Organisation de l'espace agropastoral d'un terroir saturé pour une gestion durable des ressources naturelles: cas de Laà¯ndé Karéwa au Nord Cameroun( Télécharger le fichier original )par Borgoto DAOUD Université de Dschang - Ingénieur agronome 2008 |
CHAPITRE IV : RESULTATS ET DISCUSSIONS4.1 MODE ACTUEL D'ORGANISATION DE L'ESPACE4.1.1 Mode actuel d'organisation de l'espace exondéLe résultat de l'analyse des images satellites Quick bird est présenté par la figure 4.1. Source : Travaux de terrain et de
laboratoire De cette figure, il ressort que le terroir de Laïndé Karéwa présente globalement un paysage dominé par les champs ouverts à dimensions variables et une concentration de l'habitat au centre. Les espaces de pâturage, comme l'ont confirmé IRAD et PRASAC (2006), sont localisés en limite du terroir supposant ainsi que le bétail est exclu de la zone cultivée. Nous avons à faire donc à un paysage de type mixte qui ressort à la fois les traits d'un paysage d'openfield par les champs ouvert et un habitat groupé et celui de bocage par la non collectivisation agraire (parcelle individuelle). L'habitat observé du terroir est d'une disposition linéaire, du type village rue. Cet habitat est lié à trois facteurs principaux suivants: - la localisation des points d'eaux aménagés pour l'approvisionnement en eau ; - l'historique de la population qui ressort qu'elle est essentiellement composée des migrants venus de l'extrême Nord suite à la migration organisée des années 1980, assuré par le projet Nord Est Bénoué. Ce mouvement qui de nos jours continu sans protocole officiel et affecte la disponibilité des ressources foncières, a favorisé l'occupation pour l'habitat, des zones facilement accessible ; - la présence du bas fond est un facteur qui amène les exploitants à solliciter les espaces proches de cette ressource afin de s'investir plus fermement dans le travail. Dans ce sens, Lavigne et Camphius, (1997), constatent que dans les bas fonds soudano sahélienne, le critère de rendement chez les paysans est la productivité du travail, c'està-dire la meilleure rémunération de son travail. C'est de cet esprit que sont animés les producteurs au bas fond de Laïndé Karéwa. La disposition actuelle de l'habitat est favorable à un système de production intensif. Elle facilite l'accès aux intrants agricoles et la diffusion des innovations techniques. Par cette disposition, il est facile de se rapprocher des paysans pour initier des travaux de groupe afin de gagner leur confiance. Pour la diffusion d'une technique de production par exemple, il est possible de choisir un site d'expérimentation ou de démonstration telle que la majorité de la population puisse en bénéficier de la pratique. C'est cette approche qui est largement utilisée par l'IRAD dans le cadre de la recherche en partenariat avec la culture de soja dans ce terroir. La zone cultivée du terroir comme observé sur le terrain, se distingue par des espaces à sol saturés où s'exploitent le riz et les tubercules et ceux à sol non saturés exploités pour les cultures annuelles exondées (arachide, coton, maïs, sorgho, mil etc.). Les parcelles sont disposées en bas des collines et parcourus au milieu par le bas fond. La répartition des cultures à l'intérieur de cet espace semble peu structurée. Les cultures tel que le relève IRAD et PRASAC, (2006), sont implantées sur les terres exondées sans distinction d'assolement, à l'exception du manioc qui semble plus important sur les sols sablonneux du coté Est. Les espaces de pâturage sont bien distincts des espaces de culture. Ils sont aujourd'hui réduits aux zones non cultivables comme les montagnes (au Nord-ouest, Nord Est et au Sud) qui entourent le village. Les principaux pâturages naturels des campements Mbororo de Laïndé sont situés au nord et au sud-est des habitations faisant suite aux parcelles de cultures. Ces pâturages sont des ressources fourragères (herbacées et ligneuses) aussi bien pendant la saison des pluies que pendant la saison sèche. La distinction actuelle des espaces (agricole et pastoral) marque le domaine de responsabilité de chaque groupe d'activité. Le degré de leur interrelation sera ainsi étroitement lié à leur mode de gestion. En effet, la séparation claire de la zone cultivée de celle pastorale, bien connue de tous, devrait favoriser le déroulement normal des activités. Mais sur le terrain, cette délimitation ne semble pas inciter le respect mutuel des domaines d'exploitation, car de temps à autres on note la présence des conflits liés à l'espace. Cette situation témoigne de l'absence de mesure ou d'initiative d'une bonne sécurité foncière. A ce titre, Teyssier et al., (2002) soulignent que l'impact de l'insécurité foncière sur la pauvreté et sur la gestion durable des ressources naturelles au Nord Cameroun est une évidence. Elle conduit selon l'auteur, à : - un blocage du processus d'intensification de l'agriculture et de renouvellement des ressources naturelles ; - la persistance, parfois sur plusieurs décennies, de conflits non résolus obligeant les producteurs ruraux à des dépenses très importantes pour les arbitres ; - l'encouragement des pratiques conduisant à une dégradation des ressources renouvelables. Le niveau de sécurité foncière qui existe dans le terroir doit être mis en évidence pour faciliter le processus de concertation entre les acteurs. Les éléments caractéristiques de la morphologie agraire du terroir ont aidé à dégager quelques directives. 4.1.1.1 Caractéristiques des éléments de la morphologie agraire> Formes et dimensions des parcelles Les parcelles agricoles du village, comme on peut le voir sur la figure 4.1, ont de formes géométriques dont les plus dominantes concernent les formes rectangulaires. Sur les zones de plateaux, les formes allongées marquant la présence des aménagements anti-érosion sont dominantes. Elles notent par là, comme les formes triangulaires, l'existence d'une pression humaine sur l'espace de cultures. En effet, la population par ces aménagements valorise les espaces à contraintes agronomiques visibles sur les terrains accidentés des bas des montagnes. Vers le Sud du terroir, terrain à pente douce, les formes rectangulaires deviennent dominantes jusqu'au bas fond. Les formes régulières remarquées dans cet espace laissent penser à certaines techniques culturales comme le semis en ligne et à un encadrement des populations par des services sûrs offerts par l'IRAD-PRASAC, SODECOTON et l'OPCC. Les dimensions des parcelles près des habitations sont réduites et vont de moins d'un quart à un quart et demi d'hectare. Ces parcelles portent les cultures vivrières associées aux épices et condiments divers. Plus loin, les exploitations plus grandes de près d'un hectare se rencontrent. Elles atteignent par endroit deux hectares (rarement). A quelques exceptions près, les longueurs et largeurs officielles les plus utilisées sont : 100 m x 100 m; 100 m x 50 m ; 100 m x 25 m. Il existe aussi des parcelles dont les dimensions n'atteignent pas les valeurs officielles, mais le cas général reste ces dernières. Comme remarqué ci haut, la technique du semis en ligne associée au dimensionnement des parcelles (longueurs et largeurs officielles) serait liée à la production cotonnière, filière la plus organisée de la région. Ce qui amène à dire qu'il y'a une certaine maîtrise de la gestion de l'espace agricole et une facilité d'accès aux intrants agricoles. Ce type d'organisation conduit vers une forme d'intensification du système de production qui actuellement apparaît comme le seul moyen de réduire la pression humaine sur les ressources naturelles. > les reliefs créés par l'homme Les principaux reliefs crées sur l'espace cultivé concernent les bandes enherbées, les billons et les planches rizicoles. - Les bandes enherbées sont des aménagements réalisés pour la conservation des eaux et du sol (CES). Elles permettent de récupérer les terrains fortement érodés en minimisant l'érosion. Ceci par l'effet sur la structure du sol et la vitesse de ruissellement des graminées pérennes utilisées (Andropogon, herbe à éléphant). La technique a été introduite par le projet Eau-Sol-Arbre (ESA) de la SODECOTON, dans l'optique d'étendre les surfaces cultivées du coton et de gérer en partie le problème de la demande accrue en terre des paysans. Ces bandes se localisent dans le terroir, sur les versants des montagnes et sur les zones de plateau présentes par endroit. Les dimensions des bandes varient en moyenne entre 100-200 m de longueur et 20-30 m de large. Elles sont orientées suivant le sens perpendiculaire à la pente du terrain pour freiner l'eau de ruissellement et le processus de transport des particules du sol. A la longue, la technique peut avoir un impact positif sur la fertilité des sols, car les conditions de dépôt et de porosité du sol seront améliorées. Toutefois, il convient de signaler que les largeurs des bandes sont grandes, on risque ne pas avoir à temps voulu les résultats escomptés. En Afrique tropicale, selon la FAO (source : http://www.bf.refer.org/toure/pageweb/eroeol.htm) sur les terrains pentus, les largeurs comprises entre 50 cm et 4 m fournissent des meilleurs résultats. Car, plus les bandes sont proches plus leurs effet sur l'érosion sera marqué. D'autre part, le manque d'espace pour l'agriculture accentue la compétition et réduit les surfaces enherbées. - les billons réalisés pour la culture de patates, sont les principaux travaux de préparation du sol pour sa mise en place. On les localise en général dans les parties basses du terroir où se concentrent les eaux de ruissellement. Sur les zones non saturées, les billons sont réalisés une seule fois par an (en juillet). Dans les endroits humides, partie basse du terroir, ils se font à plus de deux reprises par an pour la même culture. Ce qui justifie leur présence beaucoup plus vers les zones basses du village et celles proches du bas fond où se fait cette culture en toute période de l'année. - les planches rizicoles apparaissent comme des parcelles ordinaires mais en réalité, elles sont de dimensions plus petites et aménagées uniquement pour le stockage de l'eau dans les parcelles rizicoles. Elles confèrent une nouvelle forme d'organisation de ces parcelles. Comme la culture est exigeante en eau, seules les zones marécageuses sont exploitées à cet effet. La riziculture exondée est absente dans le terroir, les planches sont plus rencontrées du côté sud-est près du bas fond. C'est dans cette zone que les sols argilo sableux sont présents et les conditions hydriques favorables. Les planches rizicoles sont de forme carrée, leurs surfaces sont comprises entre 200 et 500 m2. > la densité des pistes d'exploitation De la figue 4.2 obtenue à l'issu d'analyse d'image, il apparaît que les pistes d'exploitation appartiennent à un réseau du type maillé qui prend naissance sur la route principale du terroir. La densité des pistes du village, comme son type de paysage est mixte, donc moyenne. Si l'on s'en tient à l'espace cultivé, elle est plutôt élevée, car elle est fonction du niveau de saturation de l'espace. Malgré cette forte densité, il existe très p eu des pistes à bétail secondair es pouvant faciliter l' activité pastorale en c ertaines p ériodes. Ce facteur est à l'origine des con flits constaté en saiso n pluvieus e sur les p arcelles en j achères. Figure 4.2 : R éseau des pistes d'exploitation Cette figure d'e nsemble exprime, en dehors du dynamisme agraire, le degré de flux des bien s et servic es entre l es communautés internes et exte rnes. Elle confirme aussi l'accessibilité du village mentionné plus haut, qui constitue un facteur important d 'aménagement et de l a gestion des ressources via les plates formes de concertation. A travers ces pistes, mê me les habitations le s plus rec ulées parvi ennent à assurer le transport et même l'éc oulement de leurs pro duits agric oles ou pastoraux. Cel a traduit son importance dans l es échange s des produits entre les activité s de production du village mentionné par Aminou (20 07). Dans le terroir de Laïndé Karéwa, le mouvement des populations dans l'espace cultivé est sans doute plus marqué en période de culture. On le constate par le nombre réduit des pistes vers le côté nord du village. Ce nombre est par contre plus élevé au sud à cause de la présence du bas fond (confère figure 4.1) qui est un espace exploité en toute saison de l'année dont l'apport économique dans le village est très considérable. Pendant les temps d'intenses activités (préparation du sol, sarclages, récolte) le bas fond constitue une source d'activité potentielle pour les jeunes et les femmes. Les flux des hommes et des produits agricoles dans ce côté du terroir sont très considérables. C'est pourquoi nous déduisons de tout cela qu'il existe une étroite relation entre les activités agricoles et le mouvement des populations. De ces deux facteurs, la gestion des ressources est très dépendante. Il convient donc d'étudier les possibilités de mise en valeur de cet espace pour mobiliser les acteurs et favoriser la gestion durable et concertée des ressources naturelles. |
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