement.
De facilité éprouvée, la méthode
«dictée» est pourtant éprouvante tant pour l'enseignant
que pour l'enseigné. Il n'est pas aisé, de procéder
à une dictée dans une classe nombreuse. Il faut en effet
répéter la phrase, si pas autant de fois qu'on a
d'étudiants, mais certainement plusieurs fois. Ainsi, outre le fait que
l'enseignant et l'enseigné sortent d'une telle séance
physiquement abattus, les opportunités d'apprentissage, la
réflexion, le raisonnement, la curiosité scientifique, la
créativité, la recherche... se voient fortement
étouffés dans un contexte de communication pédagogique
marquée par cette méthode.
De manière particulière, dans ce contexte, les
étudiants sont devenus des objets et non des sujets de leur formation.
Par conséquent, ils ne peuvent nullement développer
l'apprendre à apprendre, aptitude aujourd'hui plus
qu'indispensable dans le processus d'apprentissage.
Si la communication pédagogique laisse à
désirer, l'évaluation n'est pas en reste. Des notions
élémentaires de formulation des questions (docimologie) ne
semblent pas être connues par beaucoup d'enseignants. En plus, le moment
d'évaluation s'apparente plus à un moment de règlement de
compte pour certains enseignants et de véritable trauma pour beaucoup
d'étudiants, renchérit MOKONZI.
L'évaluation formative, en particulier,
représentée par des interrogations et des travaux pratiques, est
fortement négligée dans certains établissements au profit
de l'évaluation sommative. Sur le plan de l'évaluation, l'on peut
aussi stigmatiser le non respect de certains principes essentiels :
l'objectivité, la validité de contenu de l'évaluation, la
cohérence entre l'évaluation et le contenu de la matière
dispensée, entre l'évaluation et les objectifs du cours...
Les questions d'examen composées par les enseignants
sollicitent plus les connaissances déclaratives que les connaissances
procédurales et conditionnelles. Généralement, les
questions sont ainsi plus du type quoi et moins du type comment
et pourquoi. Peut-il en être autrement lorsque la
communication pédagogique, par la méthode
«dictée» ou par d'autres méthodes qui ne mettent pas
l'apprenant au centre de sa formation, n'insiste pas elle-même sur les
connaissances procédurales et conditionnelles ?
Tout compte fait, l'évaluation est loin d'être
partie intégrante du processus d'enseignement apprentissage.
Pendant les sessions d'examen on observe le manque
d'éthique exprimé par la corruption, le trafic d'influence, le
favoritisme, etc. Le phénomène « côtes
sexuellement transmissible » n'est plus un secret pour les
observateurs attentifs et passionnés du changement.
Pour clore, le cours des techniques de communication
pédagogique devrait ainsi insister sur les modalités susceptibles
de permettre à l'enseignement universitaire de sortir de la conception
classique de l'enseignement, selon laquelle l'enseignant est porté
à se considérer seul détenteur de connaissances.
Pour l'efficacité de la communication
pédagogique, les enseignants doivent, désormais mettre l'accent
sur des techniques qui centrent davantage l'enseignement sur les
étudiants afin de les amener progressivement à construire des
connaissances par eux-mêmes, individuellement ou en groupe.
N'est-ce pas ici le lieu d'insister sur la maîtrise par
les futurs enseignants de l'E.S.U. des modalités d'enseignement qui,
au-delà du cours magistral, sont aussi diverses que possibles, notamment
l'enseignement dirigé, les jeux de rôle, les livres, les travaux
pratiques, le stage, l'enseignement assisté par Internet, etc.?
§ Reformer les horaires d'enseignement :
Dans le système éducatif traditionnel Lega,
nous avons montré comment les éducateurs accordent une
première importance sur la répartition de temps pendant
l'initiation, car, pédagogiquement, le temps reste la ressource
principale qui structure toutes les activités éducatives et qui
demeure un élément incontournable de toute phase
d'apprentissage.
Observant certains horaires scolaires et académiques,
il ressort souvent
une inadéquation entre le temps imparti pour les
travaux pratiques, le stage, les exercices au laboratoire, les visites
guidées, les travaux de terrain et toutes autres activités
mettant en relief la théorie et la pratique par rapport aux
enseignements théoriques. On accorde trop de temps à
l'enseignement théorique. Par conséquent, cette politique
éducative semble ignorer que l'organisation et l'utilisation du temps
déterminent les conditions d'apprentissage. A la fin des cours, l'on
produit assez des têtes bien pleines que des têtes bien faites.
A ce qui précède, faisons voir aussi que le
temps alloué, par exemple, au cours de l'initiation à la
recherche scientifique, est insuffisant au regard du temps consacré, par
exemple aux activités ludiques.
Par la réforme, le temps scolaire doit être
également examiné sous deux aspects complémentaires. Le
premier est de nature quantitative et doit viser à étudier le
volume de temps à offrir aux apprenants et sa répartition au
cours d'une période quelconque (journée, semaine, mois,
trimestre, semestre et année). Le second aspect est de nature
qualitative à travers la relation entre les contenus des
activités d'enseignement et les apprentissages des élèves.
En perspective d'une formation efficiente et efficace, le
temps scolaire mérite donc une modification profonde, non seulement
sur le plan quantitatif, mais aussi et surtout sur le plan qualitatif en
termes d'utilisation réel de temps par les enseignants et les
élèves.
Si l'enseignant et l'élève doivent user
rationnellement le temps imparti pour une leçon (cours), la
nécessité d'établir des conditions d'enseignement qui
prennent en compte la diversité des élèves est
inéluctable. Un bon enseignant doit tenir compte de la différence
d'âge, de milieu social et de développement de ses
élèves.
Par conséquent, l'organisation du temps scolaire doit
donc être adaptée à cette diversité, à la
fois en termes de différence d'âge (ne pas considérer de la
même façon les élèves de 8 ans comme ceux de 12 ans)
et en termes de respect des rythmes d'apprentissage pour des
élèves d'une même classe d'âge (ne pas accorder un
même temps d'apprentissage aux élèves doués comme
ceux des élèves moyens ou faibles)
En conclusion à cette réflexion sur
l'utilisation et l'organisation du temps scolaire, plusieurs points peuvent
être soulignés qui ont une utilité certaine pour la
politique éducative.
Une idée majeure est déjà que le temps
doit être considéré comme la ressource centrale pour les
apprentissages des élèves, sachant que sa dimension qualitative
est plus importante que sa dimension quantitative : c'est bien l'usage que
l'élève peut faire du temps et non seulement son volume qui
détermine l'efficacité pédagogique.
A ce titre, l'enseignant exerce bien évidemment un
rôle majeur dans les choix d'allocation de temps entre les
activités et une compétence professionnelle essentielle est de
pouvoir mobiliser l'élève sur la tâche. Le temps et la
durée de la recréation (pause), des détentes et vacances
doivent être repensés profondément.
Même si l'organisation du temps ne suffit sans doute pas
en elle-même à améliorer la qualité de notre
école et à réduire la difficulté scolaire, cela
peut être néanmoins un levier d'action efficace pour
réduire les inégalités entre élèves. En
outre, une réflexion approfondie sur l'organisation du temps
débouche, de fait, sur des actions touchant la dimension qualitative du
temps d'apprentissage des élèves, dimension centrale sur le plan
de l'efficacité pédagogique105(*).
j. La définition claire des objectifs de
l'enseignement
Un objectif est le résultat escompté
décrit en termes de capacités ou de compétence à
atteindre. Il se hiérarchise en objectifs opérationnels
définis par des conditions de performances et par des critères de
qualité ou de niveau106(*).
Ainsi, nous avons démontré qu'à l'issue
de l'initiation, les néophytes acquièrent des capacités
observables par tous, qui leur rendent capables de faire face aux
problèmes réels de la vie. Tout initié ne faisant pas
preuve desdites capacités constitue un objet de moquerie jusqu'à
ce qu'il se ressaisisse à l'instar de ses collègues.
Pour parvenir à doter les apprenants des
capacités suffisantes et observables qui les rendent capables de les
appliquer en situation réelle à l'issue de la formation, nous
proposons aux enseignants de bien définir les objectifs de leur
enseignement, sachant qu'ils doivent, d'une part, déterminer les
objectifs spécifiques en termes de savoir (connaissance) que les
apprenants sont censés acquérir.
On parle ici des objectifs pédagogiques
c'est-à-dire, ceux qui décrivent les actions que les apprenants
mettront en oeuvre pendant la formation. Ces objectifs s'expriment avec
précision par des verbes d'action le niveau à atteindre par les
apprenants dans le domaine concerné. Par exemple compter,
énumérer, expliquer, etc.
D'autre part, les enseignants doivent définir
clairement les objectifs spécifiques en termes de savoir faire
et savoir être. On parle ici des objectifs
opérationnels : ce sont donc des activités
réelles que les ex-apprenants doivent être capables de
réaliser, en situation réelle de travail, avec un certain niveau
de performance.
Tout compte fait, un bon enseignant devra s'assigner d'abord,
l'objectif de trouver tous les moyens pédagogiques permettant aux
apprenants d'acquérir le savoir ou la connaissance. Ensuite
d'acquérir la connaissance des moyens qui permettent l'accomplissement
d'une tâche (savoir-faire). Enfin d'acquérir, au mieux,
la maîtrise d'actions et de réactions adaptées à
l'organisme et à l'environnement (savoir-être).
SAVOIR
SAVOIR-FAIRE SAVOIR-ETRE
(Savoir faire-faire)
Objectifs pédagogiques
Figure 1. Les objectifs pédagogiques
II.4.3.2. Stratégies d'intégration
à l'enseignement non conventionnel
Etant donné que l'acte éducatif ne
s'arrête pas aux quatre murs de l'auditoire, il sied d'établir une
interaction entre l'éducation conventionnelle, dont nous venons de
parler longuement dans les lignes précédentes et
l'éducation non conventionnelle ; la seconde étant
considérée comme une nouvelle école ouverte à la
vie.
Il sied de rappeler que, la Loi-cadre de 1986 traite de
l'éducation extrascolaire ou de l'éducation non formelle dans ses
articles 39 et 40 mais en des termes généraux. Elle parle en
effet de l'acquisition des compétences professionnelles dans le domaine
du savoir-être, du savoir-vivre et du savoir-faire, sans pour autant
détailler le mode de son organisation et de sa gestion.
En outre, la Constitution de 1967, laisse entrevoir une
possibilité de rendre utiles et nécessaires lesdites
acquisitions, dans la perspective de la promotion sociale des personnes
vulnérables, car, elle préconise qu'il y ait dans le pays, des
oeuvres para et post scolaires.
En effet, nous qualifions d'éducation non
conventionnelle, celle qui se réalise par les médias, par les
jeunes eux-mêmes dans les quartiers, par différentes
organisations (foyers sociaux, organismes de l'éducation, centres
d'encadrement et de formation, Organisation Non Gouvernementale de
Développement, Collectif National des ONG de l'Education...), etc.
§ Après avoir observé attentivement le
fonctionnement de certaines structures chargées d'encadrer les jeunes,
telles que certaines ONG ; le scoutisme, certains groupes religieux
(bilenge ya mwinda (jeunes de lumière), jeunes salutistes, Kizito et
Anuarite), certains centres d'encadrement de jeunes sportifs pratiquant des
arts martiaux,... nous dégageons la conclusion suivante : le
ministère ayant en charge la jeunesse, devrait recenser lesdites
structures, les coordonner et créer un cadre de concertation.
C'est pour cela que nous envisageons la création d'un
centre d'éducation de jeune et de la promotion des valeurs
culturelles congolaises. Ainsi, à travers cette grande structure
unique à vocation nationale, l'Etat pourra canaliser et contrôler
efficacement ses moyens en vue d'un encadrement lucide de la jeunesse.
§ Lorsqu'un enfant grandit et qu'il n'a pas de
réponses à certaines questions et problèmes qu'il pose
auprès de ses parents, il les cherche ailleurs. Souvent, c'est dans la
rue qu'il va chercher ces réponses, généralement
auprès de ses copains ou auprès d'autres parents et personnes
âgées que lui censées satisfaire ses préoccupations.
Il s'agit là de l'éducation diffuse.
Selon les experts en éducation, l'éducation
diffuse, véhiculée par la communauté extra-familiale, a
une influence non négligeable sur la formation des enfants.
En effet, pour contrer cette influence ayant beaucoup de
dangers, nous osons penser que l'Etat a le devoir d'instituer ce que nous
appelons le conseil des anciens du quartier, de l'avenue ou du
village. Dans la vision d'une éducation globale et efficace, ce
conseil, en association avec les autorités administratives locales,
pourra se charger de contrôler mutuellement les jeunes, collaborer plus
étroitement avec eux pour une action de régulation morale.
Point n'est besoin de rappeler que les actuels comités
de parents d'élèves et d'étudiants se réunissent
souvent sous la convocation des chefs des établissements afin de
discuter surtout, sur l'apport de parents pour le fonctionnement de
l'enseignement de leurs enfants. Très rarement la problématique
de la qualité de la formation et du suivi des enfants après les
cours fait l'objet de réflexion.
Nous proposons, en effet, la création des
associations de parents d'élèves et d'étudiants.
Celles-ci devront se charger d'abord de la sensibilisation des familles
pour le suivi d'un enseignement de qualité. Ensuite, elles devront
monter des mécanismes pour assurer le redressement moral et culturel des
enfants.
§ La presse, tant orale qu'écrite, doit jouer un
rôle prépondérant dans la remise en honneur et aviver les
valeurs traditionnelles. Les animateurs des émissions
radiotélévisées doivent concevoir et redynamiser des
programmes culturels orientés vers la littérature orale en
langues nationales. Les dessins animés et bandes dessinées
peuvent constituer des supports efficaces pour attirer la curiosité,
surtout des enfants.
D'aucuns n'ignorent l'influence des films, séries,
théâtres populaires, clips, publicités et autres
projections télévisées, sur les moeurs des congolais.
Très souvent ça laisse à désirer, car les
spectacles qu'ils offrent sont dénués de singularité et de
morale. En effet, dans le souci de promouvoir une pédagogie positive,
la presse doit être originale et exemplaire, c'est-à-dire celle
qui ne copie pas à l'aveuglette le modèle occidental et qui ne
vante pas des antivaleurs ou de personnalités dont la conduite est
reprochable et ne servent rien de modèle à la
génération croissante.
La commission de censure devra être stricte et
vigilante dans le choix de tout programme radiotélévisé.
Le conseil des anciens du quartier devra s'organiser pour projeter des films
éducatifs dans leurs quartiers, avenues ou villages. Les excursions, les
journées culturelles, les théâtres populaires, ... sont des
moyens puissants pour les jeunes à découvrir et à mettre
en oeuvre nos valeurs culturelles.
§ Il revient également et surtout aux artistes
musiciens, humoristes, cinéastes...d'apporter leur contribution
inlassable à la revalorisation de notre tradition au lieu de
s'accrocher aux dédicaces, communément appelées
« mabanga », des individus non épris de
valeurs et ne servant en rien de modèle à la
société.
En conclusion de ce point ayant traité les
stratégies d'intégration des valeurs traditionnelles, il sied de
faire voir que, l'organisation et la coordination de cet ensemble
d'opérations visant à mettre en valeur nos traditions et à
les actualiser, impose de nouveaux changements managériaux et la mise en
oeuvre d'un nouveau programme de formation à tous les niveaux. En
effet, le point suivant traite de la procédure requise pour la
conception et l'exécution de changements à apporter dans le
système éducatif actuel.
III.5. PROCEDURE DE LA
REFORME
Au deuxième point de ce troisième chapitre,
nous avons présenté, avec d'amples détails, les
différentes réformes pédagogiques intervenues en RDC. Par
l'analyse critique faite, nous avons dégagé les forces et les
faiblesses de chaque réforme. Avant de présenter notre
proposition du parcours d'une réforme efficace, voyons brièvement
le cheminement d'une réforme en RDC afin de mieux comprendre la
nécessité de revoir cette pratique.
III.5.1. LE PARCOURS DE LA
REFORME EN RDC
Théoriquement, pour mettre en oeuvre une réforme
éducative, il est prévu que, d'abord, l'observatoire
éducatif constitué d'enseignants, des inspecteurs et des
associations des parents fasse un rapport au Ministère chargé de
l'éducation, démontrant un dysfonctionnement dans l'enseignement.
Ensuite, une équipe constituée d'experts nationaux et/ou
internationaux examine ledit rapport et soumet ses résolutions à
une autre équipe constituée par les membres du cabinet du
Ministère ayant en charge l'éducation. Les travaux de la nouvelle
équipe sont soumis à l'expérimentation avant la mise en
oeuvre effective de la réforme.
Toutefois, le constat alarmant est que, tout ce parcours n'est
pas observé. En pratique, le service de réforme et innovation
éducative reçois des injonctions de son Ministère pour
accompagner seulement la mise en oeuvre des innovations conçues,
généralement par des étrangers, et qui ne résolvent
pas des problèmes fondamentaux de l'éducation. Le cas de la
proposition de la suppression du Test National de Fin d'Etudes Primaires
(TENAFEP), est une illustration éloquente. Nous voyons comment, ce
service de réforme et innovation éducative qui est un organe de
conseil technique du Ministère de l'éducation a
cédé sa place aux organismes internationaux ; comme qui
dirait, la locomotive devient le wagon.
En effet, soucieux de porter des correctifs aux points faibles
et d'actualiser le processus requis pour la mise en oeuvre d'une réforme
efficace, le point suivant consiste à présenter le cheminement
à suivre pour la réalisation d'une réforme de
qualité.
III.5.2. PROCEDURE REQUISE
POUR LA REFORME
III.5. 2. 1. L'INITIATIVE ET LA FORMULATION D'UN
AVANT-PROJET DE REFORME
Si jadis l'initiative de la réforme revenait à
l'Etat, particulièrement au Ministère ayant en charge
l'éducation, nous pensons qu'il est temps de redynamiser cette
procédure en laissant la latitude à tous les acteurs principaux
de l'éducation, notamment l'Etat, les enseignants, le corps
administratif de l'enseignement, les parents et les apprenants
compétents et capables, de proposer au pouvoir public de modifications
positives pouvant concourir à l'amélioration de
l'enseignement.
Ainsi, toutes les propositions de modifications conçues
et surtout qui tiennent compte du dynamisme de nos sociétés,
devront être rédigées et adressées à tous
lesdits acteurs de l'éducation, afin que, chacun pour sa part, puisse y
porter son avis. La mise en commun de différents avis émis devra
déboucher à la formulation d'un « avant projet de
réforme ».
III.5.2. 2. LA FORMULATION D'UN PROJET
Il suit de ce qui précède que le concours de
tous acteurs principaux de l'éducation à l'édification
d'un chef d'oeuvre pareil est de grande portée. C'est pour cela que,
l'avant-projet, qui n'est qu'une première ébauche de la
réforme, doit être formulé avec délicatesse et
finesse.
Pour ce faire, les concepteurs doivent d'abord mener des
enquêtes préalables qui devront recueillir les avis des
spécialistes et praticiens de l'enseignement, des
bénéficiaires directs de la formation que sont les
élèves et étudiants, voire des bénéficiaires
indirects que sont les administrations locales, les sociétés
étatiques, paraétatiques et privées.
Ensuite, les concepteurs de la réforme devront
impérativement, tenir compte, des préalables pédagogiques,
financiers, matériels et temporels, car très souvent, de bonnes
idées restent souvent lettre morte pour n'avoir pas tenu compte desdits
préalables.
Une fois arrêté et validé, l'avant projet
devra être soumis à l'examen minutieux des experts de
l'éducation, notamment, le corps enseignant et les administratifs des
structures d'enseignement.
Eu égard au contenu de l'avant-projet, ceux-ci auront
la charge de rédiger à leur tour, tous les changements
nécessaires sur les programmes d'études, la durée
d'études, l'organisation matérielle, la gestion du personnel,
etc. Le document rédigé sera un « projet de
réforme ».
III.5.2.3. EXAMEN DU PROJET
Rappelons que le projet de réforme est une oeuvre d'une
poignée d'experts tant nationaux qu'internationaux. Pour son
enrichissement et sa critique constructive, il est nécessaire qu'il soit
soumis également à l'analyse des experts de différentes
institutions d'enseignement de toute la république. A cet effet, il
faudra instituer, aux coordinations de l'enseignement primaire, secondaire et
professionnel (EPSP) et aux différentes facultés
d'universités et instituts supérieurs, des commissions pour
examiner et émettre des avis sur les changements majeurs
proposés.
Tous les avis émis ça et là dans tout le
pays, devront être centralisés au niveau national et
renvoyés aux différentes commissions en province, en vue d'une
harmonisation éventuelle. C'est ce que nous appelons la navette du
projet. Qu'en est-il au juste ?
III.5.2.4. LA NAVETTE DU PROJET
Par la navette du projet, nous entendons, l'aller et retour du
projet de réforme entre les commissions provinciales et la commission
principale se trouvant à la capitale. Par la navette, les experts d'une
contrée et d'un domaine X trouvent l'occasion d'analyser les
amendements des experts et d'un domaine d'une contrée Y. Ainsi, par cet
échange, ils ont tous la possibilité d'actualiser leurs
propositions de changements, en motivant les biens fondés de ceux-ci.
III.5.2.5. L'ADOPTION DU PROJET
Lorsque la commission principale reçoit en retour les
derniers amendements faits par les commissions provinciales, elle les analyse
une fois de plus. En cas d'éventuels désaccords, il faudra
organiser une commission paritaire mixte constituée des membres des
commissions provinciales et de ceux de la commission principale. Les
résultats de compromis obtenus sont rédigés dans un
document final. Ce document devra être approuvé après
délibération. C'est l'adoption du projet.
Jusqu'ici, ce document n'a pas un caractère
officiel ; d'où, une fois adopté, le document doit
être soumis à l'autorité compétente, en
l'occurrence, le Ministre de l'éducation qui devra à son tour
marquer son accord.
III.5.2.6. L'EXPERIMENTATION DU PROJET
Lorsque le projet est déjà adopté, il
sied de le soumettre au test, autrement dit, à une vérification
systématique auprès d'un échantillon prélevé
selon des critères bien définis par des experts du domaine.
Ainsi, les résultats de l'expérience menée dans un groupe
réduit, permettra de se faire une idée de la qualité du
projet afin que celui-ci soit étendu ou non dans l'ensemble de la
population concernée.
III.5.2.7. LA PROMULGATION DE LA REFORME
Avant la mise en application de la réforme, le Ministre
de l'éducation nationale, convaincu de la qualité, de la
nécessité et de l'opportunité du projet, le soumet au
conseil de Ministres. Ceux-ci devront examiner minutieusement le projet, car sa
mise en oeuvre implique la participation active de plusieurs ministères,
si pas tous. Une fois l'accord trouvé, le Ministre de
l'éducation rend public le projet, par un décret. En effet, le
projet qui jusqu'ici, n'était qu'un ensemble d'idées à
réaliser, devient une réforme qui n'attend que son application.
C'est donc la promulgation de la réforme.
Par cette décision écrite, l'autorité
confère au projet une portée réglementaire.
III.5.2.8. LA SENSIBILISATION DE LA REFORME
Avant la mise en oeuvre effective de la réforme,
l'organisation des ateliers de formation et d'information des différents
corps des milieux scolaires et universitaires devra être
réalisée en vue de rendre le projet réceptif et faire
comprendre davantage ses consommateurs, le bien fondé de ceci.
III.5.2.9. LA MISE EN OEUVRE DE LA REFORME
Aussitôt promulgué, et suffisamment
sensibilisé, le projet est mis à son application effective par
les acteurs de l'éducation précités. Un suivi
s'avère indispensable.
III.5.3. PREALABLES POUR LA
REUSSITE D'UNE REFORME EDUCATIVE
Des conditions préliminaires doivent être
respectées pour réussir une réforme en éducation,
notamment, la coordination entre les objectifs de la réforme et les
ressources, humaines, matérielles, temporelles et financières
devra être assurée.
Pour marteler la nécessité de cette
coordination, il sied de rappeler que la réforme universitaire de 2003
s'est assigné l'objectif de pourvoir les universités et instituts
supérieurs des équipements modernes. Curieusement et
malheureusement, faute de financement, les bibliothèques et les
laboratoires n'ont pas été équipés en
conséquence. Nous avons noté ça comme une faiblesse
notoire à contourner.
Pour tout dire, retenons que l'initiative de la réforme
ne doit pas être une affaire propre du Ministère de
l'éducation. Néanmoins, la réussite de la réforme
dépend largement de la volonté politique, car, les institutions
d'enseignement ne sont pas les seules responsables de leur propre
évolution. L'Etat est le partenaire privilégié de
l'éducation. En tant que régulateur, il devra instaurer un organe
consultatif à caractère permanent qui devra jouer le rôle
de l'observatoire national.
Lorsque l'on conçoit une réforme
éducative, il sied de se placer dans l'approche systémique en
considérant l'enseignement supérieur et universitaire, d'une part
et l'enseignement primaire, secondaire et professionnel, d'autre part, comme
deux sous-systèmes complémentaires du grand système
éducatif de la RDC qui tient, à son tour, compte, des
réalités de la société globale. C'est pourquoi,
pour nous, si l'on réforme l'enseignement supérieur et
universitaire en aval, réformer l'enseignement primaire, secondaire et
professionnel, en amont, devient un impératif.
En plus, si le système éducatif est
réformé, créer des structures d'emplois susceptibles de
résorber le produit de l'éducation s'impose avec acuité.
En outre, pour son efficacité, toute réforme
doit être précédée par des enquêtes de
terrain pour cerner les attentes de la société. Les changements
apportés devront chercher à obtenir une forte implication des
acteurs de l'éducation, en particulier, les formateurs.
CONCLUSION ET
RECOMMANDATION
Pour marquer le terme de notre mémoire, rappelons la
sagesse africaine à travers cette maxime Lega lourde de sens, ayant
suscité notre curiosité de recherche : « tout
peuple, qui se réjouit de la disparition de sa tradition, se
réjouit par la même occasion de sa propre
décadence ». Autrement dit, aucun peuple ne saurait
s'épanouir sans tenir compte de ses valeurs traditionnelles.
A la lueur de cela, nous avons constaté que, par le
métissage culturel dû à la colonisation, le congolais rompt
progressivement avec sa culture et emprunte à l'aveuglette, celle du
colonisateur, prise comme modèle.
Les corolaires néfastes de cette inculturation nous
ont induit à nous donner le devoir d'analyser les valeurs culturelles
traditionnelles congolaises pouvant être mises au service de
l'éducation moderne et dont l'efficacité dépendra de
l'implication de tous les acteurs principaux de l'éducation, du contenu
de programme qui en découlera et des stratégies
d'intégration desdites valeurs qui seront mises en oeuvre.
La complexité et la diversité des valeurs
culturelles congolaises nous a obligé de recourir aux
réalités culturelles du peuple Lega, dont nous avons la
maîtrise, prises comme modèle-type.
Etant donné qu'en apportant le système
éducatif moderne aux Congolais, la colonisation a eu un impact
significatif sur la baisse de nos valeurs traditionnelles, notre recherche est
partie de l'époque coloniale.
En effet, nous avons intitulé cette étude comme
suit : « L'intégration des valeurs traditionnelles
congolaises dans l'amélioration du système éducatif
moderne en République Démocratique du Congo. Cas de l'initiation
Lega, de 1905 à 2008 ».
Notre recherche s'est assigné comme objectifs, d'abord
de trouver des éléments fondamentaux qui ont concouru à la
perte du système éducatif traditionnel congolais. Parmi lesdits
éléments, nous avons noté :
· l'influence du mimétisme culturel ayant conduit
à l'emprunt « aveugle » du système
éducatif de type occidental ;
· l'abandon des valeurs traditionnelles congolaises
considérées comme « sataniques »,
dépassées, inadaptées ;
· l'allocation du temps insuffisant à certains
cours (leçons) à portée nationale (exemple : histoire
de l'Afrique et du Congo ; le relief et l'hydrographie du Congo...) etc.
Ensuite, étant donné que l'individu est souvent
entièrement façonné par la culture de la
société dont il est issu, par le biais de l'éducation,
nous avons recherché des antidotes à la problématique
posée par ledit emprunt culturel, en vue de restaurer un système
éducatif qui ne s'écarte pas des réalités
d'ailleurs compte tenu de la mondialisation, mais qui tient plus compte des
réalités sociales du Congolais.
Autrement dit, nous avons développé plusieurs
stratégies pédagogiques susceptibles de promouvoir un
système d'éducation s'inspirant le plus largement possible de nos
valeurs culturelles. Dans le système éducatif conventionnel, nous
avons développé plusieurs stratégies, notamment :
· la prise en charge effective de l'enseignement par
l'Etat ;
· l'intégration et la
généralisation des langues nationales ;
· le recours à la littérature orale
congolaise (proverbes, devinettes, contes...) ;
· la désaliénation culturelle ;
· le jardinage et les travaux manuels ;
· la réforme des programmes, des pratiques et
des horaires d'enseignement ;
· l'assurance de la formation permanente des enseignants.
Tandis que dans le système éducatif non
conventionnel, nous avons également retenu moult stratégies,
entre autre :
· la création d'un centre d'éducation de
jeune et de la promotion des valeurs culturelles congolaises ;
· la mise sur pied d'un conseil des anciens du quartier,
de l'avenue ou du village ;
· la création des associations de parents
d'élèves et d'étudiants ;
· la conception et la redynamisation des programmes
culturels orientés vers la littérature orale en langues
nationales en utilisant les dessins animés et bandes dessinées
comme des supports efficaces pour attirer la curiosité, surtout des
enfants ;
· l'amélioration de la presse en la rendant plus
originale et exemplaire, c'est-à-dire celle qui ne copie pas à
l'aveuglette le modèle occidental et qui ne vante pas des antivaleurs ou
de personnalités dont la conduite est reprochable et ne servent rien de
modèle à la génération croissante ;
· l'institution d'une commission de censure stricte et
vigilante dans le choix de tout programme radiotélévisé.
Enfin, nous avons présenté clairement la
procédure à suivre pour mettre en oeuvre une réforme
éducative efficace. Cette procédure présente les
étapes suivantes :
· l'initiative et la formulation d'un avant-projet de
reforme
· la formulation d'un projet
· l'examen du projet
· la navette du projet
· l'adoption du projet
· la promulgation du projet
· la mise oeuvre du projet
La rédaction de ce mémoire a été
possible par le recours aux méthodes, techniques et paradigme, que nous
avons étayés à la partie introductive. Il s'agit des
méthodes historique, dialectique et systémique, d'une part et des
techniques d'enquête, documentaire et interview pour la récolte de
données, tandis que l'analyse de contenu, et la technique statistique,
pour le traitement de données, d'autre part. Ajoutons que nous nous
sommes servi du paradigme humaniste.
Rappelons que la présente recherche a été
émaillée de plusieurs difficultés d'ordre scientifique,
académique, financier, social, etc. Nous les avons
présentées sans ambigüité au début de cette
dissertation.
Ce travail s'est articulé autour de trois chapitres,
comprenant chacun plus d'une section.
Le premier chapitre a exposé les considérations
générales ; le deuxième a présenté les
données d'enquête tandis que le troisième, finissant cette
analyse s'est étalé sur le système éducatif
envisagé.
Il est impérieux et opportun, pour nous, de terminer
cette dissertation en présentant un ensemble d'idées que nous
soumettons à l'approbation de personnalités et institutions
concernées. Il s'agit donc d'un ensemble de recommandations visant
à promouvoir le changement positif dans le système
éducatif par la conception, notamment, des programmes d'enseignement qui
permettent d'abord la résolution des problèmes dans le
vécu quotidien du Congolais sans exclure, ensuite, la possibilité
de solutionner des problèmes d'ailleurs.
A. A L'ETAT
CONGOLAIS :
Ø Promouvoir la recherche scientifique par
l'octroi de bourse d'étude et la subvention de la recherche
scientifique:
Enraciner les valeurs authentiquement congolaises suppose la
reprise en compte de quatre langues nationales. Cette reprise n'est peut
être effective et efficace qu'à travers les résultats des
études scientifiques savamment menées et de leur insertion dans
les systèmes éducatifs, sociaux, administratifs et politiques de
pays.
Ø Promouvoir l'unité dans la
diversité :
La diversité culturelle est une réalité
vivante en RDC et ne doit pas être un facteur de division. L'unité
nationale demeure un idéal de tout le temps et de tout dirigeant
épris du nationalisme. Conséquemment, l'Etat ferait mieux de
favoriser la diversité culturelle en percevant celle-ci comme un
facteur d'équilibre et d'unité nationale.
Actuellement la problématique de rejet, de la
ségrégation tribale, et de tout refus d'accepter des
différences qui s'alimente déjà dans nos
communautés pourra être solutionnée par l'instauration d'un
cadre de dialogue fécondant et permanent entre les différentes
cultures et la participation active des diverses communautés à la
vie culturelle de la nation. Favoriser l'initiative telle que le festival
de Gungu est une illustration éloquente.
Ø Nommer des autorités compétentes au
Ministère de l'éducation :
Quand un Ministre ne maîtrise pas les
réalités des institutions d'enseignement du moment, il n'est pas
à sa place, car entre l'enseignement primaire, secondaire,
supérieur et universitaire, il existe un continuum qui exige une
approche globale et stratégique dans la définition des politiques
éducatives.
En effet, l'Etat devra nommer des spécialistes de la
culture et de l'éducation au Ministère de l'éducation
nationale.
Ø Doter les institutions d'enseignement des outils
nécessaires pour l'accomplissement efficace et efficient de leurs
missions en tenant compte de l'avènement de nouvelles technologies de
l'information et de communication.
Ø Créer un Institut national de tradition
populaire.
Ø Promouvoir entre les pays voisins, une
coopération culturelle et scientifique permanente.
Ø Encourager la formation militaire des jeunes
âgés d'au moins dix-huit ans.
B. AUX INSTITUTIONS
D'ENSEIGNEMENT:
Ø Mener des recherches scientifiques sur les
valeurs culturelles congolaises:
§ Que des chercheurs et enseignants mènent des
recherches approfondies afin de dégager les points communs à la
diversité des cultures et en constituer la base de la culture nationale
à insérer dans le système éducatif national.
§ Que des chercheurs nationaux orientent leurs
investigations sur l'enfant et le jeune pour une meilleure appréhension
de sa connaissance et de sa mentalité corrélatives aux valeurs
culturelles congolaises.
§ Concevoir de nouveaux manuels plus conformes à
l'esprit de la tradition et ayant comme centre d'intérêt, nos
valeurs culturelles. A titre illustratif, il est besoin d'élaborer de
nouveaux manuels d'éducation civique et morale en remplacement de
certains qui sont actuellement en usage. En outre, faire de l'enseignement
moral et civique une matière primordiale à tous les niveaux.
Ø Développer d'autres stratégies
d'intégration des valeurs culturelles, outre ce que nous avons
présenté.
Ø Assurer l'enseignement de la littérature
congolaise et/ou africaine orale et écrite, dès l'école
primaire, car la littérature est, dans son ensemble, le mode
d'expression spécifique d'une culture. En plus, utiliser la langue
maternelle des élèves, pour mieux leur faire comprendre certaines
leçons telles que l'histoire et la géographie locales,
l'éducation civique et morale, car ils appréhenderaient plus
facilement les difficultés s'ils étaient plus à l'aise
dans la compréhension des explications.
On ne doit pas perdre de vue que la vie morale ne peut
être détachée de la langue courante de l'apprenant parce
qu'on établit de corrélation entre ce détachement et
l'aliénation chez les scolarisés. Il est donc
déconseillé d'inculquer des principes philosophiques et moraux
dans une langue qui n'est pas organiquement liée à la
personnalité profonde de l'apprenant, parce que très souvent il
n'en recouvre que partiellement les subtilités.
Ø Concevoir et initier de nouveaux programmes
d'enseignement, à tous les niveaux, s'adaptant aux besoins et
réalités du moment.
Ø Assurer la formation initiale et continue des
enseignants et du corps administratif en portant un regard attentif sur les
nouvelles technologies, particulièrement, celles de l'information et de
communication.
Ø Valider les connaissances des élèves et
étudiants par les concours de recrutement à tous les niveaux.
Ø Assurer l'enseignement par des méthodes et
techniques moins théoriques et mieux adaptées au milieu des
apprenants plus profondément enracinés dans les valeurs
culturelles. En plus, que l'enseignement soit plus
délibérément orienté vers la vie et puisse aider
l'apprenant à comprendre les exigences du monde dans lequel il vit et
à le transformer, pour chercher à faciliter l'insertion dans
l'environnement familial et social.
Ø Que les enseignants soient épris de la
déontologie professionnelle, car par leur conduite exemplaire, ils sont
censés prêcher plus par l'acte que par la parole
Ø Introduire les jeux, danses et chants traditionnels,
à tous les niveaux de l'enseignement, compte tenu de leur dimension
éducative et de leur capacité de socialisation.
Ø Légitimer la réforme en encourageant
des initiatives et innovations locales, en vue d'accroitre l'efficacité
de nouveaux changements apportés dans le système éducatif.
En effet, nous recommandons aux autorités, d'abord, un accompagnement et
un soutien des enseignants par rapport aux nouvelles pratiques à
implanter ; ensuite, un travail avec les enseignants sur leurs
représentations du travail pédagogique et sur la signification
des changements en cours et enfin, une attention aux conditions objectives de
travail des enseignants dont il faudra veiller à ce qu'elles soient
favorables à la réforme et aux nouvelles pratiques qu'il s'agit
de développer.
C. AUX APPRENANTS:
Ø S'impliquer activement à la réforme du
système éducatif en dénonçant des
irrégularités constatées et en proposant
d'éventuels changements pour un enseignement efficace.
Ø S'adapter aux différentes modifications
intervenues en cours de la formation en reconnaissant que l'apprenant est
maître de son éducation.
Ø Développer la curiosité scientifique et
l'esprit d'innovation en s'inspirant des valeurs culturelles de son
environnement.
D. AUX PARTENAIRES DE
L'EDUCATION:
Ø Promouvoir l'éducation non
conventionnelle :
§ Eveiller le patriotisme par de films (documentaires)
historiques, reconstituant des scènes du passé, ou
réveiller le sens artistique par des vidéos où le
folklore, la musique et la danse saines sont exhibés. Dans le même
ordre d'idée, Susciter l'enthousiasme par des séquences
documentaires exaltant les réussites économiques et sociales,
l'évolution de l'agriculture, le charme de la vie hors des villes, les
possibilités de reconversion dans des organismes modernes, etc.
Naturellement, émissions et films utiliseraient les langues nationales.
Des jeux radiotélévisés pour les jeunes
dotés de prix, et portant sur la connaissance du pays, de son histoire
et de ses institutions, seraient un excellent stimulant, pour encourager la
curiosité intellectuelle et civique, surtout de jeunes. Dans la
même perspective, sanctionner sévèrement les médias
qui diffusent des séquences obscènes.
§ Organiser, au niveau des quartiers, des animations
culturelles; créer de clubs de jeunes, soit d'associations de quartier,
permettant l'écoute collective, l'organisation de spectacles
artistiques, des projections en plein air de cinémas éducatifs,
etc.
Pour clore, c'est à travers des changements et
stratégies présentés dans ce mémoire que notre
système éducatif pourra se réconcilier avec les
aspirations des Congolais pour devenir un vrai outil au service du
développement durable et un moyen d'épanouissement individuel et
collectif. Car, en dépit des difficultés, l'espoir reste permis,
il suffit de nous mobiliser pour un enseignement efficace afin de participer
pleinement au progrès scientifique et technologique et au
bien-être de tous.
Il est donc urgent d'édifier des systèmes
éducatifs qui intègrent les valeurs culturelles congolaises, sans
exclure les valeurs universelles, afin d'assurer à la fois la
pénétration des congolais dans ses valeurs culturelles et de les
ouvrir aux apports fécondants des autres civilisations et de mobiliser
les forces sociales dans la perspective d'un développement
endogène durable ouvert au rendez-vous du donner et du recevoir.
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2. DELHAISE, F., Monographie sur les
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3. ESSISSO A.A., Cours de méthodes de
recherche en sciences sociales destiné aux
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l'art, 63, ABA, (Note inédites)
5. MUKENDI, Séminaire des innovations
pédagogiques, D.E.A., Chaire UNESCO/UPN,
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6. MBARUSHIMANGA V., Etat d'avancement de la
politique de décentralisation de
l'éducation en Province de Kigali, Mémoire de
licence en
éducation,
Université Nationale du Rwanda
IV. DICTIONNAIRE, ENCYCLOPEDIE ET AUTRES DOCUMENTS
OFFICIELS
1. Dictionnaire encarta, 2009
2. Constitution de la République Démocratique du
Congo
3. Encyclopédie de l'évaluation en formation et
en éducation, Guide pratique, ESF,
www.cedip.equipement.gouv.fr
4. Extrait du discours du roi Léopold II à
l'arrivée des premiers missionnaires au Congo
5. Plan Décennal pour le développement
économique et social du Congo-Belge, Bruxelles, 1949
6. Projet d'organisation de l'enseignement au Congo-Belge,
1925
7. Rapport annuel du Centre Culturel Lega, exercice 2008
8. Rapport de la table ronde de l'éducation en
République Démocratique du Congo, tenue à Kinshasa, du 20
au 22 septembre 2004
V. SITES INTERNET
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2. www.iac.wur.nl,
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4. www.galion-import.com,
Bienvenue chez les Léga, 2005
5. www.iae.lille1.fr,
Méthode/ analyse systémique, 2008
6. www.iae.univ-lille1.fr
ANNEXES
ANNEXE 1. GUIDE
D'ENTRETIEN 1
ANNEXE 2. GUIDE
D'ENTRETIEN 2
ANNEXE 2. QUESTIONNAIRE
D'ENQUETE 1.
ANNEXE 4. QUESTIONNAIRE
D'ENQUETE 2
ANNEXE 5. EXTRAIT DU
DISCOURS DU ROI LEOPOLD II.
TABLE DES MATIERES
SIGLES ET
ABREVIATIONS........................................................................-I-
EPIGRAPHE.......................................................................................... ...-II-
DEDICACE
.......................................................................................... ..-III-
REMERCIEMENTS....................................................................................-IV-
INTRODUCTION
- 1 -
ETAT DE LA QUESTION
- 1 -
PROBLEMATIQUE
- 9 -
HYPOTHESES
- 11 -
OBJECTIFS
- 12 -
METHODES
- 13 -
DIFFICULTES RENCONTREES
- 14 -
SUBDIVISION DU TRAVAIL
- 15 -
Chapitre Ier.
CONSIDERATIONS GENERALES
- 16 -
I.1. CADRE CONCEPTUEL
- 16 -
I.1.1. Valeurs traditionnelles Lega
- 16 -
I.1.2. Système éducatif moderne:
- 20 -
1.1.3. L'initiation traditionnelle Lega:
- 21 -
I.2. PRESENTATION DU PEUPLE LEGA
- 28 -
I.2.1. Présentation géographique
- 28 -
I.2.2. Aperçu historique
- 28 -
I.2.4. La culture Lega face à l'influence
étrangère
- 32 -
Chapitre
IIème. PRESENTATION DES DONNEES D'ENQUETE
- 33 -
II. 1. APPROCHE METHODOLOGIQUE
- 33 -
II. 1.1. La méthode historique:
- 33 -
II.1.2. La méthode dialectique:
- 38 -
II.1.3. La méthode systémique:
- 43 -
II.2. TECHNIQUES D'ECHANTILLONNAGE
- 47 -
II.2.1. La population
- 47 -
II.3. TECHNIQUES DE RECOLTE DES DONNEES
- 51 -
II.3.1. L'Observation directe:
- 52 -
II.3.2. L'Observation indirecte:
- 52 -
II.4. TECHNIQUE DE TRAITEMENT DES DONNEES
- 54 -
II.4.1. Technique de traitement des données
qualitatives
- 54 -
A. L'analyse thématique :
- 55 -
B. L'analyse des fréquences :
- 55 -
C. L'analyse de cooccurrences:
- 56 -
II.4.2. Technique de traitement des données
quantitatives
- 56 -
II.4.3. Données recueillies
- 57 -
Chapitre III
ème. SYSTEME EDUCATIF ENVISAGE
- 73 -
III. 1. LA GESTION DU SYSTEME EDUCATIF EN RDC
- 73 -
III.2. LES REFORMES PEDAGOGIQUES EN RDC
- 81 -
III.2.1. Les réformes de l'enseignement
avant l'indépendance
- 81 -
II.2.2. Les réformes de l'enseignement
après l'indépendance:
- 90 -
III.3. ANALYSE CRITIQUE DES REFORMES
PEDAGOGIQUES
- 95 -
III.3.1. Aspects positifs:
- 95 -
III.3.2. Aspects négatifs :
- 99 -
III.4. INTEGRATION DES VALEURS TRADITIONNELLES
CONGOLAISES
- 112 -
III.4.1.INVENTAIRE DES VALEURS TRADITIONNELLES:
- 112 -
III. 4.2. EVALUATION DES VALEURS
TRADITIONNELLES
- 117 -
III.4.3. STRATEGIES D'INTEGRATION
- 130 -
III.5. PROCEDURE DE LA REFORME
- 149 -
III.5.1. LE PARCOURS DE LA REFORME EN RDC
- 149 -
III.5.2. PROCEDURE REQUISE POUR LA REFORME
- 150 -
III.5.3. PREALABLES POUR LA REUSSITE D'UNE REFORME
EDUCATIVE
- 153 -
CONCLUSION ET RECOMMANDATION
- 154 -
A. A L'ETAT CONGOLAIS :
- 156 -
B. AUX INSTITUTIONS D'ENSEIGNEMENT:
- 157 -
C. AUX APPRENANTS:
- 159 -
D. AUX PARTENAIRES DE L'EDUCATION:
- 159 -
BIBLIOGRAPHIE
- 161 -
ANNEXES
- 165 -
ANNEXE 1. GUIDE D'ENTRETIEN 1
- 166 -
ANNEXE 2. GUIDE D'ENTRETIEN 2
- 167 -
ANNEXE 2. QUESTIONNAIRE D'ENQUETE 1.
- 168 -
ANNEXE 4. QUESTIONNAIRE D'ENQUETE 2
- 172 -
ANNEXE 5. EXTRAIT DU DISCOURS DU ROI LEOPOLD
II.
- 178 -
TABLE DES MATIERES
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* 1 MONOMI ASUKA NGONGO,
La rédaction d'un travail scientifique,
éd. du BASE, Kisangani, 1985, p. 4
* 2 KITA K.M.,
Colonisation et enseignement, Cas du Zaïre avant
1960, CERUKI, Bukavu, Zaïre,1982
* 3 NGONGO P.R.,
Science de l'enseignement, relation et communication
pédagogique, éd. Pringho,
Kinshasa, République
Démocratique du Congo, 2007
* 4 LUMEKA -Lua- YANSENGA,
Guide pour les pratiques de la recherche éducationnelle en
terre
d'Afrique, Presse Universitaire du Congo, Kinshasa, R.D.C.,
2007
* 5 MOPONDI B., Des
objectifs de l'enseignement à la formation des enseignants en
République
Démocratique du
Congo, www.bomboma.org
* 6 KAMBA A., La
réforme de l'enseignement supérieur et universitaire au
Congo,
www.skolo.org, 2006
* 7 C. DELHAISE,
Monographie sur les Warega, Congo-Belge, 1909,
Inédit
* 8 G. DEFOUR, La
corde de la sagesse Lega, éd. Bandari, Bukavu, R.D.C.,
1985
* 9 CHARLES BILEMBO,
Le Mulega, l'homme de la tradition, texte
inédit, Bukavu, R.D.C. 1990
* 10 D. BIEBUYCK,
The art of Zaïre, Easten Zaïre ,
Vol. II, University of California press, London
England, 1986
* 11 MUTUZA KABE,
De la philosophie occidentale à la philosophie
négro-africaine, éd. Universitaires africaines,
Kinshasa, RDC., 2008
* 12 MUKENDJI MBANDAKULU,
Cours de philosophie de l'art, 63, ABA,
Inédit
* 13 Extrait du discours du roi
Léopold II à l'arrivée des premiers missionnaires au
Congo
* 14 Léon de SAINT
MOULIN, OEuvres complètes du cardinal
Malula, textes concernant l'inculturation
et les Abbés, Facultés catholiques de Kinshasa,
Kinshasa, 1997, p. 27
* 15 EKWA bis ISAL MARTIN,
l'école trahie, éd. Cadirec, Kinshasa,
RDC, 2004 , p.11
* 16 MPALA, M., la
dialectique comme méthode de recherche scientifique,
www.louis-mpala.com, 2008
* 17
www.iac.wur.nl,
« Méthodes d'échantillonnage, guide
pratique de suivi-évaluation des projets de développement
rural », 2008
* 18 PASCAL
BLAISE,
Problématiques éthiques et morales,
www.psychobiology.org
* 19 Voir NDOYE A., et DIOUF
B.S., « stratégie d'intégration des valeurs
traditionnelles dans nos systèmes
d'éducation », in Ethiopiques, N°31,
3è trimestre, 1982
* 20 Pour devenir Mwami, il
faut remplir les conditions majeures suivantes : Etre Lega initié,
âgé d'au moins trente ans ; jouir d'une bonne santé
physique et mentale ; être marié à défaut avoir
une représentante de l'épouse appelée
« Kigogo » ; payer les droits d'intronisation
(chèvres, nourriture et argent) et réussir à toutes les
épreuves de force et de sagesse.
* 21 FRANÇOIS DELHAISE,
cité par CHARLES BILEMBO, Le Mulega, l'homme de la
tradition, texte inédit, Bukavu,R.D.C.,1990, P. 60
* 22
www.epie.asso.fr, Pour une
évolution du système éducatif à l'aube du
XXIe siècle,
Revue de
l'EPI n° 76, Paris, France, 1994
* 23 ETIENNE YATT et LEONIE
BEHLERT, in « L'initiation traditionnelle en
Afrique »,
www.nouvelleacropole.org
* 24 SY LALLA D., cité
par MULUMA,A. et ZIAKWAU E., (1999) « L'initiation
du garçon comme processus éducatif en milieu traditionnel
mbala », in révue congolaise de théologie
protestante, n°13, Université Protestante du Congo, Kinshasa, RDC,
pp 201-202
* 25 D. SY LALLA, cité
par MULUMA,A. et ZIAKWAU E.,p.202, Ibidem
* 26 G. DEFOUR, Op.
cit., p. 6
* 27 CHARLES BILEMBO,
Op. Cit., p.27
* 28 LEON DE SAINT MOULIN, Op
cit, pp. 43-44, 1997
* 29 KILOSHO B., Le
Bwali, rite initiatique de la tribu Lega en RDC,
www.agoravox.fr, 2006
* 30 MUTUZA KABE,
Le Lusu Lega face à la
décentralisation, Rapport annuel du Centre Culturel
Lega exercice 2008, p.6, 2008,
(Inédit).
* 31 KILOSHO BARTHÉLEMY,
Op cit., 2006
* 32 MUTUZA KABE, loc.cit.,
2008
* 33
www.galion-import.com,
Bienvenue chez les Léga, 2005, p.1
* 34 CHARLES BILEMBO , Op cit.,
p.9
* 35 ARJUM APPADURAI,
Après le colonialisme : les conséquences
culturelles de la globalisation, www.amazon.fr
* 36 GRAWITZ, M.,
Méthodes des sciences sociales,
11ème éd. Dalloz, Paris, 2001, p. 398.
* 37 PROST, A.,
Douze leçons sur l'histoire,
www.wikipedia.cd,1996
* 38 A. PROST,Op
Cit., p. 69
* 39 G. DEFOUR , (1985), Op
cit, p.7
* 40 D. BIEBUYCK, (1986),
Op. Cit. P. 276
* 41 KITA K.M., (1982),
Colonisation et enseignement, Cas du Zaïre avant
1960, CERUKI, Bukavu, Zaïre
* 42 KAMBA A., La
réforme de l'enseignement supérieur et universitaire au
Congo,
www.skolo.org, 2006
* 43 Politzer, G.,
Principes élémentaires de la
philosophie,
www.marxists.org
* 44 VERHAEGEN,B., Cité
par ESSISSO A.A., Cours de méthodes de recherche en
sciences sociales destiné aux étudiants de
1ère Licence à la Faculté des Sciences
Sociales Administratives et Politiques, Université de Kisangani,
R.D.Congo, 2004
* 45 CHARLES BILEMBO,
Op.Cit.1990, p.107
* 46 MOBUTU SESE SEKO,
Parole du Président, éd.
Léopard, Kinshasa, p.22
* 47 Par la réforme de
l'éducation de 2003, l'Institut Pédagogique National est devenu
Université
Pédagogique Nationale. Il en est de même de
l'Institut Supérieur Pédagogique de Bukavu devenu
Université de Bukavu.
* 48 Cfr
www.iae.univ-lille1.fr
* 49 Cfr E., MORIN,
La Méthode
* 50
LUDWIG VON
BERTALANFFY, la systémique,
www.wikipedia.fr
* 51 Cfr
www.iae.lille1.fr,
Méthode/ analyse systémique
* 52 M. Edmond et D Picard.,
Cités par HUTEAU S., Le management public territorial.
Eléments
de stratégie, organisation,
animation et pilotage des collectivités territoriales,
éd. Papyrus,
Montreuil cedex, 2007
* 53 Cfr ESSISO A. A.,
Op.cit., 2004
* 54 Voir DICOS ENCARTA 2009,
UNICEF = United Nations International Children's Emergency
Fund C'est une organisation internationale à but humanitaire, qui oeuvre
pour la protection et l'amélioration de droit de l'enfant
UNESCO = United Nations Educational, Scientific
and Cultural Organization. C'est une Organisation
internationale qui a pour but de promouvoir le maintien de la
paix dans le monde par l'éducation, la
science et culture.
* 55 CROS cité par
MUKENDI, Séminaire des innovations
pédagogiques, Chaire UNESCO/UPN, RDC,2008
* 56 Cfr ESSISO A. A.,
Cours de méthodes de recherche en sciences
sociales, Op Cit., 2004
* 57 E. MARQUES.,
La contribution de l'échantillonnage pour le contrôle
des dispositifs médicaux,
www.utc.fr
* 58 G. DE LANDSHEERE, L.
FESTINGER et alii, cité par MBARUSHIMANGA V., Etat
d'avancement
de la politique de décentralisation
de l'éducation en Province de Kigali, Mémoire de
licence en éducation,
Université Nationale du Rwanda
* 59 Voir DICOS ENCARTA,
(2009)
* 60 Les deux derniers grades
sont les plus élevés dans la hiérarchie de Bwami.
Généralement, lorsqu'on y
atteint, on est astreint de rester au village en vue
d'assurer l'initiation des jeunes et celle des Bami, ainsi que la
garde des biens et valeurs coutumières.
* 61 J.P., DESGOUTTE,
L'interview audiovisuelle, 1998, p.35
* 62 BERELSON, cité par
ESSISO A. A., loc.cit, 2004
* 63 L. NEGURA.,
« L'analyse de contenu dans l'étude des
représentations sociales »,
Sociologie,
Théories et recherches,
2006,
www.sociologies.revues.org,
* 64 Cfr
République Démocratique du Congo,
www.wikipedia.org
* 65 MARTIN EKWA bis ASAL,
Op.Cit., p. 7
* 66 Rapport national du
Secrétariat Permanent de la Commission Nationale pour l'UNESCO sur le
développement de l'éducation en RDC, Avril 2001
* 67 M., BONAMI,. et M.,
GARANT, cités par V., DUPRIEZ, Systèmes scolaires et
pilotage de
l'innovation, De Boeck
université, Bruxelles, 1996
* 68 KITA KIANKENGE.,
Colonisation et enseignement : cas du Zaïre avant
1960,
éd. Du CERUKI,Kinshasa, 1982, p.12
* 69 E. de JONGHE,
L'enseignement des indigènes au Congo Belge,
in Collectif, 1931, p. 90
* 70 Plan
Décennal pour le développement économique et social du
Congo Belge, Bruxelles, 1949, p. 68
* 71 Congo-Belge,
Science et enseignement,1948,PP 19-20
* 72 KITA KIANKENGE MASANDI,
Op.Cit., p. 195
* 73 VERHEUST TH.,
Les études supérieures en République
Démocratique du Congo, Kinshasa, BEC, 1970,p.53
* 74 Rapport de la
table ronde de l'éducation en République Démocratique du
Congo, tenue à Kinshasa du 20 au 22 Septembre 2004
* 75 Congo Belge, Service
de l'enseignement, Organisation de l'enseignement libre,
cité par KITA
KIANKENGE.,Op. Cit, p.220
* 76 E. de JONGHE,
L'enseignement des indigènes au Congo Belge,
in Collectif, 1931, p. 89
* 77 KITA KIANKENGE.,
Op.Cit., p. 182
* 78 KITA KIANKENGE.,
Op.Cit., p. 199
* 79 P. COPPENS.,
le programme de l'enseignement d'après le plan
Décennal, in La revue coloniale
belge, N°104, Bruxelles,
1950, p. 79
* 80 R. KUMBATI, L'Eglise,
l'Etat et les problèmes de l'école catholique au Congo,
1876-1960, Louvain,
Thèse, 1967, p.176
* 81 A. MOUMOUNI,
L'Education en Afrique, Paris, Maspero, 2è
édition, 1967, p. 119
* 82 Cfr Congo Belge.
Science de l'enseignement, Projet
d'organisation de l'enseignement, 1925, p.1
* 83 B., VERHAEGEN,
Propositions sur l'Université de demain. Revue
de l'IRSA, 1, 45-64, 1986, p. 54
* 84 G., MOKONZI BAMBANOTA,
Redynamisation et revitalisation de la pédagogie
universitaire en République Démocratique du Congo,
www.congovision.com
* 85 S. CISSE,
« Valeurs morales et structures traditionnelles de
jeunesse », in Ethiopique, N°31,
3ème
trimestre, 1982, p. 4
* 86 S. CISSE, ibidem, p. 6
* 87 OUSMANE SAWADOGO,
«L'éducation traditionnelle en Afrique noire,
portée et limites »,
www.manden.org, Avril 2003
* 88 EKWA bis ISAL MARTIN,
Op.Cit., p.24
* 89 Cfr www.ayaas.net
« Vie religieuse et réalités
africaines », Rapport de la réunion (ASUMA),
tenue à
Manresa (Kinshasa) les
25, 26 et 27 février 1966, p. 78.
* 90 M. KOUROUMA,
« les valeurs traditionnelles pour un contenu
endogène de l'éducation », in
Ethiopique n°31, 3ème trimestre, 1982, p.12
* 91 J.M., BARBIER,
l'évaluation en formation, PUF, Paris, 1994,
p.14
* 92 EKWA bis ISAL MARTIN,
Op.Cit.,p.23
* 93 Cfr Art 43 de la
Constitution de la RDC
* 94 M. KUPELESA,
Le défit de la qualité de l'éducation scolaire
en RDC,
www.pygmalioeducation.free.fr,
2006,p.1 consulté le 13
Avril 2009
* 95B. MOPONDI.,
Des objectifs de l'enseignement à la formation des
enseignants en
République
Démocratique du Congo,
www.bomboma.org Consulté le 4 Mai
2009
* 96 J. CHEVRIER,
Littérature nègre, Armand Colin, 1984,
p. 201
* 97 A.L. SISAO,
l'art africain dans la littérature orale,
www.bf.refer.org Consulté le 07 Février 2008
* 98 D. PAULME, citée
par A.L. SISAO, Op.Cit., www.bf.refer.org
Consulté le 21 Septembre 2008
* 99 J. SURET-CANALE, Afrique Noire, Géographie,
Civilisations, Histoire, Éditions Sociales,
www.
jacques.more.pagesperso-orange.fr, 1885, p.244. Consulté le 24 septembre
2008
* 100 W. COPSON,
«Africa's Wars and Prospects for Peace»,
Sharpe, M. E., Incorporated, 1994,p.56
* 101 NKRUMAH, KWAME,
cité par THIERNO BAH, «Le
Consciencisme», Paris, Présence Africaine, 1976,
www.unesco.org Consulté le 19 Février
2009
* 102 OCDE : Organisation
de coopération et de développement économiques,
www.missionfourgous-tice.fr
Consulté le 28 Juillet 2008
* 103 J.
KOUDOU, Réforme de l'enseignement supérieur en
Afrique francophone et la transition vers le système
LMD, www.
events.aau.org
* 104 MOKONZI ,
Réformer les pratiques pédagogiques
* 105 B. SUCHAUT,
L'organisation et l'utilisation du temps scolaire à
l'école primaire : enjeux et effets
sur les
élèves, IREDU-CNRS et Université de
Bourgogne, Mai 2009
* 106 A. DE PERETTI, J.
BONIFACE, et J.A. LEGRAND, Encyclopédie de
l'évaluation en formation
et en éducation, Guide
pratique, ESF,
www.cedip.equipement.gouv.fr
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