Etude des idéophones d'une langue kwa: l'abouré éhè( Télécharger le fichier original )par Ben Martial BEGROMISSA Université de Bouaké - Côte d'Ivoire - DEA 2012 |
II - Fondements44(*)Les termes qui reflètent l'acte d'énonciation sont appelés des embrayeurs parce que ce sont eux qui entraînent, qui relient le sens de l'énoncé à la situation. Et ce qui renvoie à la situation est qualifié de déictique. Tout ce qui est déictique, tout ce qui relève de la situation d'énonciation, se rapporte à ces trois paramètres : moi / ici / maintenant. C'est cette série de termes par lesquels un locuteur se défini comme sujet. C'est le cas principalement de nombreuses unités de langue qui ne prennent sens qu'à l'occasion d'un acte particulier d'énonciation et qu'on a appelé embrayeurs : je, ici, maintenant (ego, hic, nunc).Tout tourne autour de Moi, le locuteur, qui me trouve forcément à un endroit donné, Ici, et dans un temps qui est le Présent vrai. Ce sera là la base de notre étude. Ainsi, un terme qui renvoie à ce qui a été dit auparavant dans le discours est qualifié d'anaphorique ; un pronom relatif par exemple est systématiquement anaphorique ; un pronom personnel peut être anaphorique ou déictique. Par ailleurs, un terme qui trouve son référent dans la suite du discours est qualifié de cataphorique : Elle est arrivée, Julie ? [Elle est définie par Julie]. Ensuite, on distingue les termes qui se définissent par eux-mêmes, qui renvoient à des connaissances extérieures, et cela suffit à leur donner leur référent ; c'est le cas des noms propres, et d'expressions complètes, pour lesquelles on parle de référence absolue : Exemple : Le Cid / Rodrigue / Victor Hugo fut inhumé au Panthéon en 1885. Aucun problème de reconnaissance pour le personnage ou le titre dont je parle, quelle que soit la phrase où j'utilise ce nom ou cette expression ; pas plus que pour le Panthéon ou pour la date. L'acte d'énonciation comme nous pouvons le voir est un phénomène dans lequel entrent en jeu plusieurs données. Les fondements de l'acte d'énonciation peuvent aussi se définir en indices. III - Les indices grammaticaux de l'énonciation45(*)Les indices de l'acte d'énonciation sont relativement variés. On peut citer entre autres les pronoms personnels, les pronoms possessifs, etc. v Pronoms personnels Ce sont les termes qui renvoient au discours, ils sont soient cataphoriques ou anaphoriques. On distingue les représentants (Il, elle, ils, elles). Je, tu, nous, vous ne sont pas anaphoriques et ne sont pas commutables avec un nom (Je viens n'est pas commutable avec *Paul vient) et entrent dans le cadre de l'énonciation. Je - tu - nous - vous (+ formes compléments). Je désigne le locuteur, celui qui parle. C'est un pronom très particulier, car il donne son identité par le seul fait qu'il est utilisé. Tu désigne l'allocutaire, celui à qui parle le locuteur. On peut dire que le tu n'existe que grâce au je : il se définit par rapport à l'énonciateur, et par le fait même qu'il est utilisé par lui. Évidemment, cela vaut également pour le vous de politesse. Nous désigne le locuteur + l'allocutaire ou les allocutaires, ou une ou plusieurs tierces personnes, ou tout cela ensemble (ex : je + tu + il / ils). Nous n'est pas un véritable pluriel de je : ce n'est pas une multiplication d'objets identiques, mais une jonction entre le je et le non-je, comme le dit Benveniste. Vous désigne les allocutaires (véritable pluriel de tu), ou un ou plusieurs allocutaires + une ou plusieurs tierces personnes. Les pronoms de la 3ème personne peuvent prendre une valeur déictique quand ils renvoient à une personne présente ou à une chose qui se trouve dans l'environnement du locuteur (souvent accompagnés de geste) : Regarde-le ! Comme il est susceptible ! (Jean) Remets-le sur son étagère. Avec les pronoms personnels sujets, on trouve les terminaisons verbales correspondantes. A l'impératif, on trouve les terminaisons sans les pronoms. Attention à certains pronoms, qui ne sont pas utilisés dans leur rôle d'origine : le vous de politesse (= tu), le nous dit de majesté (ou de modestie, ou d'auteur), les diverses significations du pronom on, les diverses manières de s'adresser aux enfants ou aux animaux... v Les possessifs Adjectifs et pronoms possessifs renvoient également à une personne de conjugaison ; les possessifs de 1ère et 2ème personne ont donc également un aspect déictique : Rends-moi mes billes, je te rendrai les tiennes ! Pour être précis, cet aspect déictique vient en second, car les pronoms trouvent d'abord leur référent de manière anaphorique, dans le début de la phrase. Les possessifs de la 3ème personne peuvent, comme les pronoms personnels, renvoyer à une tierce personne présente dans la situation de discours, et donc posséder une valeur déictique : Tiens, regarde un peu sa nouvelle robe ! (+ Geste). v Les embrayeurs spatiaux ou déictiques Certains linguistes utilisent le terme déictique au lieu d'embrayeurs. Le mot grec (déiktios) signifie démonstratif et vient du substantif deixis, l'acte de montrer. Toutefois il semble plus judicieux de garder l'appellation déictique pour les embrayeurs qui peuvent s'accompagner, de la part du locuteur, d'un geste de démonstration. C'est le cas des démonstratifs. v Les démonstratifs Les pronoms et adjectifs démonstratifs réfèrent souvent à un objet ou à une personne présent(e) dans la situation : Donne-moi cet outil. / Donne-moi ceci. Dans cette utilisation, les démonstratifs sont appuyés par un indice non linguistique, comme un geste, une attitude, un regard ; en cela ils sont bien déictiques, mais ils se distinguent des embrayeurs au sens strict, comme je ou tu, qui s'identifie par eux-mêmes : je s'identifie par le seul fait que le locuteur prononce ce mot, et tu par le seul fait qu'on s'adresse à l'allocutaire. => Attention : les démonstratifs s'utilisent aussi souvent de manière non déictique, mais anaphorique. => L'article défini peut avoir un sens proche de celui de l'adjectif démonstratif, avec geste : Donne-moi le tournevis, là. v Des termes relationnels Certains termes établissent une relation avec le locuteur, dans une certaine utilisation : Panisse est un ami (= un ami à
moi) / un voisin. Notons que dans cette phrase, tout dépend de la personne qui parle : l'enfant lui-même, un autre enfant du même papa, ou la mère de l'enfant : Je te dis que mon papa doit rentrer ce soir. v Les démonstratifs et adverbes de lieu Vient ici. L'adverbe de lieu renvoie au lieu où je me trouve en tant que locuteur. Je peux aussi joindre le geste à la parole. Donne-moi ça. Le pronom démonstratif - ça - désigne un objet se trouvant dans le lieu où se situe l'échange. Le geste peut aussi accompagner la parole. Dans ce contexte, il faut tenir compte de certaines marques qui indiquent la situation au moment de l'énonciation : ce sont les circonstances. * 44 Voir note 41. * 45 Ibidem |
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