Etude des idéophones d'une langue kwa: l'abouré éhè( Télécharger le fichier original )par Ben Martial BEGROMISSA Université de Bouaké - Côte d'Ivoire - DEA 2012 |
B - Mise en oeuvre de la théorieLa théorie énonciative dans son dynamisme est une théorie centrée autour d'un point focal qui est la signification de l'acte du langage. Selon BENVENISTE, le sens est la notion impliquée par le terme même de langage comme ensemble de procédés de communication identiquement compris par un ensemble de locuteurs ; dans cette dynamique, ces procédés font intervenir un grand nombre d'unités linguistiques que nous avons défini précédemment. Dans ce groupe de marqueurs d'énonciation nous voulons principalement tenir compte de certains adverbes que l'on appelle les adverbes d'énonciation et que nous nous proposons de décrire, d'étudier et d'utiliser dans ce travail. Les adverbes d'énonciation sont incidents non à l'énoncé mais à l'énonciation49(*). Fonctionnement et rôle : 1- Il est gravement malade. 2- Il marche lentement 3- Je suis très vivement intéressé 4- Il est probablement chez sa cousine 5- Heureusement, il est arrivé à temps = si je parle franchement. Dans les trois premiers énoncés, l'adverbe porte sur un élément dont il modifie le sens. Dans l'énoncé 4 l'adverbe porte sur l'ensemble de l'énoncé. Enoncé 5 : l'adverbe porte sur l'énonciation. Lorsqu'on parle, on utilise fréquemment des adverbes d'énonciation ou des infinitifs prépositionnels qui ont la même valeur : Honnêtement, sincèrement, vraiment, pour parler net, pour être franc,... Ces adverbes représentent souvent le démarrage d'un raisonnement : Si je dois être franc, honnête, dire la vérité... Puisque tu me demandes d'être franc... La position de l'adverbe a une incidence sémantique sur l'énoncé. Il sera question dans ce travail, à partir du fonctionnement et du rôle de ces unités linguistiques, d'expliquer et de démontrer le sens et le rôle que pourraient avoir et jouer les idéophones de la langue abouré. Il s'agit en effet d'une implication et une utilisation permanente de cette forme d'adverbe dans les énoncés de la langue. Mais surtout saisir l'importance (la fréquence) de l'usage de ces mots dans le langage abouré et surtout l'impact de leur usage. En outre, en raison des rôles de compléments adverbiaux ou de variantes adverbiales que jouent les idéophones dans les langues subsahariennes, il faudra étudier à partir d'une méthode définie et organisée à l'avance la correspondance sémantique et/ou syntaxique des idéophones et des adverbes d'énonciation dans le langage abouré. En vérité, la plupart des adverbes dits de manière n'existent que sous une forme apparente dans les langues africaines. La remarque déterminante est qu'une grande partie des idéophones les représentent dans ces langues. Ce que nous proposons de faire c'est de montrer l'utilisation des idéophones dans leur valeur subjective par rapport aux locuteurs c'est-à-dire l'emploi des mots idéophones selon la valeur et le sens que le locuteur veut lui attribuer. Au centre de cette théorie de BENVENISTE se trouve cet acte individuel par lequel le sujet parlant mobilise la langue pour son propre compte et en « assume les catégories dans une instance de discours »50(*). En effet, la langue se présente, en tant que telle, comme un système d'éléments linguistiques et de règles phonétiques qui commandent leur agencement. Mais ce système purement formel reste en quelque sorte, virtuel, tant que le locuteur ne l'a pas actualisé dans un acte individuel d'appropriation, que BENVENISTE désigne par le terme Enonciation. Cette énonciation accomplit ce que Benveniste qualifie de « conversion du langage en discours »51(*). Cette conversion est donc commandée par la situation chaque fois unique, dans laquelle se trouve le locuteur, point de référence d'où son discours tire son sens, et qu'il rend intelligible à autrui. Ce qui devrait privilégier, ce n'est pas la forme ou l'aspect que peut prendre tel unité idéophonique dans les énoncés mais surtout ce que veut exprimer cette unité idéophone selon les intentions du locuteur. L'essentiel c'est qu'il produise du sens, qu'il veuille communiquer quelque chose. Il ne faut pas perdre de vue dans cette lancée toutes les autres unités qui caractérisent l'acte même de l'énonciation (les pronoms, les circonstants temporels, les modes, les indices adverbiaux,...). Il faut à cet effet, les prendre en considération et surtout pouvoir les répertorier dans tout contexte d'énonciation que nous saisirons et percevoir ainsi leurs conséquences au niveau du langage abouré. * 49 http://bbouillon.free.fr/univ/ling/fichiers/enonc/enonc.htm * 50 Benveniste (Emile), Problèmes de Linguistique générale, Paris, Gallimard, 1974. * 51 Idem. |
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