4.2.2 Les zones de conflits agropastoraux le long de la
piste
Les conflits agropastoraux dans le terroir de
Laïndé Karéwa se manifestent différemment suivant
leurs causes. Ils dérivent principalement de la pression humaine sur les
ressources naturelles spécifiques telles que : la terre, les zones de
pâturages, les points d'eaux etc. Le long de la piste, les enquêtes
et le parcellaire fait au lever GPS des parcelles a permis d'obtenir la figure
4.13.
![](Organisation-de-lespace-agropastoral-dun-terroir-sature-pour-une-gestion-durable-des-ressourc108.png)
Figure 4.13 : Parcellaire des zones conflictuelles le
long de la piste à bétail.
Les zones de conflits bordant les deux cotés de la
piste sont des terres cultivées. A cause de leurs stratégies et
objectifs divergents, les agriculteurs et les éleveurs n'arrivent pas
à collaborer pour la gestion de ces espaces. Pourtant Cette
collaboration est indispensable pour le processus de concertation. Elle devient
à cet effet une quête à poursuivre et à gagner dans
l'avenir.
De cette figure, les 40 zones conflictuelles soit 70 % du
total des parcelles, sont essentiellement des parcelles agricoles
cultivées pendant cette campagne. Leur nature
agricole et aussi à leur facilité d'accès
(absence des obstacles sur les limites) est favorable aux conflits. L'aspect
social encourageant ces derniers est lié : à la différence
d'appartenance ethnique et celle de classe d'âge des exploitants
(agriculteur et éleveur). Les bouviers à qui sont confiés
les troupeaux, sont généralement des jeunes enfants (d'âge
maximal compris entre 10-20 ans). Les 15 parcelles non conflictuelles sont
des
espaces impropres à l'exploitation agricole. Ils sont
soit rocheux, soit pierreux oül'érosion hydrique est
très poussée. Le fourrage qui se trouve sur ces espaces est de
faible valeur nutritive. Les animaux ne mettent pas de temps
dans ces zones lors de leur passage. Au nord de la piste, les parcelles non
conflictuelles appartiennent aux éleveurs et sont placées
après les parcs à bétail.
Nous retiendrons grossièrement que les zones de
conflits le long de la piste ne sont pas spécifiques aux critères
relatifs à leurs exploitants. C'est plutôt l'état
cultivé des parcelles qui fait office aux conflits. En effet pendant la
saison pluvieuse, les cultures constituent des attractifs aux animaux et comme
les parcelles sont facilement accessible (absence de clôture) le risque
de dégâts devient élevé. Les parcelles
inexploitées à cause de leur nature rocheuses, restent
pratiquement pas sollicitées par les animaux. La mise en place d'une
barrière naturelle ou artificielle pour rendre difficile l'accès
aux parcelles cultivées apparaît comme un moyen de limiter les
conflits sur ces parcelles. La localisation géographique de ces espaces
a permis de comprendre les types et les causes des conflits.
4.2.2.1 Types et Causes des conflits
Les deux principaux types de conflits identifiés le
long de la piste à bétail lors de nos enquêtes sont
liés aux activités des exploitants. Il s'agit des conflits de
type agricole et ceux de type pastoral.
Les conflits de type agricole tel que montré par la
figure 4.14, résultent de la violation des limites de la piste à
bétail par les agriculteurs. En augmentant la surface de son champ,
l'agriculteur consomme chaque année l'espace définis pour la
piste à bétail. Ce qui réduit au fur et à mesure sa
largeur. Sur les 40 parcelles conflictuelles, nulle part une largeur
égale à la dimension initiale de la piste n'a été
rencontrée. Par conséquent, il s'agit d'une tendance
générale à la violation des limites de la piste. Le
désir d'accroître la production en agrandissant les parcelles
n'est pas approprié puisque le problème de la baisse de la
fertilité des sols est le facteur causal de la chute des rendements dans
le
terroir. Une diminution moyenne de la largeur de la piste de 18m
est suffisante pour expliquer la présence des bornes dans certaines
parcelles agricoles.
![](Organisation-de-lespace-agropastoral-dun-terroir-sature-pour-une-gestion-durable-des-ressourc109.png)
Figure 4.14 ; Violation des bornes (limites de la
piste à bétail) par les parcelles
Les conflits de type pastoral proviennent principalement de la
mauvaise conduite des éleveurs lors du pâturage et de
l'abreuvement de leurs animaux. En saison pluvieuse, la majorité des
éleveurs est à la quête du bon pâturage qui est le
plus souvent localisé dans les parcelles en jachères. Ces
éleveurs, sachant bien que les pistes à bétail secondaires
n'existent pas et que les jachères sont toujours entre les parcelles
cultivées, n'hésitent pas de sortir carrément de la piste
à bétail pour atteindre ces pâturages. Ce qui favorise
l'occurrence des dégâts des animaux sur les parcelles de cultures.
La figure 4.15, présente un cas de cette situation sur le terrain.
![](Organisation-de-lespace-agropastoral-dun-terroir-sature-pour-une-gestion-durable-des-ressourc110.png)
Figure 4.15 : Boeuf dans une parcelle
cultivée lors du pâturage sur les
jachères 82
Le résultat du comportement de ces éleveurs est
plus tard ressenti par l'agriculteur sur sa production. Ce même
problème, lors de l'abreuvement des troupeaux, est critiqué par
les agriculteurs dans le bas fond. Malgré les reproches des producteurs,
les éleveurs semblent être convaincus de leur conduite. Pour ces
acteurs, comme le soulignent Tchopsala et al., (2007) c'est le
problème de manque et d'éloignement des pâturages naturels
qui les amène à convoiter les zones de jachère. Ils
affirment à cet effet que : « ce n'est pas un acte volontaire de
laisser le troupeau entrer dans les champs ».
Les causes liées aux différents types de
conflits que nous avons retenues de l'analyse de la piste à
bétail apparaissent comme des facteurs qui incitent ou favorisent un
comportement donné. Dans le premier type de conflits, la conquête
agricole de l'espace pastoral est favorisée par le manque de mesures de
protection de la piste à bétail et du dispositif de
contrôle de la progression des parcelles agricoles. L'absence
d'informations plus spécifiques relatives à la création de
ces pistes ne nous permet pas de tirer des conclusions sur cet aspect. Mais
nous estimons que ces facteurs sont parmi les faiblesses du processus de
création des pistes à bétails du terroir. Le manque de
clôture sur les parcelles cultivées est également un
facteur de conflit. En effet, les animaux, attirés par la verdure
finissent toujours par pénétrer dans ces parcelles
cultivées pour brouter les plantes en champs. Avec les conflits de type
pastoral, la principale cause concerne le manque de responsabilité des
propriétaires des bétails. Généralement le
pâturage des animaux est assuré par des bouviers très
jeunes. La majorité de ces jeunes n'est pas informée sur les
règles et prescriptions établies au départ pour la
préservation des conflits le long des pistes à bétail. Ce
manque de transfert de responsabilité favorise des comportements moins
convenables au maintien de la paix et de la stabilité sur les pistes
à bétails.
Ainsi donc, lorsqu'il se pose un conflit quelque soit son
type, les manifestations généralement observées chez les
exploitants concernent les plaintes, les disputes, les bagarres ou la
combinaison des trois. Sur le terrain, il existe très rarement des
situations où on rencontre un seul cas de manifestation. En associant
ces différents cas par ordre d'apparition, les enquêtes nous ont
conduits aux proportions montrées par la figure 4.16.
![](Organisation-de-lespace-agropastoral-dun-terroir-sature-pour-une-gestion-durable-des-ressourc111.png)
Proportion de différents cas de manifestation de
type de conflit
10%
42%
30%
18%
Disputes simples Disputes et plaintes
![](Organisation-de-lespace-agropastoral-dun-terroir-sature-pour-une-gestion-durable-des-ressourc112.png)
Disputes et bagarres Disputes, plaintes et
bagarres
![](Organisation-de-lespace-agropastoral-dun-terroir-sature-pour-une-gestion-durable-des-ressourc113.png)
![](Organisation-de-lespace-agropastoral-dun-terroir-sature-pour-une-gestion-durable-des-ressourc114.png)
![](Organisation-de-lespace-agropastoral-dun-terroir-sature-pour-une-gestion-durable-des-ressourc115.png)
Figure 4.16 : Proportion des cas de manifestation de
conflits agropastoraux
De cette figure, il ressort que 42 % de cas de manifestation
des conflits associe les disputes et les plaintes aux bagarres. Ce qui signifie
que dans la plus part des situations de conflits, on assiste à des
bagarres. Celles-ci peuvent engendrer des pertes en vies humaines qui ne sont
pas souhaitable dans une société donnée. De ce fait nous
pouvons confirmer que les conflits agropastoraux le long de la piste à
bétail sont la cause principale de la rupture de concertation entre les
acteurs. Ce qui par voie de conséquence ne favorise pas la gestion
concertée de la ressource naturelle. De cette évidence, les
plates formes de concertation auront du mal à être mise en place.
Mais comme pour Aminou (2007) qu'aux dires des exploitants, les conflits sont
généralement mieux gérés par les populations
elles-mêmes que par les autorités de la place, il convient de dire
qu'il existe un préalable au processus de cogestion. Dans un proche
avenir, il sera important de penser à la responsabilisation des
agriculteurs et des éleveurs par leur sensibilisation sur les droits et
devoirs de chacun sur une ressource naturelle donnée. Toutefois, nous
devons retenir qu'il se pose un problème véritable de respect du
prochain et d'intégration des peuples auxquels s'ajoute le
problème de respect des normes et celui de réglementation. En
effet, les normes voudraient que la largeur d'une piste à bétail
officielle soit de 100 m dont 25 m de part et d'autre et 50 m au centre. Ce qui
aurait l'avantage d'avoir même en cas critique une largeur d'au moins 50
m et duquel un bon climat de dialogue. La réglementation quand à
elle établie des
mesures d'entretien et de respect des règles de gestion
de l'espace. Il devrait exister un statut définissant le mode
d'exploitation et d'occupation de l'espace aux alentours de la piste à
bétail pour influencer les comportements des exploitants et assurer la
police d'entretien souligné plus haut. La responsabilisation des acteurs
peut passer par la vulgarisation des techniques de restauration de la
fertilité du sol dont l'objectif est d'améliorer la
productivité des espaces afin de freiner la progression agricole. A ce
titre on peut penser au contrat de parcage et de fumure avec les
éleveurs. Ces derniers, seront ainsi associé à la
démarche et pourrons comprendre les problèmes de production dont
souffrent les agriculteurs. Sur la base de certaines techniques
agroforestières un effet triple peut être espéré par
:
· la création des clôtures biologiques
à l'aide de ces espèces agroforestières ;
· la résolution en partie des problèmes de
fertilité des sols et à long terme;
· la disponibilité des fourrages à partir des
espèces, la plupart légumineuses. utilisées dans les
clôtures.
Une étude dans cette perspective devra permettre de
connaître les possibilités de mise en oeuvre des clôtures
des parcelles et les alternatives y afférentes.
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